M. Jean-Jacques Mirassou. Évidemment !
M. Pierre Martin. … en lui offrant les meilleurs lieux de l’acquisition des connaissances et de l’apprentissage des techniques, où s’imposent le respect, la tolérance, la solidarité et la recherche de l’excellence.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Pierre Martin. Le comité de pilotage de la conférence nationale sur les rythmes scolaires que vous avez mis en place, monsieur le ministre, doit à la fois permettre de dresser un bilan des expériences engagées depuis quelques années et envisager l’organisation des temps scolaires la plus adaptée pour les succès recherchés et attendus, mais aussi d’identifier les meilleurs leviers susceptibles d’assurer une progression de l’enfant-élève pour le préparer à son entrée dans le monde adulte.
Au chapitre des bonnes idées, le soutien individuel, la mobilisation contre l’illettrisme et les auxiliaires de vie scolaire sont non pas des dispositifs gadgets, mais bel et bien des mesures de bon sens, testées, approuvées et reconnues, qui ne peuvent que conduire l’élève sur la voie de la réussite scolaire.
Lors de votre audition devant la commission de la culture, vous avez, monsieur le ministre, renouvelé votre détermination à « passer de l’école pour tous à l’école de la réussite de chacun ». J’adhère bien entendu à cette ambition et je souhaite que nous puissions tous ici la partager.
M. René-Pierre Signé. Cela va prendre du temps !
M. Pierre Martin. C’est pourquoi je voterai le budget que vous proposez. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Pignard.
M. Jean-Jacques Pignard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le peu de temps qui m’est imparti, je voudrais évoquer deux points qui font aujourd'hui débat : la formation des maîtres et l’évaluation.
Concernant la formation des maîtres, je vous le dis tout net, monsieur le ministre, je ne suis pas de ceux qui regrettent les IUFM tels qu’on les a connus hier : une formation théorique déconnectée des réalités, des apriori pédagogiques issus d’une idéologie souvent fumeuse…
M. René-Pierre Signé. C’est faux !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Non, c’est vrai, il a raison !
M. Jean-Jacques Pignard. … et le verbiage d’intervenants qui eussent été bien incapables de faire classe ! Ces réalités m’ont poussé à saluer votre choix de privilégier, pour les jeunes maîtres, le contact direct avec les enfants et l’apprentissage sur le terrain.
M. Yannick Bodin. Ce n’est pas une question de contact !
M. Jean-Jacques Pignard. Mais force est de constater que la réalité n’est pas toujours conforme à l’ambition affichée.
La mastérisation continue de sacrifier souvent au pédagogisme, au détriment de la pratique. Deux stages de 108 heures, soit quatre jours par trimestre, ne sont, vous en conviendrez avec moi, monsieur le ministre, vraiment pas suffisants. Et ils le sont d’autant moins que ces jeunes débutants se voient confier, à l’issue de ce master, une classe à plein-temps.
Mme Françoise Cartron et M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Jean-Jacques Pignard. A priori, ce n’est pas une mauvaise chose, mais à une condition toutefois, et elle est capitale : qu’ils puissent bénéficier du soutien et de l’expérience d’un véritable tuteur. Or c’est là que le bât blesse !
La situation telle qu’on peut l’appréhender après trois mois offre un paysage pour le moins contrasté.
M. Claude Bérit-Débat. Là, nous sommes d’accord !
M. Jean-Jacques Pignard. Certaines académies jouent le jeu, d’autres beaucoup moins. Vous avez souhaité qu’il soit procédé à une évaluation. Il est urgent qu’elle ait lieu, afin que nous puissions notamment gommer ces disparités.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean-Jacques Pignard. Au demeurant, la formation ne concerne pas que les débutants.
Dans notre société en pleine mutation, le développement de l’école numérique est une priorité absolue, et je rejoins en cela le point de vue exposé tout à l'heure par ma collègue Catherine Morin-Desailly. Encore faut-il que les enseignants soient formés à ces nouvelles pratiques, et tout au long de leur carrière, car, s’il est un secteur qui bouge en permanence, c’est bien celui-là.
Les recteurs d’académie proposent chaque année 18 heures de formation aux enseignants. Puissent-ils les réserver, pour l’essentiel, à ces formations !
Ils ne devraient pas non plus négliger l’enseignement artistique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Très bien !
M. Jean-Jacques Pignard. Les recommandations faites en leur temps par M. Éric Gross pourraient utilement être prises en compte.
Je n’ignore pas que vous êtes contraint par les réalités budgétaires. Mais c’est justement quand l’argent se fait plus rare que l’innovation doit se faire plus prégnante,...
M. Roland Courteau. C’est facile à dire !
M. Jean-Jacques Pignard. … quitte à bouleverser un peu les habitudes et l’inertie d’une grande maison comme la vôtre !
À cet égard, je ne prendrai qu’un seul exemple : la loi du 13 août 2004, qui prévoit la création des établissements publics d’enseignement primaire, laquelle va dans le sens d’une rationalisation et d’une mutualisation, attend toujours ses décrets d’application. Certes, le Haut Conseil de l’éducation a émis un avis négatif, mais il n’est que consultatif.
Selon moi, vous auriez tout à gagner, monsieur le ministre, à faire d’abord confiance à votre bon sens et à celui des enseignants de terrain, plutôt qu’à celui de certains experts. Que la RGPP s’applique aux experts, cela ne me gêne pas ; qu’elle s’applique aux enseignants de terrain, cela me dérange un peu plus.
La dernière idée mûrie par ces brillants cerveaux est d’abolir toute notation. Quitte à paraître démodé, je persiste à penser, eu égard à ma longue expérience d’enseignant, qu’une note permet aux élèves de se situer par rapport aux autres…
Mme Françoise Cartron. Mais non !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Mais si !
M. Jean-Jacques Pignard. … et à eux-mêmes, à condition, bien sûr, que l’enseignant ait la manière.
M. Jean-Jacques Mirassou. Tout cela, c’est fini !
M. Jean-Jacques Pignard. Un bon maître saura toujours expliquer à tel élève que c’est grâce à son travail que sa note est passée de 5 à 10 et à tel autre que c’est son absence de travail qui l’a fait chuter de 15 à 8.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean-Jacques Pignard. Notre époque aime la complication !
Je conclurai mon intervention par une note d’humour.
Un jeune maître en début de carrière m’a expliqué sa perplexité d’avoir à évaluer ses élèves de cours préparatoire sur trente compétences. Je ne les énumérerai pas toutes, mais certaines conviendraient aussi, me semble-t-il, à la classe politique prise dans son ensemble, sénateurs et ministres inclus : « comprendre des phrases nouvelles » ; « lire à haute voix un texte préparé par avance » ; « construire une phrase ayant un sens » ; « comprendre les règles d’un jeu collectif » ;…
Mme Maryvonne Blondin. Ah oui !
M. Jean-Jacques Pignard. … « s’engager lucidement dans l’action ». (Sourires.)
M. Claude Bérit-Débat. Voilà qui est bien !
M. Jean-Jacques Pignard. Monsieur le ministre, je vais vous faire une confidence, il se trouve aussi dans cette liste une compétence que je n’ai pas acquise et qui m’aurait fait tripler mon cours préparatoire : « déterminer par addition ou soustraction le résultat d’une augmentation » ! (Rires.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Ça, c’est pour le budget !
M. Jean-Jacques Pignard. Mais vous n’êtes pas concerné, monsieur le ministre, car vous avez élaboré un budget ! (Sourires.)
Comme la plupart de mes collègues centristes, je voterai ce budget, malgré ses imperfections, espérant que vous tiendrez compte de mes préoccupations concernant la formation. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – Mme Françoise Laborde et M. Jean-Jacques Mirassou applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, le budget que vous défendez ressemble à un exercice de bon élève appliqué.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. C’est un compliment !
Mme Françoise Cartron. Attendez la suite, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)
En effet, vous parlez d’une légère hausse des crédits, d’une maîtrise de la masse salariale, de l’optimisation des ressources de votre ministère. Vous êtes donc bien un bon élève, mais qui se trouve, hélas ! dans une mauvaise classe, le gouvernement auquel vous appartenez ne sachant programmer que des soustractions ou des divisions !
M. Pierre Martin. Ce sont les opérations les plus difficiles ! (Nouveaux sourires.)
Mme Françoise Cartron. La hausse annoncée de 1,5 % des crédits est purement cosmétique …
M. Claude Bérit-Débat. Virtuelle !
Mme Françoise Cartron. … dans la mesure où elle correspond à peine à l’inflation, alors même que la programmation pluriannuelle présentée en 2009 prévoyait une augmentation de 2,8 % pour l’année prochaine.
En réalité, avec 16 000 suppressions de postes en 2011, ce sont 65 400 emplois qui auront été supprimés en cinq ans.
M. Roland Courteau. Un record !
Mme Françoise Cartron. II ne s’agit plus d’optimisation des ressources humaines : c’est la mise en péril des fondations de l’éducation nationale,…
Mme Maryvonne Blondin. Absolument !
Mme Françoise Cartron. … même si, moyennant quelques astuces techniques, vous venez de retrouver miraculeusement 20 000 postes !
Ces fondations sont d’ailleurs également mises en péril par la prétendue réforme de la formation des enseignants, qui n’avait d’autre finalité que de récupérer quelque 15 000 postes.
Aujourd’hui, la réalité est catastrophique. Sous prétexte de mastérisation et de prétendue élévation du niveau des enseignants, vous avez propulsé devant des élèves des jeunes professeurs qui n’ont pas été formés au métier d’enseignant et se retrouvent démunis, désorientés face aux difficultés de ce métier, qu’ils découvrent brutalement.
M. Roland Courteau. C’est scandaleux !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est irresponsable !
Mme Françoise Cartron. À titre de compensation, vous aviez promis un tutorat pour ces jeunes professeurs.
M. Claude Bérit-Débat. Où sont les tuteurs ?
Mme Françoise Cartron. Mais, le plus souvent, ce tutorat n’a pas été organisé ou s’est résumé à un simple échange de courriels avec des professeurs titulaires, en général débordés et fort peu disponibles.
Au demeurant, toujours à la pointe du progrès, vous avez fait distribuer des DVD intitulés « Tenue de classe », censés se substituer aux cours de pédagogie. Le visionnage de ce film est édifiant : une voix off explique comment se comporter en classe, où se placer pour se faire respecter, etc.
Mme Françoise Cartron. Ancienne enseignante, je suis stupéfaite de découvrir que le métier d’enseignant, c’est simple comme une notice vidéo !
Aujourd’hui, le collectif « Stagiaire impossible » regroupe ces jeunes professeurs qui témoignent de leur angoisse et de leur détresse au moment d’entrer en classe. Ils ont à cœur de réussir la mission qui est la leur, à savoir enseigner et transmettre, mais paniquent devant l’ampleur d’une tâche qu’ils doivent assumer seuls.
Combien ont démissionné et combien vont le faire ? Combien se détourneront définitivement de ce métier avec un sentiment d’échec bien lourd à porter pour leur avenir professionnel ?
M. Roland Courteau. C’est le risque ! Et on ne peut pas le mesurer !
Mme Françoise Cartron. Aussi est-il urgent de les entendre et de résoudre les difficultés auxquelles ils sont confrontés ! Les élèves qui leur sont confiés en seront les premiers bénéficiaires.
Rappelons que le syndicat des inspecteurs d’académie s’est ému, le 31 octobre dernier, des résultats perceptibles de cette politique. Les associations de parents d’élèves s’inquiètent à leur tour et n’ont, hélas ! reçu à ce jour aucune réponse à leurs questions. Nous sommes en plein pilotage à vue, mais cela semble être la doctrine de ce gouvernement ! J’en veux pour preuve la réforme des programmes des lycées, si bien préparée que les manuels ne sont toujours pas disponibles partout, trois mois après la rentée scolaire !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est scandaleux !
Mme Françoise Cartron. Pour appliquer les prochaines suppressions de postes, vous avez décidé de déconcentrer la gestion de la réduction des effectifs. Ainsi, chaque recteur d’académie devra trouver les fameux « gisements d’efficience » exigés par votre administration. En clair, il s’agit de « raboter » tous les emplois, fussent-ils vitaux pour la qualité du service public d’éducation. Les recteurs auront donc le choix entre la suppression de la scolarisation à deux ans, malgré la demande des parents, la baisse de l’encadrement, la fermeture de classes, le recours systématique à des vacataires pour effectuer les remplacements, la limitation de l’offre pédagogique ou des coupes dans les personnels administratifs.
En bref, vous appliquez au service public le plus essentiel à notre République les méthodes managériales de la grande distribution. Cette gestion des effectifs à flux tendu a déjà fait beaucoup de dégâts, et la situation s’aggravera encore cette année.
De plus, je pense que les conséquences du vote de la réforme des retraites n’ont pas été suffisamment prises en compte. De nombreuses enseignantes mères de trois enfants ne vont pas avoir d’autre choix que de faire valoir leurs droits à la retraite à la rentrée prochaine, afin de bénéficier du régime antérieur et de ne pas être pénalisées en travaillant plus longtemps. C’est un comble !
Toujours optimiste, néanmoins, vous considérez que l’éducation nationale, même amputée de ses moyens, progresse. C’est sans doute vrai, mais grâce à l’engagement de ses personnels, passionnés par leur travail, qu’ils vivent pour nombre d’entre eux comme une mission. Cela n’est pas le fait de votre politique d’expérimentation tous azimuts,…
M. Roland Courteau. Ça, c’est sûr !
Mme Françoise Cartron. …qui ne profite qu’à un tout petit nombre d’élèves, les autres, c'est-à-dire la plupart, étant pénalisés par la redistribution des moyens globaux grâce à laquelle ces expérimentations sont financées.
Tout cela s’inscrit, selon vous, dans le cadre d’un effort nécessaire d’économies, auquel doivent participer toutes les administrations, l’éducation nationale mettant en œuvre avec zèle la fameuse RGPP.
Les promesses passées du Président de la République, lors de son discours de Versailles, sont oubliées, voire reniées. Permettez-moi de le citer : « La question centrale est donc celle de la qualité de la dépense publique. La logique de la rigueur l’occulte parce qu’elle conduit à ne plus s’interroger que sur les conséquences budgétaires à court terme des décisions que l’on prend. »
M. Claude Bérit-Débat. Il avait raison !
Mme Françoise Cartron. Visiblement, les universités n’ont pas eu à subir cette politique de rigueur. Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche nous l’a confirmé. Tant mieux !
Pourtant, les derniers rapports et évaluations internationaux ont pointé les mauvais résultats de nos élèves. Cela justifierait, à mon avis, une pause dans les réductions budgétaires appliquées à l’éducation nationale.
Monsieur le ministre, vous venez d’être reconduit dans vos fonctions. Je formule le vœu que ce « redoublement » vous soit utile et vous permette de vous rendre compte que notre école publique mérite une tout autre ambition. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’évoquer dans ce débat la situation éducative du territoire le plus éloigné de la métropole.
Si l’ancien enseignant que je suis n’a plus guère le temps de se plonger dans l’étude des orientations pédagogiques, il garde néanmoins un œil attentif sur le fonctionnement de l’enseignement à Wallis-et-Futuna.
Il y a maintenant une quinzaine d’années, les responsables du territoire avaient souhaité le classement de Wallis-et-Futuna en zone d’éducation prioritaire. Le dossier était sur le point d’aboutir, quand un changement de Gouvernement est venu tout remettre en question.
La ZEP n’a donc pas été mise en place et les problèmes demeurent, à commencer par un taux d’échec très supérieur à la moyenne nationale. Bien sûr, notre isolement géographique et un choix très restreint de filières n’y sont pas étrangers. Cependant, le manque ou l’inadéquation des moyens matériels et humains y sont aussi pour beaucoup.
La décentralisation n’ayant pas encore atteint les rivages de Wallis-et-Futuna, c’est à l’État, selon le statut du territoire, qu’incombe la charge de l’éducation, y compris l’immobilier. Or, celui-ci, qui était déjà très dégradé, est désormais, après le passage du cyclone Tomas, dans un état de délabrement avancé.
Lors des discussions entre les responsables du territoire et les parents d’élèves, qui demandaient un engagement sérieux dans des travaux de réparation, aussi bien à Wallis qu’à Futuna, il a été décidé d’y consacrer la quasi-totalité des crédits « éducation nationale » restants du contrat de développement 2007-2011, soit 2 millions d’euros à utiliser cette année et l’an prochain.
Ces crédits ne suffiront cependant pas à la mise aux normes des établissements. Il faudra que ce problème soit sérieusement examiné, car il n’est pas normal que les enfants de Wallis-et-Futuna ne bénéficient pas des mêmes conditions de travail que leurs camarades des autres collectivités françaises.
Soyez remercié, monsieur le ministre, de votre réactivité à la suite du passage du cyclone Tomas. Les travaux ont commencé, mais l’inquiétude des parents demeure quant aux regroupements scolaires qui vont survenir dans le cadre de la reconstruction. Pouvez-vous, s’il-vous-plaît, nous rassurer sur ce point ?
Par ailleurs, tout en vous disant ma reconnaissance pour les crédits octroyés en 2011 en faveur du lycée, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur d’autres priorités pour cette année.
Il s’agit tout d’abord des collèges de Lano et de Lavegahau, qui requièrent également des travaux urgents et importants.
Toujours du fait du cyclone, des besoins de première nécessité restent criants au collège de Sisia, qu’il s’agisse des logements de fonction, de la clôture ou même du matériel scolaire. En effet, le bâtiment, dont la construction est en cours de finition, ne dispose pas du premier équipement.
Les crédits de fonctionnement des collèges et du lycée méritent, eux aussi, attention. En effet, il y a de réels besoins de financement des périodes de formation en milieu professionnel des élèves préparant le baccalauréat professionnel. À ce jour, la totalité de ces formations se déroule en Nouvelle-Calédonie. Des solutions sont actuellement recherchées à Fidji, et j’espère que le ministère sera actif sur ce dossier.
Je ne saurais terminer mon intervention sans dire un mot de la situation de l’enseignement primaire et des conditions pédagogiques dans lesquelles travaillent les enfants.
La convention de 1969 confie l’enseignement primaire à la mission catholique, mais celle-ci reçoit l’aide de l’État. Je vous remercie vivement, monsieur le ministre, d’avoir abondé les crédits inscrits à ce titre en 2010. Cependant, dans la durée, cette aide demeure insuffisante. Les discussions qui ont commencé entre les responsables du territoire et ceux de l’enseignement, pour réfléchir sur le renouvellement de cette convention d’ici à 2012, doivent permettre d’analyser en profondeur cette situation afin que soient prises les décisions qui s’imposent.
J’aimerais beaucoup connaître, monsieur le ministre, votre point de vue sur la renégociation de cette convention.
Dans l’espoir de vous entendre réaffirmer l’engagement fort de l’État dans le domaine de l’enseignement scolaire à Wallis-et-Futuna, c’est avec confiance que je voterai votre budget. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’ouvrir cette intervention par deux citations.
« N’use pas de violence dans l’éducation des enfants, mais fais en sorte qu’ils s’instruisent en jouant : tu pourras par là mieux discerner les dispositions naturelles de chacun. »
« L’éducation doit viser à favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant, le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de ses potentialités. »
Plus de deux millénaires séparent les propos de Platon et l’article 29 de la convention internationale des droits de l’enfant. Mais quelle belle conception de l’éducation ! Et toujours d’actualité, n’est-ce pas ?
Mais quelle est la vôtre à vous, monsieur le ministre ?
À considérer votre discours de la dernière rentrée, je serais tentée de penser que vous adhérez à ces principes. Hélas, si je regarde la traduction chiffrée de vos beaux discours, je suis bien forcée de constater qu’il y a loin des paroles aux actes.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Maryvonne Blondin. Le modèle prôné par Platon et inscrit dans l’article 29 de la convention internationale des droits de l’enfant suppose de s’intéresser aux conditions de vie de l’élève, aux inégalités sociales et de naissance, et d’avoir la volonté de doter notre système éducatif des moyens de palier ces inégalités. Malheureusement, avec ce budget, c’est loin d’être le cas.
Dans son dernier rapport, la Défenseure des enfants lance un cri d’alarme sur la situation des enfants pauvres. Il faut savoir que 2 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté. Or les risques d’un cercle vicieux de la précarité sont réels si les enfants n’ont pas accès à un capital social et culturel suffisant.
Logement insalubre, difficulté ou absence d’accès aux soins, situation familiale instable, mal-être psychologique sont les maux quotidiens de ces enfants. La plupart d’entre eux sont ainsi condamnés à subir le déterminisme social.
Vous le savez, mes chers collègues, les conditions de vie des élèves sont une composante essentielle de leur réussite. Or les défis contemporains sont nombreux : augmentation de la précarité, crainte du déclassement social, éclatement des structures familiales, crise de l’autorité parentale ou encore désaffection des institutions.
La réussite de chaque élève – c’est bien l’objectif affiché – ne saurait se passer de personnels médico-sociaux présents au cœur même de notre dispositif éducatif : médecins, infirmières, psychologues et assistantes sociales doivent travailler de concert à l’accomplissement individuel de chaque élève.
Notre rapporteur a évoqué tout à l’heure la médecine scolaire. Je suis, moi aussi, très alarmée par le manque de moyens de cette médecine, qui remplit un rôle spécifique de prévention, située au carrefour du médical, du pédagogique et du familial.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Maryvonne Blondin. Elle contribue à lutter contre l’échec scolaire en permettant d’identifier les troubles susceptibles d’affecter les capacités d’apprentissage des élèves. Elle intervient dans la détection de la maltraitance, dans la prise en charge individuelle des enfants handicapés, ainsi que dans l’éducation à la santé.
Elle répond aux problèmes actuels de la société, qui touchent dramatiquement nos jeunes : lutte contre l’obésité – vous le savez, il y a dans les ZEP deux fois plus d’obèses qu’ailleurs –, tentatives de suicides, conduites addictives, ignorance du respect dû à l’autre, etc. Son rôle est également important en matière de contraception. Je rappelle que, chaque année, on compte encore 15 000 interruptions volontaires de grossesse pratiquées sur des mineures.
Plus d’un tiers des élèves disent avoir mal au ventre avant d’aller à l’école le matin ! Nous l’avions déjà signalé lorsqu’il a été question de l’absentéisme scolaire : en France, seulement 45 % des élèves se sentent bien à leur place à l’école, contre 81 % dans les autres pays de l’OCDE.
Votre budget ne dote pourtant la médecine scolaire que de 440 millions d’euros, soit moins de 0,73 % des 61 milliards d’euros qui sont affectés à l’éducation nationale:
On ne dénombre que 1238 médecins titulaires, soit un médecin pour plus 10 000 élèves,…
M. Roland Courteau. Chiffre proprement scandaleux !
Mme Maryvonne Blondin. … et beaucoup de ceux qui sont en place vont partir à la retraite très prochainement. Or rien n’est fait pour attirer les jeunes médecins vers ce travail.
Vous avez ouvert des postes d’infirmières, évidemment sans beaucoup de succès compte tenu des conditions de travail et de rémunération.
J’aurais aussi voulu vous parler des auxiliaires de vie scolaire. Nous nous sommes déjà beaucoup exprimés sur ce sujet. Malheureusement, rien ne change, ou plutôt tout s’aggrave. Cette année, c’est un véritable feuilleton auquel nous sommes confrontés : des articles sont régulièrement publiés dans la presse, et c’est d’ailleurs sans doute ce qui permet aux préfets de mobiliser des AVS. Beaucoup de parents d’enfant handicapé vous ont adressé des courriers décrivant l’ampleur de leurs difficultés.
Cette année, le droit du travail a été bafoué : les AVS ont signé des contrats en juillet et, un mois plus tard, ils ont été licenciés par SMS ! C’est insensé, monsieur le ministre !
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Maryvonne Blondin. Mon temps de parole étant épuisé, je m’en tiendrai là, concluant seulement par une citation, de Victor Hugo cette fois :
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a entrepris de réduire les effectifs dans la fonction publique et singulièrement à l’éducation nationale, qui emploie le plus grand nombre de fonctionnaires. Je souscris à cette politique. Toutefois, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les conditions dans lesquelles s’opèrent ces réductions et sur leurs conséquences éventuelles.
Depuis la loi Debré de 1959, l’État verse aux écoles privées une subvention de fonctionnement proportionnelle au nombre d’élèves qui y sont accueillis et paie le salaire de leurs enseignants. Pour maintenir un statu quo, le ministère Chevènement avait mis en place, en 1985, la règle tacite dite des « 80-20 », qui consiste à réserver 80 % des postes d’enseignants au public et 20 % au privé.
Monsieur le ministre, je souhaite savoir si, pour l’avenir, vous envisagez de réajuster cette règle des « 80-20 » afin de tenir compte de l’évolution du rapport entre les effectifs du public et ceux du privé. Tandis que les effectifs du public accusent un léger fléchissement depuis une dizaine d’année, je crois savoir que ceux du privé stagnent, voire évoluent très légèrement à la hausse.
Ma deuxième remarque porte sur la différence de marge de manœuvre entre les deux secteurs. En effet, les 135 000 enseignants du privé exercent directement leur mission éducative auprès des élèves, tandis que les 800 000 enseignants du public ne sont pas tous affectés à l’enseignement proprement dit : une part non négligeable – 10 % à 15 % – des effectifs du public n’exercent pas directement leurs fonctions auprès des élèves, notamment lorsqu’ils sont détachés sur des emplois syndicaux ou associatifs, titulaires sur zone de remplacement ou en surnombre. Le privé ne dispose pas, lui, de ces « réserves » de personnels.
Cette année, l’enseignement public bénéficiera de 5 600 régularisations des « surnombres », alors que l’on observe une accélération de l’effort demandé au privé, de 16,5 % par rapport à l’année dernière, avec 1 633 postes supprimés, contre 1 400 l’année dernière...
La politique de réduction de l’emploi public, affichée comme un objectif prioritaire, n’a donc pas les mêmes répercussions sur les deux secteurs. Je souhaite savoir si, dans la détermination du nombre de postes, cet élément est pris en compte cette année et le sera pour les années à venir.
Dans l’immédiat, je me réjouis de la position de la commission de la culture, qui, sur l’initiative du rapporteur Jean-Claude Carle, a adopté un amendement destiné à rééquilibrer la situation.
Ma troisième observation découle des deux précédentes : si l’on ne prend pas en considération les évolutions réelles des effectifs public/privé et la réalité des taux d’encadrement, on s’expose à des fermetures de classes, notamment en milieu rural et particulièrement dans les régions où, historiquement, l’enseignement privé est le plus important, comme l’Alsace, les Pays de la Loire ou la Bretagne.
J’ai pu observer plusieurs exemples qui révèlent à quel point ce désengagement provoque des redéploiements du milieu rural au profit de la ville. Je n’ignore pas, bien sûr, l’histoire de nos écoles, ni les débats relatifs à la laïcité et à la liberté scolaire. Mais ce désengagement n’est pas neutre pour les finances de nos communes lorsqu’elles doivent se substituer au privé, construire des écoles et assumer leur fonctionnement.
En ces temps de restrictions budgétaires pour tout le monde, une approche pragmatique et globale des situations est plus que jamais souhaitable.