M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Dans quel délai cet argent peut-il être versé ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous pouvez donc retirer vos amendements, monsieur Sueur ! Vous avez satisfaction.
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi l’avis du Gouvernement est-il défavorable alors que le ministre est d’accord ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Il y a quelques semaines, j’ai saisi le préfet de Seine-et-Marne au sujet des crédits de l’aide exceptionnelle. Si nous l’avons obtenue, c’est grâce à l’acharnement de nos collègues, de nos collègues du groupe socialiste, mais pas uniquement puisque le groupe de l’Union centriste avait déposé une proposition de loi. À force d’insistance sur toutes les travées, nous avons arraché cette aide exceptionnelle car la sécheresse de 2003, c’est, pour reprendre l’un des sous-titres du rapport de la commission des finances, « un passé qui ne passe pas » !
Cette aide exceptionnelle a été déléguée au ministère de l’intérieur, qui en a confié la gestion aux préfectures. Dans le cadre de la mission de la commission des finances, nous nous sommes rendus dans la préfecture de l’Essonne, un territoire très touché, comme en témoignent notre collègue Bernard Vera, qui est intervenu tout à l’heure, et notre collègue Claire-Lise Campion.
Nous avons vu qu’au fil des années – les fonctionnaires de la préfecture ont changé entre-temps – cette aide exceptionnelle a été distribuée selon des critères assez opaques – comme d’habitude ! – et que l’information a été défaillante.
Récemment, j’ai repris l’attache de la préfecture de Seine-et-Marne et, grâce à la diligence du secrétaire général, j’ai pu savoir ce qu’il en était du reliquat de cette aide exceptionnelle, qui doit être consommé d’ici à la fin de l’année, sauf à être perdu.
J’ai eu la confirmation qu’il y avait bien un reliquat de 1,7 million d’euros répartis entre les préfectures. Mais j’ai appris que la préfecture avait adressé très tardivement un courrier aux auteurs des cinquante dossiers qui n’étaient pas soldés mais qui avaient été déposés en temps utile ; c’est ainsi dans mon département, il n’y a pas de raison qu’il en aille différemment ailleurs. J’ai eu cette information la semaine dernière, c'est-à-dire début décembre. Cela signifie que les préfectures n’ont pas fait diligence pour transmettre l’information de telle sorte que ce reliquat soit effectivement consommé !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas un sujet législatif !
Mme Nicole Bricq. La mission a constaté – cela figure dans ses commentaires, et notre collègue M. Frécon, qui en était corapporteur, ne pourra que le confirmer – que le dispositif était très inégalement appliqué selon les préfectures et quelquefois de façon assez laxiste !
Notre deuxième amendement, qui s’inscrit dans le prolongement du travail sérieux effectué par la mission de la commission des finances, dont le rapport et les recommandations ont été unanimement approuvés, toutes sensibilités politiques confondues, vise à ce que nous soit communiqué le détail de l’affectation de cette aide exceptionnelle, notamment de ce qui reste en suspens.
Parler de 1,7 million d’euros, c’est peut-être occuper le Sénat pour peu de chose ! En tout cas, pour les sinistrés comme pour les communes qui ont été touchées par la catastrophe naturelle, c’est d’une grande importance ! Quand vous vivez dans une maison qui se défait petit à petit et que vous êtes démuni de ressources pour engager les travaux, je peux vous dire que c’est un drame, et pas seulement un drame psychologique !
Dans l’Essonne, nous avons visité des maisons sinistrées. Nous avons vu les dégâts, nous avons vu comment vivent ces familles, entre des murs qui bougent sans arrêt, dans ces maisons dont les failles s’élargissent à la moindre humidité ou dès lors que revient la sécheresse.
C’est la raison pour laquelle nous nous permettons d’insister pour que ces deux amendements soient adoptés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Frécon. Même si ce problème peut être perçu comme revêtant une dimension locale, monsieur le rapporteur général, il s’agit néanmoins d’un problème de principe pour notre commission des finances.
Cette dernière a désigné une mission qui a été présidée par notre collègue Éric Doligé et dont les corapporteurs étaient Fabienne Keller et moi-même. Nous avons déposé un rapport qui, en séance publique, a obtenu l’accord unanime de notre assemblée, et le représentant du Gouvernement qui était présent alors a pris l’engagement de répartir ce reliquat.
Or, en tant que corapporteur, je tiens à vous dire, monsieur le ministre, que cette somme de 1,7 million d’euros – en effet, il s’agit bien de 1,7 million d’euros et non de 1,8 million d’euros, il vaut mieux citer des chiffres exacts – dort actuellement ! Si elle dort, c’est, d’abord, parce que entre les préfectures la répartition n’est pas égale ; c’est, ensuite, parce que si, dans certaines préfectures, on se soucie encore un peu du dossier, dans d’autres, on ne s’en occupe pas du tout.
L’affaire est gérée par le ministre de l’intérieur. Mais je vous interpelle directement, monsieur le ministre, car il importe que soient respectés à la fois le vote de la commission des finances et l’engagement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ! Voilà des heures qu’on parle de ce sujet ! Il n’y a pas de question d’enveloppe ! Il n’y a pas de question de modalité ! Le ministère de l’intérieur aura certainement entendu le message proclamé par votre voix puissante dans cet hémicycle… Je veux bien qu’on en parle à l’infini, mais il n’y a aucun problème !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais M le ministre a dit qu’il était d’accord !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cela suffit ! Vous faites une opération politicienne à partir d’un sujet qui ne l’est pas !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 167.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 12
I. – L’article 155 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 155. – I. – 1. Lorsqu’une entreprise industrielle ou commerciale étend son activité à des opérations dont les résultats entrent dans la catégorie des bénéfices de l’exploitation agricole ou dans celle des bénéfices des professions non commerciales, il est tenu compte de ces résultats pour la détermination des bénéfices industriels et commerciaux à comprendre dans les bases de l’impôt sur le revenu.
« 2. Lorsqu’un titulaire de bénéfices non commerciaux étend son activité à des opérations dont les résultats entrent dans la catégorie des bénéfices de l’exploitation agricole ou dans celle des bénéfices industriels et commerciaux, il est tenu compte de ces résultats pour la détermination des bénéfices non commerciaux à comprendre dans les bases de l’impôt sur le revenu.
« II. – 1. Le bénéfice net mentionné à l’article 38 est :
« 1° Diminué du montant des produits qui ne proviennent pas de l’activité exercée à titre professionnel, à l’exclusion de ceux pris en compte pour la détermination de la plus-value ou moins-value de cession d’un élément d’actif immobilisé ou pour la détermination des résultats mentionnés au I ;
« 2° Augmenté du montant des charges admises en déduction qui ne sont pas nécessitées par l’exercice de l’activité à titre professionnel, à l’exclusion de celles prises en compte pour la détermination de la plus-value ou moins-value de cession d’un élément d’actif immobilisé ou pour la détermination des résultats mentionnés au I.
« 2. Sous réserve du VII de l’article 151 septies, en cas de cession d’un élément d’actif immobilisé, les articles 39 duodecies à 39 novodecies sont applicables dans les conditions suivantes :
« 1° Le prix de cession de l’élément d’actif est réputé égal à la somme :
« a) Du prix de cession réel de cet élément, multiplié par le rapport entre, au numérateur, la durée d’utilisation de l’élément aux fins de l’exercice de l’activité à titre professionnel et, au dénominateur, sa durée d’appartenance au patrimoine professionnel ;
« b) Et de la valeur d’origine de cet élément, multipliée par le rapport entre, au numérateur, la durée d’utilisation de l’élément à des fins autres que l’exercice de l’activité à titre professionnel depuis qu’il appartient au patrimoine professionnel et, au dénominateur, sa durée d’appartenance au patrimoine professionnel ;
« 2° La valeur comptable de l’élément d’actif cédé est réputée majorée du montant des amortissements, autres que ceux soumis au 2° du 1 du III du présent article, qui ont été réintégrés au bénéfice en application du 2° du 1 du présent II ; ces amortissements sont néanmoins considérés ne pas avoir été expressément exclus des charges déductibles.
« 3. Le 1° du 1 n’est pas applicable, d’une part, et le 2° du 1 n’est applicable qu’à la quote-part des charges afférentes à un bien qui excède le montant des produits afférents au même bien, d’autre part :
« 1° Lorsque les produits mentionnés au 1° du 1 n’excèdent pas 5 % de l’ensemble des produits de l’exercice, y compris ceux pris en compte pour la détermination des résultats mentionnés au I mais hors plus-values de cession ;
« 2° Ou que les produits mentionnés au 1° du 1 n’excèdent pas 10 % de l’ensemble des produits de l’exercice, y compris ceux pris en compte pour la détermination des résultats mentionnés au I mais hors plus-values de cession, si la condition mentionnée au 1° du présent 3 était satisfaite au titre de l’exercice précédent.
« III. – 1. Les charges et produits mentionnés au 1 du II sont retenus, suivant leur nature, pour la détermination :
« 1° Des revenus fonciers, des revenus de capitaux mobiliers, des profits mentionnés aux articles 150 ter à 150 undecies ou des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou droits de toute nature mentionnées aux articles 150-0 A à 150 VH, selon les règles applicables à ces catégories de revenus ;
« 2° D’un bénéfice, distinct du bénéfice net, imposable dans les conditions prévues aux 1°, 1° bis, 1° ter ou 2° du I de l’article 156.
« 2. Sous réserve du VII de l’article 151 septies, en cas de cession d’un élément d’actif immobilisé, la différence entre le prix de cession réel de l’élément d’actif et le montant déterminé dans les conditions du 1° du 2 du II du présent article est retenue pour la détermination des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou droits de toute nature selon les règles applicables à cette catégorie de revenus.
« 3. Les revenus, profits et plus-values mentionnés au 1° du 1 ou au 2 sont réputés avoir été perçus ou réalisés à la date de la clôture de l’exercice ou de la période d’imposition pour l’application des obligations déclaratives et pour le recouvrement de l’impôt dû.
« IV. – 1. Sous réserve du 2, l’exercice à titre professionnel implique la participation personnelle, directe et continue à l’accomplissement des actes nécessaires à l’activité.
« 2. L’activité de location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés ou destinés à être loués meublés est exercée à titre professionnel lorsque les trois conditions suivantes sont réunies :
« 1° Un membre du foyer fiscal au moins est inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur professionnel ;
« 2° Les recettes annuelles retirées de cette activité par l’ensemble des membres du foyer fiscal excèdent 23 000 € ;
« 3° Ces recettes excèdent les revenus du foyer fiscal soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires au sens de l’article 79, des bénéfices industriels et commerciaux autres que ceux tirés de l’activité de location meublée, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux et des revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62.
« Pour l’application du 3°, les recettes afférentes à une location ayant commencé avant le 1er janvier 2009 ou portant sur un local d’habitation acquis ou réservé avant cette date dans les conditions prévues aux articles L. 261-2, L. 261-3, L. 261-15 ou L. 262-1 du code de la construction et de l’habitation sont comptées pour un montant quintuple de leur valeur, diminué de deux cinquièmes de cette valeur par année écoulée depuis le début de la location, dans la limite de dix années à compter du début de celle-ci.
« La location du local d’habitation est réputée commencer à la date de son acquisition ou, si l’acquisition a eu lieu avant l’achèvement du local, à la date de cet achèvement. L’année où commence la location, les recettes y afférentes sont, le cas échéant, ramenées à douze mois pour l’appréciation des seuils mentionnés aux 2° et 3° du présent 2. Il en est de même l’année de cessation totale de l’activité de location. »
II. – L’article 151 septies du même code est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa du I, les mots : « Sous réserve des dispositions du VII, » sont supprimés ;
2° Le second alinéa du I est supprimé ;
3° Le VII est ainsi rédigé :
« VII. – Les articles 150 U à 150 VH sont applicables aux plus-values réalisées lors de la cession de locaux d’habitation meublés ou destinés à être loués meublés et faisant l’objet d’une location directe ou indirecte lorsque cette activité n’est pas exercée à titre professionnel. »
III. – À la fin de l’article 76 A et du 1° des II et III de l’article 151 octies B, à la fin de la première phrase du premier alinéa et au second alinéa du 1° ter du I de l’article 156 du même code, la référence : « I de l’article 151 septies » est remplacée par la référence : « IV de l’article 155 ».
IV. – Au plus tard le 30 avril 2011, le Gouvernement dépose sur le bureau de l’Assemblée nationale et sur celui du Sénat un rapport présentant les différentes options d’une nécessaire modernisation du régime fiscal des sociétés de personnes et entités assimilées garantissant, a minima, une stabilité du coût par rapport à celui du régime fiscal actuel de semi-transparence.
Ce rapport présente notamment :
– l’utilisation, d’une part, par les personnes morales et, d’autre part, par les personnes physiques de chaque catégorie d’entités bénéficiant du régime fiscal de semi-transparence, notamment le rôle que joue la fiscalité dans leur constitution et le coût budgétaire qui y est associé, en distinguant les associés par catégorie d’imposition et par taille d’entreprise, et en isolant les associés appartenant à un groupe fiscal ;
– les conséquences, notamment budgétaires, de la transformation de chacun des types d’entités bénéficiant actuellement d’un régime fiscal de semi-transparence en sociétés opaques imposées à l’impôt sur les sociétés lorsque l’un au moins de ses associés l’est ;
– les conséquences qui résulteraient pour les associés de la disparition de la société de personnes en tant que sujet fiscal, notamment en termes de modalités déclaratives, de recouvrement et de contrôle pesant sur les associés au titre des différents impôts, en particulier en présence d’entités mixtes, d’entités dont les associés relèvent de situations fiscales différentes et de chaînes d’interposition complexes ;
– les choix opérés par nos principaux partenaires européens en matière de transparence des sociétés de personnes et entités assimilées, quant au type d’entités pouvant bénéficier d’un tel régime et aux modalités d’organisation de cette transparence, ainsi que le traitement fiscal des revenus et flux en lien avec des personnes ou entités étrangères et les gains attendus d’éventuelles évolutions en termes budgétaires et économiques ;
– une estimation du coût afférent à l’application aux associés de sociétés de personnes ou entités assimilées de chacun des avantages fiscaux suivants, en indiquant à chaque fois ce qui, en droit et en fait, justifie ou justifierait leur application : réductions et crédits d’impôt sur le revenu, crédits d’impôt sur les sociétés, régime des plus-values à long terme à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés, y compris sur titres de participation, régime fiscal des sociétés mères, régime de l’intégration fiscale et abattements et taux réduits applicables aux immeubles.
V. – Les I à III sont applicables aux exercices et périodes d’impositions ouverts à compter du 1er janvier 2012.
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet article constitue, à n’en pas douter, une réforme d’importance.
Il s’agit, nous dit-on, de modifier le statut des sociétés de personnes, c’est-à-dire, dans l’acception ici retenue, l’ensemble des contribuables de l’impôt sur le revenu disposant de revenus d’activité non salariée.
On va donc grouper sous un même chapeau, si l’on peut dire, des personnes disposant soit de bénéfices industriels et commerciaux, soit de bénéfices non commerciaux, soit de bénéfices agricoles. C’est-à-dire qu’au fil des 370 alinéas de ce texte pour le moins touffu on s’apprête à traiter de la même manière le petit éleveur de brebis de Haute-Provence et le médecin spécialiste de Neuilly-sur-Seine, le pharmacien d’officine en milieu rural et le ténor du barreau ou le notaire des beaux quartiers...
Vous nous direz que nous exagérons peut-être quelque peu, mais posons-nous la question : pourquoi un texte de cette importance est-il devenu l’un des articles du collectif de fin d’année ?
Dans sa grande sagesse, le Palais-Bourbon a réduit le texte de l’article à 40 alinéas, renvoyant l’essentiel à plus tard !
Une question, qui n’est pas qu’une question de forme, se pose d’emblée : pourquoi le Parlement n’a-t-il, à aucun moment, été associé à la réflexion et à la conception générale de cette réforme des « sociétés de personnes » qui porte, tout de même, sur quelque chose comme 4 %à 5 % de l’assiette de l’impôt sur le revenu, pour peu que je me souvienne ?
Ceux qui auraient travaillé avec les services de Bercy pour rédiger cet article seraient des avocats associés – sous quelle forme : société civile de moyens ou société civile professionnelle ? – spécialistes du droit des sociétés et une officine déjà bien connue, l’Association française des entreprises privées, excroissance du MEDEF, si nos informations sont exactes.
C’est ainsi que nous aurions devant nous une réforme à peu près aussi peu évaluée quant à ses conséquences que la suppression de la taxe professionnelle intervenue l’an dernier, une mesure qu’il nous faudrait examiner dans la précipitation d’un collectif de fin d’année, après un long travail préparatoire de partenaires discrets, mais néanmoins très au fait du sujet.
Tout le monde le sait, l’optimisation fiscale, dans les sociétés de personnes, cela existe. Le problème, c’est que rien, dans cet article 12, ne nous laisse penser que le taux de prélèvement opéré sur les revenus des personnes associées dans les sociétés de personnes ne va pas connaître une réduction sensible.
Au moment où l’on promet rigueur et austérité à nos concitoyens, il risque également d’être assez difficile de leur expliquer que quelques personnes vont pouvoir y échapper, par la grâce d’un texte important et trop rapidement adopté.
Monsieur le ministre, est-il indispensable, à ce stade du débat, de maintenir cet article, qui porte sur un sujet dont on reparlera nécessairement lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative promis pour le mois de juin prochain ?
Nous répondons par la négative à cette question, et c’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous sommes défavorables à cet amendement de suppression, car la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, qui prévoit le maintien des mesures « anti-abus » tendant à neutraliser les effets de la théorie du bilan, ainsi que la remise, par le Gouvernement, d’un rapport détaillé avant le 30 avril 2011 sur l’impact budgétaire et organisationnel de la réforme, nous semble relativement équilibrée.
Mes chers collègues, je me suis posé exactement les mêmes questions que mon collègue Gilles Carrez sur cette réforme de la fiscalité des sociétés de personnes. Il est vrai que cette réforme est en gestation depuis un certain temps déjà, et que l’on aurait pu, et même dû, informer le Parlement plus en amont, ce qui nous aurait probablement permis d’adopter dès à présent l’ensemble du dispositif.
Monsieur le ministre, les services de l’administration centrale doivent comprendre que le Parlement ne se réduit pas à un ensemble de deux chambres d’enregistrement. Les députés et les sénateurs ont besoin de se faire leur propre opinion sur une mesure, même lorsqu’ils partagent les convictions politiques de leurs auteurs et qu’ils adhèrent, par principe, à leurs intentions.
C’est peut-être un défaut, mais nous aimons bien gratter le vernis de surface pour découvrir ce qui se cache réellement derrière une disposition. Le métier de parlementaire est ainsi fait ; il faut le respecter ! Son exercice requiert donc un minimum de temps, surtout quand il s’agit d’examiner un dispositif aussi important et complexe sur le plan juridique et fiscal que celui-ci, et a fortiori lorsqu’il s’insère dans un collectif budgétaire dont on connaît les conditions d’examen fort contraintes.
Comme je l’ai rappelé en préambule, le rapporteur général de l'Assemblée nationale a, me semble-t-il, fait prévaloir une position équilibrée. La théorie du bilan, dont je détaille les mécanismes dans mon rapport, présente incontestablement des effets pervers et, en y mettant fin dès à présent, on évite certaines formes d’optimisation fiscale.
Pour le reste, le texte du Gouvernement comportait des dispositions très intéressantes et utiles, notamment sur l’application du régime mère-fille et sur l’intégration fiscale, en particulier sur l’usage de cet outil juridique qu’est la fiducie. On peut toutefois considérer que ces questions s’apparentent, par extension, à la fiscalité de l’épargne et du patrimoine, qui constituera le cœur du projet de loi de finances rectificative attendu pour la mi-2011.
Dans ces conditions, il me semble que nous pouvons voter aujourd’hui l’article 12, dans la forme issue du vote de l’Assemblée nationale, et attendre pour le reste le rapport que le Gouvernement nous remettra au mois d’avril, avant de formaliser ces dispositions dans le collectif du mois de juin.
Je vous invite dès lors, mes chers collègues, à repousser résolument l’amendement n° 59.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Monsieur le rapporteur général, je comprends parfaitement que la Haute Assemblée ait besoin de temps pour se pencher sur ce problème de la fiscalité des sociétés de personnes, qu’il s’agisse de la « translucidité » fiscale, restreinte ou générale, ou de l’optimisation fiscale, des particuliers comme des entreprises.
Dans cet esprit, nous nous sommes entendus avec l'Assemblée nationale pour que les dispositions relatives aux particuliers soient adoptées dès à présent, et pour que l’examen des autres mesures soit reporté de six mois. Cet examen interviendra donc dans le cadre du projet de loi de finances rectificative prévu pour le mois de juin, et sera précédé du dépôt d’un rapport par le Gouvernement.
Vous connaissez mon expérience parlementaire, monsieur le rapporteur général : en aucune façon il ne faut voir dans cette méthode, sur laquelle nous nous sommes accordés avec l'Assemblée nationale, une forme de mépris ou d’ignorance des règles et des modalités de travail du Parlement.
Cette réforme étant dans les tuyaux depuis quatre ans, il nous est apparu utile de fixer ce calendrier, mais nous comprenons parfaitement la nécessité de dissocier la problématique des particuliers, qui peut être examinée avant la fin de l’année, et celle des entreprises, qui sera expertisée par le Parlement au mois de juin.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen de l'article 12 du projet de loi de finances rectificative pour 2010.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 81 rectifié bis est présenté par MM. Pointereau et Cornu.
L'amendement n° 172 rectifié est présenté par MM. César et B. Fournier et Mme Hummel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 3. Lorsqu'un exploitant agricole soumis à un régime réel d'imposition étend son activité à des opérations accessoires dont les résultats entrent dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et de celles des bénéfices non commerciaux, il est tenu compte de ces résultats pour la détermination des bénéfices agricoles à comprendre dans les bases de l'impôt sur le revenu.
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le III bis de l'article 298 bis du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les recettes accessoires commerciales et non commerciales passibles de la taxe sur la valeur ajoutée, réalisées par un exploitant agricole soumis pour ses opérations agricoles au régime simplifié prévu au I peuvent être imposées selon ce régime lorsque ces recettes ont été imposées selon les modalités du 3 du I de l'article 155. »
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Rémy Pointereau, pour défendre l'amendement n° 81 rectifié bis.