M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission et émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Patriat, Bérit-Débat, Bourquin, Courteau et Daunis, Mme Nicoux, MM. Raoul, Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Dans les centralités urbaines, il peut subordonner au respect des conditions qu’il fixe l’autorisation des implantations commerciales d’une surface hors œuvre nette supérieure à 300 mètres carrés ;
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Avec cet amendement, nous abordons un aspect fondamental de nos propositions, les trois intervenants de notre groupe l’ont d’ailleurs souligné au cours du débat qui vient d’avoir lieu.
Le texte proposé par la commission supprime toute capacité d’action dans les centres-villes ; nous souhaitons, à l’inverse, que le document d’aménagement commercial permette aussi de réglementer les implantations en centre-ville, non pas pour les empêcher, comme l’a dit tout à l’heure M. le rapporteur, mais au contraire pour les encourager.
Alors que vous envisagez tous les documents d’urbanisme comme des sources de contraintes, nous les considérons comme des outils d’orientation comportant des indications de nature à sécuriser les investisseurs. Nous proposons donc que, dans les centralités urbaines, le DAC puisse subordonner au respect des conditions qu’il fixe l’autorisation des implantations commerciales d’une surface hors œuvre nette supérieure à 300 mètres carrés – dans d’autres cas, nous proposons de fixer ce seuil à 500 mètres carrés et nous sommes disposés à négocier à la hausse.
En revanche, nous ne pouvons pas accepter vos arguments relatifs à la non-conformité de nos amendements au droit communautaire. Vous nous avez affirmé que la Commission européenne nous empêcherait de fixer un seuil inférieur à 1 000 mètres carrés. Je n’ai pas pu trouver de document écrit à ce sujet ; si vous en avez un, n’hésitez pas à nous le communiquer !
En fait, la Commission européenne impose progressivement à toutes les collectivités locales de fixer un seuil symbolique qui correspond à la taille moyenne des grandes surfaces en Europe. Or vous savez bien que la taille des grandes surfaces, en France, notamment dans le cas des hypermarchés, est supérieure à la moyenne européenne. Il serait donc possible de fixer un seuil de l’ordre de grandeur que nous proposons.
Admettons que nous réussissions à convaincre le Sénat du bien-fondé de cet amendement : sur quelle base juridique la Commission européenne pourrait-elle contester notre décision ? Elle n’aurait pas la possibilité de lancer une procédure en manquement, et pour cause : nous avons supprimé toute référence à une étude de marché, nous ne souhaitons pas subordonner les implantations à des études économiques, nous souhaitons les soumettre à des règles spécifiques. Il me semble donc que nous n’avons pas de souci à nous faire sur ce plan, contrairement à ce que vous nous serinez en permanence. Pourquoi ne pas soumettre le hard discounter au respect des règles en matière de desserte, de parcs de stationnement, de qualité environnementale ? Vous en conviendrez, nous ne pouvons pas admettre ces objections.
Les amendements qui nous ont été communiqués ce matin vont certes dans le bon sens, mais ils ne résolvent pas cette question. Nous maintiendrons cet amendement, car nous y sommes très attachés, non pas parce que nous l’avons déposé, mais parce qu’il correspond à une réalité économique et commerciale.
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par MM. Patriat, Bérit-Débat, Bourquin, Courteau et Daunis, Mme Nicoux, MM. Raoul, Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le document d’aménagement commercial précise les centralités urbaines qui font l’objet d’une interdiction de toute opération conduisant à la création d’une surface de vente hors œuvre nette de plus de 500 mètres carrés.
La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Claude Bérit-Débat vient d’évoquer un des points forts dont dépendra notre adhésion ou notre refus !
Nous souhaitons, depuis le début, préserver les centres-villes en déprise, c’est pourquoi nous proposons que la loi précise explicitement qu’il sera possible d’interdire toute implantation commerciale de plus de 500 mètres carrés dans certaines centralités urbaines. Nous faisons donc un pas dans votre direction, afin de préserver les cœurs de ville.
Il s’agit d’une faculté et non d’une obligation. Si les élus ne souhaitent pas interdire une implantation dans tel ou tel quartier, ils ne le feront pas ! De même, vous savez comme moi qu’un DAC qui interdirait tout, partout, serait annulé par le juge pour illégalité. En revanche, vous savez qu’il peut s’avérer nécessaire de stopper certaines dérives et c’est pourquoi vous aurez à cœur de voter notre amendement.
Enfin, je n’insiste pas sur les arguments relatifs au droit communautaire, Claude Bérit-Débat l’a fait avant moi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. J’avoue que j’éprouve de la peine à comprendre ceux qui veulent stimuler la vitalité des centres-villes en y imposant des contraintes ! Nous visons exactement le même objectif que vous, mes chers collègues, mais, pour l’atteindre, nous estimons qu’il ne faut pas imposer de contraintes dans les centres-villes pour permettre aux commerces de s’y installer comme ils l’entendent.
Si vous ne souhaitez pas que des commerces s’implantent dans certains quartiers, comme l’a dit notre collègue Patriat, déterminez vos centralités urbaines et vos zones de développement périphérique en fonction de cette préoccupation. Si vous créez une zone de centralité urbaine, c’est évidemment pour y laisser une liberté d’installation et permettre la revitalisation des centres-villes !
Tout le monde le sait – combien de personnes nous l’ont dit ! –, fixer un seuil à 300 mètres carrés ou 500 mètres carrés risque d’être catastrophique. Actuellement, on constate que la distribution alimentaire réinvestit les centres-villes avec des surfaces commerciales comprises entre 1 200 mètres carrés et 1 800 mètres carrés. Selon l’Institut de la ville et du commerce, ces établissements jouent le rôle de véritables « locomotives » dans la revitalisation des centres-villes. Tout le monde sait de quoi je parle, il suffit d’ouvrir les yeux !
J’étais à Deauville la semaine dernière : une enseigne que l’on a plutôt l’habitude de voir en périphérie sur des grandes surfaces s’est installée en plein centre-ville et elle joue pleinement ce rôle de locomotive. De ce point de vue, nous ne pouvons pas être d’accord avec les auteurs de ces amendements, car notre philosophie est différente : en imposant des contraintes, on participe à la dévitalisation des centres-villes !
Enfin, oui, le seuil que vous proposez est contraire au droit européen ! C’est très clair et je vous l’avais d’ailleurs démontré, me semble-t-il, lors de la réunion de la commission. Le problème de la délimitation doit être envisagé en termes de proportionnalité : si vous imposez des seuils faibles en périphérie – car c’est en général dans ces zones que l’on veut restreindre l’expansion des surfaces commerciales – et en centre-ville, le droit européen de la concurrence considère que des mesures de ce type tendent à éliminer certains types de commerces et qu’elles sont donc illégales !
Si vous fixez des seuils à 300 mètres carrés ou 500 mètres carrés en centre-ville et dans les zones périphériques, vous serez en infraction. Notre texte est conforme à la législation européenne parce que, si nous imposons des contraintes dans les zones périphériques, nous laissons la liberté d’installation dans les centres-villes.
Telle est bien l’économie de notre texte, et j’espère avoir été suffisamment clair, parce que je serai contraint d’être beaucoup plus bref dans mes avis sur les autres amendements si nous voulons terminer l’examen de cette proposition de loi cet après-midi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. J’avoue ne pas comprendre ces amendements ni leur argumentaire.
Leurs auteurs souhaitent aider les centres-villes. Mais, pour cela, il faut faciliter les implantations de surfaces commerciales ! Si vous imposez les mêmes règles à la périphérie et au centre-ville, vous ne créez aucun avantage concurrentiel au bénéfice du centre-ville. Or nous souhaitons donner cet avantage concurrentiel au centre-ville, notamment pour des surfaces supérieures à mille mètres carrés.
Prenons l’exemple des surfaces commerciales culturelles – la FNAC, Cultura, Leclerc Culture, etc. – qui sont de merveilleuses locomotives pour la redynamisation des centres-villes : leur surface varie toujours autour de 1 500 mètres carrés. Nous savons tous qu’une surface moyenne de cet ordre de grandeur, culturelle ou alimentaire, joue ce rôle de locomotive pour l’ensemble du commerce en centre-ville, en particulier pour les petites surfaces. Si vous n’avez pas de magasins d’une superficie de 1 000 mètres carrés à 1 500 mètres carrés dans votre centre-ville, vous pouvez être certains que celui-ci va dépérir et qu’il perdra tous ses petits commerces.
C’est la raison pour laquelle, comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, nous souhaitons donner un avantage concurrentiel aux centres-villes pour la création de moyennes surfaces commerciales.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote sur l’amendement n° 8 rectifié bis.
M. Claude Bérit-Débat. Je ne suis absolument pas convaincu par la démonstration légèrement caricaturale que viennent de nous offrir M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État.
Nous ne voulons pas interdire l’implantation de moyennes surfaces ni de grandes surfaces dans les centres-villes. Nous voulons simplement permettre à l’établissement public de coopération intercommunale ou au maire de choisir. Dire que c’est en favorisant la concurrence dans les centralités urbaines que l’on va les redynamiser relève d’un raisonnement à courte vue !
Nous souhaitons renforcer l’attractivité des centres-villes, mais d’une façon cohérente, sans laisser l’anarchie des enseignes revenir en force. Je ne parviens donc pas à comprendre votre interprétation, d’autant plus que, je l’ai déjà dit, elle me paraît caricaturale.
Je ne reviens pas non plus sur la question de la conformité de nos amendements au droit communautaire, car nos appréciations divergent. Nous sommes persuadés, quant à nous, que notre interprétation correspond à la réalité.
S’agissant de l’exemple d’une moyenne surface à vocation culturelle, je puis vous dire que, dans la ville dont je préside la communauté d’agglomération, sans en être maire, nous avons privilégié l’installation d’une grande surface à caractère culturel qui n’est pas une grande enseigne, au détriment d’une enseigne qui pouvait s’installer en périphérie. Nous avons trouvé les moyens de le faire, c’était un peu compliqué, car les règles antérieures à la loi de modernisation de l’économie, qui étaient un peu contraignantes, s’appliquaient encore à l’époque.
Alors, excusez-moi de vous le dire, vos arguments sont de faux arguments !
M. le président. L’amendement n° 78 rectifié bis, présenté par M. Merceron, Mme Gourault, MM. Deneux et Soulage, Mme Férat, M. Jarlier, Mme Morin-Desailly et M. Amoudry, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Néanmoins le projet d’implantation commercial doit être compatible avec les exigences en matière d’aménagement du territoire mentionnées à l’alinéa premier ;
La parole est à M. Jean-Claude Merceron.
M. Jean-Claude Merceron. Pour favoriser les implantations commerciales dans les centralités urbaines, l’alinéa 3 de l’article 1er de la présente proposition de loi rappelle que le document d’aménagement commercial ne peut pas poser de conditions relatives aux autorisations d’implantation commerciale.
Cet amendement vise à rappeler que ces autorisations doivent néanmoins respecter les objectifs – et non les conditions – du DAC, notamment en matière paysagère et architecturale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement est déjà satisfait par le texte de la proposition de loi. En effet, le premier alinéa de l’article 1er dispose que le DAC précise des orientations générales en matière commerciales « pour l’ensemble du territoire » du SCOT, incluant par conséquent les centralités urbaines. Je vous demanderai donc de retirer votre amendement, afin que je ne sois pas contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Merceron, l’amendement n° 78 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Merceron. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 78 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de quatorze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 73 rectifié, présenté par M. Merceron, Mmes Gourault, Létard et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° En dehors des centralités urbaines, les secteurs où l’autorisation des implantations commerciales d’une surface hors œuvre nette supérieure à 1 000 mètres carrés est subordonnée au respect des conditions qu’il fixe.
La parole est à M. Jean-Claude Merceron.
M. Jean-Claude Merceron. La proposition de loi laisse le soin aux collectivités territoriales de fixer le seuil à partir duquel le DAC est opposable. Dans le cas où ce seuil serait nettement supérieur à 1 000 mètres carrés, on risquerait de voir un grand nombre des surfaces commerciales échapper aux prescriptions du DAC, dont la portée se trouverait donc potentiellement affaiblie. En outre, une concurrence pourrait s’établir entre deux SCOT sur la fixation de ces seuils, ranimant les querelles de clocher sur les implantations commerciales.
Sachant combien il est important de soumettre les implantations commerciales au respect des prescriptions du III de l’article 1er, il semble indispensable de définir dans la loi un seuil à partir duquel le DAC est automatiquement opposable et de fixer ce seuil à 1 000 mètres carrés.
M. le président. L’amendement n° 52, présenté par Mmes Terrade et Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
peut subordonner
par le mot :
subordonne
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Le document d’aménagement commercial des schémas de cohérence territoriale doit délimiter, selon cet article, les centralités urbaines où celui-ci ne peut intervenir et, en dehors de ces centralités, les secteurs où il peut subordonner au respect des conditions qu’il fixe l’autorisation des implantations commerciales d’une surface de plus de 1 000 mètres carrés.
Cet amendement tend à renforcer le rôle du DAC afin, comme le souhaite le rapport, d’en faire un outil fort d’aménagement commercial.
Ainsi, nous estimons, au regard des conditions qui peuvent s’imposer aux implantations commerciales énumérées par le III de cet article – liées, notamment, à la localisation préférentielle des commerces, à la diversité des fonctions urbaines, à la densité maximale de construction et à l’existence de transports collectifs –, que la définition de ces exigences est essentielle, afin de donner plus de cohérence aux implantations commerciales et de permettre une consommation économe et maîtrisée des espaces. De ce fait, nous estimons qu’il ne suffit pas d’accorder au DAC la simple faculté de soumettre ces implantations au respect des conditions qu’il fixe.
Nous proposons donc de donner au respect des conditions fixées par le DAC un caractère impératif. Tel est le sens de cet amendement, qui pourrait être qualifié d’amendement de précision.
M. le président. L'amendement n° 87 rectifié bis, présenté par M. Merceron, Mme Gourault, MM. Deneux et Soulage, Mme Férat, M. Jarlier, Mme Morin-Desailly et MM. Amoudry et Dubois, est ainsi libellé :
1° Alinéa 4
Remplacer le mot :
conditions
par le mot :
prescriptions
2° En conséquence, alinéa 6 et alinéa 10, première et seconde phrases
remplacer le mot :
conditions
par le mot :
prescriptions.
La parole est à M. Jean-Claude Merceron.
M. Jean-Claude Merceron. Cet amendement est un amendement rédactionnel : l’expression « prescription d'urbanisme » semble plus appropriée que l’expression « condition d'urbanisme ».
M. le président. L'amendement n° 109, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Cet amendement vise à supprimer la première occurrence dans la proposition de loi de la référence à la typologie des équipements commerciaux de détail.
Nous proposerons, dans un amendement ultérieur, la suppression de cette typologie et j’imagine que nous aurons un débat important sur le sujet à ce moment-là. Je suggère donc que nous engagions la discussion à ce moment-là plutôt que maintenant.
M. le président. L'amendement n° 96 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme G. Gautier et M. Bernard-Reymond, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Supprimer les mots :
en fonction de la typologie définie au IV
II. – Alinéa 10
Supprimer les mots :
en fonction de la typologie définie au IV. Ces conditions peuvent également être différentes
III. – Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. En présentant cet amendement, dont l’objet porte sur la typologie prévue dans la proposition de loi, nous allons dans le même sens que M. le secrétaire d’État.
Il me semble tout d’abord qu’un grand nombre de contraintes et de sécurités ont déjà été établies en matière de commerce dans la LME.
En outre, les distinctions faites à l’alinéa 11 de cet article 1er ne correspondent pas aux caractéristiques des commerces contemporains.
Par exemple, je ne parviens pas à comprendre la distinction entre équipement de la maison et équipement de la personne, dans la mesure où nous avons des types de commerces mixtes, susceptibles d’évoluer, en fonction de leur chiffre d’affaires ou de la nature de leur clientèle, aussi bien de l’équipement de la maison vers l’équipement de la personne qu’inversement.
Si, vendant trop de biens à la personne dans le domaine de la salle de bain – des serviettes, des peignoirs, etc. –, je me mets à proposer à ma clientèle des éviers ou du carrelage, mon commerce doit-il être classé en équipement de la maison ou en équipement de la personne ? La question se pose aussi pour l’environnement de la cuisine et, plus généralement, pour de nombreux produits modernes.
Cette typologie est donc ancienne, elle ne correspond pas aux commerces contemporains et entraîne une privation de libertés pour le commerçant. Pourquoi ? Si je réussis à implanter un commerce, tout le monde est gagnant : la municipalité, le quartier qui gagnera en attractivité commerciale et, bien sûr, moi-même, le commerçant. Mais si je n’y parviens pas, j’ai au moins la liberté de revendre mon fonds de commerce. C’est donc bien la liberté du commerce qui est en cause.
Enfin, cette sectorisation est contraire à l’évolution communautaire. Dès lors, je me demande pourquoi on la prend encore en considération en France.
Monsieur le rapporteur, vous êtes souvent très convaincant lorsque vous demandez qu’on arrête d’imposer des contraintes inutiles et d’embêter les commerçants, notamment les petits commerçants. Je ne comprends pas comment vous qui faites preuve d’une telle force de conviction voulez nous entraîner à instaurer des contraintes trop importantes.
Pour toutes ces raisons, je propose de supprimer l’alinéa 11 de l’article 1er et toutes les références à la typologie des équipements commerciaux de détail.
M. le président. L'amendement n° 108, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 10
I. - Supprimer les mots :
en fonction de la typologie définie au IV. Ces conditions peuvent également être différentes
II. - Compléter cet alinéa par les mots :
tels que définis à l'article 4 bis
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Nous entrons dans le vif du sujet avec cet amendement puisque le Gouvernement propose, à l’instar de M. Dominati, la suppression de la typologie des commerces de détail.
L’argumentaire développé par la commission est le suivant : dès lors que l’on veut effectuer un rééquilibrage entre centre-ville et périphérie, il faut imposer des conditions supplémentaires en périphérie. Pour cela, M. le rapporteur propose d’intégrer cette typologie à la proposition de loi.
Le Gouvernement y est profondément défavorable.
Premièrement, comme je l’ai indiqué à l’occasion de la discussion générale, cette décision n’est pas cohérente avec le principe même de l’intégration au droit commun de l’urbanisme.
Que souhaitons-nous faire, aujourd’hui, avec cette proposition de loi ? Alors que coexistent actuellement des autorisations commerciales, fondées sur des principes économiques, et des autorisations classiques d’urbanisme, via le permis de construire, nous souhaitons supprimer les prescriptions d’ordre économique pour ne conserver que les prescriptions d’urbanisme. Mais, dans le même temps, nous réintégrerions dans le code de l’urbanisme des prescriptions économiques, à travers cette typologie clairement établie en fonction de critères économiques et commerciaux.
De ce point de vue, une contradiction apparaît, me semble-t-il, avec le principe même de l’intégration dans le droit de l’urbanisme. L’urbanisme n’a pas vocation à planifier l’activité économique dans ses moindres détails !
Deuxièmement – ce point est plus important encore –, cette évolution est contraire aux enjeux opérationnels dans nos villes.
Qu’adviendra-t-il, par exemple, des commerces existants ? Je vous rappelle que nous réglementons pour l’avenir en nous intéressant aux nouvelles installations commerciales, mais que les mètres carrés de surfaces déjà existantes se comptent en millions.
Que se passera-t-il quand des commerces, implantés dans des zones où ils étaient jusqu’à présent autorisés souhaiteront réaliser des travaux et devront, dans ce cadre, demander un permis de construire ?
Imaginez, mesdames, messieurs les sénateurs, le cas absurde – fréquent – où un SCOT n’autorise que les commerces alimentaires et les commerces d’équipement de la maison dans un secteur donné, alors que celui-ci accueille déjà des commerces d’un autre type, dont une boutique de loisirs et culture. Celle-ci, dont la surface hors œuvre nette est supérieure à 1 000 mètres carrés, dépose un permis de construire en vue d’un réaménagement de son local. La nouvelle réglementation est alors appliquée et – c’est fini ! – la boutique ne peut plus rester dans la zone.
Que fait-on dans ce cas ?
Et que fait-on de la valeur des commerces qui, dans ce cas de figure, ne pourront être vendus qu’à leurs propres concurrents ?
Vous allez autoriser un seul type de commerce dans le nord de la ville, par exemple les commerces d’équipement de la maison. Un commerçant de ce secteur qui décidera d’arrêter son activité et de vendre sa boutique devra obligatoirement la céder à un de ses concurrents. Je vous laisse imaginer – j’insiste même sur ce point, à l’intention de M. le rapporteur – les conséquences en termes d’apparition de friches commerciales…
Je le répète, lorsque des magasins existants devront être transformés ou vendus, un permis de construire sera nécessaire. Alors qu’ils étaient implantés dans une zone où ils étaient autorisés par le passé, ils ne le sont plus dorénavant. Je vous laisse imaginer les conséquences que cela pourra avoir.
Troisièmement, je sais qu’on va nous dire dans quelques instants que la Commission de Bruxelles a autorisé le recours à cette typologie dans un courrier.
M. Dominique Braye, rapporteur. Cela nous a été dit et écrit de façon moins nette, compte tenu de l’action du Gouvernement sur la Commission de Bruxelles.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. La lettre dont il est question est très nuancée : si vous voulez bien la reprendre, vous y lirez que l’interprétation première des représentants de la Commission européenne n’était pas celle qui a été retenue au final, mais que, après avoir entendu les arguments du sénateur Dominique Braye et du député Michel Piron, ils ont exprimé leur accord sur la présentation faite. Néanmoins, ils estiment que des adaptations sont nécessaires pour lever les ambiguïtés susceptibles d’entraîner des problèmes de compatibilité.
Or, dans le débat que nous avons, ces ambiguïtés ne sont pas levées, tout simplement parce que parler de successions de commerces et parler d’implantations de commerces, ce n’est pas la même chose !
Je vous le dis, mesdames, messieurs les sénateurs, en établissant un zonage en fonction de cette typologie, vous interdirez de fait à certains commerces de s’implanter – commerces de loisirs et culture, commerces d’équipement de la personne, par exemple…
M. Dominique Braye, rapporteur. On n’interdira pas tout si on a décidé d’un développement commercial !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Permettez-moi de terminer, monsieur le rapporteur, vous aurez la parole dans un instant…
Que tend à prévoir la proposition de loi ? Quatre types de commerce seraient identifiés et il serait possible de réserver certains secteurs de la ville à l’un ou plusieurs de ces types de commerce. Si je réserve une zone aux commerces alimentaires et aux commerces d’équipement de la maison, par exemple, cela sous-entend que j’y interdis les commerces d’équipement de la personne et les commerces de loisirs et culture. En d’autres termes, j’impose une interdiction à un secteur d’activité.
Allez présenter cela à Bruxelles ! Je crains malheureusement que, au nom de la libre implantation, la décision bruxelloise ne tombe comme un couperet.
C’est pourquoi le Gouvernement propose la suppression de cette typologie, et c’est un des points importants de l’examen de ce texte. En effet, j’ai déjà eu l’occasion de dire, dans la discussion générale, qu’il justifie en partie notre opposition à la proposition de loi.
M. le président. Les amendements nos 93 rectifié bis et 107 sont identiques.
L'amendement n° 93 rectifié bis est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Bockel et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 107 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 93 rectifié bis.