M. le président. Nous reprenons la discussion de l’article 1er.
Je mets aux voix l’amendement n° 6.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l’amendement n° 8.
M. Jean-Pierre Godefroy. À mes yeux, la pluridisciplinarité pose un problème non pas de compétence, mais de conflit d’intérêts. Cet amendement avait précisément pour objet d’écarter tout risque à cet égard, car des groupes privés de consultants actifs dans plusieurs secteurs pourraient être tentés de faire passer la sécurité et la santé des travailleurs après certaines demandes de l’entreprise qui les aura mandatés. Gardons bien cela à l’esprit !
M. le président. L'amendement n° 30 rectifié, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Remplacer les mots :
services de prévention des caisses de sécurité sociale
par les mots :
caisses d'assurance retraite et de la santé au travail
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, les CARSAT, ont succédé aux caisses régionales d’assurance maladie, les CRAM, et jouent actuellement un rôle particulier en matière de santé au travail, puisque, pour reprendre les propres termes du directeur général de la CARSAT Rhône-Alpes, M. Jacques Kiner, elles s’attachent « à rendre meilleure la sécurité dans les entreprises, en veillant à l’application de la réglementation et en assurant une mission de conseil permanent ».
Leur organisation repose, comme celle des CRAM avant elles, sur une équipe pluridisciplinaire composée d’ingénieurs, de techniciens, d’ergonomes, de formateurs. Elles assurent ainsi une prise en charge globale des besoins des entreprises en matière de diagnostics et de prévention. Autrement dit, elles répondent parfaitement aux exigences de compétences, de coordination et de complémentarité posées à l’article 1er.
Or, curieusement, alors que le texte examiné en première lecture par l’Assemblée nationale mentionnait les CARSAT, sa rédaction actuelle n’y fait plus référence, sans que cette suppression soit accompagnée de justifications admissibles. Nous y voyons, pour notre part, une nouvelle expression de votre refus du paritarisme, puisque les deux commissions qui assistent le conseil d’administration de ces instances, ainsi que ce dernier, sont composés à parité de représentants des salariés et de représentants des employeurs. Voilà une démonstration supplémentaire qu’une véritable gestion paritaire est possible !
La longue expérience des CARSAT, héritée des CRAM, s’exprime dans le cadre des programmes de prévention définis par la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale. Ces organismes nous semblent pouvoir être des acteurs intéressants dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, c’est pourquoi nous souhaitons leur association au dispositif du texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement vise en fait à prendre acte du changement d’appellation des CRAM. La commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 56, présenté par Mme Payet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Compléter cet alinéa par les mots :
et au plus tard le 1er janvier 2012
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement tend à préciser la date d'entrée en vigueur du nouvel article L. 4644–1 du code du travail.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'article 1er.
M. Guy Fischer. Afin d’honorer une promesse que j’ai faite à des verriers de Givors, je voudrais revenir sur certains points que j’ai déjà abordés à l’occasion d’autres débats.
Selon nous, la proposition de loi que nous examinons vise à exonérer les entreprises de leurs responsabilités en matière de santé au travail, en aggravant ainsi la situation actuelle, qui est déjà insuffisamment protectrice pour les salariés.
Je voudrais, à cet instant, évoquer l’exemple de la verrerie de Givors, dans le département du Rhône, qui a fermé ses portes en 2003, jetant ses salariés à la rue et laissant un sol gravement et irrémédiablement pollué.
Cette pollution avait été constatée en 2006 par une expertise qui avait conduit le préfet à prendre des mesures d’interdiction de certaines activités sur le site. En revanche, aucune action n’avait été diligentée en direction des anciens verriers.
Or, cinq ans après la démolition de la verrerie, un taux de mortalité surprenant et l’apparition de multiples pathologies ont conduit d’anciens salariés à mener une enquête de santé auprès de leurs collègues et des familles des disparus.
Les conclusions de cette enquête furent sans appel : le taux de cancers parmi les anciens verriers était dix fois supérieur à celui que l’on pouvait alors constater dans la population ouvrière.
Les anciens verriers réclament des attestations individuelles d’exposition à des produits toxiques à l’entreprise OI Manufacturing, qui a succédé à leur ancien employeur, BSN Glasspack, afin de pouvoir faire reconnaître leurs maladies professionnelles. Mais cette entreprise pratique la politique de la chaise vide et refuse de transmettre ces attestations, malgré les multiples documents prouvant l’utilisation de produits toxiques classés comme cancérogènes.
C’est d’ailleurs pour cette raison, monsieur le ministre, que je me propose, au nom de ces anciens salariés, de vous soumettre prochainement ce dossier.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Le chapitre IV du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est complété par un article L. 4624-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 4624-3. – I. – Lorsque le médecin du travail constate la présence d’un risque pour la santé des travailleurs, il propose par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver.
« L’employeur prend en considération ces propositions et, en cas de refus, fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.
« II. – Lorsque le médecin du travail est saisi par un employeur d’une question relevant des missions qui lui sont dévolues en application de l’article L. 4622-3, il fait connaître ses préconisations par écrit.
« III. – Les préconisations du médecin du travail et la réponse de l’employeur, prévues au I et au II, sont tenues, à leur demande, à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail, du médecin inspecteur du travail ou des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des organismes mentionnés à l’article L. 4643-1. » – (Adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant la ratification des statuts de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.
9
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 27 janvier 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-116 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
10
Médecine du travail
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi relative à l’organisation de la médecine du travail.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 3.
Article 3
(Non modifié)
La section 2 du chapitre II du même titre II est complétée par un article L. 4622-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-11. – Le service de santé au travail interentreprises est administré paritairement par un conseil composé, à parts égales :
« 1° De représentants des employeurs, désignés par les entreprises adhérentes, parmi lesquels est élu le président du conseil qui a une voix prépondérante en cas de partage des voix.
« Le président doit être en activité ;
« 2° De représentants des salariés d’entreprises adhérentes désignés par des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel, parmi lesquels est élu le vice-président du conseil.
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret. »
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, sur l'article.
Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article, qui porte sur la gouvernance des services de santé au travail, manifeste, au mieux, le manque d’ambition de cette réforme pour mettre en place une médecine du travail réellement reconnue, et, au pire, une volonté – au-delà des apparences – de conforter la suprématie des employeurs en matière de prévention et de protection de la santé des salariés.
Aujourd’hui, dans les services de santé au travail, le conseil d’administration ne comporte qu’un tiers de salariés. Pour contrebalancer cette sous-représentation des salariés dans l’organisation des services de santé au travail, ceux-ci ont été placés sous la surveillance de commissions de contrôle qui sont composées aux deux tiers de représentants des salariés.
Cet équilibre n’est pas idéal, et il est complexe, d’où la réforme que nous avions adoptée à une large majorité, ici au Sénat, dans le cadre de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites, prévoyant l’instauration d’une gestion véritablement paritaire des services de santé au travail.
La parité suppose que les pouvoirs soient partagés. C’est le cas par exemple dans les conseils de prud’hommes : les salariés et les employeurs y comptent un nombre identique de représentants et ils sont alternativement présidés par un représentant des salariés et par un représentant des employeurs. Finalement, pour assurer la stabilité à long terme de cette institution, dont les décisions ne peuvent pas être totalement contradictoires selon l’origine du président, des compromis sont souvent trouvés.
Parce que, à l’évidence, on ne peut plus aujourd’hui, notamment avec l’augmentation des risques psychosociaux liée aux nouvelles formes de management, souvent sources de maltraitance, laisser l’employeur décider seul de l’organisation et des moyens des services de santé au travail, la gestion paritaire s’impose aussi dans ce domaine. Le Sénat en était persuadé cet automne ; rien ne justifie qu’il change d’avis aujourd’hui, sauf à se plier aux volontés d’ « instances supérieures »…
Comme Mme Payet le souligne très justement, « le régime agricole a développé un modèle spécifique de médecine du travail, qui donne des résultats reconnus et dont la gestion est largement paritaire ». Voilà encore une preuve que c’est bien en progressant vers une véritable gestion paritaire de la médecine du travail que l’on améliorera la prévention et la protection de la santé des salariés.
La proposition de loi tend à conforter la gestion paritaire dans le secteur agricole, au travers de son article 11. Dans ces conditions, pourquoi n’instaure-t-elle pas aussi une gestion paritaire des services de santé au travail dans les autres domaines économiques, si ce n’est pour complaire au patronat, qui veut garder la mainmise sur ces services ? Ce que l’on nous propose est un ersatz de gestion paritaire : augmenter le nombre de représentants des salariés dans les conseils d’administration des services de santé au travail constitue non pas un progrès, mais un simulacre, si la présidence est toujours assurée par un représentant des employeurs ; c’est même faire des salariés les cautions de décisions sur lesquelles ils ne peuvent influer.
Bien consciente qu’il s’agit d’un écran de fumée, la commission des affaires sociales a adopté, sur proposition de Mme Payet, rapporteur, un amendement visant à introduire un article additionnel donnant force de loi à l’existence des commissions de contrôle. J’approuve, avec les réserves que je viens d’exprimer, cette initiative de la commission.
Dans la mesure où l’on maintient la prééminence patronale dans la gestion des services de santé au travail, comme le fait la présente proposition de loi, il faut apporter un contrepoids en garantissant la pérennité de ces commissions de contrôle, composées majoritairement de salariés.
Cependant, que l’on me permette de douter que cet article additionnel résistera à la discussion en séance publique ou à l’examen du texte par l’Assemblée nationale. Au final, je crains fort que la majorité ne se rassemble encore pour voter une loi rétrograde en matière de gouvernance de la médecine du travail.
Or l’organisation de la médecine du travail mérite toute notre attention, car elle conditionne très certainement en partie l’attractivité du métier de médecin du travail. Celui-ci doit se savoir reconnu par l’ensemble des parties en présence, employés et employeurs. L’instauration d’une parité réelle dans la gestion des services de santé au travail ferait davantage pour valoriser le rôle et la mission du médecin du travail que les petits ajustements que l’on nous propose pour détourner notre attention de l’essentiel.
Il est encore temps d’agir pour résoudre véritablement la crise de la médecine du travail, qui compte de moins en moins de praticiens !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. La question de la gouvernance des services de santé au travail revêt, pour les professionnels comme pour nombre d’entre nous, au-delà d’ailleurs des clivages politiques traditionnels, une importance particulière, comme en témoigne le nombre d’amendements identiques déposés sur cet article.
En soi, il nous importe peu de savoir qui aura la responsabilité de diriger les services de santé au travail, mais la réponse à cette question n’est pas sans conséquence sur un élément fondamental, à savoir la définition des missions de ces instances et l’indépendance des médecins du travail et des membres de l’équipe pluridisciplinaire dans l’accomplissement de ces missions.
Les défenseurs de cet article prétendent qu’il faudrait conserver ce mode particulier de paritarisme, au motif, selon les termes du rapport de Mme Payet, que « cette règle découle naturellement des modalités de financement des services de santé, assuré exclusivement par les cotisations des entreprises adhérentes, et de la responsabilité des employeurs en matière de santé et de sécurité des salariés ». Ils oublient que celui qui paie est, en l’occurrence, celui qui est à l’origine du risque.
Une telle conception de la santé au travail est des plus préoccupantes. En effet, ne perdons pas de vue que le principe du financement patronal repose sur une réalité : ce sont d’abord et avant tout les salariés qui souffrent d’un travail lui-même de plus en plus malade ; ce sont les salariés qui sont victimes de troubles musculo-squelettiques ou psychosociaux, ou encore de cancers liés à l’inhalation de produits toxiques. Toutes ces maladies affectent leur espérance et leur qualité de vie.
C’est pour cette raison qu’il est légitime que l’employeur assume le financement des mesures de prévention et de protection de la santé des salariés. L’employeur, mes chers collègues, ne doit tirer aucun avantage de cette catégorie particulière que l’on appelle la responsabilité sociale. Ce que vous appelez paritarisme, et qui consacre en fait la prédominance patronale, n’en est pas, et nous ne saurions accepter que la gouvernance des services de santé au travail soit ainsi abandonnée à ceux qui génèrent les risques que ces services sont censés prévenir et réduire.
Pour autant, nous ne considérons pas qu’il faille écarter les employeurs de la gouvernance. Ceux-ci doivent être pleinement associés à la direction des services de santé au travail, car ils sont, à leur manière, en prenant la mesure des besoins et des adaptations à apporter, des acteurs incontournables de la santé au travail.
Ce paritarisme que nous souhaitons instaurer au travers de ces amendements est aussi source de transparence. Cet acharnement à ne pas vouloir entendre nos arguments nous laisse plus que perplexes : qu’a donc à cacher le patronat, qu’il ne veuille pas de cette transparence ? Quel prochain drame, après celui de l’amiante, craint-il que les salariés ne découvrent ? Ne veut-il pas admettre la nécessité de revoir le management dans de trop nombreuses entreprises ? Ne s’agit-il que d’un problème de financement ?
Faire systématiquement présider par un représentant du collège employeurs les conseils d’administration des services de santé au travail et lui octroyer une voix prépondérante, c’est accepter que les missions mêmes des médecins du travail soient toujours définies par les employeurs. C’est aussi prendre le risque de construire une médecine du travail dont les missions ne dépendent que d’intérêts particuliers, et non d’intérêts généraux.
Notre refus d’une telle perspective nous conduira à présenter un amendement de réécriture de l’article et à voter contre celui-ci si vous refusez de retenir une conception plus classique, mais surtout plus juste, du paritarisme.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 45 est présenté par M. Vanlerenberghe.
L'amendement n° 49 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet, Bockel et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
La section 2 du chapitre II du même titre II est complétée par un article L. 4622-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-11. - Le service de santé au travail interentreprises est administré paritairement par un conseil composé, à parts égales :
« 1° de représentants des employeurs désignés par les entreprises adhérentes ;
« 2° de représentants des salariés d'entreprises adhérentes désignées par des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
« Le président et le trésorier sont élus pour un mandat de trois ans, l'un parmi les représentants des organisations professionnelles d'employeurs et l'autre parmi ceux des organisations syndicales de salariés, en alternance. En cas de partage des voix lors de la première élection, le président est élu au bénéfice de l'âge.
« En cas de partage des voix, le président dispose d'une voix prépondérante.
« Il doit être en activité.
« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 9.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement a pour objet de revenir à la rédaction qui avait été adoptée à une très large majorité par le Sénat lors de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites. Ce consensus est d’autant plus significatif qu’un tel cas de figure a été rare au cours de l’examen de ce texte ! Il est donc vraiment regrettable que les auteurs de la proposition de loi, soumis à on ne sait quelle influence, ne l’aient pas maintenue…
Le texte que nous avions adopté était à la fois juste et astucieux, ce qui témoigne sans doute de la sagesse et de l’expérience de la Haute Assemblée.
Pourquoi était-il juste ? Parce qu’il instaurait un vrai paritarisme. Le conseil d’administration du service de santé au travail doit être composé à parts égales, cela n’est pas contesté, de représentants des employeurs et des entreprises adhérentes et de représentants des salariés. Il y va de l’intérêt des salariés et des employeurs, de la vitalité du dialogue social, et c’est un gage d’équilibre et d’efficacité.
Afin que ce paritarisme soit vraiment assuré, la présidence du service de santé au travail doit revenir alternativement à un représentant des employeurs et à un représentant des salariés.
Pourquoi ce qui s’applique dans tant d’organismes paritaires à l’échelle nationale, comme l’assurance chômage, qui manipule des milliards, ne pourrait-il valoir pour des services de médecine du travail ? Je soumets cette question, mes chers collègues, à votre sagacité. C’est pour nous une affaire de bon sens et de justice.
Pourquoi le dispositif que nous avions adopté est-il astucieux ? Parce qu’il permet d’assurer, comme dans d’autres organismes d’une grande importance, par exemple les prud’hommes, une véritable parité et une vraie transparence, en confiant aussi la fonction de trésorier alternativement à un représentant des employeurs et à un représentant des salariés. Nul d’entre nous n’ignore que les services de médecine du travail ne sont pas tous réputés pour leur transparence financière…
Il est donc primordial de faire en sorte que la transparence de la gestion et de l’organisation des services de santé interentreprises soit totale. Si certaines pratiques condamnables existent, le moment est venu d’y mettre un terme, justement en instaurant un réel paritarisme. Nous en avons l’occasion, et surtout le devoir. Rappelons-nous les drames et les scandales sanitaires survenus ces dernières années, notamment en matière de maladies professionnelles.
Lorsque nous avions auditionné M. Woerth dans le cadre de la mission d’information sur le mal-être au travail, il s’était déclaré favorable au paritarisme.
Lors de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites, nous avions réussi, après de longs débats, à nous mettre pratiquement tous d’accord sur ce système paritaire, avec exercice par alternance des fonctions de président et de trésorier par des représentants des employeurs et des représentants des salariés. La commission mixte paritaire est revenue sur ce point, essentiellement à l’instigation des députés.
Mes chers collègues, je vous en conjure : restons fidèles à nous-mêmes ! Nous avions voté, lors de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites, l’instauration de ce paritarisme ; aujourd’hui, nous devons réitérer ce vote. Nos collègues députés adopteront ensuite, le cas échéant, une autre opinion, mais, pour notre part, affirmons cette capacité d’innovation qui est la force du Sénat. Sur cette question de l’organisation de la médecine du travail, nous sommes véritablement en phase avec la société ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour présenter l'amendement n° 45.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Comme cela a été dit, il s’agit de revenir au texte adopté à une très large majorité par le Sénat lors de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites. Il tend à établir une véritable parité et des modalités d'organisation gages d'équilibre et d'efficacité. Nous demandons que les fonctions de président et de trésorier soient assumées en alternance par des représentants des employeurs et par des représentants des salariés, afin de garantir une véritable cogestion paritaire des services de santé au travail.
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié n'est pas soutenu.
L'amendement n° 31, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie du même code est complétée par un article L. 4622-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-11. - Le service de santé au travail interentreprises est administré paritairement par un conseil composé, à parts égales :
« 1° De représentants des employeurs désignés par les entreprises adhérentes,
« 2° De représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
« 3° Le président et le trésorier sont élus pour un mandat de trois ans, l'un parmi les représentants des organisations professionnelles d'employeurs et l'autre parmi ceux des organisations syndicales de salariés, en alternance. En cas de partage des voix lors de la première élection, le président est élu au bénéfice de l'âge.
« En cas de partage des voix, le président dispose d'une voix prépondérante.
« Il doit être en activité.
« Les modalités d'application de cet article sont déterminées par voie réglementaire. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Nous proposons une réécriture de l’article 3, relatif à la gouvernance des services de santé au travail. En effet, aux termes de la rédaction actuelle de cet article, il revient au président du conseil d’administration du service de santé au travail, et presque à lui seul, de définir les objectifs et les missions de ce dernier.
Nous sommes, pour notre part, convaincus qu’en revenant à la conception traditionnelle du paritarisme, où personne ne détient durablement une position dominante, nous ferions progresser la médecine du travail dans son ensemble.
Nous proposons donc d’instaurer un système où les représentants des salariés et ceux des employeurs exerceraient alternativement la présidence et la trésorerie du service de santé au travail. Il en découlerait la suppression de la voix prépondérante accordée au président du conseil d’administration.
Ce partage des deux principales responsabilités, la direction et la gestion financière, entre les représentants des employeurs et ceux des salariés nous semble de nature à favoriser l’émergence de consensus, débouchant sur des mesures durables. De plus, en supprimant la voix prépondérante du président, nous éviterons que chaque alternance donne lieu au « détricotage » méthodique de ce que le prédécesseur a fait.
La rédaction que nous proposons permettra d’insuffler une nouvelle dynamique à la gouvernance de la médecine du travail : celle de la co-élaboration. Avouez que cela vaut mieux que l’opposition systématique ou la suspicion permanente !
D’ailleurs, d’autres instances paritaires fonctionnent – et très bien ! – sur ce mode : je pense, bien sûr, aux prud’hommes ; personne n’aurait aujourd’hui l’idée d’accorder au représentant des employeurs une voix prépondérante lors des délibérations ! Il en va de même pour les services de santé au travail en milieu rural : pourquoi ce qui est bon pour les salariés agricoles ne le serait-il pas pour les autres salariés ?
Dans sa grande sagesse, la commission est revenue à la rédaction initiale du texte, en s’appuyant sur la position adoptée par le rapporteur du projet de loi portant réforme des retraites, M. Dominique Leclerc, qui avait lui-même, suite aux nombreuses auditions menées au titre de sa fonction mais aussi dans le cadre de la mission d’information sur le mal-être au travail, proposé d’inscrire dans la loi ce mode de gestion paritaire.
Mes chers collègues, je vous invite donc à rejoindre la commission et à adopter ces amendements tendant à rétablir un véritable paritarisme !