M. Jean-Pierre Sueur. C’est très clair !
M. le président. L'amendement n° 145, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
et après avis de la commission compétente de chaque assemblée
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il est bien nécessaire que je défende cet amendement, car la présentation déformée que vient d’en faire M. Anziani n’est pas acceptable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Par cet amendement, le Gouvernement propose de supprimer l’avis de la commission compétente de chaque assemblée sur les nominations d’adjoints par le Premier ministre, et je souhaite vous expliquer pourquoi.
Les règles applicables aux nominations sont définies par la Constitution ; je pense qu’il est temps d’y être un peu attentif, monsieur Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais je n’ai rien dit, moi !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Vous ne pouvez vous contenter d’invocations désabusées à notre loi fondamentale. La Constitution, c’est ce qui organise notre vie collective et les rapports entre les pouvoirs publics.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous la maniez bizarrement, la Constitution !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. À mon sens, il faut tout de même s’en souvenir.
L’article 13 de la Constitution concerne les pouvoirs de nomination par le Président de la République d’un certain nombre d’autorités. Les autres cas relèvent du pouvoir réglementaire reconnu au Président de la République par l’article 21.
La révision constitutionnelle de 2008 a expressément prévu l’intervention du Parlement pour les nominations effectuées par le Président de la République, ce qui est inédit sous la Ve République. En effet, jamais auparavant la consultation des commissions compétentes du Parlement n’avait été requise pour les nominations relevant de la compétence du chef de l’État.
En revanche, la Constitution ne fixe aucune obligation similaire pour les nominations décidées par le Premier ministre. Depuis les lois constitutionnelles de 1875, ou peut-être même un peu plus tard, le chef du Gouvernement est le détenteur du pouvoir réglementaire. C’est donc lui qui nomme aux emplois civils et militaires de l’État lorsque cela ne relève pas de la compétence du Président de la République.
La Constitution ne prévoit pas l’intervention des commissions parlementaires lorsque le Premier ministre exerce son pouvoir de nomination. C'est la raison pour laquelle je vous demande de modifier le deuxième alinéa de l’article 11 A.
M. Jean-Marc Todeschini. Ce n’est pas très clair !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est même brumeux !
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
après avis
insérer les mots :
conforme à une majorité des trois cinquièmes
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s’agit d’un amendement de repli sur la nomination des adjoints.
Le texte de la commission revient à la position qui avait été retenue en première lecture.
Le Défenseur des droits propose des adjoints, les commissions compétentes de chaque assemblée donnent un avis purement formel et le Premier ministre nomme.
Nous avons ainsi la possibilité d’être créatifs ; essayons de l’être !
En réalité, c’est le Défenseur des droits qui choisit ses adjoints. Or, nous ne le répéterons jamais assez, le Défenseur des droits est lui-même directement nommé par le Président de la République.
Les commissions parlementaires compteront peu dans la nomination des adjoints, sauf si nous décidons qu’elles doivent émettre un avis conforme. Cela leur donnerait une réelle légitimité par rapport au Défenseur des droits.
Il nous paraît donc indispensable de leur conférer cette légitimité en prévoyant un vote conforme à la majorité des trois cinquièmes – vous pouvez changer la condition de majorité, si vous le souhaitez !
Nous refusons que les adjoints soient de simples collaborateurs du Défenseur des droits, car nous voulons leur donner visibilité et légitimité.
Puisque ce projet de loi organique porte sur une institution de nature constitutionnelle, comme M. le rapporteur et M. le ministre nous le répètent depuis tout à l’heure, il appartient donc au législateur de se montrer créatif. De grâce, ne restreignons pas nous-mêmes les quelques pouvoirs dont nous disposons, nous en exerçons déjà si peu…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais, puisque la Constitution ne précise rien sur ce point, le législateur peut faire œuvre créatrice sans entrer en contradiction avec la Constitution. Au lieu de retrancher sur ses pouvoirs, le législateur ferait mieux de chercher à les étendre ! Cette attitude serait tout à fait salutaire ici pour asseoir la crédibilité des adjoints du Défenseur des droits.
M. le président. L’amendement n° 135, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
- Un adjoint, dénommé Défenseur de l’égalité, est choisi pour ses connaissances ou son expérience dans le domaine de compétence visé au 3° de l’article 4.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. En déposant cet amendement, nous avons voulu redire toute l’importance que nous accordons au travail réalisé par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
Nous considérons en effet que la HALDE a assis sa réputation par sa jurisprudence et que cette notoriété a permis de grands progrès dans le domaine de la lutte contre les discriminations en France. Il nous paraît donc important de la « signaler » dans ce projet de loi organique et de préserver son identité. C’est pourquoi nous proposons une nouvelle rédaction de cet alinéa 5.
M. le président. L’amendement n° 116, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le Défenseur des droits délègue ses attributions au Défenseur des enfants et à ses adjoints, dans leur domaine de compétence, à l’exception de celles mentionnées aux articles 16, 23, 24 et au dernier alinéa de l’article 15.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Robert Badinter a exposé les raisons de fond qui nous amènent à souhaiter le maintien du Défenseur des enfants et nous venons d’en débattre longuement.
Si le Défenseur des enfants doit malheureusement disparaître sous les coups de boutoir de la majorité, nous voudrions malgré tout que, placé désormais auprès du Défenseur des droits, il dispose d’une large autonomie en matière de défense et de promotion des droits des enfants, sinon il ne ferait plus qu’assurer le secrétariat du Défenseur des droits dans ce domaine.
C’est pourquoi nous proposons de modifier la rédaction de l’alinéa 7 de cet article pour souligner l’importance et l’autonomie du Défenseur des enfants, même rattaché au Défenseur des droits.
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par M. Portelli, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
peut déléguer ses attributions à ses adjoints
par les mots :
délègue ses attributions au Défenseur des enfants ainsi qu’à ses adjoints
Cet amendement n’a plus d’objet.
L’amendement n° 146, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après la référence :
25
insérer la référence :
et 27
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaite inclure l’article 27 au nombre des compétences du Défenseur des droits qui ne peuvent faire l’objet d’une délégation.
En effet, la présentation du rapport du Défenseur des droits au Président de la République et aux présidents des deux assemblées parlementaires ne peut en aucun cas être déléguée à ses adjoints, dès lors que cette attribution l’engage en tant qu’autorité constitutionnelle à l’égard des autres pouvoirs publics. Cela n’exclut naturellement pas que des aspects thématiques de ces différents rapports soient traités, en tout ou en partie, par ses adjoints.
M. le président. L’amendement n° 117, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Avant les mots :
Chaque adjoint
insérer les mots :
Le Défenseur des enfants ou
Cet amendement n’a plus d’objet.
Quel est l’avis de la commission sur les sept amendements restant en discussion ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 60, la rédaction retenue en deuxième lecture par la commission donne largement satisfaction à ses auteurs, puisqu’elle rétablit, à la fois, la possibilité de nommer d’autres adjoints, la possibilité, pour les adjoints, de suppléer le Défenseur à la présidence des collèges et l’avis des commissions sur la nomination des adjoints – mais cette disposition deviendra sans objet, comme nous le verrons tout à l’heure. Cette rédaction précise, par ailleurs, le champ des compétences qui pourront faire l’objet d’une délégation.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Votre rédaction est censée nous donner satisfaction, mais notre demande devient sans objet !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Quant à l’amendement n° 31, la nomination après avis conforme des commissions compétentes à la majorité des trois cinquièmes conférerait aux adjoints un poids comparable, voire supérieur, à celui du Défenseur des droits, alors que les adjoints ne sont que ses collaborateurs.
Selon moi, nous devons conserver un élément important à l’esprit : la Constitution n’a pas prévu l’existence d’adjoints, nous les avons créés nous-mêmes. Seul existe le Défenseur des droits, qui assure la protection des droits des enfants, le respect de la déontologie de la sécurité et la lutte contre les discriminations.
Comme le Défenseur ne peut pas assurer seul l’ensemble de ces compétences, la commission des lois du Sénat a estimé qu’il était nécessaire de prévoir l’existence d’adjoints, ne serait-ce que pour le suppléer, mais les adjoints ne sont que les collaborateurs du Défenseur des droits. Or tous les amendements de l’opposition visent à les rendre autonomes.
Par conséquent, je ne peux émettre qu’un avis défavorable sur tous les amendements qui ont pour but de réduire les prérogatives du Défenseur des droits et de transformer ses adjoints en autorités autonomes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
En revanche, l’amendement n° 145 du Gouvernement est intéressant. En effet, je n’avais pas eu connaissance initialement des arguments que le Gouvernement vient de développer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aïe, aïe, aïe !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Les collaborateurs du Défenseur des droits ne peuvent pas être en opposition avec lui. C’est impossible ; s’ils manifestent leur opposition, ils seront virés ! Il n’y a pas d’autre terme…
M. Alain Anziani. Et voilà !
M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est logique et c’est normal : ils ont pour vocation d’assister le Défenseur des droits et non d’organiser la contestation au sein de ses services.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est du centralisme démocratique !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Par conséquent, l’argument développé par le Gouvernement me paraît tout à fait défendable, raison pour laquelle j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 145.
M. Jean-Pierre Sueur. À titre personnel ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Non ! La commission a statué ce matin !
Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Éliane Assassi. Ah bon ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Par ailleurs, comme je l’ai dit, les amendements nos 61, 135 et 116 reçoivent un avis défavorable.
Enfin, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 146 du Gouvernement, qui tend à exclure la présentation du rapport annuel du Défenseur des droits du champ des prérogatives que le Défenseur pourrait déléguer à ses adjoints. Là encore, c’est le Défenseur qui est responsable, ses adjoints n’ont pas d’existence juridique en dehors des compétences que le Défenseur leur délègue.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce sont des potiches !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je fais miens les avis du rapporteur pour les amendements autres que ceux que le Gouvernement a déposés.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l’amendement n° 60.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mon explication de vote vaut également pour les autres amendements, monsieur le président.
En réalité, monsieur le rapporteur, j’ai l’impression que le travail de la commission des lois ne sert à rien !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Pourquoi donc ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est pourtant ce que vous venez de dire vous-même ! En effet, nous avons discuté de cette question assez longtemps et à plusieurs occasions. Il me paraissait que la commission des lois, dans sa majorité – c’est-à-dire au-delà des sénateurs qui appartiennent à l’opposition – était plutôt favorable à l’idée de conforter les adjoints, que je devrais désormais appeler « subordonnés ». Cette position était justifiée par l’idée que le Défenseur des droits était appelé à devenir une grosse machine – peut-être aura-t-il un cabinet qui se substituera aux adjoints, afin que le Défenseur soit éclairé et que son avis puisse l’emporter sur celui des adjoints ! Le Défenseur sera donc « doublé » par une sorte de cabinet, tandis que les collèges et autres instances seront réduits à la plus simple expression, s’ils ne sont pas purement et simplement supprimés !
J’avais donc l’impression que la majorité de la commission des lois adoptait une optique différente et voulait, non pas s’opposer à la Constitution, mais conforter la position des adjoints parce que, du fait de leurs compétences et de l’assistance de collèges, ils avaient la possibilité d’étudier les questions au fond. Certes, le Défenseur est seul saisi et c’est à lui qu’il revient de statuer, dans votre conception, mais il ne peut pas tout savoir, malgré son gros cerveau !
Tout d’un coup, M. le rapporteur ayant beaucoup réfléchi depuis la semaine dernière, décide que les adjoints n’existent plus, qu’ils ne sont même plus que des « subordonnés », ce sera plus précis que « collaborateurs ». Au fond, ils deviennent des agents du Défenseur des droits, chargés de préparer les dossiers, si on le leur demande – parce que le Défenseur peut ne rien leur demander ! –, et le Défenseur décide seul ; peut-être aura-t-il décidé avant même d’avoir pris l’avis de ses subordonnés…
La commission s’est donc ralliée finalement à la logique que nous avions critiquée : la loi crée, pour un pays de 60 millions d’habitants, une sorte de monstre, dépourvu de relais décentralisés, qui recevra des milliers de réclamations dont il fera passer une bonne partie à la poubelle, parce qu’il s’inscrit dans une logique de reprise en main des institutions qui étaient jusqu’à présent chargées de statuer sur des questions aussi délicates que la lutte contre les discriminations, les droits des enfants ou les pouvoirs de la police.
Monsieur le rapporteur, je regrette énormément ces péripéties : sans déformer le travail de la commission des lois, il me semble que sa majorité avait adopté une optique sensiblement différente. Vous statuez tout seul ce soir, puisque M. le président de la commission des lois s’est absenté.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je ne peux pas vous laisser dire cela !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Franchement, ce mode de fonctionnement pose un problème !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je voudrais répondre à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, au moins sur un point : c’est nous qui avons « inventé » les adjoints…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Exprès !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Pourquoi « exprès » ?
M. Jean-Pierre Sueur. Depuis que vous les avez inventés, vous ne cessez de les ratiboiser !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas du tout, monsieur Sueur ! Nous avons mis en place les adjoints, parce que nous nous sommes rendu compte que le Défenseur des droits ne pouvait pas être seul et qu’il avait besoin de collaborateurs et d’aide ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Nous avons mis en place les adjoints et les collèges, qui n’étaient pas prévus au départ.
Cela dit, ce matin, la commission des lois s’est ralliée au point de vue que défendait le Gouvernement.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela s’est passé si vite que personne ne s’en est rendu compte !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Seuls les imbéciles ne changent jamais d’avis ! Nous nous sommes appliqués à respecter la Constitution : celle-ci prévoit l’existence du seul Défenseur des droits et non celle d’adjoints autonomes, exerçant des compétences particulières et dotés d’un pouvoir de contestation des décisions du Défenseur des droits.
Vous ne voulez pas le comprendre, parce que vous voulez maintenir, en réalité, quatre institutions ! Je suis désolé de vous dire que ces institutions n’existent plus à partir du moment où le Défenseur des droits est institué.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Les propos de notre rapporteur appellent un mot de réponse.
En effet, nous assistons à un nouvel épisode, une « resucée » de ce que nous avons vécu lors de la première lecture : la commission des lois, après avoir adopté une disposition, a décidé d’en soutenir une autre. Tout le monde s’en souvient !
J’avais compris, mais peut-être avais-je mal compris, que la commission des lois, unanime dans sa sagesse, avait décidé qu’un avis des commissions parlementaires compétentes était nécessaire pour la désignation des adjoints.
L’idée n’est pas alors apparue stupide à M. Gélard à cette époque, puisque c’était la sienne, et la commission l’a votée ! (M. le rapporteur s’exclame.) C’est un fait, monsieur le rapporteur, en dépit de tout ce que vous affirmez aujourd'hui sur la Constitution. Il y a huit jours, lorsque vous nous avez fait cette proposition, la Constitution ne vous a pas étouffé !
Par ailleurs, il s’agit non pas d’un avis rendu à la majorité des trois cinquièmes, comme nous le demandions, mais d’un avis simple. Il faut donc plutôt rassembler trois cinquièmes des parlementaires des commissions compétentes pour s’opposer à la nomination de l’adjoint. Il y a donc très peu de risque qu’un tel cas se rencontre.
Mme Éliane Assassi. Il n’y a aucun risque !
M. Jean-Pierre Sueur. Même cette proposition, qui était bénigne, pose un problème. Et voilà que, derechef, M. le ministre brandit l’amendement n° 145.
Ce matin, en commission, tout s’est passé très vite. Comme toujours, nous avons juste eu le temps de tourner les pages et je dois avouer que je ne m’étais pas rendu compte de ce changement de position.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel talent !
M. Jean-Pierre Sueur. M. le rapporteur ne lui a d’ailleurs pas donné une publicité considérable, ce qui n’aurait pas manqué d’attirer notre attention...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il vous a bien eus !
M. Jean-Pierre Sueur. Maintenant, nous avons compris : on veut faire de ces collaborateurs des serviteurs. Ils doivent être plongés dans le non-être.
Tous vos propos témoignent que votre intention, finalement, est de leur laisser un semblant d’existence vacillante ayant toutes les apparences de l’apparence dans l’ombre et dans la noirceur. Nul ne se rend plus compte de leur existence ; nul ne sait à quoi ils servent. C’est, somme toute, assez pitoyable, monsieur le ministre, de constater que vous défendez l’ultra-jacobinisme,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. … l’ultra-centralisation, pour tout dire une gestion parfaitement archaïque. Seriez-vous en train de définir une armée en mouvement de l’ancien temps ?
Monsieur Mercier, j’aurai tout vu ! Finalement, je ne serai pas venu pour rien !
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. Je serai certainement moins lyrique que M. Sueur…
Le texte initialement rédigé par la commission était source de confusion,…
M. Patrice Gélard, rapporteur. Exact ! Jean-Jacques Hyest l’avait signalé !
M. François Zocchetto. … car il prévoyait la nomination des adjoints après avis des commissions compétentes. La divergence qui vient d’être exprimée entre les différents points de vue met l’accent sur la philosophie qui sous-tend ce projet de loi.
Que feront les adjoints ?
M. Jean-Pierre Sueur. On se le demande !
M. François Zocchetto. Premièrement, ils agiront par délégation du Défenseur des droits.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est sûr !
M. François Zocchetto. C’est écrit dans le texte.
Deuxièmement, ils suppléeront le Défenseur des droits pour la présidence de chacun des collèges en leur qualité de vice-président.
Il me paraît normal que le Défenseur des droits puisse proposer - et non désigner directement, cette responsabilité incombant au Premier ministre -, les adjoints auxquels il donnera une délégation et qui pourront le suppléer. Je ne vois donc pas en quoi le Parlement devrait intervenir dans ces désignations.
À l’inverse, il faut conserver l’avis des commissions compétentes pour la nomination la plus importante, celle du Défenseur des droits, car l’autorité qu’il retirera de son passage devant les commissions doit être préservée.
Par conséquent, il est heureux que la commission des lois ait corrigé son texte, ce qui clarifie très nettement l’ensemble du projet de loi organique et évite des ambiguïtés.
Pour ma part, je ne voterai pas l’amendement n° 60 et j’annonce dès à présent que je voterai l’amendement n° 145 du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Pardonnez-moi, mais je resterai simple.
J’avais compris, à l’issue de longues explications, qu’il fallait donner un rôle fondamental aux adjoints, justement parce qu’ils étaient rassemblés sous une seule autorité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous aviez bien compris !
M. Christian Cointat. Je ne me suis rallié à ce texte que parce qu’il en était ainsi !
M. Jean-Pierre Sueur. Voilà !
M. Christian Cointat. Or, je ne vous le cache pas, je commence à être troublé. Ce ne sont même plus des adjoints, ce sont des collaborateurs, des fonctionnaires. Au fur et à mesure que le débat avance, ils ont de moins en moins d’importance.
Désolé, mais leur rôle est capital puisqu’ils doivent décharger le Défenseur des droits d’une grande part de son travail.
Monsieur le garde des sceaux, vous nous dites que la Constitution ne prévoit pas l’avis des commissions parlementaires pour les nominations qui relèvent du Premier ministre.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais c’est comme pour les adjoints au maire !
M. Christian Cointat. Si c’était prévu par la Constitution, il ne serait pas nécessaire de l’inscrire dans la loi, puisque l’on ne recopie pas la Constitution dans la loi.
Quoi qu’il en soit, rien dans la Constitution n’interdit non plus de le faire, si on en décide ainsi. J’avais trouvé particulièrement intéressante et habile l’idée du rapporteur de contourner la difficulté de cette manière.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Christian Cointat. Ce matin, la commission semble avoir changé d’avis. J’en suis d’autant plus désolé que je n’ai pu assister à cette réunion. J’ai découvert la situation après coup. La convocation m’est parvenue alors que j’étais en déplacement à l’étranger. Je tâcherai de mieux m’organiser la prochaine fois, mais qu’il me soit permis de vous dire que, si j’avais assisté à la réunion de la commission des lois, je n’aurais pas approuvé l’amendement du Gouvernement, par cohérence avec l’approche qui a été la nôtre jusqu’à présent.
Bien évidemment, le débat reste ouvert, les esprits peuvent évoluer ; mais, puisque nous voulons donner plus de pouvoir au Parlement, c’eût été une façon élégante de concilier les points de vue des uns et des autres.
Voilà pourquoi, à mon plus grand regret, monsieur le garde de sceaux, je ne voterai pas votre amendement.
M. Jean-Pierre Sueur. Soyez plutôt heureux !
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Dans cette discussion, deux logiques s’opposent de manière implacable. Le point de départ, et le vrai point de désaccord, réside dans la définition de la fonction de Défenseur des droits.
La première logique voudrait que le Défenseur des droits soit chargé, en les concentrant, des missions d’une multitude d’anciennes autorités administratives indépendantes. Le système, validé par les députés était centralisé, bureaucratique,…
M. Hugues Portelli. … puisqu’il prévoyait un défenseur des droits entouré de collaborateurs.
La seconde logique, défendue par un certain nombre d’entre nous, est différente. Elle repose sur l’existence de multiples autorités administratives indépendantes, ayant chacune pour objet de gérer des questions spécifiques, étant entendu que le vrai défenseur des droits est le juge. L’autorité administrative, elle, n’a pour mission que de régler des problèmes administratifs, car le juge n’est pas toujours disponible ni omniscient.
Cette deuxième logique a été écartée lors des débats sur la loi organique et nous en sommes revenus à une conception centralisée du Défenseur des droits.
Nous sommes ici un certain nombre à essayer de desserrer l’étau de ce véritable centralisme démocratique, puisque c’est un peu la règle qui régit cette institution,…
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Hugues Portelli. … mais nous n’y parvenons pas, car on nous oppose une logique d’une cohérence implacable.
Nous essayons de défendre des amendements, mais c’est peine perdue ! À partir du moment où nous avons été battus lorsque nous avons soutenu la cause d’autorités administratives multiples, nous sommes dans un tunnel : il en sortira un Défenseur des droits omniscient, à moins que l’on ne nomme un Roi fainéant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)