Article 4
I. – Le Défenseur des droits est chargé :
1° De défendre les droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d’une mission de service public ;
2° De défendre et de promouvoir l’intérêt supérieur et les droits de l’enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ;
3° De lutter contre les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ainsi que de promouvoir l’égalité ;
4° De veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République ;
5° (Supprimé)
II. – (Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 24, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Nous proposons, au travers de cet amendement, de poursuivre dans la voie ouverte par la commission avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, en retirant du périmètre d’action du Défenseur des droits les attributions actuellement dévolues à la CNDS, au Défenseur des enfants et à la HALDE.
Je sais bien ce que M. le rapporteur nous rétorquera tout à l’heure. Il l’a déjà dit, et cela me donne l’occasion de lui répondre.
C’est vrai, monsieur Gélard, la réforme constitutionnelle a fait en sorte que l’on crée un Défenseur des droits. L’article 71–1 de la Constitution que vous répétez abondamment, et avec raison, précise : « Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public… »
Toutefois, cet article ne précise pas de périmètre, et n’indique pas s’il faut intégrer au Défenseur des droits le Défenseur des enfants, la HALDE et la CNDS.
Par conséquent, « notre devoir de parlementaires » – je reprends l’expression de M. Gélard – est justement de débattre du périmètre du Défenseur des droits, et c’est ce que nous faisons aujourd’hui.
Quel doit être le bon périmètre ?
Je propose une méthode, qui consiste à mettre en balance les avantages et les inconvénients de l’intégration de telle ou telle autorité administrative.
Essayons d’analyser, de la manière la plus objective qui soit, le bilan des autorités administratives que vous vous proposez d’intégrer au travers de ce texte.
Franchement, si vous estimez que le bilan du Défenseur des enfants, de la HALDE, du Contrôleur général des lieux de privation de liberté – désormais exclu du dispositif – ou de la CNDS est mauvais, si les rapports de ces autorités vous sont vraiment insupportables, il faut le dire !
Il me semble toutefois que nous sommes majoritaires à penser que ces autorités administratives accomplissaient plutôt un bon travail, ce qui plaide en faveur de leur maintien.
Y a-t-il, à l’inverse, des éléments qui pourraient militer en faveur de leur intégration ?
J’ai été très surpris de constater que les conclusions de l’étude d’impact du projet de loi organique n’allaient pas dans ce sens. Je me permets de la citer : « Le regroupement de l’ensemble des autorités administratives indépendantes chargées de la protection des droits et libertés […] conduirait à conjuguer les missions actuelles de médiation avec des missions de contrôle, de décision ou de sanction, qui sont d’une nature différente et concernent au moins autant la sphère privée que les services publics […]. Une telle option pourrait se prévaloir de l’objectif de rationalisation poursuivi par le pouvoir constituant. Néanmoins, une telle configuration pourrait s’avérer contre-productive ».
Ainsi, dans cette balance avantages-inconvénients, si l’on voit parfaitement quels seraient les inconvénients de cette intégration, je ne vois pas très bien, à titre personnel, et en m’efforçant d’adopter une approche rationnelle, quels pourraient en être les avantages.
Voilà pourquoi nous présentons cet amendement de suppression.
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous proposons à travers cet amendement de supprimer les alinéas 3 à 5 de l’article 4.
Je voudrais tout d’abord rappeler que les élus de mon groupe avaient autrefois soutenu la création du Défenseur des enfants, de la CNDS et de la HALDE.
Aujourd’hui, on peut dire, me semble-t-il, que ces autorités ont démontré leur pertinence et leur utilité concrète dans la protection des droits de nos concitoyens.
On peut dire aussi que leur existence a permis une plus grande lisibilité institutionnelle de la défense des droits des personnes, laquelle est précisément liée à la spécialité de ces organismes et à leur champ de compétence déterminé. Cette lisibilité disparaîtra donc en même temps que ces autorités.
Ces autorités administratives indépendantes interviennent selon des modalités et des logiques qui leur sont propres, et qui peuvent même, parfois, s’avérer antinomiques.
Dans l’avis qu’elle a rendu sur ce texte, la CNCDH rappelle que le Médiateur « agit par la persuasion », et que les réclamations qui lui arrivent portent principalement sur des problèmes administratifs.
Le rôle et l’action des autres autorités étant, pour l’essentiel, différents, il faut donc s’attendre à ce que le regroupement des fonctions de contrôle et de médiation nuise à l’effectivité des droits.
Il serait en outre très inquiétant de voir disparaître les autorités actuelles, alors que, précisément, les droits et libertés sont de plus en plus malmenés dans notre pays, et qu’ils le sont d’ailleurs bien souvent au nom même de leur protection.
Ainsi, tirant argument du droit à la sécurité, vous faites preuve d’une frénésie et d’une précipitation législatives, toujours dans le sens d’une aggravation pénale, d’un contrôle et d’une surveillance généralisés. Mais je ne reviendrai pas ici sur tout ce que nous avons dénoncé encore récemment lors du débat sur la LOPPSI 2.
C’est aussi au nom de la protection des droits que vous n’hésitez pas à remettre en cause des principes fondamentaux dans notre législation. Et je remarque, non sans crainte, que réapparaît ces jours-ci l’idée selon laquelle la non-rétroactivité de la loi pénale poserait problème s’agissant des récidivistes…
Dans ces conditions, quand vous invoquez une meilleure protection des droits pour justifier la création du Défenseur, permettez-moi d’avoir quelques doutes.
Vous avez voulu imposer la méthode « forte » pour supprimer des autorités que vous considérez comme des entraves à votre politique, et rien que cela suggérait que votre préoccupation première n’était peut-être pas celle qui était affichée.
Enfin, je voudrais dire à Mme Troendle combien il est osé de comparer des gens qui sont élus par le peuple et des gens qui sont désignés par le Président de la République. À l’évidence, nous ne donnons pas le même sens au mot « démocratie » !
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 2 rectifié est présenté par M. Portelli, Mmes Garriaud-Maylam, G. Gautier et Férat et M. du Luart.
L'amendement n° 25 rectifié est présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
L’amendement n° 2 rectifié a déjà été défendu. (M. Hugues Portelli opine.)
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 25 rectifié.
Mme Gisèle Printz. La suppression du Défenseur des enfants, absorbé dans le Défenseur des droits, risque d’avoir des conséquences néfastes au regard des engagements internationaux de la France.
La suppression du Défenseur des enfants témoignerait d’un véritable recul par rapport aux engagements de la France dans le cadre de la convention de New York relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, et par rapport aux préconisations du Comité des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations unies.
Les prescriptions du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe vont dans le sens du renforcement des autorités chargées de la protection des droits de l’enfant et incitent à maintenir des autorités spécialisées qui « peuvent se focaliser sur une mission unique et établir une identité claire susceptible de faciliter le contact avec les enfants ».
Une telle autorité spécialisée est également indispensable compte tenu des exigences de la convention européenne sur l’exercice des droits des enfants, adoptée à Strasbourg le 25 janvier 1996 et ratifiée par la France le 1er août 2007, et pour les besoins de fonctionnement du réseau européen des ombudsmans pour les enfants, dont la Défenseure des enfants française a assuré la présidence jusqu’en octobre 2010.
La dilution du rôle du défenseur des enfants dans celui du défenseur des droits affecterait gravement l’accessibilité ainsi que la lisibilité de l’institution aux yeux des enfants. Aujourd’hui, le défenseur des enfants est une autorité parfaitement identifiée et directement accessible aux enfants. Ces derniers ont un interlocuteur direct, visible et reconnu, spécialement chargé de la défense et de la promotion de leurs droits, et seul apte à agir efficacement face à l’urgence du traitement de nombreuses réclamations.
Dans le projet de loi organique adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, le Défenseur des enfants conserverait son titre, mais n’aurait qu’un rôle d’adjoint, placé sous l’autorité directe du Défenseur des droits, et n’ayant aucune autonomie d’initiative et de décision, puisque c’est le Défenseur des droits qui exercerait pleinement la compétence jusqu’à présent attribuée au Défenseur des enfants.
L’article 4 présente, au pire, un risque de non-conventionalité, et risque, au mieux, de produire des effets contre-productifs.
C’est la raison pour laquelle nous proposons d’exclure le Défenseur des enfants du champ d’action du Défenseur des droits, afin de suivre les recommandations du Comité des droits de l’enfant des Nations unies, l’organe en charge de veiller au respect des engagements pris par les États en ce qui concerne la pleine mise en œuvre de la convention internationale relative aux droits de l’enfant. Nous rappelons que, dans ses observations de juin 2009, il a très spécifiquement invité le gouvernement français « à continuer à renforcer le rôle du Défenseur des enfants […] et à lui allouer les ressources financières et humaines suffisantes ».
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Par cet amendement, nous entendons nous opposer à la fusion de la HALDE avec le Défenseur des droits.
La loi du 30 décembre 2004, qui a institué la HALDE, a également donné un mandat clair et bien identifié à cette nouvelle autorité. Cela lui a permis d’acquérir cette notoriété qui lui a conféré une réelle visibilité dans la lutte contre toutes les discriminations. Cela lui a aussi, et surtout, permis de développer une expérience, une expertise et une capacité d’action désormais reconnues par ses partenaires publics et privés.
Depuis sa création, en effet, plus de 42 000 personnes ont adressé une réclamation à la HALDE, chiffre en progression constante de plus de 20 % chaque année et qui, au demeurant, n’honore pas notre démocratie. En 2010, sur les 12 464 réclamations reçues, 27 % d’entre elles portaient sur l’origine, 19 % sur l’état de santé et le handicap, et environ 11 % sur le sexe, l’état de grossesse ou la situation de famille. Les sujets relatifs aux femmes dans l’emploi sont particulièrement nombreux et en très forte progression.
Absorbée par un Défenseur des droits aux multiples compétences, dénuée de toute identité, quelle indépendance pourra-t-elle encore avoir au sein de cette nouvelle institution ? Que pourra faire le collaborateur qui, au sein du Défenseur des droits, aura en charge les compétences actuellement exercées par la HALDE ?
La HALDE a parallèlement conduit une action de promotion de l’égalité en direction des entreprises, des administrations ou encore des bailleurs sociaux, publics et privés, pour les sensibiliser aux différents types de discriminations.
Comme pour le Défenseur des enfants, – je rejoins en cela les propos de ma collègue Alima Boumediene-Thiery – un problème de conventionalité se pose. En effet, ainsi diluée dans la nouvelle instance que sera le Défenseur des droits, la HALDE est-elle bien conforme aux prescriptions des directives européennes et aux engagements internationaux de la France en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité ?
Pour toutes ces raisons, nous refusons d’acter la disparition de la HALDE, car, au cours de ses six années d’existence, à travers la prise en charge de plus de 38 000 réclamations, et grâce aux nombreux partenariats noués dans les secteurs publics et privés, cette institution collégiale a contribué à une plus grande cohésion sociale et développé une expertise reconnue par les juridictions et les pouvoirs publics, en améliorant sensiblement les pratiques qui avaient cours auparavant.
Cet avis est d’ailleurs partagé par le nouveau président de la HALDE qui, devant la commission des lois, a récemment plaidé pour que l’institution conserve son autonomie, afin qu’elle puisse poursuivre le travail qu’elle avait commencé à accomplir.
C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement.
Je souligne au passage, mes chers collègues, que le nouveau président de la HALDE fait preuve d’une plus grande modestie que la personne qui l’a précédé, laquelle n’a occupé ce poste que quelques instants, le temps surtout pour elle de renier ses engagements pour accepter un poste au Gouvernement…
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Il est lamentable de dire ça !
M. Jean-Pierre Michel. … où, pour l’instant, on ne peut pas dire qu’elle se soit tellement distinguée… (Marques d’indignation sur plusieurs travées de l’UMP.)
Si les parlementaires ne disent pas la vérité, monsieur le garde des sceaux, qui le fera ? Certainement pas la presse, en tout cas !
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 27 est présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 123 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 27.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous pensons que la CNDS joue un rôle essentiel aujourd’hui.
Nous sommes tous ici amenés à saisir cette autorité.
M. Guy Fischer. Et plus souvent qu’on ne le pense !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous essayons de le faire avec mesure : des citoyens viennent nous voir, se plaignant du fonctionnement de telle ou telle autorité de la police ou de la gendarmerie. Si leurs griefs nous paraissent crédibles, nous saisissons la CNDS, en prenant soin de préciser que nous ne portons pas de jugement, mais que nous pensons qu’il est utile qu’une autorité autonome, indépendante du pouvoir exécutif, du ministère de l’intérieur, de la direction de la police nationale ou de la gendarmerie, puisse examiner les faits et en tirer des conclusions.
La CNDS, à travers ses rapports pondérés, mesurés, précis, nullement complaisants, a acquis une forte autorité. Comme le disait tout à l’heure M. Anziani, quelqu’un a-t-il trouvé quelque chose à redire à ces rapports que nous recevons année après année ? Il me semble que non !
Dès lors, pourquoi vouloir supprimer une institution qui fonctionne bien ? Parce qu’elle dérange, a suggéré Mme Mathon-Poinat… Eh bien, elle a raison : une fois encore, le but de l’opération apparaît clairement !
J’ajoute que M. le président de la CNDS a écrit, le 18 janvier, une lettre au Premier ministre François Fillon, qui a ensuite été rendue publique.
M. Beauvois, ancien membre de la Cour de cassation, président de la CNDS, écrit : le texte serait « un recul au regard des garanties dont bénéficient aujourd'hui les citoyens ».
Le texte prévoit « qu’en matière de déontologie de la sécurité, le Défenseur des droits pourra consulter un collège, qu’il présidera, composé de six personnalités, dont deux qu’il désignera d’ailleurs lui-même, ce qui risque de fragiliser l’aspect objectif de leurs prises de position », écrit M. Beauvois. « La consultation du collège sera facultative » et « le Défenseur des droits pourra s’écarter de l’avis éventuellement sollicité sans avoir à donner un motif ».
Le texte voté par le Sénat en première lecture prévoyait « la consultation obligatoire » du collège, « la faculté pour le Défenseur des droits de lui demander une seconde délibération ainsi que la possibilité pour ce défenseur de s’écarter de l’avis du collège, mais seulement après lui en avoir exposé les motifs ».
« À défaut, au minimum, d’un tel dispositif, complété par la publication de l’avis du collège en cas de divergence », M. le président de la CNDS considère que « le Défenseur des droits ne présentera pas les garanties d’indépendance et d’efficacité à la mesure de la place qu’il doit prendre au sein de notre démocratie ».
Je n’ajouterai pas un mot aux propos de M. le président de la CNDS, éminent membre de la Cour de cassation.
Je ne vois pas ce que l’on peut répondre à cela, je ne sais pas ce que vous répondrez…
En tout cas, je vous invite à voter l’amendement n° 27, pour préserver cette institution très utile à la République. (Mme Gisèle Printz et M. Jean-Pierre Michel applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l'amendement n° 123 rectifié.
M. Yvon Collin. Cet amendement est identique à celui que vient de défendre Jean-Pierre Sueur. Il a pour objet de maintenir en tant qu’autorité de plein exercice la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
En effet, autant nous sommes favorables à l’intégration de la HALDE ou du Défenseur des enfants dans cette future autorité, comme l’a excellemment développé Jacques Mézard dans son intervention, autant nous sommes attachés à la pérennité de la CNDS.
Le renforcement de la politique sécuritaire menée au cours des dernières années par le Gouvernement a eu pour effet mécanique d’accroître les comportements discutables de membres de forces de l’ordre au regard de ce que l’on devrait attendre d’eux dans un État de droit. Loin de nous l’idée de faire des généralités navrantes. Nous pensons, au contraire, que c’est bien parce que la pression du chiffre devient intenable que certains représentants des forces de l’ordre sont poussés à franchir les limites de la déontologie.
À cet égard, la CNDS remplit un rôle plus qu’indispensable dans notre société. Chaque année, la publication de ses rapports – rappelée également par M. Sueur – est à la fois édifiante, quant aux faits décrits, et salutaire, par la préservation des règles fondamentales d’action des forces de l’ordre qu’elle permet. Sans doute le Défenseur des droits se donnera-t-il les moyens de continuer à préserver cette déontologie, mais nous sommes avant tout attachés à l’indépendance de la CNDS, qui la met à l’abri de toute pression extérieure.
C’est dans cette perspective que les conditions de nomination de l’adjoint chargé de la déontologie de la sécurité prévues à l’article 11 A du projet de loi organique nous inquiètent particulièrement. Cet adjoint sera nommé par le Premier ministre, sur proposition du Défenseur des droits et après avis des commissions permanentes de chaque assemblée. Nous aurions, pour notre part, préféré que cette nomination soit au minimum approuvée par une majorité des trois cinquièmes de chacune des commissions, afin de garantir la nomination d’une personnalité réellement indépendante. Malheureusement, les dispositions du texte n’éteignent pas la suspicion qui est, comme chacun sait, la pire des choses s’agissant d’une autorité indépendante chargée de contrôler un secteur aussi sensible.
La CNDS a su construire sa crédibilité dans notre paysage institutionnel, même si elle doit encore incontestablement gagner en visibilité. Ce texte offre, hélas ! le sentiment d’une reprise en main à connotation politique puisque les pouvoirs du Défenseur des droits, mais aussi de son adjoint, seront inférieurs à ceux qui sont actuellement dévolus à la CNDS. Cela fit d’ailleurs dire à Roger Beauvois, son actuel président – abondamment cité par notre collègue Jean-Pierre Sueur – que ce projet de loi organique procède à un « vrai recul démocratique ».
C’est pourquoi nous soumettons cet amendement de suppression à l’approbation du Sénat et il sera sans nul doute approuvé. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je formulerai d’abord deux remarques préliminaires.
Première remarque, il ne faut pas oublier que si jamais on maintenait ces différentes autorités administratives indépendantes, elles seraient obligatoirement en concurrence avec le Défenseur des droits, qui, lui, a une compétence générale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Évidemment, au fil du temps, on saisira le Défenseur des droits, d’abord parce qu’il aura plus de pouvoirs que les autres.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Par exemple, pour ce qui concerne la CNDS, n’importe quel citoyen pourra saisir le Défenseur des droits, tandis que si on maintient la CNDS, seul un parlementaire pourra le faire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne va pas !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais si, c’est ainsi !
Par conséquent, en réalité, le Défenseur des droits videra petit à petit de tout contenu les indépendants, qui resteront à part, c’est évident. C’était ma première remarque.
Seconde remarque, j’ai déjà répondu à la totalité de ces amendements dans mon exposé liminaire.
L’amendement n° 24 tend à n’attribuer au Défenseur des droits que la seule compétence de l’actuel Médiateur de la République. Cette conception réductrice n’est pas celle qui a été retenue ni dans la Constitution ni par les deux assemblées en première lecture. Aux termes de l’article 71-1 de la Constitution, le Défenseur des droits, autorité constitutionnelle, est investi d’une compétence extrêmement large. Dès lors, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 24.
Il en est de même pour l’amendement n° 56.
En ce qui concerne les amendements identiques nos 2 rectifié et 25 rectifié, je souhaiterais apporter un certain nombre de précisions.
Ces amendements tendent à supprimer l’intégration du Défenseur des enfants au sein du Défenseur des droits ; nous avons déjà évoqué ce point. Nous sommes maintenant en deuxième lecture et les deux assemblées se sont prononcées contre cette intégration. Les missions du Défenseur des enfants seront parfaitement intégrées dans les attributions du Défenseur des droits. Les deux assemblées ont pris en compte les observations du Défenseur des enfants et des associations. Elles ont donc adopté un ensemble de dispositions, que je rappelle, assurant la visibilité de l’action de la défense des droits de l’enfant au sein du Défenseur des droits en créant un adjoint nommé « Défenseur des enfants », reprenant l’ensemble des prérogatives du défenseur des enfants. Ainsi le Défenseur des enfants pourra se saisir des cas mettant en cause l’intérêt toujours supérieur de l’enfant. Il défendra les droits de l’enfant consacrés par les conventions internationales et publiera un rapport à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant.
Pour toutes ces raisons, le Défenseur des enfants peut et doit être intégré au Défenseur des droits, qui assurera avec une plus grande force cette mission essentielle.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 2 rectifié et 25 rectifié.
S’agissant de l’amendement n° 26, l’Assemblée nationale a confirmé le choix fait par le Sénat de l’intégration de la HALDE à l’intérieur du Défenseur des droits. Il ne s’agit pas, contrairement à ce que l’on entend, de bâillonner cette autorité, il s’agit au contraire de la renforcer au sein du Défenseur des droits. Comme je le disais tout à l’heure, le Défenseur des droits, quoi qu’il arrive, aura toujours la possibilité d’intervenir dans le domaine des discriminations, même si on maintient la HALDE.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il ne faut pas oublier que le Défenseur des droits a une compétence générale. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Ce n’est pas une grosse machine, c’est simplement la loi constitutionnelle qui l’a prévu.
Pour ce qui est des amendements identiques nos 27 et 123 rectifié, comme cela a été expliqué en commission, la CNDS a fait un travail remarquable depuis sa création, nous en sommes bien d’accord. Mais ses recommandations demeurent le plus souvent sans suite réelle en raison d’un manque de poids de cette autorité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Eh oui, il faut le dire !
Le contrôle du respect des règles de déontologie par les forces de sécurité sera donc mieux assuré par un défenseur de rang constitutionnel, qui aura des pouvoirs beaucoup plus étendus, dont un pouvoir d’injonction.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il s’agit, en effet, d’un des points essentiels de la discussion, je dirai donc à mon tour quelques mots sur l’ensemble de ces amendements.
Tous ces amendements participent du même état d’esprit : ils visent à réduire le champ de compétence du Défenseur des droits, soit de façon drastique – c’est l’objet de l’amendement n° 24 – en ne laissant au Défenseur des droits que la compétence du Médiateur et en sortant les compétences de toutes les autres autorités administratives indépendantes, soit en retirant telle ou telle autorité administrative indépendante du périmètre du Défenseur des droits.
Je veux rappeler de la façon la plus claire possible que, ici, c’est le législateur organique qui s’exprime pour appliquer l’article 71-1 de la Constitution.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cet article est celui que vous avez voulu lorsque, constituants convoqués en Congrès à Versailles, vous avez modifié la Constitution.
Aujourd’hui, on applique l’article 71-1 de la Constitution en lui donnant tout son sens. Ce sens est simple : le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations publiques, nationales ou locales, et l’ensemble des autres personnes.
Par conséquent, la compétence du Défenseur des droits est la compétence la plus large qui soit.
Vouloir expliquer que telle autre autorité administrative aurait plus de pouvoirs que le Défenseur des droits pour défendre les libertés est faux, de façon absolue,…