M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en matière d’emploi, seule doit guider notre action, et donc déterminer les moyens qui y sont alloués, la réponse à une question simple, centrale, évidente : sur le front de l’emploi, est-on sorti de la crise ?
À la fin du mois d’octobre, les chômeurs des catégories A, B et C cumulées, c’est-à-dire tous les chômeurs, hormis les stagiaires et les personnes en contrats aidés, étaient près de 4 millions. Malgré des chiffres mensuels en très légère amélioration, sur les douze derniers mois, le chômage a encore augmenté de 5 %.
Le chômage des seniors explose – il a augmenté de 16 % en un an – et si celui des jeunes diminue, il demeure à un taux excessivement et durablement haut, à 23 %. Pour mesurer l’ampleur de la catastrophe, je rappelle que les jeunes sans emplois représentent 37 % des chômeurs en France.
Nous sommes loin, très loin, du niveau de l’emploi de 2008. La crise est arrivée, elle se poursuit, et les prévisions de croissance sont trop faibles pour permettre de relancer efficacement la création d’emplois. L’Observatoire français des conjonctures économiques, le centre de recherche en économie de Science Po, prévoit que nous aurons, en 2011, 800 000 chômeurs de plus qu’en 2008. L’INSEE confirme cette prévision et parle d’une reprise « timide » à partir du deuxième trimestre de 2011.
Enfin, deux autres éléments structurels viennent malheureusement encore ternir les perspectives en matière d’emploi.
Avec la crise et la raréfaction des emplois, les populations qui devaient faire leur entrée sur le marché du travail retardent cette arrivée. Ainsi les jeunes préfèrent-ils prolonger leurs études et les femmes en congé maternité allonger leur congé. Mais ces reports ne dureront pas éternellement. Dès que la situation de l’emploi commencera à s’améliorer, ces populations viendront grossir les rangs des demandeurs d’emploi, sauf si de nombreux emplois sont créés, ce qui est peu probable. Si l’on se fonde sur les taux de croissance estimés, le chômage risque fort de repartir à la hausse.
Par ailleurs, rappelons que, au cours des douze derniers mois, 97 000 des 100 000 emplois créés étaient des emplois en intérim, donc non pérennes ! Comme toujours, précarité et chômage se cumulent et s’alimentent au détriment des plus fragiles.
Dans ces conditions, comment croire que, sur le front de l’emploi, nous sommes sortis de la crise ? C’est impossible, mais c’est pourtant le postulat de la majorité.
À l’Assemblée nationale, Mme Chantal Brunel, rapporteur de la commission des finances, n’a pas hésité à écrire dans son rapport que « notre pays sort de la crise ». Je lui rappelle que les indicateurs économiques la contredisent, particulièrement en matière d’emploi, et que les Français ne sont pas du tout d’accord avec elle. En effet, selon une étude d’opinion du 22 novembre, 70 % de nos concitoyens estiment que « le gros de la crise reste à venir ».
Partant de ce constat, il eût été non seulement logique et, surtout, indispensable que les crédits de la mission « Travail et emploi » soient augmentés pour l’année 2011. Au contraire, ils diminuent de 13 % !
M. le rapporteur pour avis, Alain Gournac, qualifie pudiquement cette baisse de « sensible », mais il atténue immédiatement ses propos en précisant qu’il n’est pas « illégitime de revenir sur certaines augmentations de crédits réalisées au plus fort de la crise et qui ne sont plus justifiées aujourd'hui ».
Mes chers collègues, dans le contexte actuel, on ne peut qualifier de « sensible » une baisse de 13 %. Une telle baisse est irresponsable et traduit le désengagement de l’État de nombre de programmes qui avaient permis d’amortir, en partie, l’effondrement de l’emploi.
Je ne prendrai qu’un seul exemple de ces désengagements inscrits noir sur blanc dans ce projet de budget : celui de la disparition de 130 000 contrats aidés. Pourquoi cette suppression ? Sans doute s’explique-t-elle par le coût de ces dispositifs, mais aussi, peut-être, par votre répugnance, monsieur le ministre, à admettre que ce type de contrats, à l’instar des emplois-jeunes de Lionel Jospin, constitue bien une des réponses nécessaires en temps de crise.
En sus de ces désengagements, d’autres mesures prévues dans le budget de la mission « Travail et emploi » sont pour le moins critiquables.
Je pense, d’abord, à la suppression de la prime de retour à l’emploi pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique. Elle permettra de réaliser une économie de 40 millions d’euros, au détriment des plus démunis, ceux qui retrouvent un emploi après avoir vécu des minima sociaux des mois durant.
Je pense, ensuite, à l’augmentation des charges des particuliers employeurs. Il s’agit là non pas de rééquilibrer les exonérations dont bénéficie Mme Bettencourt, mais bien d’aller taxer les familles des classes moyennes. Or ces familles, compte tenu de leurs temps de transport ou de leurs horaires de travail, sont obligées de recruter une « nounou » à temps partiel pour aller chercher leurs enfants à la sortie de l’école ou à la fermeture de la crèche. Les frais que cela représente s’ajoutent à ceux de la garderie pré et post-scolaire, de la cantine et de la crèche.
Quoi que vous en pensiez, monsieur le ministre, cette situation, c’est le quotidien de milliers de parents. Une telle mesure, sous couvert d’abroger une niche fiscale, aura notamment pour conséquence de favoriser, de nouveau, le travail au noir. Je ne suis pas la seule dans cet hémicycle à dénoncer cette situation.
Au-delà de ces points précis, nous contestons la nature même de votre projet de budget, monsieur le ministre, pas seulement son orientation. M. le rapporteur pour avis a d’ailleurs un mérite réel. Il est sans ambigüité quant à la nature de ce projet de budget pour 2011, puisqu’il a déclaré, en conclusion, que ce budget « contribue à l’effort nécessaire de réduction de nos déficits publics ». C’est bien de cela qu’il s’agit, mes chers collègues.
Pour la majorité, le problème est non pas d’agir en faveur de l’emploi et contre la précarité, mais de réduire les déficits, coûte que coûte.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Et le Portugal, l’Irlande ?
Mme Raymonde Le Texier. En termes profanes, on ferme le robinet des mesures de soutien à l’emploi en claironnant que la crise est derrière nous. Place à la rigueur et au principe du chacun pour soi !
Au lendemain de son bis repetita à la tête du Gouvernement, M. Fillon a évoqué un « gouvernement de combat ». Avec le projet de budget que vous défendez aujourd’hui, monsieur le ministre, on ne sait pas bien quel combat votre gouvernement entend mener, mais ce n’est certainement pas celui de l’emploi !
Nous sommes tous conscients de la nécessité d’assainir nos comptes publics. Cependant, je vous rappelle que cette dette ne résulte pas seulement de la crise. La majorité a creusé la dette avec ses politiques inadaptées : défiscalisation des heures supplémentaires, baisse de la TVA sur la restauration, cadeaux fiscaux aux plus riches, individus et grandes entreprises confondus, à l’instar du bouclier fiscal ou encore des 22 milliards d’euros de la niche Copé.
Lorsqu’un pays traverse une situation comme celle que nous affrontons, il devrait être clair pour tous qu’il y a deux priorités : la formation et l’emploi. Ce sont les deux budgets de l’avenir.
Qui parle d’avenir parle de politique de la jeunesse. Or votre projet de budget, monsieur le ministre, ne prévoit aucune mesure en faveur de l’emploi des jeunes. Au contraire, il prévoit une coupe symbolique : la disparition des crédits du plan « Agir pour la jeunesse ».
Alors, je le répète, monsieur le ministre : non, nous ne sommes pas sortis de la crise, même si vous vous efforcez de prétendre le contraire afin de justifier votre projet de budget de renoncement.
Mes chers collègues, nous ne sommes pas sortis de la crise, car la crise n’est pas seulement la conséquence de l’effondrement du système bancaire. Elle résulte également de la politique que vous menez et qui laisse sur le carreau tous ceux qui ne produisent de la richesse qu’avec leur force de travail.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, nous voterons résolument contre les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » constitue l’un des principaux budgets d’intervention de l’État. Au sein de celle-ci, deux programmes sont plus spécifiquement dédiés à l’emploi, le programme 102, Accès et retour à l’emploi, et 103, Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi.
Au total, ils sont en augmentation de 7,52 % pour les autorisations d’engagement et de 1,22 % pour les crédits de paiement.
L’effort de l’État en faveur de l’emploi est donc confirmé, malgré le contexte de contraintes budgétaires ; il s’agit de prendre le relais du « plan de relance » qui a protégé notre économie.
Plan de relance, fonds d’investissement social, plan d’urgence pour l’emploi des jeunes, plan « Agir pour la jeunesse », depuis deux ans, le Gouvernement a ainsi tenté de préserver nos compatriotes du choc de la crise. Cette détermination a été payante, car les outils mobilisés en faveur de la politique de l’emploi ont atténué la violence du choc avant de permettre, aujourd’hui, de stabiliser la situation.
Selon les derniers chiffres publiés par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, l’activité économique a accéléré au deuxième trimestre, donnant des espoirs de sortie de crise. Ainsi, 46 000 postes ont été créés et le taux de chômage, en baisse de 0,2 point par rapport au trimestre précédent, s’est établi à 9,3 %.
La mise en œuvre des différentes mesures de lutte contre le chômage semble donc produire ses effets et il faut, selon nous, continuer ces efforts.
À l’occasion de l’examen de ce projet de budget, je souhaite faire plusieurs remarques.
J’aborderai, tout d’abord, les publics visés. Afin d’aider les publics les plus éloignés de l’emploi, 340 000 nouveaux contrats aidés non marchands et 50 000 nouveaux contrats aidés marchands sont financés pour 2011, moyennant un coût de 2,1 milliards d’euros, contre 1,7 milliard en 2010.
Je tiens aussi à souligner l’effort en direction des entreprises pour le financement de l’aide à l’embauche des seniors.
L’accès à l’emploi des jeunes demeure une priorité gouvernementale, concrétisée par des crédits importants alloués aux contrats d’insertion dans la vie sociale, au fonds pour l’insertion professionnelle des jeunes, aux actions de parrainage, aux écoles de la deuxième chance, entre autres.
Ces dispositifs s’adressent tout particulièrement aux jeunes non qualifiés ou résidant dans des zones urbaines sensibles, qui ne sont pas pris en charge par d’autres dispositifs.
Vous comprendrez cependant, mes chers collègues, que je veuille dire quelques mots sur le service public de l’emploi, puisque j’en fus le rapporteur au Sénat.
Un peu plus de dix-huit mois après sa création et dans un contexte très difficile, Pôle emploi fonctionne, certes parfois avec difficulté dans certains bassins d’emplois, mais en maintenant son effort de prise en charge et d’accompagnement des chômeurs. Tout comme se maintient, d’ailleurs, la subvention de l’État, à hauteur de 1,36 milliard d’euros.
Selon une grande consultation auprès de 500 000 demandeurs d’emploi, rendue publique le mois dernier, 66 % des personnes interrogées sont satisfaites des services de Pôle emploi. Les demandeurs d’emploi estiment que 69 % des démarches sont plus simples qu’avant la fusion et 67 % d’entre eux les jugent également plus rapides. C’est donc que le but de simplification que nous avions assigné à Pôle emploi est en grande partie atteint.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, vouloir améliorer le dispositif en vous fondant sur les résultats de la consultation des demandeurs d’emploi, afin de ne pas en rester au stade de la réflexion interne.
Pourriez-vous nous dire quelles sont vos pistes de travail, mais aussi nous parler de l’évolution annoncée des effectifs, alors que la diminution du nombre de chômeurs n’est peut-être pas pérenne ?
Je veux aussi évoquer les maisons de l’emploi. Je me permets ici de rappeler ma position en tant que rapporteur du texte sur la fusion ANPE-UNEDIC, qui n’est pas forcément en complète adéquation avec celle d’un certain nombre de mes collègues, très attachés à cet outil de proximité. Certains se sont exprimés sur ce sujet juste avant moi.
Si certaines maisons de l’emploi complètent utilement l’action de Pôle emploi, elles n’ont ni la vocation ni la compétence pour s’y substituer. En outre, si certaines sont effectivement très opérationnelles, d’autres ont une activité très limitée. La loi que nous avions votée stipule clairement que ce sont celles qui « respectent les missions qui leur sont attribuées » qui « bénéficient d’une aide de l’État selon un cahier des charges » défini en Conseil d’État. Cette aide est fixée à 53 millions d’euros en crédits de paiement, au lieu de 95 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2010.
J’approuve donc le Gouvernement qui veut rationaliser l’ensemble de ses dépenses, d’autant que l’Assemblée nationale a généreusement abondé leurs crédits de 10 millions d’euros supplémentaires !
Monsieur le ministre, je pense que mes collègues aimeraient, comme moi, savoir comment vous entendez approcher l’écart de performance entre chacune des maisons de l’emploi et mieux mesurer leur rapport efficacité-coût, en tenant compte, naturellement, de la situation hétérogène des bassins d’emplois.
Enfin, s’agissant du transfert des personnels de l’Association pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, même si je présidais la commission spéciale du Sénat chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, je n’ai pas le souvenir que nous ayons évoqué l’hypothèse d’un transfert de personnes plutôt que de salaires. J’ai donc relu le texte de loi : hormis le transfert des biens, rien n’y figure sur ce point ! Pouvez-vous m’expliquer, monsieur le ministre, ce qui amène les services de l’État à penser que 900 personnes peuvent être transférées et rémunérées, sans difficulté pour Pôle emploi ?
Je voudrais aussi évoquer la volonté gouvernementale de réaliser des économies avec la disparition de certains dispositifs d’exonération. Cette démarche est louable, mais je m’inquiète, comme d’autres, de ses conséquences sur les services à la personne.
L’article 90 du projet de loi de finances supprime en effet l’abattement de 15 points de cotisation patronale pour les particuliers employeurs déclarant leurs salariés à domicile au régime réel.
Cette mesure me contrarie pour plusieurs raisons.
D’une part, les bénéficiaires risquent de préférer désormais le régime forfaitaire au régime réel, ce qui aura des conséquences sur la couverture sociale et les droits à pension des salariés concernés, qui sont très souvent des femmes. L’an passé, j’avais dénoncé le système de déductibilité fiscale de certains emplois à domicile comme celui du coach sportif. Mon exemple a fait florès. Mais ce type de mesure ne concerne que les emplois au réel, auxquels on ne veut pas mettre fin !
En revanche, nous devons penser aux femmes qui n’ont pas d’autre choix que de faire garder leurs enfants à domicile, en garde directe ou partagée, ainsi qu’à celles qui n’ont pas accès à une crèche ou à l’école maternelle avant que leurs enfants aient atteint l’âge de trois ans, voire trois ans et demi s’ils sont nés au premier semestre. Pour ces mères, la garde à domicile ou partagée est souvent la seule solution, particulièrement pour les femmes isolées. Certes, la déductibilité fiscale demeure. C’est heureux car, avec sa disparition, nous aurions vu des emplois maintenant déclarés rebasculer dans le travail « au noir ».
J’approuve donc les amendements déposés par notre rapporteur, ainsi que celui de Marie-Thérèse Hermange, qui sont très modérés.
Je vous proposerai un amendement, allant un peu moins loin, qui sera donc moins coûteux pour l’État, mais qui ne concerne que les gardes d’enfants.
Il est clair que l’article 90 donnera lieu à un échange intéressant.
Mme Annie David. S’il y a des sénateurs en séance !
Mme Catherine Procaccia. Mes chers collègues, malgré les contraintes budgétaires, je considère que le Gouvernement fait de la lutte pour l’emploi en faveur des publics les plus en difficulté une véritable priorité.
C’est pourquoi, malgré certaines réserves, le groupe UMP apportera son soutien à cette politique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’en venir à l’examen du programme 111, Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail, je souhaite faire quelques remarques sur la présentation des crédits de la mission « Travail et emploi ».
Tout d’abord, monsieur le ministre, il me semble que la présentation que vous faites de ces crédits est en léger décalage par rapport à la réalité. Vous prétendez que les crédits du budget de l’emploi sont maintenus, voire augmentés : en effet, selon le tableau de récapitulation des crédits de la mission par programme et titre du document budgétaire, 11,463 milliards d’euros en crédits de paiement sont demandés pour 2011, soit 61 millions d’euros de plus qu’en 2010. Mais, en tenant compte des crédits inscrits l’an dernier dans le plan de relance de l’économie, ces crédits subissent, en fait, une baisse de 1,75 milliard d’euros, soit 15 %. Vous admettrez que ces chiffres sont significatifs.
En outre, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de 2011 à 2013, il est annoncé une baisse, de 11,4 à 9,2 millions d’euros, des crédits de la mission « Travail et emploi ». C’est un choix qui pousse à s’interroger sur les véritables priorités du Gouvernement en ces temps de crise.
Le fait est que le budget pour 2011, notamment celui de la mission « Travail et emploi », est entièrement bâti sur l’hypothèse que la crise est finie, ou en voie de l’être. Monsieur le ministre, cela me semble bien audacieux quand, en réalité, les conséquences de cette dernière perdurent.
En témoigne le taux de chômage, qui continue de s’alourdir. Certes, ce dernier a légèrement baissé entre octobre et novembre 2010, mais il a augmenté de 5 % depuis octobre 2009 ! Il convient donc de relativiser les derniers chiffres.
S’agissant du chômage des jeunes, la situation est encore plus grave. Quant aux seniors, nous en avons longuement parlé dans le cadre du projet de loi de réforme des retraites. Enfin, le chômage de longue durée, devenu endémique, constitue un vrai problème
On pourrait donc s’attendre à ce que les pouvoirs publics ne relâchent pas l’effort. Mes collègues Claude Jeannerot et Raymonde Le Texier ont parlé avant moi de la baisse considérable des actions en faveur des publics les plus fragiles et du désengagement de l’État du financement des opérateurs du service public de l’emploi.
À cet égard, la diminution du budget alloué aux maisons de l’emploi ne sera pas sans conséquence sur ces structures dont nous connaissons tous, élus de terrain, le rôle concret et fédérateur. Sur ce point, je suis en désaccord avec les propos de ma collègue Mme Procaccia.
Si la baisse des budgets se répercute uniformément sur l’ensemble des maisons de l’emploi, la maison de l’emploi et de la formation du Cotentin perdra 350 000 euros de financements par an : dès lors, elle se trouvera dans une situation très difficile, et avec elle l’ensemble des personnes qui bénéficient de ses services.
C’est pourquoi des élus de tous bords se mobilisent aujourd’hui pour que les maisons de l’emploi puissent continuer à remplir leur rôle sur les territoires, car elles apportent indéniablement une valeur ajoutée aux politiques nationales de l’emploi.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, la maison de l’emploi et de la formation du Cotentin a été créée à Cherbourg en novembre 1991, voilà presque vingt ans. À l’époque, nous étions des pionniers, et M. Borloo n’avait pas encore tenté de généraliser de telles structures. Il le fera beaucoup plus tard et, selon moi, avec raison.
Les débats avec lui furent très intéressants bien qu’ils ne se soient pas toujours répercutés dans les faits, comme l’a rappelé Mme Procaccia. Certaines expériences se sont révélées positives, et d’autres un peu plus compliquées.
C’est la raison pour laquelle les maisons de l’emploi et de la formation font l’objet d’un amendement du groupe socialiste. Par ailleurs, je veux dire très clairement que celui-ci partage totalement l’argumentaire développé tout à l’heure par M. Alduy.
S’agissant du programme Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail, les crédits de paiement sont en baisse de 1,265 million d’euros, alors que les autorisations d’engagement sont en hausse de 69 millions d’euros.
L’action 3 « Dialogue social et démocratie sociale » est la mieux dotée, puisque ses crédits font un bond de 17,4 à 90 millions en autorisations d’engagement et sont stables en crédits de paiement.
Cette hausse est liée à l’application de la loi du 20 août 2008 sur la représentativité syndicale, qui implique la mesure de l’audience des organisations par remontée des procès-verbaux des élections des instances représentatives du personnel dans les entreprises.
Pour ce faire, le ministère a mis en place un projet de mesure de l’audience de la représentativité syndicale, le projet MARS, et passé des marchés publics d’une durée de quatre ans avec des prestataires extérieurs, qui ont déjà donné lieu à plusieurs avenants.
Les crédits relatifs à l’administration du travail, à l’inspection du travail et à la justice prud’homale sont, pour leur part, relativement stables.
Quant à la lutte contre le travail illégal, elle n’est plus créditée dans la mission « Travail et emploi », au motif qu’il s’agit d’une action interinstitutionnelle.
Parmi les éléments notables, le plan santé au travail, PST2, qui comprend également les subventions à la nouvelle Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, ANSSAET – cette dernière est issue de la fusion de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, et de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA – et à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, perd 2 millions d’euros en crédits de paiement et 3,5 millions d’euros en autorisations d’engagement. Cela reflète la vraie nature des engagements du Gouvernement en matière de prévention et d’amélioration des conditions de travail.
Dans le cadre du projet de loi de réforme des retraites, nous avions eu un long débat à ce sujet, et je crois que nous sommes aujourd’hui en contradiction avec ce qui avait été dit dans cet hémicycle concernant la nécessité d’anticiper les maladies professionnelles et les accidents du travail en établissant une véritable politique de prévention.
Cette question a été particulièrement examinée à l’occasion de l’examen des dispositions relatives à la pénibilité et à la médecine du travail.
S’agissant d’ailleurs de la médecine du travail, je tiens à rappeler que nous avions alerté M. Woerth sur le cavalier manifeste que représentaient les dispositions introduites par amendements par l’Assemblée nationale.
Mme Annie David. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il avait pris nos avertissements avec une certaine désinvolture ; le Conseil constitutionnel nous a pourtant donné raison. Nous avons toujours dit qu’une telle réforme méritait un texte spécifique.
Quant au contenu, la rédaction issue des travaux du Sénat avait permis certaines avancées, même si elle n’était pas parfaitement satisfaisante. La version finale du texte de loi, issue de la commission mixte paritaire, est en retrait.
Pourriez-vous donc nous dire, monsieur le ministre, si le Gouvernement a l’intention de déposer un nouveau texte à ce sujet ? Si oui, dans quel délai et dans quelle version, sachant que nos collègues de l’Union centriste ont déposé une proposition de loi reprenant les conclusions de la commission mixte paritaire ?
La réforme des retraites ayant été discutée dans les conditions que l’on sait, je pense qu’il serait utile d’avoir prochainement un vrai débat sur la médecine du travail.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. J’y serais favorable.
M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, le doute ne doit plus subsister, maintenant qu’il y a eu un débat et certaines avancées, notamment issues des propositions de la commission des affaires sociales du Sénat.
Ce qui m’a également frappé à la lecture du bleu budgétaire, c’est que la préoccupation la plus clairement exprimée est celle d’une « rationalisation de l’action publique » par la recherche de synergies avec les autres plans de santé publique, notamment environnementale, et la mise en œuvre de contractualisations. Je crois que la révision générale des politiques publiques, la RGPP, a encore de beaux jours devant elle…
Nous voterons contre l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », qui, comme je le regrette, ne traduisent pas une véritable volonté politique et relèvent plutôt d’une vision purement comptable, sous le contrôle – nous le voyons bien – des agences de notation.
C’était déjà le cas pour la réforme des retraites. Aujourd'hui, on ne s’en cache plus. Il va falloir que chacun en tienne compte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission « Travail et emploi » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011.
Je veux avant tout saluer le travail effectué par l’ensemble des membres de la commission des finances et la commission des affaires sociales, sous l’autorité de leur président respectif, M. Jean Arthuis et Mme Muguette Dini.
J’ai entendu sur toutes les travées des remarques, des propositions, des incitations à aller plus loin, à faire davantage ou, au contraire, à ne pas diminuer autant les crédits de tel ou tel programme. J’entends bien ces messages, mais – je le dis très clairement – il y a un véritable changement dans nos pratiques. Certains peuvent s’en étonner, mais c’est ainsi ! Avec la réforme constitutionnelle, les rapports entre l’exécutif et le législatif ont évolué. Ceux qui refuseraient de l’entendre n’auraient rien compris !
D’ailleurs, le Sénat, toutes tendances politiques confondues, a toujours eu une tradition de libre expression ; il n’y a aucune raison qu’elle ne se perpétue pas. Pour ma part, je continuerai à écouter vos remarques et vos demandes, en vous précisant les points sur lesquels il est possible d’évoluer, d’obtenir des avancées, et ceux où ce sera plus difficile.
Je veux aussi remercier de la qualité de leurs travaux M. le rapporteur spécial, Serge Dassault, et M. le rapporteur pour avis, Alain Gournac. Je les retrouve tous deux avec plaisir.
Le ministère dont j’ai la charge réunit désormais le travail et l’emploi, ce qui est très positif aux yeux de nombreux interlocuteurs, notamment syndicaux. C’est au nom du pragmatisme que nous avons souhaité cette réunification, qui permettra de mieux coordonner l’action de l’État afin de revaloriser le travail et de développer l’emploi. Travailler plus, cela signifie également faire travailler plus de nos concitoyens.
Les crédits que nous avons prévu d’affecter à la mission « Travail et emploi » nous permettront de remplir de ces objectifs, et ce dans le respect de nos engagements budgétaires, monsieur Godefroy.
Nous ne cherchons à satisfaire personne d’autre que les Français ! C’est à eux que nous pensons ! De mon point de vue, il vaut mieux savoir faire soi-même les réformes nécessaires, plutôt que d’y être un jour contraint par l’extérieur ! (M. Jean-Pierre Fourcade acquiesce.)