Mme Bariza Khiari. S’il supprime, à notre grand regret, une disposition essentielle pour la protection des victimes de violence conjugale, l’article 17 AA en prévoit une autre.
Or, bien que le rapporteur affirme qu’il s’agit d’une simplification à droit constant, nous considérons qu’il y a là un recul face à un droit acquis.
En effet, contrairement à ce qui est actuellement prévu dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il faudra désormais que la victime, pour obtenir de plein droit la délivrance ou le renouvellement de sa carte de séjour, bénéficie d’une ordonnance de protection, cette dernière permettant au juge aux affaires familiales de prendre en urgence et pour une durée maximale de quatre mois l’ensemble des mesures propres à assurer la protection de la victime.
Au travers du présent amendement, nous proposons de prendre en compte dans le dispositif le caractère temporaire et limité de l’ordonnance de protection, soit quatre mois au maximum.
Concrètement, il s’agit de permettre au préfet d’accorder de plein droit un titre de séjour aux personnes victimes de violences qui ont fait l’objet d’une ordonnance de protection voilà trois ans au maximum, et non plus aux seules personnes qui bénéficient à ce moment précis d’une ordonnance de protection.
Tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 17 AA est extrêmement réducteur et exclut du dispositif de protection de nombreuses femmes battues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les auteurs de l’amendement n° 126 proposent de permettre à une victime de violences conjugales d’obtenir automatiquement la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour dès lors qu’elle a, à un moment donné, bénéficié d’une ordonnance de protection.
Nous comprenons leur intention, tout à fait légitime, mais une telle disposition risquerait de créer des effets inopportuns.
Certes, l’ordonnance de protection est une mesure temporaire, destinée à protéger la victime dans l’urgence. Elle peut d'ailleurs être suivie d’une procédure pénale ; dans ce cas, la victime est susceptible de bénéficier de dispositions protectrices.
Toutefois, la proposition de nos collègues va trop loin, nous semble-t-il, car elle offrirait un droit au séjour quasiment permanent aux victimes de violences conjugales, quelle que soit la date à laquelle leur a été délivrée l’ordonnance de protection et quelle que soit l’issue donnée à la procédure par la justice. Le droit en vigueur paraît déjà suffisamment protecteur.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
De même, pour des raisons identiques, elle est défavorable à l’amendement n° 318.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. En complément des propos de M. le rapporteur, je tiens à préciser que la loi du 9 juillet 2010 possède un pouvoir de protection important, notamment à l’égard des femmes victimes de violences.
Il n’est pas possible de créer, comme le souhaitent les auteurs des amendements que nous examinons, un principe d’automaticité ; il appartiendra aux autorités administratives d’apprécier, en fonction des situations, s’il faut, ou non, émettre le titre de séjour.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ne recommencerons pas le débat sur la loi du 9 juillet 2010. Une évaluation de ce texte sera réalisée, dont nous tirerons un certain nombre d’enseignements. Pour le moment, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 126 et 318.
M. le président. Je mets aux voix l'article 17 AA.
(L'article 17 AA est adopté.)
Articles additionnels après l'article 17 AA
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 130, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Au début, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'étranger, pour lequel il existe des motifs raisonnables de croire qu'il est victime des infractions mentionnées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, bénéficie, s'il le souhaite, d'un délai de réflexion de trois mois pendant lequel il est autorisé à séjourner sur le territoire, afin de lui permettre de se rétablir, de se soustraire à l'influence des auteurs de l'infraction et de décider en connaissance de cause de coopérer ou non avec les autorités compétentes. »
2° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant le mention “vie privée et familiale” est délivrée à l'étranger qui coopère avec les autorités publiques concernant les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et à 225-5 à 225-10 du code pénal soumises à son encontre. »
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La condition prévue à l'article 311-7 n'est pas exigée. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Depuis la loi du 24 juillet 2006, l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit la possibilité de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » aux ressortissants des pays tiers victimes d’atteintes à la dignité humaine qui témoignent ou portent plainte.
Bien sûr, nous nous félicitons de cette amélioration du statut accordé aux victimes qui acceptent de participer aux procédures engagées aux fins de faire cesser les atteintes en question.
Toutefois, je le répète, nous souhaitons d’autres améliorations.
D’une part, nous proposons de réécrire le premier alinéa de l’article L. 316-1 du code susvisé, afin d’aller au-delà de la simple possibilité de délivrer un titre de séjour.
D’autre part, nous suggérons d’instituer un délai de réflexion pour ces victimes, afin de leur permettre de mesurer la réelle portée de leur engagement à coopérer. En effet, celles-ci peuvent, et c’est légitime, craindre des représailles à leur encontre ou envers leurs proches, par exemple si elles participent à l’identification des auteurs des infractions dont elles ont été victimes, et refuser dès lors toute contribution à l’enquête.
L’instauration d’un délai de réflexion de trois mois doit leur permettre de s’engager, ou non, mais de façon éclairée, dans une coopération avec les autorités compétentes.
D’ailleurs, la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains, adoptée par le Conseil de l’Europe et ratifiée par la France en 2008, réaffirme la nécessité d’offrir un délai de réflexion « lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que la personne concernée est une victime ».
Elle précise : « Ce délai doit être d’une durée suffisante pour que la personne concernée puisse se rétablir et échapper à l’influence des trafiquants et/ou prenne, en connaissance de cause, une décision quant à sa coopération avec les autorités compétentes. Pendant ce délai, aucune mesure d’éloignement ne peut être exécutée à son égard ».
Mes chers collègues, nous vous proposons par conséquent de reconnaître la situation de ces personnes, qui sont avant tout des victimes.
M. le président. L'amendement n° 339 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 316-1 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est ».
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps les amendements nos 339 rectifié et 341 rectifié, qui sont de même facture.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 341 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et qui est ainsi libellé :
Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au second alinéa de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « peut être délivrée » sont remplacés par les mots : « est délivrée ».
Veuillez poursuivre, monsieur Yung.
M. Richard Yung. Ces amendements visent à assurer la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire aux personnes victimes de la traite des êtres humains, c'est-à-dire, essentiellement, de la prostitution ou de l’exploitation de la mendicité – nous observons d'ailleurs des exemples de cette dernière dans les transports en commun.
Actuellement, les mesures prises en matière d’éloignement des victimes sont insuffisantes.
En effet, les personnes qui décident de porter plainte contre l’auteur de tels faits sont maintenues dans une situation de précarité et d’extrême fragilité, alors même que la justice a reçu leur plainte ou reconnu le préjudice qu’elles ont subi. Même s’il existe un dispositif de protection de celles ou ceux qui acceptent de parler, il est très peu utilisé et ne sert pas à grand-chose.
Lorsque la personne victime de la traite humaine ne bénéficie pas d’un titre de séjour, il lui est difficile de se loger, de travailler, en un mot de vivre.
Afin de protéger ces personnes et de leur permettre de se reconstruire, il est essentiel de leur offrir de plein droit un titre de séjour pérenne.
Tel est l'objet de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les auteurs de l’amendement n° 130 proposent d’offrir un droit de réflexion, assorti d’un droit au séjour de trois mois, aux victimes de la traite des êtres humains avant que celles-ci ne décident, ou non, de s’engager dans une procédure pénale à l’encontre des auteurs des faits.
Les dispositions de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile permettent d’ores et déjà de délivrer une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » à l’étranger victime de la traite des êtres humains ou de proxénétisme ou qui accepte de témoigner dans une telle affaire. En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, la victime, ou le témoin, peut se voir délivrer une carte de résident.
Il a donc semblé à la commission des lois que le droit en vigueur était déjà très protecteur. En revanche, les dispositions proposées par nos collègues iraient trop loin, voire risqueraient d’encourager des démarches dilatoires.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 339 rectifié. Ses auteurs proposent de rendre automatique la délivrance d’une carte de séjour à l’étranger qui porte plainte ou témoigne dans une affaire relative à la traite des êtres humains ou au proxénétisme.
À l’heure actuelle, je le rappelle, une telle délivrance relève du pouvoir d’appréciation du préfet. Il est important de conserver cette faculté de l’autorité administrative, faute de quoi nous risquerions de voir apparaître des dépôts de plaintes dilatoires, motivés par la seule recherche d’un titre de séjour.
Par ailleurs, la modification de la partie réglementaire du code précité relève de la compétence du Gouvernement, la loi prévoyant d’ores et déjà la possibilité de délivrer un titre de séjour d’un an à ces victimes.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Enfin, pour des raisons identiques, elle est défavorable à l’amendement n° 341 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur les amendements nos 130, 339 rectifié et 341 rectifié.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 338 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au premier alinéa de l'article 15-3 du code de procédure pénale, après le mot : « pénale », sont insérés les mots : «, et ce sans condition de nationalité ou de régularité de séjour, ».
II. - Après le 10° de l'article L. 511-4 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un 10°bis ainsi rédigé :
« 10° bis L'étranger qui se présente dans un commissariat ou une gendarmerie pour déposer plainte pour des faits de violences ; ».
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Au travers de cet amendement, nous entendons encourager les personnes qui souhaitent porter plainte à s’engager dans cette procédure.
En effet, il existe un risque réel que les personnes étrangères en situation irrégulière victimes de violences – ce sont les cas que nous avons évoqués tout à l'heure – ne se fassent interpeller lorsqu’elles décident de porter plainte si la police judiciaire a une interprétation restrictive de sa fonction. Il s'agit là d’un problème majeur, dont témoignent certaines affaires récentes.
Or le droit à porter plainte est un principe général, qui constitue une traduction directe du droit d’accès à la justice. Il est donc indispensable d’assurer à toute personne la possibilité de porter plainte, et cela sans condition de séjour ou de nationalité.
Les membres de feu la CNDS, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ont observé que « en faisant primer la situation irrégulière des personnes victimes de violences dépourvues de titres de séjour, celles-ci se voient interdire, de fait, de déposer plainte et de faire sanctionner les auteurs de ces violences, permettant ainsi leur impunité ».
Par ailleurs, les modifications proposées du code susvisé sont nécessaires pour permettre aux personnes étrangères de ne pas être interpellées puis expulsées lorsqu’elles se rendent dans un commissariat ou une gendarmerie pour porter plainte.
Je crois que l’intérêt de la société, ainsi que celui de la police et de la gendarmerie, est de faciliter ce type de dépôt de plainte : c’est ainsi que nous pourrons remonter les filières et démanteler les réseaux qui exploitent la prostitution ou la mendicité.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il s'agit ici de la lutte contre les violences, pas contre les réseaux !
M. Richard Yung. Cette disposition serait donc tout à fait positive pour notre pays.
M. le président. L'amendement n° 127, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article 15-3 du code de procédure pénale, après les mots : « à la loi pénale », sont insérés les mots : «, et ce sans condition de nationalité ou de régularité de séjour ».
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le rapporteur, je regrette que vous ayez émis un avis défavorable sur l’amendement n° 130. Je constate que vous refusez de vous conformer aux préconisations du Conseil de l’Europe.
Comme l’a souligné M. Yung, si le droit prévoit que « les victimes d’infractions à la loi pénale » peuvent porter plainte, en pratique les officiers de police ont trop souvent une vision restrictive de la définition des victimes, ne retenant que les seules personnes françaises ou titulaires d’une carte de séjour. Telle est la réalité !
Des modifications du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont nécessaires pour permettre aux personnes étrangères de ne pas être interpellées, puis expulsées, lorsqu’elles se rendent dans un commissariat ou une gendarmerie pour porter plainte contre des faits de violence les plaçant en situation de danger.
Ces modifications permettraient de rendre conforme la loi avec l’avis adopté par la Commission nationale de déontologie de la sécurité, à la suite duquel le directeur de cabinet du garde des sceaux a indiqué à l’époque : « l’identification des auteurs d’actes délictueux et l’effectivité du droit reconnu à toute personne de déposer une plainte nécessitent qu’un étranger en situation irrégulière victime d’une infraction pénale, puisse porter plainte dans un service ou une unité de police judiciaire sans risquer de se voir inquiéter et de faire l’objet de poursuites pénales en raison de sa situation administrative ».
De même, dans son avis 2008-85 du 19 octobre 2009, feu la Commission nationale de déontologie de la sécurité observe que « en faisant primer la situation irrégulière, des personnes victimes de violences et dépourvues de titres de séjour, [celles-ci] se voient interdire, de fait, de déposer plainte et de faire sanctionner les auteurs de ces violences, permettant ainsi leur impunité. »
En conséquence, nous serions tous bien avisés de voter le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 338 rectifié vise, en son paragraphe I, à préciser que l’officier de police judiciaire est tenu d’enregistrer la plainte déposée par l’étranger, fût-il en situation irrégulière. C’est également l’objet de l’amendement n° 127.
Le paragraphe II de l’amendement n° 338 rectifié tend à indiquer qu’un étranger qui dépose plainte pour des faits de violence ne peut être éloigné.
Sur le premier point, il va de soi que n’importe quelle personne se présentant au commissariat de police ou à la gendarmerie peut parfaitement déposer plainte et que cette dernière doit être impérativement enregistrée quand bien même le plaignant serait en situation irrégulière.
Sur le second point, il ne paraît pas souhaitable d’indiquer dans la loi que la circonstance, ponctuelle, selon laquelle un étranger s’est présenté pour porter plainte pour des faits de violence peut, à elle seule, entraîner la possibilité générale de prononcer une mesure d’éloignement.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 338 rectifié et 127.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. L'amendement n° 131, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La carte de séjour temporaire prévue à l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut être délivrée pour un an à un étranger qui justifie d'une démarche de réinsertion, attestée par la participation à un programme de réinsertion, en accord avec les personnes concernées, organisée par les services de l'État ou par une association figurant sur une liste établie chaque année par arrêté préfectoral dans le département concerné, et qui se propose, par son statut, d'aider les victimes.
Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelable à deux reprises dans les mêmes conditions et pour la même durée.
À l'expiration de ce délai, la carte de séjour temporaire peut être renouvelée si l'étranger apporte la preuve qu'il peut vivre de ses ressources propres.
Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Déjà en 2002 j’avais déposé une proposition de loi comportant une disposition similaire à celle que je vous soumets ce soir, mes chers collègues.
Nous souhaitons aider les personnes prostituées victimes de réseaux mafieux à recouvrer leur dignité en leur reconnaissant le statut de victimes avec les conséquences que ce statut induit.
Les personnes prostituées, majoritairement d'origine étrangère et très souvent soumises à des violences terribles de la part de leurs exploiteurs, peuvent se retrouver rapidement privées de tout droit et de toute dignité humaine. On le sait, la prostitution va de pair avec la violence, l'humiliation, la domination.
Ces personnes sont d'autant plus fragilisées qu'elles ne possèdent pas de papiers et sont à la merci de leur proxénète ou de réseaux de proxénétisme.
La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, en s'attaquant aux personnes prostituées étrangères pour atteindre leur proxénète, n'a fait que les fragiliser davantage en mettant fin à la situation de violence dans laquelle elles se trouvent dans des conditions souvent difficiles et en facilitant leur reconduite à la frontière.
De telles expulsions du territoire sont d'autant plus inacceptables qu'elles peuvent exposer les personnes prostituées à de réels dangers. On en voit des exemples quotidiens dans la presse si l’on y prête attention.
C'est pourquoi nous proposons de délivrer une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an à toute personne prostituée étrangère qui justifie d'une démarche de réinsertion, qu'elle ait ou non s ses exploiteurs, à l’inverse de ce que prévoit la loi de 2003.
Nous considérons en effet contraire à nos principes fondamentaux le fait de conditionner la sécurité d'une personne à une coopération avec les forces de l’ordre ou la justice. On sait d’ailleurs très bien que, dans ce domaine, c’est impossible. D'autant que les personnes prostituées se trouvent dans un état psychologique fragilisé et peuvent hésiter à dénoncer leur proxénète aux services de police.
Ce titre de séjour doit par ailleurs être renouvelable et donner droit à l'exercice d'une activité professionnelle, afin de permettre à ces personnes, autant que possible, de reprendre leur vie en main.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je précise que l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile permet d’ores et déjà à une victime de la traite des êtres humains, qui a déposé plainte ou témoigné dans une affaire de proxénétisme ou de traite des êtres humains, de se voir délivrer une carte de séjour temporaire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à la victime ou au témoin. Le droit en vigueur offre donc d’ores déjà des dispositions protectrices, voire très protectrices. En outre, l’amendement n° 131 paraît relativement complexe et ne vise pas spécifiquement les victimes de la traite des êtres humains.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.