M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Aujourd’hui, on peut être placé en garde à vue pour toutes sortes d’infractions, sauf en cas d’enquête de flagrance. La garde à vue peut ainsi être décidée pour des contraventions, pour toutes sortes de délits qui ne sont pas susceptibles d’être sanctionnés par une peine d’emprisonnement.
Le texte qui vous est soumis introduit deux limites importantes.
En premier lieu, il exclut du champ de la garde à vue toutes les infractions qui ne sont pas punies d’une peine d’emprisonnement.
Mme Virginie Klès. Il n’y en a pas beaucoup !
M. François Zocchetto, rapporteur. Et les contraventions ?
Mme Virginie Klès. Les personnes concernées sont mises en garde à vue ?...
M. François Zocchetto, rapporteur. Dans un certain nombre de cas, oui, malheureusement !
En second lieu, le texte prévoit que la prolongation de la garde à vue ne sera possible que si la personne encourt une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à un an.
Cette double restriction introduite par le texte constitue un changement considérable.
Comme je l’ai déjà dit en commission et à la tribune, si nous suivions les auteurs des amendements, la fixation d’un seuil écarterait de la garde à vue des infractions qui présentent un caractère de réelle gravité et qui peuvent justifier une telle mesure.
Ainsi, sont punis de moins de trois ans d’emprisonnement et seraient donc exclus du dispositif de la garde à vue les atteintes sexuelles sur un mineur de plus de 15 ans commises par un ascendant ou une personne ayant autorité, les atteintes à la vie privée, la soustraction des parents à leurs obligations légales, le harcèlement sexuel ou moral, la mise en danger de la vie d’autrui, les propositions sexuelles à un mineur par internet, les infractions liées aux dérives du bizutage, les atteintes au respect dû aux morts, le délit de fuite, les destructions ou dégradations d’un bien appartenant à autrui, ainsi qu’un certain nombre de délits d’outrage. Convenez que cela mérite réflexion, d’autant que cette liste n’est pas exhaustive !
Par ailleurs, fixer un seuil de trois ans d’emprisonnement entraînerait obligatoirement une diminution des droits des personnes mises en cause. En effet, en l’absence de garde à vue, l’avocat n’interviendrait plus. On assisterait à un développement des auditions libres, dont vous ne voulez pas plus que moi.
Mme Nathalie Goulet. Je n’en suis pas sûre !
M. Jean-Pierre Michel. C’est un sophisme !
M. François Zocchetto, rapporteur. Si l’amendement n° 67, que nous avons examiné précédemment et qui visait à prévoir que toute personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction ne pourrait être interrogée sans avoir eu la possibilité de s’entretenir avec un avocat ou d’être assistée par lui, avait été adopté, la garde à vue aurait pu être réservée à un nombre limité d’infractions. Mais, dès lors qu’il n’a pas été voté,…
M. Jean-Pierre Michel. Et pour cause !
M. François Zocchetto, rapporteur. … l’adoption des amendements en discussion aurait pour effet de restreindre les droits des personnes mises en cause.
Au terme d’échanges nourris, la commission a donc émis un avis défavorable sur ces quatre amendements.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes le roi du sophisme !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je partage l’objectif des auteurs de ces amendements, qui est de diminuer fortement le nombre des gardes à vue. Sur ce point, nous sommes tous d’accord.
En revanche, nous divergeons sur la méthode à employer pour y parvenir. Comme l’a dit M. Badinter lors de la discussion générale, tout est affaire de proportionnalité, et le procureur aura la responsabilité de veiller à ce que la mesure soit proportionnée à la gravité des faits. Il devra décider au cas par cas s’il est ou non justifié de recourir à la garde à vue, car il n’y a pas de règle générale, pas d’automaticité en la matière. C’est bien pour cette raison que le procureur doit exercer un contrôle effectif sur les motifs de la décision de placement en garde à vue, comme l’a souligné M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Fixer un quantum de peine ne serait pas compris par la population, qui n’admettrait pas que, de façon générale et absolue, il ne soit pas possible de placer en garde à vue les auteurs de faits de rébellion, d’outrages, d’exhibitions sexuelles, d’infractions à la législation sur les étrangers, de refus d’obtempérer, de violations de domicile, de délits de fuite, de délits de détention de faux documents administratifs ou de détention d’images de mineurs présentant un caractère pornographique. Il faut faire confiance au magistrat chargé de contrôler la garde à vue. Ne tombons pas dans un système automatique : chaque situation doit pouvoir être jugée in concreto !
Très honnêtement, la méthode proposée par les auteurs des amendements ne me semble pas être la bonne. Nos débats de ce soir pourront peut-être servir de base à la rédaction d’une instruction destinée à expliquer tout cela, en insistant notamment sur la notion de proportionnalité et sur l’absence d’automaticité, aux procureurs généraux, qui veilleront ensuite à ce que les procureurs chargés de contrôler les gardes à vue œuvrent dans l’esprit que je viens de définir devant la Haute Assemblée.
Au bénéfice de cet engagement, je demande aux auteurs des amendements de bien vouloir les retirer.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur les amendements nos 16 rectifié et 106 rectifié.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le garde des sceaux, nous sommes nous aussi sensibles aux craintes de l’opinion publique.
Cela étant, le placement en détention provisoire n’est déjà pas possible quand la peine encourue est inférieure à trois ans d’emprisonnement. La personne concernée comparaît libre.
Par ailleurs, la plupart des infractions que vous avez citées relèvent du flagrant délit. Or, dans ce cas, notre amendement prévoit que le quantum de peine ne soit que d’un an d’emprisonnement, car les faits, commis en public, choquent la population. La garde à vue est alors possible.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Nous avons en effet le même objectif, monsieur le garde des sceaux, à savoir réduire le nombre des gardes à vue. Cependant, je ne suis pas convaincu que c’est en adressant une instruction que vous y parviendrez ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il a suffi que nous annoncions une réforme pour que l’on enregistre une diminution de 10 % !
M. Jacques Mézard. Si cela suffisait, cela aurait été fait depuis longtemps, et nous n’en serions pas là aujourd'hui !
Vous avez mis la barre trop bas, et vous le savez bien, par peur de réactions dans l’opinion publique et parmi les professionnels, alors que ceux-ci sont unanimes pour estimer que la situation est devenue inacceptable, insupportable, d’abord pour eux-mêmes.
En prévoyant, à l’article 2, que la prolongation de la garde à vue ne sera possible que si la personne est soupçonnée d’avoir commis une infraction punie d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à un an, vous reconnaissez implicitement que vous n’êtes pas sur le bon chemin…
M. Jacques Mézard. Vous pourriez faire un effort et envoyer un signal positif, qui témoignerait de la sincérité de votre intention de diminuer le nombre des gardes à vue.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le rapporteur, les arguments que vous avez avancés ne valent que lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement. Sinon, elle ne dispose pas de plus de garanties dans votre système.
Par ailleurs, dans les pays où un quantum de peine a été fixé en matière de garde à vue, les exhibitionnistes, les harceleurs sexuels et autres délinquants relevant des catégories que vous avez citées sont-ils pour autant moins punis qu’en France ?
Enfin, qu’insinuez-vous, monsieur le garde des sceaux, en invoquant les réactions de la population ? Que les délinquants ne seront pas punis s’ils n’ont pas été placés en garde à vue ? C’est de la propagande ! Il suffit d’expliquer clairement que la punition et l’emprisonnement ne sont pas liés à la garde à vue !
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.
Mme Virginie Klès. Monsieur le ministre, vos arguments m’étonnent quelque peu.
Alors que nous débattons de l’équilibre entre le respect des libertés individuelles et les nécessités de l’enquête, vous nous avez indiqué, à deux reprises, que votre attitude, en tant que garde des sceaux, garantissait le maintien de cet équilibre.
Mme Virginie Klès. Ainsi, le fait que vous n’ayez jamais donné d’instructions aux procureurs depuis votre prise de fonctions, somme toute récente, garantirait selon vous leur indépendance ! Mais, à mes yeux, seule la loi peut la garantir !
Dans le même esprit, à vous en croire, le nombre des gardes à vue va baisser parce que vous allez adresser une instruction en ce sens aux procureurs généraux !
Permettez-moi de vous dire que le comportement d’un ministre, aussi exemplaire soit-il, n’apporte aucune garantie ! La seule garantie, c’est la loi !
M. Jean-Pierre Michel. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 rectifié et 106 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99 rectifié quinquies.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 169 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 183 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 70, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La confirmation du placement en garde à vue par le procureur de la République intervient sous quatre heures.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement vise à prévoir que la garde à vue décidée par l’officier de police judiciaire sera confirmée par le procureur de la République dans un délai de quatre heures.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La rédaction proposée par M. Anziani réduirait les droits du gardé à vue, dans la mesure où certains procureurs pourraient être tentés de n’intervenir qu’au bout de quatre heures, alors qu’aujourd’hui ils doivent contrôler la garde à vue immédiatement.
Par conséquent, la commission n’est pas favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, je rectifie cet amendement afin de préciser que la confirmation du placement en garde à vue par le procureur de la République doit intervenir au plus tard au bout de quatre heures.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La confirmation du placement en garde à vue par le procureur de la République intervient au plus tard au bout de quatre heures.
Veuillez poursuivre, monsieur Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Permettez-moi de profiter de cette rectification pour répondre au propos de notre cher rapporteur sur les officiers de police judiciaire.
Monsieur Zocchetto, les OPJ n’ont aucun pouvoir propre et ne décident de rien.
M. Jean-Pierre Michel. Non, ils sont sous l’autorité du procureur de la République et n’ont pas de pouvoir propre.
Par conséquent, quand ils prennent la décision de placer en garde à vue, c’est en fait le procureur de la République qui décide. Ensuite, il faut l’intervention d’un juge.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 70 rectifié ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La rectification ne modifie pas l’avis de la commission, qui reste défavorable à l’amendement.
Monsieur Jean-Pierre Michel, il s’agit d’une question que nous avons étudiée. La garde à vue doit-elle être décidée par l’officier de police judiciaire ou sur instruction du procureur ? Nous en sommes restés au système actuel : l’officier de police judiciaire décide le placement en garde à vue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Jean-Pierre Michel, il faut distinguer deux cas : le contrôle et l’habilitation.
Il est tout à fait exact que les officiers de police judiciaire sont sous le contrôle du procureur de la République. Toutefois, l’article 63 du code de procédure pénale précise bien que « L’officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l’enquête, placer en garde à vue toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction. ». Par conséquent, les officiers de police judiciaire ont un pouvoir propre.
M. Jean-Pierre Michel. Non !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. On peut toujours échanger des arguments. Mais, même si j’ai moins rédigé d’articles du code que vous-même et donc moins commis de péchés que vous en matière pénale, je maintiens qu’un pouvoir propre est reconnu à l’officier de police judiciaire.
M. le président. L'amendement n° 108 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux alinéas précédents, la personne à l'encontre de laquelle il existe des raisons sérieuses de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un délit flagrant puni par une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à six mois d’emprisonnement peut être placée en garde à vue. Cette mesure fait l'objet d'une décision motivée du juge des libertés et de la détention et ne peut être utilisée que si elle est l'unique moyen de procéder à la vérification d'identité du suspect, de faire cesser la commission de l'infraction sous réserve de l'application de l'article L. 3341-1 du code de la santé publique, ou de garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République aux fins de mettre ce magistrat en mesure d'apprécier la suite à donner à l'enquête.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L’amendement n’a plus d’objet !
M. Jacques Mézard. L’efficacité du travail des forces de l’ordre et des magistrats peut justifier, dans certaines conditions très précises, qu’une personne soit placée en garde à vue, même si les faits dont elle est soupçonnée sont punis de moins de trois ans d’emprisonnement conformément à ce que nous proposions.
Cet amendement a donc pour objet d’établir un tel dispositif placé sous l’appréciation du juge des libertés et de la détention, lequel devra, le cas échéant, motiver sa décision.
M. le président. Monsieur Jacques Mézard, dans mon extrême bonté, je vous ai laissé présenter cet amendement qui, en vérité, n’a plus d’objet...
Je vous présente toutes mes excuses, monsieur le président de la commission.
M. le président. Mais reconnaissez que c’est très rare !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le tout est de ne pas faire de récidive ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Vous ne risquez pas la garde à vue ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L’amendement n° 108 rectifié n’a donc plus d’objet.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 17, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Après les mots :
le contrôle
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
du juge des libertés et de la détention ou, à défaut, du président du tribunal de grande instance ou de son délégué.
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 72, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 12, première phrase
Remplacer le mot :
Quarante-huitième
par le mot :
vingt-quatrième
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement ne tombant pas, j’ose vous demander encore un petit effort, monsieur le garde des sceaux !
Il tend à prévoir que la prolongation de la garde à vue au-delà de vingt-quatre heures relève du juge des libertés et de la détention.
Nous l’avons dit, dans le contexte actuel et avec les moyens dont on dispose, après ce délai, il nous semble que la décision doit revenir au juge naturel de la détention : le juge judiciaire.
M. le président. L'amendement n° 175, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 12, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. - En conséquence, alinéa 13
Remplacer les mots :
Ce magistrat
par les mots :
Le procureur de la République
La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement n° 175 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 72.
M. François Zocchetto, rapporteur. L’amendement n° 175 vise à clarifier la rédaction des alinéas 12 et 13 de l’article 1er.
Pour des raisons déjà longuement évoquées, la commission ne peut accepter l’amendement n° 72, car elle est défavorable au fait d’avancer le contrôle effectué par le juge des libertés et de la détention à la vingt-quatrième heure plutôt qu’à la quarante-huitième heure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Selon la Cour européenne des droits de l’homme elle-même, le juge du siège ne doit intervenir qu’à la quarante-huitième heure. Par conséquent, nous sommes parfaitement dans ce délai, que les États membres peuvent aménager à leur guise.
Nombre d’entre eux ont choisi, pendant ce délai, de confier la garde à vue uniquement aux forces de police. La France choisit, si le Sénat le veut bien, de confier le contrôle à un magistrat, ce qui est quand même un peu mieux. Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 72 de M. Anziani.
En revanche, il est favorable à l’amendement n° 175 de la commission.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Je souhaite effectivement expliquer mon vote sur l’amendement n° 175 de la commission. Mais, auparavant, permettez-moi de clore une discussion que j’ai eue avec M. le garde des sceaux.
Je soutiens que le parquet est hiérarchisé et qu’il est indivisible. Par conséquent, même les substituts n’ont pas de pouvoir propre. Ils agissent à la place du procureur de la République.
Il en est de même des officiers de police judiciaire qui les assistent, même s’ils prennent la décision. Aucune disposition du code de procédure pénale n’y changera rien : c’est la pyramide ! Le procureur de la République du tribunal est le seul à avoir le pouvoir et, dans la conduite de l’action publique, il n’est même pas placé sous l’autorité du procureur général. Que les choses soient claires !
S’agissant de votre amendement, monsieur Zocchetto, c’est le bouquet, le fin du fin ! Il reviendrait au procureur de la République – je passe sur le reste… –, partie poursuivante, décidant de la garde à vue ou de sa prolongation, de délimiter les droits de la défense. C’est absolument ubuesque !
Le texte était flou mais, dans votre grande rectitude et honnêteté, vous voulez l’éclaircir et précisez que c’est le procureur de la République qui « assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue ».
M. François Zocchetto, rapporteur. C’est clair !
M. Jean-Pierre Michel. Par conséquent, celui-ci tout à la fois poursuit et assure la protection de la défense.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. Jean-Pierre Michel. Franchement, les bras m’en tombent ! Cela ne veut strictement rien dire !
Le procureur de la République n’a pas à contrôler le respect des droits de la défense – encore serait-il un juge du siège… Il n’a aucun pouvoir en la matière, même pas un pouvoir disciplinaire !
En définitive, monsieur Zocchetto, vous êtes trop honnête : il valait mieux rester dans l’ambiguïté !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Je suis très heureux que M. Jean-Pierre Michel reconnaisse mon exigence de clarté vis-à-vis du texte. En effet, nous assumons complètement la rédaction du projet de loi, telle qu’elle a été retenue par la commission des lois. Il était nécessaire, à ce stade de nos travaux, de préciser quel était le magistrat concerné, en l’occurrence le procureur de la République.
Mais j’aurais presque pu vous proposer une autre solution, mes chers collègues, à savoir la suppression de l’alinéa 14 de l’article 1er. Cette disposition me semble effectivement aller de soi. Cela a déjà été expliqué longuement, dès lors que le procureur de la République est un magistrat et que, selon la Constitution, l’autorité judiciaire protège la liberté individuelle, nous aurions normalement pu nous passer d’ajouter qu’il assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue.
Il s’agit simplement d’une précision supplémentaire, qui clarifie le texte et, de ce fait, m’apparaît bonne.
Par ailleurs, mes chers collègues de l’opposition, vous ne cessez de parler de partie poursuivante. Ce n’est vraiment pas le sujet ! En outre, tout comme, précédemment, l’auto-incrimination, ce terme fait référence à des procédures anglo-saxonnes. À un moment, il va nous falloir réécrire toutes ces notions en français, car nous en arrivons à des confusions entre les procédures anglo-saxonnes de type accusatoire et notre procédure pénale en vigueur et ces différentes notions finissent par s’entrechoquer. Nous voyons bien les limites de l’exercice…
Donc, ne parlez plus de partie poursuivante, en tout cas dans ce débat sur la garde à vue.
À ce stade de l’intervention du parquet, qui ne fait qu’assurer le contrôle de la garde à vue, je ne conçois pas le procureur de la République comme une partie poursuivante.
M. le président. L'amendement n° 107 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il apprécie également si l’exécution de la mesure se fait dans des conditions compatibles avec le principe du respect de la dignité de la personne.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement peut être considéré comme une rustine, mes chers collègues, car, manifestement, son adoption n’apporterait qu’une très légère amélioration au malheureux texte qui nous est proposé. (Exclamations.)
Dans sa décision du 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a posé le principe selon lequel il appartenait aux autorités judiciaires et aux autorités de police judiciaire compétentes de « veiller à ce que la garde à vue [fût], en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne ». Je considère que ce principe doit être affirmé dans la loi.
Permettez-moi également d’indiquer que, s’agissant du très intéressant débat entre M. le garde des sceaux et notre collègue Jean-Pierre Michel, ce dernier a bien raison.
En effet, l’article 12 du code de procédure pénale, qui est une des bibles du garde des sceaux, établit ce que nous savons tous : « La police judiciaire est exercée, sous la direction du procureur de la République, par les officiers, fonctionnaires et agents désignés au présent titre ». Selon l’article 13 du même code, traitant de la cour d’appel, « la police judiciaire est placée, dans chaque ressort de cour d’appel, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l’instruction conformément aux articles 224 et suivants ».
D’ailleurs, il y aurait peut-être lieu à modifier et améliorer les dispositions de cet article 224.
M. Jacques Mézard. J’ai démontré que Jean-Pierre Michel a tout à fait raison sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. M. Jacques Mézard est vraiment un perfectionniste !
En effet, l’article 8 du projet de loi tend à prévoir que « la garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne ». Vous n’allez pas remettre en cause ce point, mes chers collègues. On peut donc considérer, dès à présent, que vous voterez cet article.
Il est en outre précisé, à l’alinéa 14 de l’article 1er, que « le procureur de la République assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue ».
Le procureur de la République garantit donc obligatoirement le respect de la dignité de la personne pendant sa garde à vue. Nous n’avons pas besoin de le dire deux fois !
C’est pourquoi, monsieur Mézard, je vous suggère de retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?