M. Ronan Kerdraon. Une autre piste consisterait à revoir l’organisation du travail et à mieux axer la réduction du temps de travail sur l’égalité entre hommes et femmes.
Sans doute faudrait-il aussi sortir de la logique de généralisation du travail à temps partiel et s’orienter plutôt vers la remise en question de la norme du travail à temps plein.
L’OCDE semble désormais aller en ce sens, car elle n’insiste plus, dans ses recommandations, sur l’accentuation du travail à temps partiel, mais sur l’instauration de vraies politiques de conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale.
À ce titre, il pourrait être judicieux de porter un regard sur les expériences étrangères qui peuvent présenter un intérêt particulier. C’est ainsi que, d’une manière générale, dans les pays scandinaves, nous pouvons observer l’existence d’une meilleure articulation des temps professionnels et familiaux.
L’exemple des Pays-Bas mérite également d’être cité. C’est à l’issue d’un large débat, portant sur l’évaluation de la durée du travail selon qu’elle permet un accomplissement satisfaisant des tâches parentales, que des scénarios ont abouti à préconiser une durée de 32 heures de travail hebdomadaire pour les hommes et les femmes. Une loi relative à l’adaptation du temps de travail, votée dans la foulée, permet aux salariés de demander des augmentations ou des diminutions du temps de travail à leur employeur, lequel, en cas de refus, doit prouver son impossibilité de satisfaire cette demande.
La Suède, quant à elle, a instauré un congé de maternité plus long et une durée des congés pour soigner des enfants malades pouvant aller jusqu’à soixante jours.
Peut-être serait-il également souhaitable de déconnecter la période de maternité de la période de travail, afin de rééquilibrer les déroulements de carrière.
Des pays comme le Canada, notamment la province du Québec, ont travaillé de façon très approfondie sur ces questions. Les principales remarques des Québécois sur la manière dont nous abordons la question de l’égalité salariale portent essentiellement sur notre optique, jugée trop étroite, en matière d’inégalités salariales.
Dans nos sociétés dites occidentales, l’une des principales origines des inégalités entre femmes et hommes sur le marché du travail réside dans la distinction, créée artificiellement, entre un travail qui serait productif, c’est-à-dire hors du foyer et donc rémunéré, et un travail improductif, celui qui est accompli à l’intérieur du foyer.
Avec l’arrivée des femmes sur le marché du travail, au moment de la Première Guerre mondiale, cette même distinction s’est perpétuée, en réservant aux hommes les secteurs réputés productifs, dans les domaines techniques ou de direction, et aux femmes les secteurs qualifiés d’improductifs, à savoir la santé, la protection sociale ainsi que les tâches administratives dans les entreprises. Il en est résulté une rémunération moindre dans les secteurs considérés, de fait, comme féminins.
Selon les Québécois, c’est sur cette division du travail, responsable des préjugés de genre, que nous devrions principalement nous pencher.
Le système canadien se fonde sur l’idée que toute personne occupant un poste sous-évalué, considéré comme féminin, doit avoir droit à une rémunération fondée sur la valeur du travail et non sur les préjugés de genre.
Au lieu d’analyser simplement les différences de revenus entre individus exerçant un même travail, la législation canadienne s’intéresse aussi aux inégalités entre les secteurs d’emploi.
De plus, au lieu de laisser la situation se normaliser à partir des plaintes émanant des salariés, ce sont les employeurs qui, au Canada, doivent agir pour constater les inégalités salariales et réduire les écarts salariaux. Par exemple, la législation canadienne impose aux employeurs de plus de dix salariés de suivre un programme d’équité salariale Ce système s’applique aussi bien au secteur privé qu’au secteur public et prévoit des sanctions envers les employeurs qui ne respecteraient pas ce programme.
Mise en œuvre depuis 1997, cette loi canadienne sur l’équité salariale a permis une diminution des écarts salariaux entre les femmes et les hommes. De 16,1 % en 1997, ils sont passés à 13,9% en 2004. Il reste qu’elle n’a pas abouti à l’égalité de fait.
Les cultures et des traditions sont encore lourdes. Certains préjugés ont la vie dure !
Ils sont fondés sur les rapports sociaux entre les sexes et renvoient à la division des rôles au sein de la sphère familiale : accès différenciés à l’éducation et à la formation, répartition inégale du travail domestique, persistance de repères d’un salaire familial masculin assurant la couverture des besoins du ménage et, inversement, d’un salaire d’appoint pour les femmes.
Comme nous le voyons, un changement de mentalité s’impose également du côté des hommes. Ces derniers doivent également prendre part aux tâches domestiques. Lorsque les enfants sont malades, pourquoi serait-ce obligatoirement à la mère de s’absenter de son travail ? Lorsque les enfants sont encore en bas âge, pourquoi le père ne prendrait-il pas un congé parental ? Certains le font, mais ils restent trop rares. Pourquoi les pères ne demanderaient-ils pas à bénéficier d’un horaire aménagé pour pouvoir aller chercher leurs enfants à l’école à seize heures ?
Cette dynamique d’égalité, qui prend en compte l’intérêt des femmes et des hommes, est encore largement sous-estimée.
Heureusement, l’arrivée des jeunes générations, plus sensibilisées que leurs aînées au partage des rôles et aux aléas de la vie professionnelle, pourrait bien modifier les représentations de l’égalité et peser favorablement, demain, sur l’égalité salariale des hommes et des femmes dans les entreprises.
En conclusion, je dirai que la question des inégalités salariales entre hommes et femmes est complexe parce qu’elle témoigne du caractère fortement imbriqué de l’ensemble des inégalités dont sont victimes les femmes dans le monde du travail.
Si l’on souhaite assurer l’égalité entre les sexes, il faut s’en donner les moyens. Il faut agir sur le marché du travail : légiférer efficacement sur l’égalité salariale en appliquant des sanctions dissuasives aux entreprises qui ne respectent pas les lois, combattre le temps partiel subi, favoriser la formation professionnelle des femmes, particulièrement des femmes seules, et aménager leur temps de travail.
Il faut également agir sur la vie familiale et mener une politique volontariste en matière de garde d’enfants.
Les bonnes intentions ne sont pas suffisantes, il est temps d’agir !
Je tiens à rappeler que le Gouvernement vient de montrer le peu de cas qu’il fait de la situation des femmes dans deux textes majeurs : la réforme des retraites et celle des collectivités territoriales.
M. Roland Courteau. Très juste !
M. Ronan Kerdraon. Nous espérons que, en matière d’égalité professionnelle, le Gouvernement, madame la ministre, sera plus attentif et souhaitons connaître ses intentions sur toutes les questions qui ont été soulevées aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Madame Morin-Desailly, je veux à mon tour vous remercier d’avoir pris l’initiative de cet important débat, ainsi que les différentes sénatrices et l’unique sénateur (Sourires.) qui l’ont alimenté par leurs interventions de grande qualité.
L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est en effet loin d’être réalisée et cette situation pèse lourdement sur la vie quotidienne des femmes et sur les familles. Un tel état de fait mérite d’être abordé avec lucidité et avec une conviction mise au service de l’efficacité.
Permettez-moi de mentionner quelques données, que plusieurs d’entre vous ont d’ailleurs déjà citées tant elles sont éclairantes.
Tout d’abord, les femmes et les hommes n’occupent pas les mêmes emplois : majoritaires parmi les employées, les femmes ne représentent, en 2008, qu’un peu plus du quart des postes d’encadrement des entreprises du secteur privé et semi-public.
Si les femmes représentent 47,2 % de la population active, force est de constater que la moitié des femmes en activité sont concentrées dans douze des quatre-vingt-six familles professionnelles, essentiellement les métiers des services, de l’éducation et de l’action sanitaire et sociale.
Par ailleurs, les femmes accèdent peu aux hautes responsabilités. C’est le fameux « plafond de verre ». Ainsi, on ne trouve parmi les dirigeants salariés d’entreprise que 17,2 % de femmes, comme nombre d’entre vous l’ont souligné, et elles ne sont que 5 % à siéger dans les conseils d’administration des grands groupes français.
Tous ces facteurs – la répartition inégale des hommes et des femmes dans l’emploi, dans les différents secteurs, dans les entreprises et dans les types de postes occupés – se cumulent pour expliquer les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, lesquelles se maintiennent au même niveau depuis 1990.
Je remercie Anne-Marie Payet d’avoir apporté un éclairage salutaire sur les difficultés spécifiques de l’outre-mer. Effectivement, les représentations stéréotypées y jouent peut-être encore un rôle plus important qu’en métropole et constituent un frein à l’insertion et à l’égalité. Bien entendu, l’action devra aussi porter à cet égard sur l’orientation des plus jeunes.
Il y a en effet, madame la sénatrice, des femmes tout à fait remarquables outre-mer. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’en rencontrer certaines avec vous.
Je reviendrai tout à l’heure sur l’accompagnement spécifique vers l’emploi des femmes en difficulté et sur le développement d’actions autour de l’articulation des temps.
Catherine Procaccia l’a souligné, tous temps de travail confondus, les salaires des femmes restent inférieurs de 27 % à ceux des hommes.
Face à ce constat, il est crucial d’agir sur l’ensemble des éléments constitutifs du parcours professionnel des salariées. Odette Terrade a rappelé un certain nombre de chiffres et la nécessité d’avoir une vision globale de ces sujets.
L’amélioration de la retraite des femmes implique, par exemple, une réduction des inégalités pendant l’activité, tant en matière de carrière qu’en matière de salaire. Or il ne peut y avoir de réduction des écarts sans diagnostic de la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise.
C’est l’objet du rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes, institué par la loi du 13 juillet 1983 et enrichi par la loi du 9 mai 2001.
Ce document, qui est soumis pour avis aux institutions représentatives du personnel, rassemble des éléments quantitatifs, c’est-à-dire un certain nombre d’indicateurs chiffrés, toujours utiles, mais aussi qualitatifs, relatifs à la politique de l’entreprise en matière d’égalité, de salaire, de temps de travail, de formation, de promotion et d’articulation des temps de vie professionnelle et familiale.
La réalisation de ce document est un préalable essentiel à la négociation obligatoire sur l’égalité entre les hommes et les femmes, visant à programmer des mesures de suppression des écarts de rémunération en application de la loi du 23 mars 2006.
À l’instar de Catherine Morin-Desailly, j’en appelle à la mobilisation des partenaires sociaux. Ceux-ci pourraient certainement se montrer plus engagés sur les questions d’égalité entre les hommes et les femmes. Je rappelle en effet que la conférence nationale de la négociation salariale a été réunie le 6 novembre 2009. Les partenaires sociaux avaient six mois pour indiquer les sujets sur lesquels ils souhaitaient négocier. Ils ont finalement décliné cette proposition et n’ont engagé aucune négociation. C’est très dommage !
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, le bilan de la négociation collective montre une augmentation du nombre d’accords collectifs signés, tant dans les entreprises que dans les branches professionnelles.
En 2005, on recensait 295 accords d’entreprise traitant de l’égalité entre les femmes et les hommes ; il y en avait 1 290 en 2009, ce qui représente une amélioration notable. Pour ce qui est des accords de branche traitant de cette question, on en comptait 41 en 2005 et 107 en 2009.
Il reste que ce bilan des négociations mérite d’être amélioré, car des inégalités fortes demeurent. À titre d’exemple, 55 % des entreprises n’effectuent pas le rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes. Il est donc indispensable de renforcer, à la fois qualitativement et quantitativement, le contenu de ce rapport.
Des mesures importantes ont été prises à cet égard ont été intégrées dans la loi portant réforme des retraites du 9 novembre dernier. Cette loi a renforcé, en son article 99, l’obligation pour les entreprises d’au moins cinquante salariés d’établir un rapport de situation comparée, incluant un plan de résorption des inégalités professionnelles.
À cet égard, je précise à Odette Terrade que les décrets d’application de cet article sont en cours d’élaboration et qu’ils seront publiés avant le 31 mars. Une concertation est actuellement en cours avec les partenaires sociaux concernant les modalités des sanctions que vous appelez justement de vos vœux, madame la sénatrice.
La loi précise notamment que le rapport de situation comparée, qui doit d’ores et déjà comporter un volet prospectif, devra dorénavant contenir un véritable plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ce plan déterminera les objectifs de progression, fondés sur des critères clairs, précis et opérationnels, la définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre, ainsi qu’une évaluation de leur coût.
Le rapport devra également comporter une analyse permettant d’apprécier, pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise, la situation respective des femmes et des hommes en matière, par exemple, d’embauche, de formation, de qualification, de conditions de travail, de rémunération, d’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale.
La communication sur le plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle sera organisée. L’employeur devra en effet porter à la connaissance de ses salariés, par voie d’affichage sur le lieu de travail ou tout autre moyen adapté, la synthèse de ce plan, comprenant des indicateurs et des objectifs de progression définis par décret. Cette synthèse sera tenue à la disposition de toute personne qui la demandera et sera publiée, le cas échéant, sur le site Internet de l’entreprise.
Une autre disposition importante de la loi du 9 novembre dernier est l’application d’une sanction financière en cas d’absence d’accord collectif ou de plan d’action relatif à l’égalité professionnelle. Le montant de la sanction, qui sera fixé par l’inspection du travail, pourra représenter jusqu’à 1 % de la masse salariale des rémunérations et gains bruts. Il pourra être modulé par les services de l’inspection du travail, tant en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle qu’au regard des difficultés objectives particulières que rencontrerait l’entreprise, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.
Le but, chère Catherine Morin-Desailly, est d’inciter les entreprises à s’engager sur le chemin de l’égalité professionnelle. Toutefois, un peu de contrainte ne nuit pas à la conviction ! (Sourires.)
Les modalités de suivi et de réalisation des objectifs et des mesures de l’accord et du plan d’action seront fixées par décret, et le produit de la sanction sera affecté au Fonds de solidarité vieillesse.
La loi portant réforme des retraites prévoit également, dans son article 102, que les négociations engagées chaque année sur les objectifs d’égalité professionnelle dans l’entreprise devront également porter sur les conditions dans lesquelles, en cas d’activité à temps partiel, l’employeur peut prendre en charge tout ou partie du supplément de cotisations lié au maintien de l’assiette des cotisations d’assurance vieillesse à hauteur d’une rémunération à temps plein.
Plus largement, sur le sujet essentiel et sensible du temps partiel, qui pénalise si souvent les carrières des femmes, je souhaite organiser, au cours du premier semestre de 2011, avec Xavier Bertrand, une table ronde tripartite, rassemblant l’ensemble des parties prenantes, comme je l’ai annoncé voilà quelques jours lors de l’anniversaire de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.
Cet événement devrait nous permettre d’affiner les pistes existantes et, à tout le moins, de contribuer à sensibiliser le grand public à cette thématique.
Nous le savons, la différence sémantique faite entre le temps partiel choisi et le temps partiel subi est des plus artificielles puisque le recours au temps partiel prétendument choisi est à 80 % féminin.
Pour les femmes qui font le choix de se consacrer à leur famille ou à un proche en situation de dépendance, les conséquences peuvent être dramatiques sur la carrière et la rémunération. Cela est évidemment intolérable. Nous devons briser ensemble ce cercle vicieux.
Toutes ces dispositions doivent entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2012. La loi du 23 mars 2006 avait donné aux entreprises un délai de cinq ans, soit jusqu’au 31 décembre 2010, pour négocier des mesures de résorption des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.
Je veux, sur ce point, rassurer Mme Terrade : cette date butoir est supprimée et on y a opportunément substitué un dispositif de sanction plus dissuasif. Le dispositif est donc désormais pérenne – Catherine Procaccia y a fait référence dans son intervention. La mise en place va être évidemment renforcée par l’action de l’inspection du travail, chargée d’effectuer des contrôles.
Cela étant, pour progresser vers l’égalité professionnelle, nous devons aussi agir en amont, dès la formation initiale des jeunes filles et des jeunes garçons.
Nous connaissons, nous, une meilleure réussite sur le plan scolaire que les garçons. Les filles sont en effet aujourd’hui en moyenne plus diplômées qu’eux : en 2006, 25 % des femmes âgées de 25 ans à 34 ans disposent d’un diplôme supérieur à bac+2, contre 19,9 % des hommes du même âge. Tous baccalauréats confondus, à la session 2008, 85,3 % de filles avaient obtenu leur diplôme, contre 81,5 % des garçons. Je prie les sénateurs ici présents de nous en excuser ! (Sourires.)
Mme Odette Terrade. Mais pourquoi s’excuser ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous avez bien raison, madame Terrade : il n’y a pas à s’excuser ! (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, il faut bien constater que les filles n’en tirent pas suffisamment parti au moment de leur choix d’orientation scolaire et professionnelle, car elles sont encore trop peu nombreuses à se diriger vers les filières et les écoles les plus valorisées sur le marché du travail. Elles sont minoritaires dans les formations des secteurs des sciences fondamentales et technologiques, majoritaires dans les séries littéraires et les sciences médico-sociales.
Il est de notre responsabilité collective de mettre fin à ce paradoxe et d’anéantir certains mécanismes de censure que s’imposent les filles elles-mêmes et leurs familles. On sait, par exemple, que les filles accèdent aux filières qui conduisent à des professions plus valorisantes et plus rémunératrices avec des moyennes supérieures à celles des garçons.
Favoriser l’insertion professionnelle des femmes consiste ainsi à assurer l’élargissement des choix d’orientation scolaire et professionnelle des filles, notamment en direction de ces filières prometteuses au regard du marché du travail.
C’est dans cette perspective de diversification des choix professionnels qu’est organisé, chaque année, le Prix de la vocation scientifique et technique des filles, à destination des élèves de terminales : 650 prix, d’un montant de 1 000 euros chacun, sont remis, sur l’ensemble du territoire, à des jeunes filles qui font le choix de s’orienter vers ces filières scientifiques ou technologiques de l’enseignement supérieur, où l’on compte moins de 40 % de filles.
Il est également essentiel d’accompagner les secteurs professionnels et les entreprises dans leur démarche vers l’égalité professionnelle.
À cette fin, des dispositifs spécifiques sont mobilisés, à hauteur de plus de 1 million d’euros par an. Je pense notamment aux aides financières à destination des PME. Il s’agit à la fois d’aides au conseil, pour étudier leur situation en matière d’égalité professionnelle ainsi que la mise en place de mesures, et d’aides à l’action, comme le contrat pour l’égalité professionnelle et le contrat pour la mixité des emplois.
Ces deux contrats permettent la prise en charge par l’État d’une partie des coûts des mesures de sensibilisation, de formation, de promotion ou d’amélioration des conditions de travail, dès lors qu’elles ont pour objectif l’amélioration significative de la place des femmes en termes d’emploi et de qualification.
Toutefois, ces dispositifs sont peu utilisés en pratique. Aussi a-t-il été décidé d’en opérer la fusion de manière simplifier les modalités de leur mise en œuvre et à susciter davantage de mesures en faveur de l’égalité professionnelle. Ce dispositif unique, ouvert aux seules entreprises, permettra de cofinancer des mesures aussi bien individuelles que collectives.
Une autre piste est la contractualisation avec des secteurs professionnels porteurs d’emplois. Je compte notamment développer le travail entamé, il y a quelques années, avec le secteur du bâtiment, en l’occurrence la Fédération française du bâtiment et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, pour introduire davantage de mixité dans un domaine d’activité où de nombreuses femmes travaillent et obtiennent des qualifications. Le concours intitulé « Conjuguez les métiers du bâtiment au féminin », lancé par la CAPEB avec le soutien de mon ministère et destiné aux jeunes filles de troisième, s’est déployé dans tous les départements.
Je souhaite également mobiliser d’autres secteurs, tel que celui des nouvelles technologies de l’information et de la communication, qui souffrent aujourd’hui d’une désaffection des jeunes femmes. En France, la proportion de femmes parmi les ingénieurs n’est que de 17 %, et leur nombre est en légère diminution.
Il importe de mieux faire connaître les formations et les métiers, de revisiter une image très stéréotypée du secteur et de valoriser ses atouts. C’est pourquoi un travail avec la branche professionnelle des bureaux d’études techniques, concernée par les nouvelles technologies de l’information et de la communication, est absolument nécessaire.
Catherine Morin-Desailly a beaucoup insisté sur l’articulation entre temps de la vie professionnelle et temps de la vie personnelle, et cet angle d’analyse me paraît également très pertinent. La palette des mesures concrètes que peuvent, à cet égard, appliquer les entreprises est extrêmement diversifiée.
La fixation d’un entretien avec les femmes enceintes avant leur congé de maternité et à leur retour, afin de leur permettre de reprendre le travail dans les meilleures conditions possibles, s’est concrétisée dans de nombreuses entreprises.
N’oublions pas que la France constitue un modèle de société où l’augmentation du taux d’activité des femmes n’a pas eu d’impact négatif sur l’indice de fécondité.
Les actions à mener impliquent la mobilisation des trois acteurs principaux que sont l’État, les collectivités locales et les entreprises pour guider l’action, en lien avec les initiatives européennes sur l’évolution démographique.
Ce thème, qui fait partie des axes pris en compte dans le cadre de la négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les entreprises, mobilise les acteurs du territoire qui mènent des actions innovantes, financées pour partie par le Fonds social européen ou s’inscrivant dans le cadre de programmes communautaires.
Il convient, en la matière, de valoriser les entreprises qui s’engagent, de saluer des initiatives nouvelles, telles que l’Observatoire de la parentalité, qui fédère les entreprises amies des familles et regroupe d’ores et déjà 130 entreprises.
Le label « Égalité » consacre les organismes novateurs dans leur approche de l’égalité entre les femmes et les hommes, et récompense l’exemplarité de leurs pratiques.
Depuis le 10 mars 2005, date de la première labellisation, un nombre croissant d’organismes, issus de secteurs aussi variés que l’électronique, les transports, les assurances, la communication, l’agro-alimentaire ou les banques, se sont ainsi employés à l’obtenir. Près de 800 000 salariées et salariés travaillant au sein d’entreprises ou d’administrations sont aujourd’hui concernés et bénéficient de cette démarche.
Il nous faut enfin œuvrer à la sensibilisation du grand public, des partenaires sociaux et de la classe politique aux questions des violences et des discriminations salariales auxquelles les femmes sont confrontées dans le monde du travail. Je compte y consacrer une partie du nouveau plan contre les violences. Jusqu’à présent, nous nous sommes surtout préoccupés des violences qui surviennent dans le cadre familial ; il convient de se préoccuper aussi de celles qui existent dans le cadre professionnel.
Une campagne de communication, à la fois pour lutter contre les discriminations salariales et encourager le partage des responsabilités familiales, nous permettrait de porter haut les valeurs qui nous rassemblent. Soyez certains que je mettrai tout en œuvre pour qu’elle soit mise en place dès 2011.
L’entreprise mobilise ainsi différents leviers pour faire progresser l’égalité de traitement. Davantage de femmes ont, de cette façon, accédé à des postes de direction et, même s’il reste des progrès à faire, les écarts de rémunération se sont réduits.
Je souhaite également développer la création d’entreprises par les femmes, source de création d’emplois. Seulement 29 % des entreprises sont créées par des femmes, ce qui est encore insuffisant.
Le Fonds de garantie pour la création, la reprise et le développement d’entreprises à l’initiative des femmes, le FGIF, a permis, en vingt ans, la création de plus de 5 000 entreprises. Institué en 1989 pour faciliter l’accès au financement bancaire par les femmes qui souhaitent créer une entreprise, il leur apporte un soutien personnalisé dans leur démarche.
Ce dispositif, géré par France Active et France Initiative, doit pouvoir être davantage mobilisé et couplé avec d’autres prêts bancaires complémentaires, comme le Nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprise, le NACRE. Je souhaite pour cela renforcer les partenariats, notamment avec la Caisse des dépôts.
La lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes est donc une action transversale, qui doit se décliner dans toutes les politiques conduites par les différents ministères, ainsi qu’aux niveaux régional et départemental, pour reprendre le concept européen de gender mainstreaming.
Afin d’élaborer et de mettre en œuvre une politique volontariste, pour faire coïncider égalité de droit et égalité réelle, un plan d’action interministériel en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes servira de feuille de route aux décideurs et permettra de concevoir, d’adapter et de mettre en œuvre des programmes appropriés et des stratégies novatrices.
Ce plan, d’une vaste portée, couvrira tous les domaines essentiels pour la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes : accès des femmes aux responsabilités dans la vie politique, économique et associative ; égalité professionnelle et salariale ; accès au droit et respect de la dignité ; articulation entre vie professionnelle et vie personnelle.
Il comportera une vingtaine d’axes prioritaires d’action, déclinant pour chaque ministère, dans un document unique, une série d’engagements primordiaux. Un comité de pilotage et de suivi regroupant des représentants de chaque administration sera mis en place, afin de suivre, d’ajuster et d’évaluer, ministère par ministère, les actions menées dans le cadre du plan.
C’est ainsi que nous tirerons toutes les leçons utiles du rapport confié à Mme Guégot. Des actions de communication, interne et externe, accompagneront ces travaux au fur et à mesure de leur déroulement.
Le plan d’action interministériel aura vocation à être décliné au niveau régional dans le cadre de la mise en œuvre des stratégies régionales en faveur des femmes. Il s’accompagnera, par ailleurs, de la réactivation du comité interministériel aux droits des femmes. Ce plan, qui pourrait être d’une durée de cinq ans, sera validé en janvier 2011 lors du comité interministériel, puis lancé par le Premier ministre dans les semaines qui suivront.
J’ai bien entendu ce qu’a dit M. Kerdraon dans la partie de son discours qui concernait l’Europe. Bien entendu, la France a encore du chemin à faire, mais elle n’est pas, tant s’en faut, une mauvaise élève en matière d’égalité professionnelle à l’échelle communautaire.
Les travaux menés au sein de l’Union européenne montrent que la France a mis en place des actions courageuses et efficaces : lois, sanctions, accompagnement des entreprises. Certains États envient même notre efficacité. Quoi qu’il en soit, je porterai ces dossiers relatifs à l’égalité au sein du Conseil. Ainsi, lors du dernier Conseil des ministres européens chargés de l’emploi et des politiques sociales, dit EPSCO, voilà quelques jours, j’ai invité mes collègues à adopter la démarche de la « clause de l’Européenne la plus favorisée » et demandé la saisine de l’Institut européen pour l’égalité des sexes, inauguré en 2010 à Vilnius.
Les interventions dans ce domaine sont donc multiples : actions de l’État, des collectivités territoriales, des entreprises, action européenne et mobilisation de l’opinion publique.
Je sais pouvoir compter sur les parlementaires de toutes sensibilités politiques pour prendre en compte cet enjeu de l’égalité entre les femmes et les hommes, non seulement au travers du présent débat, que nous devons à l’initiative de Catherine Morin-Desailly, mais aussi de tous les débats d’importance qui vont se succéder.
En tant que ministre en charge des droits des femmes, je veux, avec Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’État, soutenir l’idée selon laquelle le partage des responsabilités professionnelles entre les femmes et les hommes est directement lié au partage des responsabilités familiales, autrement dit au partage des droits mais aussi des devoirs familiaux, à la prise en charge des enfants et des personnes dépendantes, des personnes âgées ou en situation de handicap.
Cela implique notamment de ne pas faire reposer la prise en charge de la dépendance sur les seules épaules des femmes, comme c’est encore trop souvent le cas.
Mme Odette Terrade. Eh oui !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cette dimension sociétale devra être abordée lors du débat national sur la dépendance, qui doit s’ouvrir très prochainement.
Vous le savez, les femmes sont des prestataires bénévoles pour leur famille, tout en représentant l’immense majorité des salariés à temps partiel dans le secteur des services. Elles sont également les principales concernées par la perte d’autonomie parce qu’elles ont une espérance de vie plus longue. Autant de raisons d’aborder très largement ces questions dans le cadre de ce grand débat sur la dépendance.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons bien du travail à accomplir dans le domaine de l’égalité entre les hommes et les femmes au cours de l’année 2011 ! (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur cette question orale.