M. Jacques Blanc. Grâce à vous !
M. Christian Cambon. Aussi, je vous remercie par avance de votre confiance et je reste persuadé que ce texte sera très vite utilisé par nombre de nos collectivités comme une aide concrète et bénéfique à l’intention des familles de notre pays touchées par la crise. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens en premier lieu à remercier M. Christian Cambon de son heureuse initiative législative. Il a su « faire court et efficace », ce qui – il faut en convenir – est rare de nos jours, notamment en matière législative.
Avec seulement deux articles, la présente proposition de loi, qui deviendra un texte normatif à l’issue de notre vote, rend effectif le droit à l’eau potable pour tous, consacré en 2006 par la LEMA et, plus récemment, par une résolution du 28 juillet 2010 de l’assemblée générale des Nations unies.
M. Jacques Blanc. Très bien !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Le texte renforce le dispositif du fonds de solidarité pour le logement. Il permet aux services d’eau et d’assainissement d’aider les plus démunis à payer leur facture d’eau par l’intermédiaire des FSL. Le dispositif retenu par nos deux assemblées relève donc de la solidarité entre les usagers du service public, appelés indirectement à financer une contribution sur leur facture, afin de permettre aux fonds de solidarité pour le logement de mettre en œuvre une réelle solvabilisation des ménages en difficulté.
La proposition de loi introduit, dans le code général des collectivités territoriales, un article autorisant les opérateurs chargés des services publics d’eau potable et d’assainissement à verser volontairement à un fonds de solidarité pour le logement une subvention ne pouvant excéder 0,5 % du produit des redevances perçues hors taxes pour la fourniture d’eau potable et d’assainissement. Sachant que ce produit est évalué à environ 10 milliards d’euros, les contributions volontaires pourraient représenter 50 millions d’euros, somme qui permettrait de couvrir l’ensemble des besoins. Il s’agit bien, j’insiste sur ce point, d’un concours financier volontaire ; une contribution obligatoire relèverait du droit fiscal.
Je me félicite que les représentants des opérateurs de l’eau – la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau, la FPPE, et à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR – aient accepté la mise en place d’une telle contribution, tout en insistant sur le choix fait de la contractualisation plutôt que d’un prélèvement de nature fiscale.
Le dispositif curatif est donc particulièrement renforcé et l’Assemblée nationale n’a pas profondément modifié sur ce point le texte adopté par le Sénat, comme l’a souligné notre excellent rapporteur, Michel Houel.
Un autre aspect important de cette proposition de loi tient au rôle dévolu au maire, qui sera informé par la mise en place d’un système d’échange mutuel d’informations. La demande d’aide sera notifiée par le gestionnaire du fonds au maire et au centre communal ou intercommunal d’action sociale de la commune de résidence du demandeur. En retour, ces derniers pourront communiquer au gestionnaire du fonds, avec copie à l’intéressé, le détail des aides déjà fournies, ainsi que toute information en leur possession susceptible d’éclairer le gestionnaire du fonds sur les difficultés rencontrées par le demandeur. Il s’agit à mes yeux d’un bon système qui permet au maire de rester au centre du dispositif tout en respectant les lois en vigueur.
Par ailleurs, je suis tout à fait favorable à l’idée retenue par les députés de réfléchir à la mise en place prochaine d’un volet préventif s’ajoutant au volet curatif, qui est renforcé par ce texte. Nous disposerions alors d’un dispositif complet et cohérent de mise en œuvre effective du droit à l’eau potable pour tous.
Il faudra donc aller plus loin. Pour ce faire, il existe deux voies : la tarification sociale ou un système d’allocation différentielle. Les difficultés de mise en place sont nombreuses et complexes. Il ne faut pas les négliger. C’est pour cette raison que je soutiens la mesure adoptée par les députés, issue du travail du Comité national de l’eau, demandant au Gouvernement de présenter au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport précisant les dispositions envisagées pour mettre en place un volet préventif.
Cela n’a rien d’extravagant ni de dérogatoire. Tous les autres services publics, dans les domaines de la téléphonie, de la fourniture d’électricité, de gaz naturel ou de fioul domestique, proposent un mécanisme préventif d’aide afin de permettre aux personnes démunies un accès à ces services qualifiés par les différentes dispositions législatives de « produits de première nécessité ». Face à l’absence de dispositif équivalent pour l’eau, nous devons engager une réflexion afin de trouver des solutions efficaces. Il appartient au Gouvernement de choisir. Nous attendons vos engagements sur ce point, monsieur le secrétaire d’État.
L’accès à l’eau potable est un droit fondamental. Notre pays est l’un des rares à l’avoir consacré dans une loi. La proposition de notre collègue Christian Cambon doit être située dans ce cadre, parce qu’elle contribue fortement à rendre ce droit effectif pour tous. Le volet préventif viendra ensuite ; nous en sommes persuadés.
Notre pays, qui milite pour la reconnaissance, sur le plan international, du droit à l’eau pour tous, accueillera à Marseille, au mois de mars 2012, le forum mondial de l’eau. C’est un rendez-vous à ne pas manquer. Il serait bien que la France dispose alors d’une législation complète en matière de droit d’accès à l’eau, maîtrisant, en amont, l’aspect préventif et, en aval, le côté curatif.
La France, je le rappelle, est d’ores et déjà très engagée à travers l’aide publique au développement depuis la loi « Oudin-Santini », dont le bilan est positif : des associations, des collectivités, des écoles, des collèges ou des lycées ont, selon leur engagement, ouvert des espaces de dignité, de santé publique et d’espérance à des populations très démunies.
Notre pays est exemplaire dans ce domaine, je tenais à le rappeler, et nous n’avons pas à rougir des actions qui ont été conduites. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.
M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Sénat examine aujourd’hui en deuxième lecture la proposition de loi de notre collègue Christian Cambon relative à la solidarité dans les domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement.
À Mayotte, le régime hydrographique, la croissance démographique et urbaine soutenue, le solde migratoire important, la grande précarité matérielle au sein des populations et la persistance de l’habitat insalubre créent des besoins sans cesse renouvelés en matière de logement, d’eau et d’assainissement, que cette proposition de loi, si elle était adoptée, permettrait largement de satisfaire. Toutefois, il faudra pour cela remplir au préalable les conditions législatives indispensables.
En vertu de la loi du 7 décembre 2010, Mayotte deviendra un département d’outre-mer régi par l’article 73 de la Constitution à compter de la première réunion suivant le renouvellement de son assemblée délibérante, probablement le 1er avril 2011.
À ce titre, les lois actuellement en vigueur en métropole et dans les départements d’outre-mer qui ne seront pas étendues par les lois de départementalisation le seront par voie d’ordonnances, dans les douze mois suivant la publication de la loi pour le code des communes, et dans les dix-huit mois pour les autres matières énumérées à l’article 30 de la loi ordinaire de décembre 2010 relative au département de Mayotte.
La présente proposition de loi entrera en vigueur le 1er janvier 2012, avec une application différée en outre-mer, notamment à Mayotte. Elle vise à autoriser les communes à financer un fonds de solidarité pour l’eau dont la gestion sera confiée aux centres communaux ou intercommunaux d’action sociale.
Or, à ce jour, ne sont applicables à Mayotte ni la loi du 31 mai 1990, créant notamment le fonds de solidarité pour le logement, ni le code de l’action sociale et des familles.
Afin d’étendre à Mayotte le bénéfice des dispositions de cette proposition de loi, il sera donc nécessaire, d’une part, que les ordonnances relatives au code des communes et au code de l’action sociale et des familles paraissent dans les délais prévus à l’article 30 de la loi ordinaire relative au département de Mayotte et que, d’autre part, en application de l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement étende dans les mêmes conditions la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.
Tel est le sens de l’amendement adopté par l’Assemblée nationale, tendant à prévoir que les dispositions relatives à la contribution volontaire des opérateurs de l’eau soient applicables à partir de la création d’un FSL à Mayotte.
En outre, le FSL pourrait intervenir de manière plus forte afin d’alléger les factures d’eau, d’assainissement, d’énergie ou encore de téléphone des personnes les plus démunies.
Nous ne pouvons donc que soutenir cette excellente proposition de loi de notre collègue Christian Cambon. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais m’efforcer d’apporter quelques éléments de réponses aux différents intervenants.
Le dispositif préventif est au cœur de la proposition de loi présentée par Christian Cambon. Je note un consensus sur toutes les travées de cette assemblée pour mettre en place rapidement la possibilité d’alimenter le FSL par une contribution sur les factures d’eau. Il s’agit d’une avancée majeure.
M. le rapporteur, MM. Claude Biwer, Christian Cambon et Mme Marie-Thérèse Bruguière ont évoqué le rôle central du maire. L’Assemblée nationale a allégé le dispositif en prévoyant l’information du maire par le gestionnaire du FSL, avec, en retour, la possibilité pour le maire d’adresser des avis. Comme l’a indiqué M. Christian Cambon, cette simplification est bienvenue.
Par ailleurs, les opérateurs de l’eau considèrent que le montant de la contribution, sur lequel nous reviendrons lors de la discussion des articles, semble conforme aux besoins. Les impayés représentent actuellement entre 0,1 % et 0,2 % des recettes. Le plafond proposé, de 0,5 %, est donc suffisant et il ne paraît pas nécessaire de le porter à 1 %.
MM. Michel Houel et Christian Cambon, Mmes Marie-Thérèse Bruguière et Évelyne Didier ont souhaité la mise en place rapide du dispositif préventif. Je vous ai rappelé tout à l’heure l’engagement du Gouvernement de faire adopter ce dispositif à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2012. Il ne s’agit donc pas, pour le Gouvernement, de rédiger un rapport qui sera aussitôt remisé dans un tiroir. Il s’agit, au contraire, de tirer les conséquences de ce rapport lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012 : je l’ai indiqué à l’Assemblée nationale ; je le répète aujourd’hui devant le Sénat.
Monsieur Ibrahim Ramadani, comme vous l’avez rappelé, la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement n’est pas encore applicable à Mayotte. La loi 7 décembre 2010 relative au département de Mayotte prévoit que des ordonnances prises dans le cadre de l’article 38 de la Constitution pourront rendre certaines lois applicables, sous réserve d’éventuelles adaptations justifiées par les spécificités locales. Il en est ainsi de la loi du 31 mai 1990. Le délai imparti par la loi pour publier les ordonnances expire le 8 juin 2012. L’Assemblée nationale a corrigé le texte initial de la présente proposition de loi pour permettre l’application sans délai du dispositif préventif lorsque les dispositions relatives au FSL s’appliqueront à Mayotte.
Madame Didier, monsieur Raoult, le délai de six mois accordé au Gouvernement pour remettre un rapport au Parlement n’est pas une tactique destinée à repousser la mise en place de ce dispositif aux calendes grecques. Notre objectif est simplement de nous donner du temps, de faire travailler ensemble les acteurs de l’eau et ceux de la cohésion sociale pour aboutir à un dispositif simple et efficient. Peut-être éviterons-nous ainsi la mise en place d’une usine à gaz compliquée et peu efficace.
Certes, le Gouvernement s’est donné six mois mais, je le répète, il s’est engagé devant l’Assemblée nationale, et j’ai confirmé cet engagement devant le Sénat, à tirer les enseignements du rapport dans le projet de loi de finances pour 2012. Il s’agit donc d’un rapport qui doit déboucher sur des dispositions législatives.
Par ailleurs, je tiens à préciser que le seuil de 3 % du revenu total des ménages, mentionné par M. le rapporteur et par Mme Évelyne Didier, est issu d’un rapport réalisé au Royaume-Uni, qui précise qu’au-delà de cette limite, des choix doivent être faits par les familles entre les différents postes de consommation de base. Cette valeur n’a pas de reconnaissance internationale, même si elle a été reprise dans un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE.
MM. Christian Cambon et Paul Raoult ont évoqué l’absence de FSL dans certains départements. Je tiens à préciser que les FSL existent dans tous les départements, mais tous ne comportent pas un volet « eau ». Parmi les soixante et onze départements ayant répondu en 2008 à l’enquête effectuée par le ministère, une vingtaine de FSL indiquent ne pas avoir mis en place des aides aux impayés d’eau.
Après l’adoption de cette proposition de loi, les services du ministère veilleront à la création d’un volet « eau » au sein de tous les FSL. Avec la mise en place d’une contribution sur les factures d’eau, il sera plus facile aux préfets, dans le cadre de l’élaboration conjointe, avec le conseil général, du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées, de rappeler, dans les règlements intérieurs des FSL, le caractère obligatoire des aides aux impayés d’eau.
Mme Évelyne Didier et M. François Fortassin ont évoqué la péréquation nationale en matière d’eau. Le prix de l’eau, il est important de le rappeler, est non pas le coût de la ressource en eau, puisque son usage appartient à tous, mais le coût pour accéder à la ressource et pour la traiter après usage. Les diversités territoriales expliquent donc les différences des prix pour l’utilisateur.
Eu égard à la complexité du paysage français, qui compte 16 000 services différents, il est bien difficile de mettre en place un système de péréquation. Un effort de regroupement doit donc être réalisé. La récente loi sur les collectivités territoriales nous permettra si ce n’est d’y parvenir, du moins de progresser.
Tels sont, monsieur le président, les éléments de réponse que je souhaitais apporter aux différents intervenants.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
(Non modifié)
I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 2224-12-3, il est inséré un article L. 2224-12-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2224-12-3-1. – Les services publics d’eau et d’assainissement peuvent attribuer une subvention au fonds de solidarité pour le logement afin de contribuer au financement des aides relatives au paiement des fournitures d’eau ou des charges collectives afférentes mentionnées à l’article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.
« Une convention passée avec le gestionnaire du fonds de solidarité pour le logement détermine les règles de calcul ainsi que les modalités d’attribution et de versement de cette subvention, dont le montant ne peut excéder 0,5 % des montants hors taxes des redevances d’eau ou d’assainissement perçues. » ;
2° Le I de l’article L. 2564-41 est complété par les mots : « , à l’exception de l’article L. 2224-12-3-1, qui est applicable à compter de la création à Mayotte du fonds de solidarité pour le logement prévu par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement » ;
3° À l’article L. 2571-2, avant la référence : « L. 2224-12-4 », est ajoutée la référence : « L. 2224-12-3-1, » ;
4° Au 2° de l’article L. 6213-7, après les références : « titres Ier, II », sont insérés les mots : «, à l’exception de l’article L. 2224-12-3-1, ».
I bis. – Après le premier alinéa de l’article 6-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La demande d’aide est notifiée par le gestionnaire du fonds au maire et au centre communal ou intercommunal d’action sociale de la commune de résidence du demandeur. Ceux-ci peuvent communiquer au gestionnaire du fonds, avec copie à l’intéressé, le détail des aides déjà fournies ainsi que toute information en leur possession susceptible d’éclairer le gestionnaire du fonds sur les difficultés rencontrées par le demandeur. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2012.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Raoult, Raoul, Repentin, Rainaud, Patient, Navarro, Mirassou, Guillaume, Daunis, Courteau, Bourquin, Botrel et Teston, Mmes Khiari, Nicoux, Herviaux et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Après la première phrase de l'article L. 2224-12-1, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Le Conseil municipal ou l'assemblée délibérante du groupement de collectivités territoriales peut définir une catégorie d'usagers éprouvant des difficultés particulières au regard notamment de son patrimoine, de l'insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d'existence et bénéficiant en conséquence d'un tarif social de l'eau en application de l'article L. 210-1 du code de l'environnement. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture a été motivée par le décalage existant entre un droit d’accès à l’eau dans des conditions économiquement acceptables par tous, inscrit dans la loi sur l’eau, et une réalité quotidienne très différente pour certains foyers qui ne parviennent plus à payer leurs factures d’eau.
Elle a aussi été motivée, sans vouloir me substituer à M. Christian Cambon, par une volonté de donner aux maires les moyens de s’impliquer davantage dans le dispositif d’aide aux personnes en difficulté.
Or le résultat auquel nous aboutissons aujourd’hui est à mes yeux limité puisqu’il s’agit d’une contribution volontaire des services d’eau et d’assainissement au FSL, ce qui était déjà possible, et que le volet préventif sous forme d’allocation, que nous appelions de nos vœux, est remis à plus tard.
Je vous propose donc de profiter de l’article 1er de cette proposition de loi, qui vise à modifier le code général des collectivités territoriales, pour rendre possible un dispositif complémentaire permettant d’aider les ménages.
Il s’agit de laisser la possibilité aux maires ou à un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, de mettre en place une différenciation tarifaire fondée sur les catégories d’usagers, mais basée sur des motifs sociaux.
L’article L. 2224-12-1 du code général des collectivités territoriales précise que : « Toute fourniture d’eau potable, quel qu’en soit le bénéficiaire, fait l’objet d’une facturation au tarif applicable à la catégorie d’usagers correspondante. »
Or, jusqu’à présent, la première phrase de cet article a donné lieu à une interprétation restrictive. La notion de « catégorie d’usagers » ne peut faire référence qu’aux différents usages de l’eau : industriels, agricoles ou usage des particuliers. Mais dès lors que la LEMA, crée, dans son article 1er, un droit d’accès à l’eau dans des conditions économiquement acceptables par tous, nous devrions nous accorder à considérer que la mise en place d’une discrimination sociale dans le prix de l’eau en est une conséquence nécessaire. La notion de « catégorie d’usagers » doit pouvoir s’entendre comme une catégorie d’usagers domestiques aux revenus modestes, basée sur des critères à définir.
Le maire devrait pouvoir décider d’appliquer un tarif uniforme spécial à cette catégorie définie d’usagers. C’est, selon moi, un outil intéressant pour les communes qui souhaitent s’investir dans la mise en œuvre du droit à l’eau. Cela permettrait d’intervenir avant d’arriver à des situations d’impayés et d’endettement. C’est d’ailleurs, c’est la logique qui a été suivie dans d’autres domaines.
Ainsi, il existe une tarification sociale relative à l’énergie en France, depuis 2005 pour l’électricité, avec le tarif de première nécessité, et depuis 2008 pour le gaz, avec le tarif social. Cette tarification est ouverte aux personnes physiques bénéficiant de la couverture maladie universelle dont les ressources annuelles demeurent inférieures à un plafond qui dépend de la composition familiale du foyer.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas permettre la mise en place d’un tarif social de l’eau à l’échelle locale, puisque c’est à ce niveau que se gère cette ressource ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Houel, rapporteur. Cet amendement pose le principe d’un tarif social de l’eau pour certaines catégories d’usagers. Un amendement similaire a déjà été examiné et rejeté par notre commission en première lecture.
Je ne conteste pas l’objectif visé par les auteurs de cet amendement, mais celui-ci renvoie au dispositif préventif sur lequel, en vertu du nouvel article 2 de la présente proposition de loi, le Gouvernement doit remettre un rapport dans un délai de six mois. Ce rapport rendra compte « [des] modalités et [des] conséquences de l’application d’une allocation de solidarité pour l’eau attribuée sous condition de ressources, directement ou indirectement, aux usagers domestiques des services publics d’eau potable et d’assainissement, afin de contribuer au paiement des charges liées aux consommations d’eau au titre de la résidence principale ».
Il convient donc d’attendre que le Gouvernement nous présente à la fin de l’année, comme il s’y est engagé, les nouvelles dispositions envisagées, afin de débattre de ce volet préventif en connaissance de cause.
Par ailleurs, je précise à nouveau que la loi sur l’eau et les milieux aquatiques a déjà prévu la faculté, pour les collectivités locales, de déployer une tarification progressive en faveur des usagers. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je compléterai l’intervention de M. le rapporteur par deux arguments.
En premier lieu, le dispositif proposé par les auteurs de cet amendement souffre d’une grande fragilité constitutionnelle. En effet, la possibilité de modulations tarifaires au nom de l’intérêt général est admise dans le cadre des services publics administratifs facultatifs qui sont directement gérés par les collectivités locales. C’est notamment le cas des cantines ou des crèches. En revanche, la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel exclut cette possibilité dans le cas des services publics gérés par des établissements publics industriels et commerciaux.
En second lieu, le dispositif proposé se révèle d’une extrême complexité, car les services d’eau et d’assainissement devraient avoir accès à des données confidentielles relatives à la situation sociale des ménages. C’est déjà le cas pour les FSL ou pour les organismes en charge de certaines aides. Est-il vraiment indispensable d’élargir cette possibilité ? Une telle extension s’accompagnerait, j’insiste sur ce point, de coûts supplémentaires de gestion extrêmement importants et exigerait des garanties de confidentialité tout aussi importantes.
Monsieur le sénateur, pour remédier à cette situation, nous devons, lors de la réflexion que nous conduirons dans les six mois à venir – c’est d’ailleurs pourquoi nous avons besoin de ce délai –, élaborer un dispositif de nature à répondre à votre souhait, qui est aussi le nôtre, d’instaurer un volet préventif. En revanche, la solution que vous préconisez dans votre amendement n’est probablement pas la plus judicieuse.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d’État, un dispositif similaire existe, je le rappelle, pour la tarification sociale de l’énergie. J’ai pris note des objections qui nous ont été opposées, mais eu égard à l’importance de l’objet de cet amendement, nous le maintenons.
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par MM. Raoult, Raoul, Repentin, Rainaud, Patient, Navarro, Mirassou, Guillaume, Daunis, Courteau, Bourquin, Botrel et Teston, Mmes Khiari, Nicoux, Herviaux et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° La première phrase du III de l’article L. 2224-12-4 est complétée par les mots : « soit sur la base du tarif applicable à la catégorie d’usagers correspondante » ;
La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Ce deuxième amendement peut vous sembler redondant, …
M. Paul Raoult. … mais il me semble de nature à sécuriser plus encore la pratique d’un tarif social de l’eau, que l’on confond d’ailleurs souvent avec la tarification progressive qui, elle, est déjà possible.
Ainsi, l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales dispose : « À compter du 1er janvier 2010 et sous réserve du deuxième alinéa du I, le montant de la facture d’eau calculé en fonction du volume réellement consommé peut être établi soit sur la base d’un tarif uniforme au mètre cube, soit sur la base d’un tarif progressif. Cette facture fait apparaître le prix du litre d’eau. »
Cette tarification progressive a déjà été mise en place dans certaines collectivités et elle permet aux usagers de bénéficier d’un tarif abordable pour la première tranche de consommation d’eau, qui correspond aux besoins vitaux ou essentiels. Cette démarche est très intéressante, car elle permet d’alléger la facture des consommateurs de base, mais elle bénéficie en fait à tous les usagers.
L’objet de cet amendement, comme celui du précédent, relatif aux catégories d’usagers, est de sécuriser l’application d’un tarif uniforme spécial à une catégorie d’usagers à revenus modestes.
Je vous propose donc de préciser dans le code général des collectivités territoriales que le montant de la facture d’eau peut être « établi sur la base du tarif applicable à la catégorie d’usagers correspondante ».
Encore une fois, je le rappelle, la différenciation tarifaire introduite par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques dans le code général des collectivités territoriales et le droit d’accès à l’eau permettent, à mes yeux, de déroger au principe de l’égalité des usagers devant le service public, en créant et en définissant une catégorie de bénéficiaires éprouvant des difficultés particulières.