M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 114 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
À sa demande, l’avocat peut avoir accès tout au long du déroulement de la garde à vue à toutes les pièces du dossier pénal qui concernent directement la personne qu’il assiste.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement vise à permettre à l’avocat d’avoir accès, durant l’ensemble de la mesure de garde à vue, à la totalité des pièces du dossier pénal qui intéressent directement son client.
Concrètement, la restriction de la transmission à l’avocat des seules pièces sur lesquelles se fonde la garde à vue, et à la disposition de l’officier de police judiciaire, n’est justifiée que par la volonté de ne pas donner à l’avocat plus d’informations que celles dont dispose l’officier de police judiciaire. Or il est en réalité très rare qu’un officier de police judiciaire ne dispose pas de l’ensemble des éléments du dossier. Cela survient, par exemple, lorsque certaines mesures sont délocalisées.
On constate donc que l’argument qui fonde cet accès limité ne tient pas.
On rappellera que, dans son arrêt Danayan c/Turquie du 13 octobre 2009, la Cour européenne des droits de l’homme soulignait que « l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil » dès la première minute de sa garde à vue. Elle ajoutait également que « la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer ».
En d’autres termes, la Cour européenne des droits de l’homme a posé que l’assistance de l’avocat ne peut être limitée à sa seule présence et à la consultation des procès-verbaux d’audition. L’assistance doit être effective. Elle ne peut pas être à moitié ou au tiers ; il faut qu’elle soit complète. L’avocat doit immédiatement être en mesure d’assurer la défense de son client sur le fond de l’affaire qui a justifié la garde à vue, d’autant qu’une possibilité d’intervention lui est accordée par les nouvelles dispositions. Cette notion de défense effective a été reprise par le Conseil constitutionnel, puis par la Cour de cassation dans l’arrêt Sahraoui du 19 octobre dernier.
Or cette défense effective n’est évidemment pas garantie par l’article 7. Je ne comprends donc pas pourquoi cet amendement a reçu un avis défavorable. D’une manière ou d’une autre, l’assistance devra être effective. Cela prendra peut-être un peu de temps, mais il faudra y arriver !
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
peut consulter
par les mots :
peut, dès son arrivée, consulter l'ensemble du dossier pénal à disposition de l'officier de police judiciaire qui comprend notamment
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a le même objet que le précédent.
Comme M. Hyest n’aime pas l’adverbe « notamment », je précise que nous acceptons de le supprimer dans la rédaction que nous proposons.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas moi qui n’aime pas le mot : « notamment », c’est le droit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ! Et vous avez raison !
Bref, cet amendement n’a pas reçu un avis favorable, car le principe du secret de l’enquête lui a été opposé. Mais il faut rappeler que ce principe ne doit pas jouer au détriment des droits de la défense !
L’avocat est un professionnel du droit et il est lié déontologiquement par le secret qu’il a juré de garder en prêtant serment. Si cette obligation déontologique de non-révélation ne devait pas suffire à convaincre de l’absence de risque d’atteinte au secret de l’enquête et de l’instruction par l’avocat, l’article 226-13 du code pénal servirait de rempart contre les avocats fautifs passibles de répression.
Ainsi, le secret de l’enquête et de l’instruction serait préservé par le secret professionnel de l’avocat.
Rappelons que le justiciable doit bénéficier de l’assistance effective d’un avocat sans report possible, avec toute la panoplie des droits reconnus à la défense qui ne saurait être une défense alibi, mais qui doit être aussi active au cours de la garde à vue et de l’enquête que le parquet est susceptible de l’être dans son rôle d’enquêteur.
Le dossier est ce qu’il est. Certes, il n’est pas complet au début de l’enquête. Mais il serait normal que l’avocat en ait connaissance.
M. le président. L'amendement n° 79, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après les mots :
l'article 63-3,
Rédiger ainsi la fin de cette phrase :
et toutes les pièces qui mettent en cause directement son client.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement tend à préciser quels sont les droits d’accès de l’avocat au dossier. Aujourd'hui, ces droits sont limités à un certain nombre de pièces.
Le sens de cet accès est évidemment de permettre à l’avocat de savoir exactement ce qui est reproché à son client. Il convient donc d’aller au-delà de la formulation actuelle, très restrictive, pour préciser que l’avocat doit pouvoir accéder à toutes les pièces qui mettent en cause son client.
Pourquoi cette formulation ? On sait que l’accès total n’est pas possible. Les différentes parties du dossier ne sont pas toutes réunies au même endroit. Par ailleurs, l’avocat n’a pas forcément à avoir accès à des pièces qui concernent d’autres personnes que son client. Son accès est donc limité aux éléments relatifs à son client, par exemple aux déclarations d’un témoin ou d’une autre personne suspecte qui l’accusent.
M. le président. L'amendement n° 115 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et les pièces du dossier mettant en cause la personne gardée à vue
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de repli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Le projet de loi autorise la consultation des procès-verbaux d’auditions. Les différents amendements qui ont été exposés ouvriraient la possibilité de consulter toutes les pièces du dossier pénal qui concerneraient directement la personne.
J’ai encore en tête les propos d’un de nos éminents collègues, ancien garde des sceaux, lors du débat que nous avions organisé au Sénat sur la garde à vue en février 2010. J’avais été frappé par son témoignage, fondé sur ses expériences variées. Il soulignait que la consultation de l’intégralité du dossier pénal ne s’imposait qu’au stade de la mise en examen. Il nous rappelait qu’il ne fallait pas confondre la phase de l’enquête de police, d’une part, avec la phase judiciaire de la procédure, d’autre part.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. François Zocchetto, rapporteur. Il avait affirmé qu’en mélangeant ces deux étapes nous risquerions d’engendrer des difficultés, de sombrer dans la confusion la plus totale, voire d’entraîner la nullité de la procédure. Par ailleurs, le dossier pénal n’est pas une simple chemise contenant des notes et des photocopies. C’est l’élément clé de la procédure : il y a les pièces du dossier, qui serviront lors du procès, et les éléments qui ne figurent pas dans le dossier et n’ont aucune valeur.
Pendant l’enquête, de nombreux éléments sont versés au dossier. Or on connaît la difficulté qu’éprouvent les juges d’instruction à tenir leur dossier à jour, afin qu’il soit consultable par les avocats – je pense notamment à l’établissement d’une cotation correcte qui permette de disposer de pièces de procédure incontestables. Un officier de police judiciaire, qui ne sera pas assisté par un greffier et devra agir dans un laps de temps extrêmement bref, ne sera pas en mesure de présenter à tout moment de la garde à vue un dossier en ordre, accessible à l’avocat et non contestable dans la suite de la procédure.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. M. le rapporteur vient de présenter excellemment tous les arguments qui militent en faveur d’un avis défavorable sur ces quatre amendements. Je confirme cet avis, au nom du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote sur l’amendement n° 114 rectifié.
Mme Virginie Klès. Je m’étonne des objections qui nous sont opposées. M. le rapporteur a invoqué la difficulté de maintenir un dossier d’instruction à jour, avec toutes ses pièces cotées, mais la période de garde à vue étant beaucoup plus courte que la période d’instruction, la difficulté n’est absolument pas comparable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur le rapporteur, il est tout à fait louable de se référer aux propos de notre excellent et éminent collègue Robert Badinter, mais il faudrait vous y référer constamment : or je note que vous-même ou le Gouvernement le faites uniquement lorsque cela vous arrange ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. J’ai sous les yeux la page 62 du rapport car je m’attendais à l’objection de M. le rapporteur. Mais Robert Badinter a présenté d’autres propositions qui auraient mérité un accueil plus favorable, tant de la part de M. le rapporteur que de celle du Gouvernement.
Revenons-en aux quatre amendements qui visent à permettre à l’avocat d’avoir une vision du dossier qui ne soit pas tronquée. À défaut, comment remplira-t-il sa mission ? Il faut qu’il dispose au moins des procès-verbaux de toutes les auditions : cette solution me paraîtrait raisonnable. Nous risquons, dans le cas contraire, de voir surgir de nouvelles difficultés donnant matière à recours. Si vous ne voulez pas ouvrir l’accès à toutes les pièces du dossier pénal, permettez au moins à l’avocat de prendre connaissance de toutes les auditions. De toute façon, il faudra bien y venir !
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Excusez-moi de m’inviter dans ce débat, mais je souhaiterais apporter deux précisions.
Premièrement, Robert Badinter est signataire de notre amendement n° 79. Ce détail vous avait peut-être échappé.
Deuxièmement, l’expression « pièces qui mettent en cause directement son client » a été examinée avec Robert Badinter, et c’est en parfait accord avec lui qu’elle a été retenue, après de longs débats, notamment sur la notion de dossier. Il s’agit donc d’une proposition mûrement réfléchie de l’ensemble du groupe socialiste.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 80, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il peut en prendre copie par ses propres moyens.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, je vais vous faire un aveu : notre amendement ouvre à l’avocat la possibilité de « prendre copie par ses propres moyens » des éléments du dossier. En fait, notre volonté était simplement de permettre à l’avocat de « prendre copie » ; mais nous savions qu’en nous limitant à cette rédaction, nous nous exposions aux foudres de l’article 40 de la Constitution, c’est pourquoi nous avons ajouté les mots « par ses propres moyens ».
Sur le fond, nous voulons permettre à l’avocat de s’emparer intellectuellement du dossier pour, une fois rentré dans son cabinet, loin du feu de l’action, de pouvoir réfléchir aux pièces qu’il contient.
Aujourd’hui, il est tout à fait possible de prendre copie d’une pièce par ses propres moyens, grâce à un scanner portatif ou en recourant à un dictaphone pour conserver la trace d’un certain nombre d’éléments.
M. le président. L’amendement n° 116 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il ne peut en demander une copie.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement ne relève pas de la provocation.
La dernière phrase de l’alinéa 2 de l’article 7, relatif aux pièces communiquées à l’avocat, est actuellement ainsi rédigée : « Il ne peut en demander ou en prendre une quelconque copie ». J’ai écouté avec intérêt les explications de notre collègue Alain Anziani : que signifie « prendre copie » ? Cette formulation me paraît particulièrement surprenante : si l’on entend par là que l’avocat pourrait, de lui-même, emporter une copie du procès-verbal sans autorisation, c’est assez original !
Plus simplement, il me semble qu’il s’agit d’une maladresse rédactionnelle, car il est tout aussi illogique d’interdire strictement à l’avocat de posséder une copie de ce procès-verbal, dans la mesure où cette pièce participe de la régularité de la procédure de garde à vue. À mon avis, rien ne devrait empêcher un officier de police judiciaire de donner de lui-même une copie à l’avocat, dans le souci d’assurer une défense effective et loyale de la personne gardée à vue.
Quoi qu’il en soit, la rédaction qui prévoit que l’avocat ne peut « en prendre une quelconque copie » est trop vague : ou il a le droit ou il ne l’a pas ! Sinon, on pourrait croire qu’il est suspecté de chaparder des pièces ou de les copier en douce ! J’ai donc été particulièrement surpris de trouver cette formulation dans le texte du projet de loi.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il faut faire attention : bientôt, c’est l’avocat qui sera mis en garde à vue ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Je salue la sagacité rédactionnelle de notre collègue Jacques Mézard. Notre rôle consiste effectivement à élaborer le meilleur texte possible ; l’amendement n° 116 rectifié apporte donc très certainement une plus-value rédactionnelle.
En effet, la rédaction de l’amendement n° 80 de notre collègue Alain Anziani ne peut recueillir l’assentiment de la commission des lois, car l’expression « prendre copie » est floue. La formulation « une quelconque copie », qui figure dans le texte élaboré par l’Assemblée nationale, n’est pas meilleure.
C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 116 rectifié et un avis défavorable sur l’amendement n° 80.
J’ajoute, monsieur le président, qu’il aurait été opportun d’aborder dans la foulée l’amendement n° 81, qui traite exactement de la même question…
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 81, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il peut toutefois prendre des notes.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 81 ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement tend à préciser dans le texte du projet de loi que l’avocat peut prendre des notes. La commission des lois a estimé que c’était bien le moins que puisse faire un avocat et elle a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 80, présenté par M. Anziani.
En ce qui concerne l’amendement n° 116 rectifié, je partage le sentiment exprimé par M. Mézard : il faut soit autoriser, soit refuser la copie des pièces. Le Gouvernement souhaite la refuser. J’émettrais donc un avis favorable sur cet amendement si M. Mézard acceptait de le rédiger comme suit : « Il ne peut en demander ou en réaliser une copie ».
M. le président. Monsieur Mézard, que pensez-vous de la suggestion de M. le garde des sceaux ?
M. Jacques Mézard. Je l’accepte, monsieur le président, et je rectifie mon amendement en ce sens.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 116 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi et ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il ne peut en demander ou en réaliser une copie.
Veuillez poursuivre, monsieur le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. S’agissant de l'amendement n° 81, le Gouvernement considère que l’avocat du gardé à vue peut bien évidemment prendre des notes lorsqu’il consulte les procès-verbaux d’auditions. Il peut même en prendre pendant les auditions, cela ne pose absolument aucun problème.
Au demeurant, cette précision me paraît assez inutile, car elle ne relève pas du domaine de la loi. De plus, cet ajout pourrait entraîner des interprétations a contrario : ainsi, le code de procédure pénale ne précise pas que l’avocat peut prendre des notes lorsque le dossier d’instruction est mis à sa disposition ; il en prend quand même, c’est une question de fait.
J’ai bien compris que M. le rapporteur était favorable à cet amendement, mais il me semble qu’il ne faut pas trop corseter la pratique. Je serais donc plutôt enclin à émettre un avis défavorable, mais, afin de rester dans le cadre d’un dialogue fructueux, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 81.
(L’amendement est adopté à l’unanimité des présents.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 82, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
L’avocat peut assister aux auditions et confrontations de la personne gardée à vue.
La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 84.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et confrontations
Vous avez la parole, ma chère collègue, pour défendre les amendements nos 82 et 84 rectifié.
Mme Virginie Klès. Ces deux amendements ont pour objet de réaffirmer le droit de l’avocat d’assister non seulement aux auditions mais aussi aux confrontations du gardé à vue, sachant que l’initiative peut venir de lui-même, dans un cas, ou de la personne gardée à vue, dans l’autre cas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 82. En effet, ce n’est pas l’avocat qui va diriger la garde à vue. En outre, il apparaît préférable de laisser à la personne gardée à vue la liberté de décider si elle souhaite bénéficier ou non de la présence d’un avocat. Il n’appartient pas à l’avocat de se substituer au gardé à vue.
En revanche, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 84 rectifié. Tout ce qui vaut pour les auditions vaut aussi pour les confrontations.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement partage le sentiment de la commission sur l’amendement n° 82 ; aussi, il émet un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 84 rectifié, il est évident que l’avocat pourra assister à la confrontation. Dans la mesure où je ne suis pas avocat, il est possible que je commette une grave erreur – auquel cas je rectifierai ma position –, mais je considère que la confrontation et l’audition désignent la même chose.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai ! Il est déjà question, ailleurs, d’audition et de confrontation.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Par conséquent, cet amendement est satisfait.
La justice requiert d’amples réformes. S’il faut employer deux mots pour désigner une même réalité, on comprend que les processus soient parfois un peu longs ! Je le répète, une audition peut aussi être une confrontation.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce n’est pas la même chose !
Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est exact !
Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est une situation que j’ai vécue !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Tout le monde sait bien, ici, que ces deux termes désignent la même chose !
Certes, n’ayant, pour ma part, jamais été placé en garde à vue, je ne peux parler d’expérience ! (Sourires.) Cela viendra peut-être ! (Nouveaux sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela peut arriver à tout le monde !
M. le président. L'amendement n° 83, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Au cours de celles-ci, l'avocat peut prendre des notes.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Toujours dans le même esprit, nous proposons que l’avocat soit autorisé à prendre des notes au cours des auditions et des confrontations.
Je crois savoir que M. le président de la commission et M. le rapporteur souhaiteraient que je rectifie cet amendement de manière à en affiner la rédaction. J’annonce d’emblée que j’accède bien volontiers à cette demande.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. J’espère que M. le garde des sceaux ne nous en voudra pas de vouloir, une nouvelle fois, autoriser l’avocat à prendre des notes ! (Sourires.)
Comme M. Anziani l’a évoqué, la commission lui suggère de rectifier son amendement en remplaçant les mots « au cours de celles-ci » par les mots « au cours des auditions ou confrontations », le reste demeurant sans changement.
M. le président. M. Anziani a d’ores et déjà indiqué qu’il acceptait de rectifier son amendement dans ce sens.
Il s’agit donc de l’amendement n° 83 rectifié, ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Au cours des auditions ou confrontations, l'avocat peut prendre des notes.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il va y être défavorable, car cet amendement ne peut que lui déplaire ! (Sourires.)
M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’avoue que les bras m’en tombent un peu ! Il est quand même bizarre que ce soient des avocats qui soutiennent de telles idées !
Après tout, pendant que l’avocat prend des notes, il se tait et il ne fait rien d’autre. Il vaudrait mieux pour son client qu’il s’exprime pour le soutenir, mais il est vrai qu’il ne peut prendre la parole qu’à la fin de l’audition.
M. François Zocchetto, rapporteur. Il ne peut pas poser de question !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, il ne peut parler qu’à la fin !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le temps qu’il relise ses notes et l’audition ou la confrontation sera terminée !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ne sont pas tous idiots !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’avais dans l’idée – étrange idée, probablement – que l’avocat avait toute liberté pour prendre des notes ou ne pas en prendre. Bientôt, nous serons amenés à examiner un amendement visant à indiquer à quel moment il doit prendre ses notes ou quelles abréviations il doit utiliser…
L’avocat est libre. Il construit avec son client une relation de confiance et c’est la raison pour laquelle ce dernier l’a désigné.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s’agit juste de l’autoriser à prendre des notes !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Autoriser ou non l’avocat à prendre des notes ne relève pas du domaine de la loi, et M. le président de la commission des lois le sait très bien. Aussi, j’en appelle à son autorité. Cela étant, si l’objectif est de faire plaisir à tout le monde, j’accepte bien volontiers, tout en renouvelant l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement, d’accueillir le résultat du vote avec une grande sagesse. (Sourires.)