Sommaire

Présidence de Mme Monique Papon

Secrétaires :

MM. Jean-Noël Guérini, Bernard Saugey.

1. Procès-verbal

2. Loi de finances pour 2011. – Suite de la discussion d'un projet de loi

Justice

MM. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Laurent Béteille, Jean-Pierre Sueur, Jacques Mézard, Richard Yung, Mme Virginie Klès.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

État B

Amendement no II-87 de M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis. – MM. Yves Détraigne, rapporteur pour avis ; le rapporteur spécial, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le garde des sceaux, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Richard Yung, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. – Retrait.

Amendement no II-217 du Gouvernement. – MM. le garde des sceaux, le rapporteur spécial. – Adoption.

Amendement no II-6 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le garde des sceaux. – Retrait.

Amendement no II-175 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur spécial, le garde des sceaux, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Virginie Klès, M. Jacques Gautier. – Rejet.

Adoption des crédits de la mission, modifiés.

Article 75

Amendement no II-164 de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur spécial, le garde des sceaux, Alain Anziani, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.

Amendement no II-5 de la commission. – M. le rapporteur spécial. – Retrait.

Adoption de l'article.

Article 75 bis

Amendement no II-165 de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard. – Retrait.

Adoption de l'article.

Suspension et reprise de la séance

Immigration, asile et intégration

MM. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial de la commission des finances ; André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Mme Catherine Tasca, M. Jacques Mézard, Mme Éliane Assassi, M. Richard Yung, Mme Catherine Troendle,

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

État B

Amendement no II-4 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le ministre, Jean Arthuis, président de la commission des finances. – Retrait.

Adoption des crédits de la mission.

Article 74

Amendements identiques nos II-35 de Mme Alima Boumediene-Thiery et II-176 de M. Richard Yung. – MM. Jean Desessard, Richard Yung, le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet des deux amendements.

Amendement no II-177 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.

Amendement no II-178 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.

Amendement no II-179 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.

Amendement no II-180 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.

Amendement no II-181 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.

Amendement no II-182 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.

Amendement no II-183 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.

Amendement no II-184 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.

Amendement no II-224 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le ministre. – Adoption.

Amendements identiques nos II-36 de Mme Alima Boumediene-Thiery et II185 de M. Richard Yung. – MM. Jean Desessard, Richard Yung, le rapporteur spécial, le ministre, Mme Nathalie Goulet. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l’article 74

Amendement no II-167 rectifié de M. Pierre Bernard-Reymond. – MM. Pierre Bernard-Reymond, le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Sécurité

MM. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Jean-Louis Carrère, Mmes Anne-Marie Escoffier, Éliane Assassi, Catherine Troendle, MM. Charles Gautier, Marc Laménie.

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.

État B

Adoption des crédits de la mission.

Suspension et reprise de la séance

Administration générale et territoriale de l’État

Mme Michèle André, rapporteur spécial de la commission des finances ; M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Sueur, Mmes Anne-Marie Escoffier, Josiane Mathon-Poinat.

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.

État B

Amendement no II-228 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur spécial. – Adoption.

Adoption des crédits de la mission, modifiés.

3. Modification de l'ordre du jour

Suspension et reprise de la séance

4. Loi de finances pour 2011. – Suite de la discussion d'un projet de loi

Sécurité civile

M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Mmes Anne-Marie Escoffier, Éliane Assassi, MM. Jean-Claude Peyronnet, Jacques Gautier.

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.

État B

Adoption des crédits de la mission.

Article 86 decies. – Adoption

Ville et logement

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.

MM. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Dominique Braye, en remplacement de M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Thierry Repentin, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

M. Jacques Mézard, Mme Odette Terrade, MM. Alain Fouché, Pierre Jarlier, Mme Bariza Khiari, MM. Charles Revet, Jean Desessard.

MM. Maurice Leroy, ministre de la ville ; Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement.

Demande de priorité

Demande de priorité de l’article 98. – MM. le président de la commission, le secrétaire d'État. – La priorité est ordonnée.

Article 98 (priorité)

Mme Odette Terrade.

Amendement n° II-26 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'État, le président de la commission. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

État B

Amendement n° II-28 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'État. – Adoption.

Amendement n° II-151 de M. Dominique Braye. – MM. Dominique Braye, le rapporteur spécial, le secrétaire d'État. – Adoption.

Amendements identiques nos II-97 rectifié de M. Claude Jeannerot, II-150 de M. Dominique Braye et II-162 rectifié ter de M. René Beaumont. – MM. Claude Jeannerot, Dominique Braye, Michel Magras, le rapporteur spécial, le secrétaire d'État, le président de la commission. – Rectification des amendements nos II-150 et II-162 rectifié ter ; rejet de l’amendement no II-97 rectifié ; adoption des amendements nos II-150 rectifié et II-162 rectifié quater.

Amendement n° II-202 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur spécial. – Adoption.

Amendement n° II-29 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'État, le président de la commission. – Retrait.

Adoption des crédits de la mission, modifiés.

Article 99

M. Thierry Repentin, Mme Bariza Khiari.

Amendements identiques nos II-107 rectifié de M. Jean-Pierre Caffet, II-172 rectifié de M. Yvon Collin et II-174 de Mme Odette Terrade. – MM. Claude Jeannerot, Jean-Pierre Chevènement, Mme Odette Terrade, MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'État, Dominique Braye, Thierry Repentin. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° II-27 rectifié de la commission et sous-amendements nos II-106 rectifié de M. Thierry Repentin, II-173 rectifié de M. Yvon Collin, II-239 de M. Pierre Jarlier, II-141 rectifié ter, II-136 rectifié quater, II-137 rectifié quater, II-138 rectifié quater, II-142 rectifié, II-140 rectifié ter, II-139 rectifié ter de M. Jean-Léonce Dupont, II-168 de Mme Nicole Bricq, II-238 de M. Jacques Mézard et II-227 de M. Claude Lise. – MM. le rapporteur spécial, Thierry Repentin, Jean-Pierre Chevènement, Pierre Jarlier, Claude Biwer, Mmes Nicole Bricq, Bariza Khiari.

Renvoi de la suite de la discussion.

5. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Monique Papon

vice-présidente

Secrétaires :

M. Jean-Noël Guérini,

M. Bernard Saugey.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 87 ter (Nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Deuxième partie

Loi de finances pour 2011

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Justice

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 110 rectifié, rapport n° 111).

Justice

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 48 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Justice » (et les articles 75 et 75 bis).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le garde des sceaux, c’est pour moi une joie de retrouver comme garde des sceaux l’ancien sénateur que vous êtes. Votre nomination à la tête de ce ministère honore le Sénat tout entier.

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la mission « Justice » est dotée pour 2011 de 7,1 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 4,1 %. Sur la période 2011-2013, ses moyens continueront de progresser de 3,3 %, ce qui traduit bien la priorité accordée à la justice depuis la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002.

Le programme Justice judiciaire compte 2,959 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 4,4 %. Les créations nettes d’emplois se montent à 127 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, pour un plafond d’emplois fixé à 31 018 ETPT.

Les efforts destinés à accroître les effectifs de magistrats n’ont cependant de sens que s’ils s’accompagnent d’un effort encore plus important en faveur des greffiers. Or le ratio entre le nombre de greffiers et celui de magistrats n’est encore actuellement que de 0,86. L’objectif doit être de le porter progressivement à un niveau proche de un pour un. Je constate néanmoins que la situation progresse.

Pour 2011, l’enveloppe allouée au titre des frais de justice s’élève à 459,4 millions d’euros. Les charges restant à payer devraient toutefois représenter près de 100 millions d’euros à la fin de l’exercice budgétaire 2010, ce montant correspondant à environ deux mois d’activité des juridictions. Il apparaît donc que la sous-budgétisation constatée en 2009 et en 2010 se poursuit en 2011. C’est la raison pour laquelle la commission des finances m’a demandé de vous présenter un amendement sur les crédits de cette mission.

Un autre enjeu pour l’institution judiciaire réside dans la mise en œuvre de la réforme de la carte judiciaire. À cet égard, il convient de se féliciter que cette réforme avance, sans que son coût dérape. Celui-ci est toujours estimé à 427 millions d’euros sur cinq ans.

Une dernière question se pose concernant la performance de la justice judiciaire : c’est celle de l’exécution des peines. Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous éclairer sur ce point et nous donner votre appréciation sur l’effectivité des décisions pénales ?

En 2011, les efforts en faveur du programme Administration pénitentiaire se poursuivront. Ce programme verra ainsi ses autorisations d’engagement progresser de 6,8 % et ses crédits de paiement de 4,5 %. Il enregistrera par ailleurs un gain net de 413 emplois supplémentaires, pour un plafond d’emplois établi à 34 857 ETPT. Cette augmentation des effectifs permettra notamment de répondre aux besoins en personnels liés à l’ouverture de nouvelles places en détention au cours de l’exercice.

Le nombre de créations nettes de places en détention en 2011 se montera en effet à 1 139, les efforts d’investissement réalisés au cours des derniers exercices commençant à porter leurs fruits depuis 2008.

Le grave écueil de la surpopulation carcérale n’est cependant pas encore totalement surmonté. La préoccupation majeure concerne les établissements dont la densité reste supérieure à 200 %.

Une décision importante est intervenue concernant la question récurrente des transfèrements de détenus. À compter du 1er janvier 2011, la responsabilité de ces transfèrements entre les cellules et les palais de justice, ainsi que des missions d’escorte et de garde des détenus hospitalisés dans les unités hospitalières sécurisées interrégionales, les UHSI, sera transférée au ministère de la justice. Seuls les détenus particulièrement signalés continueront de relever de la police et de la gendarmerie. Cette mesure s’accompagnera d’un transfert de 800 ETPT en faveur de l’administration pénitentiaire. À cet égard, monsieur le garde des sceaux, la commission des finances souhaiterait connaître les deux régions qui devraient être pilotes pour cette expérimentation dès le début de 2011.

Enfin, la prise en charge des cas relevant de la psychiatrie en milieu carcéral constitue un sujet de préoccupation constant. Or les moyens dédiés à cette mission sont insuffisants. La pénurie de psychiatres est d’autant plus préjudiciable qu’environ 20 % à 25 % – au minimum ! – des détenus souffrent de troubles psychiatriques. Des solutions à cette situation devront être trouvées dans les années à venir. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet, monsieur le garde des sceaux ?

Depuis 2009, le programme Protection judiciaire de la jeunesse privilégie la prise en charge des mineurs délinquants. L’année 2011 représente une année charnière pour la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, qui a accompli d’importants efforts de rationalisation. En effet, conçu sur quatre ans, son projet stratégique national arrive bientôt à son terme.

Le programme comporte 757,9 millions d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 2,1 %. Il enregistrera la perte de 140 ETPT, son plafond d’emplois baissant à 8 501 ETPT.

Il faut toutefois souligner que ces suppressions de postes ne concernent que les fonctions support et non les éducateurs. J’insiste sur le fait que nous avons atteint là, à mon avis, un plancher et qu’il est important de ne pas déstabiliser l’institution, qui est fort bien gérée.

Au total, l’action de la protection judiciaire de la jeunesse débouche sur un résultat encourageant : 70 % des jeunes pris en charge au pénal n’ont ni récidivé, ni réitéré, ni fait l’objet de nouvelles poursuites dans l’année qui a suivi la clôture de la mesure.

Les moyens du programme Accès au droit et à la justice augmentent de 12,4 % en crédits de paiement et atteignent 331,3 millions d’euros. En particulier, l’aide juridictionnelle voit sa dotation passer de 274,8 millions d’euros en 2010 à 312,3 millions d’euros en 2011.

Cette hausse significative est cependant trompeuse. Elle s’explique essentiellement par le fait que, l’année prochaine, ces crédits devront également couvrir l’assujettissement des rétributions versées aux avocats et aux avoués à un taux de TVA à 19,6 %, contre 5,5 % antérieurement.

La commission des finances se félicite toutefois que le projet de loi de finances pour 2011 instaure un ticket modérateur de 8,84 euros à la charge des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle, qui seront désormais ainsi, nous l’espérons, mieux responsabilisés.

Par ailleurs, la réforme à venir de la garde à vue constituera, à n’en pas douter, un défi majeur à relever en 2011 au regard du budget consacré à cette aide. La commission des finances y sera particulièrement attentive, ce genre de réforme nécessitant les moyens adéquats.

Le programme Conduite et pilotage de la politique de la justice comporte 267,1 millions d’euros de crédits de paiement, en progression de 7,3 % par rapport à 2010. Cette hausse significative des crédits consacrés à l’administration centrale et aux projets informatiques pourrait étonner. Elle doit cependant être relativisée dans la mesure où elle résulte, pour une grande part, de changements de périmètres.

L’un des enjeux pour 2011 sera la réussite du regroupement, sur un site unique, de l’ensemble des directions de l’administration centrale. Ce déménagement doit permettre de réaliser des économies de loyers.

En conclusion, et sous réserve de l’adoption de l’amendement que je vous présenterai dans quelques minutes, la commission des finances propose au Sénat de voter les crédits proposés pour la mission « Justice » et pour chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2011 prévoit une progression de 4,5 % des crédits du programme Administration pénitentiaire au sein de la mission « Justice », dont la dotation augmente globalement de 4,1 %.

Dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, ces chiffres marquent un incontestable effort en faveur de la justice, effort qui s’inscrit dans la durée. Le budget de la justice est ainsi passé entre 2001 et 2011 de 4,3 milliards d’euros à 7,128 milliards d’euros, soit une augmentation de 65 %.

Le programme Administration pénitentiaire représente 39 % de la mission « Justice », soit une dotation en crédits de paiement de 2,8 milliards d’euros, tandis que les autorisations d’engagement augmentent de 6,7 %, atteignant 3,2 milliards d’euros.

Le plafond d’autorisations d’emplois s’élève à 34 857 ETPT, contre 33 860 en 2010, soit 997 ETPT supplémentaires en un an et 1 837 ETPT en deux ans.

Sur le fondement de ce seul constat, la commission des lois a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme pénitentiaire de la mission « Justice » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011.

Je souhaite cependant exprimer un certain nombre d’inquiétudes et interroger le Gouvernement, monsieur le garde des sceaux, sur certains aspects de la politique pénitentiaire qui n’emportent pas d’emblée notre adhésion.

Notre première inquiétude porte sur le risque d’une déconnexion entre les exercices budgétaires successifs et les exigences de l’application de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

Nous n’observons pas en particulier de rééquilibrage des recrutements en faveur des services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, pourtant indispensables à la réussite de la politique d’aménagement de peine qui est au cœur de la loi pénitentiaire.

Ainsi, l’augmentation du plafond d’emplois concerne essentiellement les personnels de surveillance et correspond principalement à la création d’emplois permettant de faire face à l’ouverture des nouveaux établissements prévus en 2011 dans le cadre du programme Perben de 13 200 places.

En outre, une réorientation dès l’an prochain en faveur des SPIP paraît difficilement conciliable avec l’annonce de la création de 5 000 places supplémentaires au titre d’un nouveau programme immobilier.

Autant la commission des lois est totalement favorable, monsieur le ministre, au remplacement des places obsolètes par des places conformes au respect de la dignité des personnes détenues, autant elle estime nécessaire d’en rester, au moins à moyen terme, à un objectif de 63 000 places correspondant à un ratio d’incarcération de 100 pour 100 000 habitants, qui se situe dans une honorable moyenne européenne.

Je rappelle que, selon l’étude d’impact accompagnant la loi pénitentiaire, l’augmentation du nombre des aménagements de peine exigeait la création de 1 000 postes de conseillers d’insertion et de probation. Les créations successives d’ETPT au titre des métiers de l’insertion – 148 dans la loi de finances 2010 et 114 dans la loi de finances 2011 – à supposer qu’elles se concrétisent, demeurent très modestes.

Ma seconde inquiétude concerne le projet annuel de performance. Il n’est guère adapté aux grandes orientations de la loi pénitentiaire. L’idée est un peu la même. Bien des cibles apparaissent en deçà des objectifs souhaitables. Ainsi, pour le taux de détenus bénéficiant d’une activité rémunérée, la cible pour 2011 – 37,4 % – marque une infime augmentation par rapport au résultat de 2009 qui est de 35,7 %. Est-elle susceptible de mobiliser l’administration pénitentiaire autour de l’ardente obligation de développer des activités afin de répondre à l’engagement inscrit dans la loi ? Il est permis d’en douter.

De même, est-il vraiment pertinent de calculer l’indicateur concernant l’amélioration de l’accès aux soins sur la base du nombre d’établissements ayant actualisé leur protocole d’accord avec les services de soins, mesure à caractère purement administratif ? Le nombre d’emplois de médecin effectivement pourvus, ou encore celui des consultations, donnerait des éléments d’information plus utiles.

Enfin, les éléments de présentation actuels comportent des lacunes évidentes au regard de certaines orientations de la loi pénitentiaire. Ainsi, s’il est indispensable de mesurer le taux d’incidents dont les personnels sont victimes, la sécurité des établissements doit aussi s’apprécier à travers les violences commises en détention sur les personnes détenues.

Ma troisième inquiétude a trait à la baisse des moyens de fonctionnement destinés aux établissements en gestion publique dont les conséquences pourraient être très dommageables sur la maintenance des infrastructures. On peut ainsi songer au coût de la réhabilitation de Fleury-Mérogis. Cette baisse s’explique en partie par l’augmentation des crédits consacrés à la gestion déléguée en raison de la montée en charge des marchés. Nous attirons votre attention, monsieur le ministre, sur le risque d’un parc à deux vitesses dans l’avenir.

Le dernier point concerne le problème de l’encellulement individuel. Vous savez combien le Sénat s’y était montré attaché. Je constate, avec satisfaction, des progrès importants liés à la fois à l’augmentation du nombre des places, avec la réalisation du programme Perben, et à la diminution du nombre de personnes détenues. Savez-vous, mes chers collègues, qu’entre le 1 er octobre 2009 et le 1 er octobre 2010 nous avons fait baisser de moitié le nombre des établissements pénitentiaires qui connaissent une densité d’occupation supérieure à 150 % ? C’est tout à fait remarquable.

Cependant, monsieur le ministre, nous sommes parfois surpris d’entendre que la justification de l’administration pénitentiaire concernant les établissements qu’elle souhaite fermer repose sur l’impossibilité d’arriver à un taux de 95 % à 100 % d’encellulement individuel. Ce n’est en effet pas ce que le Sénat avait réclamé. Le Sénat n’est pas un ayatollah de l’encellulement individuel. La loi Perben, lorsqu’elle a été mise en œuvre et qu’elle a prévu 13 200 places, avait pour objectif 30 % de cellules collectives. Sur ce point, monsieur le ministre, nous comptons sur votre modération pour que le principe de l’encellulement individuel soit respecté avec les diverses exceptions qui sont prévues par la loi et qui pourraient effectivement justifier, pour les maisons d’arrêt, 30 % de cellules collectives dans un principe d’encellulement individuel. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, évoquer le budget de la justice cette année, c’est pour moi être partagé entre deux approches relativement divergentes.

D’une part, il faut se féliciter de la progression des crédits des programmes Justice judiciaire et Accès au droit, alors que notre pays s’engage dans un effort considérable de réduction de ses dépenses publiques. D’autre part, force est de constater que les magistrats et les fonctionnaires doivent bien souvent faire face à une pénurie de moyens qui oblige les chefs de cour à renoncer à certaines dépenses de fonctionnement pour assurer, par exemple, le paiement des frais de justice.

Cette pénurie semble par ailleurs réduire les dialogues de gestion à une simple validation des propositions de l’administration centrale par les chefs de cour, ce qui me conduit à ma première observation sur ce budget 2011. Il s’agit de l’application de la LOLF à la justice. La logique de performance induite par la LOLF a sans doute permis d’accompagner un mouvement de rationalisation du travail des juridictions.

Toutefois, l’approche statistique n’offre qu’une vue schématique et même parfois déformée de l’activité judiciaire. Ainsi, l’indicateur relatif au nombre d’affaires pénales traitées par les magistrats du siège agrège les jugements correctionnels, les ordonnances pénales, les compositions pénales et les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité, ce qui revient à agréger sans distinction des affaires qui nécessitent pourtant un investissement et un temps passé sensiblement différents.

J’en viens donc à ma première question, monsieur le garde des sceaux : les nouvelles applications informatiques, telle la chaîne applicative supportant le système d'information opérationnel pour le pénal et les enfants, ou CASSIOPEE, permettront-elles un jour d’affiner ces indicateurs, de rendre une vision plus fine et plus juste de l’activité judiciaire et, par voie de conséquence, de mieux adapter ces moyens à la réalité des besoins des juridictions ?

Je voudrais maintenant évoquer l’achèvement, en 2011, de la réforme de la carte judiciaire. La nouvelle carte sera normalement en place le 1er janvier prochain, avec 865 juridictions judiciaires contre 1 193 précédemment.

Les magistrats et fonctionnaires de la justice jugent globalement satisfaisante la prise en compte de la situation des personnels dans le cadre de la mise en œuvre de cette réforme.

L’accompagnement immobilier paraît plus problématique, et l’évaluation de son coût suscite des interrogations. En effet, la mise en œuvre de cette réforme se traduit par la réalisation de plus de 400 opérations immobilières, dont une centaine à titre provisoire. Compte tenu du coût ce volet immobilier, les résultats, en termes d’économies budgétaires, de la mise en place d’une nouvelle carte judiciaire ne pourront être observés qu’à long terme.

Par ailleurs, le développement des maisons de la justice et du droit, notamment les MJD nouvelle génération, constitue – j’ai eu l’occasion de le dire les années précédentes – le complément indispensable de la réforme de la carte judicaire afin de maintenir un accès facile à la justice sur l’ensemble du territoire. C’est vrai, en particulier, pour les populations les plus fragiles qui sont aussi souvent, il faut le dire, les justiciables que l’on retrouve le plus devant les tribunaux d’instance. Force est de constater qu’un certain nombre de ces MJD ne peuvent fonctionner correctement qu’en raison de l’appoint en personnel apporté par les collectivités locales, faute pour la juridiction de rattachement d’avoir les moyens d’y déléguer un greffier.

J’en viens maintenant à l’augmentation des frais de justice. Après avoir diminué en 2006 de 22,1 % – c’était l’heureuse surprise de la mise en application de la LOLF dans le domaine de la justice –, les dépenses afférentes aux frais de justice sont à nouveau en progression depuis 2007. La hausse a même atteint 7,7 % l’an dernier. Il paraît très inquiétant que l’insuffisance des crédits alloués aux frais de justice conduise certaines juridictions à réduire leurs frais de fonctionnement pour pouvoir honorer les factures. Ce sont alors des crédits qui auraient dû être consacrés à l’emploi de vacataires ou d’assistants de justice, voire de juges de proximité, qui sont en fait utilisés, à partir des deux tiers de l’année, pour le paiement des frais de justice. La plupart des juridictions arrêtent d’ailleurs purement et simplement de régler les frais de justice dès octobre ou novembre. Dès le début de l’année, il faudra renflouer les crédits.

Des économies semblent pouvoir être encore réalisées, notamment par de nouveaux marchés publics en matière d’analyse génétique et par la mise en place de la plateforme nationale d’interceptions judiciaires. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si ce projet doit bien aboutir en 2011 et quelles économies budgétaires devraient en résulter ?

En ce qui concerne les effectifs, la commission des lois est préoccupée par l’absence de gestion prévisionnelle. Le budget 2011 met un terme au mouvement d’augmentation du nombre de magistrats, dont on peut convenir qu’il a atteint un niveau satisfaisant. Il faut sans doute, aujourd’hui, mettre l’accent sur l’augmentation des postes de greffiers et de fonctionnaires. À cet égard, le projet de loi de finances prévoit la création de 399 ETP de greffiers. Il prévoit aussi la suppression de 76 ETP de magistrats et de 196 ETP de fonctionnaires de catégorie C. Ce mouvement inquiète la commission des lois.

Tout d’abord, la politique de transformation d’emplois de secrétaires administratifs en emplois de greffiers conduit à un déficit dans la première catégorie. Certains magistrats sont ainsi amenés à consacrer une partie de leur temps à des tâches d’exécution au détriment de leur fonction première.

Ensuite, l’absence de gestion prévisionnelle des effectifs laisse craindre une évaporation des progrès accomplis ces dernières années. En effet, nous savons que le nombre de départs à la retraite de magistrats doit croître de façon continue dans les prochaines années, pour atteindre quelque 300 départs par an à compter de 2016 ou 2017. C’est demain. Or, le nombre de places offertes aux trois concours de l’école nationale de magistrature est stabilisé depuis trois ans à 105 postes, et le nombre de recrutements parallèles diminue.

La mise en place d’une gestion prévisionnelle des effectifs de magistrats et de fonctionnaires des services judiciaires paraît donc essentielle pour assurer le succès de la politique de rattrapage des moyens de la justice et faire en sorte qu’elle ne soit pas transitoire. À cet égard, l’évaluation des gains attendus des réformes en cours en termes d’emploi paraît optimiste, qu’il s’agisse de la carte judiciaire ou des nouvelles applications informatiques.

De même, il semble très ambitieux d’escompter que 500 magistrats et 560 fonctionnaires puissent constituer la réserve judiciaire prévue par l’article 75 bis du projet de loi de finances quand on sait, notamment, que 71 magistrats seulement sont actuellement maintenus en activité en surnombre au-delà de leur âge de départ en retraite.

Je n’évoquerai l’aide juridictionnelle que pour indiquer que la dotation prévue sera insuffisante. La réforme de la garde à vue va nécessiter un renforcement de ces crédits et je ne suis pas sûr que le paiement direct des droits de plaidoirie par chaque justiciable soit à la hauteur du problème. Monsieur le ministre, nous attendons aussi vos informations sur ce point.

Enfin, je souhaite évoquer la place du Conseil supérieur de la magistrature dans l’architecture de la mission « Justice ». Les crédits alloués au CSM sont en augmentation, car ce dernier prend désormais en charge des dépenses de fonctionnement auparavant assumées par la présidence de la République, et le nombre de ses membres passe de seize à vingt-deux dans quelques semaines.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, si les locaux affectés au CSM lui permettront d’accueillir ces vingt-deux membres et de fonctionner correctement ? La question se pose en particulier pour l’examen des demandes des justiciables qui pourront le saisir de faits susceptibles de mettre en cause la responsabilité disciplinaire des magistrats.

Sur la question de la place du CSM – nous allons en discuter dans quelques instants –, la commission des lois propose que, dans l’architecture budgétaire, un programme spécifique soit réservé au CSM, comme la commission des lois le demande depuis des années, cette proposition faisant d’ailleurs l’unanimité de ses membres.

Sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits alloués aux programmes Justice judiciaire et Accès au droit et à la justice.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la troisième année consécutive, le programme n° 182 des crédits alloués à la Protection judiciaire de la jeunesse diminuent : moins 2 % en moyenne, après une baisse de 2 % en 2009 et de 1 % en 2010. Sur la période 2008-2011, 347 postes ont été supprimés.

Cette diminution globale masque des évolutions de structure importantes. En 2011, la PJJ achève son recentrage sur la seule prise en charge des mineurs délinquants. Elle cessera donc de financer la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs, à l’exception des mesures d’investigation, conformément à son projet stratégique pour la période allant de 2008 à 2011. Je ferai trois observations, qui appellent autant d’interrogations.

Première observation, le recentrage de la PJJ au pénal sur la période 2008-2011 s’est accompagné d’un renforcement de la prise en charge des mineurs délinquants. Les crédits de cette action ont augmenté de 27 % sur la période. Il était rendu nécessaire par l’évolution de la délinquance des mineurs. Le nombre de mineurs confiés au pénal à la PJJ a en effet augmenté de 40 % entre 2002 et 2009.

L’accent mis par la PJJ sur l’amélioration de la prise en charge éducative des mineurs délinquants s’est traduit par un renforcement des équipes éducatives, par une diminution globale des délais de prise en charge – certes, d’importantes disparités demeurent sur le territoire national, notamment dans les zones urbaines ; j’avais déjà eu l’occasion de l’évoquer en commission, en prenant le cas de la région Rhône-Alpes – et par une concentration de moyens importants au profit de structures accueillant les mineurs les plus difficiles. Je pense en particulier aux centres éducatifs fermés et aux établissements pénitentiaires pour mineurs.

Dans un contexte de réduction budgétaire, ce mouvement a été permis par l’imputation d’une grande partie des réductions budgétaires sur les fonctions « support », qui ont subi une baisse de 18 % de leurs crédits en trois ans, par la fin des prises en charge au civil et, enfin, par un effort de rationalisation de l’offre sur l’ensemble du territoire, avec la fermeture de structures inadaptées. Je rappelle notamment qu’une réorganisation administrative est intervenue.

Aujourd’hui, le mouvement semble atteindre ses limites. Aussi, monsieur le garde des sceaux, toute nouvelle baisse de crédits risquerait d’affecter le taux d’encadrement des mineurs et la qualité de leur prise en charge.

En effet, je souligne qu’un éducateur en milieu ouvert prend d’ores et déjà en charge 25,1 mineurs en moyenne. Ce chiffre est au-delà de la cible fixée de 25 mineurs.

En foyer, la masse salariale représente l’essentiel des dépenses.

Dès lors, l’amélioration des taux d’occupation des structures constitue aujourd’hui l’unique levier de maîtrise des coûts.

Dans un contexte d’augmentation tendancielle de la population pénale, la commission des lois considère indispensable que les crédits de la PJJ fassent désormais l’objet d’une stabilisation, au risque de voir se développer un « effet de ciseaux » préjudiciable à la qualité de la prise en charge des mineurs délinquants et, à terme, à l’objectif de prévention de la délinquance juvénile.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre commission a estimé que l’amendement de notre collègue Roland du Luart tendant à prélever 1 % des crédits du programme Protection judiciaire de la jeunesse, soit 7,5 millions d’euros, pour abonder le programme Justice judiciaire, risquerait de mettre la PJJ dans une situation délicate.

Voilà qui m’amène à une première interrogation : si la PJJ a rempli les objectifs assignés par son premier projet stratégique national entre 2008 et 2011, quelles seront les orientations retenues par le second projet stratégique national, qui devra orienter son action au cours de la période 2012-2014 ?

Deuxième observation, comme je l’indiquais, d’importants moyens humains et financiers ont été consacrés à la mise en place et au fonctionnement des centres éducatifs fermés, les CEF, et des établissements pénitentiaires pour mineurs, les EPM.

Avec mes collègues Alima Boumediene-Thiery et Jean-René Lecerf, nous avons constaté la qualité et la diversité des projets mis en œuvre lors de notre visite à l’EPM d’Orvault et au CEF de Doudeville.

Toutefois, un constat s’impose : un placement en CEF ou en EPM coûte très cher. Or aucune étude n’a encore permis de mesurer l’incidence de ces prises en charge sur la récidive et la réinsertion des mineurs concernés.

En outre, selon plusieurs personnes que nous avons auditionnées, cet effort budgétaire important s’effectue au détriment des foyers traditionnels et des mesures en milieu ouvert. Il est vrai que plusieurs foyers trop petits ou inadaptés ont été fermés.

Les associations s’inquiètent également de la baisse de crédits mobilisés en faveur des investigations et des réparations pénales, alors même qu’une réforme et une revalorisation de ces dispositions sont en cours.

Monsieur le garde des sceaux, les diminutions de crédits imposées à la PJJ ne risquent-elles pas de freiner la mise en œuvre de la réforme des mesures d’investigation et de réparation pénale, voire de fragiliser les services qui les exécutent ?

Troisième et dernière observation, en 2011, la PJJ cessera de prendre en charge et de financer les mesures d’assistance éducative ordonnées par les juges des enfants, ainsi que les mesures judiciaires de protection des jeunes majeurs. L’incidence budgétaire de cette évolution n’a pas été évaluée, comme l’a regretté la Cour des comptes dans un rapport du mois de septembre 2009.

En outre, de très grandes disparités existent dans la manière dont les départements exécutent les mesures judiciaires de protection.

Il ne m’a pas été possible de savoir si le désengagement de la protection judiciaire de la jeunesse s’était traduit ou non par un accroissement équivalent des dispositifs de prise en charge par les services d’aide sociale à l’enfance.

Il appartient donc à la PJJ, dont le rôle de coordonnateur de l’ensemble des acteurs de la justice des mineurs a été consacré, de s’en assurer.

En outre, j’attire de nouveau votre attention sur le fait que la frontière entre mineurs délinquants et mineurs en danger est souvent ténue.

Selon les informations qui m’ont été communiquées, 15 % des mineurs pris en charge au pénal ont été précédemment suivis par un juge des enfants en assistance éducative.

La prise en charge au pénal peut également être l’occasion pour l’institution judiciaire de découvrir les graves difficultés sociales des mineurs. Pour eux, la relation de confiance qui se noue avec une équipe d’éducateurs est essentielle : ils ne peuvent pas « passer d’une case à l’autre ».

Ne pourrait-on pas envisager de réserver des crédits pour permettre à la PJJ de continuer, à titre exceptionnel, à prendre ces mineurs en charge, en assistance éducative ou en « protection jeune majeur », après la fin de la mesure pénale ?

Sous réserve de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse.

Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour rendre un nouvel hommage, comme je le fais chaque année, aux personnels de la PJJ, aux éducateurs, qui travaillent dans les 1 300 centres éducatifs ouverts ou fermés. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de lUnion centriste et de lUMP. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les rapporteurs, bien qu’en réalité assez critiques, proposent d’adopter les crédits de la mission « Justice », dans le cadre de la politique générale de réduction des dépenses publiques. Cependant, il y a tout de même un problème… (Murmures.)

M. Jean-Pierre Sueur. Il y en a même plusieurs ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En effet, mon cher collègue.

La politique pénale et les choix de la majorité soumettent la justice à de nouvelles obligations qui – nous le voyons bien – sont de plus en plus difficiles à tenir. Certes, nous pourrions débattre du bien-fondé de ces décisions. Mais elles sont ce qu’elles sont ; nous devons donc en prendre acte et examiner ce projet de budget au regard des obligations qu’elles créent !

Pour notre part, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Justice », même s’ils sont en augmentation de 4,4 %.

En effet, selon le dernier rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice – je sais que vous aimez bien les comparaisons européennes, surtout quand elles vont dans votre sens… –, notre pays se situe au trente-septième rang des pays du Conseil de l’Europe pour les moyens consacrés à la justice. C’est consternant ! Que l’on prenne comme indicateurs l’évolution des crédits des services judiciaires entre 2006 et 2008 ou le nombre de magistrats professionnels et de fonctionnaires de justice par habitant, la France se place loin derrière des pays dans une situation comparable, voire, pour certains, en plus grande difficulté ! Il y a donc bien un problème !

Les crédits du programme Justice judiciaire augmentent de 4,4 %.

Après avoir réduit les créations de postes de magistrats à partir de 2009, vous supprimez 76 postes en 2011. Depuis 2008, seulement 80 postes ont été ouverts chaque année au concours. Vous supprimez 196 emplois de catégorie C, alors qu’il en manque.

Pourtant, l’activité judiciaire croît ; personne ne peut le nier. Le 15 juin, devant notre commission des finances, Mme Alliot-Marie, qui vous a précédé à ce poste, a fourni quelques chiffres : « De 2002 à 2008, le nombre d’affaires civiles a augmenté de 58 %, les décisions en matière pénale, de 10 % […]. Or, parallèlement, le budget n’a augmenté que de 5 %... »

Certes, le nombre de greffiers augmente. Mais le ratio greffier/magistrat passera de 0,86 % à 0,92 %. C’est dérisoire ! Des audiences se tiennent déjà sans greffier.

La visioconférence, qui n’est pas encore en place, ne réglera rien et éloignera les justiciables de leurs juges. C’est une conception de la justice que je désapprouve totalement.

La réserve judiciaire voulue par le Gouvernement relève du « bricolage » pour tenter de pallier l’insuffisance des personnels.

Les frais de justice ont été sous-évalués – cela fait des années que nous entendons la même chose – et des juridictions sont en situation de quasi-faillite. Je note au passage que les analyses génétiques liées à l’élargissement constant du périmètre du Fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, sont coûteuses. Et c’est vous qui l’avez décidé ; je parle du gouvernement actuel et du précédent.

Je mentionne également l’annonce, qui est déjà devenue une réalité ici ou là, du désengagement du ministère de l’intérieur dans la sécurité des audiences et des tribunaux.

Le Livre blanc de l’Union syndicale des magistrats est tout à fait édifiant sur la misère matérielle de nombreuses juridictions.

Les crédits du programme Accès au droit et à la justice augmentent de 12,35 %, mais au seul bénéfice de l’aide juridictionnelle, afin de couvrir l’augmentation du taux de TVA sur les rétributions versées aux avocats, qui a été porté de 5,5 % à 19,6 %. Voilà encore une des conséquences de la politique de la majorité actuelle !

Les crédits de l’action Développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité sont en baisse, et ceux de l’action Médiation familiale et espaces de rencontre, 2,5 millions d’euros, sont dérisoires !

Pour tenir compte de la réforme à venir, une augmentation de la part de l’aide juridictionnelle consacrée à la garde à vue a été annoncée. Elle passerait de 15 millions d’euros à 80 millions d’euros. Mais la Chancellerie table sur l’hypothèse d’une réduction de moitié du nombre des gardes à vue, ce qui est une hypothèse audacieuse. Tant mieux ; c’est très bien d’avoir des objectifs audacieux ! Cela dit, ils sont loin d’être atteints, et ce n’est pas dans le projet de loi de finances pour 2011 qu’ils le seront !

Il n’est pas exclu que l’audition libre soit censurée pour non-conformité à l’exigence de présence de l’avocat. À titre personnel, je le souhaite.

L’appel aux partenariats public-privé semble devenir la règle pour la construction et la maintenance de palais de justice. C’est le cas à Caen, à Perpignan, à Lille et à Paris, où Bouygues et Vinci se disputent le marché, alors que la Cour des comptes dénonce le coût prohibitif de ce dispositif. Mais on continue…

Si les crédits du programme Administration pénitentiaire bénéficient d’une augmentation de 4,4 % et de l’essentiel des créations d’emplois, c’est essentiellement lié à l’ouverture de nouveaux établissements.

Or la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire entre en application. Pourtant modeste, elle est déjà contredite par le budget. Quid de l’obligation d’activité, du travail, de la formation professionnelle des détenus ? Quid de leur accès aux soins, des aménagements de peine et de la réinsertion ?

Dans son étude d’impact, la loi confirme qu’il faudrait recruter – cela a été souligné – un millier de conseillers pour un fonctionnement normal des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Les crédits prévus ne couvriront même pas les départs en retraite.

Face à l’accroissement de la charge de travail, il manque 800 personnels administratifs. Ce projet en prévoit environ 80.

Il manque 150 personnels techniques, mais vous voulez les faire disparaître, au profit de la gestion privée. Sauf que la gestion privée, cela coûte, parfois même assez cher !

Et c’est dans cette situation très dégradée que l’administration pénitentiaire se voit attribuer le transfert des détenus vers les juridictions et les hôpitaux, ainsi que la garde de certains lieux !

Entre les nouvelles prisons et les nouvelles unités pour personnes détenues atteintes de troubles mentaux, l’enfermement demeure prioritaire. Mais, là aussi, cela coûte !

Vous fermez 45 établissements pénitentiaires et en ouvrez une vingtaine pour accueillir 14 000 détenus. Il s’agira donc de structures de grande taille – la technique y primera sur l’humain –, centralisées et… privatisées !

Pourtant, la prison de Corbas pose déjà des problèmes aux personnels et aux détenus. Beaucoup conviennent que les petites structures sont mieux adaptées.

Le privé y trouvera évidemment bénéfice, d’une part, en rachetant des sites fermés, d’autre part, avec la poursuite du recours aux partenariats public-privé, alors que le coût de gestion déléguée a augmenté de 13 % entre 2006 et 2008. Vous le voyez, c’est bien plus que la progression des budgets de la justice. Une véritable fuite en avant !

Ce budget dégradera encore les conditions de travail des personnels et les conditions de vie des détenus et des personnes suivies par les SPIP. Les personnels ont alerté, et continuent d’alerter. Nous sommes dans une situation dangereuse.

Le Gouvernement parle beaucoup de la délinquance des mineurs et de sa prévention. Mais, et cela vient d’être rappelé, les crédits de la PJJ baissent pour la troisième fois, en l’occurrence de 2 %, soit 117 équivalents temps plein travaillé en moins !

Vous tentez de justifier cette baisse par le recentrage de la PJJ sur la prise en charge des mineurs, abandonnant aux conseils généraux les mineurs en danger et les jeunes majeurs.

Les associations regroupées au sein de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, l’UNIOPSS, s’inquiètent d’une mise en cause de la cohérence et de la continuité nécessaires entre la prise en charge civile et pénale du jeune. Elles pointent le désengagement de la PJJ dans le dispositif d’assistance éducative, ainsi que la baisse des crédits pour la réparation pénale des mineurs et l’investigation.

Dans le même temps, vous concentrez les moyens sur les établissements pénitentiaires pour mineurs et les centres éducatifs fermés, sans aucune réelle évaluation. Il n’est pas acceptable de se contenter d’affirmer que l’on ne constate pas de récidive : il faut comparer ce dispositif à d’autres.

Dans un rapport rendu public en juillet, la défenseure des enfants fait le constat que des adolescents sont confiés aux CEF non pour leur profil de jeunes récidivistes ou multiréitérants, mais en raison de l’absence d’une solution de remplacement à l’incarcération du fait des nombreuses fermetures d’établissements autres que les CEF. Nous assistons à un déplacement de population, et il n’est pas juste d’affirmer que nous obtenons des résultats. Ce projet de budget contredit les préconisations du rapport.

J’ajoute qu’au 1er novembre 2010 le nombre de mineurs incarcérés s’est accru : ils sont 695.

Le projet de budget de la PJJ est significatif de la volonté des gouvernements et de la majorité parlementaire, depuis 2002, de vider peu à peu de sa raison d’être la justice des mineurs, ce qui est très grave. Nous avons donc tout à craindre de la réforme en préparation.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de la mission « Justice ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Monsieur le garde de sceaux, qu’il me soit permis tout d’abord de vous féliciter pour vos nouvelles fonctions, car j’ai plaisir à vous voir exercer de telles responsabilités.

La discussion que nous entamons aujourd’hui sur les crédits de la mission « Justice » est l’occasion, pour nous, de constater que le budget de la justice reste, cette année encore, une des grandes priorités du Gouvernement. Le groupe UMP se félicite que, pour la septième année consécutive, ce budget soit en sensible augmentation.

L’engagement du Président de la République en faveur du rapprochement de la justice et du citoyen se concrétise à travers ce budget, qui atteindra 7,128 milliards d’euros, soit une augmentation de 4,15 % en crédits de paiement.

À ce titre, je tiens à souligner les efforts réalisés par notre majorité en faveur de la justice, alors même que le contexte budgétaire, mes chers collègues, ne s’y prête guère. Les crédits des programmes Justice judiciaire, Accès au droit et à la justice et Conduite et pilotage de la politique de la justice progressent respectivement de 4,4 %, de 12,3 % et de 7 %.

Nous nous réjouissons de l’augmentation substantielle de ces crédits qui permettront de renforcer les moyens de nos institutions judiciaires. Ainsi, l’administration pénitentiaire et le secteur judiciaire voient leurs effectifs croître. En ce sens, nous approuvons le rééquilibrage du ratio greffiers-magistrats dans le milieu judiciaire avec la création de 400 postes de greffiers.

Ce budget répond à plusieurs interrogations, notamment celles émises dans le milieu carcéral à l’issue de la loi pénitentiaire. Ce secteur voit conjointement la création de 413 emplois, le remplacement des départs à la retraite, ainsi que des redéploiements. Cela aboutira à l’affectation de 1 000 emplois additionnels pour l’année à venir.

Cet accroissement ne peut qu’être salué au moment où la loi pénitentiaire, que notre majorité peut se féliciter d’avoir adoptée, requiert, d’une part, que des établissements pénitentiaires soient construits et, d’autre part, que les missions traditionnelles soient mieux adaptées aux solutions de remplacement à l’emprisonnement prévues dans le texte de loi.

L’ampleur des changements, tels que le recentrage des services pénitentiaires et de probation sur la prévention de la récidive ou encore la priorité donnée à la prise en charge des mineurs délinquants, nécessitait un déploiement financier plus important. C’est chose faite à travers le projet de loi de finances pour 2011, et ce malgré un contexte budgétaire qui appelle aux restrictions.

Si j’approuve cette politique de modernisation favorable à un rééquilibrage des crédits de personnel, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur la question des crédits de fonctionnement. En effet, de nombreuses difficultés sont soulevées dans les bâtiments de justice, notamment en raison de frais de gestion disproportionnés au regard du budget alloué. Monsieur le ministre, quelles solutions envisagez-vous d’apporter aux difficultés de gestion que connaissent les tribunaux ? Il est essentiel de donner les moyens matériels suffisants pour que la justice soit rendue dans les meilleures conditions possibles. Il en va de la qualité et de la rapidité de notre système judiciaire.

Moderniser notre appareil judiciaire, c’est également renouveler l’immobilier pénitentiaire. Sur ce sujet, le groupe UMP salue le volontarisme dont le Gouvernement fait preuve. En effet, à travers plusieurs programmes immobiliers de construction, notre pays devrait disposer, en 2017, de 68 000 places en prison, sachant qu’aujourd’hui 61 000 personnes sont incarcérées.

En plus des investissements extrabudgétaires, le budget pour 2011 poursuit, dans le bon sens, l’inscription de crédits de paiement pour les investissements : 331 millions d’euros pour l’immobilier pénitentiaire et 200 millions d’euros pour la réhabilitation de tribunaux vétustes.

Nous devons faire ces choix pour le renouvellement du parc immobilier judiciaire, car il n’est pas acceptable, en France, que les conditions de détention dans certaines maisons d’arrêt portent atteinte à la dignité de la personne et, par là même, à celle de la patrie des droits de l’homme.

Au-delà de l’examen du budget consacré au système carcéral, je souhaiterais aborder plus particulièrement la question de la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux et ayant commis une infraction.

En effet, l’excellent rapport du groupe de travail dédié à ce sujet de nos collègues Jean-René Lecerf, Christiane Demontès, Gilbert Barbier et Jean-Pierre Michel relève que la prise en charge de ces détenus repose actuellement sur des unités de consultations et de soins ambulatoires qui assurent les soins courants dans les établissements pénitentiaires de leur zone géographique, sur les services médico-psychologiques régionaux basés principalement en maison d’arrêt et chargés des soins psychiatriques et de la préparation du suivi post-pénal et, enfin, sur les unités hospitalières spécialement aménagées, qui permettent une hospitalisation des détenus équivalente à celle qui prévaut en dehors du milieu carcéral.

Si, dans leur rapport, nos collègues reconnaissent les efforts réalisés ces dernières années, ils montrent également que le milieu carcéral peut être un lieu d’aggravation de certaines pathologies en l’absence de structures adaptées aux soins psychiatriques.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, à l’heure où la justice est en forte évolution et, en vue des futures réalisations immobilières, nous souhaiterions connaître vos engagements sur le sujet.

Enfin, moderniser notre appareil judiciaire, c’est rapprocher nos concitoyens de la justice. Ce rapprochement passe évidemment par l’accès à la justice, qui plus est par l’égal accès de tous à la justice. Cela m’amène à intervenir sur la question de l’aide juridictionnelle.

Les crédits qui lui sont affectés dans le projet de loi de finances pour 2011 font l’objet d’une forte augmentation, pour atteindre 312,3 millions d’euros. Cette hausse s’explique principalement par l’application du taux normal de la TVA pour les missions effectuées par les avocats. Nous nous réjouissons de cette hausse, qui permettra une meilleure prise en charge de l’aide juridictionnelle afin de promouvoir l’accès à la justice aux plus défavorisés. Pour autant, cela sera-t-il suffisant ? Nous éprouvons quelque inquiétude sur ce point.

Cependant, si les crédits augmentent et que l’instauration d’un ticket modérateur permettra de limiter les abus de recours infondés, un problème persiste dans ce système, à savoir le recouvrement de l’aide juridictionnelle auprès de la partie qui perd son procès.

Actuellement, l’utilité financière de cette procédure se révèle quasiment nulle en raison du manque de temps et de moyens qui y sont affectés. Dès lors, monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous présenter vos ambitions pour que le recouvrement devienne efficient ?

C’est parce que ce budget, fondé sur une optimisation de la gestion des ressources financières, a pour objet de conforter les professionnels de la justice et de rendre aux justiciables toute la confiance qu’ils doivent avoir dans nos institutions judiciaires, que le groupe UMP votera les crédits de la mission « Justice ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je veux d’abord vous présenter mes vœux de pleine réussite pour la haute fonction de garde des sceaux à laquelle vous accédez, car c’est une mission très importante pour notre pays. Ces vœux sont d’autant plus sincères que l’héritage est lourd. Je ne reviendrai pas sur les points qui ont été soulignés par ma collègue Mme Borvo Cohen-Seat.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Il vaut mieux !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur spécial, nous avons tous noté que, dans son quatrième rapport bisannuel, la Commission européenne pour l’efficacité de la justice a placé la France au trente-septième rang mondial alors que l’année dernière elle occupait le trente-cinquième rang. Notre pays ne dépense que 0,16 % de son PIB pour la justice, ce qui le classe derrière l’Arménie et l’Azerbaïdjan. On ne peut pas dire, madame Goulet, qu’il y ait motif à pavoiser !

Mme Nathalie Goulet. Pour eux, si !

M. Laurent Béteille. Ce n’est peut-être pas la même justice !

M. Jean-Pierre Sueur. Pour 100 000 habitants, la France compte 9,1 juges, ce qui la place au quarante-troisième rang. Nous avons donc un défi à relever.

Monsieur le ministre, votre tâche doit être d’affirmer cette rupture – nous avons beaucoup entendu parler par le passé. Il faut que notre pays détermine, dans un contexte financier très difficile, les champs ministériels pour lesquels les moyens doivent être véritablement augmentés. Selon moi, la justice, l’enseignement supérieur et la recherche, secteurs où nous sommes confrontés à des défis très lourds, doivent faire l’objet d’un effort considérable.

Monsieur le ministre, vous avez suffisamment siégé au Sénat et dans d’autres assemblées pour savoir qu’il faut refuser les petites méthodes et les subterfuges pour relever un tel défi. Nous avons noté que le budget de la mission « Justice » augmentait de 4,2 %, mais avons aussitôt vu que les reports des suppressions de crédits de 2010 sur 2011 étaient pris en compte indûment dans le calcul de cette augmentation, ce qui modifie sensiblement la donne.

De même, on ne peut guère se glorifier, si ce n’est formellement, – j’espère, d’ailleurs, monsieur le ministre, que vous ferez montre de sincérité sur ce point – du fait que les frais de justice augmentent de 17 %. Ces frais avaient en effet été dramatiquement sous-évalués l’année dernière, si bien qu’il a fallu pour les payer y affecter 19 millions d’euros de crédits de personnel. Dès lors, l’augmentation prévue de 17 % n’est évidemment qu’un trompe-l’œil qui n’a pas dû vous « tromper » plus que nous, monsieur le garde de sceaux !

Il en va de même de la PJJ, qui enregistre, mes collègues l’ont souligné, une perte de 117 emplois et de 20 millions d’euros de budget. Naturellement, nous savons qu’une nouvelle distribution des tâches par rapport aux conseils généraux a été décidée. Mais ce n’est pas au président de conseil général que vous êtes par ailleurs, monsieur le garde de sceaux, que je vais expliquer les grandes difficultés auxquelles sont confrontés les conseils généraux… Il est donc difficile d’affirmer que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !

M. le rapporteur spécial, dont je salue tout particulièrement le travail, a remis un rapport qui présente de grandes envolées de lucidité. Il écrit notamment, s’agissant des frais de justice : « Il apparaît donc que la sous-budgétisation constatée en 20009 et 2010 se poursuit en 2011, remettant en cause le principe de sincérité budgétaire au sein de la mission “Justice” ».

Je sais que M. du Luart est très avisé : il n’emploie pas par hasard le mot « sincérité » qui n’est pas anodin !

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Je suis heureux que vous me lisiez avec attention !

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous lis toujours avec une grande attention !

S’agissant des effectifs des magistrats, nous constatons une diminution de 76 postes. Le rapporteur spécial, M. du Luart, indique que « le ratio entre le nombre de greffiers et celui de magistrats n’a pas pu atteindre le niveau souhaitable de un pour un. Ce ratio reste durablement “défavorable” aux greffiers comme en atteste le tableau suivant ». La lecture de ce tableau révèle que ce ratio s’élevait à 0,88 en 2006 et à 0,86 en 2010 : il est donc en baisse. Naturellement, monsieur le ministre, comme le nombre de magistrats baissera l’année prochaine, on peut prévoir que ce ratio augmentera. Mais celui qui se réjouira de cette augmentation se félicitera d’une amélioration dépourvue de tout fondement réel – il suffit de connaître quelques notions élémentaires de mathématiques pour s’en convaincre !

Mes chers collègues, monsieur le ministre, nous pourrions continuer à citer des chiffres, mais la vérité, c’est qu’il faut inverser la tendance et accorder plus de moyens à ce ministère. Il s’agit d’une nécessité absolue et je pense que nous en serons tous d’accord.

Dans mon département du Loiret, la presse s’est fait l’écho d’une erreur des services judiciaires : cinq trafiquants de stupéfiants présumés ont été remis en liberté par erreur et l’inspection générale des services judiciaires doit se rendre à Orléans aujourd’hui même. Face à cet événement qui a provoqué des réactions et suscite l’incompréhension de nos concitoyens, il me semble tout à fait juste d’établir les responsabilités : c’est le rôle de l’inspection générale, je pense qu’elle s’en acquittera.

Sans céder à la démagogie, cet événement doit cependant être replacé dans son contexte : dès le mois de mai dernier, les chefs de cour et de juridictions d’Orléans ont alerté avec beaucoup d’insistance votre prédécesseur, monsieur le ministre, sur les problèmes causés par le manque de personnel et de moyens. Autant je pense qu’il faut établir les responsabilités dans le cas de cette erreur tout à fait fâcheuse – c’est le moins que l’on puisse dire ! –, autant il faut prendre en compte son contexte. Le manque de personnel – fonctionnaires, greffiers, magistrats – se traduit et se traduira par un nombre croissant de dysfonctionnements si des mesures énergiques ne sont pas prises pour augmenter les moyens de votre ministère.

Au-delà de ces considérations budgétaires, monsieur le ministre, nous attendons de vous que vous mettiez en œuvre la collégialité de l’instruction, prévue par la loi. Nous attendons également de vous que la réforme absolument nécessaire de la législation sur la garde à vue nous soit rapidement soumise, parce que nous nous trouvons dans une situation absurde, où le Conseil constitutionnel a déclaré que les gardes à vue actuellement en cours étaient inconstitutionnelles, mais pouvaient se poursuivre encore quelques mois. Il en résulte une instabilité juridique qui conduit un nombre important d’avocats à saisir la Cour européenne des droits de l’homme : cette situation ne peut pas durer et il est donc absolument urgent d’y porter remède.

Enfin, monsieur le ministre, nous souhaiterions obtenir une précision que j’ai l’honneur de solliciter de votre bienveillance en concluant cette intervention. L’idée de supprimer les juges d’instruction paraissait chère à votre prédécesseur, or nous avons noté avec intérêt que vous n’en aviez point parlé dans votre premier discours devant une organisation de magistrats. Ce silence a été diversement interprété : pour ma part, j’ai compris que vous aviez renoncé à cette funeste idée. Je serais heureux si vous pouviez nous confirmer, monsieur le ministre, que telle est bien votre position : ce serait un point important de ce débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le garde des sceaux, je tiens tout d’abord, au nom de mon groupe, à vous féliciter de votre nomination comme ministre de la justice. De la justice et des libertés !

Le président de l’Union syndicale des magistrats déclarait, il y a quelques jours, que votre ministère était sinistré sur le plan budgétaire, avec des personnels au mieux désabusés au pire ulcérés, pour avoir vécu « les régressions et la consternation quotidienne » avec Mme Dati et « la stagnation et la déception » ensuite.

En réalité, ce projet de budget pour 2011 est le produit de deux héritages. Pour une fois, nous attendons la rupture ! Mais celle-ci n’est pas encore au rendez-vous et, pour cette raison, notre groupe votera majoritairement contre ce budget. Soyons néanmoins très conscients que, si notre justice va mal, si elle est dans le « wagon de queue » des pays européens, c’est aussi parce que nos concitoyens n’en font une priorité que lorsqu’ils sont personnellement concernés.

Qu’attendons-nous de la justice ? Qu’elle soit indépendante, professionnelle, accessible à tous quel que soit le niveau social ou le lieu de résidence, qu’elle assure le respect des droits de la personne, des victimes, de la liberté individuelle, des lois de la République, qu’en matière pénale la sanction soit proportionnelle à la faute, que cette sanction soit exécutée avec la dignité qui convient.

Comparez ce programme à ce qui a été réalisé ces dernières années, vous constaterez que le résultat est en grande partie inverse.

L’insécurité juridique est aggravée par une véritable diarrhée législative, en particulier dans le domaine pénal, où l’accumulation de dizaines de textes sécuritaires à vocation médiatique a rendu l’application de la loi par le magistrat périlleuse.

Certaines lois sont « placardisées » avant même d’être expérimentées.

Le Gouvernement s’enferre dans une résistance insensée à l’application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et même, disons-le, de la loi pénitentiaire très consensuelle défendue par notre collègue Jean-René Lecerf.

Les réformes se bousculent et se contredisent souvent, de la création des juges de proximité à la suppression de 178 tribunaux d’instance.

Les réformes des professions judiciaires se caractérisent par la priorité donnée au droit des affaires, au monde des affaires, et non au citoyen.

La majorité persiste dans l’affichage des lois de répression, alors qu’un nombre considérable de condamnations ne sont jamais exécutées, vous le savez, avec d’étranges disparités selon le territoire concerné.

Face à ce constat, qui ne vous est pas imputable, monsieur le ministre, est-il opportun, pour fredonner « Tout va très bien, madame la marquise », de s’engager vers de pseudo-innovations comme la présence de jurés dans les tribunaux correctionnels ? N’est-il pas plus urgent de remettre en ordre de marche la justice en lui redonnant confiance en elle-même, en ses magistrats, en son personnel, en ses auxiliaires ? C’est ainsi qu’elle retrouvera la confiance des citoyens.

Je mettrai l’accent sur quelques points significatifs.

S’agissant de l’administration pénitentiaire, il est globalement positif de constater une légère diminution du nombre de détenus et un développement des mesures alternatives. En revanche, notre rapporteur a mis en évidence que le budget était très déconnecté de la loi pénitentiaire, alors que celle-ci constitue un progrès incontestable. Un choix de fond est à effectuer : pour nous, il convient de développer les services pénitentiaires d’insertion et de probation, ainsi que l’obligation d’activités, et de s’interroger sur le nouveau programme de 5 000 places. Il y a tant à faire pour moderniser l’existant !

Quant à la fermeture des maisons d’arrêt considérée comme exemplaire par notre rapporteur, sous le prétexte de la révision générale des politiques publiques et d’une interprétation fallacieuse de l’encellulement individuel, j’attends de votre part, monsieur le ministre, l’application de votre bon sens. Je crains que cela ne soit difficile !

Par ailleurs, le transfert des escortes judiciaires, pour des raisons non techniques va entraîner de graves difficultés.

Le budget ne fait pas non plus apparaître les conséquences financières de la politique de déjudiciarisation engagée ces dernières années et amplifiée subrepticement par des lois dites de simplification ; c’est ainsi que nombre d’actes ont été retirés aux greffes pour les confier le plus souvent aux notaires, avec des conséquences pour les plus démunis. Quels sont les effets de cette mesure sur les effectifs en équivalent temps plein ? Allez-vous persévérer dans cette voie encore utilisée récemment pour faire passer aux notaires la pilule de l’acte d’avocat ?

Le budget intègre le coût de la carte judiciaire, sans évaluer précisément les gains de cette réforme et je n’épiloguerai pas sur le coût du nouveau tribunal de grande instance de Paris !

Monsieur le ministre, rien dans ce budget ne permettra de stopper la désertification judiciaire engagée par vos prédécesseurs. Les petits départements deviennent sinistrés en matière judiciaire, comme ils le sont déjà en matière médicale : suppression des tribunaux, postes non pourvus, regroupement de juridictions spécialisées dans les métropoles, paupérisation des auxiliaires de justice avec, comme conséquence, l’éloignement croissant de nombreux citoyens, notamment les plus démunis, du droit à la justice, particulièrement en matière pénale. Monsieur le ministre, votre conception de l’aménagement du territoire, n’est pas compatible avec ce budget !

Pour rendre une bonne justice, il faut des professionnels qualifiés, en nombre suffisant, dotés de moyens suffisants. Or, comme le relèvent l’ensemble des rapporteurs – j’allais dire, dans leurs réquisitions –, le projet annuel de performance pour 2011 supprime 76 emplois de magistrats. Vous avez souligné la nécessité d’une gestion prévisionnelle des emplois, mais la création d’une réserve judiciaire ne palliera pas les départs à la retraite non compensés. Le fonctionnement de nos tribunaux continuera à se dégrader et « l’effet de ciseaux » est inéluctable.

Il est aussi à noter que les promesses faites aux avoués et à leurs salariés ne sont pas tenues et ne le seront pas !

J’en viens, monsieur le ministre, au problème de l’aide juridictionnelle, qui est crucial. Non seulement ce budget ne le résout aucunement, mais il n’anticipe pas vraiment le choc que devra être la réforme de la garde à vue. Si les moyens financiers ne sont pas débloqués, nous irons vers un simulacre de réforme et une aggravation de l’insécurité juridique. Oublions le rapport Darrois : serait-il raisonnable de demander au président-directeur général du groupe LVMH un rapport sur les conditions de vie d’un smicard ?

Il n’est d’autre solution, à défaut de nouvelles taxes sur les actes, que d’effectuer un prélèvement important sur le pactole accumulé par les assureurs dans le domaine de la protection juridique et d’en faire gérer le produit par les professions judiciaires.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jacques Mézard. Ces considérations nous conduisent tout naturellement au dossier de la garde à vue : les fortins défensifs mis en place par la Chancellerie s’effondrent l’un après l’autre, sous les coups de toutes les juridictions européennes et nationales ; le compte à rebours s’accélère : l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 23 novembre 2010 dans l’affaire Moulin sonne le glas de tout un système ! On murmure pourtant que la commission réunie en votre ministère, en toute discrétion, ce même 23 novembre au matin, eut comme objectif la validation du projet de réforme du code de procédure pénale sur la base du rapport Léger, au mépris des arrêts de Strasbourg. Est-ce vrai, monsieur le ministre ?

Enfin, je dirai un mot de l’article 75 du projet de loi de finances, qui reporte au 1er janvier 2014 la mise en œuvre de la collégialité de l’instruction. N’est-ce pas un cavalier législatif, ou plutôt un escadron ? Je rappelle que la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale fut votée unanimement et qu’elle se trouve ainsi pulvérisée, au motif invoqué et reconnu du projet de suppression du juge d’instruction !

Pour finir, permettez-moi de vous lire la conclusion du président Jean-Louis Debré de son livre Les magistrats au XIXe siècle : « En contestant aux juges le droit à l’indépendance, en muselant toutes les velléités d’autonomie des magistrats du parquet, en confondant le service de l’État et celui du Gouvernement, les hommes politiques du XIXe siècle sont à l’origine de la crise de la magistrature et de la justice qui sévira au XXe siècle ».

La situation a-t-elle vraiment changé ? Je ne le pense pas. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans le domaine pénitentiaire, les années se suivent et se ressemblent.

Je voudrais tout d’abord évoquer le sujet important de la politique immobilière. Nous avons suffisamment insisté sur les conséquences de la surpopulation carcérale pour nous réjouir du projet de création de 5 000 places de prison dans les prochaines années. Néanmoins, permettez-moi de faire quelques remarques à ce sujet.

Avant tout, ces 5 000 places doivent servir à faire baisser le taux d’occupation de nos prisons. Elles ne doivent pas être un appel à remplir davantage les prisons, que des mesures d’adaptation des peines doivent par ailleurs conduire à vider.

À cet égard, je vous rappelle que le taux d’occupation de la prison de Caen est de 200 %. Je n’ose même pas signaler celui de la prison de Mayotte !

Je profite de l’occasion, monsieur le garde des sceaux, pour vous faire part de l’interrogation de mon collègue Pierre-Yves Collombat à propos de la prison de Draguignan, détruite par les intempéries, dont la reconstruction n’a toujours pas démarré. L’opinion varoise s’inquiète. Peut-être pourriez-vous nous en dire un mot.

J’en reviens à mon propos.

Nous avons constaté un revirement significatif de la position du Gouvernement sur la question de l’encellulement individuel, comme l’a noté notre rapporteur M. Lecerf. Certes, l’encellulement individuel est un objectif à poursuivre. Cependant, il doit être interprété avec intelligence et subtilité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comme nous l’avons fait dans la loi pénitentiaire !

M. Richard Yung. Ce n’est pas la meilleure solution dans certains cas. Nous avons tous visité suffisamment de prisons pour savoir que certains détenus préfèrent être à deux ou en petits groupes. Cela dépend donc des cas, des situations, et ce principe doit être appliqué avec discernement.

Enfin, il faut que ces nouvelles places aillent de préférence vers des prisons de petite et moyenne dimension. Nous nous inquiétons de voir de nouveaux projets de grandes prisons. Les professionnels estiment qu’une capacité de 300 places est raisonnable. Nous devrions nous limiter à des unités de cette taille.

Au mois d’avril dernier, M. Jean-Marie Bockel avait demandé à M. Gontard un rapport sur le développement des prisons ouvertes en France. Nombre d’entre nous soutiennent cette idée. Je voudrais savoir si ce rapport a été remis ou si le départ de M. Bockel du Gouvernement marque l’enterrement de ce beau concept.

À propos des conditions de vie en prison, je déposerai tout à l’heure un amendement visant à instituer la gratuité de l’accès à la télévision dans les centres de détention. Nous en reparlerons à cette occasion.

Ces considérations matérielles revêtent d’autant plus d’importance qu’elles ont un effet majeur sur l’état psychologique des personnes détenues. Cet état est globalement mauvais. Depuis le début de l’année, 150 détenus ont mis fin à leurs jours, contre 115 en 2009 et 109 en 2008 ; c’est alarmant.

Le précédent garde des sceaux avait mis en place un plan de lutte contre les suicides en prison, mais j’ai l’impression que ce plan n’a pas donné de résultats significatifs. Le kit anti-suicide, les pyjamas en papier, etc., n’ont pas été des solutions à la hauteur de cet enjeu majeur. Comment, monsieur le garde des sceaux, envisagez-vous cette question ?

Le concept d’établissement à réinsertion active, ERA, sur lequel s’appuiera le nouveau programme immobilier, prévoit la création systématique de locaux destinés aux services de psychiatrie, au sein des unités de consultations et de soins ambulatoires. Je nourris des réserves sur cette approche, car, à mon sens, les malades psychiatriques, pourtant nombreux puisqu’ils représentent 25 % à 28 % des détenus, n’ont rien à faire en prison. À mon avis, il s’agit d’une fâcheuse confusion des genres.

S’agissant du travail en milieu carcéral, force est de constater que la conjoncture économique rend difficile la mise en œuvre de l’obligation d’activité. L’objectif de 37 %, c’est-à-dire d’un tiers de détenus en activité, n’est pas suffisant, et c’est dommage. Je pense que la crise a bon dos puisque, dans les pays d’Europe du Nord, où la crise est également présente, les taux d’emploi sont significativement plus élevés.

Enfin, vous prévoyez de créer 997 emplois supplémentaires, ce qui va dans le bon sens. Néanmoins, n’est pas pris en compte dans ces emplois le transfert de l’escorte de la gendarmerie et de la police vers l’administration pénitentiaire. Selon les estimations, il s’agirait de 800, 1 000 ou 1 200 emplois concernés. Si, d’un côté, 1 000 emplois sont créés, mais que, de l’autre, 1 200 emplois sont transférés pour les escortes, le résultat sera nul, voire négatif. Pouvez-vous, monsieur le garde des sceaux, nous rassurer sur cette question ?

Vous comprendrez, d’après ces remarques, mes chers collègues, que le vote de notre groupe ne sera pas favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Même si ce budget n’a pas été élaboré par vous-même, monsieur le ministre, vous allez avoir la lourde tâche, et je partage sur ce point l’analyse de mon collègue Jean-Pierre Sueur, de le mettre en œuvre et, surtout, de veiller à son efficacité.

En effet, ce budget a été élaboré par un Gouvernement auquel vous accordez votre confiance, cependant que j’ai, quant à moi, beaucoup de mal à le faire devant un exécutif qui multiplie les effets déclamatoires, les incohérences et les contradictions, qui confond vitesse et précipitation, priorité et comptabilité, mutualisation et coupes sévères, qui se permet de commenter des décisions de justice et qui confond parfois coupables et mis en cause ; bref, un exécutif qui confond le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

Les chiffres ont déjà été beaucoup analysés et disséqués par mes prédécesseurs à cette tribune. Manifestement, sur les mêmes chiffres, on peut avoir des analyses à géométrie variable, puisque je n’ai pas encore entendu beaucoup de ministres se plaindre de restrictions ou de coupes dans leur budget. Au contraire, ils se félicitent tous, officiellement, mais pas trop fort pour ne pas faire de jaloux, d’avoir bien défendu leur beefsteak et d’avoir obtenu des choses très intéressantes pour leur ministère.

Dans un contexte de RGPP dans lequel, théoriquement, tous les fonds publics ont diminué, j’ai un petit peu de mal à comprendre la cohérence de ces discours. Personnellement, en tout cas, je partage plutôt le pessimisme de mes collègues de gauche que l’optimisme de mes collègues de droite sur les fonds qui vous ont été attribués.

En tout cas, point n’est besoin, sans doute, d’analyser ces chiffres de façon précise. Les grands principes de ce budget démontreront facilement les qualités que j’ai prêtées au Gouvernement dans mon propos introductif.

En ce qui concerne par exemple l’administration pénitentiaire, l’incohérence de son budget se mesure à la carte des fermetures et des ouvertures. On propose de fermer des établissements pénitentiaires qui fonctionnent bien, pour lesquels les taux de récidive sont faibles, les problèmes sociaux peu élevés, l’ambiance excellente. On les ferme tout de même, Dieu seul sait pour quel motif, pour en construire et en ouvrir d’autres ailleurs !

Quant à la carte géographique, j’ai du mal à en comprendre la cohérence : on prône l’importance du rapprochement familial tandis que les ouvertures prévues ne semblent absolument pas prendre en compte ce souci.

Des bracelets électroniques sont prévus, certes. Mais, c’est de notoriété publique, et l’expérience de nos voisins étrangers, plus ancienne que la nôtre, le montre parfaitement, la mise sous bracelets électroniques requiert du personnel. Les problèmes surviennent sur le long terme et non pas au cours des quelques mois après la sortie de prison. L’insertion, elle aussi, s’évalue sur le long terme.

Quels sont les moyens mis en place pour le suivi des personnes concernées ? Aucun.

La précipitation du Gouvernement est encore flagrante en matière de transfèrement des personnes sous main de justice. Alors qu’on en parle depuis des années, était-il nécessaire de le faire brutalement, en quelques mois, sans aucune concertation, sans aucune préparation et sans aucune formation du personnel auquel il sera demandé demain d’assumer ces nouvelles missions ? Une fois de plus, vitesse et précipitation sont confondues, comme dans le cas de Cassiopee et de la réforme des tutelles. Les réformes ne correspondent pas à l’objectif affiché.

Je voudrais maintenant évoquer le sujet des mineurs, qui me préoccupe énormément. J’ai lu avec beaucoup d’attention le rapport de M. Bockel sur la prévention de la délinquance. M. Bockel lui-même s’inquiète beaucoup de la systématisation des comparutions immédiates, qui, la plupart du temps, face à des situations complexes et multifactorielles, n’est pas gage d’efficacité. De nombreux éléments sont à prendre en considération pour sortir réellement les mineurs de la délinquance.

M. Bockel lui-même s’interroge sur les moyens qui vont être donnés au milieu associatif. Il s’inquiète des incertitudes qui pèsent sur les mesures éducatives qui seront demain mises en place. Déjà, dans nombre de juridictions, les budgets sont insuffisants pour les enquêtes sociales. Les délégués du procureur ne peuvent plus se déplacer. Il n’y a plus de budget de déplacement. Les juges des enfants, qui devraient être présents dans les comités intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, n’en auront pas le temps, et nulle création d’emplois n’est prévue.

L’article 41 du projet de loi de finances prévoit une mesure de paiement systématique des droits par la personne bénéficiant de l’aide juridictionnelle. Les enfants y seront-ils soumis ? Où trouveront-ils les 8,80 euros requis pour être représentés par un avocat devant un juge des enfants dans les cas de divorce difficile, où il est nécessaire qu’ils fassent entendre leur voix ?

Les plus vulnérables, une fois de plus, seront touchés, comme beaucoup trop souvent avec ce Gouvernement.

Nous allons donc vers une justice à deux vitesses, une justice qui ne sera accessible qu’aux cols blancs, qu’aux caïds de l’économie sous-terraine, alors que le Gouvernement affirme vouloir lutter contre ces derniers, qui pourrissent véritablement la sécurité dans notre société.

Il en allait déjà ainsi avec la réforme de la représentation devant la cour d’appel et des avoués. Il en va de même avec l’aide juridictionnelle. Vous vous gargarisez de son augmentation.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je ne me gargarise de rien du tout !

Mme Virginie Klès. Pas vous, monsieur le ministre, mais le Gouvernement auquel vous appartenez.

Or, cette augmentation servira tout juste à absorber l’augmentation de la TVA des honoraires des avocats et les retards pris en la matière depuis deux ans.

La carte judiciaire est bouleversée, au gré des ouvertures, des fermetures et des réouvertures, alors qu’il aurait fallu aller moins vite. Je connais la situation dans certains territoires. Je ne remets pas en cause le bien-fondé des réouvertures, mais je remets en cause la précipitation et l’absence de concertation qui ont présidé, une fois de plus, à cette réforme. Aujourd’hui, on répare à grands coups des erreurs qui auraient pu être évitées si le Gouvernement était allé moins vite.

À gauche, monsieur le ministre, nous ne souffrons pas de cette espèce de dédoublement de la personnalité qui semble affecter tous les membres du Gouvernement et de la majorité parlementaire. Aussi, bien entendu, nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame la présidente, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les sénateurs, votre présence au Palais du Luxembourg ce matin, malgré les intempéries, pour examiner le budget de la mission « Justice » témoigne de l’intérêt que la Haute Assemblée a toujours porté à celle-ci. Vos interventions illustrent d'ailleurs parfaitement la bonne connaissance que vous avez de ce ministère. J’essaierai, dans la mesure du possible, de répondre à chacune de vos questions, toutes extrêmement intéressantes et pertinentes, dans le temps qui est imparti à l’examen de cette mission.

En guise d’introduction, je voudrais tout d’abord rappeler que les crédits du ministère de la justice sont en augmentation cette année.

M. Jean-Pierre Sueur. Une augmentation en trompe-l’œil !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Sueur, je ne vous ai pas interrompu et j’aimerais que vous me laissiez terminer mon propos : ce serait une nouveauté appréciable…

L’augmentation des crédits du ministère de la justice, dans le contexte actuel de nos finances publiques, témoigne à elle seule de la reconnaissance d’un retard important en la matière et d’une demande forte de la part de nos concitoyens ; elle tient compte également de l’entrée en vigueur de la loi pénitentiaire et de la future réforme de la garde à vue, qui entraîneront des dépenses supplémentaires.

J’en profite pour répondre à Mme Klès, qui n’a pas mâché ses mots, que le retard des crédits du ministère de la justice ne date pas d’aujourd’hui…

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est une histoire ancienne dont nous sommes tous responsables et à laquelle nous devons essayer, ensemble, d’apporter des solutions.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Tout à fait !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je suis heureux de constater que Mme Borvo Cohen-Seat est devenue soudainement la plus européenne d’entre nous, puisqu’elle a bien voulu comparer le budget de la justice à celui des autres États européens. Si l’on s’en tient à de telles comparaisons, il faut dire que nous sommes en revanche placés au deuxième rang, derrière l’Italie, pour ce qui est du montant global du budget de la justice – il est vrai que l’on ne connaît pas les budgets de la justice de tous les États européens.

Quoi qu’il en soit, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à considérer que le budget de la justice augmente et que nous essayons de rattraper un certain nombre de retards, dans un contexte financier extrêmement difficile. Cette augmentation est donc le signe d’une vraie volonté politique.

Pour la première fois, le budget de la justice atteint plus de 7 milliards d’euros. Cet effort financier sera poursuivi puisque le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit des crédits de 7,37 milliards d’euros en fin de période. Des moyens importants sont donc mobilisés ; il faut les renforcer, mais aussi, comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné, veiller à améliorer la gestion de ce ministère.

Il n’est nullement question pour moi de me « gargariser » de ce résultat : ce budget a été préparé par Mme Alliot-Marie, et je la remercie d’avoir obtenu des moyens supplémentaires ; nous sommes cependant encore loin d’atteindre la perfection, et c’est donc empreint d’humilité que je vous présente ce budget.

Les moyens des juridictions sont l’une des priorités de ce budget 2011. Des crédits sont ainsi déployés pour accompagner la dernière phase de mise en œuvre de la carte judiciaire et de la modernisation des palais de justice. Si les crédits sont à peu près les mêmes que l’année dernière, les moyens des juridictions augmentent en fait sensiblement cette année, les crédits destinés à la mise en place de la carte judiciaire étant en nette diminution.

Je voudrais insister sur la création de 399 postes de greffier, ces nouveaux recrutements étant indispensables à l’efficacité de l’institution judiciaire. Certes, nous devrons continuer dans cette voie pour parvenir au ratio : un magistrat, un greffier. À cet égard, je veux rassurer M. Sueur : non, nous n’avons pas l’intention de diminuer le nombre de magistrats pour parvenir à ce ratio ! Je retrouve dans sa démonstration mathématique toute sa subtilité d’esprit… (Sourires.) Nous voulons véritablement améliorer les moyens dont disposent les magistrats pour assurer leur travail – j’y reviendrai ultérieurement en répondant à une question de M. du Luart.

Des crédits relativement importants sont également prévus pour poursuivre la mise en sécurité des juridictions, qui est l’une des conditions d’un exercice serein de la justice. Le plan en cours sera achevé dès le printemps 2011.

Moderniser le fonctionnement de la justice, c’est aussi moderniser les procédures et favoriser l’échange d’informations et de données entre les acteurs judiciaires. À cet égard, les nouvelles technologies sont une chance pour l’institution ; elles révolutionnent les méthodes de travail et constituent un vecteur d’efficacité ; je reviendrai sur l’application Cassiopée, pour répondre à M. du Luart et à M. Détraigne, tout à l’heure.

La modernité de la justice réside dans la défense de valeurs essentielles. L’égal accès de tous à la justice, évoqué par nombre d’entre vous, en est une. Nous travaillons actuellement à des solutions sur l’aide juridictionnelle et son financement. Les crédits progressent, et je m’en félicite, pour atteindre 312 millions d’euros cette année ; je sais aussi que ces crédits seront insuffisants, compte tenu notamment de la mise en œuvre de la réforme de la garde à vue.

En matière pénitentiaire, les moyens sont significativement renforcés, car il est de notre devoir de veiller à la situation des détenus, mais aussi aux conditions de travail des personnels. Cette double préoccupation se traduit par la hausse notable du budget alloué au programme pénitentiaire. Les crédits progressent de 4,4 %, pour atteindre près de 900 millions d’euros. Les effectifs sont également en hausse, puisque nous créons 563 nouveaux emplois.

La situation matérielle des prisons est une préoccupation majeure, et beaucoup d’entre vous sont intervenus sur ce thème. Grâce au programme de rénovation, les établissements vétustes seront fermés au profit de nouvelles places conformes aux règles pénitentiaires européennes. La modernisation du parc pénitentiaire doit se poursuivre. Nous travaillons à l’élaboration d’un nouveau programme, le plan mis en place en 2002 s’achevant en 2012 ; j’aurai l’occasion, en répondant aux questions, de revenir sur ce point.

Au-delà de l’augmentation des moyens, il convient naturellement d’améliorer la gestion budgétaire du ministère, ce qui constitue un défi majeur. Plusieurs projets sont conduits par mes services en vue d’une gestion plus rationnelle des moyens.

Nous veillons à une politique d’achats plus efficace ; des efforts sont par ailleurs entrepris pour la maîtrise des frais, et notamment des frais de justice, même si nous savons que l’entreprise est extrêmement difficile. La Chancellerie travaille actuellement à de nouveaux dispositifs pour réduire les coûts en la matière et mieux mutualiser les moyens. La réalisation d’une plateforme nationale des interceptions judiciaires est aussi à l’étude, je le précise à l’intention de M. Détraigne. Elle permettrait, en particulier, des économies d’échelle.

Toutefois, la rationalisation des moyens doit être conçue de façon globale, en recentrant chacun sur son cœur de métier au sein de l’institution judiciaire, mais plus généralement aussi dans la sphère publique.

Il est ainsi prévu que le transfèrement des personnes sous main de justice soit assuré par les personnels judiciaires et non plus par la police. Le transfert de 800 emplois du ministère de l’intérieur au ministère de la justice a été décidé. Des négociations sont en cours sur ce point.

D’une manière générale, je veux donner aux personnels de justice les moyens de leur action. Recentrer les personnels sur leurs missions, tel est aussi l’objectif de la restructuration en cours de la protection judiciaire de la jeunesse. La réforme porte sur le cœur des missions, mais aussi sur l’organisation territoriale de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.

Nous devons envisager toutes ces questions sur le long terme. C’est naturellement l’ambition que je porte, et la programmation pluriannuelle des finances publiques nous permet d’engager pleinement cette réflexion. Je sais pouvoir compter sur les débats parlementaires, et notamment sur ceux de la Haute Assemblée, pour enrichir notre vision de la justice.

J’en viens maintenant aux importantes questions, souvent très précises, que vous m’avez posées. Je ne suis pas en mesure de répondre dans l’immédiat à certaines d’entre elles, mais je m’engage à le faire ultérieurement par écrit.

M. du Luart, rapporteur spécial, nous a interrogés sur la question essentielle de l’exécution des peines. C’est un chantier extrêmement important. Je n’imaginais pas que cette question était d’une telle ampleur en prenant mes fonctions. Or l’Inspection générale des services judiciaires, en mars 2009, avait indiqué que 82 000 peines étaient en attente d’exécution.

Par conséquent, contrairement à ce que l’on dit parfois, les magistrats ne sont pas laxistes ; ils font leur métier, il faut le dire haut et fort.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Oui !

M. Jacques Mézard. Très bien !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. En revanche, il faut naturellement que les décisions de justice soient exécutées d’une façon ou d’une autre. Il ne s’agit évidemment pas de créer 82 000 places de prison supplémentaires ; d’ailleurs, nous n’y parviendrions pas. Il convient donc d’utiliser tout le panel de réponses que nous offre la législation, dont la loi pénitentiaire, pour faire en sorte que toutes les décisions de justice soient exécutées.

C’est un chantier essentiel des quelque dix-huit mois durant lesquels je suis appelé à exercer les fonctions de garde des sceaux. Nos concitoyens doivent constater que la justice fait son travail. Le déploiement de l’application Cassiopée, dès le mois de janvier prochain – et je réponds là également à M. Détraigne – nous permettra d’obtenir un décompte précis de l’évolution de l’exécution des peines. À ma demande, le directeur de cabinet disposera désormais dans son bureau d’un tableau sur lequel on pourra suivre en permanence le nombre des peines exécutées et non exécutées.

Vous m’avez ensuite interrogé, monsieur le rapporteur spécial, de même que M. Mézard, au sujet de la reprise de certaines missions par l’administration pénitentiaire.

Je répondrai tout d’abord d’une façon générale.

Premièrement, je souhaite recentrer tous les agents du ministère de la justice sur leur métier. À cet égard, le rapport Guinchard contient des dispositions très intéressantes, que j’entends reprendre, notamment concernant le rôle des magistrats. On demande en effet beaucoup trop de choses aux magistrats de ce pays.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Par exemple, dès qu’une commission est créée et que l’on ne sait pas bien comment elle va fonctionner ni ce qu’elle va donner, on met un magistrat à sa tête.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela fait plus sérieux !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est une marque de confiance à leur égard, mais ce n’est pas pour cela qu’ils ont été formés.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ils y perdent leur temps !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Deuxièmement, le Gouvernement souhaite recentrer la police et la gendarmerie sur leur activité de base. L’administration pénitentiaire doit donc reprendre certaines missions, notamment celles qui sont liées aux personnes placées sous main de justice. Je pense au transfert des détenus ou à la garde des unités hospitalières.

Une première négociation a eu lieu entre le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur. Elle a abouti, comme je l’ai dit, à un transfert de 800 emplois du ministère de l’intérieur vers le ministère de la justice. Toutefois, ce sera peut-être insuffisant compte tenu de la charge de travail.

Nous essayons de connaître exactement le nombre de transferts à effectuer. En l’occurrence, comme souvent, nous manquons cruellement d’indicateurs statistiques fiables. Des expérimentations seront donc conduites dans deux régions, qui restent à déterminer.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Le choix n’est donc pas fixé !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice semblent être d’accord pour la Lorraine. Pour ce qui est de la seconde région, les discussions sont encore en cours.

Monsieur Lecerf, vous vous inquiétez d’une trop grande déconnexion entre l’application de la loi pénitentiaire et les moyens budgétaires.

Sachez que, entre 2002 et 2010, le nombre de conseillers d’insertion et de probation, qui sont essentiels pour l’application de la loi pénitentiaire, a augmenté de 143 % pour atteindre aujourd’hui 3 941. Il s’agit donc d’un progrès certain par rapport à ce qui se passait avant. Sera-ce suffisant ? En tout cas, cette augmentation a déjà permis de faire face au développement des aménagements de peine. Mais cet effort devra probablement être poursuivi.

Le programme de l’encellulement individuel est désormais une exigence légale. Je me souviens d’ailleurs parfaitement du jour où le Sénat a voté ce principe. Cette obligation s’impose donc à l’administration pénitentiaire. Reste qu’il est difficile de considérer que plus de 30 % des détenus renonceront à ce droit. Voilà qui justifie le nouveau programme de 5 000 places décidé par le Président de la République, que nous allons mettre en œuvre et qui nécessite de revoir l’ensemble des questions d’ouverture et de fermeture d’établissements.

Je connais les missions que vous avez conduites, monsieur Lecerf. Vous avez constaté que certains établissements étaient vétustes et indignes. Ceux-ci devront être détruits et remplacés. J’ai bien compris que l’établissement d’Aurillac n’était pas à ranger dans cette catégorie, puisque d’importants travaux y ont été réalisés récemment. J’envisage d’ailleurs de me rendre sur place pour vérifier son bon état.

Je sais que je dépasse le temps qui m’a été imparti, madame la présidente ; je vais essayer de terminer rapidement.

Monsieur Détraigne, vous m’avez interrogé sur la gestion prévisionnelle des effectifs de magistrats et de greffiers.

Vous avez raison, nous devons absolument mettre en place cette gestion prévisionnelle. Ce n’est pas parce la réponse n’est pas claire sur ce point que les nouveaux postes ne sont pas des créations supplémentaires. Je peux vous assurer que la détermination des niveaux de recrutement des magistrats est élaborée sur la base de la gestion prévisionnelle des effectifs telle qu’elle a été mise en place par la direction des services judiciaires. Sont également intégrées les études d’impact liées aux différentes réformes : carte judiciaire, modification des textes existant en matière procédurale, notamment.

Concernant les prévisions de départs à la retraite, elles sont réalisées à partir d’un taux moyen de départs à la retraite observé sur les années précédentes. Rassurez-vous, je sais parfaitement que nous allons entrer dans une période où leur nombre sera plus élevé qu’auparavant en raison des départs à la retraite des enfants du baby boom.

S’agissant des recrutements, il convient de préciser que seul le niveau de recrutement de l’année 2011 a été déterminé dans le projet de loi de finances pour 2011. Les recrutements ainsi réalisés au titre de l’année 2011 seront effectifs pour les juridictions en 2013. Les niveaux de recrutement postérieurs à 2011 visent à compenser les départs à la retraite prévisionnels et à tendre ainsi vers une stabilisation des effectifs de magistrats.

Pour les personnels des greffes, un bureau de la gestion prévisionnelle des ressources humaines sera créé à partir du 1er janvier 2011.

Monsieur Détraigne, l’entrée en vigueur de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature entraînera effectivement une augmentation des membres de celui-ci. Dans le cadre du projet de regroupement des services de l’administration centrale sur un second site, en dehors de la place Vendôme, le ministère de la justice disposera de locaux inoccupés. Nous examinerons donc avec le Conseil supérieur de la magistrature, tout comme d’ailleurs avec la Cour de justice de la République, la possibilité de trouver des locaux adaptés à ce nouvel effectif. En outre, la construction du nouveau tribunal de grande instance de Paris devrait libérer des locaux dans le palais historique, à côté de la Cour de cassation.

Monsieur Alfonsi, l’État ne se retire pas de la PJJ. Au contraire, son action demeure forte. Ainsi, les crédits permettant de suivre l’activité d’aide à la décision pour les mineurs délinquants et les mineurs en danger restent importants, puisqu’ils sont de 64 millions d’euros.

Concernant le dispositif « jeune majeur », le recentrage de la PJJ sur les mineurs délinquants a été décidé par le Parlement en 2007. Nous regarderons de près si les départements ont pris la relève. J’en connais au moins un qui l’a fait, mais je sais qu’il y en a également beaucoup d’autres.

Madame Borvo Cohen-Seat, la création de 399 postes de greffiers répond à une demande des organisations syndicales des magistrats et de greffiers.

Vous considérez bien évidemment que le budget est insuffisant. Je vous remercie de votre soutien. (Sourires sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.) Compte tenu des circonstances présentes, qui sont extrêmement difficiles, augmenter de 4,15 % les crédits de la mission « Justice » montre bien que ce secteur est une priorité. Le Gouvernement, là encore, fait preuve de responsabilité.

Vous avez donné votre position de principe sur les partenariats public-privé. Je vous rappelle un fait historique : notre pays a très souvent associé le public et le privé. Toutes les lignes de chemin de fer, par exemple, ont été construites grâce au système de la concession. Aujourd’hui, le partenariat public-privé nous permet de répondre rapidement à une demande forte. Pour autant, ce n’est pas un choix systématique. Le ministère conserve en effet un budget important dans le domaine immobilier. En tout cas, nous le faisons sans a priori idéologique. Je vous signale en outre que chaque partenariat public-privé fait l’objet d’une évaluation économique. Tel est le cas pour Caen, Perpignan et Lille cette année.

Monsieur Béteille, je vous remercie des souhaits que vous avez formulés à mon égard. Sachez que les crédits de fonctionnement des juridictions resteront stables en 2011. En revanche, les crédits liés à la réforme de la carte judiciaire diminueront, passant de 18,9 millions d’euros en 2010 à 4 millions d’euros en 2011. Globalement, les crédits pour les juridictions augmenteront donc de 11,7 millions d’euros.

Je fais miennes vos observations sur les structures de prise en charge psychiatrique des personnes détenues. Je signale simplement que la prise en charge de la santé mentale des personnes détenues relève du ministère de la santé depuis 1994 et non plus du ministère de la justice.

Chaque région pénitentiaire dispose de services médico-psychologiques régionaux. Pour épauler ces structures, la loi d’orientation et de programmation pour la justice a acté la mise en place d’unités hospitalières spécialement aménagées. J’ai d’ailleurs eu l’honneur de participer à l’inauguration de la première UHSA de France, celle du centre hospitalier Le Vinatier de Lyon, le 21 mai dernier. Le programme de construction porte sur 705 lits et comporte deux tranches de construction. La première tranche, d’une capacité de 440 places, sera réalisée de 2010 à 2012.

Vous avez raison, le projet de loi de finances améliore le recouvrement de l’aide juridictionnelle indûment perçue lorsque les justiciables reviennent à meilleure fortune. À cet égard, l’article 41 du projet de loi de finances pour 2011, que le Sénat a adopté la semaine dernière, permettra de simplifier la procédure et donc de la rendre plus efficace.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je termine le plus rapidement possible, madame la présidente.

Mme la présidente. N’abusez pas de ma générosité !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je fais appel à votre bienveillance, sinon je ne pourrai pas répondre à tout le monde.

Monsieur Sueur, le ratio greffier-magistrat augmente, ce qui est une bonne chose.

Concernant l’affaire d’Orléans, j’ai confié une mission à l’Inspection générale des services judiciaires. J’attends son rapport. Je n’ai en effet pas pour habitude de parler avant de disposer d’un dossier solide.

Je rappelle qu’il y a déjà eu l’an dernier une inspection sur le fonctionnement du tribunal de grande instance d’Orléans. Celle-ci n’avait pas conclu à un déficit de moyens en termes d’effectifs, mais à la nécessité de réorganiser certains services, notamment de renforcer ceux qui traitent du pénal. C’est d’ailleurs ce que sont en train de faire les chefs de cour et de juridictions, avec l’aide de la Chancellerie, sur la base du rapport de l’Inspection générale.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, je vous ai demandé si vous étiez favorable à la suppression des juges d’instruction !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Laissez-moi le temps de vous répondre.

M. Jean-Pierre Sueur. Je pensais que vous alliez me répondre maintenant !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Soit !

Vous nous avez indiqué que l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme posait un certain nombre de problèmes. Il ne vous aura pas échappé que cet arrêt, si vous l’avez lu jusqu’au bout et analysé à fond, conduit tout droit à la suppression des juges d’instruction. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Mais il faut lire les décisions entièrement, et pas seulement leur résumé en deux lignes. Pour avoir appris, il y a bien longtemps, à lire les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, qu’il m’est même arrivé de commenter, je peux vous dire que cet arrêt, qui tend à faire des juges du parquet à la française de simples parties au procès, transforme complètement la procédure pénale et nous entraîne vers une procédure accusatoire. Par conséquent, il n’est plus nécessaire d’avoir des juges d’instruction, il faut un tout autre système. Pour l’instant, nous en sommes au stade de l’analyse.

Nous devons mener plusieurs chantiers : celui de la réforme de la garde à vue, celui des décisions pénales non exécutées et celui de l’instauration des jurés populaires dans l’ensemble des juridictions. Pour ce qui est du début de l’année prochaine, cela me paraît déjà amplement suffisant !

Monsieur Mézard, vous avez évoqué la « désertification ». Je le dis clairement, aucun territoire ne sera abandonné. Mais ce qui peut fonctionner parfaitement à Paris et dans les grandes villes peut très bien ne pas marcher dans les territoires. Mme la présidente m’ayant signifié, à raison, que j’ai déjà largement dépassé mon temps de parole, je vous propose de revenir sur cette question lors de la discussion sur la loi relative à la garde à vue.

Monsieur Yung, j’ai bien compris votre message sur le sinistre de Draguignan. Je tiens à souligner le grand professionnalisme des équipes de l’administration pénitentiaire, qui ont évité le pire. Nous sommes actuellement en discussion avec les élus pour trouver un autre site non inondable sur lequel reconstruire une prison.

Madame Klès, 5 000 personnes sont placées sous bracelet électronique. Il n’y a pas eu d’incident grave à ce jour !

Mme Virginie Klès. Cela viendra !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pour le moment, il n’y a pas de problème.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je transmettrai par écrit, dans les jours qui viennent, les réponses que je n’ai pas eu le temps de faire oralement. Madame la présidente, je vous remercie de votre large indulgence à mon égard ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Justice
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 75

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.

État b

(en euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice

8 806 370 930

7 138 076 263

Justice judiciaire

4 132 714 304

2 960 265 131

Dont titre 2

2 036 702 415

2 036 702 415

Administration pénitentiaire

3 280 015 996

2 821 791 921

Dont titre 2

1 809 828 599

1 809 828 599

12Protection judiciaire de la jeunesse

757 666 987

757 642 451

Dont titre 2

428 198 453

428 198 453

Accès au droit et à la justice

388 032 825

331 332 825

Conduite et pilotage de la politique de la justice

247 940 818

267 043 935

Dont titre 2

100 025 281

100 025 281

Mme la présidente. L'amendement n° II-87, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. - Créer le programme : Conseil supérieur de la magistrature

II. - En conséquence, modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaireDont Titre 2

2 929 3942 047 307

2 929 3942 047 307

Administration pénitentiaireDont Titre 2

Protection judiciaire de la jeunesseDont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice  Dont Titre 2

Conseil supérieur de la magistratureDont Titre 2

2 929 3942 047 307

2 929 3942 047 307

TOTAL

2 929 394

2 929 394

2 929 394

2 929 394

SOLDE

0

0

La parole est à M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis. Depuis la mise en œuvre de la LOLF, la commission des lois réclame chaque année, sans aucun succès, que soit créé un programme spécifique pour le Conseil supérieur de la magistrature. Et, pourtant, les crédits du CSM sont toujours inclus au sein des crédits du programme Justice judiciaire.

Le Parlement a la possibilité de créer au sein de la mission « Justice » un programme Conseil supérieur de la magistrature : tel est l’objet de cet amendement.

Tout d’abord, cette mesure ne touche pas aux crédits affectés aux autres secteurs du domaine judiciaire ; elle consiste simplement à prélever un montant de 2 929 394 euros aussi bien en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement dans le programme Justice judiciaire, pour le faire figurer dans un nouveau programme Conseil supérieur de la magistrature.

Par ailleurs, la loi organique de juillet 2010 adoptée à la suite de la réforme constitutionnelle de 2008 spécifie clairement : « L’autonomie budgétaire du Conseil supérieur est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances. » Nous sommes en train de débattre du projet de loi de finances : c’est le moment ou jamais de régler cette question et de « sanctuariser » l’autonomie du Conseil supérieur de la magistrature à l’intérieur d’un programme distinct, à défaut d’une mission spécifique.

Enfin, je voudrais signaler que l’intégration des crédits du Conseil supérieur de la magistrature dans le programme Justice judiciaire soulève un petit problème de fond. Le responsable de ce programme est le directeur des services judiciaires, qui est une personne tout à fait estimable, là n’est pas la question. Mais c’est lui qui transmet la plupart des propositions de nominations sur lesquelles le Conseil supérieur de la magistrature doit se prononcer.

En outre, mes chers collègues, imaginez que le Conseil supérieur de la magistrature décide d’envoyer une mission dans un territoire d’outre-mer, donc éloigné de la métropole, pour examiner, dans le cadre d’une enquête, le fonctionnement d’une juridiction : il devra demander des crédits au directeur des services judiciaires, ce qui pose – vous en conviendrez – un véritable problème de principe.

À défaut de pouvoir faire figurer les crédits du Conseil supérieur de la magistrature dans la mission « Pouvoirs publics », comme le sont ceux du Conseil constitutionnel ou de la Cour de justice de la République, ainsi que nous le demandons depuis des années, la commission des lois, à l’unanimité de ses membres, propose d’instaurer un programme spécifique Conseil supérieur de la magistrature à l’intérieur de la mission « Justice ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Depuis l’entrée en application de la LOLF, les crédits du Conseil supérieur de la magistrature sont portés par l’action 04 du programme Justice judiciaire de la mission « Justice ». Cette action est exclusivement consacrée au CSM.

À cet égard, il convient de souligner que le projet de loi de finances prévoit pour 2011une augmentation de 31,1 % des crédits du Conseil supérieur de la magistrature, qui passeraient de 2 234 000 euros à 2 929 000 euros. Cette hausse conséquente des moyens du Conseil supérieur de la magistrature vise à lui permettre de mettre en œuvre, dans de bonnes conditions, la réforme dont il a fait l’objet à l’occasion de la loi du 22 juillet 2010.

La commission des finances du Sénat est certes soucieuse de l’autonomie du Conseil supérieur de la magistrature, garant du bon fonctionnement de l’institution judiciaire. À ce titre, elle comprend parfaitement la philosophie ayant guidé la commission des lois dans le dépôt de cet amendement.

Par ailleurs, dans sa lettre, la LOLF n’impose ni plafond ni plancher s’agissant du montant des crédits d’un programme.

Pour autant, la commission des finances estime également nécessaire de s’assurer du caractère opérationnel des dispositions budgétaires proposées. Or, de ce point de vue, un programme d’une surface financière aussi limitée poserait de réelles difficultés de gestion, le principe de fongibilité des crédits ne pouvant guère s’appliquer en tant que de besoin au cours de l’exercice.

La « sanctuarisation » des crédits du Conseil supérieur de la magistrature pourrait donc avoir pour effet paradoxal de fragiliser budgétairement le Conseil ! En l’espèce, l’adage selon lequel « le mieux est l’ennemi du bien » trouverait en quelque sorte une regrettable application concrète.

Pour être tout à fait complet, il faut également rappeler que, dans le cadre de la LOLF, aucun programme ne s’appuie actuellement sur une aussi faible surface de crédits. Il serait peut-être préférable de prévoir, en liaison avec le Gouvernement, que le CSM fasse partie de la mission « Pouvoirs publics » lors du prochain projet de loi de finances. Les choses seraient ainsi beaucoup plus claires.

La commission des finances demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le garde des sceaux, nos collègues de la commission des lois sont allés jusqu’au bout de ce que le Parlement peut faire dans une loi de finances pour que vous puissiez répondre à son souhait. Cela dit, la proposition qu’ils vous ont faite n’est pas vraiment satisfaisante. La seule bonne réponse est l’inclusion des crédits du Conseil supérieur de la magistrature dans la mission « Pouvoirs publics », ce qui permettra de prévoir une dotation garantissant à la fois ses moyens et son indépendance. Peut-être pourrions-nous, d’ici à la prochaine loi de finances, convenir ensemble d’un dispositif allant dans ce sens ?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur pour avis, j’ai bien compris votre souhait. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs donné une indication en ce sens. Mais je voudrais faire miens les arguments de M. du Luart. La surface financière du Conseil supérieur de la magistrature est très faible, puisque ses frais de fonctionnement s’élèvent à 800 000 euros par an. « Sanctuariser » ces crédits peut conduire à la paralysie du CSM, par exemple, s’il a besoin d’organiser un déplacement outre-mer pour des enquêtes disciplinaires.

Monsieur Détraigne, je vous propose donc de retirer votre amendement. Nous pourrons travailler ensemble, la Chancellerie, la commission des finances et la commission des lois, pour régler ce problème dans l’année qui vient. Sinon, je serai obligé d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le garde des sceaux, lors de la discussion de la loi organique, nous avions tenu exactement le même discours et demandé que les crédits du Conseil supérieur de la magistrature soient intégrés à la mission « Pouvoirs publics » dans le projet de loi de finances pour 2011. Eh bien, nous y voici !

Le Gouvernement savait très bien que cette question reviendrait, mais visiblement il n’a, volontairement ou non, rien fait – peut-être le changement de Gouvernement y est-il pour quelque chose ?

Nous en sommes donc exactement au même point qu’au moment de la discussion de la loi organique, pendant laquelle des amendements allant dans le sens de celui qui nous est soumis avaient été, me semble-t-il, déposés. Nous aurions pu alors consacrer l’indépendance du budget du Conseil supérieur de la magistrature. À l’époque, la garde des sceaux nous avait répondu que cette question ne relevait pas de la loi organique  – c’est discutable – et nous avait renvoyés à la future loi de finances, c'est-à-dire à celle dont nous discutons aujourd'hui.

Nous sommes donc très méfiants : une question qui aurait dû être réglée aujourd'hui est renvoyée au projet de loi de finances pour 2012, et rien ne nous dit qu’on ne nous resservira pas alors les mêmes réponses.

La solution proposée par notre rapporteur pour régler le problème n’est pas idéale, mais nous l’avons soutenue en commission, car elle témoigne clairement de notre volonté de sortir le Conseil supérieur de la magistrature de la mission « Justice ».

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, je le dis clairement, je suis prêt à étudier la possibilité d’intégrer l’année prochaine les crédits du CSM dans la mission « Pouvoirs publics ». Mais il faut me laisser un peu de temps pour examiner la question, car, honnêtement, je ne peux prendre une décision maintenant. C'est la raison pour laquelle je demande à M. le rapporteur pour avis de retirer son amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Le fait que la commission des lois soit parvenue à une position unanime montre que nous allons dans la bonne direction. Cela étant, nous craignons toujours que l’on ne cède à la procrastination législative : on s’engage au moment du débat mais, un an plus tard, tout le monde a oublié ce qui avait été dit.

Au fond, les choses sont claires : il s’agit de montrer l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature, c’est-à-dire l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir exécutif. Voilà ce dont nous discutons. L’argument tendant à regretter que ce budget soit intégré dans celui de la politique judiciaire est un bon argument.

En revanche, l’argument selon lequel il s’agit d’une petite somme, s’il est compréhensible, n’en est pas moins très faible, compte tenu des valeurs auxquelles nous nous référons.

Pour notre part, nous sommes favorables à ce que le budget du Conseil supérieur de la magistrature soit clairement identifié et qu’il soit autonome. Si vous souhaitez l’intégrer l’an prochain à la mission « Pouvoirs publics », comme le budget du Conseil constitutionnel, nous n’y sommes pas opposés. En l’état actuel des choses, toutefois, nous soutenons l’excellent amendement de notre collègue M. Détraigne.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je rappelle que nous ne faisons qu’appliquer la loi organique du 22 juillet 2010, qui prévoit que l’autonomie budgétaire du Conseil supérieur de la magistrature est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances, le principe étant bien celui de l’autonomie budgétaire.

Certes, pour des questions d’organisation, il est peut- être difficile d’appliquer la loi immédiatement. Mais on ne peut invoquer la modicité des crédits. Si tel était le cas, la Cour de justice devrait également être mise sous la coupe des services judiciaire.

Il faut noter en outre que le Conseil supérieur de la magistrature n’est plus présidé par le Président de la République mais par le Premier président de la Cour de cassation. La volonté du Président de la République et du Constituant de donner une autonomie réelle au Conseil supérieur de la magistrature est évidente.

Notre solution n’est pas forcément bonne, mais nous ne pouvons pas faire autrement car, de par la Constitution, nous ne pouvons pas créer de nouvelle mission ni transférer un programme d’une mission à l’autre.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est évident que le budget du Conseil supérieur de la magistrature devrait appartenir à la mission « Pouvoirs publics ».

Comme vous venez d’arriver, monsieur le garde des sceaux,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances Nous vous donnons un sursis.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … et que la loi date du 22 juillet dernier, nous vous donnons en effet un sursis.

M. Jean-René Lecerf. Avec mise à l’épreuve !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous comprenons bien que le budget est bâti de telle manière qu’il est difficile d’opérer ces modifications aujourd’hui, mais, l’année prochaine, il faudra appliquer la Constitution.

Dans ces conditions, la commission des lois, qui a voulu affirmer la nécessité de changer les choses – comme elle le fait d’ailleurs depuis plusieurs années –, vous donne crédit pour cette fois, monsieur le garde des sceaux et retire son amendement. Mais il ne faudra pas récidiver… (Sourires.)

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Tout à fait.

Mme la présidente. L'amendement n° II-87 est retiré.

L'amendement n° II-217, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaireDont Titre 2

150 800 000

Administration pénitentiaireDont Titre 2

Protection judiciaire de la jeunesseDont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice  Dont Titre 2

TOTAL

150 800 000

SOLDE

150 800 000

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il s’agit d’un amendement purement technique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Cet amendement est effectivement purement technique. La commission des finances y est favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-217.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-6, présenté par M. du Luart, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont titre 2

30 000 000

30 000 000

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

7 500 000

7 500 000

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

7 500 000

7 500 000

Accès au droit et à la justice

7 500 000

7 500 000

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

7 500 000

7 500 000

TOTAL

30 000 000

30 000 000

30 000 000

30 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Cet amendement n’est pas une nouveauté, et on doit d’ailleurs le regretter. Déjà l’an dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, la commission des finances avait alerté la Chancellerie sur le dérapage des frais de justice. J’avais même, comme l’a souligné M. Sueur, utilisé un terme fort, puisque j’avais parlé à l’époque d’« insincérité budgétaire » pour qualifier l’enveloppe dédiée à ce poste de dépense pour 2010. La suite des événements nous a malheureusement donné raison.

Quelle est donc la situation ?

Alors que des progrès substantiels avaient été réalisés depuis 2006 et l’entrée en vigueur de la LOLF, l’année 2009 a été celle du redémarrage des frais de justice, avec un dépassement de 23,5 millions d’euros par rapport à l’autorisation accordée en loi de finances initiale.

En 2010, cette tendance s’est confirmée : le montant total de la dépense devrait avoisiner 440 millions d’euros pour une enveloppe initiale de 393 millions d’euros. Le montant des charges restant à payer en fin d’année devrait, quant à lui, s’élever à près de 100 millions d’euros, soit deux mois d’activité.

La loi de finances pour 2011 prévoit 459 millions d’euros pour couvrir la dépense liée aux frais de justice. Il y a cependant tout lieu de penser que la sous-budgétisation observée au cours des deux dernières années reste de mise. Outre qu’elle remet à nouveau en cause le principe de sincérité budgétaire pour 2011, cette situation fait courir le risque de voir l’activité des juridictions perturbée par le non-paiement en temps et en heure des experts.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Évidemment !

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. L’amendement proposé vise donc à abonder de 30 millions d’euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, l’action 02, Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales, du programme Justice judiciaire.

Cet abondement est gagé sur les autres programmes de la mission.

Monsieur le garde des sceaux, je connais vos préventions à l’égard de cet amendement. Je sais combien le bouclage du budget de chacun des programmes de la mission a été difficile dans un contexte budgétaire tendu, et je suis conscient de l’hypothèque que ferait peser le gage de cet amendement sur ces programmes s’il était adopté. Mais la situation actuelle des frais de justice est trop critique pour qu’elle ne soit pas traitée à bras-le-corps. Voyez donc dans cet amendement, monsieur le ministre, l’opportunité de nous exposer votre stratégie pour parvenir à une meilleure maîtrise de cette dépense en 2011, afin que je ne sois plus jamais dans la situation de vous qualifier d’« insincère ».

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je voudrais être le plus sincère possible avec vous. La question des frais de justice est une question très importante pour mon ministère. Pendant longtemps en effet, les frais de justice ont augmenté très rapidement, sans qu’il soit possible de réguler les sommes dépensées.

La prévision de dépenses pour 2010 au titre des frais de justice est en effet en dépassement par rapport à la dotation de la loi de finances initiale – nous paierons probablement 440 millions d’euros, contre les 393 millions d’euros qui avaient été prévus. Cette différence sera couverte grâce à des redéploiements et grâce aux crédits ouverts par le décret d’avance du 29 septembre dernier. Toutefois, l’année 2010 peut être considérée comme atypique. Des services centralisateurs ont été mis en place dans les tribunaux pour accélérer le délai de paiement des mémoires. Cela explique une « surconsommation » de frais de justice. Les juridictions ont vidé leurs armoires et payé des mémoires anciens. Le report de charges sera de ce fait ramené en 2011 de 112 millions d’euros à 95 millions d’euros, avec un délai de paiement de moins de deux mois.

L’année prochaine, les frais de justice devraient retrouver leur rythme tendanciel autour de 415 millions d’euros, avec un délai moyen de paiement revenu à deux mois, ce qui est un délai normal.

De surcroît, la direction des services judiciaires s’est lancée dans une politique de maîtrise des frais de justice, qui doit commencer à porter ses fruits, notamment grâce à la passation de nouveaux marchés en matière d’analyses génétiques, à la diminution des tarifs d’interceptions téléphoniques et internet des opérateurs, à la mise en place d’un accord-type pour réduire le coût d’enlèvement et de gardiennage des véhicules et à la tarification d’un certain nombre d’interventions, notamment les actes des médecins.

Il reste probablement à déterminer les tarifs d’un certain nombre d’autres professions, je pense notamment aux experts-comptables, dont la rémunération pèse lourdement sur les frais de justice. Je le précise à la demande de M. du Luart.

Dans ces conditions, la dotation des frais de justice en 2011 à hauteur de 459 millions d’euros, dont 30 millions au titre des cotisations sociales des collaborateurs occasionnels du service public et 30 millions au titre de la réforme de la médecine légale, paraît assez bien calibrée – j’essaye de n’être pas trop définitif.

En tout état de cause, un prélèvement sur les autres programmes mettrait le fonctionnement des services en difficulté.

Monsieur du Luart, au bénéfice des précisions que je viens de vous apporter et des efforts du ministère et des juridictions pour mieux gérer ces frais de justice, je vous demande de bien vouloir renoncer à votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de l’éclairage que vous avez bien voulu nous livrer. Je constate d’ailleurs, avec satisfaction, une réelle convergence de vues entre la commission des finances et la Chancellerie quant au diagnostic.

Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF, ni la Chancellerie, ni les magistrats n’ont ménagé leurs efforts pour parvenir à contenir la dépense due aux frais de justice. La commission des finances l’a d’ailleurs souvent souligné à plusieurs reprises.

Toutefois, le rebond de cette dépense appelle de nouvelles solutions, toujours dans le respect du principe d’indépendance des magistrats.

À cet égard, il me semble qu’un des leviers les plus prometteurs de cette action réside désormais dans les services administratifs régionaux, les SAR, placés auprès de chaque cour d’appel. Ceux-ci doivent être mis en capacité d’éclairer, d’une manière toujours plus professionnelle, la décision du magistrat prescripteur d’une expertise.

Cette aide à la décision représente assurément un enjeu majeur pour l’institution judiciaire dans les mois et années à venir. Elle recèle des sources d’économies potentielles importantes. Le juge ne doit pas être laissé seul face à la décision. Il ne doit plus être, en quelque sorte, abandonné. Il doit au contraire pouvoir s’appuyer sur un travail d’équipe avec les greffiers et les SAR. Il doit pouvoirs compter sur des outils de gestion adaptés et débouchant sur une analyse aussi fine que possible des répercussions de sa décision.

Je vais par conséquent retirer mon amendement, qui est essentiellement un amendement d’appel. Je vous remercie des éclairages que vous nous avez donnés, monsieur le garde des sceaux, mais j’insiste sur la nécessité de donner aux personnels des SAR la formation nécessaire pour relever le défi d’une meilleure maîtrise des frais de justice.

Mme la présidente. L'amendement n° II-6 est retiré.

L'amendement n° II-175, présenté par MM. Yung, Badinter et Anziani, Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage, MM. Lagauche et Bodin, Mme Blondin et MM. Mermaz, Raoul, Raoult, C. Gautier, Rebsamen et Guérini, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaireDont Titre 2

Administration pénitentiaireDont Titre 2

7 600 000

7 600 000

Protection judiciaire de la jeunesseDont Titre 2

Accès au droit et à la justice

6 600 000

6 600 000

Conduite et pilotage de la politique de la justice  Dont Titre 2

1 000 000

1 000 000

TOTAL

7 600 000

7 600 000

7 600 000

7 600 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Le présent amendement tend à rendre gratuit l’accès à la télévision dans les établissements pénitentiaires. Il est inspiré par le dispositif qu’avait conçu notre collègue Robert Badinter en 1985, lorsqu’il était garde des Sceaux.

La mise à disposition de téléviseurs dans les prisons était prévue pour la Coupe du monde de football de 1986. Toutefois, les crédits affectés à cette opération ayant été intégralement utilisés pour les travaux de raccordement des établissements pénitentiaires, a finalement été instauré un système de location de téléviseurs, mais celui-ci avait vocation à n’être que transitoire.

Les associations socioculturelles et sportives qui gèrent les deux tiers du parc de téléviseurs mettent des postes à la disposition des détenus sans ressources, mais les autres détenus doivent verser un prix de location qui varie entre 5 et 40 euros.

De nombreux détenus voient leur pouvoir d’achat diminuer, ce qui a pour effet d’augmenter le poids du poste « location de téléviseur » dans leur budget. Bien souvent, compte tenu des tarifs de location que je viens d’indiquer, il est plus avantageux pour un détenu d’acheter un poste plutôt que de le louer.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Cela dépend du temps passé en prison.

M. Richard Yung. Votre prédécesseur, monsieur le ministre, a proposé de fixer « un tarif unique, uniforme, harmonisé et raisonnable », qui s’élèverait à 8 euros par poste. Cela correspondrait, semble-t-il, au prix coûtant. Cette proposition ne me convainc guère, car elle laisse en suspens la question du financement des abonnements à Canal Plus. De surcroît, elle ne tient pas compte de la situation particulière dans laquelle se trouvent les personnes détenues.

Je considère que ce système de location est « honteux » pour la République car, depuis vingt-cinq ans, il pénalise les détenus dont les revenus sont limités.

Il n’est pas acceptable que la location des téléviseurs s’effectue principalement par le truchement d’associations socioculturelles et sportives qui financent ainsi d’autres activités. Certaines d’entre elles dégagent d’ailleurs des marges bénéficiaires importantes, dont l’emploi est singulièrement opaque… Je vous renvoie, à ce sujet, au rapport de la Cour des comptes.

D’aucuns font un parallèle avec les hôpitaux et arguent du fait que les personnes hospitalisées doivent louer leur téléviseur. Mais cet argument n’est guère recevable : prisons et hôpitaux ne sont pas comparables. Les hôpitaux ne sont pas, Dieu merci, des lieux de privation de liberté et de nombreuses mutuelles remboursent les frais de location d’un téléviseur. En outre, dans ces lieux d’extrême tension que sont les prisons, la télévision a, de l’avis des personnels pénitentiaires, des vertus apaisantes.

Au fond, ce que nous souhaitons, c’est maintenir le lien social pour le détenu, lui permettre de rester en contact avec la société, ce qui facilite aussi les échanges avec sa famille. Je ne me prononce évidemment pas sur le contenu des programmes télévisuels, terrain peu propice au consensus… (Sourires.)

Nous proposons donc, d’une part, de minorer de 6,6 millions d’euros les crédits alloués à l’action n °1, « Aide juridictionnelle », d’autre part, de réduire de 1 million d’euros la dotation réservée à la communication du ministère de la justice, laquelle a beaucoup augmenté ces dernières années.

Grâce à ces coupes, on dégagerait 7,6 millions d’euros, ce qui correspond à l’estimation que nous avons faite du financement de ce programme de gratuité des téléviseurs en prison.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Cet amendement vise à rendre gratuit l’accès à la télévision dans les établissements pénitentiaires. Le rapport de la Cour des comptes de juillet 2010 met effectivement en lumière les conditions contestables de mise à disposition des téléviseurs dans les établissements pénitentiaires. Dans certains d’entre eux, on pratique des tarifs « prohibitifs », pour reprendre les termes de la Cour des comptes. Les prix de location vont en effet de 6 euros par mois à Mont-de-Marsan à 41 euros par mois à Épinal. Mais il est vrai que, dans les Vosges, rien n’est donné ! (Sourires.)

Le recours à des tarifs élevés permet à certaines associations de financer d’autres activités. Il donne également lieu à la constitution de réserves financières qui ne sont d’ailleurs pas forcément réinvesties dans l’amélioration de la vie carcérale.

Une telle situation semble, en effet, appeler une réponse. Ainsi que l’a souligné le rapport de la Cour des comptes, l’administration pénitentiaire a engagé de premiers efforts pour, d’une part, résorber la différence de prix d’un établissement à l’autre et, d’autre part, régulariser la situation des associations. L’administration pénitentiaire a en outre indiqué qu’elle envisageait de mettre en place en 2011 une procédure nationale de fourniture des téléviseurs pour l’ensemble des établissements en gestion publique.

Le présent amendement va bien au-delà des conclusions de la Cour des comptes puisqu’il demande la gratuité des téléviseurs en prison. Ce principe me paraît pour le moins contestable. J’ajoute que le gage de cette mesure porte sur les crédits de l’aide juridictionnelle, dont le budget est particulièrement contraint, et sur la suppression de tous les crédits de communication du ministère de la justice, ce qui ne me paraît pas réaliste.

C’est la raison pour laquelle, j’émets, au nom de la commission des finances, un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je soutiens la proposition de M. Yung parce que je participe, comme lui, à un collectif qui réclame depuis longtemps la gratuité des téléviseurs dans les prisons. J’avais d’ailleurs, monsieur le ministre, écrit en ce sens à celles qui vous ont précédé à la Chancellerie, mais la seule réponse qui a été faite à cette demande a consisté à tenter de faire baisser les tarifs de location les plus élevés.

Il faudrait, me semble-t-il, se départir de cette vision finalement un peu moralisatrice qui peut se résumer dans la formule : « On ne va pas, en plus, leur payer la télévision ! »

D’abord, il faut prendre en considération les critiques de la Cour des comptes, auxquelles, pour l’instant, on n’a pas donné suite. Surtout, il faut se préoccuper de ce qu’est vraiment la détention, et nous sommes un certain nombre, dans l’opposition mais aussi dans la majorité, à nous retrouver pour affirmer que tout homme a droit à un minimum de dignité.

Bien sûr, ce point de vue n’est pas forcément partagé par le commun des mortels, mais nous sommes au moins quelques-uns à défendre cette idée au Parlement, ne serait-ce que par humanité !

Face à cela, dire que, si les détenus n’ont pas de quoi se louer un téléviseur, tant pis pour eux, c’est à la fois grossier et indigne du Parlement !

J’ai toujours quelque scrupule à voter la suppression de certains crédits, notamment quand il s’agit de l’aide juridictionnelle. Je suis, en revanche, très à l’aise pour demander la suppression des crédits de communication du ministère de la justice, qui ont augmenté de façon exorbitante et sans grande justification. On ignore, du reste, l’usage qui en a été fait ! J’invite donc chacun à voter l’amendement de M. Yung.

Le ministre pourrait, à tout le moins, s’engager sur une utilisation de crédits de modernisation de nos établissements pénitentiaires qui permettrait de mettre gratuitement des téléviseurs à la disposition des détenus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Mme Virginie Klès. Je soutiens l’amendement de mon collègue Richard Yung, car il me semble que la télévision a, dans certaines situations et notamment en prison, un rôle social extrêmement important. J’en veux pour preuve toutes les mesures d’exonération de redevance de télévision. Ce sont certes des personnes libres qui en bénéficient, mais un détenu reste un citoyen.

L’argument opposé par la commission des finances, qui invoque le caractère contraint des crédits de l’aide juridictionnelle, me gêne d’autant plus que cette aide est censée garantir l’accès de tous à la justice, en particulier des plus vulnérables. Or, chaque fois qu’il est question des plus vulnérables, on nous répond : « Malheureusement, c’est bien dommage, mais il n’y a pas assez d’argent ! »

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.

M. Jacques Gautier. Je comprends tout à fait la nécessité de faire en sorte que les détenus puissent regarder la télévision. Je crois en effet que c’est un moyen pour un détenu de maintenir ou de retrouver des liens avec l’extérieur, de s’ouvrir sur le monde.

Cela étant, n’importe lequel d’entre nous paie une redevance lorsqu’il possède un téléviseur et je ne vois pas comment on pourrait exonérer les détenus de payer le prix d’une location.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Sauf si ce sont des indigents.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. En prison, il y a aussi des caïds…

M. Charles Gautier. Payer 6 ou 8 euros par mois, cela me paraît tout à fait raisonnable.

C’est la raison pour laquelle je voterai contre cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-175.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

M. Alain Anziani. Madame la présidente, j’aurais souhaité expliquer mon vote.

Mme la présidente. Je suis désolée, mon cher collègue, mais vous n’êtes pas inscrit.

Je mets aux voix les crédits de cette mission, modifiés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC-SPG vote contre.

(Ces crédits sont adoptés).

Mme la présidente. J’appelle en discussion les articles 75 et 75 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Justice ».

Justice

Article 48 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 75 bis

Article 75

À la première phrase du premier alinéa du II de l’article 30 de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « septième ».

Mme la présidente. L'amendement n° II-164, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Alfonsi, Collin, Baylet, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement de suppression est, pour tout dire, un amendement de protestation.

En effet, est-il bien raisonnable, par cet article 75 du projet de loi de finances, de réduire quasiment à néant la réforme réalisée par la loi du 5 mars 2007 et tendant à mettre en place des pôles de l’instruction ?

Sur la forme, le procédé est tout à fait regrettable, pour ne pas dire détestable. C’est un véritable cavalier ! Les juges d’instruction, les magistrats et, en fin de compte, les citoyens peuvent à bon droit considérer que cette méthode est tout à fait inadmissible.

Faisant suite à l’affaire d’Outreau, la loi du 5 mars 2007 a fait l’objet d’un vote unanime. Elle n’a été mise en application que de manière partielle puisque les pôles d’instruction ont été créés mais qu’il reste aujourd’hui, dans de nombreux départements, des juges d’instruction dessaisis des affaires les plus graves.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hélas !

M. Jacques Mézard. Cet article 75 fait plus que renvoyer l’application de cette loi aux calendes grecques : il la détruit !

J’avais déposé, sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, avec l’aval de la commission des lois, un amendement visant à prolonger d’un an le délai d’entrée en vigueur des pôles de l’instruction : il s’agissait d’éviter le chaos. Le cheminement du texte a fait qu’il ne nous est pas revenu ; ni la commission ni nous n’y sommes pour rien ! Je rappelle que la prolongation d’un an découlait aussi d’un amendement déposé par le Gouvernement le dernier jour de la discussion de la loi de simplification du droit du 14 janvier 2008.

En tout cas, il est démontré qu’aucune anticipation n’a été réalisée.

Ce ne sont pas des procédés acceptables quand il s’agit de traiter un dossier aussi lourd, aussi important que celui de l’instruction. Une telle méthode ne devrait plus être tolérée.

Cela signifie que, en attendant la réforme du code de procédure pénale et la suppression annoncée du juge d’instruction, nous sommes aujourd’hui, monsieur le ministre, dans une situation tout à fait bâtarde, qui n’est satisfaisante pour personne ! Utiliser la loi de finances pour faire ce type de prorogation ne me paraît absolument pas sage. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Les auteurs de l’amendement arguent du fait que cette mesure serait un cavalier budgétaire et n’aurait pas sa place dans le projet de loi de finances. La commission des finances ne souscrit pas du tout à cette analyse. Au surplus, cet amendement est contraire à la position de la commission des finances telle qu’elle ressort de son amendement n° II-5. L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Contrairement à ce que M. Mézard nous a dit, le report de la mise en œuvre de la collégialité de l’instruction de 2001 à 2014 ne peut pas être considéré comme un cavalier budgétaire.

Cette mesure a en effet un rapport direct avec la loi de finances pour 2011. Le Gouvernement a effectué une évaluation préalable et, en septembre dernier, le Conseil d’État a considéré que l’article avait sa place en loi de finances.

Par ailleurs, le report de la mise en œuvre de la collégialité du juge d’instruction de 2011 à 2014 répond à un souhait de M. Mézard puisque celui-ci nous a expliqué que nous agissions toujours dans la précipitation. Eh bien là, nous vous proposons de prendre un peu de recul dès lors qu’un certain nombre de mesures de réforme de la procédure pénale sont en cours.

Parce que ce n’est pas un cavalier, parce qu’il faut faire les choses le plus tôt possible tout en se donnant le temps de regarder l’effet des réformes, je vous demande, monsieur Mézard, de retirer cet amendement. Si vous ne le faisiez pas, ce qui nous chagrinerait tous, je serais contraint d’émettre, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Mézard, l’amendement n° II-164 est-il maintenu ?

M. Jacques Mézard. Quitte à chagriner M. le ministre, je le maintiens, madame la présidente. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Je voudrais m’associer à l’excellent amendement exposé par M. .Mézard et en profiter pour souligner qu’il y a décidément quelque chose qui ne va pas dans notre procédure pénale ! Peut-être ne s’en aperçoit-on que de notre côté de l’hémicycle. Peut-être, sur le banc du Gouvernement, tout cela est-il ignoré. Mais ce que le Gouvernement ne peut pas ignorer, c’est que l’année qui s’achève a été marquée par trois séries de décisions calamiteuses pour notre procédure pénale.

D’abord, le Conseil constitutionnel a censuré un certain nombre de dispositions concernant la garde à vue.

Ensuite, trois arrêts de la Cour de cassation sont allés dans le même sens.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Justement !

M. Alain Anziani. Enfin, je veux mentionner deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme – le premier, l’arrêt Medvedyev, a été rendu il y a quelques mois, le second, l’arrêt Moulin, a été rendu le 23 novembre.

D’ailleurs, monsieur le ministre, je ne partage pas du tout l’analyse juridique dont vous venez de nous faire part : les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ne remettent pas en cause le juge d’instruction. Ce que dit notamment l’arrêt Moulin, c’est que le parquet doit présenter des garanties d’indépendance. Il ne dit pas qu’il faut supprimer le procureur de la République, il remet en cause le statut actuel du parquet.

Cette position de la Cour européenne des droits de l’homme est bien connue et nous vous la rappelons depuis des années. Or vous faites preuve sur ce sujet, comme en matière de garde à vue, d’une totale surdité, que ne peut faire disparaître qu’une décision du Conseil constitutionnel, laquelle vous oblige ensuite, monsieur le garde des sceaux, à travailler dans la précipitation ; c’est ainsi qu’il vous faut modifier le dispositif de la garde à vue avant le 1er juillet...

De même, en ce qui concerne le juge d’instruction, nous avons tout de même vécu une année un peu particulière. Comment peut-on avoir le toupet de demander la suppression du juge d’instruction au moment où il est plus nécessaire que jamais ? Avez-vous oublié l’affaire Bettencourt ?

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. C’est hors sujet !

M. Alain Anziani. On a pu voir le procureur général près la Cour de cassation, deuxième personnage judiciaire de l’État, recommander, dans un courrier adressé au procureur général de Versailles, le dépaysement du dossier et la désignation d’un juge d’instruction, alors même que le procureur de Nanterre voulait le garder par-devers lui. Et il a néanmoins fallu attendre des mois pour qu’un juge d’instruction soit désigné !

Oui, nous avons besoin de juges d’instruction. Non, la Cour européenne des droits de l’homme ne remet pas en cause cette nécessité.

Cette année a été aussi celle des « annonces ».

Vous avez dit, monsieur le garde des sceaux, qu’il ne fallait pas prendre des décisions précipitées. Mais voyez celles que l’on nous promet : il faut flanquer les juges de l’application des peines de jurés populaires, il faut introduire des jurys populaires au sein des tribunaux correctionnels…

Tout cela a un coût et l’on ne sait évidemment pas comment on va le financer ! On ne parvient déjà pas à assumer le reste, y compris les frais de justice ! L’amendement présenté par M. du Luart en est la démonstration. Alors même que l’on ne réussit pas à payer le minimum, on s’apprête à nous proposer de nouvelles sources de dépenses !

L’amendement de M. Mézard pose une question de fond : alors que le Parlement a adopté le principe des pôles de l’instruction, cette disposition est restée lettre morte. Comment, dans ces conditions, ne pas considérer que les lois que nous votons ne servent pas à grand-chose ?

S’agissant de la loi pénitentiaire, trois décrets seulement ont été publiés au mois d’octobre, et seules les décisions judiciaires permettent d’imposer une amélioration de la situation pénitentiaire.

La création des pôles de l’instruction était une bonne mesure. On ne peut pas y renoncer ainsi, au détour d’un débat budgétaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage totalement le point de vue de M. Anziani.

C’est évident, toutes les affaires sérieuses impliquent le maintien d’une instruction indépendante.

D’aucuns n’ont pas manqué d’adresser des critiques de toutes sortes à l’encontre du juge d’instruction ; l’une, fondée sur la solitude de ce magistrat, était justifiée. Pour la lever, le Parlement a d’ores et déjà voté la collégialité de l’instruction. Malheureusement, les gouvernements qui se sont succédé n’ont pas souhaité la mettre en œuvre. Cela pose tout de même un gros problème !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les pôles, ce n’est pas la collégialité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous venez de prendre vos nouvelles fonctions, monsieur le garde des sceaux, et vous nous dites que vous avez l’intention de prendre le temps de la réflexion. Mais la réflexion sur la modification de l’instruction est déjà en cours depuis très longtemps ! Et il faut aussi répondre aux injonctions de la Cour européenne des droits de l’homme.

Il serait bon d’intégrer à cette réflexion la mise en œuvre de la collégialité de l’instruction. Sans doute pourrions-nous dire, au terme d’une véritable expérimentation, si nous sommes capables de mettre en œuvre une procédure d’instruction indépendante.

La collégialité m’apparaît vraiment comme une nécessité. Or vous nous demandez, encore une fois, de la reporter aux calendes grecques !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-164.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-5, présenté par M. du Luart, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Remplacer le mot :

septième

par le mot :

sixième

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Compte tenu des explications que M. le garde des sceaux a bien voulu donner sur l’amendement précédent, je le retire, avec l’accord de la commission des finances.

Mme la présidente. L’amendement n° II-5 est retiré.

Je mets aux voix l’article 75.

(L’article 75 est adopté.)

Article 75
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Immigration, asile et intégration

Article 75 bis

I. – Il est créé une réserve judiciaire composée de magistrats volontaires à la retraite et âgés de 75 ans au plus.

Ils peuvent être délégués par le premier président et le procureur général près la Cour de cassation, en fonction des besoins, pour effectuer des activités non juridictionnelles à la Cour de cassation.

Ils peuvent être délégués par les premiers présidents et les procureurs généraux près les cours d’appel dans les juridictions de leur ressort, en fonction des besoins, pour l’accomplissement d’activités non juridictionnelles.

Ils peuvent être délégués par les présidents des tribunaux supérieurs d’appel et les procureurs généraux près lesdits tribunaux supérieurs d’appel dans les juridictions de leur ressort, en fonction des besoins, pour l’accomplissement d’activités non juridictionnelles.

Les réservistes sont tenus au secret professionnel sous les peines prévues à l’article 226-13 du code pénal.

Les activités accomplies au titre de la réserve sont indemnisées.

II. – Il est créé une réserve judiciaire composée de volontaires à la retraite et âgés de 75 ans au plus, issus des corps de greffiers en chef et de greffiers des services judiciaires.

Ils peuvent être délégués par le premier président et le procureur général près la Cour de cassation, en fonction des besoins, afin d’assurer des missions d’assistance, de formation des personnels et d’études pour l’accomplissement d’activités non juridictionnelles à la Cour de cassation.

Ils peuvent être délégués par les premiers présidents et les procureurs généraux près les cours d’appel dans les juridictions de leur ressort, en fonction des besoins, afin d’assurer des missions d’assistance, de formation des personnels et d’études pour l’accomplissement d’activités non juridictionnelles.

Ils peuvent être délégués par les présidents des tribunaux supérieurs d’appel et les procureurs généraux près lesdits tribunaux supérieurs d’appel dans les juridictions de leur ressort, en fonction des besoins, afin d’assurer des missions d’assistance, de formation des personnels et d’études pour l’accomplissement d’activités non juridictionnelles.

Les réservistes sont soumis aux dispositions générales de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ainsi qu’aux dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite, notamment celles relatives au cumul de pensions avec des rémunérations d’activités ou autres pensions.

Les activités accomplies au titre de la réserve sont indemnisées.

III. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.

Mme la présidente. L’amendement n° II-165, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Alfonsi, Collin, Baylet, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° II-165 est retiré.

Je mets aux voix l’article 75 bis.

(L’article 75 bis est adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Justice ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures cinquante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2011.

Immigration, asile et intégration

Article 75 bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 48 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (et article 74).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est dans un contexte différent de celui des années précédentes que nous examinons aujourd’hui le budget de la mission « Immigration, asile et intégration ». En effet, le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire a disparu ce mois-ci.

Mme Nathalie Goulet. C’est très bien !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Cette disparition ne supprime pas l’utile débat parlementaire relatif aux crédits de la présente mission.

Par ailleurs, nous avons la chance d’avoir un ministre qui connaît très bien les sujets dont nous débattrons cet après-midi.

Il me semble souhaitable, malgré tout, que la mission « Immigration, asile et intégration » figure toujours dans les prochains projets de loi de finances et qu’elle puisse faire l’objet d’un débat individualisé.

Effectivement, la politique d’immigration est une politique spécifique ; elle se situe au confluent de préoccupations sociales d’intégration des populations étrangères, d’enjeux sécuritaires de lutte contre l’immigration clandestine et des relations internationales que nous entretenons non seulement avec nos partenaires européens, mais aussi avec d’autres pays, auxquels nous lient des accords ou simplement dont un certain nombre de ressortissants souhaitent émigrer en France.

C’est ce qui explique que, au total, seize programmes répartis dans treize missions entre dix périmètres ministériels contribuent à la politique transversale consacrée à l’immigration et à l’intégration des étrangers en France. Celle-ci représentera, en 2011, 4,25 milliards d’euros en crédits de paiement, dont 562 millions d’euros, soit 13,7 % des crédits, sont affectés à la mission « Immigration, asile et intégration ».

Les principales missions contributrices sont les missions à caractère culturel ou social du budget de l’État. Ainsi, en particulier, les dépenses liées à l’enseignement dispensé aux élèves étrangers s’élèveront à plus de 2 milliards d’euros en 2011, soit plus de 48 % des crédits de la politique transversale, tandis que les crédits consacrés à la santé s’établiront à environ 600 millions d'euros, soit un montant égal à celui qui est attribué à la mission que nous examinons.

Le caractère interministériel de la politique d’immigration a un impact budgétaire sur cette mission. Ainsi, par exemple, nous avons pu constater, lors du contrôle que j’ai mené cette année avec Jean-Claude Frécon sur la Cour nationale du droit d’asile – la CNDA –, que les délais de jugement des demandes d’asile avaient de très fortes conséquences sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » puisqu’il faut financer l’hébergement et les aides aux demandeurs d’asile en attente d’une décision. Or la CNDA fait partie non pas de cette mission, mais de la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Cet exemple illustre bien le caractère interministériel de la politique d’immigration et d’intégration.

J’en viens au budget pour 2011. Les crédits demandés sont relativement stables par rapport à 2010 : 564 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une diminution de 0,2 %, et 562 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 0,7 %.

Cette stabilisation sera suivie d’une légère contraction sur la période 2011-2013, selon la programmation triennale de la loi de programmation des finances publiques. Les autorisations d’engagement devraient baisser de 3,6 % et les crédits de paiement de 1,8 %.

Il n’est pas aisé, pour le moment, d’identifier les actions de la mission qui devront subir ces baisses de crédits. Deux pistes sont envisageables.

D’une part, les crédits consacrés à la construction et à l’entretien des centres de rétention administrative – les CRA –, après avoir connu une montée en puissance ces dernières années pour financer de nombreuses nouvelles constructions, devraient progressivement pouvoir être réduits.

D’autre part, aux termes de l’audit lancé par le ministère sur la gestion des centres d’accueil des demandeurs d’asile – les CADA –, les coûts de ces structures, aujourd’hui très variées, peu contrôlées, peuvent probablement être réduits à moyen terme.

Comme vous le savez, mes chers collègues, la mission est composée de deux programmes.

Le programme Immigration et asile est budgétairement le plus important puisqu’il représente plus de 86 % des crédits de la mission. Il regroupe principalement les crédits destinés à l’accueil des demandeurs d’asile et à l’instruction de leurs demandes. Ces crédits sont, comme chaque année, sous-évalués. En effet, ils sont en diminution par rapport à ceux qui étaient disponibles en 2010, alors même que le rythme d’augmentation de la demande d’asile est élevé – de 8,5 % sur les neuf premiers mois de cette année – et que, comme nous l’avons constaté lors de notre contrôle de la CNDA, les délais de traitement des dossiers des demandeurs d’asile ne peuvent être réduits à court terme.

Ainsi, il est probable qu’un nouveau décret d’avance sera nécessaire l’an prochain pour faire face aux dépenses, tout comme en 2010, en 2009 et en 2008, années au cours desquelles des décrets de cette nature ont prévu respectivement 60 millions d’euros, 70 millions d’euros et 36 millions d’euros supplémentaires.

Je relève, par ailleurs, que le projet de loi de finances rectificative, qui va dans les tout prochains jours être discuté par le Parlement, prévoit de nouveau des ouvertures de crédits pour financer les dépenses liées à la demande d’asile : 47 millions d’euros en autorisations d’engagement et 55 millions d’euros en crédits de paiement.

Au total, les crédits ouverts en 2010 en cours de gestion représenteront donc le quart des crédits ouverts en loi de finances initiale pour l’ensemble de la mission.

Dans ces conditions, se prononcer sur les dotations de la mission prévues par le projet de loi de finances pour 2011 soulève des interrogations. On peut penser que ces crédits ne reflètent pas l’effort financier exact qui sera réellement déployé en 2011 au titre de la mission, notamment en faveur de l’accueil et de l’hébergement des demandeurs d’asile.

C’est pourquoi je vous proposerai d’adopter un amendement qui fait un pas vers davantage de sincérité pour le budget de la mission. Il tend à majorer de 12,85 millions d’euros les crédits destinés à l’allocation temporaire d’attente, l’ATA, et à l’hébergement d’urgence, ce qui, malheureusement, ne devrait même pas suffire à couvrir les dépenses de la mission en 2011.

Deux autres éléments intéressants concernent ce programme.

D’une part, 9 millions d’euros sont prévus pour financer le centre de rétention administrative de Mayotte, dont les travaux doivent enfin démarrer en 2011, d’après les informations que j’ai recueillies ; je pense que M. le ministre pourra nous le confirmer.

D’autre part, les effectifs de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, qui traite en première instance les demandes d’asile, seront renforcés pour faire face à l’augmentation de la demande d’asile, ce qui est très satisfaisant. Nous avons en effet constaté, lors de notre contrôle de la CNDA, qu’il était préférable pour les finances publiques de renforcer ces effectifs plutôt que de voir croître le nombre de demandeurs d’asile en attente d’une décision.

Je constate également qu’en 2011, et par dérogation à la règle générale de gel des emplois publics et de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, le Gouvernement a décidé de poursuivre le mouvement de création de postes concernant la CNDA, qui figure dans la mission.

Au total, la programmation triennale prévoit dix emplois supplémentaires de magistrats et dix nouveaux emplois d’agents en 2011, vingt emplois nouveaux d’agents en 2012 et dix emplois nouveaux d’agents en 2013. Cela devrait permettre de limiter les délais d’attente des demandeurs d’asile et les coûts induits sur la mission « Immigration, asile et intégration ».

Le second programme de la mission, Intégration et accès à la nationalité française, est, budgétairement, de moindre importance puisqu’il représente seulement 73 millions d’euros. Ses crédits diminuent de 8 % par rapport à 2010, ce qui correspond essentiellement à une baisse des subventions accordées par le ministère pour mener des actions d’intégration des populations étrangères.

Ce programme comporte également la subvention de 14,4 millions d’euros versée à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII. Cet office est le principal opérateur de la mission et prend en charge l’accueil et l’intégration des étrangers primo-arrivants.

Le maintien de cette subvention à son niveau actuel est nécessaire du fait des besoins croissants de l’opérateur, résultant de la montée en puissance des actions d’insertion qu’il mène.

Outre cette subvention, l’OFII est majoritairement financé par des taxes affectées, qui représentent 71 % de ses ressources, soit près de 100 millions d’euros.

Cela m’amène au dernier point de mon intervention : l’article 74 du projet de loi de finances. Cet article modifie le tarif d’une grande partie de ces taxes, qui portent sur la délivrance des documents administratifs aux étrangers.

D’une part, les modifications proposées doivent permettre d’accroître les ressources de l’OFII de 10,5 millions d’euros en 2011. Ces ressources nouvelles se justifient pleinement par la montée en puissance des actions menées par l’Office : contrats d’accueil et d’intégration, bilans de compétences professionnelles, obligatoires depuis 2008, et préparation à l’intégration des migrants dès le pays d’origine. La principale ressource nouvelle proviendra de la création d’un droit de 220 euros pour la délivrance de visas de régularisation aux étrangers en situation irrégulière.

D’autre part, l’article 74 opère des ajustements à la hausse et à la baisse de certaines taxes, qui sont, me semble-t-il, bienvenus : diminution des taxes acquittées par les employeurs de travailleurs étrangers, modulation des taxes sur les renouvellements de titres de séjour en fonction de la durée du séjour, diminution de la taxe sur les attestations d’accueil.

De manière générale, le dispositif proposé par l’article 74 me paraît tout à fait satisfaisant.

En conclusion, mes chers collègues, la commission des finances vous proposera d’adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », modifiés par l’amendement que j’ai évoqué et que je vous présenterai, ainsi que par l’article 74 rattaché. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Trillard, rapporteur pour avis.

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous savez tous que la mission « Immigration, asile et intégration » a été créée en 2007 et qu’elle est composée de deux programmes : le programme 303 porte sur l’immigration et l’asile et le programme 104 sur l’intégration et l’accès à la nationalité française.

Depuis cette création, notre commission se saisit pour avis du programme 303, plus particulièrement de l’action n° 2, qui a trait à la garantie de l’exercice du droit d’asile. Le but de cet avis est de continuer à examiner les conditions de fonctionnement de l’OFPRA et de la Cour nationale du droit d’asile, qui a été rattachée, le 1er janvier 2009, au Conseil d’État et dont les crédits sont donc inscrits au sein de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».

Je vous renvoie à mon rapport écrit pour l’analyse détaillée des crédits et des personnels affectés à ces organismes et je m’en tiendrai ici à quelques points critiques.

Au sujet de l’OFPRA, j’avais évoqué l’an dernier l’analyse du ministre Éric Besson concernant une explosion de la demande d’asile. En effet, les demandes ont augmenté de 23 % en 2009, et déjà de 10 % au premier semestre 2010, laissant augurer une croissance analogue à celle de l’année précédente.

En 2009, ce sont 48 000 demandes d’asile qui ont été formulées, en additionnant les premières demandes et les réexamens. L’augmentation d’activité de l’OFPRA s’est élevée, cette même année, à 11 %, à effectifs constants. Mais la forte progression des demandes a conduit à une croissance des dossiers en stock.

Le nombre de demandes en instance s’élevait donc à 20 500 au 30 juin 2010, ce qui conduit mécaniquement à l’allongement des délais d’examen des dossiers, estimé à quatre mois en 2010, alors qu’il était de trois mois – cent jours exactement – en 2008.

Pour faire face à cette situation, le projet de budget pour 2011 prévoit d’engager un renfort de trente officiers de protection contractuels pour dix-huit mois, portant le plafond global d’emploi de l’OFPRA à 442 équivalents temps plein, dont 164 titulaires et 113 contractuels de cadre A. Il serait souhaitable que ce renfort soit pérennisé si la demande se maintient à un taux élevé.

Si la France reste en Europe le premier pays destinataire de demandeurs d’asile, les demandes adressées à d’autres pays augmentent : de 18 % en Allemagne, de 24 % en Autriche et de 40 % en Belgique.

Les chiffres de l’ONU indiquent qu’au niveau mondial la France arrive, en 2009, derrière les États-Unis, qui reçoivent 50 000 demandes, mais bien avant le Canada, qui en reçoit 34 000.

Toutefois, en 2009, c’est d’Europe que sont issus le plus grand nombre de demandeurs d’asile, avec 19 000 demandes, alors qu’en 2008 c’était l’Afrique qui venait en tête, avec 17 400 demandes. Cette tendance se poursuit au premier semestre 2010, avec 9 400 demandes en provenance d’Europe, l’Afrique restant le deuxième continent d’origine des demandeurs, avec 8 400 demandes.

La forte augmentation de demandeurs originaires du Kosovo, au nombre de 3 050 – soit une progression de 70 % par rapport à 2008 –, explique cette évolution, qui a persisté au premier semestre 2010. Les demandes formulées par les citoyens russes ont, elles, augmenté de 50 % au premier semestre 2010. Deux autres pays fournissent une demande en très sensible progression : le Bangladesh, avec une augmentation de 80 %, et la République démocratique du Congo, avec 30 % de demandes supplémentaires.

Pour faire face à l’augmentation des demandes d’asile adressées à la France, mais également, nous l’avons vu, à la plupart des pays de l’Union européenne, la priorité en matière d’immigration pour 2011 est de mieux harmoniser les politiques de l’asile aux plans européen et international, notamment par la négociation d’un régime d’asile européen espéré pour 2012. C’est, en effet, dans une coordination de ce type, dont nous ne sous-estimons pas les difficultés, que réside un renforcement de l’efficacité du traitement de la demande d’asile, dont les premiers bénéficiaires sont les demandeurs eux-mêmes, qui ont intérêt à voir leur dossier traité avec justice et diligence.

J’en viens maintenant à la CNDA, dont le rattachement à la mission « Conseil et contrôle de l’État » se justifie par le caractère juridictionnel du rôle qu’elle exerce. De surcroît, le Conseil d’État, relevant de la même mission, est son instance de cassation.

Je constate avec satisfaction une évolution vers une plus grande professionnalisation du corps de ses magistrats, qui conduira, je n’en doute pas, à une impartialité accrue de la Cour, corollaire indispensable de son statut de juridiction.

C’est ainsi que dix magistrats à plein-temps, issus du Conseil d’État, ont été affectés à la CNDA à compter du 1er septembre 2009. Ils ont présidé chaque mois, depuis cette date, une moyenne de soixante-huit audiences, les présidents vacataires restant majoritaires, avec une moyenne de 125 audiences présidées chaque mois.

Je vous rappelle que les décisions prises par les formations de jugement ont une grande importance puisque les décisions de la Cour peuvent casser un avis négatif donné par l’OFPRA sur une demande d’asile et accorder, ipso facto, le statut de réfugié au demandeur initialement débouté.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande, mes chers collègues, l’adoption des crédits pour 2011 de la mission « Immigration, asile et intégration ». (Mme Catherine Troendle applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous pouvons, dans un premier temps, constater une stabilisation du budget de la présente mission, après une forte hausse au cours des années précédentes puisque, entre 2009 et 2010, ses crédits avaient progressé de plus de 10 %.

Cependant, à compter de 2011, cette mission va participer à l’effort général de maîtrise des dépenses publiques. Elle passera donc de 562 millions d’euros en 2011 à 545 millions d’euros en 2013, soit une baisse, légère, de 3,5 %.

Néanmoins, en 2011 le budget reste quasiment stable, eu égard à deux constats : d’une part, le programme Immigration et asile augmente de plus de 2,2 % en crédits de paiement ; d’autre part, le programme Intégration et accès à la nationalité française est en baisse.

Comment expliquer ces évolutions ?

Il n’y a que très peu de marge de manœuvre sur le programme Immigration et asile. En effet, on assiste à une poursuite de la hausse des demandes d’asile. Après une diminution régulière de 2004 à 2007, on a enregistré une augmentation de près de 20 % en 2008, de près de 12 % en 2009 et de plus de 8,3 % durant les huit premiers mois de l’année en cours.

Au total, depuis 2007, l’ensemble des demandes d’asile a augmenté de plus d’un tiers. En 2009, la France a ainsi compté 47 700 demandes d’asile, le plus grand nombre pour un pays européen.

Je rappelle brièvement que, depuis 2006, les principaux pays de provenance restent la Turquie, la Serbie, le Kosovo, la Russie, la République démocratique du Congo et le Sri Lanka. On constate par ailleurs une forte augmentation des demandes en provenance de Chine et d’Haïti, ainsi que du Bangladesh.

Nous devons remplir nos engagements internationaux et continuer à recevoir les demandes d’asile dans les meilleures conditions possibles. En conséquence, il faut sans doute maintenir ou augmenter les dépenses pour les CADA, l’hébergement temporaire et l’allocation temporaire d’attente.

Parallèlement, la subvention à l’OFPRA bénéficie d’une augmentation de 8 % pour le recrutement de trente officiers de protection supplémentaires sur dix-huit mois.

Il faudra compter aussi sur les efforts de la réforme de la CNDA pour tenter de diminuer les délais d’instruction et donc réduire les coûts de la prise en charge de chaque demandeur.

Le programme Intégration et accès à la nationalité offre davantage de marge de manœuvre. Certes, la dotation de l’OFII baisse quelque peu, mais cette baisse est compensée par une revalorisation des taxes qui sont affectées à l’Office.

Les crédits d’intervention pour l’intégration des étrangers en situation régulière sont également stabilisés, malgré une légère baisse.

Ainsi, l’augmentation inévitable des dépenses liées à l’asile se répercute mécaniquement, compte tenu de la nécessité de maîtriser les dépenses publiques, sur les actions en faveur de l’intégration.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler sur ce budget, au nom de la commission des lois.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour ajouter quelques remarques sur les réformes entreprises au cours des deux dernières années.

D’abord, je salue la réforme de la procédure de la naturalisation. L’expérimentation de la déconcentration de cette procédure, qui s’est déroulée du 1er janvier 2010 au 30 juin dernier, a donné, concernant les délais, d’excellents résultats dans les préfectures.

En revanche, le taux de décisions positives, s’il reste globalement stable, a beaucoup baissé dans certaines préfectures. Monsieur le ministre, il faudra examiner cette question et garantir la plus grande uniformité dans le traitement des demandes de naturalisation.

En tout état de cause, la déconcentration est quasiment généralisée depuis le 1er juillet dernier.

Autre réforme importante, qui a porté ses fruits et qui se révèle utile : celle du visa de long séjour.

Mme Nathalie Goulet. Tout à fait.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Cette réforme met un terme à la double instruction par le consulat et la préfecture pour certaines catégories d’étrangers. Il s'agit d’un véritable succès puisque, depuis le 1er janvier 2009, 80 % des visas de long séjour valent titres de séjour.

Enfin, je voudrais faire un point rapide sur la lutte contre l’immigration irrégulière.

Certes, l’action menée contre les filières d’immigration illégale est intense : l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et l’emploi d’étrangers sans titre indique avoir démantelé environ cent cinquante filières en 2009, contre une centaine en 2008 et 2007. Il faut donc continuer dans cette voie.

Toutefois, alors que le nombre des mesures d’éloignement était toujours en hausse depuis 2003, l’objectif retenu pour les années 2011-2013 reste fixé à 28 000. Il convient surtout d’observer le taux d’exécution des mesures d’éloignement, qui a connu une amélioration récente : alors que 112 000 mesures avaient été prononcées en 2007, dont 24 000 furent exécutées, 95 000 mesures ont été prononcées et 29 000 exécutées en 2009.

Il reste que ce taux reste faible – autour de 20 % –, et cela pour des raisons bien connues : le refus de la prolongation de la détention par le juge des libertés et de la détention et la faiblesse des taux de délivrance des laissez-passer consulaires. Nous aurons l'occasion d’évoquer tous ces sujets lors de l’examen du projet de loi sur l’immigration.

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces remarques, la commission des lois a émis un avis favorable quant à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2011. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits budgétaires pour l’année 2011 de la mission « Immigration, asile et intégration » s’inscrit dans un contexte politique et législatif singulier. Ce dernier donnera à notre débat, je l'espère, une tonalité moins convenue que celle qui caractérise parfois l’examen des missions budgétaires.

La suppression du ministère de l’immigration, ajoutée à l’abandon de l’intitulé « identité nationale », pourrait être annonciatrice d’une évolution dans la façon dont le Gouvernement appréhende les questions liées aux migrations et à l’intégration.

Toutefois, sans préjuger de nos débats sur le projet de loi à venir, le Gouvernement semble vouloir poursuivre la même politique, une politique que, pour ma part, je juge stigmatisante, déséquilibrée et contraire à notre tradition en matière de droits de l’homme.

Les résultats, en termes de facilitation de la circulation ou d’intégration, demeurent peu perceptibles.

J’évoquais à l’instant le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. L’examen des crédits de cette mission ne pourra s’affranchir de ce contexte législatif.

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » s’élèvent à 563,8 millions d’euros en crédits de paiement – en baisse de 0,2 % – et à 561,5 millions d'euros en autorisations d’engagement – en augmentation de 0,7 %.

Cette quasi-stabilité des crédits doit, en raison du caractère transversal de la politique d’immigration, être mise en regard des évolutions que connaissent d’autres missions intervenant en cette matière.

Ainsi, les missions « Culture », «Travail et emploi » et « Aide publique au développement » voient leurs crédits nettement reculer, respectivement de 11,7 %, 14,5 % et 15,4 %.

En outre, la quasi-stabilité des crédits de la mission masque d’importantes disparités au sein de cette dernière. Certaines actions, parmi les plus vitales, connaissent des baisses marquées. C’est sur elles que je centrerai mon propos.

J’évoquerai tout d’abord l’asile.

Le soutien aux demandeurs d’asile rassemble à lui seul plus de la moitié – 58,4 % – des crédits de la mission. Ce pourcentage traduit la tradition séculaire d’accueil et de protection de la France pour les femmes et les hommes qui sont menacés dans leur pays du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur combat pour la démocratie et les libertés. Le Gouvernement revendique souvent cette tradition d’accueil de la France, qui reste la première terre d’asile en Europe.

Comment, dès lors, expliquer ce sentiment profond que l’on éprouve d’une image aujourd’hui écornée de la politique française de l’asile ?

Récemment, la France a accueilli 36 Irakiens blessés dans l’attaque de la cathédrale syriaque de Bagdad. La minorité chrétienne d’Irak est la cible de nombreuses persécutions. La décision de notre pays d’accueillir ces réfugiés était une réponse nécessaire, une exigence morale.

Toutefois, peut-on ignorer que l’humanité montrée aujourd’hui succède à l’intransigeance manifestée hier ? Le refus du gouvernement français de mettre en œuvre, au bénéfice des réfugiés afghans, le dispositif de protection temporaire, ajouté à l’expulsion par charters de nombre de ces derniers, en dépit des menaces qui pouvaient peser sur eux, crée, chez beaucoup d’entre nous, le sentiment d’une compassion à deux vitesses.

Que ce soit le même ministre, M. Éric Besson, qui ait décidé l’une et l’autre mesures nous conforte dans ce sentiment désagréable que la France opère un tri entre les victimes des désordres du monde. Or telle n’est pas la tradition française de l’asile, selon laquelle l’unique souci doit être l’accueil et la protection des réfugiés. La prise en compte des motifs de persécution, de la race, de la religion ou de la nationalité constituerait une rupture avec cette tradition.

Plus préoccupantes encore sont les conditions pratiques d’exercice du droit d’asile, qui se dégradent. Le Gouvernement admet la nécessité d’un effort important, mais il ne parvient pas à sortir de la logique de sous-évaluation des crédits liés à l’accueil et au soutien des demandeurs d’asile.

Je suis bien consciente de la difficulté que représente pour un gouvernement l’adaptation de nos dispositifs à des demandes d’asile dont il est compliqué d’anticiper le nombre. Toutefois, une politique ainsi menée par « à-coups » n’est pas à la hauteur d’un pays qui, comme la France, revendique haut et fort sa tradition d’accueil.

Depuis 1998, des efforts notables ont été réalisés, du fait de la forte croissance de la demande d’asile entre 1997 et 2003. Ainsi, les places dans les CADA ont été multipliées par six depuis 1998. Il n’empêche que le dispositif national d’hébergement se trouve aujourd’hui saturé.

Des places sont ouvertes chaque année, mais elles sont insuffisantes dans un contexte d’augmentation ininterrompue du nombre des demandeurs d’asile. Contraints à une obligation légale de domiciliation, ceux-ci se retrouvent dans l’impossibilité d’entamer leur démarche et se voient, de ce fait, privés de l’exercice effectif de leur droit. Quelles initiatives entendez-vous prendre, monsieur le ministre, pour renforcer le dispositif de domiciliation et, ainsi, garantir l’effectivité du droit d’asile ?

Les délais de traitement des demandes constituent l’autre grand chantier des dispositifs de soutien et d’accueil des réfugiés. La durée d’examen des dossiers par l’OFPRA a connu une très forte inflation ces deux dernières années, du fait du nombre croissant des demandeurs d’asile et d’un déficit de personnels.

Le délai moyen de traitement d’un dossier était de 100 jours en 2008. Il est aujourd’hui de 135 jours. Une dotation de 1,5 million d’euros permettra de recruter trente contractuels pour une période de dix-huit mois. Sans doute ce renforcement des personnels permettra-t-il à l’opérateur de faire cesser l’allongement des durées d’instruction. Néanmoins, suffira-t-il à enclencher une baisse des délais telle que celle que le Gouvernement envisage ? J’en doute !

S’agissant de la politique de l’éloignement, je regrette que l’évaluation de son coût soit encore si difficile. Le travail accompli par M. le rapporteur spécial lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009 avait, de ce point de vue, apporté une intéressante contribution.

Des difficultés persistent, qui sont liées, notamment, à l’évaluation complexe du coût des interpellations et des gardes à vue réalisées dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière. La réunion de ces missions au sein du seul ministère de l’intérieur devrait permettre d’améliorer l’évaluation du coût de l’éloignement forcé.

Il n’en demeure pas moins que les crédits relatifs à la lutte contre l’immigration irrégulière connaissent une baisse de 10,6 % en autorisations d’engagement et de 3,4 % en crédits de paiement.

Monsieur le rapporteur spécial, vous indiquez que cette contraction résulterait de la baisse du coût de la billetterie. Pourtant, si j’en crois les documents budgétaires qui sont à ma disposition, l’évaluation des frais d’éloignement des migrants en situation irrégulière a été opérée sur une prévision stable de retours forcés, pour un coût moyen lui-même constant. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ce point précis ?

J’en viens aux crédits d’investissement consacrés aux centres de rétention administrative. Ceux-ci s’élevaient à 24 millions d’euros en 2010. Pour 2011, ils sont de 15,9 millions d’euros, dont près de 9 millions d’euros seront mobilisés pour le seul centre de Mayotte. En dépit d’un nombre de places à la hausse, les CRA d’Île-de-France font face à un phénomène de saturation que l’augmentation des durées de rétention souhaitée par le Gouvernement viendra encore amplifier. Je plaide là non pas pour l’augmentation du nombre de centres de rétention administrative, mais bien pour une politique plus mesurée de la rétention.

Je souhaite, enfin, aborder la question de l’intégration des migrants.

Globalement, le programme 303 connaît un repli de ses crédits de 8,1 % et l’action Intégration des étrangers en situation régulière une baisse plus importante, de 13,1 %. Il n’est sans doute pas inutile de rappeler ces chiffres à quelques semaines de l’examen d’un projet de loi dont l’exposé des motifs précise que son « premier objet » est de « renforcer l’intégration des immigrés qui entrent et séjournent sur le territoire national ».

Dans ce contexte, la subvention pour charges de service public versée à l’OFII reste stable, mais les projets de lois successifs ont tellement gonflé le nombre des missions qui sont affectées à cet opérateur que je suis plus que sceptique sur sa capacité à les remplir efficacement à budget constant.

Monsieur le ministre, une politique de l’immigration et de l’asile se juge non pas seulement aux moyens budgétaires qui lui sont consacrés, mais aussi, et bien plus sûrement, à la pensée qui l’inspire. Or nous n’approuvons ni la philosophie ni les moyens de votre politique en la matière. Pour les objectifs auxquels nous pouvons souscrire, c'est-à-dire la facilitation de la circulation des migrants et l’amélioration de l’accueil des réfugiés et des migrants réguliers, les moyens de cette mission ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Pour ces raisons, notre groupe votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Thiers écrivait : « Il y a toujours dans les maux publics un mal réel et un mal d’imagination. »

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. Jacques Mézard. L’immigration est vécue dans l’opinion publique comme un mal, nos concitoyens en arrivant à occulter le rôle positif qu’elle a joué dans la construction de notre nation au fil des siècles. Un seul exemple : comment, aujourd’hui, fonctionneraient nos hôpitaux si on les privait soudainement de leurs médecins étrangers ?

Mme Éliane Assassi. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, la République ne doit pas craindre l’immigration, et celle-ci doit respecter la République pour pouvoir s’y intégrer.

La mission « Immigration, asile et intégration » représente 564 millions d’euros, sur un montant total de crédits transversaux de 4,2 milliards d’euros, car cette politique est éclatée entre treize missions.

On peut lire ceci dans le rapport pour avis fait au nom de la commission des lois : « Après la phase de construction du ministère en 2008 et les importants changements de périmètre réalisés en 2009, le périmètre global du ministère et le budget correspondant semblent […] désormais bien définis ». Et, patatras ! le 14 novembre dernier, le ministre était supprimé, ce qui est plutôt positif selon nous (Mme Nathalie Goulet approuve.), car cette décision replace au sein du ministère de l’intérieur une mission qui devrait être de liberté, à côté de celle, traditionnelle, de sécurité.

Nous ne pouvons oublier, à cet instant, que le ministère défunt restera associé au malheureux débat sur l’identité nationale, qui a laissé s’exprimer les pires démons de notre société.

On peut voir, à la page 41 de l’avis de la commission des lois, une parfaite illustration des contradictions de la politique menée. En effet, sous le titre « I. Les conséquences budgétaires d’un nombre de demandeurs d’asile toujours en forte progression », on découvre immédiatement après le sous-titre suivant : « A. Un budget en légère diminution sur la période 2011-2013 ». Au moins dans ce rapport, les choses sont claires !

Face aux besoins évidents, une telle évolution est très regrettable car, s’agissant du programme 104, Intégration et accès à la nationalité française, nous constatons une baisse des crédits considérable : de 8,2 % !

Les crédits destinés à l’accueil des demandeurs d’asile et à l’instruction de leurs demandes sont, comme chaque année, sous-évalués. Ils diminuent par rapport à ceux qui étaient disponibles en 2010, alors même que les demandes d’asile ont augmenté de 8,5 % par rapport aux premiers mois de l’année 2009 et que les délais de jugement de la CNDA ne peuvent être réduits rapidement. Un nouveau décret d’avance sera donc nécessaire.

À cet égard, monsieur le ministre, je vous renvoie au rapport de MM. Détraigne et Sutour portant sur la mission « Justice et accès au droit », qui pointe le renforcement indispensable des moyens de la CNDA.

La baisse de 8 % des crédits du programme Intégration et accès à la nationalité française est le résultat d’une diminution du montant des subventions accordées par le ministère pour mener des actions d’intégration des populations étrangères. De plus, en 2011, l’action relative à l’aide au retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d’origine a été supprimée. De nombreuses difficultés, tant juridiques que matérielles, en ont rendu impossible la mise en place pratique. Lorsqu’on découvre cette décision, on se rend compte encore davantage du danger des communications médiatiques, voire démagogiques, qui ont chanté l’aide au retour...

Le caractère transversal de la politique globale d’immigration et d’intégration ainsi que la grande complexité de son architecture nuisent à la gestion rigoureuse de cette politique et empêchent d’avoir une lecture claire de ses coûts globaux, particulièrement en matière de reconduite à la frontière.

En effet, la Cour des comptes relève qu’il n’existe aucune synthèse du coût global de la rétention et des reconduites à la frontière. Une étude de l’inspection générale de l’administration avait évalué ce dernier à 232 millions d’euros, soit un coût de 12 645 euros par reconduite forcée.

Les crédits prévus dans le présent projet de loi de finances pour l’hébergement d’urgence et l’ATA restent inférieurs à ceux qui ont été ajoutés en gestion en 2010, ce qui démontre que cette politique est une nouvelle fois sous-évaluée de manière significative.

Enfin, le programme 104, Intégration et accès à la nationalité française, voit son action 13, Aide au retour et à la réinsertion, disparaître. Les crédits de cette ancienne action sont englobés au sein de l’action 12, Actions d’intégration des étrangers en situation régulière, et, de fait, ne sont plus identifiables en tant que tels. La sincérité budgétaire aurait pourtant commandé, selon nous, non pas de fondre cette action au sein d’une autre, mais de la supprimer purement et simplement.

Pour le groupe RDSE, la question de l’immigration et de l’intégration est polluée par l’utilisation démagogique qui en est faite, et dont la droite et l’extrême droite n’ont d’ailleurs pas le monopole. Les discours laxistes et excessifs ne sont en effet pas de nature à amener nos concitoyens vers une approche réaliste et humaniste du problème (M. Jean-Louis Carrère applaudit.),…

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jacques Mézard. … car il s’agit de prendre des décisions concernant des êtres humains dont la dignité doit être respectée.

Mme Éliane Assassi. Exactement !

M. Jacques Mézard. Oui, les flux d’immigration doivent être régulés dans l’intérêt même de ceux que l’on accueille. Oui, les hommes et les femmes qui vivent en France doivent accepter les lois de la République.

Ces flux sont et seront de plus en plus nombreux, ce qui nécessite une politique d’intégration très volontariste, avec des implications sur les politiques de la ville, du logement, de l’éducation et aussi, monsieur le ministre, de l’aménagement du territoire.

M. Jacques Mézard. En effet, la question de l’intégration des immigrés ne se pose pas de la même manière sur l’ensemble de notre territoire.

Majoritairement, les membres du groupe RDSE ne sont pas favorables à la politique que vous nous proposez, monsieur le ministre. Nous souhaitons surtout que la question de l’immigration, qui fait le lit de l’extrême droite en Europe – ce qui vient de se passer en Suisse nous le rappelle –, soit traitée dans le respect de la dignité humaine, conformément aux principes fondamentaux de notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. André Trillard, rapporteur pour avis. C’est une position tout à fait équilibrée !

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du temps qui m’est imparti, j’aborderai les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » en insistant plus particulièrement sur le thème de l’asile.

En effet, si l’on s’en tenait aux annonces grandiloquentes faites à propos des crédits de cette mission, on pourrait croire, bien que ce soit surprenant, que le Gouvernement a été pris d’un élan de solidarité envers les demandeurs d’asile...

Mais nous ne sommes pas dupes.

Nous sommes au contraire bien éclairés par les positions successives que vous avez prises en la matière, monsieur le ministre. Elles sont édifiantes et ne sauraient rien cacher.

Les crédits alloués pour 2011 au titre de la mission atteignent 563,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 561,5 millions d’euros en crédits de paiement. On peut observer une légère diminution de ces masses par rapport aux crédits initiaux pour 2010.

Les auteurs des rapports nous expliquent que l’augmentation de 0,73 % des moyens de la mission en crédits de paiement est rendue nécessaire par la hausse du nombre de demandeurs d’asile. Une telle réponse à cette hausse aurait été louable et nous l’aurions assurément appréciée, monsieur le ministre, si vous aviez su redonner du sens au droit d’asile et si votre majorité n’avait pas eu un certain passif en la matière.

À cet égard, certaines vérités sont bonnes à rappeler. Pour mémoire, c’est Nicolas Sarkozy qui, en 2003, jugeant l’état du droit trop « laxiste » dans ce domaine, avait fait adopter une réforme du droit d’asile au contenu révélateur. Cette réforme partait du postulat qu’une majorité des demandes n’étaient pas fondées et que la plupart des personnes qui prétendaient au statut de réfugié n’étaient que des migrants économiques.

Il en est résulté la mise en place d’un arsenal juridique visant à écarter les prétendus « faux demandeurs », arsenal qui n’a cessé de se renforcer depuis ce moment, alors que, je le rappelle, toute demande d’asile se présente d’abord et avant tout comme un drame humain.

Si la confusion que vous entretenez depuis des années entre asile et immigration n’était pas si patente, si les considérations sécuritaires ne prévalaient pas, depuis quelque temps, sur l’exigence de protection des réfugiés et si vos idées délétères ne portaient pas préjudice à l’exercice du droit d’asile en provoquant un climat de suspicion généralisée à l’encontre des demandeurs, nous aurions certainement pu vous croire.

J’ajouterai que le texte sur l’immigration, l’intégration et la nationalité, que nous nous apprêtons à examiner ici même en janvier 2011, n’arrange rien à cet état de fait. Au contraire, il l’aggrave ; mais nous en reparlerons le moment venu.

Pour en revenir plus précisément à la question de l’asile, alors que la dotation destinée au fonctionnement des CADA s’élevait à 202,63 millions d’euros en loi de finances pour 2010, elle tombe à 199 millions d’euros, alors même qu’elle finance 1000 places supplémentaires en année pleine. Le prix d’une journée passe ainsi de 26,20 euros en loi de finances initiale pour 2010 à 25,13 euros en projet de loi de finances pour 2011.

À ce propos, je rappelle que le prix d’une place en CADA est ventilé entre le logement des demandeurs d’asile, à hauteur de 30 %, l’allocation mensuelle de subsistance, à hauteur de 15 % et les personnels, à hauteur de 38 %. Ainsi, cette prétendue augmentation du budget des CADA de 3,6 % est purement artificielle.

Surtout, elle ne cache pas le processus largement engagé de criminalisation des étrangers et de culpabilisation des demandeurs d’asile. Pourtant, qu’il s’agisse de la Cour européenne des droits de l’homme, des instances onusiennes de protection des droits humains ou des organes du Conseil de l’Europe, tous recommandent unanimement à la France de remédier à l’absence de recours suspensif devant la Cour nationale du droit d’asile en procédure prioritaire.

La Cour européenne des droits de l’homme est actuellement saisie de sept requêtes dirigées contre le France. Chacune d’entre elles se fonde sur l’absence de recours suspensif devant la Cour nationale du droit d’asile en violation des articles 3 et  13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Le Comité contre la torture des Nations unies s’est montré préoccupé de ce que 22 % des demandes d’asile présentées en 2009 auraient été traitées sous l’angle de la procédure prioritaire, qui n’offre pas de recours suspensif. Le Comité concluait en affirmant qu’il n’était pas convaincu que la procédure prioritaire offre des garanties suffisantes contre un éloignement emportant un risque de torture. À vrai dire, nous sommes également loin de l’être…

De telles condamnations, qui s’ajoutent à celles qui sont intervenues récemment à propos du sort que vous entendez réserver aux Roms, pèsent lourdement sur notre République, à laquelle vous promettez d’ailleurs un sort tout aussi inquiétant.

Pourtant, vous nous rétorquez bien souvent avec aisance que nous devons répondre aux exigences posées par l’Union européenne ; elle a bon dos, l’Union européenne !

Aussi ne peut-on que constater que, si vous appliquez les directives avec beaucoup de zèle, vous ne tenez que rarement compte des décisions de la CEDH ou des injonctions trop humaines qui émanent des instances communautaires. La preuve en est que le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité va bien au-delà de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite « directive retour » ; mais nous aurons l’occasion d’en discuter dès le début de l’année prochaine.

Depuis quelque temps, des contentieux naissent ici ou là sur la question des empreintes digitales des demandeurs d’asile. Les préfectures considèrent en effet de plus en plus qu’elles sont volontairement altérées par ces derniers aux fins de contourner le règlement Dublin II. Sur la base de ces arguments, les personnes se voient refuser l’admission provisoire au titre de l’asile. Dans certains cas, les préfets associent à ce refus de séjour une OQTF, une obligation de quitter le territoire français, et s’abstiennent de mettre les personnes en mesure de saisir l’OFPRA de leur demande d’asile...

Or ces pratiques sont illégales, et ce pour deux raisons. D’abord, il n’est pas démontré que les personnes concernées entendent induire l’autorité en erreur. Ensuite, force est de constater que, de plus en plus souvent, les demandeurs font l’objet d’une notification d’OQTF sans saisine de l’OFPRA, ce qui les prive de tout exercice du droit d’asile et les expose à un refoulement certain.

Ces pratiques ne sont en fait qu’une application anticipée de l’article 75 du projet de loi sur l’immigration, c’est-à-dire d’un texte que le Parlement n’a même pas fini d’examiner. Mais peut-être n’êtes-vous pas au courant, monsieur le ministre...

Si l’augmentation des crédits alloués à la mission « Immigration, asile et intégration » doit servir à la mise en œuvre de telles dispositions, autant vous dire que notre déception est aussi grande que notre détermination à combattre ce que nous appelons la « xénophobie d’État ».

Mes chers collègues, vous aurez donc compris que, en leur âme et conscience, les sénateurs du groupe CRC-SPG ne peuvent voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances pour 2011 vient clore une année 2010 qui aura été marquée par plusieurs débats importants, à commencer par l’inutile débat sur l’identité nationale. D’ailleurs, nous nous réjouissons de voir que vous avez mesuré la dangerosité de ce dernier puisque, si nous l’avons bien compris, il a été discrètement évacué vers d’autres cieux.

M. Jean-Louis Carrère. Il a été reconduit à la frontière ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Richard Yung. Je mentionnerai aussi l’intensification de l’expulsion des ressortissants européens appartenant à la communauté Rom et la disparition du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

Doit-on se réjouir du rattachement de l’immigration au ministère de l’intérieur ? J’imagine que, pour vous, monsieur le ministre, la réponse est affirmative puisque cet ancien ministère était en quelque sorte « votre enfant » et que vous le retrouvez.

Je pense au contraire que la confusion entre, d’une part, le ministère de la sécurité et, d’autre part, le ministère de l’immigration risque de conforter l’idée qu’il y a un lien entre les deux.

M. Jean-Pierre Sueur. Très juste !

M. Richard Yung. C’est d’ailleurs ce qu’affirmait Nicolas Sarkozy dans le discours de Grenoble, en faisant l’amalgame entre immigration et insécurité.

M. Jean-Pierre Sueur. C’était le discours de la confusion !

M. Richard Yung. Je m’inquiète également du transfert des crédits du développement solidaire à la mission « Immigration, asile et intégration », et donc, en fait, au ministère de l’intérieur. On introduit ainsi une séparation entre ces activités et celles qui sont relatives à la coopération. C’est préjudiciable à un double titre : en termes de lisibilité budgétaire et en raison de la mauvaise interprétation que feront de cette décision les pays auxquels cette politique est destinée.

J’en viens à ce projet de budget proprement dit, qui traduit plusieurs choix que vous avez opérés, monsieur le ministre.

Premier choix : vous avez procédé à un relèvement des barrières administratives, ce qui entraîne une augmentation des difficultés et des tracasseries que doivent surmonter les migrants. Il n’est que de voir la politique des taxes que vous mettez en œuvre et sur laquelle nous reviendrons lors de l’examen des amendements : les droits de chancellerie dont doivent s’acquitter les étrangers lors de leur demande de visa augmentent de façon tout à fait considérable. Ainsi, au Mali, il faut débourser 220 euros en moyenne, alors que le salaire moyen local est de 61 euros, sans d’ailleurs avoir la certitude d’obtenir le document demandé.

Une fois arrivés sur le territoire français, les étrangers doivent s’acquitter d’autres taxes, dont le montant ne cesse d’augmenter ; nous y reviendrons tout à l’heure.

Cette politique n’est pas bonne dans la mesure où, de facto, elle encourage indirectement l’immigration irrégulière : les candidats à l’immigration cherchent à éviter d’avoir à payer ces taxes et se tournent vers les filières de passeurs.

La seule disposition positive prévue pour 2011 concerne l’obligation, pour l’administration consulaire, de motiver les décisions de refus de visa. C’est une très bonne mesure. En tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je peux témoigner que les sollicitations à ce sujet représentent une partie importante de notre travail : même si elles sont indues, nous nous acquittons de cette tâche. Je m’interroge seulement sur la capacité des consuls à faire face à cette situation, vu l’état de dénuement dans lequel se trouvent les postes.

Deuxième choix : la « chasse aux étrangers » et l’augmentation du nombre des interpellations. Depuis 2002, les forces de l’ordre sont mobilisées pour procéder à des interpellations de masse qui visent plus particulièrement les étrangers dont on soupçonne qu’ils sont en situation irrégulière.

Cette pratique a un avantage, celui de tirer vers le haut le taux d’élucidation, car un étranger en situation irrégulière interpellé équivaut à un cas élucidé.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Bien sûr ! C’est un acte de délinquance !

M. Richard Yung. Et les statistiques augmentent d’autant !

Force est de constater, d’ailleurs, que cet acharnement ne produit guère de résultats tangibles puisque, depuis 2008, on observe un tassement du nombre d’expulsions effectivement réalisées : si la France a procédé à 29 288 expulsions en 2009, l’objectif pour 2010 et 2011 est de 28 000 mesures d’expulsion. Mais le Gouvernement continue de gonfler ces chiffres en fusionnant dans un même indicateur de performance les retours forcés, au nombre de 18 760, et les retours volontaires pris en charge par l’OFII, au nombre de 9 240. En d’autres termes, les résultats sont augmentés d’un tiers.

Troisième choix : la banalisation de l’enfermement des étrangers en situation irrégulière. En 2011, il est prévu d’augmenter de 16 % les capacités de rétention administratives : 2036 places en 2011, contre 1 748 en 2010. Nous nous interrogeons sur l’opportunité de cette mesure. On pourrait considérer que, comme pour les prisons, il s’agit d’une bonne disposition; mais le taux moyen d’occupation des centres de rétention administrative est de 58 % – à peu près 60 % au cours du premier trimestre de 2010. On me dit que cela vise à une meilleure adaptation géographique des CRA. Je pense plutôt qu’il s’agit en fait d’anticiper l’augmentation de la durée de rétention, mesure qui figure dans le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

Le rapporteur spécial l’a souligné, les documents budgétaires dont nous disposons ne permettent toujours pas d’avoir une vision globale des dépenses liées à la rétention administrative. La mise en place d’un tableau de bord de performance est censée faciliter le calcul du coût complet du fonctionnement des CRA. Or cet outil ne tient pas compte de nombreuses dépenses. Si l’on inclut tous les postes de dépense, on aboutit à un coût largement supérieur à 3 000 euros par personne retenue. Sachant que le taux d’exécution des décisions d’éloignement prononcées s’élève à moins de 30 %, cela représente un gâchis considérable en ces temps de rigueur budgétaire.

J’en viens à présent au dispositif d’assistance juridique aux étrangers placés en rétention administrative. Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit une hausse de 4,3 % du montant des crédits alloués aux associations chargées de cette mission : 4,8 millions d'euros en 2011, contre 4,6 millions d'euros en 2010. En raison de l’entrée en vigueur tardive de l’allotissement du marché d’aide aux droits des étrangers, après l’avoir découpé en six ou sept parties dont plusieurs ont été ensuite annulées, le Gouvernement doit procéder à l’indemnisation des frais résultant de l’annulation du marché. Je souhaite savoir si les associations ont déjà été indemnisées et, si oui, pour quel montant.

Quatrième choix : une insuffisance des crédits qui remet en cause le droit d’asile.

Contrairement à ce que le Gouvernement veut nous faire croire, la France n’est pas le pays le plus accueillant pour les demandeurs d’asile : elle est simplement le pays le plus demandé. Si l’on raisonne en termes de taux de reconnaissance du statut de réfugié, on constate que la France est moins généreuse que la plupart des États membres de l’Union européenne.

L’analyse détaillée de l’action n° 2 du programme 303 confirme ce constat. En 2011, les crédits consacrés à la garantie de l’exercice du droit d’asile seront inférieurs de près de 44 millions d'euros aux dépenses constatées en 2009. La hausse du budget alloué à l’asile est donc une hausse en trompe-l’œil et nous savons que, comme les années précédentes, il faudra un décret d’avance pour abonder ce budget en cours d’exercice. En d’autres termes, il faut dire les choses comme elles sont, le projet de budget que l’on nous présente n’est pas très sincère !

Par ailleurs, le Gouvernement entend réduire les délais d’examen des demandes d’asile. A priori, cet objectif va dans le bon sens. Cependant, je crains fort que sa réalisation ne se fasse au détriment de la qualité de l’examen des dossiers. Cette crainte est renforcée par la lecture du prochain projet de loi relatif à l’immigration, qui prévoit notamment d’étendre la procédure prioritaire.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ce projet de budget. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget que nous examinons aujourd’hui reflète la politique conduite par le Gouvernement en matière d’immigration depuis 2007 : une politique du juste équilibre, attendue par nos compatriotes, entre la fermeté à l’égard des immigrés irrespectueux des lois de la République et la protection de ceux qui partagent nos règles et nos valeurs.

La mission « Immigration, asile et intégration » a bénéficié en 2010 d’une revalorisation de 52 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 42,9 millions d’euros en crédits de paiement, soit, respectivement, une hausse de 9,2 % et de 8,4 % par rapport aux prévisions de la programmation pluriannuelle 2009-2011. En 2011, ces dotations seront maintenues à un niveau très proche de celui de l’exercice en cours.

Ce budget s’inscrit pleinement dans l’effort de rationalisation des dépenses publiques souhaité par le Président de la République et le Premier ministre, à savoir un objectif de réduction des dépenses de fonctionnement et d’intervention de 10 % sur 2011-2013, avec une première étape à 5 % dès 2011.

Ainsi, les dépenses de fonctionnement courant du ministère, hors loyers, sont prévues en baisse en 2011. L’ensemble des crédits du ministère devraient même diminuer sur la période 2011-2013. De même, de nouvelles mesures de modernisation des outils et de simplification des procédures produiront leurs effets dès 2011.

Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez repose sur trois axes principaux. Tout d’abord, il vise à conforter notre politique humaniste en matière d’asile, en améliorant notamment les conditions d’obtention du droit d’asile des réfugiés. Ensuite, il permet de mieux maîtriser les flux migratoires, donc de mieux protéger les personnes souhaitant venir sur notre sol des filières d’immigration illégale. Enfin, il s’inscrit dans une politique résolue d’intégration réussie des immigrés légaux.

Avec 47 686 demandes en 2009, la France reste le premier pays en Europe pour l’accueil des demandeurs d’asile, devant l’Allemagne. Fidèle à ses traditions comme à son histoire, elle est aujourd’hui le fer de lance de la construction d’une politique européenne de l’asile.

Elle connaît cependant depuis deux ans une croissance très forte des demandes, de près de 40%, qui devrait perdurer en 2011. Ainsi, Jean-François Cordet, directeur général de l’OFPRA, l’a estimée de 5,8 % pour 2011 Néanmoins, ces estimations restent à manipuler avec précaution, l’évolution des demandes d’asile dépendant de paramètres sur lesquels il est difficile d’avoir prise.

Compte tenu de ce dynamisme actuel et malgré un contexte budgétaire difficile, vous avez fait le choix, monsieur le ministre, d’une hausse des crédits consacrés à l’asile. En progression de 3,6 % par rapport à 2010, ceux-ci s’élèveront à 327,7 millions d’euros. L’asile est donc bien le premier poste de dépenses de la mission, ce qui témoigne de la détermination du Gouvernement à préserver notre tradition d’accueil. Nous nous en réjouissons.

M. André Trillard, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Catherine Troendle. Surtout, l’amélioration de l’accueil et de l’hébergement des réfugiés demeure au cœur de vos préoccupations Ainsi, les dotations consacrées à l’allocation temporaire d’attente ont été portées à 54 millions d’euros, soit une augmentation de 1,9 % par rapport à 2010. De plus, l’enveloppe consacrée à l’hébergement d’urgence est en hausse de 25 % par rapport à 2010 avec 40 millions d'euros, afin que le nombre total de places soit porté à 7 365.

Sur l’épineux problème du délai de traitement des dossiers, deux avancées notables ont été réalisées, dont les effets pourraient être constatés dès 2011.

D’une part, la régionalisation de l’admission au séjour des demandeurs d’asile, sous contrôle unique du préfet de région, est désormais effective dans la grande majorité des départements français.

D’autre part, la durée de traitement des dossiers de demande d’asile pourrait s’améliorer progressivement grâce à deux mesures majeures. En premier lieu, afin que l’OFPRA puisse faire face à la hausse de la demande d’asile, ses moyens humains et financiers sont renforcés grâce à une augmentation des dotations de 1,8 million d’euros. En second lieu, la Cour nationale du droit d’asile est profondément réformée pour répondre à la croissance du contentieux et à l’ambition d’un délai moyen de jugement de dix mois en 2011 et de six mois en 2013.

Enfin, nous nous félicitons qu’une action spécifique ait été créée sur les moyens consacrés par l’État à l’intégration des personnes placées sous protection internationale, qui rencontrent souvent des difficultés d’insertion : 14,7 millions d’euros y seront consacrés en 2011, en plus d’un abondement du Fonds européen pour les réfugiés de près de 2,8 millions d’euros, majoritairement destinés à financer des places en centres provisoires d’hébergement des réfugiés.

Par ailleurs, le Gouvernement poursuit sa politique volontariste de maîtrise des flux migratoires. Les crédits qui y sont consacrés en 2011 figurent ainsi au deuxième rang des crédits de la mission dont nous discutons aujourd’hui, avec 95,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 93 millions d’euros en crédits de paiement.

Et les résultats sont au rendez-vous : si l’immigration professionnelle, en augmentation constante depuis 2007, a été freinée par la crise, la politique d’immigration concertée se concrétise avec la stabilisation de l’immigration familiale et une forte attractivité à l’égard des étudiants étrangers.

La politique ferme de lutte contre l’immigration illégale obtient, elle aussi, des résultats concrets. Il ne faut pas oublier que les premières victimes de l’immigration clandestine sont les immigrés eux-mêmes. Le Gouvernement a donc renforcé ses moyens en matière de lutte contre les filières qui exploitent les étrangers et leur détresse, ces passeurs, ces fraudeurs et autres marchands de sommeil qui organisent de véritables traites d’êtres humains. Depuis 2007, le nombre de filières démantelées a considérablement augmenté : 128 au cours des huit premiers mois de l’année. La méthode employée explique en partie ces bons résultats, l’État agissant tout à la fois sur les réseaux, les débouchés – à travers la lutte contre le travail illégal – et les moyens, en mettant tout en œuvre pour repérer d’éventuels documents falsifiés.

Si le nombre de reconduites à la frontière augmente, en particulier pour ce qui est des retours volontaires, un trop grand nombre de mesures d’éloignement forcé demeurent inexécutées. Cela s’explique notamment par le fait que le taux de délivrance des laissez-passer consulaires, indispensables pour une réadmission des intéressés dans leur pays d’origine, reste faible. En 2009, 33,8 % des cas d’échec de l’éloignement y sont liés.

Monsieur le ministre, nous souhaiterions donc avoir des précisions sur les mesures que vous prévoyez de mettre en œuvre afin de résoudre ce problème.

Cette politique de lutte contre l’immigration clandestine, essentielle pour préserver les fondements de notre État de droit, s’inscrit toujours dans le cadre d’une politique humaine et respectueuse de la dignité des personnes. C’est pour cela que les moyens consacrés à l’accompagnement sanitaire, social et juridique des étrangers en situation irrégulière placés en rétention seront également renforcés.

Ainsi, 15,9 millions d’euros permettront de financer la réhabilitation de centres existants et la création de places nouvelles. Il faut savoir qu’aujourd’hui les centres de rétention ne se trouvent plus en situation de saturation. En moyenne, leur taux d’occupation a atteint 65 % au premier semestre 2010.

Enfin, 13,3 millions d’euros seront consacrés à l’accompagnement sanitaire et juridique des étrangers placés en rétention. Il s’agit du seul poste en augmentation en 2011 parmi les crédits de la lutte contre l’immigration irrégulière.

Le dernier axe de ce budget concerne la qualité de l’intégration des immigrés qui séjournent régulièrement dans notre pays, véritable contrepartie à la fermeté de la lutte contre l’immigration irrégulière. Il est de notre devoir de donner toutes leurs chances aux migrants qui entrent légalement en France et souhaitent s’y intégrer par l’institution d’un véritable parcours individuel d’intégration.

Avec 72,9 millions d’euros, l’intégration et l’accès à la nationalité française représentent ainsi un volet budgétaire significatif de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Le programme accusera, certes, une baisse de ses abondements de 8,2 %. Cependant, cette baisse se justifie par l’optimisation des dépenses et la rationalisation des outils ainsi que par l’effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement demandé à l’OFII. Si le projet de loi de finances prévoit une diminution de la subvention allouée à l’Office, une nouvelle réévaluation des taxes qui lui sont affectées permettra un apport de recettes annuelles de 10,5 millions d’euros.

En 2011, des efforts considérables seront faits en faveur de l’insertion sociale et professionnelle des étrangers en situation régulière, avec 41,9 millions d’euros prévus en 2011. Parmi ces dotations, 17 millions d’euros sont destinés à la nouvelle génération de programmes régionaux d’insertion pour les populations immigrées, qui permettra une meilleure coordination régionale des actions et des financements en faveur de l’accueil et de la promotion sociale, culturelle et professionnelle des nouveaux arrivants, mais aussi le développement de l’expérience – réussie – de l’école des parents.

Je tiens à souligner que nous ne saurions envisager l’immigration comme un problème. C’est au contraire l’absence de politique d’immigration que nous avons connue pendant près de trente ans qui en a constitué un ! Depuis 2002, la France ose enfin relever le défi de l’immigration grâce à une politique cohérente, afin d’en faire un véritable atout pour notre pays.

Ce budget ainsi que le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité qui sera bientôt discuté au Sénat sont courageux et ambitieux. Ils concrétisent notamment les engagements que vous aviez pris, monsieur le ministre, lors de l’adoption du pacte européen sur l’immigration et l’asile. Ils témoignent de la détermination du Gouvernement à répondre au problème migratoire par des mesures de fond.

En 2008, le Président de la République affirmait que « c’est en pensant à la dignité des personnes que nous affrontons la si délicate question de l’immigration, sujet immense qui demande générosité, respect de la dignité et en même temps prise de responsabilité ». Parce que toutes ces préoccupations sont au cœur du budget qui nous est présenté aujourd’hui, le groupe UMP votera les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Mesdames, messieurs les sénateurs, alors que nous entamons une nouvelle étape administrative, la volonté de maîtriser l’immigration est clairement réaffirmée.

Lorsque Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République, il m’a chargé de concevoir et mettre en œuvre une nouvelle politique migratoire.

La création d’un ministère en charge de l’immigration était une véritable innovation, et ce à double titre.

En effet, d’une part, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, un ministère régalien de plein exercice était chargé de gérer l’ensemble du parcours d’un étranger candidat à l’immigration dans notre pays, depuis l’accueil au consulat jusqu’à l’intégration et l’éventuel accès à la nationalité française, ou le retour vers le pays d’origine.

D’autre part, il s’agissait de regrouper des administrations, des services et des prérogatives qui étaient jusque-là éclatés entre plusieurs ministères : l’intérieur, les affaires sociales ou encore les affaires étrangères. Nous avons donc bâti une administration spécialisée, légère, réactive, opérationnelle, qui était en fait une administration d’état-major.

Aujourd’hui, avec le rattachement organique des services de l’immigration au ministère de l’intérieur – j’y reviendrai tout à l’heure, monsieur Yung –, nous abordons une nouvelle étape de la politique d’immigration de ce quinquennat.

Je le dis très clairement, cette organisation ne signifie ni la disparition de la politique d’immigration que nous avons construite, ni même le dépeçage administratif et institutionnel des services. Je souhaite préciser au rapporteur François-Noël Buffet qu’il est hors de question de déconstruire ce que nous avons bâti de toutes pièces !

En réalité, c’est donc à structure et à périmètre constants que je procède à ce rattachement organique. C’est la raison pour laquelle le décret d’attribution qui a été publié vendredi dernier ne fait que fusionner le décret d’attribution du ministre de l’intérieur et celui de l’ancien ministre de l’immigration, à deux ou trois mots près, qui ne vous ont pas échappé…

La seule chose qui change, c’est qu’il y aura désormais un pilotage politique unique. Les trois principes qui guident cette politique, et que j’avais édictés dès 2007, sont donc aujourd’hui confirmés. Ils sont simples, cohérents et justes.

Premièrement, la France a le droit de choisir – comme tout pays, ni plus ni moins – qui elle veut et qui elle peut accueillir sur son territoire.

Deuxièmement, sauf cas particuliers, tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d’origine, de manière contrainte s’il le faut, mais autant que possible de manière volontaire. Des situations particulières – qu’elles soient politiques, religieuses, sanitaires ou sociales – peuvent naturellement se présenter, mais le principe est simple : on ne vient pas dans notre pays si l’on n’y est pas autorisé. Dans le cas contraire, on a vocation à être reconduit dans son pays d’origine.

Troisièmement, un étranger qui est accueilli légalement sur le territoire a, pour l’essentiel, les mêmes droits économiques et sociaux que les Français.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Dès 2007, la politique menée par le Gouvernement pour retrouver la maîtrise des flux migratoires et favoriser l’intégration a produit des résultats. Ce que j’avais engagé a été poursuivi par Éric Besson, même s’il est vrai que des préoccupations demeurent.

En effet, chaque année, nous devons combattre l’immigration clandestine et faire reculer ceux qui en vivent ou qui l’exploitent. Cela signifie que nous devons tenir nos objectifs d’éloignement. En 2008 et 2009, nous avons dépassé ces objectifs, qui étaient de 27 000 éloignements, en en réalisant près de 30 000. Pour l’année 2010, l’objectif est de réaliser 28 000 éloignements. Sur les dix premiers mois de l’année, nous en sommes très exactement à 23 498.

Simultanément, nous menons une lutte implacable contre les passeurs, les marchands de sommeil – Catherine Troendle l’a évoquée – et les « patrons voyous » qui sont, même s’il faut faire attention aux mots, des sortes d’esclavagistes modernes, exploitant la misère humaine. C’est un combat politique, mais c’est aussi et surtout une exigence morale !

Ainsi, depuis le début de l’année, comme l’a précisé M. Buffet, ce sont 156 filières d’immigration clandestine qui ont été démantelées, contre 126 sur la même période en 2009.

Parallèlement, nous faisons des efforts pour rééquilibrer l’immigration familiale au profit de l’immigration professionnelle. Ainsi, 20 000 titres de séjour ont été délivrés pour motif professionnel en 2009. À vrai dire, ce résultat n’est pas très satisfaisant et j’aurais souhaité qu’il soit supérieur, mais la crise économique explique en partie cette évolution. Avant celle-ci, nous étions parvenus à stabiliser le nombre de titres pour motif professionnel, alors qu’il avait diminué pendant des années.

Dans le même temps, l’immigration familiale décroît. Le nombre de titres délivrés pour ce motif a été en baisse entre 2006 et 2008. Il a légèrement augmenté en 2009 puisque 82 000 titres ont été délivrés cette année-là contre 81 605 en 2008.

Sur trois ans, une tendance lourde est observée, qu’a mise en exergue par Catherine Troendle : l’augmentation de la part de l’immigration professionnelle dans l’ensemble des arrivées. Nous considérons naturellement cela comme une bonne chose.

La politique que nous mettons en œuvre repose aussi sur la coopération européenne et un partenariat renforcé avec les pays sources.

Sur le plan européen, j’avais décidé, lorsque la France a présidé pendant six mois l’Union européenne, de placer la régulation de l’immigration au cœur de mes priorités. Vous savez à quel point je me suis impliqué – je remercie ceux d’entre vous qui ont bien voulu le rappeler – dans la construction, puis la négociation d’un pacte européen sur l’immigration et l’asile, qui a été adopté à l’unanimité par tous nos partenaires, toutes tendances politiques confondues, en octobre 2008.

J’aimerais que Mme Tasca ne l’oublie pas quand elle nous dit que nous menons une politique effroyable et condamnable. En vérité, madame, la même politique est conduite à peu près partout en Europe ! Si, en vous adressant au Gouvernement, vous expliquez que la politique est abominable, j’imagine que, lorsque vous retrouvez vos amis de l’Internationale socialiste, vous les haranguez avec encore plus de véhémence, vous dénoncez violemment la politique qu’ils mènent là où ils sont au pouvoir !

Croyez-moi, quand nous discutons avec des socialistes espagnols ou des travaillistes britanniques – ils étaient au gouvernement il y a encore peu de temps –, si je peux employer une expression triviale, nous nous trouvons un peu « mous du genou » ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

Alors, avant de nous faire des reproches, commencez par en adresser à ceux qui font partie de votre famille politique, parce que, franchement, les plus rudes et les plus sévères sur ces sujets ne sont pas ceux que vous pensez !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des socialistes, il y en a de toute sorte !

M. Brice Hortefeux, ministre. Je ne savais pas, madame Borvo Cohen-Seat, que vous faisiez partie de l’Internationale socialiste. C’est une très bonne nouvelle parce que, depuis le Congrès de Tours, on pensait que ce n’était plus le cas ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)

Je reviens sur les accords avec les pays sources. Là encore, cela vous gêne, mais nous avons entamé un dialogue extrêmement construit, fructueux, efficace, empreint de compréhension mutuelle, avec les pays qui sont effectivement des pays d’émigration vers le nôtre. C’est ainsi que quinze accords – pas un ou deux ! – ont été signés depuis 2007, même si d’autres doivent encore être conclus.

M. Jean-Louis Carrère. Bref, vous réussissez tout !

M. Brice Hortefeux, ministre. Pas du tout ! Vous ne m’avez pas bien écouté : j’ai dit qu’il y avait des choses qui n’allaient pas. Il faut être plus attentif !

M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes très forts !

M. Brice Hortefeux, ministre. Plus forts que vous, sans aucun doute !

En l’occurrence, ce que j’évoque, ce sont des réalités ! Le pacte de coopération européenne et les accords avec les pays sources sont difficilement contestables. Si vous n’en étiez pas instruits, je suis heureux de vous apporter maintenant cette information.

Mme Catherine Tasca. Le Mali n’a pas signé !

M. Brice Hortefeux, ministre. Le succès d’une politique d’immigration réussie passe aussi par une intégration réussie.

Depuis 2003, près de 500 000 personnes ont, à ce jour, signé un contrat d’accueil et d’intégration et, en 2009, environ 100 000 nouveaux contrats ont été conclus. La même année, 15 100 personnes ont obtenu le diplôme initial de langue française.

Je rappelle que le contrat d’accueil et d’intégration est le contrat par lequel les immigrés légaux s’engagent à apprendre la langue française et à respecter les principes et les valeurs qui régissent notre République. Ce contrat est la démonstration de la volonté de s’intégrer à la communauté nationale.

J’en viens à la question de l’asile, qui se pose en des termes difficiles, non pas seulement en France, mais dans toute l’Europe.

Sur le plan national, depuis deux ans, nous assistons à une très nette augmentation du nombre des demandeurs d’asile : de 20 % en 2008, de 12 % en 2009. Le total des demandes reçues par l’OFPRA est passé de 35 520 en 2007 à 47 686 en 2009. La France reste le troisième pays destinataire des demandeurs d’asile au monde, après les États-Unis et le Canada, et le premier en Europe, comme l’a souligné Catherine Troendle.

Du fait de l’augmentation des demandes, les délais d’instruction ont été considérablement allongés pour atteindre, à ce jour, dix-neuf mois. C’est trop, j’en conviens, et il y a effectivement là un défi à relever.

Il n’en demeure pas moins que la France continue d’honorer sa tradition d’ouverture et d’accueil. Ainsi avons-nous créé en 2007 une véritable juridiction administrative ; je n’y reviens pas. Depuis le mois de mai 2010, la régionalisation de l’admission au séjour des demandeurs d’asile est étendue à l’ensemble des régions de métropole, à l’exception de l’Île-de-France et de l’Alsace.

Même si des préoccupations se sont fait jour, que je ne cherche absolument pas à cacher, beaucoup a été fait depuis 2007. Mais nous devons encore aller plus loin.

Les crédits qui seront consacrés en 2011 aux politiques d’immigration, d’asile, d’intégration et de développement solidaire portent cette ambition, dans un contexte de nécessaire maîtrise de nos dépenses publiques. J’en présenterai les grandes lignes.

Comme l’ont souligné les rapporteurs, Pierre Bernard-Reymond, André Trillard, François-Noël Buffet, ainsi que Catherine Troendle, le budget est globalement stable en 2011. Il atteint 591,5 millions d’euros en crédits de paiement.

Dans cet ensemble, la mission « Immigration, asile et intégration » est dotée de 561 millions d’euros en crédits de paiement. Les effectifs de la mission sont stabilisés à 612 emplois, soit un volume relativement limité. Il est à noter qu’il n’y a pas de réduction d’emplois par rapport à 2010.

Ce projet de budget est au service de cinq priorités.

Première priorité : lutter contre l’immigration clandestine.

Aucune réduction d’emplois n’est prévue dans les services opérationnels de la police aux frontières. Je confirme par ailleurs la création du CRA de Mayotte.

Deuxième priorité : mieux équilibrer les flux d’immigration légale.

Concrètement, 10 millions d’euros sont affectés à la production des titres de séjour pour les étrangers, au sein du budget de l’Agence nationale des titres sécurisés, qui produit déjà les passeports biométriques. Il s’agit de la nouvelle génération de titres de séjour, intégrant des éléments de biométrie : 169 consulats français, soit 86 % du réseau, disposent désormais d’un équipement opérationnel.

Parallèlement, pour favoriser l’immigration professionnelle, nous allons continuer à faire évoluer les taxes qui reposent sur l’immigration de travail dans un sens plus favorable aux employeurs demandant l’introduction de main-d’œuvre étrangère là où les besoins sont avérés. Nous y reviendrons au moment de l’examen des amendements.

Troisième priorité : souligner notre engagement dans les actions de développement solidaire. Les crédits qui y sont dévolus s’établissent à 30 millions d’euros.

Quatrième priorité : souligner, de la même manière, nos efforts pour bâtir une politique d’intégration efficace et durable. L’effort de l’État en la matière est stable. Je précise au rapporteur spécial que, si les crédits budgétaires au titre de la mission « Immigration, asile, et intégration » sont effectivement en baisse, ceux de l’Office français de l’immigration et de l’intégration augmentent. Le solde est donc, de ce fait, positif.

Sur les crédits du programme 104, Intégration et accès à la nationalité française, nous amplifierons le dispositif « l’école ouverte aux parents » en l’étendant à dix nouveaux départements.

Enfin, cinquième priorité : faire face à la « crise de l’asile » rencontrée par la France.

Là aussi, monsieur le rapporteur spécial, j’ai bien entendu vos interrogations. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail que vous avez effectué avec Jean-Claude Frécon sur les délais de traitement des procédures examinées par la CNDA.

Je souhaite à présent répondre aux orateurs des groupes.

Madame Tasca, vous confirmez à juste titre que la politique française en matière d’immigration et d’intégration ne change pas : ce que nous avons fait depuis 2007, nous le poursuivons. Encore une fois, je vous rappelle que cette politique est approuvée, validée, encouragée à l’échelon européen.

M. Jean-Louis Carrère. Surtout par les socialistes, allez-vous nous dire !

M. Brice Hortefeux, ministre. Une telle entente va des communistes chypriotes…

M. Jean-Louis Carrère. Cher camarade Hortefeux, je vous décerne le label socialiste !

M. Brice Hortefeux, ministre. … aux responsables italiens. Je doute que cette dernière référence vous convienne, mais elle montre à quel point l’éventail des soutiens est large.

Je vous avoue très honnêtement que je n’ai pas bien compris votre position sur l’accueil par la France des chrétiens irakiens menacés.

Mme Catherine Tasca. C’est une très bonne chose !

M. Brice Hortefeux, ministre. Eh bien, je m’en réjouis, car c’est effectivement l’honneur de la France que d’avoir accueilli 982 chrétiens d’Irak.

Sur le coût de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, tout se fait dans la transparence, et Éric Besson avait transmis à la commission des finances un rapport de l’inspection générale de l’administration établi en 2009. Le coût global de la politique de reconduite à la frontière est de 232 millions d’euros, c’est-à-dire 12 650 euros par personne. À l’époque où j’étais déjà ministre de l’immigration, des chiffres assez fantaisistes avaient circulé, faisant état d’un coût de 2 milliards d’euros ! La réalité se situe donc bien en deçà, d’autant que le coût net de l’éloignement est encore inférieur puisqu’il englobe les économies liées à la réduction de l’immigration clandestine.

Monsieur Mézard, j’ai été attentif au caractère mesuré et équilibré de votre intervention. Que n’avez-vous adopté la même attitude au moment du débat sur la réforme des collectivités territoriales ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Personne n’est parfait !

M. Brice Hortefeux, ministre. Sachez que le budget des ministères ne rend pas compte de l’ensemble des crédits mobilisés par l’État dans ce domaine. Il convient en effet d’inclure les politiques d’éducation, de logement et de la ville, qui participent à cet effort.

Le document de politique transversale en rend compte : au sens large, l’immigration et l’intégration mobilisent 4,2 milliards d’euros.

Madame Assassi, je serai direct, et vous seriez certainement surprise : la France n’a pas de leçons à recevoir en matière de demande d’asile. Comme vous le savez très bien, nombre de demandeurs d’asile sont en réalité des candidats à l’immigration clandestine, qui ne peuvent justifier d’aucun motif politique. Vous faites donc un amalgame…

Mme Éliane Assassi. Non, c’est vous !

M. Brice Hortefeux, ministre. … sur lequel je ne peux vous suivre. Malheureusement, la réalité est bien différente de celle que vous décrivez.

Si nous ne sommes pas prêts à distinguer les situations des uns et des autres, autant renoncer à toute politique d’immigration ! Croyez bien que ce n’est pas notre intention.

Mme Éliane Assassi. Vous faites bien la distinction puisque vous refusez de nombreuses demandes d’asile !

M. Brice Hortefeux, ministre. C’est précisément ce que je vous ai dit : il ne s’agit pas d’accepter aveuglément toutes les demandes !

Monsieur Yung, votre intervention a débuté sous les meilleurs auspices puisque vous avez semblé regretter, de manière vraiment sincère, la disparition du ministère de l’immigration. Quel dommage que vous ne vous soyez pas exprimé en ce sens dès 2007 ; cela m’aurait considérablement aidé !

Vous vous êtes dit préoccupé par le fait que le ministère n’aurait pas son mot à dire sur un certain nombre de crédits de développement. J’ouvre là une parenthèse pour indiquer à M. le rapporteur spécial qu’il a fait un lapsus tout à l’heure. Mais ce n’est pas moi qui le lui reprocherai, car cela m’est aussi arrivé d’en faire.

M. Jean Desessard. Ça, c’est vrai !

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Bernard-Reymond, vous avez parlé de développement « durable » ; or il s’agit bien de développement « solidaire », même si celui-ci peut être également durable.

J’en reviens à vous, monsieur Yung, pour vous dire que le ministère de l’intérieur, avant la reconstitution administrative qui s’est opérée, était déjà administrateur au conseil d’administration de l’Agence française de développement. Il était donc amené à intervenir, à s’exprimer, bref à jouer un rôle dans ce domaine.

Mme Éliane Assassi. Tout baigne, alors !

M. Brice Hortefeux, ministre. Par ailleurs, je vous en prie, faites attention aux mots que vous employez. Je comprends très bien que nous ayons des désaccords, mais je ne peux pas accepter que vous évoquiez une « chasse aux étrangers » ; tout simplement parce que c’est une insulte.

M. Brice Hortefeux, ministre. C’est une insulte aux policiers, aux gendarmes, aux préfets, qui assument et appliquent cette politique.

M. André Trillard, rapporteur pour avis. Mais si !

M. Brice Hortefeux, ministre. Vous pouvez toujours dire « non », c’est malheureusement la vérité !

Soyez donc précis. Vous parlez d’« expulsions » ; je parle de « reconduites ». Vous semblez regretter les retours volontaires ; moi, je les encourage : plus leur part est importante, plus le signal est positif. Je revendique totalement cette position ; aujourd'hui, un tiers des éloignements se font sur la base d’une aide au retour volontaire.

En outre, j’assume totalement notre action dans le domaine des CRA, d’autant que c’est moi qui l’ai engagée. L’objectif était de mettre enfin un terme à un monopole qui avait quelque chose de sclérosant et de particulièrement injuste. Nous avons introduit de la diversité, et c’est une très belle avancée. Les procédures juridictionnelles dilatoires engagées par une certaine association n’ont pas réussi, malgré tous ses efforts, à bloquer la réforme.

Il reste, c’est vrai, quelques conséquences à solder. Les procédures permettant d’indemniser les associations sont en cours de règlement puisque certaines n’ont pu accéder, à temps, à ce marché.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous passons donc à une nouvelle phase, qui nous permettra de pérenniser, de consolider, de renforcer la politique migratoire, dans le triple souci de la clarté, de la cohérence et de l’équilibre, et ce au service d’une triple ambition : une politique humaine, une politique ferme, une politique juste ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Immigration, asile et intégration
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 74

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration, asile et intégration

563 724 439

561 469 016

Immigration et asile

490 881 080

488 631 080

Dont titre 2

39 923 712

39 923 712

Intégration et accès à la nationalité française

72 843 359

72 837 936

Mme la présidente. L’amendement n° II-4, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asileDont Titre 2

12 850 000

12 850 000

Intégration et accès à la nationalité française

12 850 000

12 850 000

TOTAL

12 850 000

12 850 000

12 850 000

12 850 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Cet amendement, auquel j’ai fait allusion tout à l’heure, a pour objet d’abonder à un niveau plus raisonnable le montant des crédits affectés à l’hébergement des demandeurs d’asile et au versement en leur faveur de l’allocation temporaire d’attente, l’ATA.

Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit des crédits en diminution de 56 % pour l’hébergement d’urgence et de 14 % pour l’ATA par rapport aux crédits ouverts en 2010.

Or, en 2010, des ouvertures de crédits supplémentaires, à hauteur de 60 millions d’euros inscrits par décret d’avance, ont été rendues nécessaires du fait, d’une part, de l’augmentation des flux de demandeurs d’asile et, d’autre part, de la hausse des délais de traitement des demandes d’asile. À cette somme il faut ajouter les 47 millions d’euros annoncés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Ces ouvertures font suite à deux autres décrets d’avance en 2008 et en 2009, d’un montant respectif de 36 millions d’euros et de 70 millions d’euros.

Le Gouvernement reconnaît que la demande d’asile continue à augmenter à un rythme élevé : la hausse est de 8,5 % sur les neuf premiers mois de l’année 2010 par rapport à la même période en 2009.

Par ailleurs, le contrôle que nous avons effectué en 2010 sur la Cour nationale du droit d’asile nous interdit de croire à une diminution sensible des délais de traitement des dossiers en 2011, qui serait pourtant nécessaire pour juguler la hausse de la demande d’asile.

Il convient donc de respecter une plus grande vérité des comptes. Par conséquent, le présent amendement vise à opérer un transfert de crédits, sur le programme 303, Immigration et asile, qui prend en charge l’ATA et l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile, d’une partie des crédits de l’action 12, Actions d’intégration des étrangers en situation régulière, du programme 104, Intégration et accès à la nationalité française.

Ce transfert porte sur 2,85 millions d’euros destinés à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration – en tant qu’opérateur du ministère de la culture, celle-ci devrait être financée intégralement par lui –, et sur 10 millions d’euros de subventions à des acteurs économiques et sociaux mettant en place des dispositifs d’intégration.

Ces actions ne sont pas inutiles, mais la sincérité budgétaire impose d’abonder à une hauteur raisonnable les crédits liés à la demande d’asile. Le transfert proposé porte donc sur 12,85 millions d’euros, ce qui devrait combler une partie du déficit du programme Immigration et asile, que j’estime à près de 50 millions d’euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, je partage bien sûr votre constat. Cela a été souligné, la demande d’asile a augmenté de manière importante : de 20 % en 2008, de 12 % en 2009 et déjà de 8,5 % sur les dix premiers mois de l’année.

S’il était adopté, votre amendement risquerait de déstabiliser le financement de l’action en faveur de l’intégration. En outre, il ne permettrait sans doute pas de trouver une solution durable à la question si difficile de l’asile.

Vous avez évoqué la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Cet établissement a bien évidemment une dimension culturelle. Or, s’il était adopté, votre amendement le condamnerait sans doute à la fermeture.

Je préfère plutôt agir en amont pour renforcer notamment l’OFPRA et la CNDA afin de réduire les délais de traitement des dossiers. C’est là un vrai sujet.

Des moyens leur sont octroyés : ainsi, trente officiers de protection supplémentaires seront embauchés à l’OFPRA au 1er janvier 2011 ; par ailleurs, dix magistrats permanents ont été recrutés par la CNDA en 2010. Ces moyens continueront d’ailleurs d’augmenter.

Dans ces conditions, monsieur le rapporteur spécial, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-4 est-il maintenu ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Je suis très heureux que nous fassions le même constat, monsieur le ministre.

Cet amendement visait à vous alerter en prévision de l’élaboration du budget pour 2012, mais compte tenu des conséquences concrètes qu’il pourrait avoir pour l’année 2011, j’accepte de le retirer.

Mme la présidente. L'amendement n° II-4 est retiré.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Permettez-moi d’apporter un témoignage – j’ai à l’esprit un cas particulier – pour vous alerter, monsieur le ministre, même si vous devez être très au fait de ces questions.

Les familles hébergées par l’État au titre du droit d’asile sont logées dans des hôtels. Puis, lorsque toutes les voies de recours sont épuisées, la seule issue, c’est la reconduite à la frontière.

Malheureusement, dans de nombreux cas, les préfets désespèrent d’obtenir une décision de justice et il est alors mis fin à cet hébergement.

Toutefois, lorsque ces familles ont des enfants, ces derniers sont à la charge du conseil général. Ces situations sont humainement extrêmement pénibles et financièrement à la limite du supportable.

Ne sous-estimons donc pas les besoins de crédits mis à votre disposition, monsieur le ministre, pour faire face à ces situations.

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J’appelle en discussion l’article 74 et les amendements qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Immigration, asile et intégration

Article 48 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article additionnel après l’article 74

Article 74

I. – À la première phrase de l’article L. 211-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le montant : « 45 € » est remplacé par le montant : « 30 € ».

II. – La section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du même code est ainsi modifiée :

1° À la fin de la première phrase du premier alinéa du A de l’article L. 311-13, le montant : « 340 € » est remplacé par le montant : « 385 € » ;

2° Le B du même article est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « décret », sont insérés les mots : «, selon la nature et la durée du titre, » et le montant : « 110 € » est remplacé par le montant : « 220 € » ;

b) À la deuxième phrase, après les mots : « une carte de séjour », sont insérés les mots : « d’une durée d’un an au plus » ;

c) La dernière phrase est supprimée ;

3° Au C du même article, le montant : « 30 € » est remplacé par le montant : « 45 € » ;

4° Au même article, le D devient le E et le E devient le F ;

5° Au même article, il est rétabli un D ainsi rédigé :

« D. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 311-7, préalablement à la délivrance d’un premier titre de séjour, l’étranger qui n’est pas entré en France muni des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ou qui, âgé de plus de dix-huit ans, n’a pas, après l’expiration depuis son entrée en France d’un délai de trois mois ou d’un délai supérieur fixé par décret en Conseil d’État, été muni d’une carte de séjour, acquitte au profit de l’Office français de l’immigration et de l’intégration un droit de visa de régularisation d’un montant égal à 220 €.

« Cette disposition n’est pas applicable aux réfugiés, apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux étrangers mentionnés au 2° bis de l’article L. 313-11, aux 4° à 7° de l’article L. 314-11 et à l’article L. 314-12.

« Le visa mentionné au premier alinéa du présent D tient lieu du visa de long séjour prévu à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 211-2-1 si les conditions pour le demander sont réunies. » ;

6° Au E du même article tel qu’il résulte du 4°, les références : « A, B et C » sont remplacées par les références : « A, B, C et D » ;

7° Après le septième alinéa de l’article L. 311-15, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’embauche intervient pour un jeune professionnel recruté dans le cadre d’un accord bilatéral d’échanges de jeunes professionnels, le montant de cette taxe est fixé par décret dans des limites comprises entre 50 et 300 €. » ;

8° Les deuxième à cinquième alinéas du même article sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’embauche intervient pour une durée supérieure ou égale à douze mois, le montant de cette taxe est égal à 50 % du salaire versé à ce travailleur étranger, pris en compte dans la limite de 2,5 fois le salaire minimum de croissance. » ;

III. – À l’article L. 311-9 et à la fin du premier alinéa de l’article L. 311-15 du même code, les mots : « ou de l’établissement public appelé à lui succéder » sont supprimés.

À la première phrase du premier alinéa du A, à la seconde phrase du B et aux C et D de l’article L. 311-13 du même code, les mots : « l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations ou de l’établissement public appelé à lui succéder » sont remplacés par les mots : « l’Office français de l’immigration et de l’intégration ».

IV. – Après l’article 955 du code général des impôts, il est rétabli un IV intitulé : « Demandes de naturalisation et de réintégration et déclarations d’acquisition de la nationalité à raison du mariage » et comprenant des articles 960 et 961 ainsi rédigés :

« Art. 960. – Les demandes de naturalisation, les demandes de réintégration dans la nationalité française et les déclarations d’acquisition de la nationalité à raison du mariage sont soumises à un droit de timbre de 55 € perçu au profit de l’Office français de l’immigration et de l’intégration dans les formes prévues à l’article L. 311-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

« Art. 961. – Les personnes véritablement indigentes et reconnues hors d’état d’en acquitter le montant sont exonérées du droit de timbre prévu à l’article 960. »

V. – Le présent article est applicable à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-35 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° II-176 est présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Blondin et Printz, M. Sueur, Mmes M. André et Bonnefoy, MM. Raoul, Frimat, Marc, Rebsamen et Lagauche, Mme Tasca, MM. Assouline, Mermaz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° II-35.

M. Jean Desessard. Cet amendement tend à supprimer le dispositif prévu par l’article 74.

Ce dispositif se traduit, notamment, par la suppression de l’exonération de taxe de renouvellement dont bénéficient les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire, autrement dit par l’instauration d’une pénalité dénommée « droit de visa de régularisation », d’un montant de 220 euros.

L’objet affiché de cet article est de rééquilibrer les recettes de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII.

Il est vrai que le budget de l’OFII dégage depuis deux ans une perte nette importante. Elle est évaluée à 18,4 millions d’euros pour l’année 2010.

Toutefois, ce rééquilibrage aurait pu être financé de maintes manières, par exemple en augmentant les taxes dues par les employeurs de travailleurs étrangers. Nous aurions pu également augmenter la subvention pour charges de service public versée par l’État.

Or que prévoit cet article ? Il supprime ou allège les taxes dues par les employeurs et en fait peser de nouvelles sur les épaules des étrangers ! Dans une logique qui ressemble à s’y méprendre à celle du bouclier fiscal, on fait payer les plus pauvres au profit des plus riches !

La solution retenue d’accroissement des tarifs des taxes aurait pu être satisfaisante si elle ne pénalisait pas toujours les mêmes personnes, à savoir les étrangers.

Quel est le véritable objectif du Gouvernement ? D’un côté, il prône l’intégration des étrangers, crée des stages de citoyenneté et des contrats d’accueil ; de l’autre, il refuse d’y consacrer les moyens nécessaires et fait peser l’effort financier sur les réfugiés ou sur les demandeurs de visa, y compris les conjoints de Français.

Monsieur le ministre, il faut se donner les moyens de sa politique. Or le Gouvernement a fait le choix du renoncement.

L’arbitrage proposé est inique, car il vise essentiellement les étrangers en situation irrégulière. En effet, la principale ressource supplémentaire créée par cet article est, comme je l’ai déjà indiqué, un droit de visa de régularisation propre aux étrangers en situation irrégulière d’un montant de 220 euros, ceux-là même à qui l’on reproche d’utiliser l’aide médicale d’État pour faire des cures thermales ou de la chirurgie esthétique !

Que dire de la suppression de l’exonération dont bénéficiaient les réfugiés sur les renouvellements de titres de séjour ? On demande désormais à des personnes en situation de précarité de mettre la main à la poche pour compenser le renoncement de l’État !

Pendant ce temps, la politique de l’immigration choisie bat son plein : on consent un cadeau de plus de 5 millions d’euros aux employeurs d’étrangers !

Parce que nous refusons ces arbitrages budgétaires iniques et choquants, nous vous proposons de supprimer cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° II-176.

M. Richard Yung. Cet amendement est identique à celui que vient de présenter notre collègue Jean Desessard.

Sous prétexte de rééquilibrer les recettes de l’OFII, l’article 74 tend à augmenter le montant des taxes que doivent acquitter les étrangers, les personnes les hébergeant, ainsi que les employeurs embauchant des travailleurs étrangers. Avec cette politique, il est prévu de récupérer plus de 10 millions d’euros.

L’article 74 prévoit également de créer un droit de timbre sur les demandes de naturalisation, de réintégration dans la nationalité française et de déclaration d'acquisition de la nationalité à raison du mariage.

Compte tenu des délais de traitement des dossiers et des réponses qui sont données – cela ne concerne pas le ministère de l’intérieur, il est vrai – par le greffe du tribunal du Château des rentiers, responsable de la délivrance des certificats de nationalité française, cette proposition ne manque pas d’humour !

Nous considérons que ces dispositions ne sont pas acceptables, car elles sont sans commune mesure avec celles qui sont appliquées aux citoyens français sollicitant la délivrance d’une pièce d’identité ou d’un document administratif. Nous pensons qu’il devrait y avoir un parallélisme de forme, au moins du point de vue fiscal.

Ces taxes servent surtout à pénaliser les étrangers, qu’ils soient ou non d’ailleurs en situation régulière.

En outre, la création et l’augmentation de ces taxes sont contradictoires, me semble-t-il, avec les objectifs affichés par le Gouvernement. Elles n’encourageront ni l’immigration professionnelle, ni le développement des échanges universitaires, ni l’intégration des étrangers, bien au contraire.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 74.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Ces amendements identiques visent à supprimer l’article 74. Or, comme je l’ai indiqué dans mon rapport écrit, la commission des finances a jugé que les modifications proposées par cet article étaient tout à fait justifiées au regard de l’accroissement de l’activité de l’OFII.

En effet, avec le contrat d’accueil et d’intégration, la préparation à l’intégration du migrant familial dans le pays d’origine et le bilan de compétences professionnelles, l’OFII a vu ses missions considérablement élargies au fil des mois et des années. Il faut bien les financer. Or, dans le contexte budgétaire actuel, ce financement ne pouvait se faire par une augmentation des dépenses de l’État.

Enfin, les hausses sont tout de même très ciblées et s’accompagnent de diminutions de tarifs bienvenues, par exemple pour les attestations d’accueil, pour l’emploi de jeunes professionnels et pour l’embauche de salariés étrangers.

Certes, la commission n’a pu examiner ces amendements, mais elle a adopté l’article 74. En conséquence, j’émets un avis défavorable sur les amendements identiques nos II-35 et II-176.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. S’ils étaient adoptés, ces deux amendements aboutiraient à une situation très précise, très concrète et bien connue : la réduction des recettes de l’État. À ce titre, très honnêtement, ils ne sont pas acceptables.

Pour aller plus loin, je rappelle que nous procédons à des ajustements aussi bien à la hausse qu’à la baisse afin de tenir compte des spécificités de chaque titre. Nous n’appliquons pas une politique uniforme de hausse !

Par exemple, l’exonération de taxe de renouvellement pour les réfugiés n’a pas de justification dix ans après l’obtention du statut. En revanche, l’exonération de taxe de primo-demande, davantage justifiée, demeure inchangée.

La mise en place d’un droit de timbre pour les demandes de naturalisation, les demandes de réintégration dans la nationalité française et les déclarations d’acquisition de la nationalité à raison du mariage me paraît tout à fait justifiée.

Le coût des mesures d’intégration à la charge de l’OFII, dont, je le répète, peuvent bénéficier tous les candidats à l’acquisition de la nationalité française, a fortement augmenté depuis la suppression en 2000 des droits de sceau. Je précise d’ailleurs que le tarif reste très raisonnable, puisque le montant de la taxe sur l’acquisition de la nationalité est quatre à dix fois plus élevé en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni qu’en France.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-35 et II-176.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-177, présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Blondin et Printz, M. Sueur, Mmes M. André et Bonnefoy, MM. Raoul, Frimat, Marc, Rebsamen et Lagauche, Mme Tasca, MM. Assouline, Mermaz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

L'article L. 211-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est abrogé.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. L’article 74 prévoit de réduire de 45 euros à 30 euros le montant de la taxe perçue lors de la demande de validation d’une attestation d’accueil. Le produit de cette taxe est versé à l’OFII.

On nous explique que, à l’heure actuelle, le montant de cette taxe est relativement élevé – on ne sait d’ailleurs pas très bien pourquoi – eu égard à la nature de la démarche. Il est en effet surprenant d’imposer une taxe aux personnes déclarant qu’elles vont héberger un migrant !

Depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, les personnes qui se proposent d’accueillir des étrangers désireux de venir en France doivent acquitter une taxe dès le dépôt de la demande de validation de l’attestation d’accueil. Rappelons que cette taxe est due même si la validation est refusée in fine.

Le montant de la taxe était initialement de 15 euros. Il a été relevé à 30 euros dans la loi de finances pour 2007, puis porté à 45 euros en 2008. Ce montant ne cesse de croître, qui plus est rapidement, afin de financer la création du contrat d’accueil et d’intégration et la mise en place, dans le pays d’origine, de l’évaluation de la maîtrise de la langue française, l’examen de français que fait passer l’OFII.

Notre amendement vise à supprimer cette taxe. Nous considérons qu’il n’est pas acceptable de faire supporter par les personnes hébergeant des étrangers le coût engendré par la mise en œuvre de ces dispositifs d’intégration. C’est une sorte de pénalisation. Il n’appartient pas non plus à ces personnes de compenser la réduction de 4 % de la subvention pour charges de service public que l’État verse chaque année à l’OFII.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer cette augmentation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Comme vient de le rappeler M. Yung, cet amendement vise à supprimer la taxe acquittée lors de la demande de validation d’une attestation d’accueil.

Ayant déjà dit que la commission des finances soutient le dispositif de l’article 74, j’indiquerai simplement que le tarif de la taxe que l’amendement vise à supprimer est diminué par le présent article, puisqu’il passe de 45 euros à 30 euros, ce qui est un niveau raisonnable.

Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Supprimer totalement cette taxe serait particulièrement excessif.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-177.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-178, présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Blondin et Printz, M. Sueur, Mmes M. André et Bonnefoy, MM. Raoul, Frimat, Marc, Rebsamen et Lagauche, Mme Tasca, MM. Assouline, Mermaz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. L’alinéa 3 vise à augmenter la taxe de primo-délivrance de titre de séjour. Le montant de cette taxe, fixé par décret, serait compris entre 200 euros et 385 euros, au lieu de 340 euros actuellement.

En quatre ans, cette taxe aura connu une croissance de près de 75 %. Cette dernière se situe dans un contexte d’augmentation constante des taxes pesant sur les étrangers dans un objectif de financement quasi intégral de la politique d’intégration par les étrangers eux-mêmes, c'est-à-dire par ceux qui ont le moins de ressources.

Pour ces raisons, nous vous proposons d’adopter le présent amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. La hausse du taux de la taxe de primo-délivrance de titre de séjour, prévue à l’alinéa 3, est indispensable et justifiée, puisque nous avons atteint le plafond de la fourchette de tarif, qui est de 340 euros.

En conséquence, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Ce n’est pas la taxe de primo-délivrance elle-même qui est en cause, mais le plafond des tarifs possibles qui sont fixés par décret.

Par ailleurs, je vous précise, monsieur Yung, que le tarif plafond qui est proposé reste, malgré son augmentation, très inférieur au montant des taxes acquittées par les étrangers dans la plupart des pays européens. Si l’on établit une comparaison, nous nous situons non pas au-dessus de nos voisins, mais globalement, pour ne pas dire systématiquement, en-deçà.

Pour les mêmes raisons que la commission, l’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-178.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-179, présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Blondin et Printz, M. Sueur, Mmes M. André et Bonnefoy, MM. Raoul, Frimat, Marc, Rebsamen et Lagauche, Mme Tasca, MM. Assouline, Mermaz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Le présent amendement tend à supprimer l'augmentation de la taxe devant être acquittée par un ressortissant étranger lors du renouvellement de son titre de séjour ou lors de la fourniture d'un duplicata.

Si l’article 74 était adopté en l’état, cette taxe, dont le montant est fixé par décret, pourrait s’élever à 220 euros au lieu de 110 euros, ce qui représente un doublement par rapport au tarif actuel

Pour les raisons que j’ai déjà évoquées, nous considérons que c’est une charge extrêmement lourde et indue, imposée à des étrangers dont le niveau de vie est faible.

Nous vous invitons donc à voter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. L’idée qui sous-tend cet alinéa de moduler le tarif de la taxe selon la durée du titre de séjour me paraît, au contraire, très intéressante.

En effet, il paraît logique de ne pas faire payer autant la personne qui renouvelle un titre tous les ans que celle qui ne doit le faire que tous les dix ans.

Par conséquent, à titre personnel, puisque la commission ne s’est pas réunie, je suis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. L’augmentation de marge proposée permettra de moduler le tarif en fonction, notamment, de la durée du titre détenu.

Autrement dit, le titre d’une durée de dix ans donnera lieu à une taxe plus élevée que celui dont la durée est d’un an. Le tarif de ce dernier sera diminué par rapport au tarif actuel.

Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-179.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-180, présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Blondin et Printz, M. Sueur, Mmes M. André et Bonnefoy, MM. Raoul, Frimat, Marc, Rebsamen et Lagauche, Mme Tasca, MM. Assouline, Mermaz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Le présent amendement vise à supprimer la disposition restreignant la réduction actuellement prévue de la taxe acquittée par l'étranger titulaire d’un visa étudiant, lors du renouvellement de son titre de séjour ou lors de la fourniture d'un duplicata, comme c’était le cas dans l’exemple précédent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. La disposition de l’alinéa 6 que cet amendement tend à supprimer procède, comme pour l’alinéa précédent, de l’idée de moduler le tarif de la taxe en fonction de la durée du titre de séjour.

Il est logique qu’un étudiant étranger demeurant quatre mois sur le territoire français ne paie pas le même tarif que celui qui y séjourne trois ans ou plus.

En conséquence, j’émets également un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement est du même avis que la commission. J’ajoute que cet amendement n’est pas financé.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-180.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-181, présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Blondin et Printz, M. Sueur, Mmes M. André et Bonnefoy, MM. Raoul, Frimat, Marc, Rebsamen et Lagauche, Mme Tasca, MM. Assouline, Mermaz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Le présent amendement vise à supprimer l'exonération de taxe dont bénéficient les réfugiés et les étrangers qui se sont vu accorder le statut de la protection subsidiaire, lorsqu’ils sollicitent le renouvellement de leur titre de séjour ou la fourniture de duplicata.

Certes, le deuxième alinéa de l’article 29 de la convention de Genève de 1951 prévoit la possibilité d’appliquer aux réfugiés les dispositions des lois et règlements concernant les taxes afférentes à la délivrance de documents administratifs, pièces d’identité comprises, mais ce n’est pas une obligation.

Cela étant, l’alinéa 7 de l’article 74 est contraire aux principes de générosité de notre pays, mis en avant d’ailleurs par le Gouvernement pour promouvoir sa politique d’asile.

Par conséquent, nous proposons la suppression de cet alinéa.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. L’article 74 tend en effet à supprimer l’exonération de la taxe appliquée au renouvellement des titres de séjour délivrés aux réfugiés. Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer dans mon rapport écrit, cette suppression se justifie par le fait que les réfugiés bénéficient d’une carte de résident valable dix ans.

Par conséquent, au moment du renouvellement de ce titre, ils sont installés en France depuis dix années au cours desquelles ils se sont donc intégrés à la population française, comme l’ensemble des étrangers. Il n’y a donc pas lieu de leur appliquer un régime spécifique.

Aussi, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-181.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-182, présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Blondin et Printz, M. Sueur, Mmes M. André et Bonnefoy, MM. Raoul, Frimat, Marc, Rebsamen et Lagauche, Mme Tasca, MM. Assouline, Mermaz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 8

Après le mot :

par

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

les mots : « 20 euros pour le mineur de moins de quinze ans et de 45 euros pour un mineur de quinze ans et plus ».

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement appelle une argumentation un peu différente des précédentes.

Dans l’exposé des motifs de l’article 74, le Gouvernement justifie l’augmentation du montant de la taxe applicable au titre d'identité républicain et au document de circulation pour étranger mineur par l’alignement de ce montant sur celui qui est applicable au tarif du passeport français pour mineur.

C’est une bonne politique : on aligne la taxe imposée aux étrangers sur celle qui est applicable aux Français.

Cependant, sachant que le droit de timbre pour la délivrance d'un passeport s’élève à 20 euros seulement pour un mineur de moins de quinze ans et à 45 euros pour ceux qui sont âgés de quinze ans et plus, le présent amendement tend à tenir compte de la volonté du Gouvernement en alignant – vous voyez, monsieur le ministre, nous vous aidons ! – le montant de la taxe strictement sur celui du droit de timbre pour la délivrance d’un passeport, en reprenant la modulation du tarif selon l'âge du mineur français.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Pour des raisons déjà évoquées à de multiples reprises, la commission des finances est favorable aux augmentations de tarif qui sont prévues à l’article 74.

Elles sont, en effet, nécessaires au financement des actions utiles d’intégration menées par l’OFII. Il faut donner à ce dernier les moyens de sa politique.

Aussi, je suis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. En premier lieu, tout en comprenant l’idée qui sous-tend cet amendement, il me semble très difficile d’opérer une distinction selon l’âge des mineurs, car il s’agit d’une donnée extrêmement imprécise. On aboutirait certainement à des injustices.

En second lieu, je partage les raisons évoquées par M. le rapporteur spécial. Il ne faut pas chercher à diminuer les moyens de l’OFII qui est un instrument important en matière d’intégration. Les mesures votées ne doivent donc pas entraîner une diminution des crédits de cet organisme.

Pour ces deux raisons, en insistant tout particulièrement sur la première, monsieur Yung, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-182.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-183, présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Blondin et Printz, M. Sueur, Mmes M. André et Bonnefoy, MM. Raoul, Frimat, Marc, Rebsamen et Lagauche, Mme Tasca, MM. Assouline, Mermaz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 11

Remplacer les mots :

à 220 €

par les mots :

au double du droit qui lui aurait été appliqué normalement

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. En l’état actuel de la législation, tout ressortissant étranger qui souhaite régulariser sa situation au regard du droit d’entrée et de séjour des étrangers doit acquitter une taxe dont le montant est égal au double du droit qui lui aurait été appliqué s’il avait sollicité un visa de court ou long séjour.

L’alinéa 11 de l’article 74 tend à remplacer ce double droit de chancellerie par une pénalité dénommée « droit de visa de régularisation » d’un montant forfaitaire de 220 euros.

Cet alinéa pose cependant un problème dans la mesure où le montant forfaitaire visé est largement supérieur au double du droit actuel. Ainsi, l’augmentation envisagée serait de 83 % pour les visas de courte durée, puisque le montant s’élèverait à 220 euros au lieu de 120 euros.

Le présent amendement tend à maintenir le double droit de chancellerie, conformément à la politique en place à ce jour. Les étrangers qui souhaitent régulariser leur situation continueront ainsi de verser 120 euros, soit deux fois 60 euros, pour un visa de court séjour et 198 euros pour un visa de long séjour, soit deux fois 99 euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Cette taxe de 220 euros se substitue à un dispositif complexe du double droit de chancellerie.

Elle s’applique aux étrangers qui auraient dû demander un visa pour entrer et s’établir régulièrement en France, mais qui ne l’ont pas fait.

Dans ce cas précis, acquitter un droit de 220 euros ne paraît pas excessif, c’est le moins que l’on puisse dire !

En conséquence, je suis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Le système actuel est devenu illisible, incompréhensible, inéquitable et il fonctionne très mal sur le terrain.

C’est la raison pour laquelle nous proposons un système visant à créer une pénalité simple, générale, forfaitaire et, donc, certainement plus juste, notamment sur le plan pédagogique.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-183.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-184, présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Blondin et Printz, M. Sueur, Mmes M. André et Bonnefoy, MM. Raoul, Frimat, Marc, Rebsamen et Lagauche, Mme Tasca, MM. Assouline, Mermaz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 16

Remplacer les montants :

50 et 300 €

par les montants :

25 et 150 €

II. - En conséquence, alinéas 17 et 18

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

8° Au cinquième alinéa du même article, le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 30 % » ;

9° À la fin du sixième alinéa du même article, les montants : « 50 euros et 300 euros » sont remplacés par les montants : « 25 euros et 150 euros » ;

10° À la première phrase du septième alinéa du même article, le montant : « 50 euros » est remplacé par le montant : « 25 euros ».

III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Je n’ai décidemment pas de chance ce soir avec mes amendements !

Le présent amendement, relatif aux alinéas 15 à 18, vise à réduire de moitié le montant des taxes pesant sur les employeurs qui embauchent un travailleur étranger.

Nous pensons, en effet, que ceux qui déclarent officiellement employer des travailleurs étrangers sont, en quelque sorte, vertueux, tandis que ceux qui s’en abstiennent devraient être pénalisés financièrement.

L’augmentation considérable de ces taxes constitue un frein à l’embauche des travailleurs étrangers.

M. Jean-Louis Carrère. C’est un frein à la vertu !

M. Richard Yung. Elle est de nature à décourager les employeurs à cet égard, ce qui n’est pas une bonne chose.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Comme je l’ai dit à de nombreuses reprises à l’occasion des différents amendements de M. Yung, l’article 74 va déjà dans le sens d’une réduction des taxes dues par les employeurs de salariés étrangers. Une telle démarche est conforme à la volonté de renforcer l’immigration économique, et il convient de s’en satisfaire.

Il faut se garder de réduire excessivement ces taxes alors même que l’OFII a un besoin croissant de ressources financières, ainsi que je l’ai rappelé.

J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. L’amendement coûterait près de 15 millions d’euros à l’OFII.

Pour toutes les raisons que j’ai déjà évoquées tout à l’heure, je ne peux émettre qu’un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-184.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-224, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéas 19 et 20

Rédiger ainsi ces alinéas :

III. - 1. À la fin de l'avant-dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 311-9 du même code, les mots : « ou par l'établissement public appelé à lui succéder », et à la fin du premier alinéa de l'article L. 311-15 dudit code, les mots : « ou de l'établissement public appelé à lui succéder » sont supprimés.

2. À la première phrase du premier alinéa des A et B et au C de l'article L. 311-13 du même code, les mots : « l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou de l'établissement public appelé à lui succéder » et au D du même article, les mots : « l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou à l'établissement public appelé à lui succéder » sont remplacés par les mots : « l'Office français de l'immigration et de l'intégration ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, qui devrait faire l’unanimité au sein de notre Haute Assemblée.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-224.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-36 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° II-185 est présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage, Blondin et Printz, M. Sueur, Mmes M. André et Bonnefoy, MM. Raoul, Frimat, Marc, Rebsamen et Lagauche, Mme Tasca, MM. Assouline, Mermaz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 21 à 23

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° II-36.

M. Jean Desessard. Par cet amendement, nous nous opposons à la mise en place d’un droit de timbre sur la demande de naturalisation, la demande de réintégration et la déclaration d’acquisition de nationalité par mariage.

Nous déplorons tout particulièrement l’établissement d’un droit de timbre pour les demandes de naturalisation prévues par les alinéas 21 à 23 de cet article.

L’évaluation préalable annexée au projet de loi de finances nous rappelle que la naturalisation coûte 214 euros en Italie, 255 euros en Allemagne et 882 euros au Royaume-Uni.

Mme Nathalie Goulet. Et aux États-Unis ?

M. Jean Desessard. Soit, ma chère collègue, mais on a oublié de dire que la naturalisation ne coûte rien dans nombre d’autres États européens.

L’argument comparatif est d’ailleurs très audacieux, voire dangereux, de la part du Gouvernement, quand on sait que ces taxes ont avant tout un effet dissuasif. Si leur montant est élevé, ce n’est pas pour éviter les renouvellements abusifs de demandes ; c’est surtout pour éviter toute demande. L’objectif du Gouvernement est-il de stopper net des naturalisations en fixant un prix rédhibitoire pour le dépôt d’un dossier de naturalisation ?

Nous refusons que la naturalisation soit monnayée. Elle est un acte fort, un acte symbolique qui coûte à l’histoire et au parcours des étrangers. Il ne doit pas s’agir d’un guichet, et l’étranger ne doit pas être le payeur !

La naturalisation doit être envisagée comme un cadeau que la France offre à ses nouveaux ressortissants, un cadeau d’accueil (Mmes Nathalie Goulet et Catherine Procaccia s’exclament), dans la pure tradition française, que votre Gouvernement tente de mettre à mal.

Nous refusons que la citoyenneté française ait un coût pécuniaire. Elle ne se monnaye pas. C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer les alinéas 21 à 23 de cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° II-185.

M. Richard Yung. Cet amendement est identique à l’amendement n° II-36, et je n’aurai pas la même éloquence que M. Desessard pour le présenter.

M. Jean Desessard. Merci, mon cher collègue !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Au regard des tarifs qui sont appliqués par nos voisins européens – ils viennent d’être rappelés à l’instant par M. Desessard –, la création d’un droit de timbre à hauteur de 55 euros pour les demandes de naturalisation me paraît très raisonnable.

En outre, une telle création est nécessaire pour assumer financièrement la montée en puissance des missions de l’OFII, que nous avons également eu l’occasion d’évoquer voilà quelques instants, en faveur de l’intégration des étrangers.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les deux amendements nos II-36 et II-185.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. L’adoption de ces amendements identiques aboutirait, comme les amendements précédents, à une diminution des recettes de l’État. À ce titre, ils ne sont pas acceptables.

Par ailleurs, et je rejoins M. le rapporteur spécial sur ce point, j’estime que la création d’un tel droit de timbre se justifie et que le tarif est des plus raisonnables. Je vous ai donné des éléments de comparaison voilà quelques instants.

Je vous rappelle que la carte nationale d’identité est délivrée gratuitement en France et que le coût du passeport n’est pas spécifique aux naturalisés.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Ces deux amendements identiques sont très intéressants, mais je souhaite apporter une précision.

Aux États-Unis, il faut un avocat pour une simple démarche d’obtention d’une carte de séjour ou d’un permis de travail, de même que pour une procédure de mariage ! Cela coûte 5 000 dollars. Et une personne en situation irrégulière qui se fait prendre n’a aucune possibilité de régularisation !

Certes, la France n’est pas les États-Unis, mais les tarifs prévus dans le présent projet de loi de finances me semblent tout à fait raisonnables et accessibles. (Mme Catherine Procaccia acquiesce.)

C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-36 et II-185.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 74, modifié.

(L'article 74 est adopté.)

Article 74
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Sécurité

Article additionnel après l’article 74

Mme la présidente. L'amendement n° II-167 rectifié, présenté par MM. Bernard-Reymond et Frécon, est ainsi libellé :

Après l'article 74, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le bénéfice de l'aide juridictionnelle peut être demandé au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception par le requérant de l'accusé de réception de son recours, lequel l'informe des modalités de cette demande. »

La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.

M. Pierre Bernard-Reymond. En tant que rapporteurs spéciaux de la commission des finances respectivement pour les missions « Conseil et contrôle de l’État » et « Immigration, asile et intégration », Jean-Claude Frécon et moi-même avons mis en œuvre cette année un contrôle sur la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA.

Il est ressorti de ces travaux que les délais excessifs de jugement devant la CNDA avaient une incidence budgétaire majeure sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Parmi les raisons qui expliquent les délais de jugement excessifs de la CNDA, actuellement supérieurs à treize mois, figure le fait que les demandes d’aide juridictionnelle sont très souvent formulées le jour même de l’audience. La formation de jugement est alors tenue de reporter l’examen de l’affaire, le temps pour le bureau d’aide juridictionnelle de statuer sur cette demande et de désigner, en cas d’admission, un avocat inscrit sur la liste des barreaux. D’ailleurs, il y en a très peu.

Il en résulte de très nombreux renvois, qui portent préjudice aux autres requérants, dont les dossiers auraient pu être examinés s’ils avaient bénéficié d’une inscription « utile » à l’audience. Ainsi, les demandes d’aide juridictionnelle présentées après enrôlement sont à l’origine de 20 % des renvois.

Dès lors, cet amendement a pour objet, sans priver ni limiter d’aucune manière les requérants du droit à l’aide juridictionnelle, d’en rationaliser l’exercice quant aux délais de présentation, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

Il prévoit ainsi que l’aide doit être sollicitée au plus tard dans le mois suivant la réception par le demandeur de l’accusé de réception de son recours. Cet accusé de réception mentionnera formellement la nécessité de présenter la demande d’aide juridictionnelle dans ce délai, à peine de forclusion, et donnera toutes les informations utiles pour la formuler.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Le dispositif que l’amendement proposé par M. Bernard-Reymond tend à instituer favorisera ce qu’on appelle une « bonne administration de la justice ». Il permettra de neutraliser les auteurs de recours de dernière minute, qui désorganisent le traitement d’un certain nombre de dossiers.

Je précise d’ailleurs que la réduction à un mois de délai de procédure de demande d’asile entraînera des économies – j’insiste sur ce point, puisque nous débattons du projet de budget de la mission – de l’ordre de 10 millions d’euros !

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-167 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 74.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Sécurité

Article additionnel après l’article 74
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 48 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Sécurité » est dotée de 16,818 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 16,819 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 2,7 % par rapport à l’exercice précédent.

Comme en 2009 et en 2010, son budget pour 2011 est adossé à la future loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI 2.

Toutefois, des écarts significatifs existent avec la programmation triennale prévue par la loi de programmation des finances publiques. Hors charges de pension, la programmation triennale est plus généreuse de 88 millions d’euros que la LOPPSI 2 en 2011, puis plus restrictive de 74 millions d’euros en 2012 et de 316 millions d’euros en 2013.

Ces différences appellent une remise en cohérence de la part du Gouvernement, afin de sortir de l’incertitude actuelle. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Grâce aux moyens consentis en loi de finances, la police et la gendarmerie devront continuer de s’adapter à une délinquance en perpétuelle évolution.

Je souhaite relever quelques décisions marquantes pour 2011.

Tout d’abord, à compter du 1er janvier 2011, la responsabilité du transfèrement des détenus entre leur cellule et les palais de justice, ainsi que les missions d’escorte et de garde des détenus hospitalisés dans les unités hospitalières sécurisées interrégionales, seront attribuées au ministère de la justice. En contrepartie, celui-ci se verra accorder 800 emplois supplémentaires entre 2011 et 2013, en provenance des crédits de la mission « Sécurité ». On peut se réjouir que le Gouvernement ait enfin écouté les parlementaires.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. S’il en avait été ainsi plus tôt, nous aurions pu gagner dix ans...

J’ajoute qu’un recours accru à la vidéoconférence serait par ailleurs souhaitable pour limiter les transfèrements. Voilà une fois de plus une proposition portée depuis bien longtemps par notre commission des finances que le Gouvernement serait fort avisé de mettre en œuvre.

Ensuite, j’en viens aux « doublons » entre la police et la gendarmerie ; l’effort devra être poursuivi en 2011. Lancée en 2010, la réorganisation des services informatiques de la police et de la gendarmerie a permis de déboucher sur la création d’un service commun. Espérons que celui-ci permettra d’éviter les errements du passé, comme la non-compatibilité des systèmes de communication ACROPOL pour la police et Rubis pour la gendarmerie.

Au regard des effectifs, le programme Police nationale enregistre une baisse, à périmètre constant, de 712 emplois équivalents temps plein travaillé, ou ETPT. La révision générale des politiques publiques, la RGPP, fixe également pour objectif, dans la gendarmerie, une réduction de 960 ETPT en 2011. Il faut toutefois rappeler que la France se classe parmi les plus fortes densités policières des pays comparables, ce qui doit nous amener à relativiser le jugement porté sur cette baisse.

En outre, la maîtrise de la dépense de personnels doit demeurer une priorité. Le décret d’avance soumis à la commission des finances la semaine dernière met en lumière des dépenses supplémentaires d’environ 40 millions d’euros pour le programme Police nationale, du fait de l’application des différentes mesures catégorielles et des protocoles signés depuis 2007.

Plus préoccupant, le recul des crédits de fonctionnement de la police nationale pose de vraies questions. Après la prise en compte des arbitrages réalisés en gestion au cours de l’exercice 2010, cette diminution est de 5,5 % en 2011. Un seuil ultime est ainsi certainement atteint. Aller au-delà ferait désormais peser un risque sur le potentiel opérationnel de cette force.

De même, les dépenses de fonctionnement de la gendarmerie diminuent de 2 %. Dans un contexte de réduction des crédits, et afin de préserver la continuité du service ainsi que la performance des unités, le choix a été fait, malgré tout, de « sanctuariser » les dépenses de fonctionnement courant, et ce au détriment des investissements.

En guise de conclusion, il convient de rappeler que les crédits consentis aux programmes Police nationale et Gendarmerie nationale contribueront d’autant plus à l’efficacité de nos forces de sécurité que celles-ci continueront d’avancer sur la voie de la rationalisation de leurs moyens.

La police et la gendarmerie n’en ont pas encore fini avec leur processus de mutation et de modernisation.

Au total, la commission des finances est favorable à l’adoption des crédits proposés pour la mission « Sécurité » et pour chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’il me soit permis avant toute chose de rendre hommage aux vingt-quatre policiers et gendarmes morts en 2009 dans l’exercice de leurs missions et d’apporter, en votre nom à tous, un message de soutien et d’estime à leurs familles respectives.

Je ne reviendrai pas en détail sur les chiffres qui ont déjà été commentés lors de l’intervention précédente. J’aimerais, en revanche, faire quelques remarques sur la mission « Sécurité ».

Tout d’abord, cela fait longtemps que je plaide, au sein de la commission des lois et dans cet hémicycle, pour la suppression des tâches, dites « indues », effectuées par les services de la police et de la gendarmerie, c’est-à-dire les concours apportés à la justice, les gardes statiques et les tâches administratives réalisées au profit d’autres administrations.

Elles désorganisent, en effet, bien souvent les services et réduisent leur efficacité dans l’accomplissement de leurs véritables missions. C’est pourquoi nous pouvons nous réjouir que des progrès significatifs soient sur le point d’être accomplis sur ce sujet, et je vous en remercie, monsieur le ministre.

Dans un autre domaine, mais avec le même souci d’assurer la meilleure adéquation entre les personnels et les missions qui leurs sont confiées, le ministère menait depuis plusieurs années une politique de recentrage des policiers et des gendarmes sur leur cœur de métier, associée à la création d’emplois pour les personnels spécialisés dans les soutiens logistique, administratif et financier.

Monsieur le ministre, compte tenu des efforts consentis en matière de maîtrise des effectifs, cette action pourra-t-elle se poursuivre au cours de l’année 2011 et des années suivantes ? C’est ma première interrogation.

J’évoquerai, ensuite, la nécessaire amélioration du taux d’élucidation des faits de délinquance. Il faut d’abord saluer l’abandon, comme indicateur du projet annuel de performance, du taux global d’élucidation : il s’agissait, en effet, d’une moyenne entre des réalités par trop disparates. La nouvelle présentation, plus claire, permet de faire ressortir de bons résultats en matière d’atteinte volontaire à l’intégrité physique des personnes, avec près de 60 % de faits élucidés.

Cependant, elle met également en avant un taux de seulement 15 % d’élucidation pour les atteintes aux biens : il reste très difficile d’élucider les vols à la roulotte ou les cambriolages, pour ne prendre que ces exemples. C’est justement pour améliorer cette situation que la commission des lois a adopté sur mon initiative, lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI, un amendement tendant à créer un fonds de soutien permettant, en particulier, d’effectuer plus souvent des recherches ADN, et alimenté en partie par les sociétés d’assurance.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, – c’est ma deuxième interrogation – nous faire part de l’état d’avancement des négociations que vous menez avec celles-ci pour faire aboutir ce nouveau dispositif qui sera probablement créé après l’adoption définitive de la LOPPSI ?

Par ailleurs, ma troisième interrogation porte sur l’organisation de nos services de renseignement intérieurs telle qu’elle résulte de la réforme qui a fusionné les renseignements généraux et la direction de la surveillance du territoire, la DST. La direction centrale du renseignement intérieur, la DCRI, issue de cette fusion, est rattachée à la direction générale de la police nationale.

De ce fait, la DCRI ne possède pas, des points de vue organisationnel et financier, la même autonomie que son homologue chargée du renseignement extérieur, ce qui peut nuire, notamment, à sa capacité à recruter de jeunes talents ou à adapter l’organisation de ses personnels à la spécificité de ses missions.

Ne serait-il pas préférable, monsieur le ministre, de placer cette direction sous votre autorité, de la même façon que la direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, est placée directement sous l’autorité du ministre chargé de la défense ?

Enfin, j’aimerais aborder la question du rapprochement entre la police et la gendarmerie nationale. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)

Ce rapprochement a connu récemment d’importantes étapes avec, notamment, la création de deux nouveaux services communs : d’une part, le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure, rattaché organiquement à la direction générale de la gendarmerie nationale, mais copiloté par les deux directeurs généraux, d’autre part, la direction de la coopération internationale rattachée à la police et constituée par la fusion de la sous-direction de la coopération internationale, de la direction générale de la gendarmerie nationale et du service de coopération technique internationale de police.

D’un point de vue opérationnel, de nouvelles unités de coordination ont également été créées : l’unité de coordination pour la lutte contre l’insécurité routière, l’UCLIR, et l’unité de coordination des forces d’intervention, UCOFI, afin de rapprocher le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, le GIGN, et la force d’intervention de la police nationale, la FIPN. Malgré ces créations, certains représentants syndicaux m’ont fait part de difficultés persistantes pour les deux forces à travailler véritablement de concert.

Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, de manière très concrète, et pour ne prendre que cet exemple, en quoi a consisté en 2009 et en 2010 la coopération des deux forces d’intervention de la police et de la gendarmerie que sont la FIPN et le GIGN ?

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable aux crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Faure, rapporteur pour avis.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de la brièveté du temps qui m’est imparti, je souhaite évoquer trois sujets qui sont l’expression de la préoccupation de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Le premier sujet concerne le maintien de la capacité opérationnelle de la gendarmerie et du maillage territorial.

Après la suppression de 3 500 emplois entre 2008 et 2010, la gendarmerie devrait perdre de nouveau 3 000 postes entre 2011 et 2013, en application de la règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Comme nous le savons tous ici, les contraintes budgétaires qui pèsent sur notre pays sont particulièrement fortes.

Toutefois, je ne vous cacherai pas, monsieur le ministre, que la commission des affaires étrangères, à l’unanimité, s’est montrée préoccupée par la poursuite de cette baisse des effectifs au sein de la gendarmerie.

En continuant à ce rythme, ne risque-t-on pas de remettre en cause, à terme, la capacité opérationnelle de la gendarmerie et la densité du maillage territorial assuré par les brigades territoriales ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, applaudirez-vous à la fin de mon intervention ?

M. Jean-Louis Carrère. Nous applaudissons quand bon nous semble !

M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Ne pourrait-on pas faire porter cet effort par une réduction équivalente des gendarmes employés à des tâches indues ? À cet égard, je me félicite que vous ayez obtenu, monsieur le ministre, l’attribution des transfèrements judiciaires à l’administration pénitentiaire. Comme je peux le constater dans mon département, cette charge pèse très lourdement sur la gendarmerie et désorganise les unités.

Ma deuxième préoccupation a trait à la forte réduction des crédits d’investissement de la gendarmerie au cours des prochaines années.

Cette réduction de l’enveloppe des investissements devrait retarder le renouvellement des hélicoptères Écureuil, en service dans la gendarmerie depuis 1978, et des véhicules blindés. Elle devrait également retarder la modernisation des casernes du parc domanial de la gendarmerie, dont 70 % ont plus de vingt-cinq ans et ont atteint un degré de vétusté préoccupant.

Enfin, le troisième sujet que je veux évoquer concerne le financement des opérations extérieures, les OPEX.

Actuellement, plus de 700 gendarmes sont engagés dans des OPEX, notamment en Afrique, dans les Balkans et en Géorgie. Plus de 200 gendarmes français sont déployés en Afghanistan où ils conseillent la police afghane.

Comme j’ai eu l’occasion de le constater lors d’un déplacement dans ce pays à vos côtés, monsieur le ministre, l’action des gendarmes français est très appréciée en Afghanistan, tant par les autorités afghanes que par les responsables militaires américains. Au titre des OPEX, la gendarmerie bénéficie d’un financement de 15 millions d’euros, mais cette dotation est structurellement insuffisante pour couvrir les dépenses.

Pour la seule mission en Afghanistan, le coût est évalué à 20 millions d’euros. Chaque année, le surcoût est de 10 millions à 15  millions d’euros ; cette année, il pourrait même s’élever à près de 30 millions d’euros. Or, faute de financement suffisant, ces crédits sont prélevés sur les autres postes de dépenses du budget de la gendarmerie par des redéploiements de crédits.

Monsieur le ministre, il serait souhaitable de mieux évaluer le coût prévisible des OPEX et, en cas de dépassement, de financer ces dernières par la réserve interministérielle, à l’instar de ce qui est prévu pour les armées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

En conclusion, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, malgré les réserves que je viens d’évoquer, vous invite à adopter les crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’actualité me conduit à introduire mon propos par une citation extraite de la résolution générale du quatre-vingt-treizième Congrès des maires et présidents de communautés de France, le 26 novembre dernier : « Le Congrès rappelle que la sécurité des citoyens est l’affaire commune de l’État et des collectivités territoriales, mais avec des responsabilités bien distinctes. Le Congrès appelle à un véritable partenariat entre les services des collectivités et ceux de l’État, dans le respect des compétences de chacun. Il rappelle son attachement vigilant au maintien des effectifs et à la présence des services de l’État sur le terrain. » Nous n’en prenons pas le chemin !

Voyons l’évolution de la gendarmerie. Ce sujet intéresse au plus haut point les élus locaux et, par voie de conséquence, les sénateurs. Pourquoi ? Parce que les maires de France pensent, monsieur le ministre, que la gendarmerie n’est plus en situation d’assurer une présence rurale et nationale adaptée aux évolutions de la délinquance et aux besoins du maintien de l’ordre et capable de prévenir, d’anticiper, d’agir avant que des faits délictueux ne se produisent. C’est simple : aujourd’hui le service public de la sécurité n’est plus assuré également sur l’ensemble du territoire !

On nous dit, comme cela vient encore d’être rappelé à l’instant, que le rattachement police-gendarmerie fonctionne bien, qu’il est en bonne voie…

Le problème est que ce rattachement devient petit à petit une fusion, une marche inévitable vers une force unique de sécurité ! À terme, il y aura non plus deux, mais une seule force, avec des spécialités différentes. Il sera alors impossible, vous le savez bien, de maintenir deux statuts, l’un, civil et l’autre, militaire. Or l’organisation de la République requiert deux forces, deux statuts, avec une bonne coordination, au travers d’un dispositif fonctionnel et opérationnel qui garantisse le maintien de la spécificité de la gendarmerie, indispensable pour notre sécurité en milieu rural et rurbain.

Je suis donc tout à fait défavorable à la concentration de tous les pouvoirs de police au sein d’un même ministère.

Quel est le sentiment sur le terrain ? Je vais vous le dire : les gendarmes ne sont plus là, ni là où il faut. La raréfaction de leur présence sur le terrain est la conséquence directe de votre politique depuis 2002. Je réside à côté de la gendarmerie d’Hagetmau. Depuis presque trois ans, celle-ci est toujours fermée. Il faut téléphoner, bientôt il faudra prendre rendez-vous, pour être assisté par ce corps de sécurité qui, naguère, garantissait une présence territoriale inégalée !

Monsieur le ministre, de vastes zones rurales et périurbaines sont désertées pour parer au plus pressé en zone urbaine, dans les grandes agglomérations et leurs quartiers.

Pour les élus locaux, ce qui importe, c’est la présence et l’action des forces de sécurité sur le terrain, dans la durée, en particulier en zone rurale. La diminution des effectifs de gendarmes a pour effet, notamment, d’allonger les délais d’intervention. Cette politique ne cesse de montrer ses limites.

Je dirai à présent un mot de votre budget, qui est le reflet de cette mauvaise politique.

La révision générale des politiques publiques, cela vient d’être rappelé, continue à faire des ravages parmi les forces de sécurité. La saignée se poursuit. Dans la gendarmerie, 957 emplois sont concernés.

Nous voudrions savoir, monsieur le ministre, quels sont exactement les secteurs affectés et les fonctions touchées par cette baisse constante des effectifs.

Permettez-moi de donner un premier exemple : la baisse des effectifs de gendarmes vous contraindra à supprimer des escadrons de gendarmerie mobile, et même à diminuer le nombre de personnels dans les escadrons. Leur nombre s’élève aujourd’hui à 110 ou 115 ; combien seront-ils demain ?

Affaiblir la « mobile », sollicitée aussi par ses missions dans le cadre des opérations extérieures, est chose dangereuse, face aux risques inhérents aux missions de maintien de l’ordre, très exigeantes pour les personnels qui les composent. Actuellement, des unités rencontrent des difficultés pour partir en mission avec l’effectif demandé et sont obligées d’obtenir des renforts en personnel provenant d’autres escadrons.

Deuxième exemple : la brigade doit être placée au cœur de la population, pour lui permettre, grâce à sa connaissance approfondie du milieu dans lequel elle évolue, d’intervenir avec rapidité et efficacité, voire de prévenir les infractions. Est-ce toujours le cas ? Non, et les élus éprouvent un sentiment d’abandon !

Au Sénat, nous le savons, parce que, comme vous, monsieur le ministre, nous écoutons les élus qui nous disent que certaines communes sont délaissées et qu’il ne suffit pas d’envoyer en urgence des gendarmes quand « ça chauffe » : de gros problèmes se posent et il est nécessaire d’assurer partout une présence constante et régulière.

Regroupés en plusieurs brigades, les gendarmes sont appelés à intervenir sur un grand territoire ; ils sont donc souvent bien loin lorsqu’arrive un appel urgent et ils doivent parcourir de nombreux kilomètres les jours suivants pour mener auditions et enquêtes. La permanence n’est, de fait, plus assurée à la gendarmerie locale, car ces personnels sont très souvent sur la route. Bref, l’organisation de la gendarmerie est aujourd'hui très insatisfaisante.

On ne pourra pas poursuivre sur le même rythme les suppressions d’emplois sans affecter véritablement la capacité opérationnelle de la gendarmerie. Monsieur le ministre, sans le vouloir peut-être, vous l’avez réellement affaiblie !

Votre échec en matière de sécurité est patent. L’excès de communication ne remplace pas l’action et nos concitoyens savent bien que, depuis 2002, peu de chose ont été résolues en profondeur. Une politique sécuritaire faite de coups d’éclat médiatisés n’apporte ni tranquillité ni sécurité dans la durée.

En outre, monsieur le ministre, nous savons que vos prévisions budgétaires ne sont pas bonnes. Il suffit de relire les commentaires du président de la commission des finances pour être édifié.

Mauvaise gouvernance encore que cette demande d’ouverture de crédits d’urgence – elle me surprend beaucoup – de 930 millions d’euros pour assurer le versement des traitements de décembre de certains fonctionnaires appartenant à huit ministères, dont l’éducation nationale, la défense et l’intérieur. Vos contestables prévisions budgétaires posent avec force la question de la sincérité des budgets présentés au Parlement. En même temps, la France n’a-t-elle pas l’arrogance de donner des leçons de gouvernance aux autres pays européens ?

Non, monsieur le ministre, la politique que vous conduisez n’est pas la bonne ! Elle nous conduit à la diminution de l’assise territoriale de la gendarmerie ; alors que la délinquance et l’insécurité progressent, vous réduisez le format de nos forces de sécurité. Votre politique n’est qu’apparences, chiffres et coups d’éclat : nous la combattrons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est ferme !

M. Alain Anziani. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je m’interdirai aujourd’hui, plus que d’autres fois encore, d’être excessive.

M. Laurent Béteille. C’est bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. L’excès rend inaudible la prise de parole, qu’il consiste à critiquer ou, à l’inverse, à se féliciter d’une opération, d’un texte, d’un événement, dont on sait, dans son for intérieur, qu’il est perfectible.

Je ne me référerai donc pas à cette diatribe portée contre l’administration de la police par des policiers eux-mêmes, ni à ces satisfecit à propos de statistiques qui me laissent toujours perplexe.

Comme sûrement nombre de membres de cette Haute Assemblée, je fais le constat d’une société où se creusent les écarts, où les personnes les plus fragiles sont de plus en plus fragiles, les plus déstructurées de plus en plus déstructurées, les plus violentes de plus en plus violentes. Dans ce contexte, la mission de l’État, qui est d’être le garant de la liberté de chacun et le protecteur de toutes les personnes, est d’une particulière difficulté, personne ne le méconnaît.

Je veux saluer la manière de servir exemplaire de nos forces de police et de gendarmerie.

Mmes Nathalie Goulet et Christiane Kammermann. Très bien !

M. Jean-Louis Carrère. Ils ont bien du mérite !

Mme Anne-Marie Escoffier. Elle est exemplaire dans ce contexte sociétal, exemplaire au regard de la nouvelle organisation de ces deux forces qui est venue rompre avec les habitudes antérieures, exemplaire encore, si l’on mesure les constantes adaptations qui leur sont demandées : formation, technologie, moyens d’intervention, etc.

Mais cette exemplarité a un prix : quelques « dérapages » dont on aurait souhaité qu’ils n’existent pas ou, à l’inverse, des faits de courage et de bravoure qui endeuillent aujourd’hui les familles de nos policiers et de nos gendarmes.

Le budget de la mission « Sécurité » a vocation à garantir l’équilibre fragile entre liberté et protection des biens et des personnes sur tout le territoire, voire au-delà pour les militaires de la gendarmerie envoyés en opérations extérieures. Inscrit dans le cadre du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit LOPPSI 2, il est fortement marqué par le durcissement général de la politique de sécurité qui a vu se multiplier les dispositions législatives et réglementaires : pas moins de dix-sept textes depuis 2002, surabondants parfois, répondant souvent à un phénomène isolé dont on a fait une généralité.

Mon premier constat portera sur les effectifs, des effectifs en principe utiles au respect de la loi. Or ce projet de budget reste particulièrement discret – à moins que ce ne soit peu « lisible » – sur l’évolution des emplois dans la gendarmerie et la police, en dépit de l’existence d’un schéma d’organisation des forces de sécurité intérieure, qui reste opportunément silencieux sur les unités territoriales de quartier, les UTEQ, et les compagnies de sécurisation, éléments majeurs de la politique récente du Gouvernement.

La baisse prévue des effectifs en gendarmerie, de 3 509 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, dans le cadre triennal 2009-2011, a suscité de nombreuses inquiétudes, en particulier dans le milieu rural : au terme des deux premières années, 2 549 ETPT ont déjà été supprimés ; l’année 2011 ne devrait connaître « que » 960 suppressions nouvelles. Ces suppressions imposent une réorganisation territoriale, avec l’élargissement des zones d’intervention dans des communautés de brigade qui s’efforcent de maintenir le lien de proximité, essentiel dans les territoires ruraux.

S’il faut constater la modification numérique de la gendarmerie, il faut aussi en souligner l’évolution structurelle, avec la transformation des postes d’officiers, de sous-officiers et de gendarmes-adjoints volontaires en postes de personnels de soutien technique et administratif, gendarmes ou civils. Cette évolution répond aux nouvelles technologies adoptées en matière de recherche et d’investigation et a pour objectif de libérer les militaires de tâches purement administratives, ce dont il faut se féliciter.

Pour la police nationale, le mouvement de baisse des effectifs constaté en 2009 et en 2010 s’est stabilisé. L’augmentation de 714 ETPT affichée pour 2011 n’est en fait qu’apparente, traduisant des transferts d’emplois vers d’autres programmes compensés par l’arrivée d’adjoints de sécurité. Les policiers sont conscients des efforts qui vont leur être demandés pour maintenir le même niveau de service aux citoyens et, d’ores et déjà, certaines missions souffrent du manque de disponibilité : je pense, en particulier, aux dépôts de plainte, trop souvent transformés en une simple main courante.

J’en viens maintenant aux moyens dont disposent police et gendarmerie. Tant en fonctionnement qu’en investissement, la réduction des moyens est préoccupante, car elle porte sur des équipements essentiels pour assurer les missions imparties : véhicules, informatique, équipements de vidéoprotection à la charge de la police et de la gendarmerie, instruments de contrôle en matière de sécurité routière.

Il va de soi que la réduction importante de ces moyens rend inopérantes certaines priorités fixées par le Gouvernement. Je n’en veux pour preuve que les limites apportées à l’action des forces de police et de gendarmerie sur le terrain aux heures les plus sensibles de la journée.

Je veux, en dernier lieu – et la note sera plus optimiste –, me réjouir de ce que l’on peut appeler la « coproduction de sécurité ». Cette coproduction, certes, réclame des moyens, mais elle est surtout le résultat d’une autre culture. Nous avions été nombreux à craindre le « rapprochement » de la police et de la gendarmerie et à penser que de « rapprochement » on passerait rapidement à « fusion ». Pour le moment, il n’en est rien ; les gendarmes restent bien des militaires, les policiers conservent leur statut civil, mais les uns et les autres participent à cette production commune de sécurité, et ils y participent en bonne intelligence. C’est là un point qu’il convient de souligner, car tel n’a pas toujours été le cas ; mais il s’agit le plus souvent, c’est vrai, de problèmes de relations humaines. En tout état de cause, aujourd’hui, une meilleure complémentarité s’est instaurée entre des territoires urbains et des territoires ruraux redessinés.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. C’est vrai !

Mme Anne-Marie Escoffier. Cette production commune devient coproduction avec d’autres services de l’État, les groupes d’interventions régionaux, ou GIR, imaginés voilà plus de dix ans et réactivés récemment à l’échelon départemental.

Je n’évoquerai pas, en revanche, la coproduction avec les collectivités locales, évoquée il y a quelques semaines dans cet hémicycle : si elle devient indispensable, elle ne doit pas pour autant se substituer aux prérogatives régaliennes.

On ne peut que se réjouir de toutes les mesures prévues par la LOPPSI 2 et qui ont pour objet d’améliorer le fonctionnement harmonieux des services de l’État entre eux : suppression des doublons, répartition des tâches à raison des vocations premières des services, suppression des tâches indues, mise en cohérence des fichiers de la police, de la gendarmerie et des douanes, élargissement de la vidéoprotection, etc.

Mais vous seriez étonné, monsieur le ministre, que je me montre si favorable à ces nouvelles mesures sans, en même temps, en souligner les difficultés d’application : comment la justice assumera-t-elle les nouvelles charges qui lui incombent ? Qui remplacera, et sur quel budget, les personnels aujourd’hui affectés à des missions indirectes de sécurité ? Quelle externalisation ? Comment, et avec qui, donner à la vidéoprotection toute son efficacité ?

Monsieur le ministre, je ne doute pas de votre détermination à faire de ce budget pour 2011 le meilleur outil au service de la politique voulue par le Gouvernement. Mais le groupe auquel j’appartiens, pour certains de ses membres du moins, se pose la question de la pertinence de cette politique et, dès lors, ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’obsession sécuritaire du Gouvernement, conjuguée à la baisse continue des dépenses publiques et, par-là même, des effectifs des forces de l’ordre, tous corps confondus, nous laissent toujours sceptiques sur la véracité de son engagement en faveur de la tranquillité publique.

Le budget de la mission « Sécurité » se situe dans la droite ligne des années précédentes et il est intéressant de resituer cette évolution dans le temps.

Dès le projet de loi de finances pour 2008, le plafond d’emplois a baissé de 1 770 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT : le doute n’était déjà plus permis ! Les engagements de campagne ont été reniés, et le locataire de l’Élysée n’a plus grand rapport avec le candidat qui proclamait à Perpignan, le 23 février 2007, vouloir « un État qui consacre plus de moyens à ses missions régaliennes qui ont été trop négligées ».

En 2009, le démantèlement de la maison « police » s’amplifie. Entre le 1er juillet 2009 et le 1er juillet 2010, les effectifs réels de la police ont diminué de 2 603 agents, selon les données recueillies par le député UMP Guy Geoffroy, rapporteur pour avis de la mission « Sécurité » à l’Assemblée nationale.

Le chiffre total prend en compte la suppression de 1 182 postes d’élèves policiers – je rappelle à ce propos qu’aucun concours de recrutement de gardiens de la paix n’a été organisé en 2009 –, mais aussi celle de 1 291 postes de policiers, personnels administratifs et techniques.

L’article 1er de la LOPPSI 2, nous demandant d’approuver le rapport annexé sur les moyens et les objectifs de la sécurité intérieure à l’horizon 2013, évoquait déjà les nécessaires « économies d’échelle » et autres « synergies », pour justifier le dégraissage des « emplois de soutien techniques et administratifs des forces de police et de gendarmerie ».

Il s’agit d’une mutualisation, ou d’une modernisation, comme vous vous plaisez à l’appeler, qui agit selon le mode opératoire des fusions-acquisitions, avec plan social à la clé.

À l’instar de ce vocabulaire issu du verbiage néolibéral, destiné à masquer cette réalité, vos chiffres ne sont que poudre aux yeux.

En 2011, le recrutement de 500 adjoints de sécurité est utilisé pour stabiliser les effectifs.

Le député Guy Geoffroy, auquel je me suis référée tout à l'heure, a souligné en outre que « contrairement aux années précédentes et malgré cette stabilisation globale des effectifs, le nombre d’emplois administratifs, scientifiques et techniques n’augmente plus. Il devrait en effet diminuer de 307 en 2011, après une augmentation nette de 689 en 2010 ». Il conclut en indiquant que cette diminution « ne permet donc pas de poursuivre en 2011 la politique de substitution entre actifs et personnels administratifs, techniques et scientifiques, pourtant inscrite dans le projet de LOPPSI, afin de mettre fin à la pratique, très coûteuse, consistant à confier des tâches administratives à des fonctionnaires actifs de la police nationale ».

Pour 2011, les crédits demandés sur le programme Police nationale s’élèvent donc à 9,1 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 3,9 %, et à 9,14 milliards d’euros en autorisations d’engagement, en augmentation de 2,9 %.

aux yeux, disais-je donc, car cette hausse globale ne parvient pas à cacher la diminution des dépenses de fonctionnement et d’investissement, qui sera de 6,4 % en 2011. En effet, ces dernières diminuent, entre la loi de finances initiale de 2010 et le projet de loi de finances 2011, de 66 millions d’euros, passant ainsi en crédits de paiement à un niveau inférieur à un milliard d’euros, soit un montant de 967 millions d’euros exactement.

Cette baisse, monsieur le ministre, est pour le moins préoccupante.

Certes, on pourrait constater une hausse de quelque 5,2 % des dépenses de personnel, qui pourrait nous laisser croire que vous faites des efforts. Pourtant, en réalité, elle ne traduit aucunement une politique de recrutement intensive ; RGPP oblige.

Elle s’explique principalement par le financement des mesures catégorielles, négociées depuis 2004, et par le vieillissement de la population policière, liée notamment à la suppression des limites d’âge de départ automatique en retraite des corps actifs de la police nationale, à compter du 1er janvier 2010.

Le Président de la République avait pourtant fait du thème de l’insécurité un tremplin pour accéder à l’Élysée, thème qui nous est d’ailleurs resservi après le remaniement ministériel.

Au regard de ces évolutions, la révolution sarkozyste n’aura pas lieu. Le bilan de votre politique sécuritaire est désastreux.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Ah non !

Mme Éliane Assassi. Pour pallier la baisse drastique des effectifs des forces de l’ordre, le Gouvernement a eu recours à une externalisation de missions historiquement dévolues à l’État, monsieur le rapporteur pour avis.

L’extension des effectifs de la police municipale et de leurs prérogatives est édifiante. On compte aujourd’hui 18 000 policiers municipaux, soit une augmentation de leur effectif de 120 % en six ans.

Si leurs missions se sont largement étoffées, ils n’ont pas pour autant bénéficié de la formation nécessaire à leurs responsabilités, notamment dans le maniement des armes. Pourtant, et nous le regrettons, 13 000 d’entre eux portent une arme de quatrième ou de septième catégories.

Il faut aussi noter que les agences de sécurité privées ne se sont jamais aussi bien portées : on compte 170 000 agents privés pour 220 000 policiers et gendarmes, sans parler des bénéfices que les sociétés de vidéosurveillance s’apprêtent à réaliser grâce à vos vœux, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, et à ceux de M. le ministre de l’intérieur.

C’est une aubaine pour ces sociétés, mais une catastrophe pour les fonctionnaires de la police nationale et nos concitoyens, comme l’atteste l’enquête publiée la semaine dernière par l’Observatoire national de la délinquance.

Cette étude nous révèle fort bien la distorsion importante entre les statistiques officielles de la police et la réalité de l’insécurité dans l’Hexagone.

Tel est l’ultime désaveu auquel nous nous adosserons pour voter contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour le ministre de l’intérieur et son action menée en faveur de la sécurité de tous les Français.

M. Roland Courteau. Il n’est plus là !

Mme Catherine Troendle. En effet, le groupe UMP tient à vous féliciter d’avoir réussi à élaborer ce budget, dans un contexte aussi difficile que celui de cette fin d’année 2010.

Votre implication personnelle, votre présence sur le terrain et, surtout, l’engagement des forces de l’ordre dans leur ensemble ont permis de répondre aux craintes manifestées par nos concitoyens face à une délinquance multiforme.

Je tiens, en cet instant, à saluer la police nationale, la gendarmerie nationale, mais aussi l’ensemble des polices municipales et d’agglomération, qui, quotidiennement, agissent pour améliorer la sécurité de nos compatriotes.

Comme l’a rappelé notre excellent rapporteur pour avis et collègue Jean-Patrick Courtois, la régression de la délinquance et de la criminalité est imputable, pour une bonne partie, au renforcement de l’action préventive et répressive.

Le Parlement n’a pas encore achevé, à ce jour, l’examen de la LOPPSI 2, dont l’objet est, ni plus ni moins, de fixer un cap précis à nos ambitions, à savoir la lutte contre l’insécurité dans son ensemble.

À cette fin, et pour que la prévention soit effective, il est indispensable que la sécurité et l’ordre publics soient assurés durablement. La police nationale a besoin de moyens humains et matériels pour remplir correctement sa mission régalienne.

Aux nouveaux enjeux qui se présentent à nous, nous avons le devoir d’apporter de nouvelles réponses.

C’est d’ailleurs tout le sens de la politique que vous menez, monsieur le ministre, et qui obtient des résultats, parce qu’elle s’adapte et parce qu’elle ne fait l’impasse sur aucun moyen, sur aucun partenariat, quand ils sont nécessaires à l’efficacité de l’ensemble.

Vous venez encore récemment de nous le démontrer, suite aux dramatiques incidents survenus à Marseille.

Je souhaiterais du reste, monsieur le ministre, que vous nous rappeliez les mesures que vous avez prises pour démanteler les réseaux de trafic.

M. Charles Gautier. Rien du tout !

Mme Catherine Troendle. Comment entendez-vous faire le lien avec l’ensemble des acteurs de la sécurité ?

N’oublions pas, en effet que, si la sécurité est d’abord l’affaire de l’État, elle est aussi l’affaire de tous. Chacun a un rôle à tenir, et les élus locaux ont également leur part de responsabilité.

Sur ce point, je veux vous faire part de mon expérience de maire d’une commune rurale et saluer le travail de la gendarmerie nationale, qui représente une véritable police des territoires.

Avec le renforcement des effectifs de police dans les zones urbaines, on peut constater un glissement de certaines formes de délinquance vers les zones périurbaines et rurales.

Dans ce contexte, je tiens à insister sur le remarquable travail de la gendarmerie nationale, vrai partenaire de proximité pour les élus que nous sommes, tant sur le plan de la répression que sur celui de la prévention.

En termes de prévention, précisément, la gendarmerie répond systématiquement aux demandes des élus ruraux qui sollicitent une intervention pédagogique en milieu scolaire.

Mme Nathalie Goulet. Pas au téléphone !

Mme Catherine Troendle. La sensibilisation aux problèmes liés, notamment, à la drogue ou à la sécurité routière, permet aux jeunes écoliers d’appréhender positivement le premier contact avec les forces de l’ordre. Ils comprennent ainsi que le rôle principal de celles-ci est de protéger.

En outre, l’élu local, en milieu rural, est, par excellence, un référent de proximité. En effet, il connaît bien souvent ses concitoyens nominativement, dont les jeunes, et peut ainsi intervenir directement, avant tout signalement à la gendarmerie, auprès des parents dont les enfants présenteraient des comportements répréhensibles.

Un dialogue fondé sur la responsabilité de chacun permet, dans bien des cas, d’apaiser des situations conflictuelles.

Enfin, de nombreux citoyens, en milieu rural, s’adressent prioritairement à leur maire pour des signalements divers : maltraitance supposée sur des enfants ou à l’égard de personnes âgées, ou encore mouvements de véhicules suspects. Il revient ensuite au maire d’en informer les interlocuteurs idoines.

J’en reviens, à présent, à notre sujet plus général et je tiens à vous redire combien nous sommes farouchement attachés à ce que nos forces de sécurité disposent de moyens nécessaires, qui soient à la hauteur de leur mission.

Le ministre de l’intérieur nous l’avait d’ailleurs rappelé, au sein même de cet hémicycle, lors de la discussion de la LOPPSI 2. Permettez-moi de citer ses propos : « Il est impératif que tous les emplois budgétaires mis à la disposition du ministère de l’intérieur soient effectivement utilisés ».

Cependant, tel n’a pas toujours été le cas ! Les crédits de personnel augmenteront, en 2011, de 3,81%.

Le ministre de l’intérieur a notamment obtenu que les budgets des missions « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » augmentent, malgré le caractère contraint de la conjoncture.

Grâce à des redéploiements internes, il semble que la présence constante des forces de l’ordre sur le terrain n’ait pas été altérée au cours des dernières années. Permettez-moi, toutefois, de vous interroger sur leur devenir.

Pour vaincre la délinquance, il ne suffit pas d’avoir de nombreux policiers dans les commissariats. Il faut penser et organiser leur action afin de leur permettre de se concentrer sur ce qui doit être et demeurer leur cœur de métier.

Vous venez de relancer le développement des unités territoriales de quartier. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions quant à l’évolution de la conception que vous avez de ces nouvelles unités ?

Vous avez engagé une véritable lutte contre toutes les formes de délinquance, avec le souci permanent d’adapter notre stratégie d’action aux réalités auxquelles sont confrontés nos concitoyens.

Vous avez ainsi souhaité apporter des réponses pertinentes aux mutations des phénomènes de délinquance que j’évoquais précédemment en ma qualité de maire, en créant des plans opérationnels ciblés sur les phénomènes délinquants les plus préoccupants : les bandes violentes, l’économie souterraine, la violence en milieu scolaire, la sécurisation des transports en commun, les violences faites aux personnes âgées, ou encore les cambriolages. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dresser un état des lieux de ces différents plans et nous indiquer les perspectives d’avenir, afin que de telles dérives continuent à être traitées au plus près du terrain ?

Enfin, je souhaite vous interroger sur la politique de sécurité routière que vous menez et dont les orientations sont définies par le Comité interministériel de sécurité routière. Le groupe UMP souscrit pleinement à la stratégie menée par le Gouvernement pour réduire le nombre d’accidents. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rappeler comment vous agissez au service des usagers de la route pour combattre les comportements à risque ?

La vérité est que nos forces de l’ordre font un travail formidable et payant. Nous avons enregistré, à l’échelon national, une septième année de baisse de la délinquance globale, ce qui mérite d’être souligné. Notre pays est aujourd’hui l’un des mieux sécurisés au monde.

Vous nous proposez, dans ce projet de loi de finances, autant de mesures qui faciliteront le travail des forces de gendarmerie et de police et rendront leur action encore plus efficace et plus performante pour défendre la sécurité sous toutes ses formes, aussi bien celle des personnes que celle des biens.

C’est pourquoi, vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UMP votera avec confiance et conviction ce budget ambitieux pour atteindre les objectifs que le Président de la République et le Gouvernement nous ont proposés. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Madame la présidente, permettez-moi tout d’abord de protester contre le départ inopiné du ministre de l’intérieur, en plein débat sur les problèmes de sécurité. Que le « premier flic de France » ne soit pas devant la représentation nationale pour parler de ses moyens m’apparaît comme étant une attitude tout à fait désinvolte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Il était là à Grenoble, pourtant !

M. Charles Gautier. Mes chers collègues, la semaine dernière, un jeune garçon de onze ans a été blessé. Un autre de seize ans a été tué par un tir de kalachnikov dans un quartier populaire de Marseille. Ce qui est particulièrement gravissime dans cette situation, c’est que cela ne constitue pas un accident de balle perdue : ils étaient la cible du tireur.

À Marseille, en deux ans, on a dénombré dix-neuf personnes mortes dans ces conditions dans la rue.

Alors que les élus marseillais, de droite comme de gauche, constatent depuis plusieurs années qu’il manque à Marseille 350 policiers sur le terrain, le Gouvernement se contente d’envoyer ponctuellement des compagnies de CRS lorsque la tension est palpable.

Comme la semaine dernière, des actions coup de poing sont menées, qui n’aboutissent qu’à la saisie de quelques grammes de stupéfiants, quelques armes, et vous vous en contentez.

Rien n’est tenté pour lutter réellement contre les trafics, lesquels reprennent dès que les compagnies de CRS tournent le dos.

Résultat, les habitants sont pris en otage, les jeunes sont attirés par l’argent facile, et le Gouvernement tourne la tête pour ne pas voir et se bouche les oreilles, et ce jusqu’au prochain accident !

Le budget de la sécurité pour 2011 s’inscrit dans la droite ligne des précédents. Vous affichez, en période de forte contrainte budgétaire, une augmentation de façade, qui ne couvre en réalité que les hausses de salaires dues à l’âge des fonctionnaires de police. Ce budget traduit la poursuite de la baisse des dépenses de fonctionnement et d’investissement, baisse qui atteint un tel niveau que certains responsables syndicaux, et même le directeur général de la police, évoquent le risque de paupérisation des services.

Les commissariats français sont trop souvent insalubres. La Cour européenne des droits de l’homme a pointé les conditions de détention françaises : les lieux de dépôt sont sordides. Les gardiens de la paix travaillent dans des conditions déplorables et sont de plus en plus victimes d’agressions et de vexations.

Dans ces conditions, comment pouvez-vous faire croire aux Français que la sécurité est une priorité du Gouvernement ?

Jean-Louis Carrère a rappelé la colère des maires des villes de France, qui s’accordent pour dire que vous avez fait porter petit à petit aux collectivités locales des responsabilités financières toujours plus grandes. Parmi celles-ci, la sécurité est sans doute l’une des premières que vous abandonnez. Vous avez opéré de façon insidieuse un véritable transfert de compétences de fait, à défaut d’un transfert de compétences de droit.

Au final, il n’y a plus aucune unité dans les politiques menées localement, et l’égalité des citoyens n’est plus assurée.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Charles Gautier. Les villes les plus riches peuvent se doter de polices municipales, parfois même pléthoriques, tandis que d’autres demandent sans cesse l’ouverture d’un commissariat sur leur territoire.

M. André Vantomme. C’est bien vrai !

M. Charles Gautier. Les postes de police, les commissariats, les gendarmeries, ferment les uns après les autres.

M. Charles Gautier. Pour en voir s’ouvrir, il faut des situations exceptionnelles. Il a fallu, par exemple, les émeutes de 2005 pour que, cinq ans après, un commissariat ouvre enfin à Clichy-sous-Bois.

Mme Éliane Assassi. Et il en manque encore un !

M. Charles Gautier. Si l’on ajoute à toutes ces observations le fait que l’examen de la LOPPSI 2 est encore reporté sine die et les chiffres, sans appel, de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP, …

Mme Éliane Assassi. Absolument !

M. Charles Gautier. … vous ne pouvez plus nous faire croire quoi que ce soit. Le constat d’échec est flagrant !

M. Charles Gautier. Mardi dernier, l’ONDRP a rendu publique sa dernière enquête de victimation, c’est-à-dire la mesure de la délinquance subie et non pas enregistrée. Cette enquête fait apparaître une hausse incontestable du sentiment d’insécurité. L’écart entre les infractions constatées et le sentiment d’insécurité des Français est énorme.

C’est ainsi que 4,7 millions de Français ont déclaré avoir été victimes de vols et de tentatives de vols en 2009, soit trois fois plus que les chiffres officiels de la délinquance.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela a toujours été ainsi !

M. Charles Gautier. De même, près de 1,2 million d’entre eux disent avoir subi des violences physiques ou sexuelles, en dehors du cadre de leur ménage – les violences dans ce cadre viendraient encore grossir les chiffres –, soit cinq fois plus que les statistiques officielles.

Rien que pour le mois d’octobre 2010, l’ONDRP a recensé 462 350 atteintes à l’intégrité physique, soit une agression toutes les six secondes.

Dans les faits, seuls les vols baissent, mais cette diminution ne peut être imputée qu’à l’évolution technologique des systèmes de protection, et en aucun cas aux actions de M. le ministre de l’intérieur !

Oui, monsieur le ministre, vous avez sans doute gagné la bataille des autoradios, mais vous avez perdu sur tout le reste. Quelle dérision !

Dans les faits, les Français se sentent de moins en moins en sécurité dans certains quartiers de nos grandes villes, en dépit de vos affirmations contraires.

Dans les faits, les fonctionnaires chargés de la sécurité travaillent avec la peur au ventre.

Dans les faits, vous n’avez rien réglé.

C’est ce que je dénonce chaque année depuis 2003 ! Ce n’est donc pas encore en 2011, avec un budget constant, que votre action changera quoi que ce soit.

Nous ne voterons donc pas ce budget, par trop en décalage avec les besoins exprimés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Sécurité » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, je m’associe complètement aux propos tenus par les précédents orateurs pour saluer et rendre hommage au travail quotidien des gendarmes et policiers qui interviennent sur l’ensemble de notre territoire, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Ils ont, en effet, la difficile mission d’assurer la sécurité des personnes et des biens, souvent en partenariat avec les élus, les services d’urgence et les sapeurs-pompiers.

Depuis plusieurs années, la délinquance diminue, comme vient de le rappeler notre collègue Catherine Troendle. (Marques de contestation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce que nous avons dit !

M. Marc Laménie. Avec plus de 16 milliards d’euros consacrés à la police et à la gendarmerie nationales, la sécurité reste une priorité de l’action gouvernementale.

M. Charles Gautier. On l’a déjà dit !

M. Marc Laménie. Nous en avons largement débattu lors de l’examen au Sénat de la LOPPSI 2 votée le 10 septembre dernier.

M. Jean-Louis Carrère. Elle n’est toujours pas votée !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais elle l’a été au Sénat !

M. Marc Laménie. Ce texte, qui met l’accent sur la modernisation, la mutualisation et le management, a été largement débattu en septembre dernier. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Grâce aux efforts permanents de modernisation de la sécurité intérieure, de recherche, de mise en œuvre de nouvelles technologies, gendarmerie et police peuvent poursuivre une coopération utile et efficace.

Toutefois, je mettrai toujours en évidence l’aspect humain par respect et reconnaissance à l’égard des hommes et des femmes qui risquent leur vie au quotidien pour sauver celle des autres.

Mon intervention portera plus particulièrement sur le programme Gendarmerie nationale, notamment en ce qui concerne les territoires ruraux. Cet aspect a été évoqué sur toutes les travées.

Représentant un département de 285 000 habitants, les Ardennes, je rappellerai à mon tour, après MM. les rapporteurs et les différents collègues qui sont intervenus sur ce point, mon attachement, comme celui des élus locaux, à la répartition territoriale et au statut militaire de la gendarmerie. (MM. Jean-Louis Carrère et André Vantomme applaudissent)

En effet, pour les élus de nos territoires ruraux, les gendarmes sont des interlocuteurs privilégiés. Ils doivent le rester, et nous devrions même renforcer le dialogue et la concertation.

M. Marc Laménie. La mise en place des communautés de brigades a permis quelques progrès, notamment grâce à leur présence sur le terrain conjointement avec les brigades motorisées, lesquelles accomplissent, elles aussi, un énorme travail pour lutter contre l’insécurité routière. N’est-ce pas là également l’une des priorités du Gouvernement, monsieur le ministre ?

Toutefois, comme l’ont affirmé un certain nombre de collègues avec conviction et passion, les petites brigades doivent, malgré les contraintes légitimes de la RGPP, être maintenues. (Mme Nathalie Goulet et M. Jean-Louis Carrère applaudissent.)

MM. Charles Gautier et André Vantomme. Il faut les renforcer !

M. Marc Laménie. En effet, elles couvrent de nombreuses petites communes réparties sur de grands espaces et permettent de conserver des interlocuteurs référents de proximité, dont les élus locaux ont besoin, avec l’appui et le soutien que leur apportent les réservistes.

Les maires des petites communes, dont je fais modestement partie, sont de plus en plus sollicités par les habitants confrontés à des actes d’incivilité ou pour des interventions à caractère social. Cependant, le pouvoir de police des maires reste limité en raison de difficultés pratiques de mise en œuvre.

C’est pourquoi je forme le vœu, monsieur le ministre, que des effectifs suffisants soient maintenus dans les petites brigades, …

M. Roland Courteau. Vous avez raison !

M. Marc Laménie. … pour conserver cette proximité de terrain, pour lutter contre la délinquance et défendre les personnes les plus fragiles.

Même si le « virtuel » domine trop souvent notre société, il est très important que les relations humaines restent privilégiées.

Ainsi, si les maires doivent communiquer avec les gendarmes, ce que je conçois, en particulier pour l’information et les renseignements, il est tout aussi fondamental que, parallèlement, les gendarmes rencontrent régulièrement les élus de proximité que sont les maires des petites communes.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Marc Laménie. Je sais que nous pouvons compter sur vous et vos services, monsieur le ministre, pour faire en sorte que ce message soit non seulement entendu, mais aussi renforcé.

Pour conclure, la protection et la sécurité de nos concitoyens, en particulier les plus fragiles, doit rester incontestablement une priorité. Je voterai donc, avec mes collègues du groupe UMP, les crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

Monsieur le ministre, nous vous remercions de votre présence qui permet d’assurer la continuité de nos débats.

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Merci, madame la présidente, de votre accueil.

M. Jean-Pierre Sueur. Il est très rare que le ministre de l’intérieur ne soit pas là pour parler de la sécurité !

M. Patrick Ollier, ministre. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur spécial, cher Aymeri de Montesquiou, messieurs les rapporteurs pour avis, cher Jean-Patrick Courtois, cher Jean Faure, que j’ai le plaisir de retrouver dans cette enceinte après les moments passionnants que nous avons passés ensemble au sein de l’association des élus de la montagne, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de l’intérieur. Il ne s’agit aucunement de désinvolture, monsieur Gautier. En réalité, M. Hortefeux a été appelé auprès du Président de la République pour une réunion très importante, qui a lieu en ce moment même, sur la sécurité. Il est donc tout à fait dans sa mission.

Je suis désolé que nous ayons dû ainsi bousculer quelque peu les travaux de la Haute Assemblée et je vous prie, mesdames, messieurs les sénateurs, d’accepter le remplacement de M. le ministre de l’intérieur par le tout nouveau ministre que je suis, chargé des relations avec le Parlement.

Monsieur Sueur, le Gouvernement ne parle que d’une voix quel que soit le ministre qui s’exprime ! Je m’emploierai donc à vous livrer les remarques de M. Brice Hortefeux.

Tout d’abord, je suis heureux de venir devant vous aujourd'hui pour vous présenter le budget du ministère à l’occasion de l’examen de la mission « Sécurité » et répondre aux interventions de chacun des orateurs, que M. Hortefeux a notées de façon très précise.

Protéger les Français pour qu’ils puissent vivre sereinement est un combat permanent qui nécessite d’être totalement mobilisé. Et le Gouvernement l’est !

En renouvelant leur confiance à Brice Hortefeux à la tête du ministère de l’intérieur à l’occasion du remaniement ministériel, le Président de la République et le Premier ministre ont mis en évidence la stabilité de l’action conduite par l’exécutif en faveur de la sécurité des Français.

C’est dans ce double esprit de constance dans l’action et de détermination dans l’effort que s’inscrit le présent budget.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela veut dire que la justice et les affaires étrangères sont instables ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier, ministre. Ayez la patience de m’écouter, monsieur Sueur, et vous n’aurez plus grand-chose à dire ! (Rires.)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Il n’a jamais rien à dire, mais il le dit !

M. Patrick Ollier, ministre. Dans un contexte pourtant contraint, nous menons actuellement une politique de sécurité offensive, qui donne des résultats tangibles sur le terrain.

Le contexte économique, vous le savez, conditionne le budget de l’État. C’est également vrai pour le projet de budget pour 2011.

Je n’irai pas par quatre chemins. Ce contexte, vous le connaissez, c’est celui d’une dette de l’État de 1,6 milliard d’euros, soit 26 000 euros par Français. Voilà pourquoi nous devons nous attacher à la réduire. À cela s’ajoute l’effet « boule de neige » du déficit, puisque la charge de la dette représente 46 milliards d’euros par an, soit près de deux fois le budget du ministère, rémunérations comprises.

Le statu quo est impossible. C’est bien la raison pour laquelle, conscients de cet impératif, le Président de la République et le Premier ministre ont engagé une bataille déterminée contre les déficits publics, notamment au travers de la révision générale des politiques publiques.

Chacun le comprendra, le ministère de l’intérieur et le budget de la sécurité ne pouvaient échapper à cette exigence. Mais plutôt que de subir cette contrainte, nous avons fait un choix ambitieux : celui de repenser, d’innover, bref, de rationaliser notre organisation et de dynamiser notre action pour obtenir les meilleurs résultats.

M. Roland Courteau. Cela ne suffira pas !

M. Patrick Ollier, ministre. À cet égard, nous remercions chaleureusement Catherine Troendle, …

M. André Vantomme. Elle a du mérite !

M. Patrick Ollier, ministre. … – à qui Brice Hortefeux s’efforce de répondre dans le détail –, Marc Laménie – qui a rendu un vibrant hommage à la gendarmerie située en zone rurale, auquel je souscris – et le groupe UMP dans son ensemble d’avoir souligné l’ampleur de la tâche accomplie et l’implication des hommes et des femmes sur le terrain, sans lesquels rien ne serait possible.

Rationaliser notre organisation et dynamiser notre action, cela demandait avant tout d’adopter une nouvelle stratégie de bataille : à problème ciblé, réponse ciblée !

Parce qu’une réponse efficace est une réponse précise, réactive et calibrée, nous avons établi et mis en œuvre sept plans d’action opérationnels correspondant à chaque forme de délinquance identifiée : contre les cambriolages, les bandes violentes, les trafics de stupéfiants, les violences dans les stades, les transports ou les établissements scolaires, ainsi qu’en faveur de la sécurité des personnes âgées.

Rationaliser notre organisation et dynamiser notre action nous ont aussi conduits à mener plusieurs réorganisations.

Il s’agit, d’une part, du rapprochement historique de la police et de la gendarmerie.

M. Jean-Louis Carrère. Hystérique, pas historique !

M. Patrick Ollier, ministre. Grâce à cette réforme majeure, que le ministère de l’intérieur conduit avec le triple souci de l’équilibre, de la complémentarité et du strict respect de l’identité militaire des gendarmes, à laquelle nous tenons, les résultats sont d’ores et déjà concrets.

M. Roland Courteau. J’en doute !

M. Patrick Ollier, ministre. En effet, nous gagnons en efficacité (M. Jean-Louis Carrère fait un signe de dénégation), grâce aux synergies logistiques qui ont été mises en œuvre comme l’encourage M. le rapporteur spécial, ou aux synergies opérationnelles, telles que les cellules anticambriolages, la création de directions communes, par exemple, la Direction de la coopération internationale ou le Service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure, le STSI 2, ainsi que l’a souligné, là encore, M. le rapporteur spécial, ou encore aux Unités de coordination en matière de sécurité routière ou de transport.

Pour répondre à M. le rapporteur pour avis, Patrick Courtois, il convient d’ajouter que les deux unités d’élite que sont la force d’intervention de la police nationale et le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale travaillent ensemble dans des exercices opérationnels. Nous favorisons les synergies et le partage d’expériences, ce qui accroît encore leur efficacité.

D’autre part, ces réorganisations, nous les menons aussi sur le terrain.

Comment ne pas évoquer, par exemple, la création de la police d’agglomération, voilà un peu plus d’un an, le 14 septembre 2009, à Paris et dans trois départements de la petite couronne ? Cette approche, parce qu’elle porte ses fruits, nous la transposons et la transposerons à d’autres villes comme Lille, où la réorganisation est désormais effective, Lyon, au premier semestre de 2011, Marseille, et sans doute bientôt Bordeaux.

Il s’agit aussi, pour répondre à Mme Troendle, des « UTeQ nouvelle génération » : les brigades spécialisées de terrain, les BST, qui ont été lancées à Toulon, au mois d’août. Rattachées non plus à un quartier, mais à une zone de délinquance, ces brigades sont ciblées sur l’intervention et la répression des crimes et délits. Vingt-six brigades seront mises en place dans les prochaines semaines, deux le sont déjà à Perpignan et à Toulon.

M. Jean-Louis Carrère. Toutes sur la Côte d’Azur !

M. Patrick Ollier, ministre. À ce sujet, nous avons entendu les nombreux débats théoriques, théologiques et sémantiques sur la « police de proximité » qui est censée, selon certains, tout régler.

M. Jean-Louis Carrère. On n’est pas très théologique chez nous !

M. Patrick Ollier, ministre. Si, par « proximité » ils entendent « connaissance du terrain », alors ils se feront une joie de la création de ces BST, qui répondront à toutes leurs attentes. Mais s’ils croient que le rôle de la police est de dialoguer avec les délinquants, alors nous leur disons qu’ils font fausse route.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Caricature !

M. Patrick Ollier, ministre. Un travail de prévention important est opéré par l’État en lien avec les associations de quartier, mais le rôle du policier est, en premier lieu, de rétablir l’ordre, …

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Patrick Ollier, ministre. … de mettre les délinquants hors d’état de nuire et de protéger les honnêtes gens. Les policiers n’ont pas vocation à jouer les assistantes sociales, les grands frères ou les entraîneurs sportifs.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Roland Courteau. C’est vrai que vous caricaturez !

M. Patrick Ollier, ministre. À chacun sa mission !

Cette politique ciblée et offensive donne des résultats concrets sur le terrain.

Alors que 2010 s’inscrit d’ores et déjà comme la huitième année consécutive de baisse de la délinquance depuis 2002, des batailles sont remportées sur tous les fronts. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

C’est le cas, en premier lieu, de la délinquance globale.

Après avoir connu une hausse historique de 17,8 %, entre 1997 et 2002 (Protestations sur les travées du groupe socialiste) – ce sont les statistiques ! –…

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. C’est vrai !

M. Patrick Ollier, ministre. … la délinquance globale a baissé de 14,4 %, entre 2002 et 2009,…

M. Jean-Pierre Sueur. Vous ne lisez pas les journaux ?

M. Patrick Ollier, ministre. … – ce sont encore les statistiques ! – grâce à l’action résolue de Nicolas Sarkozy et du Gouvernement. Concrètement, en 2009, la délinquance était ainsi revenue à son niveau de 1997. (M. Roland Courteau rit.)

Ces efforts, nous les poursuivons, puisque, sur les dix premiers mois de l’année 2010, la délinquance globale baisse encore de 3,2 % !

M. Jean-Pierre Sueur. Lisez ce qu’a écrit Alain Bauer dans Le Nouvel Observateur !

M. Patrick Ollier, ministre. En deuxième lieu, c’est le cas particulièrement des atteintes aux biens.

Après avoir augmenté de 14,4 % sous le Gouvernement de Lionel Jospin, elles ont chuté de 29,9% depuis 2002, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. On a entendu cela cent fois !

M. Patrick Ollier, ministre. Tout simplement parce qu’on vous a répété cent fois la vérité !

M. Jacques Gautier. C’est vrai !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Ces chiffres sont contestables !

Mme la présidente. Monsieur Sueur, seul M. le ministre a la parole.

M. Patrick Ollier, ministre. Nous sommes aujourd’hui près de 20 % en dessous du niveau de 1997 – moins 19,8 % très exactement, entre mai 1997 et mai 2010. Voilà des chiffres précis. Là encore, nous ne relâchons pas la pression, puisque les atteintes aux biens sont en baisse de 2,7 % sur les dix premiers mois de l’année 2010.

En troisième lieu, c’est aussi le cas des violences aux personnes.

Jean-Pierre Chevènement avait eu raison de reprendre Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, lorsque ce dernier lui avait dit devant votre Haute Assemblée, lors de l’examen de la LOPPSI, que, sous le gouvernement de M. Jospin, les violences aux personnes avaient augmenté de 55 %. Vérification faite, M. Hortefeux constate qu’il avait enjolivé la réalité ! Selon l’Observatoire national de la délinquance, ce n’est pas de 55 %, mais de 60,8 %, soit de 10 % de plus par an, que les violences aux personnes ont explosé entre mai 1997 et mai 2002. Voilà encore une vérité qu’il est bon de rappeler !

M. Jean-Louis Carrère. En quelle année sommes-nous ? On parle du budget pour 2011 !

M. Patrick Ollier, ministre. Depuis 2002, nous faisons face à ce défi, qui concerne d’ailleurs toutes les sociétés occidentales. Lorsqu’il était ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy a réussi à enrayer la hausse exponentielle du nombre de violences aux personnes, ramenant leur progression à 3 % par an entre mai 2002 et mai 2007.

L’OND a publié, au mois d’octobre, son rapport selon lequel les violences aux personnes ont augmenté de seulement 1 % sur un an, entre octobre 2009 et septembre 2010, avec même, pour la première fois, une baisse cet été.

M. Jean-Louis Carrère. Mais oui, continuez !

M. Patrick Ollier, ministre. Acceptez donc d’écouter les chiffres, qui parlent d’eux-mêmes !

M. Charles Gautier. Ce sont les chiffres du budget que nous voulons !

M. Patrick Ollier, ministre. Il s’agit de chiffres statistiques vérifiables et incontestables.

MM. Jacques Gautier et Marc Laménie. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas vrai : lisez Bauer !

M. Patrick Ollier, ministre. Je comprends que la vérité vous dérange, monsieur Sueur, mais vous devriez l’accepter.

Ce défi des violences aux personnes est un combat difficile et de longue haleine, mais nous sommes totalement mobilisés pour le remporter.

En quatrième lieu, si l’on prend en compte les plans d’action actuellement mis en œuvre, là encore, ce travail de fond porte ses fruits.

Les stades, par exemple, sont rendus aux familles et aux vrais supporters. Depuis le début de la saison, aucun incident majeur n’est à déplorer, y compris sur des matches sensibles comme PSG-OM, le 7 novembre dernier, pour lequel tout le monde était inquiet. Pour cela, 555 interdictions de stade sont en cours, les délinquants des stades sont bel et bien mis hors jeu, et l’on ne peut que s’en féliciter.

M. Charles Gautier. C’est hors sujet !

M. Roland Courteau. Parlez-nous du budget !

M. Patrick Ollier, ministre. Monsieur le sénateur, le projet de budget que le Gouvernement soumet à la Haute Assemblée servira à conduire des actions. Je me dois donc d’évoquer ces actions.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Patrick Ollier, ministre. De la même manière, la lutte contre les trafics de stupéfiants ne connaît pas de trêve. Elle bouscule les trafiquants, démantèle leurs réseaux et assainit les cités gangrénées par leur business.

Mme Éliane Assassi. Le budget !

M. Patrick Ollier, ministre. En Seine-Saint-Denis, par exemple, près de 5 000 contrôles de halls d’immeuble ont été menés au cours des sept derniers mois.

M. Patrick Ollier, ministre. Le nombre de personnes mises en cause pour trafic et revente sans usage est en augmentation de 3,94 % depuis le début de l’année et de 8,58 % pour les mis en cause d’usage et revente de produits stupéfiants.

M. Patrick Ollier, ministre. Les saisies, elles aussi, sont remarquables : 46 tonnes de cannabis, 3,6 tonnes de cocaïne, 830 kilogrammes d’héroïne et près de 138 000 comprimés d’ecstasy.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Bravo !

M. Patrick Ollier, ministre. Voilà des résultats qui sont liés au projet de budget que nous vous demandons de voter afin que nos forces de l’ordre aient les moyens d’agir.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Patrick Ollier, ministre. Je cite un dernier exemple : la sécurité de nos aînés.

Là encore, notre plan porte ses fruits : sur douze mois glissants, entre septembre 2009 et septembre 2010, on enregistre une baisse de 40,4 % de la part des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans parmi les victimes des escroqueries et infractions économiques et financières.

De la même manière, on note une baisse de 15,5 % de leur part parmi les victimes d’atteinte aux biens et de 23,8 % pour les atteintes volontaires à l’intégrité physique par rapport à la même période en 2009.

M. Jean-Louis Carrère. Et moins 60 % de risque de mildiou !

M. Patrick Ollier, ministre. Si vous voulez parler de la lutte contre le mildiou, le ministre de l’agriculture se chargera de vous répondre, monsieur le sénateur.

M. Jean-Louis Carrère. En revanche, on a les scolytes qui attaquent !

Mme la présidente. Monsieur Carrère, je vous en prie, laissez le ministre s’exprimer.

M. Patrick Ollier, ministre. Cette tendance se poursuit au mois d’octobre avec, par exemple, une baisse de 13,4 % de la part des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans parmi les victimes des escroqueries et infractions économiques et financières.

M. Jean-Louis Carrère. C’est une pantalonnade !

M. Patrick Ollier, ministre. Monsieur Carrère, il est important de savoir que les personnes âgées, qui sont fragiles, peuvent compter sur les forces de l’ordre pour éviter d’être continuellement victimes d’agression. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Je m’honore que le Gouvernement conduise cette action et obtienne des résultats aussi valorisants pour les forces de l’ordre, que nous défendons !

M. Jean-Louis Carrère. Intéressez-vous aussi au prix que les personnes âgées paient leur forfait dans les Pyrénées-Atlantiques !

M. Patrick Ollier, ministre. Les exemples sont ainsi nombreux ; ils sont le signe fort que les choses bougent et que, même si rien n’est jamais acquis, la délinquance recule.

M. Charles Gautier. Même si rien ne change, cela bouge quand même !

M. Patrick Ollier, ministre. À l’heure où le ministère de l’intérieur s’élargit pour devenir un grand ministère de la sécurité intérieure, notre obligation de résultats s’étend désormais à de nouveaux domaines, en particulier à la sécurité routière.

C’est une responsabilité importante, dont le ministre de l’intérieur mesure toutes les conséquences, parce que chaque victime est une victime de trop.

M. Jean-Louis Carrère. Les chiffres, rien que les chiffres !

M. Patrick Ollier, ministre. L’objectif fixé par le Président de la République est clair : passer sous le seuil des 3 000 morts en 2012. Or ce sont encore 4 273 personnes qui ont perdu la vie sur nos routes en 2009. C’est dire si le défi est grand et si, de notre devoir, découle une exigence de résultats.

M. Jean-Louis Carrère. Et on contrôle dans les zones non accidentogènes, parce qu’il faut faire du fric ! C’est scandaleux !

M. Patrick Ollier, ministre. Madame Troendle, nous devons relever quatre défis.

Le premier, c’est celui de l’alcool au volant, qui a été responsable, en 2009, de près d’un accident mortel sur trois. Nous généralisons donc la mise à disposition d’éthylotests dans les bars et les discothèques et nous favorisons l’obligation d’éthylotests antidémarrage.

M. Jean-Louis Carrère. Vous allez voir, on va finir par la météo !

M. Patrick Ollier, ministre. Le deuxième défi, c’est celui de la consommation de stupéfiants, qui double, en moyenne, le risque d’accident mortel. Nous tentons donc de le relever, notamment grâce à de nouveaux tests salivaires dont les forces de l’ordre sont équipées depuis un an.

Le troisième défi, c’est celui des grands délinquants de la route. Nous cherchons à les mettre hors d’état de nuire. Pour cela, les préfets pourront procéder à l’immobilisation et à la mise en fourrière des véhicules de conducteurs coupables d’infractions particulièrement graves : conduite sans permis, récidive de conduite sous emprise d’alcool ou de stupéfiants, récidive de grand excès de vitesse.

Enfin, le quatrième défi, c’est celui du « trafic de points ». Parce que les citoyens sont égaux devant la loi et qu’il est intolérable que certains « achètent » la possibilité de transgresser le code de la route, nous avons décidé de sanctionner tous ceux qui se proposent de vendre ou d’acheter des points de permis de conduire, notamment sur internet.

Cela devrait répondre à vos préoccupations, madame Troendle.

L’évolution du nombre de tués, en baisse de 41 % depuis 2002, après huit années de baisse continue de la mortalité routière, démontre que les tragédies de la route ne sont pas inéluctables. Par une politique ciblée, résolue et équilibrée, nous avancerons donc dans ce domaine aussi, chaque jour, vers l’objectif fixé pour garantir aux 40 millions d’automobilistes la sécurité sur les routes de France.

Je souhaite à présent répondre au sénateur Charles Gautier. (Ah ! sur travées du groupe socialiste.)

M. Charles Gautier. Présentez déjà le budget !

M. Patrick Ollier, ministre. En premier lieu, la LOPPSI n’est pas renvoyée sine die,…

M. Patrick Ollier, ministre. … comme vous semblez le penser, puisqu’elle sera examinée le mardi 14 décembre à l’Assemblée nationale et devrait être inscrite à l’ordre du jour du Sénat le 10 ou le 11 janvier prochain ; je suis en train de préparer le projet d’ordre du jour qui sera soumis à votre conférence des présidents.

Ensuite, vous avez tenu des propos sur la situation à Marseille que nous ne pouvons pas laisser passer. Je vous rappelle les décisions que le ministre de l’intérieur vient d’annoncer.

Plus de 5 535 policiers sont affectés sur la seule ville de Marseille. De surcroît, pour endiguer la violence, nous avons décidé de déployer des effectifs supplémentaires : ainsi, cinq policiers sont affectés au renseignement au service départemental d’information générale, ou SDIG, au 1er décembre, et deux unités de forces mobiles, soit environ 150 policiers CRS en plus, sont prévues, avec la mission exclusive de surveiller et sécuriser les quartiers sensibles, et donner un coup d’arrêt aux trafics.

Un renforcement des équipes d’enquête au sein de la police judiciaire a été décidé, ainsi que le passage au peigne fin des évaluations des patrimoines et du train de vie des trafiquants présumés – c’est un bon moyen pour les confondre –…

M. André Vantomme. Pourquoi n’est-ce pas appliqué partout ?

M. Patrick Ollier, ministre. … d’ici à la mi-décembre, via le fichier du STIC, le système de traitement des infractions constatées. En outre, 117 adjoints de sécurité, ou ADS, seront mis à la disposition du préfet pour Marseille et son agglomération, pour des missions de police sur la voie publique.

Enfin, le préfet des Bouches-du-Rhône a mis en place un plan d’action qui donne des résultats extrêmement positifs. Ce sont non pas quelques grammes, mais trente-cinq kilogrammes de cannabis qui ont été saisis, monsieur le sénateur, ainsi que plusieurs dizaines d’armes automatiques qui étaient susceptibles de faire d’importants dégâts.

Je tenais à rétablir la vérité, parce que nous devons la vérité aux Français lorsqu’il s’agit de leur sécurité. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je suis heureux d’avoir pu vous fournir des chiffres qui vous permettront de rectifier les vôtres.

En 2011, le ministre de l’intérieur n’a qu’un but : poursuivre et amplifier les résultats obtenus. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. On va en parler !

M. Patrick Ollier, ministre. Grâce au budget que nous vous présentons aujourd’hui, nous nous donnons les moyens d’y parvenir.

M. Jean-Louis Carrère. Il commence à en parler quand son temps de parole est écoulé !

Mme Catherine Procaccia. Vous l’avez interrompu !

M. Patrick Ollier, ministre. Au total, les grands équilibres du budget sont constants.

Concrètement, le budget de la mission « Sécurité » représente 16,8 milliards d’euros, soit 70 % du budget du ministère de l’intérieur. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) Écoutez-moi, si ça vous intéresse ! Au sein de ce budget, la masse salariale représente 14,6 milliards d’euros.

Il progresse, en 2011, de 2,6 %, soit une augmentation de 435 millions d’euros, par rapport à 2010, principalement sous l’effet de la progression automatique de la masse salariale et des cotisations de retraite.

M. Jean-Louis Carrère. Ayez un peu de courage, madame la présidente, demandez au ministre de conclure !

M. Patrick Ollier, ministre. Le plafond d’emplois s’élève à 242 702 équivalents temps plein, ou ETP, soit 86 % des effectifs du ministère. (M. Jean-Louis Carrère marque son impatience.) Ces effectifs font du ministère de l’intérieur le troisième employeur de l’État, derrière le ministère de l’éducation nationale et celui de la défense.

Avec ce budget 2011, le Gouvernement a trois priorités.

La première : maintenir les emplois opérationnels.

M. Patrick Ollier, ministre. Contrairement à ce que Mme Assassi a dit, il y a eu des recrutements en 2010, puisque 1 500 gardiens de la paix ont été recrutés.

La question des effectifs inspire régulièrement, ici et là, les affirmations les plus absurdes et surtout les plus fausses. J’entends une bonne fois pour toutes, lors de la présentation de ce budget, rétablir une vérité. Madame Troendle, vous soulignez que la présence constante des forces de l’ordre sur le terrain n’a pas été altérée au cours des dernières années, et je vous en remercie. Mieux, elle a même été renforcée ! (Ah bon ? sur les travées du groupe socialiste.) Contrairement aux vieilles rengaines dépassées et aux mensonges inlassablement proférés, les emplois dans la police et la gendarmerie sont actuellement plus nombreux qu’il y a dix ans !

M. Roland Courteau. Ce n’est pas le cas dans l’Aude !

M. Patrick Ollier, ministre. Ce sont les chiffres ! Aujourd’hui, il y a 241 189 policiers et gendarmes en France. Sur l’ensemble du territoire, il y aura ainsi, à la fin de l’année 2010, près de 2 000 – 1 842 exactement – policiers et 2 500 – 2 459 exactement – gendarmes de plus qu’en 2000.

Nous pouvons faire le calcul : cela fait donc 4 301 policiers et gendarmes de plus qu’il y a dix ans.

M. André Vantomme. Et la population, elle n’a pas augmenté ?

M. Patrick Ollier, ministre. Et, je vous l’affirme, il y aura au total, en 2011, autant de policiers et de gendarmes opérationnels, c’est-à-dire sur le terrain, qu’en 2010.

M. Patrick Ollier, ministre. Le ministre de l’intérieur a tenu, en effet, à limiter au maximum les réductions nettes d’emplois de la mission « Sécurité » et à les concentrer dans les services de soutien et d’état-major : si la police connaît une diminution de 712 ETP par rapport à 2010, il faut rappeler qu’il a obtenu, parallèlement, que soient anticipés, en décembre 2010, les 500 recrutements supplémentaires d’ADS initialement programmés début 2011. L’évolution effective n’est donc, en réalité, que de 212 emplois pour la police ; pour la gendarmerie, la réduction d’emplois prévue est de 96 ETP en 2011. Ces 308 emplois représentent à peine 0,2 % des effectifs de la police et de la gendarmerie.

M. Hortefeux a surtout veillé à ce que les policiers et les gendarmes puissent être progressivement et rapidement déchargés des « tâches indues »…

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Patrick Ollier, ministre. … qui, depuis trop longtemps, pesaient sur leur capacité opérationnelle. Je remercie les trois rapporteurs d’avoir salué cette avancée.

Depuis un an, nous avons travaillé avec le ministère de la justice et nous sommes tombés d’accord. Concrètement, sur trois ans, région par région, l’équivalent de 1 000 policiers et gendarmes vont pouvoir être déchargés de ces tâches indues et être entièrement mobilisés par des missions opérationnelles sur le terrain. J’indique au sénateur Jean Faure que les deux tiers sont précisément des gendarmes.

M. Jean-Louis Carrère. Quel est son temps de parole, madame la présidente ?

Mme la présidente. Comme vous avez interrompu le ministre je ne sais combien de fois, je lui laisse le temps de terminer son intervention !

M. Patrick Ollier, ministre. Je n’ai quasiment pas pu parler en raison de vos interruptions, messieurs les sénateurs de l’opposition… (Sourires.)

M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai, excusez-nous ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier, ministre. Soyez un peu tolérants, c’est la première fois que je me livre à cet exercice !

M. Jean-Louis Carrère. Je vous en prie, monsieur le ministre, poursuivez. (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)

M. Patrick Ollier, ministre. Je vous remercie.

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez quarante minutes !

M. Patrick Ollier, ministre. Merci !

M. Jean-Louis Carrère. À défaut de crédits, vous aurez du temps !

M. Patrick Ollier, ministre. C’est une avancée majeure, qui était attendue depuis des années par les policiers et les gendarmes, dont les premiers effets se feront sentir dès le 1er trimestre 2011, et qui mettra fin à des désorganisations inopinées et très pénalisantes pour les services de police et de gendarmerie.

Je pense, par exemple, à la police des audiences, mission qui relèvera, dès le 1er janvier prochain, de la compétence de sociétés privées ou de réservistes de la police et de la gendarmerie rémunérés et équipés par le ministère de la justice. Cela représente une économie de 530 postes.

M. André Vantomme. Il faudra bien les payer !

M. Patrick Ollier, ministre. Je pense encore, comme l’a souligné le rapporteur pour avis Jean Faure, aux transfèrements pénitentiaires qui, à partir de la mise sous écrou, seront désormais pris en charge progressivement sur trois ans à compter de 2011 par le ministère de la justice : 1 200 emplois sont actuellement engagés dans cette mission. Cette mesure sera traduite dans le projet de loi de finances pour que cette nouvelle organisation entre les ministères soit effective au 1er janvier prochain.

J’ajoute que M. Hortefeux n’entend pas en rester là.

M. Patrick Ollier, ministre. Le ministre de l’intérieur souhaite s’attaquer à l’abandon des tâches indues, cette fois-ci de nature administrative. Il vise notamment les procurations de vote. Le sujet n’est pas mineur : entre l’élection présidentielle de 2002 et celle de 2007, le nombre de procurations a plus que doublé,…

M. Jean-Louis Carrère. Il vaut mieux voter par procuration que ne pas voter !

M. Patrick Ollier, ministre. … soit 1,2 million de procurations supplémentaires en cinq ans, alors que les vérifications justifiant l’intervention d’un officier de police judiciaire ont été supprimées ! M. Hortefeux proposera donc de transférer la responsabilité d’établir la liste des procurations de vote aux commissions de révision des listes électorales, qui sont tout à fait qualifiées pour réaliser ce genre de travail. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)

Parallèlement, comme l’a souligné le sénateur Jean-Patrick Courtois, nous poursuivrons la politique de substitution qui consiste à recruter des personnels administratifs pour les tâches administratives et à permettre aux policiers et aux gendarmes de se concentrer sur leur métier opérationnel. Près de 900 personnels administratifs et techniques seront ainsi recrutés en 2011.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Patrick Ollier, ministre. Deuxième priorité : tenir les engagements pris envers les personnels à hauteur de 112 millions d’euros hors pensions.

Il s’agit principalement de la poursuite des protocoles « corps et carrières » de la police nationale et du PAGRE, le plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées, de la gendarmerie, ainsi que de la mise en œuvre de la toute nouvelle grille de catégorie B – qualifiée d’« historique » par le principal syndicat des gradés et gardiens de la paix, le SGP Unité Police CGT-FO – qui prévoit une revalorisation indiciaire de l’ensemble des échelons de la grille pour les 104 000 gradés et gardiens de la paix ainsi que pour les 74 000 sous-officiers de gendarmerie.

Troisième priorité : les crédits opérationnels et de modernisation sont préservés en 2011, notamment au travers de la LOPPSI. Comme le demande le rapporteur spécial, Aymeri de Montesquiou, les débats sur ce texte, qui auront lieu ici même au mois de janvier, seront l’occasion de mettre en cohérence le volet financier de la LOPPSI et ce budget tel qu’il aura été adopté.

Pour remplir notre mission, les actions de modernisation qui seront conduites en 2011 seront concentrées sur quatre axes.

Premier axe : le développement des équipements technologiques – géolocalisation de 1 000 véhicules supplémentaires, acquisition de 1 600 terminaux informatiques embarqués ou encore de 100 dispositifs LAPI mobiles supplémentaires ; il s’agit d’un dispositif de lecture automatisée des plaques d’immatriculation – et de la police technique et scientifique, ou PTS, de masse,…

M. André Vantomme. Le ministre a dépassé de huit minutes son temps de parole !

M. Patrick Ollier, ministre. … outil essentiel pour l’élucidation des crimes et des délits, avec 139 millions d’euros qui leur seront consacrés. J’ajoute que la négociation avec les assureurs pour l’alimentation du fonds de soutien à la police scientifique et technique, dont le rapporteur pour avis M. Jean-Patrick Courtois est à l’origine, avance bien et le ministre de l’intérieur espère pouvoir aboutir d’ici aux débats de la LOPPSI, donc d’ici à la mi-janvier.

Deuxième axe : la modernisation de l’équipement des policiers et des gendarmes. Des crédits de 13 millions d’euros sont affectés au déploiement de terminaux mobiles pour le procès-verbal électronique.

Troisième axe : la poursuite du déploiement de la vidéoprotection, à laquelle 30 millions d’euros seront consacrés. C’est parce que la vidéoprotection démontre chaque jour son utilité que nous en avons fait une politique.

Mme Éliane Assassi. Ben voyons !

M. Patrick Ollier, ministre. Nous serons passés entre le début et la fin de l’année 2010 de 28 000 à 37 000 caméras de voie publique subventionnées par l’État. En 2011, 9 000 caméras supplémentaires seront ainsi financées.

Quatrième et dernier axe : le fonctionnement et l’immobilier, auxquels 142 millions d’euros seront dédiés. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)

Pour répondre à la question de M. Faure, s’agissant du programme d’investissement lourd de la gendarmerie, sachez, monsieur le rapporteur pour avis, que le ministre de l’intérieur a obtenu le maintien du marché des hélicoptères et le renouvellement de trois appareils d’ici à 2013, dont l’un dès 2011.

Enfin, parallèlement, pour tous les services opérationnels du ministère, les budgets de fonctionnement courant des services locaux seront maintenus au niveau de 2010. Les services de police et de gendarmerie auront donc les moyens pour fonctionner et les équipements dont ils ont besoin.

J’ajoute que ces nouveaux moyens budgétaires seront renforcés par de nouveaux outils juridiques.

C’est un fait : la délinquance évolue, s’adapte, se transforme en permanence. À nouveaux enjeux, nouvelles réponses, comme ont pu le souligner Mme Troendle et M. Laménie. Il nous faut rénover, en permanence, et nos façons d’agir et la manière de nous organiser. La LOPPSI, qui reviendra à l’Assemblée nationale à la mi-décembre, est la seule loi à la fois d’orientation et de programmation sur la sécurité intérieure de ce quinquennat. Elle permet quatre progrès.

M. André Vantomme. Dix minutes de dépassement !

M. Patrick Ollier, ministre. Premier progrès : le renforcement des outils opérationnels mis à la disposition des forces de sécurité, avec la poursuite du déploiement de la vidéoprotection, les fichiers sériels de rapprochement judiciaire, mais aussi des mesures pratiques et pragmatiques comme le blocage à distance des téléphones portables volés – carte SIM et combiné – ou l’affectation aux services enquêteurs des biens saisis des délinquants et leur mise aux enchères. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)

Deuxième progrès : le renforcement de la police administrative, auquel le ministre a été très attentif, car c’est souvent le seul moyen de garantir une réponse rapide, attendue de nos concitoyens – les interdictions administratives de stades, par exemple, ont démontré leur efficacité.

Troisième progrès : le renforcement de la sanction et l’efficacité de la chaîne pénale, à la suite du discours de Grenoble – dispositif des peines planchers étendu et peines incompressibles de trente ans pour les meurtriers de détenteurs de l’autorité publique condamnés à perpétuité.

M. André Vantomme. Onze minutes !

M. Patrick Ollier, ministre. Quatrième progrès, enfin – et je m’adresse tout particulièrement à Mme Troendle – : le renforcement du partenariat avec les autres acteurs de la sécurité, police municipale et professionnels de la sécurité privée.

M. Jean-Louis Carrère. L’UMP parle à l’UMP !

M. Patrick Ollier, ministre. Eh oui ! Le ministre parle aux sénateurs, monsieur Carrère !

S’agissant de ces derniers, l’État joue pleinement son rôle de régulateur en professionnalisant et en moralisant ces professions en pleine expansion.

M. Jean-Louis Carrère. C’est très bien, continuez ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier, ministre. Merci de votre compliment !

Une étape a été franchie avec la création du Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS, qui sera chargé de délivrer, de suspendre ou de retirer les différents agréments, autorisations et cartes professionnelles.

Un délégué interministériel à la sécurité privée, le préfet Jean-Louis Blanchou, travaille spécifiquement sur cette question.

La LOPPSI est, ainsi, une « boîte à outils », conçue comme telle, pour que la politique de sécurité s’en trouve renforcée au quotidien. (Mme Éliane Assassi marque son impatience.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, un contexte financier contraint n’empêche pas d’agir.

M. Jean-Louis Carrère. Il n’empêche surtout pas de parler !

M. Patrick Ollier, ministre. Mieux, il pousse à être rigoureux (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.), exemplaire et innovant. Il nous pousse à être ambitieux.

Cette ambition passe, d’abord, par l’action que les hommes et les femmes déploient sur le terrain, parfois au risque de leur vie.

Je veux, d’ailleurs, rendre un hommage appuyé aux 19 policiers et gendarmes – 6 policiers et 13 gendarmes – qui sont décédés dans l’exercice de leur mission depuis le début de l’année.

Cette ambition se concrétise aussi par une stratégie d’action, par des réorganisations, par des choix budgétaires.

Cette ambition s’incarne, enfin, dans un périmètre d’action désormais élargi. Si c’est un honneur dont nous entendons être à la hauteur, c’est aussi une responsabilité qui porte en elle une exigence d’efficacité.

Croyez-le bien, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget que je viens de vous présenter n’a qu’un seul but : donner aux policiers et aux gendarmes les moyens de continuer à assurer la première des libertés : la sécurité. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. André Vantomme. Treize minutes !

M. Jean-Pierre Sueur. M. le ministre ayant dépassé de treize minutes son temps de parole, nous avons un crédit !

M. Jean-Louis Carrère. Au moins treize minutes !

Sécurité
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Administration générale et territoriale de l'Etat

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurité », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Sécurité

16 804 214 075

16 805 432 573

Police nationale

9 137 713 213

9 083 347 411

Dont titre 2

8 118 067 264

8 118 067 264

Gendarmerie nationale

7 666 500 862

7 722 085 162

Dont titre 2

6 494 165 941

6 494 165 941

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurité ».

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Administration générale et territoriale de l’État

Article 48 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 48 et état B (début)

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

La parole est à Mme le rapporteur spécial.

M. Jean-Pierre Sueur. J’espère qu’elle disposera d’un supplément de temps de parole, M. Ollier ayant dépassé de treize minutes le temps de parole qui lui était imparti !

M. Charles Revet. C’est à cause de vous, monsieur Sueur ! Vous l’avez interrompu en permanence !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne l’ai pas interrompu pendant treize minutes ! Je ne l’ai pas du tout interrompu !

Mme Michèle André, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » s’appuiera en 2011 sur une enveloppe budgétaire de 2,45 milliards d’euros en crédits de paiement. Cette enveloppe est en recul de 5,6 % par rapport à 2010.

En 2011, la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, continuera d’impacter fortement cette mission. Sur la feuille de route figurent la poursuite de la rationalisation du processus de délivrance des titres d’identité, le prolongement de la mise en place du nouveau système d’immatriculation des véhicules – le SIV –, le recentrage du contrôle de légalité et la mutualisation des fonctions support.

Cette politique s’accompagne de la suppression, dans les préfectures, de 2 107 emplois équivalents temps plein travaillé, les ETPT, sur 2009-2011.

La mission de contrôle budgétaire que j’ai menée cette année, au nom de la commission des finances, a toutefois mis en lumière des conclusions tout à fait préoccupantes concernant les conséquences de ces suppressions d’emplois. Le pari de la RGPP dans les préfectures reposait en effet sur l’obtention de gains de productivité grâce à une organisation plus performante des services et à un recours accru aux nouvelles technologies. Or ce pari semble en passe d’être perdu.

Le passage au passeport biométrique n’a pas permis de réaliser les économies d’emplois escomptées. Le SIV n’a pas non plus débouché sur la disparition du flux des demandes en préfectures, notamment dans le cas des véhicules d’occasion.

La nouvelle stratégie de contrôle de légalité, recentré sur les actes les plus sensibles et à fort enjeu, comporte, pour sa part, le risque d’un accroissement de l’insécurité juridique, avec à la clef un coût social élevé.

Quant au redimensionnement des fonctions support, il n’a eu, jusqu’à présent, qu’un impact limité, les mutualisations n’ayant, par exemple, permis d’économiser que 65 ETPT, selon un récent rapport de l’Inspection générale de l’administration, l’IGA.

Au total, il y a lieu de s’inquiéter pour le maintien de la qualité du service public au sein de cette mission, notamment dans la perspective de la troisième et dernière vague de suppression d’emplois prévue par la RGPP : 764 ETPT dans les préfectures en 2011. Il convient aujourd’hui de rappeler que les réductions de personnel ne doivent pas s’opérer au détriment des citoyens ni des élus, notamment dans le cadre du contrôle de légalité et du conseil.

Dans ce contexte, le budget du programme Administration territoriale comprend 1,65 milliard d’euros et enregistre une baisse de 4,6 % par rapport à 2010. Son plafond d’emploi est fixé à 28 265 ETPT, soit une diminution de 764 emplois par rapport à l’exercice précédent.

L’Agence nationale des titres sécurisés, l’ANTS, tend à devenir un acteur essentiel de ce programme et, plus largement, à s’imposer comme une plaque tournante importante dans le paysage administratif national.

En 2011, l’Agence développera notamment l’application FAETON, destinée à remplacer le fichier national du permis de conduire. Elle devrait également expérimenter une procédure de dématérialisation des actes d’état civil, porteuse de gains de productivité potentiellement très importants pour les communes.

L’ANTS tirera, en 2011, une partie de son financement du produit du droit de timbre sur le passeport biométrique, ainsi que de la taxation des titres de séjour et des titres de voyage biométriques. De ce point de vue, je veux exprimer deux regrets. D’une part, le montant du droit sur les passeports n’a pas pu être ramené, malgré un amendement déposé en première partie du projet de loi de finances, à son juste prix, lequel s’établit, selon le rapport de la Cour des comptes édité au Sénat sous le numéro 596, à 55 euros correspondant au coût moyen de ce titre. Le timbre fiscal est actuellement fixé à 89 euros.

D’autre part, la décote de 3 euros dont bénéficient les demandeurs d’un passeport fournissant leurs photos d’identité n’a pas été appliquée aux titres biométriques destinés aux étrangers malgré les demandes réitérées de nos collègues.

Enfin, s’agissant de la gestion de l’Agence, on peut s’étonner que l’ANTS subisse déjà la suppression d’un emploi, alors qu’elle est nouvellement créée.

Dans le même temps, les effectifs des cultes d’Alsace-Moselle restent d’ailleurs, eux, inchangés et ne se voient pas appliquées les réductions d’emplois exigées par la RGPP.

Cette insaisissable logique des ressources humaines est tout à fait préjudiciable au service public dans son ensemble.

Le programme Vie politique, cultuelle et associative, dont relèvent les personnels des cultes, voit ses crédits de paiement diminuer de 31,2 %, avec un budget de 184,6 millions d’euros.

Cette évolution à la baisse de l’enveloppe budgétaire du programme reflète l’évolution du cycle électoral. Alors qu’en 2010 des élections régionales pesaient sur le calendrier, l’année 2011 verra le déroulement d’élections moins lourdes à organiser.

S’agissant des crédits de ce programme, je tiens, une nouvelle fois, à vivement déplorer que les partis politiques se privent de 7 millions d’euros du fait de leur non-respect des règles de parité. Ils peuvent, et ils doivent, mieux faire.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Michèle André, rapporteur spécial. Le programme Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur enregistre une hausse de 2,9 % de ses crédits de paiement.

Cette année encore, il convient de souligner la fragilisation de ce programme, de par l’évolution des frais de contentieux. Au 1er septembre 2010, ces dépenses s’élevaient déjà à 63 millions d’euros, pour une prévision en fin de gestion de l’ordre de 112,5 millions d’euros. On ne peut donc que s’inquiéter, d’une part, du respect de l’autorisation budgétaire accordée pour l’exercice 2010 – 86,9 millions d’euros consacrés à l’activité de conseil juridique et au traitement du contentieux, dont une enveloppe de 80,2 millions d’euros pour les seuls frais de contentieux – et, d’autre part, d’une éventuelle sous-évaluation de ce poste de dépense pour 2011.

En conclusion, et sous ces réserves, la commission des finances propose au Sénat l’adoption des crédits de cette mission et de chacun de ses programmes, même si je me dois d’ajouter qu’à titre personnel je ne saurais les approuver. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai cette année quatre observations sur les crédits de cette mission.

Première observation : la révision générale des politiques publiques dans l’administration territoriale de l’État, comme sans doute ailleurs, a atteint les limites du supportable.

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis. On peut en faire la démonstration mathématique.

La révision générale des politiques publiques s’appuie sur deux mesures.

La première consiste à supprimer des emplois. Sur ce point, vous êtes parvenus à vos fins : 2 000 emplois temps plein ont été supprimés en trois ans, et quatre départs sur cinq à la retraite n’ont pas été remplacés.

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis. La seconde mesure devait compenser ces pertes d’effectifs par des gains de productivité. À cet égard, vous avez échoué. Les mutualisations n’ont pas permis d’économiser les 1 000 emplois espérés, mais seulement 65...

Un tel effet de ciseaux ne peut être sans conséquence sur la qualité du service public et la vie des personnels : l’une et l’autre sont profondément dégradées. Nous vous demandons, monsieur le ministre, de mettre fin à cette érosion du service de l’État.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis. Deuxième observation : la tempête Xynthia a mis au jour une défaillance de l’ensemble de la chaîne de la décision publique. La faiblesse des prescriptions des plans de prévention des risques naturels et la mollesse du contrôle des autorisations d’urbanisme, par exemple, ont été relevées par la mission commune d’information du Sénat. Ainsi, il est apparu que de nombreux permis de construire avaient manifestement été accordés illégalement, ou étaient inexistants ; pour autant, le contrôle de légalité n’a rien trouvé à y redire.

Ma troisième observation concerne les titres sécurisés. Nous avons constaté une nette amélioration dans la délivrance des passeports biométriques : le délai est actuellement de sept jours, contre deux à huit semaines auparavant.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis. Toutefois, nous avons également constaté d’importantes disparités selon les départements, puisque le délai de délivrance dépasse deux semaines dans certaines préfectures ; je citerai celle des Pyrénées-Atlantiques, pour des raisons un peu particulières.

Michèle André a dénoncé avec force le coût du timbre mis à la charge de l’usager, qui est sans rapport avec le coût de fabrication du passeport. Je m’associe totalement à ses observations et je regrette que son amendement n’ait pas été accueilli.

Je dirai un mot sur la future carte nationale d’identité électronique. Sa création suppose l’existence d’un support législatif qui, lui-même, doit régler la question toujours délicate du fichier des titres électroniques sécurisés.

Je crois pouvoir dire, au nom de tous les membres de la commission des lois, que la création de ce fichier, qui constituera la plus grande base de données personnelles jamais constituée dans notre pays, doit s’accompagner de garanties solides ; la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, l’a également souligné. Nous savons bien, en effet, que la tentation sera grande de l’utiliser comme un fichier de police.

Nous savons, par ailleurs, que l’indemnisation des communes sera revue lors de la mise en place de la carte nationale d’identité électronique. Quand exactement ? Nous ne le savons pas... Le rapport de l’Inspection générale de l’administration limite cette indemnisation à des cas précis : « les centres d’attraction très forte, commerciale ou touristique ». Ce critère ne correspond pas à la réalité de nos communes ; il faut l’élargir.

Enfin, je souhaite attirer votre attention sur la question de la lutte contre les dérives sectaires, qui s’accroissent et changent de forme. L’un des moyens de les combattre est le renseignement. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la MIVILUDES, doit pouvoir bénéficier de certaines informations détenues par l’État.

Nous avons constaté un progrès : le ministère de l’intérieur transmet désormais à la MIVILUDES un certain nombre de données qu’il n’acceptait pas de lui communiquer auparavant. Pour autant, cette transmission doit encore être améliorée au niveau des préfectures, qui organisent certaines réunions sur le sujet sans l’y associer.

La France s’est dotée d’un outil de lutte contre les dérives sectaires, la Cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires, la CAIMADES. C’est très bien, mais il ne faut pas, sitôt celle-ci créée, amputer ses crédits.

Il est nécessaire d’accorder au président de la MIVILUDES la même immunité que celle dont bénéficient le Défenseur des enfants, le Médiateur de la République ou le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Même s’il n’a jamais été condamné – et c’est heureux –, il fait en effet l’objet, chaque année, de procédures pénales fondées sur des éléments révélés dans son rapport. Cette immunité permettrait de le protéger.

Constatant évidemment les désastreux effets de la révision générale des politiques publiques dans notre secteur,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pourquoi « évidemment » ?

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis. … je ne peux voter, à titre personnel, les crédits de cette mission. En revanche, la commission des lois leur est favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. le président de la commission des finances applaudissent également.)

Mme la présidente. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, pour cette discussion, à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose, et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour cette mission.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Permettez-moi tout d’abord, monsieur le ministre, de vous présenter tous mes vœux de réussite dans vos nouvelles fonctions. Je suis cependant quelque peu désolé que vous les ayez inaugurées en lisant un tel pensum chiffré.

M. Alain Bauer, président de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP, et qui est un proche de M. Nicolas Sarkozy, disait récemment : « L’Observatoire de la délinquance et des réponses pénales se montre très prudent sur les chiffres. Nous luttons contre le fétichisme du chiffre. »

Il ajoutait : « Une enquête réalisée [par cet observatoire] auprès de 17 000 ménages rend compte de ce qu’a véritablement vécu la population. Elle permet de surmonter la principale faiblesse des statistiques policières : la sous-déclaration des faits, parfois de leur enregistrement. Grâce au travail de fond des enquêteurs de l’INSEE, on sait que des millions de faits ou de troubles ne sont pas signalés.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce chiffre est à rapporter aux 4,2 millions de faits enregistrés par la police qui donnent lieu à 3,2 millions de procédures dont seulement 15 % débouchent sur des poursuites judiciaires. Du coup le taux de productivité du système reste très faible. »

Pour ma part, je croirai aux discours sur les chiffres – officiels – le jour où nous nous accorderons pour que les chiffres de la sécurité soient produits non par le ministère de l’intérieur, mais par une autorité indépendante, à caractère universitaire et scientifique.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Jusqu’à présent, aucun gouvernement, de gauche ou de droite, n’a accepté de prendre cette décision. Nous assistons toujours au même débat faussé, qui ne sert à rien.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Je tenais à faire cette mise au point,…

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. … parce que je considère que nous devrions pouvoir parler de sécurité – sujet difficile s’il en est ! – sans que l’on nous inflige cette sempiternelle avalanche de chiffres : ce sont les mêmes depuis dix ans, ils seront inchangés demain, et ne revêtent, finalement, que peu d’intérêt.

M. Roland Courteau. Ils ressassent !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ferai trois remarques sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

La première concerne la nouvelle organisation des préfectures. Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, à vous qui êtes un homme de terrain, que j’ai beaucoup de mal à la faire comprendre à nos concitoyens !

Vous ne trouverez pas un Français sur cent qui soit capable de vous dire le nom des deux ou trois nouvelles directions préfectorales au niveau départemental ! La raison en est simple : on a choisi, pour les désigner, des dénominations abstraites, qui ne disent rien à personne.

Je lis dans l’excellent rapport de M. Anziani qu’il existe, dans chaque département, une DDCSPP (M. Roland Courteau s’esclaffe.), qui peut être scindée en deux parties, l’une étant la DDCS, dont les missions sont similaires à celles des DRJSCS.

M. Roland Courteau. C’est clair ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. On trouve aussi une DDTM, et j’en passe...

J’ai rencontré, il y a peu, un représentant du ministère de la jeunesse et des sports, qui nous a expliqué qu’il fallait désormais s’adresser à la cohésion sociale.

J’ai également vu un fonctionnaire travaillant dans une DIRECCTE, direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, expliquer pendant une demi-heure de quoi il pouvait bien s’agir.

Philippe Muray est mort : c’est dommage, car il aurait sans doute écrit un très beau texte sur ces appellations abstraites.

Il fut un temps où notre République, qu’il s’agisse de la IIIe, de la IVe ou de la Ve, s’honorait d’avoir des directions de la jeunesse et des sports, de l’agriculture, de l’équipement, des affaires sociales, des anciens combattants. On comprenait de quoi il s’agissait !

Je vous en supplie, monsieur le ministre, soyez concret ! Les fonctionnaires commencent à peine à comprendre, mais pas la population : ces appellations sont trop abstraites...

M. Roland Courteau. C’est voulu !

M. Jean-Pierre Sueur. Donnez à ces administrations des noms concrets afin que l’on puisse s’y retrouver !

J’en viens à ma deuxième remarque : nous devons être très attentifs au principe de l’égalité. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le passage du rapport d’Alain Anziani relatif aux naturalisations.

Une nouvelle procédure déconcentrée a été mise en place, soit ! Mais le rapporteur pour avis relève qu’il existe une inquiétude devant la diminution très importante du nombre de décisions favorables dans certaines préfectures, et de grandes disparités selon les départements.

L’égalité – est-il besoin de le rappeler ? – est une vertu cardinale. C’est parce que l’État est capable de mettre en œuvre des lois et des règles qu’il existe une cohésion sociale, une cohésion nationale. Nous devons veiller à ce que la déconcentration ne se traduise pas par des inégalités.

Ma troisième remarque concerne les crédits.

Dans son excellent rapport, Michèle André écrit, s’agissant de la révision générale des politiques publiques, que le pari est en passe d’être perdu.

Considérons les chiffres du présent budget : des crédits en diminution de 5,6 % ; pas moins de 2 107 équivalents temps plein travaillé supprimés entre 2009 et 2011 ; enfin, 80 % des départs à la retraite non remplacés en 2011.

Monsieur le ministre, nous pouvons comprendre que le Gouvernement aspire à gérer de façon rigoureuse, surtout dans cette période difficile, et à moderniser le système : c’est parfaitement légitime. Mais il arrive un moment où les limites de l’acceptable sont atteintes... En l’occurrence, elles sont très largement dépassées.

Nous devons être très vigilants : si l’on continue ainsi, les services de l’État ne pourront plus fonctionner correctement (Mme Catherine Troendle applaudit.), comme cela doit être le cas dans une République qui s’est construite en se référant à une certaine idée de l’État républicain, solidaire et fraternel.

On ne pourra en effet pas faire fonctionner les services de l’État si l’on supprime autant d’emplois et si l’on met dans une situation très difficile un nombre important de nos services publics. C’est une question cruciale pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le budget affecté à la mission « Administration générale et territoriale de l’État » est, clairement, en recul par rapport à l’année précédente : il diminue de 5,6 %, un recul qui vient pour la troisième année consécutive affaiblir l’administration territoriale de l’État.

Suppressions d’emplois, retraités non remplacés, absences non compensées, réduction des moyens de fonctionnement des préfectures, investissements limités : tous les ingrédients sont ici réunis pour faire des préfectures de région et de département les laissés-pour-compte de la politique gouvernementale.

M. Roland Courteau. À part ça, tout va bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. Le budget 2011 vient aggraver encore une situation fragilisée depuis plusieurs années, avec la mise en œuvre de la RGPP et l’application critiquable de la LOLF, transformée en un harpagon budgétaire.

M. Jean-Pierre Sueur. Et c’est une préfète qui dit cela !

Mme Anne-Marie Escoffier. Je ne peux m’empêcher de redire que la LOLF était, dans ses intentions, la meilleure des choses et qu’elle est devenue, au fil du temps, seulement l’outil de réduction des moyens.

Mme Anne-Marie Escoffier. La réorganisation de l’administration territoriale de l’État est le fruit, la conséquence inéluctable de l’application de la LOLF, avec ses programmes verticaux – en tuyaux d’orgue – qu’il a bien fallu coordonner au niveau régional pour mettre en œuvre des politiques territoriales cohérentes, transversales.

De là, la réforme des préfectures donnant à la préfecture de région autorité sur les préfectures de département, celles-là n’ayant plus guère pour compétence que la sécurité – sous toutes ses formes – et la gestion de crise : en quelque sorte une « sous-préfectoralisation » dont beaucoup s’émeuvent.

Que reste-t-il alors pour les sous-préfectures qui, progressivement, voient leur champ de compétence réduit ? Pas grand-chose, en dehors du devoir de représentation, lequel, à terme, ne sera peut-être même plus assumé par un membre du corps préfectoral.

M. Roland Courteau. Cela se pourrait bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. Comment s’étonner, dans ce contexte, du malaise des agents des préfectures et des membres eux-mêmes du corps préfectoral ? Un malaise qu’ils continuent à dissimuler, ou du moins à ne pas mettre au grand jour, trop habitués qu’ils sont, par tradition, à être des serviteurs loyaux et fidèles de l’État.

M. Roland Courteau. C’est exact !

Mme Anne-Marie Escoffier. Cependant, monsieur le ministre, il suffit de tendre l’oreille pour les entendre protester.

Voilà une réforme préparée largement sans eux, qui n’a pas laissé le temps d’expérimenter les nouvelles relations entre préfectures et services déconcentrés de l’État : les rattachements en grands pôles correspondant à des politiques publiques transversales ne sont souvent pas parvenus à trouver une unité géographique, un lieu réunissant les services amenés à travailler ensemble. Dans ces conditions, il est difficile pour eux d’intégrer la culture des services préfectoraux !

On assiste alors à une nouvelle indépendance des grosses unités, comme les directions régionales de l’équipement, de l’agriculture ou du logement, qui retrouvent spontanément le lien avec leurs administrations centrales plutôt qu’avec le préfet.

Ce qui aurait dû correspondre à une meilleure efficacité de la gestion administrative s’est en fait retourné contre l’administration elle-même qui, dans le même temps, perd de sa substance et de sa matière grise. (M. Roland Courteau opine.) La transmission s’opère peu, s’opère mal : les fonctionnaires de catégorie A et B, appelés, progressivement, à remplacer des fonctionnaires de catégorie C pour assurer des fonctions de management, ne bénéficient pas des formations suffisantes.

Au nom du principe de mutualisation et de professionnalisation, les missions sont assumées à l’échelon administratif supérieur : le contrôle de légalité, réduit dans son champ d’intervention, relève de la préfecture de département ; le budget global du département – le BOP 307 ou RBOP – est désormais géré, au niveau régional, par les secrétaires généraux aux affaires régionales, ou SGAR ; les préfectures de région ou de département ont restitué un peu plus de 3 % de leurs effectifs, pour permettre à l’administration centrale d’assumer une mission de management !

On aurait pu penser que ces changements d’organisation, auxquels il faut ajouter le nouveau déséquilibre entre administration territoriale et police, né du rapprochement de la police et de la gendarmerie, n’auraient été ressentis que par les personnels des préfectures et les préfets. Il n’en est rien. J’ai pu constater dans mon département, dans ma région et au-delà, l’étonnement, voire l’inquiétude des élus locaux face à une réorganisation à laquelle ils n’ont pas été associés, et qui leur a été timidement expliquée.

M. Roland Courteau. Très vrai !

Mme Anne-Marie Escoffier. À l’heure où le mot « proximité » revient comme un véritable leitmotiv, on peut s’étonner de cette forme de recentralisation déguisée, qui éloigne assurément les administrations de l’État des collectivités territoriales et des citoyens eux-mêmes.

Monsieur le ministre, vous aurez compris ma propre inquiétude, au regard d’un budget en recul, mais également au regard de la réorganisation territoriale, à laquelle je ne suis pas défavorable sur le fond, mais bien sur la forme. Je voudrais me persuader que dans l’enveloppe budgétaire contrainte qui va être soumise à notre vote vous aurez à cœur de mettre en œuvre des procédures au demeurant peu coûteuses, mais respectueuses tant des personnels que des élus et du citoyen.

Je crains, avec le plus grand nombre des membres de mon groupe RDSE, que ce pari ne soit difficile à tenir. C’est pourquoi nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » s’appuiera en 2011 sur une enveloppe budgétaire de 2,45 milliards d’euros en crédits de paiement, hors fonds de concours. Cette enveloppe est en recul de 4,6 % par rapport à 2010.

Ce projet de budget confirme les profondes modifications architecturales des services déconcentrés de l’État dans le but d’améliorer « les gains de productivité » au détriment, on le constate, de la qualité du service public.

La révision générale des politiques publiques, qui avait en effet pour ambition, selon le Gouvernement, de « dépenser mieux tout en améliorant la qualité du service rendu », ne produit pas, comme nous l’avions prévu, les effets escomptés alors que l’on entame la troisième année de mise en œuvre de la révision. Car si l’on dépense effectivement moins, du fait des restrictions budgétaires et d’une réduction drastique des effectifs, on est bien loin de dépenser mieux et la qualité du service rendu s’en ressent.

La mise en œuvre de la RGPP et son lot de suppressions d’emploi sont confirmés, notamment dans les préfectures où une réduction nette et inappropriée des moyens accordés à ce service continue de produire des effets contraires aux engagements que vous aviez pris.

Ainsi, en 2011, 80 % des départs à la retraite ne seront pas remplacés, soit un départ remplacé sur cinq, au lieu du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux initialement prévu, ce qui était déjà assez navrant.

Cette suppression d’emplois est d’autant plus contestable qu’elle intervient à un moment où la rationalisation du processus de délivrance des titres d’identité, dans la continuité du passage au passeport biométrique en 2009, trouve un prolongement dans la mise en place du nouveau système d’immatriculation des véhicules, le recentrage du contrôle de légalité et la mutualisation des fonctions support.

Or, l’amélioration du service par le recours accru aux nouvelles technologies n’est pas au rendez-vous, et le ministère continue d’anticiper des suppressions de postes alors que la nouvelle organisation du travail n’est pas mise en place, entravant ainsi sérieusement le bon fonctionnement du service public.

Une analyse de terrain menée dans les préfectures démontre l’existence de défaillances dans le service public, ainsi qu’une dégradation des conditions de travail des agents. Des témoignages recueillis dans ma permanence départementale, auprès des différents services déconcentrés de l’État touchés par la RGPP, pointent ainsi du doigt de nombreux problèmes.

Ceux-ci sont notamment liés au manque de formation des agents, à qui l’on demande un gros effort d’adaptation sans trop les orienter. Les agents déplorent surtout un manque d’effectif dans de nombreux services ainsi qu’un manque d’adaptation de la réforme sur le plan local. En effet, toutes les préfectures sont soumises aveuglément aux mêmes objectifs, bien que les besoins diffèrent d’un département à l’autre.

Ainsi, suivant en cela Mme Michèle André, je pense qu’il serait préférable de s’arrêter pour faire un bilan d’étape. J’irai au-delà, en vous demandant de ne pas mettre en œuvre la troisième vague de suppression d’emplois prévue pour 2011, afin d’envisager sereinement les améliorations nécessaires à un service public de qualité soucieux des attentes des administrés et des agents administratifs. La pause est la marque non pas des indécis, comme le pense M. Fillon, mais plutôt des clairvoyants qui se préoccupent d’éviter les catastrophes !

Enfin, il me paraît important de suivre et d’appuyer les recommandations du rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Anziani, en matière de lutte contre les dérives sectaires, afin que le ministère s’engage de manière plus efficace, en coordination avec la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, ou MIVILUDES.

Mon groupe votera donc contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Pierre Sueur. Il n’y a pas d’orateur de l’UMP ? Il n’y en a pas non plus de l’Union centriste ? S’il n’y a pas d’orateurs de la majorité, c’est peut-être parce qu’il est très difficile de défendre ce budget…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L’essentiel, c’est de voter les crédits !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est tout de même bizarre !

M. Charles Revet. Monsieur Sueur, écoutez M. le ministre !

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Au préalable, je demande au Sénat d’excuser M. Richert, dont le train au départ de Strasbourg a subi des retards en raison des chutes de neige. Il sera présent ce soir, à la reprise de la séance.

Madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président de la commission des lois, je salue tout d’abord le travail des rapporteurs, Mme la sénatrice Michèle André et M. le sénateur Alain Anziani, qui ont présenté de façon très complète les objectifs et les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », ou AGTE.

Je remercie également les sénateurs qui se sont exprimés pour la qualité de leurs interventions et de leurs questions, auxquelles je vais m’efforcer de répondre avec la même pertinence. (M. Roland Courteau s’exclame.)

La mission budgétaire AGTE représente 2,6 milliards d’euros au total, et un plafond d’emplois de 33 405 équivalents temps plein, ou ETP. Elle recouvre en réalité deux fonctions fondamentales du ministère de l’intérieur : d’une part, la permanence et la continuité de l’État ; d’autre part, la mise en œuvre territoriale, sous l’autorité des préfets, de l’ensemble des politiques publiques.

Mais cette permanence des missions n’exclut pas, bien au contraire, les évolutions. Les préfectures et sous-préfectures connaissent en effet des transformations profondes, qui visent aussi bien leurs structures que les métiers. Elles aussi doivent subir l’évolution du temps.

Dans un contexte budgétaire et humain contraint, cela constitue un véritable défi qu’il nous importe de relever, que ce soit par une organisation mieux adaptée, par des procédures plus efficaces ou par des relations toujours plus étroites avec les autres services de l’État.

Les préfectures et les sous-préfectures continuent à se moderniser.

Les derniers exercices budgétaires ont conduit les préfectures à s’adapter, compte tenu du nombre d’emplois mis à leur disposition et de la redéfinition du périmètre de leurs missions.

Il est en effet normal que le ministère de l’intérieur participe à l’effort général de maîtrise des finances publiques engagé ces dernières années sous l’impulsion du chef de l’État et du Premier ministre, avec notamment la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques, comme vous l’avez souligné. Ceci est la conséquence de cela.

Ce sera encore le cas en 2011, avec 699 réductions d’emplois, soit un niveau légèrement moindre que les années précédentes.

Ces réductions sont lourdes, mais je tiens à vous préciser que pour 2012 et 2013 le ministère a obtenu un infléchissement net des réductions d’emplois compte tenu, justement, des efforts réalisés. Je souhaite insister sur ce point auprès de M. Anziani et de Mme André, ainsi que de M. Sueur et de Mme Mathon-Poinat.

Pour l’administration centrale, la réduction est prévue à hauteur de 68 emplois, ce qui signifie que la totalité des départs en retraite n’est pas remplacée. Je sais qu’il s’agit d’un effort important, mais il est nécessaire que les états-majors parisiens montrent l’exemple. Bien évidemment, on peut toujours discuter.

Vous l’aurez compris, si le ministère de l’intérieur participe à l’effort de réduction des déficits publics, il préserve aussi ses capacités opérationnelles et plus largement ses capacités d’action. Là est l’essentiel. Plutôt que de subir la contrainte budgétaire, le choix assumé est celui de la réforme et de l’innovation.

C’est par la réforme et l’innovation que l’on parviendra à obtenir des résultats, avec une plus grande efficacité. Encore faut-il en avoir la volonté. C’est le cas du Gouvernement. Il s’agit de poursuivre l’effort de modernisation, afin de faciliter le travail des agents, tout en améliorant la qualité du service rendu au public.

Des résultats remarquables sont déjà enregistrés.

L’an passé, et vous n’aviez pas manqué de le souligner, quelques difficultés avaient été rencontrées pour la délivrance des nouveaux passeports biométriques ou la mise en œuvre du nouveau système d’immatriculation des véhicules, ou SIV.

Je peux vous indiquer aujourd'hui, madame le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis – votre rapport le mentionne d’ailleurs – que des progrès remarquables ont été réalisés. J’ai pu moi-même le constater dans la ville que j’administre.

Ainsi, dans plus de quatre-vingts départements, il faut moins de dix jours pour obtenir un passeport.

De même, cinq à dix minutes suffisent désormais pour obtenir l’immatriculation à vie d’un véhicule, directement par le biais du concessionnaire, sachant que 20 000 professionnels de l’automobile sont à ce jour agréés. Près de la moitié des immatriculations est désormais effectuée par ces professionnels, ce qui signifie que d’ores et déjà un usager sur deux n’a plus besoin de se déplacer à la préfecture pour immatriculer son véhicule. Ce véritable progrès, permettant un gain en termes de temps et d’efficacité, malgré les contraintes que vous avez évoquées, mérite d’être signalé.

Voilà une belle démonstration, madame Mathon-Poinat, vous qui aviez mis l’accent sur ces problèmes.

Aller plus loin dans notre démarche de modernisation consiste aussi à instituer de nouvelles réformes, comme la mise en œuvre de la carte nationale d’identité électronique qui devrait pouvoir être lancée en 2011 en fonction des souhaits du législateur que vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs.

Les nouvelles technologies nous offrent donc de réelles perspectives d’amélioration du service rendu, mais elles ne peuvent suffire à elles seules, si nous ne restons pas attentifs en permanence à la simplification des procédures.

Je prendrai un exemple : la délivrance et le renouvellement des cartes d’identité et des passeports. Voilà peu, de trop nombreux citoyens français rencontraient des difficultés inacceptables lors de l’établissement ou du renouvellement de leur titre d’identité.

Comme il s’y était engagé, Brice Hortefeux a mis en œuvre, tout en maintenant l’efficacité de la lutte contre la fraude et l’usurpation d’identité, une simplification sans précédent des procédures, qui est appliquée depuis le 1er mars dernier.

Nous avons ainsi considérablement allégé les procédures administratives non seulement pour des millions de Français, mais aussi, par voie conséquence, pour les agents du ministère, point non négligeable pour eux.

Nous sommes en effet soucieux d’associer étroitement les personnels à cette politique de modernisation. Nous leur demandons beaucoup et nous souhaitons donc continuer à améliorer leurs conditions de travail et de rémunération, ce qui est tout à fait logique.

Je souhaite d’ailleurs rendre hommage à l’engagement et au dévouement de ces personnels. Je voudrais également saluer le corps préfectoral, cher au cœur de Mme Escoffier.

Dans le même temps, l’adaptation du parc immobilier se poursuit. Pour les immeubles dont le ministère de l’intérieur assure les charges de propriétaire, 42 millions d’euros d’investissements sont programmés en 2011. Ces investissements sont amplement justifiés par la place stratégique des préfectures et des sous-préfectures au cœur de la nouvelle organisation territoriale de l’État.

Le réseau des préfectures et des sous-préfectures est plus que jamais au centre de la nouvelle administration territoriale de l’État.

Vous le savez, la révision générale des politiques publiques a conduit à réformer de manière importante l’administration territoriale de l’État.

Monsieur Sueur, le Gouvernement sera attentif à la lisibilité des appellations des nouvelles directions. Mais si l’on compare les initiales des directions actuelles à celles d’hier, je ne pense pas que les Français d’hier s’y retrouvaient plus que ceux d’aujourd'hui !

M. Roland Courteau. C’était tout de même un peu plus clair hier !

M. Patrick Ollier, ministre. Hélas ! et vous le savez bien, l’administration, de par les initiales qu’elle retient, s’exprime toujours de la même manière !

M. Jean-Pierre Sueur. Il y a aussi les mots employés !

M. Patrick Ollier, ministre. Monsieur Sueur, vous avez évoqué le problème des statistiques. Je comprends que vous citiez l’ONDRP. Cependant, je vous rappelle que les statistiques ne visent que des faits déclarés. Si certains événements ne sont pas déclarés, peut-être est-ce parce qu’ils ne sont pas suffisamment graves ou importants. (M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.) Je n’imagine pas que de graves délits ayant porté atteinte à l’intégrité physique d’une personne ne soient pas déclarés et, par voie de conséquence, ne fassent pas partie des statistiques.

Je tenais à vous apporter ces précisions, monsieur le sénateur, même si un vrai débat sur ce sujet aura certainement lieu avec le ministre de l’intérieur.

J’en reviens à l’administration territoriale de l’État.

Une nouvelle organisation est en place depuis le 1er janvier dans les départements et régions de province et depuis le 1er juillet dans la région-capitale. Elle sera effective dans les départements et régions d’outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon le 1er janvier prochain.

Parallèlement, les relations entre préfets de région et préfets de département ont été clarifiées et renforcées. Cette réforme nécessaire, d’une ampleur inédite depuis trente ans, est engagée. Elle rend l’administration déconcentrée mieux à même de répondre à ses missions, plus accessible, plus simple, pour un coût de fonctionnement moindre. L’objectif, essentiel, d’un haut niveau de qualité de service est atteint.

Pour cela, il faut repenser les méthodes et les organisations de travail au sein de l’État territorial. Il faut avoir le courage et la volonté de se remettre en cause. Mais les résultats sont au bout de cette démarche. Je prendrai un exemple très concret : les mutualisations interministérielles.

L’enjeu est considérable. Mettre en commun les moyens, c’est non seulement conquérir de nouvelles marges de manœuvre financières, mais aussi aider les fonctionnaires des différents services à mieux assurer leurs missions. Un seul exemple : le rapprochement immobilier des services territoriaux de l’État, coordonné par les préfets, a permis d’économiser près de trois cent mille mètres carrés de bureaux et 10 millions d’euros de loyers ! Ces chiffres démontrent l’importance de ces mutations, de cette modernisation, de cette réforme.

Je voudrais enfin souligner la place tout à fait particulière des sous-préfectures dans l’organisation territoriale de l’État, car je sais que ce sujet est important pour les élus de terrain que sont la plupart d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs.

Le réseau des sous-préfectures, qui traduit la diversité démographique, géographique et économique des territoires, est capital.

M. Patrick Ollier, ministre. La sous-préfecture est en effet l’échelon de proximité…

M. Charles Revet. Exactement !

M. Patrick Ollier, ministre. … qui permet une coordination et une animation de l’action de l’État au plus près des citoyens et des élus. Nous en sommes tous convaincus.

Aussi, le réseau des sous-préfectures sera maintenu, sans que soient interdits des ajustements ponctuels, là où cela semble possible (M. Charles Revet opine.) – ajuster ne signifie pas supprimer –, dans le respect du principe d’accès au service public. Je souhaite vous rassurer sur ce point, madame Escoffier.

Aujourd’hui, les sous-préfectures sont confrontées au défi suivant : se réorganiser, pour devenir des administrations de mission tournées vers le développement des territoires et la sécurité des populations. Concrètement, il s’agit de passer d’une administration de guichet à une administration de projet. La sous-préfecture doit apparaître, pour les élus locaux comme pour les services déconcentrés de l’État, comme la tête de pont de l’État territorial.

La mise en œuvre des politiques décidées dans le cadre du logement, de l’emploi, du Grenelle de l’environnement constitue autant d’opportunités pour les sous-préfectures de contribuer au développement local.

En conclusion, le projet de budget qui vous est présenté conforte l’administration territoriale dans ses missions au bénéfice de nos concitoyens. En s’appuyant sur un effort de modernisation jamais démenti et un engagement complet des personnels concernés, il confirme le rôle spécifique du ministère de l’intérieur, pilier de l’État régalien, mais aussi animateur des politiques de l’État dans les territoires.

Dans le temps qui m’est imparti, j’en viens maintenant aux questions qui ont été posées par les différents intervenants, et je vais m’efforcer d’y répondre de la façon la plus précise possible.

Madame le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, le récent rapport de la Cour des comptes estime à 55 euros le coût unitaire complet du passeport. Cette évaluation doit être comparée non pas au seul tarif en vigueur pour les majeurs – 89 euros –, mais à la moyenne des perceptions constatées en fonction des autres catégories de la population concernées, qu’il s’agisse des mineurs de plus de 15 ans, pour lesquels le coût est de 45 euros, ou de moins de 15 ans, pour lesquels les frais s’élèvent à 20 euros. Il en résulte une perception moyenne de 69 euros.

L’écart n’est donc que de 11 euros à 14 euros, selon que les usagers se présentent en mairie munis ou non d’une photographie d’identité. Encore ne prend-il pas en considération l’incidence de la délivrance à titre gratuit de certains passeports, tels les passeports de service ou de mission, ou encore les passeports délivrés aux indigents ou à la suite d’un changement d’adresse, d’une modification d’état civil, d’une erreur matérielle ou de la saturation des pages, par exemple.

Madame le rapporteur spécial, vous avez évoqué l’effectif des cultes. Les 1 400 emplois ne sont pas touchés par la RGPP car ce ne sont pas des emplois de l’administration. Il n’est pas de la responsabilité du Gouvernement de décider des gains de productivité au sein des cultes.

Monsieur le rapporteur pour avis, la tempête Xynthia a été un drame. Nous nous devons de rechercher les moyens d’éviter qu’une telle catastrophe ne survienne de nouveau. Avant cet événement, l’urbanisme figurait déjà dans les champs prioritaires du contrôle de légalité depuis 2006. Le ministère de l’intérieur avait demandé une vigilance particulière sur l’analyse des risques par une circulaire du 1er septembre 2006.

La tempête Xynthia nous a conduits à instaurer des mesures complémentaires pour que les risques soient mieux pris en compte dans le contrôle de légalité. Des dispositions législatives ont été adoptées lors de l’élaboration de la loi Grenelle 2. Une circulaire interministérielle a été diffusée aux services de l’État.

La protection des populations est l’affaire de tous. Je souhaite que l’ensemble des décisions publiques prennent mieux en considération les risques naturels, notamment d’inondation.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez également évoqué la lutte contre les sectes.

La mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires œuvre en la matière.

Le ministre de l’intérieur s’est engagé à rappeler aux préfets qu’il s’agit d’une priorité ; il souhaite en tout cas être informé de toutes les actions locales de lutte contre les dérives sectaires.

S’agissant de la CAIMADES, la Cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires, sept agents de police lui sont affectés, comme M. Hortefeux s’y était engagé. Il a donc tenu ses engagements.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que ces réponses précises seront de nature à vous rassurer et, éventuellement, à vous conduire à modifier le vote que vous vous apprêtiez à émettre sur cette mission. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Administration générale et territoriale de l'Etat
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 48 et état B (interruption de la discussion)

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisation d’engagement

Crédits de paiement

Administration générale et territoriale de l’État

2 570 766 799

2 449 824 273

Administration territoriale

1 680 060 772

1 653 897 752

Dont titre 2

1 436 209 015

1 436 209 015

Vie politique, cultuelle et associative

191 056 374

184 755 667

Dont titre 2

18 219 928

18 219 928

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

699 649 653

611 170 854

Dont titre 2

328 809 911

328 809 911

Mme la présidente. L'amendement n° II–228, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Administration territorialeDont Titre 2

282 563276 761

282 563276 761

Vie politique, cultuelle et associativeDont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieurDont Titre 2

TOTAL

282 563

282 563

SOLDE

- 282 563

- 282 563

La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, ministre. Le présent amendement, de nature technique, a pour objet de minorer les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » de 282 563 euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Il s’agit de tirer les conséquences des ajustements de transferts aux collectivités territoriales de certaines compétences du ministère de l’intérieur.

Ces ajustements concernent : un transfert au Syndicat des transports d’Île-de-France des services de l’État participant à l’exercice de compétences en matière de plan de déplacements urbains, d’organisation et de fonctionnement des transports scolaires, ainsi que de remboursement des frais de déplacement des élèves ; un ajustement du transfert à la Polynésie française d’agents de l’inspection du travail ; un transfert à la Ville de Paris des services participant à la délivrance des autorisations préalables au changement d’usage des locaux destinés à l’habitation ; un transfert aux départements du Nord et de l’Yonne des compétences du fonds de solidarité pour le logement jusqu’alors exercées par le préfet.

En contrepartie de ce prélèvement sur la mission « Administration générale et territoriale de l’État », un amendement procédera à une augmentation de la dotation générale de décentralisation lors de l’examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Michèle André, rapporteur spécial. La commission des finances n’a pas pu étudier cet amendement, dont elle a eu connaissance tardivement. Elle prend acte de cette compensation technique.

Monsieur le ministre, il serait utile que nous ayons connaissance plus en amont de ce type de transpositions d’une mission à l’autre. L’Assemblée nationale aurait pu les prendre en compte. Un tel procédé serait beaucoup plus simple et ne mettrait pas la commission des finances du Sénat dans l’incapacité de donner un avis éclairé et dans l’obligation de s’en remettre à la sagesse de notre assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, ministre. Madame le rapporteur spécial, je comprends votre réaction. Malheureusement, je n’ai pas pu faire mieux que de vous présenter cet amendement tel qu’il avait été rédigé.

Je vous rappelle qu’il s’agit – et là est l’important – de travailler à volume constant : les transferts qui vous sont proposés seront compensés ultérieurement. Il n’y a pas de conséquence sur le budget général. Je vous remercie de votre compréhension.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-228.

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste s’abstient, car il a beaucoup de mal à comprendre.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Article 48 et état B (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Discussion générale

3

Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous informe que, sur la proposition de la commission des finances, nous siégerons au cours de notre séance de nuit jusqu’à une heure trente demain matin. Par voie de conséquence, la séance de questions orales ne commencera qu’à dix heures trente.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Article 48 et état B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Deuxième partie

Loi de finances pour 2011

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Sécurité civile

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale.

Sécurité civile

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 48 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité civile » (et article 86 decies).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2011, la mission « Sécurité civile » sera dotée de 459,8 millions d’euros de crédits en autorisations d’engagement et de 434,9 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 2,5 % des autorisations d’engagement, mais une baisse de 4,6 % des crédits de paiement.

Le programme Intervention des services opérationnels s’appuiera sur 264,8 millions d’euros, tandis que le programme Coordination des moyens de secours bénéficiera de 170,1 millions d’euros.

Ce budget vise à remplir la feuille de route fixée à la sécurité civile par la révision générale des politiques publiques, ou RGPP, et le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Dans ce contexte, la trajectoire budgétaire de la mission suit une programmation triennale, de 2011 à 2013. Cette programmation ne correspond toutefois pas, pour le moment, aux crédits inscrits dans le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2, en cours d’examen par le Parlement.

Ainsi, hors charges de pensions, le montant arrêté en crédits de paiement pour 2011 est supérieur de 12 millions d’euros à celui qui est prévu par la LOPPSI 2. Cet écart devrait recevoir une explication de la part du Gouvernement, que nous n’avons pas pu obtenir jusqu’à présent.

J’ajouterai quelques observations et plusieurs réserves.

Comme les années précédentes, se pose la question du financement des services départementaux d’incendie et de secours, ou SDIS. Les collectivités territoriales financent 96 % des dépenses de fonctionnement de ces services, dont le budget prévisionnel pour 2010 représente 5,5 milliards d’euros, soit plus de dix fois celui de la mission « Sécurité civile ». Il convient d’ailleurs de rappeler la prédominance du financement des SDIS par les départements depuis plusieurs années.

Dans le même temps, le montant des crédits du Fonds d’aide à l’investissement des SDIS s’établit au même niveau plancher qu’en 2010, soit 21,36 millions d’euros. Or, les SDIS sont demandeurs de davantage d’aides à l’investissement, notamment pour la mise en place de l’infrastructure nationale partagée d’adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours, dite ANTARES.

Par ailleurs, le coût de fonctionnement anticipé d’ANTARES est estimé à 24 millions d’euros par an. Afin de couvrir cette charge, les SDIS paraissent devoir être sollicités, dans le futur, à hauteur de 10 millions d’euros. Non seulement cette ponction va à rebours des annonces initialement faites par l’État, mais elle s’inscrit dans un contexte où les SDIS ont d’ores et déjà consenti un certain nombre d’efforts pour limiter l’augmentation de leur budget et ainsi la contribution des départements. Il y a tout lieu de penser que les 10 millions d’euros nécessaires à ANTARES seront à nouveau mis à la charge des départements, et, personnellement, je considère que ce n’est absolument pas acceptable.

Je dirai un mot de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, l’ENSOSP, sujet que nous évoquons chaque année. Elle connaît, pour sa part, une mise en route satisfaisante à Aix-les-Milles. Elle s’appuie sur un budget pour 2010 de 27,2 millions d’euros. Un investissement important a, par ailleurs, été consenti pour sa nouvelle implantation : le total des engagements financiers de cette opération s’élève, au 1er août 2010, à 85,8 millions d’euros, incluant 21,9 millions d’euros pour la réalisation du plateau technique. Je signale que les collectivités locales ont pris part à cet effort à hauteur de 40,8 millions d’euros.

Toutefois, la suppression annoncée pour 2013 de la subvention de fonctionnement de l’État, qui s’élèvera à 3,48 millions d’euros en 2011, contre 4,5 millions d’euros en 2010, risque de fragiliser cette école. En outre, cela ne paraît pas cohérent avec la politique ayant guidé le développement de l’ENSOSP au cours des dernières années. Une véritable stratégie reste à définir pour cette école.

En conclusion, si le rapporteur que je suis a exprimé ses réserves quant aux crédits de cette mission, la commission des finances, par un vote majoritaire, vous propose l’adoption sans modification des crédits de la mission « Sécurité civile ». J’ai parlé pendant exactement cinq minutes ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Pierre Hérisson applaudissent également.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il va falloir faire aussi bien !

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en introduction de mes propos, je voudrais rendre hommage à tous les personnels de la sécurité civile, aux sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, à tous les secouristes, à tous ces acteurs incontournables qui, au péril de leur vie, s’engagent au quotidien à sauver celle des autres. Je pense tout particulièrement aux sept sapeurs-pompiers qui ont perdu la vie, depuis le début de l’année 2010.

J’aimerais également exprimer, avec force, mon indignation face aux inadmissibles agressions dont font l’objet nos sapeurs-pompiers.

En 2009, 1 080 sapeurs-pompiers en ont été victimes. Depuis 2005, le nombre de soldats du feu agressés est passé de 418 à 1 080, soit une hausse de 158 % !

M. Jean-Claude Peyronnet. Que fait le ministre ?

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis. Avec en point d’orgue, il y a une semaine, l’attaque d’une caserne dans les Yvelines par une quarantaine de jeunes. Les sapeurs-pompiers ont été contraints de se barricader face à des assauts d’une grande violence.

Cela est insupportable !

Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur les éléments strictement budgétaires qui ont été très précisément exposés par notre excellent rapporteur spécial M. Claude Haut.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis. Si les crédits inscrits à la mission « Sécurité civile » sont quasiment stables, je me dois de rappeler que la contribution majeure des collectivités territoriales, qui participent au financement des SDIS, s’élève à un montant global de 5,5 milliards d’euros.

En abordant le budget des SDIS, il me faut évoquer celui du Fonds d’aide à l’investissement, le FAI, dont le budget stable par rapport à 2009 est fortement impacté pour 2011, à hauteur d’un peu plus de 54 %, pour le financement d’ANTARES dont, par ailleurs, l’efficacité est avérée.

Simplement, le montant résiduel du FAI est moindre et ne peut véritablement répondre à des investissements en équipements lourds pour les SDIS.

Si l’investissement pour ANTARES est assuré, notamment par le FAI, la prise en charge de son fonctionnement a donné lieu à des crispations. Il semblerait qu’une solution acceptable pour les SDIS devrait être consacrée dans un accord, sur la base d’une prise en charge pour deux tiers par les services de la police et pour un tiers pour les SDIS. Monsieur le ministre, pouvez-vous me confirmer les termes de cet accord ?

Concernant un autre volet de la sécurité civile, je voudrais aborder celui de la prévention et de l’alerte. La mise en œuvre opérationnelle du Centre régional d’alerte aux tsunamis pour l’Atlantique Nord-Est et la Méditerranée, dit CRATANEM, constitue l’un des objectifs fixés par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Il devrait être opérationnel en 2012.

Or, il me semble qu’à l’issue des arbitrages budgétaires la participation de la direction de la sécurité civile, ou DSC, à ce projet pour 2011 ait été supprimée. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des éléments de réponse ?

Il me reste, à présent, quelques questions à vous poser, qui portent sur des sujets également majeurs.

Ainsi en est-il du devenir de l’ENSOSP, l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers. Si tout le volet immobilier ne soulève aucun problème et s’il apparaît que le volet formation est quasiment optimisé, reste le problème lié au budget de fonctionnement qui, aujourd’hui, s’articule autour de trois recettes : la facturation des prestations aux SDIS, la dotation du Centre national de la fonction publique territoriale, ou CNFPT, et la subvention de l’État de 3,48 millions d’euros inscrits pour 2011.

Or, cette subvention est appelée à disparaître en 2014 et sera versée de façon dégressive d’ici là, au motif que l’ENSOSP n’est plus considérée comme un opérateur de l’État.

Pour autant, cet établissement est une école de référence, reconnue sur le plan international, notamment spécialisée en matière de gestion de crise de type nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif, dit NRBC-E.

Dans la perspective d’une Europe de la sécurité civile, appelée à s’organiser autour d’une force européenne de sécurité civile, l’ENSOSP doit pouvoir être un fer de lance, elle doit être réactive et pouvoir émarger sur les demandes de formation. Son fonctionnement doit être assuré et pérennisé, monsieur le ministre. Dans ce contexte, l’État ne peut se désengager.

Enfin, une question récurrente, invariable depuis 2008, porte sur l’obligation légale d’employer 6 % de travailleurs handicapés au sein des effectifs de sapeurs-pompiers. Cette obligation ne peut être atteinte, malgré la circulaire du 26 octobre 2009 permettant de comptabiliser, au titre d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, l’ensemble des sapeurs-pompiers professionnels bénéficiant d’une affectation non opérationnelle.

Monsieur le ministre, une nouvelle fois et invariablement, à l’instar des années précédentes, je viens vous demander les résultats d’un bilan qui devait être réalisé dès 2008. Qu’en est-il ? Pourquoi les résultats ne sont-ils toujours pas consultables ?

Ce recensement doit être réalisé et ce bilan doit être soumis au Sénat, monsieur le ministre !

Enfin, et pour conclure, pouvez-vous nous confirmer votre engagement pris à Angoulême d’inscrire à l’ordre du jour du premier semestre 2011 la proposition de loi de M. Pierre Morel-A-L’Huissier, qui apportera une réponse attendue aux inquiétudes de nos sapeurs-pompiers, en leur conférant un réel statut de sapeur-pompier volontaire qui ne s’apparentera ni à celui d’un agent public ni à celui d’un travailleur ?

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces observations effectuées, je vous indique que la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurité civile » pour 2011. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Jean Boyer applaudissent également.)

Mme la présidente. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, pour cette discussion, à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour cette mission.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, permettez-moi, en préambule, de vous dire combien nous nous réjouissons de vous voir au banc du Gouvernement. Je vous souhaite, à mon tour, la bienvenue.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Merci beaucoup, madame la sénatrice.

Mme Anne-Marie Escoffier. Nous sommes sûrement nombreux sur ces travées à avoir été associés aux cérémonies organisées à l’occasion de la Sainte-Barbe, patronne des hommes du feu, sapeurs-pompiers et artificiers.

Sainte Barbe est cette martyre tuée par son propre père, emprisonné pour ce meurtre dans une tour à trois fenêtres. Faut-il voir dans la représentation traditionnelle qui est proposée de cette sainte, reconnaissable à la palme du martyre, l’image du PLF pour 2011, s’agissant de la mission « Sécurité » ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste. – Mme Bariza Khiari applaudit.)

Mme Anne-Marie Escoffier. Unanimement, je crois, nous avons été nombreux, une fois encore, à saluer le courage, la compétence et l’abnégation des hommes du feu, des officiers, sous-officiers, sapeurs professionnels ou volontaires, des pilotes d’hélicoptères ou de bombardiers d’eau, des démineurs et de tous ceux qui, au péril de leur vie, ont choisi de sauver celle de l’autre.

À eux tous, avec respect et humilité, nous exprimons notre reconnaissance. Toutefois, s’ils sont bien les porteurs de la palme, qui peut donc être le père qui, derrière les fenêtres de la tour, cherche à comprendre les trois raisons de sa punition ? Ne serait-ce pas le PLF pour 2011 ? (Nouveaux sourires.)

Certes, voilà un budget qui s’est attaché à prolonger les mesures engagées antérieurement pour répondre aux priorités du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ainsi que de la RGPP : amélioration du dispositif de lutte contre les menaces de type nucléaire, radiologique, biologique, chimique ou explosif ; refondation du service du déminage ; mise en œuvre du dispositif d’alerte pour faire face au risque de tsunami dans la zone de l’Atlantique Nord-Est et en Méditerranée ; optimisation des moyens aériens et de leurs infrastructures ; rénovation du système d’alerte et d’information des populations.

Ce budget, je le répète, s’est attaché à atteindre ces objectifs, mais on peut s’interroger sur sa réelle efficacité. Pour ma part, je lui vois trois handicaps majeurs.

Premièrement, il manque de visibilité. Nos deux rapporteurs ont souligné, l’un comme l’autre, le caractère très artificiel de la séparation entre les programmes Intervention des services opérationnels et Coordination des moyens de secours, qui s’inscrivent dans le champ d’autres administrations de l’État – Intérieur, Santé, Agriculture, Écologie, pour ne citer que les plus importantes – et qui, pris distinctement, transcrivent mal la politique de la mission « Sécurité civile ».

Je citerai deux exemples à ce propos : d'une part, les mouvements de crédits induits par la campagne de vaccination contre le virus de la grippe A1H1N1, au titre de 2010, qui relevait du ministère de la santé ; d'autre part, les opérations partagées entre la DGPN, la Direction générale de la police nationale, la DGGN, la Direction générale de la gendarmerie nationale, et la DSC, la Direction de la sécurité civile, dont on ne sait plus trop à qui revient quoi – je pense, en particulier, aux bases héliportuaires et aux flottes d’hélicoptères.

Il paraît sur ce point tout à fait important de suivre les recommandations du comité interministériel d’audit des programmes afin d’améliorer la cohérence entre orientations prioritaires et analyses de l’efficience des programmes.

Deuxièmement, ce budget pâtit du recours accru au financement des collectivités locales, à un moment où ces dernières s’interrogent sur les futures subventions et dotations de l’État.

Le Fonds d’aide à l’investissement des SDIS affiche, pour la quatrième année consécutive, une diminution de ses crédits qui, il est vrai, est compensée directement par l’État pour financer les infrastructures du projet ANTARES. Toutefois, celui-ci est « somptuaire », pour reprendre le mot de M. le président de la commission des finances, et un nombre non négligeable de collectivités se demandent encore quelle utilisation efficiente en sera faite localement.

Je veux rappeler que, aujourd’hui, les départements et les autres collectivités locales se partagent près de 97 % des frais de fonctionnement des SDIS : ils ont bien compris que, si la sécurité n’a pas de prix, elle a un coût, dont ils ne savent pas s’ils pourront l’assumer encore longtemps.

Troisièmement, je tiens à souligner avec vigueur le sort réservé à l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers.

Peut-être fallait-il offrir une nouvelle structure de formation, adaptée aux exigences scientifiques et techniques que requiert la sécurité, aux officiers de sapeurs-pompiers professionnels relevant statutairement de l’État. Peut-être fallait-il se rapprocher du cœur historique d’Aix-en-Provence. Certainement, il était nécessaire de rendre opérationnel ce pôle pédagogique dont l’ambition s’étend jusqu’au développement d’une véritable coopération internationale dans le domaine de la sécurité civile.

Néanmoins, comment comprendre que l’État veuille cesser de subventionner cet établissement, qui ne serait plus considéré comme l’un de ses opérateurs à partir de 2013 ?

M. Roland Courteau. Bonne question !

Mme Anne-Marie Escoffier. Parmi les comportements incompréhensibles, celui-ci en serait un que nombre d’entre nous, ici et sur nos territoires, auraient des difficultés à accepter.

Voilà, monsieur le ministre, les trois coupables que j’ai enfermés dans la tour aux trois fenêtres. J’espère que, sur ces points, vous pourrez apporter à la Haute Assemblée quelques éclaircissements susceptibles de lever nos doutes sur l’intérêt de voter en l’état ce budget, qui est globalement respectueux de ses engagements mais qui est tellement limité par rapport à l’effort total de près de 5 milliards d’euros engagé par l’ensemble des acteurs de la sécurité civile.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme les orateurs qui m’ont précédée, je souhaite en premier lieu saluer les sapeurs-pompiers, ainsi que l’ensemble des personnels civils et militaires de la sécurité civile. Je veux aussi rendre un hommage tout particulier aux sept sapeurs-pompiers qui ont perdu la vie cette année dans l’exercice de leurs fonctions, ainsi qu’aux 67 d’entre eux qui sont morts depuis 2003. Il s'agit là d’un triste bilan, qui atteste de la dangerosité et de la pénibilité de leurs métiers – des notions que, eux aussi, ils revendiquent.

Aujourd'hui, à l’instar d’autres secteurs et missions, la sécurité civile n’est pas ménagée par ce projet de loi de finances.

En 2009, les 249 300 sapeurs-pompiers, dont 79 % de volontaires, sont intervenus plus de quatre millions de fois, soit une augmentation de 6 % par rapport à 2008. Ces chiffres attestent d’une recrudescence de leur activité, qui est notamment liée à l’émergence de nouveaux risques technologiques et à l’insalubrité croissante des logements en ville et qui les a amenés, par ailleurs, à se professionnaliser.

La sécurité civile est donc une tâche essentielle de notre société, mais aussi une mission régalienne. Elle a pour objet la prévention des risques de toute nature, l’information et l’alerte des populations ainsi que la protection des personnes.

La réalisation de ces objectifs, éminemment recommandée dans une République digne de ce nom, suppose un budget audacieux. La tempête Xynthia ou encore les inondations intervenues dans le Var ou en Vendée montrent, par leur violence et leur soudaineté, la nécessité d’engager des moyens importants.

Toutefois, une fois encore, monsieur le ministre, ces objectifs ploient sous votre politique antisociale et sous la vaste entreprise de « régression générale des politiques publiques » que vous avez engagée. L’égalité de nos concitoyens devant la sécurité civile ainsi que la préservation du maillage territorial qui en découle sont des impératifs pour le législateur.

Les multiples lois sécuritaires, d’inspiration présidentielle, évoquent quasiment toutes un « droit fondamental à la sécurité ». Nous regrettons sincèrement que cette formulation ne soit devenue, pour vous, qu’une simple figure rhétorique !

La mission « Sécurité civile » ne représente que 0,15 % du total des dépenses du budget de l’État. Or les services départementaux d’incendie et de secours font l’objet d’une stigmatisation constante ; la hausse de leurs crédits de fonctionnement catalyse les critiques de dérive budgétaire qui visent nos collectivités territoriales. Monsieur le ministre, comment ces dernières peuvent-elles agir autrement alors que la départementalisation des services d’incendie et de secours et la loi de 2004 modernisant la sécurité civile, conjuguées à la hausse continue du nombre d’interventions et de personnels, leur imposent d’assumer un accroissement continuel des coûts ?

En effet, ces charges ont augmenté de 6 % en 2008 et de 4,1 % en 2009. En outre, cette inflation des dépenses intervient dans un contexte budgétaire contraint, qui prévoit le gel des dotations de l’État aux collectivités locales pour les trois prochaines années.

Mme Éliane Assassi. Autant dire que cette mesure leur portera certainement et sévèrement préjudice.

Cela dit, en réalité, que représentent ces sommes au regard de la sécurité des personnes et des biens et de la sauvegarde de notre patrimoine naturel ? Peu, ou pas grand-chose pour nous, mais, à l’évidence, beaucoup trop pour vous.

Par ailleurs, je souhaiterais vous faire part de mon inquiétude face à une directive communautaire qui vise à requalifier le statut de volontaire en travail salarié, tout en exigeant un temps de repos de onze heures.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous pouvez ! C’est un véritable problème.

Mme Éliane Assassi. Nous en appelons à la vigilance du Gouvernement sur la transposition de cette directive, qui remettrait en cause l’organisation même de nos services de sécurité,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument.

Mme Éliane Assassi. … déjà grandement mise à mal par la RGPP.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Sans les sapeurs-pompiers volontaires, nos services de secours n’existeraient pas car, je le répète, près de 80 % des pompiers français sont volontaires. Du reste, il convient de rappeler que c’est Nicolas Sarkozy, alors qu’il était ministre de l’intérieur, qui fut à l’initiative de la création d’un statut des pompiers volontaires. Nous vous demandons tout simplement d’en prendre acte.

Monsieur le ministre, vous l’aurez compris : les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre les crédits de la mission « Sécurité civile ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, je souhaite vous poser trois questions dans le temps limité dont je dispose.

Premièrement, je vous interrogerai sur le volontariat, qui a déjà été évoqué. Chacun connaît l’importance de ce principe dans le système français, qui n’a pas ou a peu d’équivalent en Europe.

Le nombre, la formation, la qualification de ces personnels en font un outil majeur de la sécurité civile, Mme Assassi y faisait allusion il y a un instant. Même après la départementalisation, le lien qu’ils assurent avec les communes, en particulier par le biais d’employés municipaux qui participent à ce volontariat, est le gage de l’efficacité de leur service, en milieu rural notamment.

Enfin, l’amalgame avec les professionnels complète ce dispositif harmonieux. C’est grâce à ce système que la présence d’un service public efficace est garantie, en particulier à la campagne. Sans lui, la couverture sanitaire du territoire ne serait pas assurée. Toutefois, je n’y insiste pas, monsieur le ministre, car vous connaissez cette question par cœur, vous qui avez été le président d’un conseil général, qui plus est en Alsace, où le lien avec les communes est peut-être plus fort qu’ailleurs. (M. le ministre acquiesce.)

Or, vous le savez, un projet de directive européenne risque de mettre à bas ce dispositif en prévoyant l’application aux volontaires du régime de droit commun en matière de repos quotidien – Mme le rapporteur pour avis a évoqué ce problème.

Face à cette menace, le ministre de l’intérieur a annoncé lors du dernier congrès des sapeurs-pompiers, qui s’est tenu à Angoulême en septembre 2010, que le Gouvernement déposerait un projet de loi instaurant un véritable statut du volontaire. C’est du moins ce que je croyais avoir compris.

Monsieur le ministre, ce projet de loi est-il toujours à l’ordre du jour, ou entendez-vous vous contenter de la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par une cinquantaine de députés ?

Quand ce texte – si bien sûr vous en restez là – sera-t-il inscrit à l’ordre du jour, selon vos prévisions ? Quelle sera votre position sur ses principales mesures, en particulier celles de l’article 1-3 de son titre Ier, aux termes duquel : « L’engagement citoyen en qualité de sapeur-pompier volontaire est compatible avec l’activité professionnelle, salariée ou non salariée, privée, publique ou militaire.

« Cet engagement ne relève pas, sauf dispositions législatives contraires, des règles du code du travail, ni de celui de la fonction publique » ? Monsieur le ministre, reprendrez-vous ces dispositions à votre compte ? Seront-elles suffisantes ?

Deuxièmement, je vous interrogerai sur ANTARES, qui a également déjà été évoqué.

Il est nécessaire de clarifier les projets du Gouvernement en matière d’accompagnement de l’investissement dans ce projet, me semble-t-il.

Deux craintes se font jour.

La première, – M. le rapporteur spécial y faisait allusion – est que le FAI soit absorbé dans des proportions trop importantes par cette dépense lourde et qu’il fasse défaut aux SDIS pour les autres investissements pour lesquels il était à l’origine conçu.

La seconde porte sur la maintenance. Qui va assurer cette dernière ? Je parle ici de la part qui relève de la sécurité civile, non de celle qui concerne la police. L’État, utilisateur, sera-t-il un partenaire des collectivités locales grâce au FAI, même si telle n’est pas la fonction première de ce fonds ?

Enfin, le système analogique actuellement en place s’appuie dans les SDIS sur des techniciens de grande qualité. Or, je crois avoir compris que les états-majors de zone n’envisagent guère de leur confier la maintenance de ce nouvel équipement. J’imagine mal que les SDIS de France soient obligés de se séparer, demain, de leurs techniciens, pourtant formés, motivés et opérationnels, parce qu’on leur interdirait de poser la main sur cet outil merveilleux qu’est ANTARES.

Il serait paradoxal, antiéconomique et sans doute inefficace de payer fort cher des contrats de maintenance pour des réponses de nuit, par exemple, sans être certain en contrepartie qu’une intervention a lieu quand la tempête a tout balayé ou que les routes sont bloquées par la neige ou le verglas. Il me semble que seul le service public est capable d’assurer en toutes circonstances ce type de missions.

Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ? Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?

Troisièmement, j’évoquerai les officiers, et plus particulièrement les officiers supérieurs.

Les officiers de sapeurs-pompiers ne bénéficient pas de la fin de carrière qu’ils méritent, en particulier en matière d’accession au « hors échelle ». Il y a là une anomalie et une injustice. Cette anomalie est si grande que le président de SDIS que je suis, pourtant très préoccupé, comme beaucoup de ses collègues, par les finances de toutes les collectivités locales, souhaite savoir si vous avez l’intention de la corriger, même si in fine ce sont ces dernières qui paieraient le surcoût qui en résulterait.

Cela constituerait une mesure d’équité tant par rapport à la situation des officiers de la gendarmerie, de la police nationale ou de l’armée que vis-à-vis de celle des hauts fonctionnaires des filières administratives ou techniques de la fonction publique territoriale.

Il me semble assez simple de prévoir une telle adaptation de fin de carrière pour les officiers de sapeurs-pompiers sans pour autant bouleverser toute la pyramide des cadres d’emplois.

À ce propos, d’ailleurs, une proposition a été faite au printemps qui aurait établi un corps d’officiers d’État. Ceux qui assistaient à la réunion sur le sujet croient avoir compris que la mesure concernait tous les officiers sapeurs-pompiers. Or ce serait catastrophique, car lesdits officiers seraient alors coupés de leur base.

On nous a dit ensuite, dans une belle manœuvre de rétropédalage, que la proposition ne concernait en réalité que les officiers des zones de défense et de sécurité.

Monsieur le ministre, où en sommes-nous s’agissant tant des officiers de zones de défense et de sécurité que de leurs collègues exerçant leurs fonctions à d’autres échelons ?

Voilà les questions que je souhaitais vous poser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gautier.

M. Jacques Gautier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord d’excuser notre collègue Laurent Béteille, qui est bloqué dans un train ; cet empêchement me vaut le plaisir de le remplacer à la dernière minute.

M. Philippe Richert, ministre. Cela me rappelle des choses !

M. Jacques Gautier. En préambule de mon intervention, je souhaiterais rendre hommage aux personnels des services opérationnels de la sécurité civile placés sous votre autorité, monsieur le ministre.

On salue souvent, à juste titre, l’action des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, mais il conviendrait aussi de ne pas oublier celle des démineurs et des membres des formations militaires de la sécurité civile, qui prennent des risques quotidiens et font preuve d’une remarquable efficacité dans le monde entier.

La mission « Sécurité civile » dont vous nous proposez d’adopter aujourd’hui les crédits budgétaires pour 2011 comporte des dotations qui paraissent de prime abord évoluer de façon contrastée. En effet, alors que les autorisations d’engagement s’élèveront, en 2011, à 459,8 millions d’euros, ce qui correspond à une hausse de 2,5 % par rapport à 2010, les crédits de paiement s’établiront à 434,9 millions d’euros, c’est-à-dire baisseront de 4,6 %.

Je vois dans cette évolution le signe d’une réelle maîtrise des coûts de la part de la direction de la sécurité civile,…

M. Roland Courteau. On peut le voir comme ça !

M. Jacques Gautier. … ce qui vaut la peine d’être signalé et souligné dans un contexte de déficit de nos finances publiques.

Ces moyens permettront, je n’en doute pas, de poursuivre la modernisation des infrastructures et la mise en œuvre des recommandations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, tandis que sera engagée ou poursuivie la rénovation des transmissions et du système d’alerte et d’information des populations.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je peux vous assurer du soutien du groupe UMP dans les décisions courageuses que vous prendrez pour que le modèle français de sécurité civile perdure. Nous voterons donc avec conviction le budget que vous nous proposez.

La mission « Sécurité civile » ne donne – et nous le savons bien – qu’une vision très partielle de l’effort public pour la prévention des risques majeurs, la protection des populations et la gestion des situations de catastrophe. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous détailler les objectifs à atteindre dans ces trois secteurs ?

Je souhaiterais également évoquer, à ce stade, les dépenses des collectivités territoriales en faveur de la sécurité civile, qui s’élèvent, je le rappelle, à plus de 4 milliards d’euros. Les effectifs des SDIS, les services départementaux d’incendie et de secours, ont eux aussi continué de croître : on compte aujourd’hui 249 300 sapeurs-pompiers en France, dont 40 100 sapeurs-pompiers professionnels, soit 869 de plus que l’année précédente, 196 800 sapeurs-pompiers volontaires et 12 100 militaires.

J’évoquerai les coûts des services départementaux d’incendie et de secours, qui ont de nouveau fortement augmenté. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur cet autre point et nous indiquer quelles sont les tendances à l’échelle nationale ?

En effet, vous le savez tous, les départements ne sont pas égaux devant les charges budgétaires liées au risque incendie. La cartographie des risques, établie au niveau national, montre que certains départements sont contraints de se doter de moyens humains et matériels beaucoup plus importants que d’autres du fait de leur situation. À un moment où il est beaucoup question de péréquation entre les collectivités territoriales, le ministère de l’intérieur envisage-t-il de prendre en compte partiellement cette différence ?

Je voudrais également aborder la question des efforts à entreprendre pour favoriser la mutualisation des achats entre SDIS. Là encore, les sources d’économies sont nombreuses. J’estime qu’il faut aller plus loin dans la voie de l’harmonisation des équipements afin de permettre des achats groupés, monsieur le président de la commission des finances. Que prévoit le Gouvernement pour favoriser cette évolution et, de manière plus générale, pour améliorer la nécessaire rationalisation des charges ?

S’agissant des militaires de la sécurité civile tués dans l’exercice de leurs fonctions, leurs ayants droit ne bénéficient pas, contrairement à ceux des sapeurs-pompiers de Paris et des marins-pompiers de Marseille, des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite, aux termes desquelles le total des pensions ne peut être inférieur à celui de la pension et de la rente viagère d’invalidité ou de la pension militaire d’invalidité dont le militaire aurait pu bénéficier.

Certes, cette question est technique, mais il me semble important que nous nous en préoccupions pour les familles endeuillées. L’alignement du régime applicable aux membres des formations militaires de la sécurité civile sur celui des sapeurs-pompiers de Paris et des marins-pompiers de Marseille me semblerait donc une mesure juste. Le Gouvernement envisage-t-il une initiative allant dans ce sens ?

M. Hortefeux a créé voilà un an une commission « Ambition volontariat » chargée d’analyser les difficultés rencontrées par les sapeurs-pompiers volontaires. Le rapport issu des travaux de la commission a présenté diverses propositions. J’espère que ces dernières permettront d’appréhender rapidement cette question, qui est essentielle pour l’avenir de nos forces vives.

Enfin, je souhaiterais évoquer la prise en compte de la sécheresse dans notre pays, et plus particulièrement l’indemnisation des sinistrés de la sécheresse en 2003. En effet, sept ans se sont écoulés depuis lors et, malgré la publication du rapport du groupe de travail dirigé par notre excellent collègue Éric Doligé et le débat organisé le 1er avril sur ce sujet, la question de l’indemnisation reste posée.

M. Jacques Gautier. Le Gouvernement s’était alors engagé à ce que les crédits non distribués par les préfets, c’est-à-dire environ 2 % de l’enveloppe initiale de 218,5 millions d’euros, soient répartis entre les départements où l’instruction des dossiers révélerait une sous-estimation significative des besoins initiaux.

Or, récemment, nous avons appris que la majorité des préfets n’étaient pas en mesure de déterminer le montant définitif des crédits nécessaires aux sinistrés de leur département au titre de l’article 110 de la loi de finances pour 2006. En effet, le versement des aides était conditionné à la production de factures relatives aux travaux réalisés et, bien entendu, tous les justificatifs de paiement n’avaient pas été présentés par les victimes de la sécheresse. Les préfets n’avaient donc pas la possibilité de clôturer les dossiers et, par là même, de redéployer l’éventuel reliquat. Avait alors été évoquée l’éventualité de fixer une date limite de production des factures par les sinistrés faisant l’objet de l’aide initiale. (Marques d’impatience au banc des commissions.)

Monsieur le ministre, j’appelle votre attention – et je pense pouvoir parler au nom de tous mes collègues dans cet hémicycle – sur le grand désarroi des sinistrés non reconnus de la sécheresse de 2003 (M. Roland Courteau s’exclame.) et vous interroge sur le devenir réel du reliquat des fonds d’aide exceptionnelle que je viens d’évoquer.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous en avons déjà parlé !

M. Jacques Gautier. Nous espérons de votre part une réponse qui aboutisse à la clôture d’un dossier dont le traitement ne s’est que trop prolongé…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous en avons parlé la semaine dernière !

M. Jacques Gautier. … et qui a mis nos concitoyens en grande difficulté. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les mêmes travées et au banc des commissions.)

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, qui regrette de ne pouvoir vous présenter lui-même les crédits de la mission « Sécurité civile » pour 2011. Comme vous le savez, il est actuellement retenu par d’autres obligations.

M. Charles Revet. Il est très bien représenté !

M. Philippe Richert, ministre. Voilà pourquoi cet honneur me revient pour la première fois et, comme vous pouvez l’imaginer, j’en apprécie pleinement l’exercice.

Avant de vous présenter les grandes lignes du projet de loi de finances pour 2011 et de répondre ainsi à vos nombreuses interrogations, je souhaite saisir l’occasion qui m’est offerte pour doubler vos paroles et renouveler l’hommage que la France doit à chacun de ses sapeurs-pompiers ainsi qu’aux personnels civils et militaires des moyens nationaux de la sécurité civile.

Comme vous l’avez fait, je souhaite les remercier pour leur engagement absolu au service de nos concitoyens en difficulté, pour leur courage exemplaire et leur total dévouement, ainsi que pour le rôle indispensable qu’ils jouent, à tout instant, dans la vie de notre pays.

Au cours de l’année 2010, tout particulièrement, ils se sont portés au-devant du danger pour faire face à des catastrophes exceptionnelles, notamment lors de la tempête Xynthia, des inondations du Var, des violents incendies dans l’Hérault ou encore du tremblement de terre en Haïti, qui a mobilisé, au plus fort de l’événement, 700 personnels.

Je tiens également à rendre un hommage solennel aux neuf sapeurs-pompiers qui ont disparu dans l’exercice de leurs fonctions cette année.

En 2009, les 249 300 sapeurs-pompiers, dont 80 % sont des volontaires, sont intervenus plus de quatre millions de fois, un constat qui donne très précisément la mesure de leur action au service de nos concitoyens.

Madame le rapporteur pour avis, chère Catherine Troendle, je souhaite enfin vous dire toute l’attention que porte le Gouvernement aux violences verbales ou physiques dont sont victimes les sapeurs-pompiers ; plus de 1 000 agressions ont en effet eu lieu au cours de l’année écoulée. Soyez certaine que les auteurs sont systématiquement recherchés ou arrêtés. Le ministre de l’intérieur, du reste, a demandé au directeur de la sécurité civile de renforcer le suivi national de ces actes ainsi que de lancer des actions de prévention en vue de garantir la sécurité des intervenants.

J’en viens maintenant au projet de loi de finances pour 2011 qui vous est soumis aujourd'hui. Les crédits de la mission « Sécurité civile » s’élèvent à 459,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 434,9 millions d’euros en crédits de paiement. M. le rapporteur spécial m’a interrogé il y a quelques instants sur l’origine de l’écart de 12 millions d’euros ; il concerne en fait le déminage, notamment la sécurisation et la mise aux normes ICPE, c’est-à-dire les installations classées pour la protection de l’environnement.

Le projet de budget repose sur trois piliers : le principe de subsidiarité, l’application du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, l’organisation et la coordination efficiente des acteurs.

Premièrement, la subsidiarité, qui est le fondement de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, demeure notre référence commune. Oui, mesdames Assassi et Escoffier, l’État et les collectivités territoriales sont complémentaires en matière de secours.

La loi de 2004 de modernisation de la sécurité civile, en fixant le principe de subsidiarité et en confiant aux conseils généraux la responsabilité des SDIS – il est donc normal que les départements participent aux actions de secours dans une proportion plus importante que l’État –, a consolidé l’équilibre entre ce dernier et les collectivités territoriales.

Le département est l’échelon pertinent pour organiser et mettre en œuvre le secours aux personnes en l’adaptant à la diversité de nos territoires. L’État, sous l’autorité des préfets, est le mieux à même d’agréger les forces locales pour faire pleinement émerger la solidarité nationale lorsqu’une catastrophe frappe nos concitoyens et rend nécessaire la mise en œuvre de moyens qu’aucun département ne pourrait, à lui seul, déployer.

Désormais, avec les SDIS, l’État et les conseils généraux avancent ensemble pour assurer une prise en charge optimale des citoyens en situation de détresse en tout point du territoire. Ce partenariat permet aussi bien d’assurer les 11 000 interventions quotidiennes des sapeurs-pompiers que de mobiliser potentiellement 6 000 hommes en renfort en cas de catastrophes naturelles telles que la tempête Xynthia, qui a touché notre pays en 2010, ou les inondations du Var, lesquelles ont mobilisé, quarante-huit heures après l’événement, près de 1 000 hommes supplémentaires, dont 700 sapeurs-pompiers d’autres départements.

Pour illustrer cette complémentarité, je voudrais également rendre hommage au rôle prépondérant joué par la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, la CNSIS, mise en place en 2004 et présidée avec talent par Éric Doligé.

Je me réjouis de constater que cette conférence, au sein de laquelle les élus sont majoritaires, est devenue une institution indispensable, qui a permis l’examen de plus de cinquante textes aussi bien dans le champ statutaire que dans celui de la formation ou des équipements.

Je souligne par ailleurs que les avis de la CNSIS ont tous, sans exception, été suivis par le Gouvernement. Cette institution joue donc pleinement son rôle de régulation et permet de faciliter la mise en cohérence à l’échelle nationale des actions départementales.

Monsieur Peyronnet, monsieur Gautier, la tendance à la maîtrise des dépenses se confirme.

Depuis 2007, les budgets des SDIS sont en voie de stabilisation dans la mesure où ils ne progressent plus que de 3 % hors inflation. De plus, les budgets primitifs pour 2010 ont fait apparaître une hausse très modérée, de 1,36 % par rapport à 2009. Ce constat est d’ailleurs partagé par l’Assemblée des départements de France. Dans l’étude annuelle qu’elle vient très récemment de remettre, madame Assassi, elle constate le caractère assaini de la situation financière des SDIS, la modération de leur endettement ainsi que la très nette amélioration de leur visibilité.

Cette meilleure maîtrise des dépenses ne s’est pas faite au détriment de la qualité de service apporté à nos concitoyens. En effet, pendant que le nombre de victimes augmentait, les délais moyens de traitement des appels d’urgence et d’intervention ont été améliorés.

Dans ces conditions, c’est dans la voie de la modération de la dépense publique qu’il convient de poursuivre, en multipliant les mesures visant à parvenir à une meilleure maîtrise des dépenses. Il en est notamment ainsi du développement de la mutualisation des achats et des fonctions supports avec les services des conseils généraux ou d’autres services publics.

Monsieur Gautier, c’est en ce sens que la direction de la sécurité civile s’est engagée et se positionne en soutien des élus et des SDIS.

J’ajoute que le soutien de l’État aux SDIS, via le fonds d’aide à l’investissement des SDIS, le FAI, sera maintenu en 2011 au niveau de son montant actuel, soit 21 millions d'euros, et ce malgré un contexte budgétaire contraint. L’État entend ainsi marquer l’importance qu’il attache au soutien de l’action menée par les SDIS en matière d’investissement.

Je tiens à souligner que le FAI, en 2010, comme c’est le cas depuis 2007, a permis de favoriser le financement des colonnes de renforts, et donc la solidarité nationale, ainsi que l’équipement des SDIS en matériels radio et terminaux complémentaires de l’infrastructure ANTARES.

M. le rapporteur spécial, Mme le rapporteur pour avis et M. Peyronnet ont évoqué la contribution des SDIS au fonctionnement du réseau ANTARES. Il est important de rappeler que l’État a supporté seul l’investissement supérieur à 800 millions d'euros qui a permis de réaliser le réseau national numérique – l’infrastructure nationale partageable des transmissions, ou INPT – et que, grâce au déploiement d’ANTARES, les SDIS n’auront plus désormais à investir dans les réseaux départementaux qu’ils finançaient seuls par le passé.

Fondé sur une répartition qui laissera les deux tiers des coûts à la charge de la police et de la gendarmerie, le dispositif intégrera en outre une première atténuation de 10 millions d'euros des coûts imputables aux SDIS, traduisant l’engagement de modération pris par le Gouvernement, ainsi qu’une seconde atténuation liée à la contribution des SAMU.

Oui, chère Catherine Troendle, ce dispositif sera soumis dès demain après-midi, mardi 30 novembre, à la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, la CNSIS. Il est à la fois équilibré et respectueux des finances locales, puisque, grâce à la mutualisation, les coûts de fonctionnement supportés par les SDIS seront inférieurs aux coûts de possession que les SDIS supportaient seuls, lorsqu’ils s’équipaient de réseaux analogiques départementaux.

Par ailleurs, les recommandations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale doivent continuer à être pleinement appliquées.

Il s’agit pour nous d’être plus réactifs et d’augmenter nos capacités pour alerter et informer, pour porter secours à la population.

Le projet de système d’alerte et d’information des populations, SAIP, est important. Nous le savons, l’ancien réseau national d’alerte, RNA, est aujourd’hui dépassé. Il doit donc être modernisé. Monsieur Peyronnet, ce projet mutualisera les sirènes disponibles – État, collectivités locales, exploitants « Seveso », etc. – et couplera leur déclenchement avec l’envoi de messages SMS dans la zone de risques concernée.

Les travaux actuels consistent à développer la mise en réseau de ces moyens en s’appuyant sur les infrastructures du ministère de l’intérieur, dont ANTARES, et à raccorder de nouveaux vecteurs. Un appel d’offres sera lancé au premier semestre 2011, adapté aux besoins des départements. En 2011, 44,7 millions d'euros d’autorisations d’engagement seront dévolus à ce projet.

La recherche d’une réactivité maximale des moyens de secours constitue une autre priorité du Gouvernement. Elle repose déjà sur la disponibilité des formations militaires de la sécurité civile. L’astreinte quotidienne garantit une réserve de personnes qualifiées et polyvalentes : 100 personnes à 1 heure, 300 personnes à 3 heures, projetables partout. Toutes les sections d’intervention sont polyvalentes et aptes à activer les modules d’intervention.

L’amélioration de la réactivité passe par deux avancées majeures.

La première avancée concerne le développement des moyens de lutte contre le risque nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif, dit « NRBCE ».

Pilote du programme NRBCE du ministère, la direction de la sécurité civile a lancé quatre grands chantiers, que je ne passe pas en revue, pour faire face à un cas intentionnel ou accidentel, pour un montant total de 4,2 millions d'euros pour la période 2009-2011.

Madame Escoffier, de nombreuses réflexions sont actuellement en cours concernant le statut et la protection des démineurs.

Dans chacun des vingt-six centres répartis sur le territoire, un agent chargé de la mise en œuvre, ACMO, a été désigné, formé et chargé d’élaborer le document unique d’évaluation des risques professionnels, le DUERP, de son centre. Dans le même temps, l’élaboration du règlement général du service de déminage se poursuit.

Pour ce qui concerne les questions strictement statutaires, le service du déminage est actuellement scindé en deux catégories : le corps, en extinction, des services techniques du matériel, les STM, et celui des différents corps de la police nationale qui sont devenus les statuts de droit commun pour tous les nouveaux arrivants depuis l’intégration des artificiers de la police nationale en 2004.

L’arrivée de la gendarmerie nationale au sein du ministère de l’intérieur permettra de faire évoluer rapidement cette situation.

La seconde avancée majeure pour notre réactivité a trait à l’amélioration de notre couverture aérienne, tant en métropole qu’outre-mer, avec l’acquisition de trois hélicoptères : deux hélicoptères de type EC 145 ont été réceptionnés en 2010 et un troisième le sera d’ici à la fin de 2011. En outre, deux appareils supplémentaires seront commandés pour l’outre-mer.

Enfin, au-delà du renforcement des moyens, l’État doit mettre en place une organisation et une coordination efficientes des acteurs.

La modernisation du centre opérationnel de gestion interministérielle des crises, le COGIC, sera poursuivie en 2011. Cette modernisation a trois objectifs : améliorer la qualité des informations délivrées aux plus hautes autorités de l’État, adapter les outils de veille et d’alerte, apporter une plus grande visibilité sur l’emploi des renforts de la sécurité civile.

J’en viens aux préfectures de zone.

Le renforcement de l’échelon zonal dans la gestion interministérielle des crises a déjà eu lieu dans les faits lors du passage de la tempête Klaus en 2009, puis de la tempête Xynthia, en 2010.

Depuis la publication des trois décrets du 4 mars 2010, les préfets de zone de défense voient officiellement leur champ de compétences élargi en amont de la crise, dans la préparation de celle-ci, puis lorsqu’elle survient.

S’agissant des relations entre les SAMU et les SDIS, il existe désormais le référentiel commun SDIS-SAMU.

À ce jour, 65 % des départements ont signé une convention ou sont en passe de le faire. Ce résultat est encourageant, mais l’objectif est d’arriver à 100 % de signatures des conventions. Le comité national de pilotage sera saisi dans les prochaines semaines des difficultés existantes.

Concernant le temps de travail, nous ne souhaitons pas que certaines conséquences du droit communautaire nous conduisent à devoir réduire le nombre de gardes assurées par les sapeurs-pompiers professionnels.

Mesdames, messieurs les sénateurs, conformément à votre souhait, la France soutiendra les initiatives européennes de révision de la directive de 2003 sur le temps de travail.

Des progrès sont également accomplis en matière d’emploi des personnes handicapées.

La rénovation des emplois supérieurs des SDIS est une question importante, à laquelle je répondrai ultérieurement, afin de ne pas allonger ce débat et de ne pas retarder l’examen des crédits de la mission suivante.

Le soutien de l’État à l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers sera confirmé en 2011.

Nous avons l’intention de poursuivre la réflexion sur l’avenir de cet établissement. Monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, je veux bien convenir que les modalités, l’organisation méritent une étude approfondie.

S’agissant des militaires de la sécurité civile tués dans l’exercice de leurs fonctions, leurs ayants droit bénéficieront bien désormais des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Enfin, pour ce qui concerne la sécheresse 2003 et la gestion des crédits exceptionnels mis en place en 2006, la circulaire qui a été évoquée a été signée ce matin même.

Sur le dossier du volontariat, la proposition de loi relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique vient d’être enregistrée à l'Assemblée nationale. Nous souhaitons, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’elle puisse être votée d’ici à la fin du premier trimestre 2011.

Ce texte, très attendu par le monde des sapeurs-pompiers, clarifiera la notion de volontariat. Il précisera que le volontaire n’est ni un agent public ni un travailleur au sens européen du terme : il s’agit d’un citoyen qui, librement, s’engage au service de la communauté nationale.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Philippe Richert, ministre. Madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai conscience de n’avoir pu répondre aux très nombreuses questions que vous m’avez posées, mais je suis heureux d’avoir pu vous apporter quelques éléments d’information sur cette mission. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Sécurité civile
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 86 decies (nouveau)

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen et au vote des crédits de la mission « Sécurité civile », figurant à l’état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Sécurité civile

459 760 299

434 858 323

Intervention des services opérationnels

259 518 895

264 744 563

Dont titre 2

155 952 199

155 952 199

Coordination des moyens de secours

200 241 404

170 113 760

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J’appelle en discussion l’article 86 decies, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Sécurité civile ».

Sécurité civile

Article 48 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Ville et logement

Article 86 decies (nouveau)

Au 5° du II de l’article L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite, après le mot : « Marseille », sont insérés les mots : « ou un militaire des formations militaires de la sécurité civile ».  – (Adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurité civile ».

Ville et logement

Article 86 decies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Demande de priorité

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Ville et logement » (et articles 98 et 99).

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je tiens avant tout à vous saluer et à vous féliciter de l’importante mission qui vous a été confiée au sein du gouvernement de François Fillon. Nous vous adressons tous nos vœux de réussite dans cette entreprise.

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à cette heure avancée de la soirée, je vous informe que nous devrons impérativement lever la séance avant une heure trente. Nous ne pourrons en effet prolonger nos travaux au-delà de cet horaire en raison de la séance de questions orales sans débat, qui aura lieu demain à dix heures trente – au lieu de dix heures, comme cela était initialement prévu.

De fait, nous disposons de 170 minutes. Le temps prévisionnel consacré à la discussion générale – 25 minutes pour le rapporteur spécial et les rapporteurs pour avis, 57 minutes pour les orateurs inscrits, 20 minutes pour le Gouvernement – est de 102 minutes.

Cependant, nous n’avions pas prévu que vingt-six amendements seraient déposés et que trois interventions sur les articles rattachés seraient demandées.

Objectivement, il me paraît peu probable que nous puissions achever l’examen des crédits de cette mission avant une heure trente. Si cela devait malheureusement se confirmer, nous reprendrions ce débat samedi après-midi.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, si vous souhaitez mener ce débat à son terme ce soir, je vous prie instamment de faire preuve de la plus grande concision. Assurément, la discussion générale constitue un très grand moment du débat parlementaire, de surcroît lorsqu’il s’agit d’examiner un projet de loi de finances. Toutefois, si, afin d’en raccourcir la durée, vous acceptez de faire l’économie de vos interventions, nous gagnerons du temps. Certes, le débat s’en trouvera inévitablement appauvri, mais, à mon sens, c’est la discussion des amendements qui constitue le moment interactif le plus riche de nos travaux.

M. Charles Revet. C’est moins sûr ! On pourrait peut-être se dispenser des amendements !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette année, la discussion budgétaire sur la mission « Ville et logement » se focalisera, n’en doutons pas, sur l’examen de l’article 99 de ce projet de loi de finances, qui nous propose, dans la version votée par l’Assemblée nationale, de créer un prélèvement sur les organismes HLM pour financer l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, à hauteur de 260 millions d’euros, et les aides à la pierre à hauteur de 80 millions d’euros.

Pour autant, il serait regrettable de négliger d’autres aspects de ce projet de budget, sur lesquels la commission des finances entend faire part de ses observations.

Vous me pardonnerez donc de réserver mon propos sur l’article 99 à son examen, et de consacrer cette intervention aux aspects strictement budgétaires de la politique de la ville et du logement.

Ces observations se déclineront sous deux aspects : le respect de l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, et la sincérité budgétaire.

Si l’on examine la mission au regard des principes de la LOLF, et notamment de son intention première qui est bien de rendre le vote du budget par le Parlement plus cohérent, plus transparent et plus intelligible, il n’est pas sûr que nous soyons, après plusieurs années de pratique, sur la voie du progrès.

La mission avait, à ses débuts, une cohérence forte, qu’elle a progressivement perdue.

Si elle a gagné en cohérence avec le rattachement du programme 177, qui permet de relier l’hébergement et le logement, elle est devenue une mission interministérielle, gérée aujourd’hui par un ministre et un secrétaire d’État, ce dernier étant placé sous la tutelle d’un autre ministre.

Je ne suis pas le seul à regretter que le récent remaniement n’ait pas été l’occasion d’un retour à un ministère unifié.

L’éclatement de la mission a en effet des conséquences sur les agences, opérateurs de la mission, et plus particulièrement sur l’ANRU, qui relève toujours du ministère de la ville, mais dont les ressources sont dorénavant principalement fournies par le « 1 % logement », qui est du domaine du secrétariat d’État au logement.

La seconde critique « lolfienne » concerne le recours à des financements extrabudgétaires, qui prend une ampleur inédite.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On peut dire cela !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Ce projet de budget prévoit en effet une exceptionnelle progression des fonds de concours. Leur montant atteint 13,13 millions d’euros en autorisations d’engagement et 93,13 millions d’euros en crédits de paiement.

Les fonds de concours sont même devenus la clé de l’équilibre du financement du programme Développement et amélioration de l’offre de logement.

D’abord, ils permettent d’annuler l’écart entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement sur la « ligne fongible » des aides à la pierre par un apport de 80 millions d’euros en crédits de paiement.

Ensuite, ils permettent de pallier l’impossibilité dans laquelle se trouve l’ANAH, l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, d’assumer la lutte contre l’habitat indigne dans le cas des travaux d’office, dont elle a pourtant, dorénavant, la charge, en reversant au budget de l’État 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Enfin, les fonds de concours permettent d’atténuer la baisse des dépenses de fonctionnement de l’administration centrale du logement : 3,13 millions d’euros sont prévus en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, en principe destinés à des actions de communication sur la garantie des risques locatifs, la GRL.

En matière de financement extrabudgétaire, il n’est pas inutile non plus de rappeler que les sommes nécessaires à l’ANRU, pour passer la fameuse « bosse » des années 2011 à 2014, proviennent essentiellement d’Action Logement et, peut-être, si la proposition de la commission des finances n’était pas adoptée, du monde HLM, par un prélèvement de 260 millions d’euros à cette fin.

S’agissant du principe de l’autorisation budgétaire par le Parlement et de l’association de celui-ci à la décision d’engagement de dépenses publiques, nous assistons donc à un recul.

Certains pourraient se dire que, en période de restriction budgétaire, peu importe d’où viennent les moyens pourvu qu’ils existent. Certes, mes chers collègues, mais ces pratiques sapent la confiance des acteurs de terrain de ces politiques publiques, acteurs qui ont besoin de visibilité.

Pour tout dire, mes chers collègues, quel dommage de brouiller ainsi le message de l’État alors que le programme national de rénovation urbaine, le PNRU, est plébiscité sur le terrain par les maires, quels qu’ils soient, et que, depuis deux ans, nous n’avons jamais autant financé de logements sociaux, puisque le chiffre atteint est de 120 000 par an contre 40 000 en 2002 !

La seconde observation de la commission des finances concerne la sincérité budgétaire.

Là encore, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il existe une grande marge de progression

À cet égard, j’aurais pu choisir d’évoquer les aides personnelles au logement : nous verrons bien si les mesures d’économie que vous proposez dans ce projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale permettront de faire face à leur évolution.

Je préfère néanmoins retenir, parmi d’autres exemples, celui, très explicite, des crédits du programme 177, Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables.

Certes, nous avons constaté la poursuite du « rebasage » à la hausse de certaines dotations, par exemple celle qui est destinée au paiement des nuitées hôtelières. Cependant, il est vrai que, l’année dernière, j’avais relevé l’irréalisme d’une dotation en baisse de plus de 40 %.

Je constate heureusement que ce projet de budget est revenu à une estimation plus sérieuse en actant un retour à un nombre de nuitées sensiblement égal à celui qui était constaté pour 2009, c’est-à-dire 13 000 nuitées, pour un coût de 62 millions d’euros.

Toutefois, qu’il s’agisse de l’hébergement d’urgence ou de l’aide alimentaire, les dépenses sont encore trop systématiquement sous-évaluées.

À cet égard, j’ai bien noté – et je m’en félicite –, que, par voie d’amendement, le Gouvernement nous propose d’augmenter de 17,3 millions d’euros les crédits destinés aux maisons relais et à l’aide alimentaire.

En dépit de cet apport important, je ne suis pas vraiment certain que nous parviendrons à compenser la fin du plan de relance, qui avait très largement contribué, l’an passé, au financement de ces actions.

Ma seconde observation porte sur la sincérité budgétaire, qui touche le premier instrument de la politique du logement, la dépense fiscale.

Celle-ci, comme chaque année, est largement supérieure à la dépense budgétaire puisqu’elle s’élève à plus de 12 milliards d’euros, en progression de 5,8 % par rapport à 2010.

J’ai dénombré soixante-huit dépenses fiscales rattachées à la mission, mais seules quarante font l’objet d’une estimation.

L’insuffisance quantitative de l’évaluation se double, parfois, d’approximations méthodologiques. Je l’ai constaté, par exemple, s’agissant de l’évaluation de la dépense fiscale correspondant au dégrèvement de taxe d’habitation en faveur des personnes de condition modeste relogées dans le cadre d’un projet ANRU. À mon sens, cette dépense fiscale a été très surestimée, à hauteur de 25 millions d’euros.

Si je prends l’exemple du dispositif le plus emblématique, le « Scellier », nous ne disposons pas d’élément sur la répartition géographique des bénéficiaires ou sur la nature des biens qui font l’objet de cette niche fiscale, peut-être utile mais fort coûteuse.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Horriblement coûteuse !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La commission des finances souhaite, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vos ministères et le ministère des finances se rapprochent pour être en mesure de fournir au Parlement des éléments d’appréciation fiables.

Ma dernière remarque, que je rangerai sous la rubrique « sincérité budgétaire », concerne les conséquences financières de l’instauration du droit au logement opposable, le DALO, notamment du fait des condamnations de l’État.

Au cours des deux premières années qui ont suivi son entrée en vigueur, le DALO a eu des conséquences budgétaires limitées au financement du fonctionnement des commissions de médiation et à l’instruction des dossiers.

Les sommes budgétées étaient restées globalement stables à environ 5 millions d’euros. Dans ce projet de loi de finances, elles diminuent à 4,7 millions d’euros, en application de la règle d’une diminution de 10 % sur trois ans, dont 5 % dès 2011, des crédits de fonctionnement.

Pour 2011, cette quasi-stabilité des dépenses sera très certainement rendue possible par le maintien à six mois, au lieu des trois mois prévus initialement, du délai d’instruction des dossiers dans les grandes agglomérations.

Pour 2012, en revanche, compte tenu de l’ouverture du DALO à l’ensemble des demandeurs de logements sociaux non satisfaits dans les délais dits « normaux », il n’est pas réaliste d’envisager une stabilisation des moyens des commissions de médiation, et encore moins leur baisse.

L’application du DALO entraîne également des dépenses liées à son contentieux : paiement des astreintes, frais de justice, condamnations pour engagement de la responsabilité de l’État.

L’année dernière, je m’étais préoccupé de l’absence de traduction budgétaire de ces risques contentieux et du maintien de la dotation à un niveau de 700 000 euros.

Or les bilans les plus récents font état d’une progression très rapide du montant des condamnations prononcées contre l’État puisque le montant des astreintes liquidées est passé de 72 860 euros en 2009 à 6,731 millions d’euros au 30 septembre 2010. Il devrait donc dépasser 10 millions d’euros en année pleine.

Une inscription budgétaire de 9,30 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, spécifique au contentieux DALO, a donc été introduite dans ce projet de loi de finances pour 2011 ; elle s’ajoute à la dotation de 700 000 euros prévue pour les autres types de contentieux de l’habitat.

Cependant, il semble que cette évaluation à 10 millions d’euros soit encore sous-estimée. Vous pourrez sans doute, monsieur le secrétaire d’État, nous en dire plus et, surtout, nous convaincre que l’État a désormais pris la mesure des conséquences financières du DALO dans la perspective de 2012.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai largement évoqué les actions propres au logement, bien que je n’aie pas abordé la réforme de l’accession à la propriété, qui sera traitée lors de l’examen de l’article 56, lequel n’est pas rattaché à la mission ; en revanche, j’ai très peu – si ce n’est pas du tout – parlé des actions qui relèvent du ministre de la ville.

La raison en est sans doute que cette politique est devenue si résiduelle du point de vue budgétaire qu’il n’y a malheureusement pas grand-chose à en dire, sauf à saluer la détermination et le travail des agents de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSE, qui parviennent à améliorer l’efficacité de leurs interventions tout en accomplissant les efforts d’économie qui leur sont demandés.

S’agissant de la réforme de la géographie prioritaire, de la révision des procédures contractuelles, du renouvellement ou de la sortie aménagée des zones franches urbaines, les ZFU, de la coordination de l’action des agences, de la « résurrection » du CIV, le Comité interministériel des villes, et de l’affirmation de l’autorité de son secrétariat général, voilà deux ans que nous attendons des décisions malheureusement reportées de mois en mois.

Votre tâche, monsieur le ministre, sera rude.

Sous le bénéfice de ces observations et des deux amendements que je vous présenterai, la commission des finances vous demande d’adopter les crédits de la mission « Ville et logement ». (Applaudissements sur les travées de lUMP – M. le président de la commission applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, en remplacement de M. Pierre André, rapporteur pour avis.

M. Dominique Braye, en remplacement de M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le rapporteur pour avis de la commission de l’économie, notre collègue Pierre André, étant dans l’impossibilité de prendre la parole ce soir en raison d’une petite intervention au niveau des cordes vocales, il m’a demandé de le remplacer, ayant sûrement estimé que je disposais d’un organe suffisant pour faire entendre sa voix (Sourires.), mais aussi en raison des liens amicaux qui nous unissent.

Aussi, mes chers collègues, c’est bien l’intervention de Pierre André que je lirai devant vous, intervention dont je n’ai pas changé la moindre virgule.

Tout d’abord, permettez-moi de vous féliciter, monsieur le ministre, de votre nomination au Gouvernement, et, monsieur le secrétaire d’État, de votre reconduction aux fonctions que vous exerciez précédemment.

Comme l’ont annoncé le Président de la République et le Premier ministre, la politique de la ville doit être revue. Sachez, monsieur le ministre, que vous pourrez compter sur le soutien et l’expertise de la commission de l’économie !

Je ne reviendrai pas sur les crédits du programme 147, Politique de la ville, inscrits au projet de loi de finances pour 2011, qui ont déjà été présentés par le rapporteur spécial de la commission des finances.

La commission de l’économie a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Ville et logement ».

Je souhaite évoquer aujourd’hui deux sujets très importants : l’avenir du programme national de rénovation urbaine et la révision de la géographie prioritaire.

Lancé en 2003, le PNRU s’est vu fixer des objectifs très ambitieux. Il s’agit en effet, sur la période 2004-2013, d’atteindre, dans les quartiers concernés, 250 000 logements locatifs sociaux nouveaux, 400 000 logements locatifs sociaux réhabilités, 400 000 logements sociaux « résidentialisés » et 250 000 logements locatifs sociaux démolis.

Même si les objectifs fixés initialement ne seront certainement pas atteints, le bilan du PNRU est très positif.

En effet, au 1er octobre, plus de 380 conventions ont été signées. L’ANRU estime que 490 quartiers seront rénovés à l’horizon 2013, améliorant ainsi le cadre de vie de près de quatre millions de nos concitoyens.

Ensuite, le PNRU a eu un effet de levier très important. Ainsi, le montant total des investissements devrait dépasser 40 milliards d’euros.

Enfin, et surtout, le PNRU a un véritable impact dans les quartiers concernés. Il a remis en mouvement des territoires qui n’avaient plus de réelles perspectives d’évolution et d’espoir.

Que se passera-t-il, toutefois, après 2013 ? J’estime qu’il est indispensable, monsieur le ministre, de réfléchir au lancement d’un deuxième programme de rénovation urbaine, un « PNRU II ».

Permettez-moi, cependant, de formuler deux remarques.

Un « PNRU II » ne peut être lancé que si le financement du premier PNRU est assuré.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Bravo !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Je salue le travail remarquable de la commission des finances, qui a su trouver, dans le cadre du présent projet de loi de finances, une solution équilibrée permettant d’assurer le financement de l’ANRU jusqu’en 2013 sans pénaliser les organismes d’HLM.

La rénovation urbaine n’est qu’un aspect de la politique de la ville. Les politiques économiques et sociales ne doivent pas être négligées. Comme le soulignait le Premier ministre dans le Val-d’Oise, le 8 novembre dernier, « la rénovation urbaine, ce n’est pas seulement les murs, c’est l’emploi, c’est l’éducation, c’est la sécurité, ce sont les infrastructures de transport ».

M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. S’agissant de la réforme de la géographie prioritaire, elle a été repoussée par le Premier ministre à l’année 2011. Je salue cette décision qui permet que toutes les questions soient mises sur la table et qu’un grand débat national puisse s’engager. Ce grand chantier nécessite en effet le concours de tous.

La révision de la géographie prioritaire doit conduire, selon moi, au passage de la logique actuelle de zonage à une logique de contractualisation. Les différents dispositifs existants seraient ainsi remplacés par un contrat unique signé entre le maire – ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale – et le préfet, et adossé à la durée du mandat municipal.

Afin de renforcer l’efficacité de la politique de la ville, il m’apparaît également nécessaire de concentrer les moyens de l’État sur les communes les plus en difficulté.

Je pense que les recommandations que nous avions formulées, avec le député Gérard Hamel, dans le rapport que nous avait confié le Premier ministre, sont aujourd’hui assez largement partagées. Votre nomination à la tête d’un ministère de plein exercice se situe d’ailleurs, monsieur le ministre, dans la droite ligne de notre rapport.

En conclusion, j’espère que l’année 2011 sera mise à profit pour organiser le grand débat national que j’appelle de mes vœux. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. le président de la commission des finances et Mme Muguette Dini applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas longuement sur l’évolution des crédits de la mission « Ville et logement », qui vous a déjà été présentée par le rapporteur spécial de la commission des finances.

Les trois programmes relatifs au logement voient, en 2011, leurs crédits augmenter légèrement, de 0,7 %, en autorisations d’engagement et reculer, de 1,6 %, en crédits de paiement.

L’évolution des crédits est différenciée selon les programmes.

Le programme 177, Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables, voit ses crédits augmenter de 7,5 %.

Le programme 109, Aide à l’accès au logement, voit ses crédits diminuer de 1,6 %.

Le programme 135, Développement et amélioration de l’offre de logement, voit ses crédits augmenter de 9,3 % en autorisations d’engagement et diminuer de 17,7 % en crédits de paiement.

Je relève, après d’autres, que le programme 177 est, cette année encore, sous-budgétisé, puisque les crédits inscrits pour 2011 sont inférieurs aux crédits consommés en 2009.

Je m’étonne que le programme 108, qui recouvre essentiellement les aides personnelles au logement, subisse une diminution de ses crédits, alors que, en pleine période de crise, la situation de nos compatriotes devrait conduire, au contraire, à les augmenter.

Je concentrerai mon propos sur l’évolution des crédits destinés aux aides à la pierre et, partant, sur le fameux programme 135, qui les couvre essentiellement. Ce dernier permet donc de mesurer l’effort budgétaire de l’État pour la construction et la réhabilitation des logements sociaux.

Je formulerai quatre remarques.

Premièrement, je note que les perspectives d’évolution du niveau des aides à la pierre sont inquiétantes : les crédits de paiement du programme 135 devraient ainsi diminuer en 2012 et en 2013, passant de 518 millions d’euros en 2011 à 459 millions d’euros en 2012 et à 387 millions d’euros en 2013.

Deuxièmement, je m’inquiète du désengagement de l’État en matière de construction de logements sociaux. Les crédits de la « ligne fongible » devraient être renforcés par les ressources issues du dispositif mis en place par l’article 99 du présent projet de loi de finances, à hauteur de 150 millions d’euros si nous adoptons tout à l’heure l’amendement n° II-27 rectifié de la commission des finances. Je regrette cependant que les bailleurs sociaux soient mobilisés afin de compenser la diminution des crédits budgétaires issus de l’État.

Troisièmement, alors que l’État se désengage, je tiens néanmoins, à cette tribune, à souligner l’effort croissant des collectivités territoriales en matière de logement. D’après les données du ministère, cet effort est ainsi passé de 430 millions d’euros en 2000 à près de 1,8 milliard d’euros en 2009. Il a encore été accentué depuis lors !

Enfin, quatrièmement, je constate que les objectifs du Gouvernement en matière de construction de logements sociaux sont ambitieux : 120 000 en 2011, contre 110 000 en 2010. Au vu de l’évolution des dotations, je m’inquiète, là encore, que l’on aboutisse à une réduction sensible des subventions unitaires moyennes ; c’est du moins l’évolution constante qui a été observée au cours des dernières années.

En conclusion, j’estime donc, à titre personnel, que ce budget ne répond pas aux enjeux auxquels est confronté notre pays, notamment en matière de logement social.

À cet égard, je partage le point de vue exprimé par Jérôme Bédier, le président de l’Union des entreprises et des salariés pour le logement, l’ancienne Union d’économie sociale pour le logement, qui déclarait ceci, le 8 novembre dernier : « Ce n’est pas à Bercy de gérer la politique du logement de la France. »

Malgré mes réserves, la commission de l’économie – comme c’est désormais une tradition ! – a émis un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2011 de la mission « Ville et logement ».

S’agissant de l’article 99, sur lequel j’interviendrai tout à l’heure à titre personnel, la commission de l’économie a émis un avis favorable à son adoption sous réserve du vote de l’amendement n° II-27 rectifié de la commission des finances. (M. le président de la commission et M. le rapporteur spécial applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme le rapporteur spécial et les rapporteurs pour avis ont déjà présenté les grands axes de ce projet de budget 2011 pour la mission « Ville et logement », je souhaite, au nom de la commission des affaires sociales, me concentrer sur quelques points précis.

Je commencerai en évoquant l’enjeu général du budget de cette mission : le défi auquel le Gouvernement et le Parlement sont confrontés n’est pas facile, puisqu’il s’agit de respecter la norme de réduction des dépenses publiques – baisse de 10 % sur les dépenses d’intervention –, tout en maintenant la vitalité de la politique du logement et la continuité de la politique de la ville.

D’une manière générale, l’objectivité oblige, me semble-t-il, à le reconnaître, si les propositions initiales du texte, améliorées par l’Assemblée nationale, sont pour la plupart raisonnables, certaines d’entre elles restent malheureusement contestables.

Mes chers collègues, certains d’entre vous dénonceront par exemple, j’en suis sûr, la baisse des aides à la pierre – comme on vient de l’entendre – ou celle des crédits en faveur des contrats urbains de cohésion sociale, les CUCS. Je veux vous dire ceci : au regard de l’endettement de l’État, qui atteint le record historique de 1 600 milliards d’euros, soit près de 82 % du produit intérieur brut, était-il possible de faire autrement ? Je ne le crois pas, et j’apprécie particulièrement que, dans ce contexte, les capacités d’intervention dans le cadre de la politique de la ville soient relativement préservées. J’apprécierai d’autant plus, monsieur le ministre, que la révision de la géographie prioritaire aboutisse enfin, car elle est attendue depuis fort longtemps.

À mon sens, le véritable enjeu des prochaines années est non pas la légitimité de l’effort national, qui est vital pour l’avenir du pays, mais la répartition de cet effort entre nos concitoyens, entre nous tous.

Or, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, c’est précisément sur ce point que certains choix du Gouvernement sont discutables. Ce sera le deuxième temps de mon intervention.

Je ne prendrai qu’un seul exemple, ô combien significatif : celui du prêt à taux zéro universel. Je sais bien que, techniquement parlant, il n’est pas rattaché à la mission, mais qui contestera qu’il relève de la politique d’accès au logement ?

Ce prêt à taux zéro, le Gouvernement l’a voulu universel, ouvert à tous, quel que soit le niveau de revenus, à l’instar du crédit d’impôt sur les emprunts immobiliers, qu’il remplacera à partir de l’année prochaine.

Pourquoi un tel choix ? Pourquoi avoir maintenu un dispositif aveugle au niveau des revenus ?

Mme Nicole Bricq. Bonne question !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis. Le Gouvernement pense-t-il vraiment que les personnes ou les ménages bénéficiant de ressources élevées – 10 000 euros ou 15 000 euros par mois – doivent être aidés par la collectivité ? Est-il juste que l’État s’endette pour aider les ménages les plus aisés à accéder à la propriété ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis. Je n’en suis pas convaincu, pour ne pas dire plus ; à vrai dire, je pense que peu de personnes le sont.

Oui, nous devons collectivement faire des efforts pour désendetter le pays et ne pas hypothéquer son avenir sur les marchés financiers. Mais les efforts, voire les sacrifices aujourd’hui demandés ne pourront être acceptés que s’ils sont équitablement répartis.

M. Gérard Miquel. Absolument !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis. Je crois profondément que le redressement de notre pays ne pourra se faire que dans le cadre de la justice sociale.

Mais la justice sociale, soyons clairs, ne passe pas forcément par la dépense publique. Il faut le dire à nos concitoyens, qui n’en sont pas tout à fait conscients.

Dans le domaine de la politique du logement et de la ville, comme ailleurs, la seule réponse crédible est l’innovation : inventer de nouveaux dispositifs, ingénieux, efficaces et moins coûteux, telle est sans doute la seule voie de modernisation que notre pays peut emprunter.

C’est dans cet esprit, mes chers collègues, que la commission des affaires sociales vous proposera cette année un amendement qu’elle a adopté à l’unanimité : il vise à promouvoir la garantie des risques locatifs.

Je tiens à le souligner dès à présent, la GRL est un dispositif innovant, inventé par les partenaires sociaux afin de faciliter l’accès au logement des personnes en situation de précarité en éliminant le risque financier encouru par le bailleur lorsqu’il loue son logement à ces personnes.

À ce jour, près de 200 000 ménages sont couverts par la GRL, dont 68 % peuvent être considérés comme « précaires » – titulaires d’un contrat à durée déterminée, chômeurs ou étudiants. Tous n’auraient donc pas trouvé de logement dans le parc privé sans la GRL. Encore faudrait-il que ce risque soit mutualisé et que tous les assureurs le proposent. (M. le secrétaire d’État opine.)

Avant de conclure, je citerai deux chiffres.

En tenant compte de la subvention budgétaire, des aides fiscales et des aides de taux ou de circuit, un logement HLM standard coûte aujourd’hui, en moyenne, 34 500 euros à l’État. La subvention d’équilibre par logement couvert par la GRL s’élève, elle, à 300 euros. Dans les deux cas, l’aide publique permet de loger une personne en situation de précarité ; mais vous apprécierez la différence…

J’évoquais tout à l’heure la nécessité de contenir les dépenses publiques sans renoncer à la justice sociale : je crois que la GRL et le dispositif prévu dans l’amendement n° II-149 de la commission des affaires sociales montrent que cela est possible. Nous avons les outils, à nous de prendre nos responsabilités !

Cela dit, la commission des affaires sociales est favorable à l’adoption des crédits pour 2011 de la mission « Ville et logement ». (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et sur plusieurs travées de l’UMP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

En outre, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour répondre à la recommandation de M. le président de la commission des finances, je me résous à réduire mon intervention à trois points.

Le premier, c’est la politique de la ville.

Les crédits y afférents sont en baisse de 13,4 % pour les autorisations d’engagement et de 12 % pour les crédits de paiement. Le Gouvernement diminue fortement la dotation versée à l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances. Si les CUCS sont prorogés jusqu’en 2013 – c’était le cadeau d’adieu de Mme Amara –, ils subissent une diminution annuelle des crédits d’État de 10 %. Traduction sur le terrain : les collectivités locales seront contraintes de compenser cette baisse pour pouvoir continuer à mener nombre d’actions dans les quartiers.

Le deuxième point de mon intervention concerne les aides à la pierre.

M. Repentin a relevé tout à l’heure leur baisse et l’injustice du nouveau système. Le Gouvernement remplace le Pass-foncier, usé avant d’avoir servi (M. le secrétaire d’État s’étonne.), le prêt à taux zéro et le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunts par un nouveau prêt à taux zéro, dont l’injustice vient d’être dénoncée ; c’est plus lisible, mais le nouveau système pénalise très fortement les accédants à la propriété en zone C, comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler.

Le recentrage de la politique du logement sur les zones les plus tendues a des effets pervers. Sur nombre des territoires de la zone C, les revenus des ménages sont généralement plus bas que dans bien des agglomérations, car c’est l’adéquation entre prix et revenus qui est en réalité déterminante.

Le troisième point de mon intervention porte sur la nouvelle contribution proposée à l’article 99 du projet de loi de finances pour 2011. Comme l’indique le rapporteur spécial dans son rapport, celle-ci « ne peut être qualifiée d’instrument de péréquation ». Il ajoute : « En effet, dans la mesure où son assiette est constituée de la masse des loyers perçus, elle s’applique indifféremment et uniformément à tous les organismes, quelle que soit leur situation financière. »

Quand bien même ce dispositif serait revu par l’adoption de l’amendement n° II-27 rectifié de la commission des finances, sa mise en œuvre aura, sur le terrain, des conséquences catastrophiques pour nombre d’organismes d’HLM. Ce sera en particulier le cas dans nos petits départements, où ces organismes, qu’ils soient constitués sous la forme de sociétés anonymes ou d’offices, sont les moteurs de la construction de logements en l’absence quasi totale, faut-il le rappeler, de promoteurs privés.

J’ai fait un calcul pour un organisme que je connais. Sur un résultat annuel approchant 1,3 million d’euros, la ponction serait d’environ 1 million d’euros. Autrement dit, le dispositif détruirait toute possibilité d’action. (M. le secrétaire d’État se montre dubitatif.)

Telles sont les trois observations que je souhaitais formuler.

Monsieur le président de la commission, je me suis efforcé de suivre votre recommandation.

Pour conclure, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il ne vous étonnera point que la majorité des membres de mon groupe ne vote pas les crédits de la mission « Ville et logement ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo quand même !

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré une crise du logement sans précédent, force est de constater que le projet de loi de finances pour 2011 n’est pas à la hauteur des enjeux. Pis encore, il entérine le désengagement de l’État dans ce secteur, qui relève pourtant de l’intérêt général et de la solidarité nationale.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous connaissez les chiffres aussi bien que moi : 3,5 millions de personnes, dont 600 000 enfants, sont aujourd’hui en situation de mal-logement ; 1,2 million de personnes attendent un logement social ; 100 000 personnes sont sans domicile fixe et 500 000 personnes sont privées de logement personnel. Parmi elles, 100 000 vivent à l’hôtel et 100 000 dans des campings.

Il s’agit là d’une situation dramatique qui heurte nos principes républicains et qui devrait susciter d’urgence un engagement national pour le logement. Mais cette prise de conscience n’est pas celle du Gouvernement, qui ne connaît d’autre politique publique que la rigueur !

À cet égard, la présentation du budget est assez claire : « Par les mesures financières en matière de dépenses budgétaires et fiscales qui sont mises en œuvre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, la mission “Ville et logement” participe à l’objectif de réduction des déficits publics. »

Ainsi, tous les crédits de paiement des programmes de cette mission sont en régression, à l’exception du programme 177. Ces coupes atteignent même 18 % pour les aides à la pierre et 12 % pour la politique de la ville.

Cet « effort » s’inscrit dans une démarche pérenne puisque les crédits de la mission devraient diminuer de 48 millions d’euros en 2012 et de 61 millions d’euros en 2013.

Je commencerai cette intervention en confrontant deux chiffres qui, me semble-t-il, sont particulièrement révélateurs des priorités du Gouvernement.

Les aides directes à la pierre ne représentent plus, en crédits de paiement, que 469 millions d’euros. À l’inverse, les dispositifs fiscaux atteignent, eux, 12 milliards d’euros. Nous ne pouvons que constater un glissement des aides de l’État en faveur de la construction de logements sociaux vers un système de financement de la construction poussant à la création d’un marché du logement lucratif. (M. le secrétaire d’État s’étonne.)

Ainsi, 40 % des aides publiques de l’État vont au logement locatif privé, 30 % aux propriétaires et 30 % au logement social. En d’autres termes, 70 % des investissements d’État sont orientés vers le secteur privé !

Aujourd’hui, le Gouvernement annonce comme un progrès la mise en chantier de 120 000 logements, soit 10 000 de plus que l’année précédente, alors même que, selon les chiffres du rapport de la Fondation Abbé Pierre, il faudrait construire 900 000 logements pour répondre à la demande ! Ce projet de budget entérine donc la sous-production de logements. Nous ne pouvons l’admettre.

Si les crédits du programme 177, Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables, sont globalement en augmentation, force est de constater que, comme le note très justement le rapporteur spécial de la commission des finances, « la trajectoire retenue pour les trois prochaines années est celle d’une réduction progressive des crédits budgétaires ».

Nous sommes donc agréablement surpris de l’amendement déposé par le Gouvernement, qui tend à remédier à la sous-dotation qui affectait les crédits de l’aide alimentaire, ainsi que ceux des organismes logeant les personnes défavorisées.

Le programme 109, quant à lui, est constitué par les aides au logement. Ce programme est très important puisqu’il a concerné plus de 6,3 millions de foyers en 2009 et qu’il représente 5,277 milliards d’euros. Ses crédits sont pourtant en baisse de 84 millions d’euros. Je rappelle que nous demandons régulièrement une revalorisation de 20 % de l’aide personnalisée au logement, l’APL, afin de rendre ce dispositif cohérent avec l’évolution du coût de la vie.

Par ailleurs, je ne peux passer sous silence le scandaleux mécanisme permettant la non-rétroactivité du versement des APL entre le moment où la demande est déposée et celui où l’APL est mise en œuvre par la caisse d’allocations familiales, mécanisme voté lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Une telle mesure devrait permettre de réaliser une économie de 240 millions d’euros au détriment des plus fragiles.

Selon nous, cette décision est une honte, alors même que la crise sociale et économique jette dans la précarité un nombre de familles de plus en plus important.

Les crédits de paiement du programme 135, Développement et amélioration de l’offre de logement, sont en baisse de 18 %, cette baisse atteignant même 22 % pour la seule action Construction locative et amélioration du parc. Une telle diminution est réalisée grâce à un tour de passe-passe permettant un recours plus important aux fonds de concours, lesquels deviennent la clef de voûte de ce programme.

En réalité, cet apport extrabudgétaire est une ponction réalisée sur les HLM à hauteur de 340 millions d’euros par an sur trois ans. Je parle ici du fameux article 99 du présent projet de loi de finances, qui prévoit de ponctionner les ressources des offices d’HLM à la fois pour financer l’ANRU et pour compenser la baisse des aides à la pierre.

Nous réaffirmons notre indignation et notre colère. Cette mesure, présentée comme la suppression d’une niche fiscale, est un hold-up sur les moyens du logement social. L’Union sociale pour l’habitat, l’USH, estime que, en l’état, cette taxe ferait baisser de 20 000 le nombre de logements chaque année.

Ainsi, et ce malgré la nouvelle proposition du rapporteur spécial de limiter la recette attendue de cette ponction à 150 millions d’euros, le financement des aides à la pierre serait au final assuré non plus par la solidarité nationale, mais bien par les offices et les locataires. Nous proposerons donc tout simplement la suppression de l’article 99.

Que dire également des perspectives financières pour les trois années à venir, alors que vous proposez de faire passer les crédits des aides à la pierre de 790 millions d’euros en 2008 à seulement 400 millions d’euros en 2013 ?

Ce programme se caractérise également par une diminution sévère de la subvention moyenne par logement financé par un prêt locatif à usage social – les logements PLUS –, laquelle passe de 1 000 euros à 800 euros, et par logement financé par un prêt locatif aidé d’intégration – les logements PLAI –, laquelle passe de 12 000 euros à 10 760 euros.

Ainsi, la participation de l’État aux nouvelles constructions de logements sociaux aura diminué de moitié au cours des dernières années alors que l’effort des offices d’HLM est passé, lui, de 2,5 % à 12 %.

En poursuivant la baisse des crédits, l’État entend continuer de reporter les besoins en financements des opérations sur les autres intervenants : collectivités locales, Action Logement, organismes d’HLM. Pourtant, les collectivités sont en grande difficulté du fait de la suppression de la taxe professionnelle. Il leur sera donc difficile de maintenir un tel niveau d’effort. Et je ne parlerai même pas de l’ANRU, qui est au bord de la cessation de paiement !

La conclusion est donc sans appel : on construira moins avec moins d’argent.

Parallèlement, nous ne disposons pas d’éléments nous permettant d’apprécier l’efficacité de la dépense fiscale, qui est exorbitante, plus importante même que les crédits de la mission ! Ces exonérations atteignent 12 milliards d’euros cette année, soit une progression de 5,8 %.

C’est dans ce contexte que Nicolas Sarkozy reformule son espoir d’une « France de propriétaires », notamment grâce à l’instauration d’un nouveau prêt à taux zéro, le PTZ +, prévue à l’article 56 du projet de loi de finances, lequel se substituera à trois outils – le PTZ, le Pass-foncier et la déduction des intérêts d’emprunt.

Ce PTZ + devrait permettre de réaliser une économie de 2,5 milliards d’euros en 2018. Pour les membres de la majorité, c’est donc une bonne disposition. Or comment favoriser l’accession à la propriété alors que le niveau de vie est en baisse constante, que la précarité dans le travail se généralise, que l’État renonce à la maîtrise foncière afin de limiter la spéculation qui se développe ?

À qui profitera donc ce PTZ +, si ce n’est aux banques, qui se sont déjà honteusement gavées durant la crise ? (M. Jean Desessard rit.) Qui, aujourd’hui, peut devenir propriétaire sans s’endetter sur plusieurs générations ?

Nous vous l’avons dit et nous le répétons : ce laïus n’a d’autre objet que de justifier le désengagement de l’État dans le logement social.

Non seulement ce budget est peu ambitieux, mais le Gouvernement met en œuvre tout un arsenal législatif afin de réformer les prescriptions appliquées au logement et de dévoyer cette mission.

Ainsi, derrière les annonces sur les aides à l’accession à la propriété, sur la suppression de la rétroactivité du versement des APL, sur l’application du surloyer, sur les nouveaux risques pesant sur la part du livret A revenant à la Caisse des dépôts et consignations, c’est bien la casse du logement social qui se profile !

Parce que ce projet de loi de finances ne laisse pas entrevoir ce que pourrait être un grand service public de l’habitat, nous voterons contre les crédits de cette mission pour 2011. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je parlerai à la fois de finances et de justice sociale.

Je vous ferai part, tout d’abord, des inquiétudes que je nourris en raison de la taxation des offices d’HLM, sujet sur lequel je souhaite obtenir quelques précisions. Cette taxation sur fonds propres s’élèverait à 150 millions d’euros, mais quels sont, monsieur le secrétaire d’État, les critères retenus ? Prendrez-vous en compte les conventions ANRU et les fonds propres que les organismes investissent à long terme ?

Prendrez-vous également en compte les nouvelles normes imposées par le Grenelle de l’environnement aux acteurs du logement social concernant le traitement des épaves thermiques ?

Que des offices d’HLM constituant d’importantes réserves de crédits soient taxés, nous le comprenons, compte tenu de la crise du logement. En revanche, ceux qui mènent une véritable politique d’investissement ne doivent pas être pénalisés dans leurs efforts de construction, car la dynamique du mouvement HLM serait alors stoppée.

Mme Nicole Bricq. Exactement !

M. Alain Fouché. J’aborderai maintenant un second point, qui préoccupe nombre d’élus, à savoir l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU ». Cet article impose aux communes de plus de 3 500 habitants intégrées dans une agglomération d’au moins 50 000 habitants d’atteindre en cinq ans le quota de 20 % de logements sociaux.

Toutefois, certains maires de différents horizons politiques s’opposent à cette règle. Ils ont peur, disent-ils, de récupérer toute la misère du monde. D’autres, pour des raisons électoralistes aberrantes, font le choix de payer l’amende. Selon ces élus, la clientèle aisée est préférée aux personnes à faibles ressources, ces dernières pouvant avoir besoin d’un plus grand soutien social et éducatif. Pourtant, elles apportent cette richesse populaire qui est l’essence de notre pacte républicain.

Nous sommes tous, sur ces travées, convaincus du besoin en logements et de la nécessité d’en construire pour tous. C’est pourquoi il faut inciter, voire obliger, les centaines de communes qui n’atteignent pas ce taux à engager un plan de rattrapage.

À cet effet, monsieur le secrétaire d’État, ne pensez-vous pas qu’il faudrait envisager un relèvement du montant de la contribution de solidarité due par les communes récalcitrantes ?

Actuellement, le montant de cette contribution reste inférieur au coût de construction de logements sociaux. Certaines équipes municipales préfèrent donc payer plutôt que de construire des logements. C’est tout à fait scandaleux. Que pouvez-vous nous dire sur ce sujet, monsieur le secrétaire d’État ? (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean Desessard. C’était court ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré les efforts collectifs réalisés ces dernières années, notamment au travers du plan de cohésion sociale, auxquels ont été fortement associées toutes les collectivités, la crise du logement est de plus en plus préoccupante.

La France compte aujourd'hui 3,3 millions de mal-logés. Alors que les besoins en logements sont évalués à 950 000, l’offre de logements est en rétractation, seules 305 000 mises en chantier ayant été comptabilisées en 2009, soit un recul de 17 % par rapport à 2008.

Or le logement est un bien de première nécessité auquel chacun a droit. Selon les dernières données du comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable, le nombre de recours est en très forte progression ces derniers mois.

Dans ce contexte, le projet de budget présenté par le Gouvernement doit résoudre une équation difficile : préserver la vitalité de la politique du logement tout en respectant l’impératif de réduction de notre déficit public.

L’État a donc été conduit à revoir ses priorités pour répondre d’abord aux attentes dans les secteurs les plus tendus. Si, sur le principe, ce ciblage est justifié, il doit aussi être pertinent et équilibré.

Dans le domaine du logement social, le Gouvernement a annoncé la réorientation des aides à la pierre vers les territoires en tension afin de mieux ajuster la production à la demande effective des ménages. Cette nouvelle priorité suscite de nombreuses inquiétudes, notamment en zone C, comme l’ont déjà dit plusieurs de mes collègues.

À titre d’exemple, les territoires les plus défavorisés, ceux dont la richesse produite est donc peu élevée, comptent une importante population à faibles revenus, laquelle vit très souvent en HLM. C’est le cas de certaines villes situées en zone rurale, qui ne sont pourtant pas considérées comme des zones tendues.

Le soutien à la construction de logements sociaux doit donc être adapté à la réalité et à la diversité des territoires.

Plutôt que de se référer à un zonage défini de façon centralisée, il serait plus pertinent de s’appuyer sur les comités régionaux de l’habitat – j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire à plusieurs reprises, monsieur le secrétaire d’État, lors d’autres débats –, en lien avec les acteurs locaux, pour définir au plus près du territoire les besoins en logements.

Cette démarche serait d’autant plus légitime que les programmes locaux de l’habitat se généralisent peu à peu et que les informations issues du terrain sont de plus en plus précises.

Cette remarque vaut aussi pour les aides au logement en direction du parc privé, qui privilégient, là encore, la construction en zone tendue et favorisent davantage dans les autres territoires la réhabilitation et la rénovation.

Quant à la réforme des aides de l’ANAH, elle tend à renforcer le soutien à la rénovation des propriétaires occupants à faibles revenus. Nous devons encourager cet effort.

En revanche, pour les propriétaires bailleurs, la prime « réduction du loyer en zone tendue » de l’ANAH risque, là encore, d’entraîner une diminution du nombre de conventions de catégorie sociale ou très sociale dans les zones rurales non tendues. De ce fait, les propriétaires bailleurs risquent de ne plus intervenir pour réhabiliter leur parc locatif en direction du logement social, faute d’encouragement au conventionnement.

Comme cela a été évoqué lors du conseil d’administration de l’ANAH, le nouveau dispositif méritera d’être évalué rapidement afin d’être adapté, si nécessaire, à la diversité des territoires.

Le dernier point que je souhaite évoquer rapidement porte sur l’article 99 du projet de loi de finances.

Pour compenser la baisse des aides à la pierre, le présent texte prévoit un recours aux fonds de concours, à hauteur de 93 millions d’euros. Parmi ces sources de financement, 80 millions d’euros devaient provenir de la mise en place d’une contribution sur les revenus locatifs, prélevée sur les organismes d’HLM, et dont le montant total s’élevait à 340 millions d’euros.

Répondant aux inquiétudes des organismes d’HLM et des élus, la commission des finances du Sénat a, dans un premier temps, légitimement supprimé cette disposition. Parallèlement, un nouveau dispositif était proposé par l’Assemblée nationale. C’est une nouvelle version de la taxe sur les « dodus-dormants », instituée en 2009, qui a été adoptée. Mais il est utile de rappeler, pour la suite de nos débats, que cette taxe qui porte sur les réserves financières non utilisées des bailleurs sociaux, a été un échec. Pour y échapper, les organismes d’HLM ont réduit leur potentiel financier, notamment en remboursant leur dette.

La commission des finances, sur la proposition de son rapporteur général, Philippe Marini, et de son rapporteur spécial, Philippe Dallier, nous propose la réduction du prélèvement sur les organismes d’HLM de 340 millions d’euros à 150 millions d’euros. Cette somme, ramenée à un niveau acceptable,…

Mme Nicole Bricq. Non ! Ce niveau n’est pas acceptable !

M. Pierre Jarlier. … sera consacrée exclusivement au développement et à l’amélioration du parc de logements sociaux. C’est une avancée significative que je tiens à saluer.

Cette proposition fait également évoluer la définition du potentiel financier pour en écarter les subventions versées par les collectivités. Les efforts consentis par celles-ci en faveur du logement social seront donc préservés. Toutefois, il faut aussi veiller à ce que le critère retenu du potentiel financier ne pénalise pas les organismes d’HLM les plus fragiles.

M. Pierre Jarlier. En effet, certains d’entre eux ont un potentiel financier élevé alors qu’ils sont très endettés et qu’ils ont un autofinancement également très faible.

Cette remarque a suscité plusieurs sous-amendements, qui, je l’espère, seront pris en compte.

Je ne développerai pas plus avant mes observations, afin de ne pas retarder les débats. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, voilà cinq ans, les banlieues s’embrasaient. Ce n’était pas la première fois, certes, mais nous avons observé un degré de violence inédit traduisant le mal-être de ces quartiers et, plus inquiétant, aucun débouché politique n’a été proposé.

Nous connaissons tous les problèmes de ces territoires, nous sommes conscients des difficultés de ces quartiers qui ont mal vieilli, qui sont mal intégrés au reste de la ville.

Je pense que personne, dans cet hémicycle, ne peut se dire insensible à la détresse des populations, bien souvent marginalisées, pour ne pas dire abandonnées. Dans ces quartiers, les services publics sont peu présents en général, le chômage est élevé, le sentiment d’injustice constant.

Pourtant, le programme 147, Politique de la ville, accuse une baisse de ses crédits. Il représente 618 millions d’euros en autorisations d’engagement, pour un montant quasi identique en crédits de paiement. Dans le détail, les premières baissent de 13 %, les seconds de 12 %.

Le budget est contraint cette année. Le Gouvernement veut montrer qu’il fait des économies. Pis, la baisse constatée ici est supérieure à la norme d’économie retenue lors de l’élaboration du budget. Cette affirmation n’est pas de moi ; elle est de M. le rapporteur spécial, notre collègue Philippe Dallier.

Ainsi donc, devant un tel désengagement, je dois en conclure que le plan « Espoir banlieues », qui n’a jamais eu de moyens, n’était qu’un simple affichage destiné à calmer la colère de ces populations, sans rien changer sur le fond. Le budget pour 2010 était déjà critiquable ; celui pour 2011 donne carrément dans le cynisme et le mépris.

Le plan de Fadela Amara porte, somme toute, bien son nom : il est un « espoir ». Vous souhaitez volontiers que les habitants de ces quartiers en restent à l’espoir d’une vie meilleure parce que, en fait, vous ne leur accordez rien.

La preuve la plus flagrante en est la diminution de la ligne Dynamiques Espoir banlieues, au sein des crédits d’intervention de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances eux-mêmes en baisse de 10 %. Cette ligne est inférieure non seulement à ce qu’elle était en 2010, mais aussi au budget exécuté en 2009. C’est d’autant plus dramatique que tout retard allongera in fine le montant de la facture.

Cherche-t-on à paupériser et à ghettoïser davantage ces quartiers ? Je ne souhaite pas faire de procès d’intention, mais les faits sont là : vous faites une politique d’affichage avec le plan « Espoir banlieues » tandis que, dans le même temps, vous réduisez drastiquement les crédits disponibles pour les quartiers.

Les tendances sont inquiétantes. En 2009, le budget était déjà en diminution et le plan « Espoir banlieues » n’était soutenu que par Mme Amara. Il faut reconnaître qu’elle portait seule cet espoir. En 2010, il baisse à nouveau. Bas les masques, fini de jouer ! Le rideau du carnaval tombe sur une énième représentation où la banlieue aura été mise au premier plan pour mieux être ridiculisée.

À ce niveau-là, on retrouvera des opérations de rénovation urbaine où il sera question de repeindre les bâtiments pour donner l’impression aux habitants qu’on s’occupe d’eux.

Manifestement, vous n’avez compris ni l’urgence de la situation ni le besoin d’un changement complet de politique de la ville. Ce budget est indécent compte tenu de la situation de ces quartiers.

Je suis d’autant plus inquiète que la première génération des zones franches urbaines arrive à échéance le 31 décembre 2011. La revitalisation économique de ces espaces est une question cruciale. Nous ne pouvons pas la passer sous silence.

Pour l’heure, je constate que les données ayant conduit à la création des zones franches urbaines existent encore, ce qui devrait nous inciter à étudier la manière de faire vivre ce système et non d’en sortir brutalement Il aurait été souhaitable de commencer à réfléchir, dès cette année, aux modalités d’évolution des ZFU et non d’attendre de se trouver au pied du mur. Les banlieues ont besoin de tout sauf d’improvisation.

Les événements de Grenoble, si grossièrement exploités, devraient nous servir d’avertissement. Les attentes sont réelles, les besoins criants. La bonne réponse, ce n’est certainement pas de multiplier les caméras de vidéosurveillance ; c’est avoir une approche ambitieuse et globale. Cela passe par l’engagement de moyens humains et financiers importants, et non par un désengagement progressif.

Attendez-vous que les collectivités territoriales compensent, là encore, votre absence prolongée ? Elles ne sont pas la variable d’ajustement de vos errances politiques. Il revient à l’État de prendre ses responsabilités.

Il en est de même pour les bailleurs sociaux : ils ne doivent nullement servir à exonérer l’État de ses responsabilités.

Monsieur le secrétaire d’État, vous aviez prévu cette année de ponctionner les organismes d’HLM pour financer en partie l’ANRU. En d’autres termes, vous déshabillez Paul pour habiller Pierre !

Vous prétendez que cette mesure est liée à la volonté gouvernementale de supprimer une niche fiscale. Je ne peux que m’interroger sur ce point. Depuis quand le fait de se loger est-il devenu une niche fiscale ? J’ai sans doute dû manquer un épisode dans le raisonnement fiscal… Cependant, que les organismes d’HLM soient également surpris de cette déclaration me rassure : nous sommes donc plusieurs à suivre avec peine cette analyse.

En ponctionnant sans vergogne les bailleurs sociaux pour financer l’ANRU, vous demandez donc aux classes populaires, qui vivent dans les immeubles, de financer les opérations de rénovation et de réhabilitation les concernant. Belle preuve de solidarité nationale, assurément ! Un amendement vise à modifier cette mesure afin d’en revenir à plus de réalisme. C’est un bon point, même si c’est insuffisant.

La politique de logement de ce gouvernement est tout bonnement incompréhensible. Vous êtes revenus sur le « 1 % », vous réduisez les aides à la pierre de plus en plus fortement et privez l’ANRU de ses moyens.

Nous refusons le détricotage d’un système au profit de la simple politique d’accession à la propriété. Nous avons besoin d’une politique ambitieuse, non pas d’un budget indigent, dépourvu de moyens parce que vous refusez, encore et toujours, de mettre à bas ce bouclier fiscal, votre péché originel, qui nie l’impératif de solidarité nationale pourtant au cœur de notre pays.

Pour toutes ces raisons, vous aurez compris quel sera le sens de notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? S’il est un domaine où cette formule trouve à s’appliquer, monsieur le secrétaire d’État, c’est bien celui dont vous avez la responsabilité : logement et urbanisme. Ce sujet mériterait d’être développé ; néanmoins, j’essaierai de l’expliquer dans les quelques minutes qui me sont attribuées.

Le logement représente un enjeu extrêmement important, d’un point de vue tant humain que social et économique. Humain, car le logement est un des éléments essentiels de la vie des personnes et des familles ; social, car le contexte de l’habitat concourt manifestement à un bon équilibre de la société ; économique, car, de tout temps, le bâtiment, par l’activité qu’il crée, a été créateur d’emplois en grand nombre, et ce de manière durable s’il est bien organisé.

Cette autre formule, que chacun peut avoir à l’esprit, « quand le bâtiment va, tout va », l’illustre bien. Notre pays a connu des années fastes, celles que l’on a appelées les Trente Glorieuses, et le bâtiment y a beaucoup contribué.

Tous les éléments, monsieur le secrétaire d’État, sont réunis aujourd’hui pour que le bâtiment participe d’une manière forte à un redémarrage économique : le besoin de logements est important ; il y a manifestement des ensembles qui justifient, pour toutes sortes de raisons, une restructuration ; nombre de familles rêvent d’accéder à la propriété ; les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas.

Le bâtiment peut ainsi redevenir, et pour de nombreuses années, un secteur d’activité dynamique et créateur d’emplois.

Alors, me direz-vous, quel est le problème ? Il est simple. Rarement, monsieur le secrétaire d’État, les contraintes et les lourdeurs administratives ont été aussi pesantes. Rarement, il a été aussi difficile de faire aboutir un document d’urbanisme ou, pour les particuliers, d’obtenir un permis de construire.

La France est le pays d’Europe qui dispose du plus grand espace, ce qui devrait faciliter la construction de logements, et, plus particulièrement, le développement de l’accession à la propriété. C’est le souhait d’un grand nombre de familles et c’était, me semble-t-il, un objectif prioritaire voulu par le Président de la République. La raréfaction des terrains disponibles et, partant, l’évolution des prix du foncier ont eu pour conséquence que la moitié des familles qui pouvaient encore accéder à la propriété voilà vingt ou trente ans encore ne le peuvent plus aujourd’hui.

Les surcoûts que cela génère amènent les organismes gestionnaires de logements sociaux à solliciter les concours financiers des collectivités, qui sont déjà confrontées à des problèmes financiers.

Toute ma vie d’élu, j’ai développé la construction de logements locatifs ou en accession. Dans les années soixante-dix, il était possible pour une famille d’accéder à la propriété sur un terrain de mille mètres carrés pour moins de 100 000 francs. Voilà quinze ou vingt ans, il fallait 100 000 euros pour la même opération. Aujourd’hui, il faut la même somme pour le seul terrain, dans la même commune. La rareté fait la cherté.

Tout cela est complètement absurde lorsque l’on mesure les enjeux humains, sociaux et économiques.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez entre les mains la possibilité de renverser cette situation. C’est une question non pas d’argent, mais seulement de réglementation.

Je veux ici vous faire une suggestion. Toutes les villes et communes de France qui justifient d’un document d’urbanisme en sont dotées. Faire une révision classique équivaut, en termes de délais, à ce qui est nécessaire à l’élaboration d’un document initial. Sauf dans quelques cas particuliers, la structure de la commune n’a pas été modifiée. Qu’est-ce qui justifie de devoir reprendre l’ensemble des éléments préparatoires pour l’état des lieux ou les diagnostics ? Pour faire aboutir un projet, un délai de trois ans, dans le meilleur des cas, est nécessaire ; le plus souvent, il est de cinq ou de six ans.

Je suggère, monsieur le secrétaire d’État, que, d’une manière dérogatoire, par la procédure de révision simplifiée, et en élargissant les possibilités de classement des espaces qu’elle offre, les communes qui le souhaitent puissent dégager des terrains disponibles et les ouvrir à la construction, ce qui permettrait d’augmenter l’offre de foncier. Il s’agit non pas de faire du mitage, comme on nous l’objecte trop souvent, mais seulement de déverrouiller une situation aujourd’hui bloquée.

Peut-être ne serait-il pas inutile, monsieur le secrétaire d’État, que vous disiez à vos services, sur le terrain, qui font preuve aujourd’hui d’un zèle pour le moins excessif, qu’ils ont aussi une mission de conseil, d’accompagnement et de facilitateur pour l’élaboration et le cheminement des projets.

Si nous allons dans ce sens, monsieur le secrétaire d’État – et la décision est entre vos mains –, outre que de nombreuses familles s’en trouveront satisfaites, nous pourrons alors redire : « Quand le bâtiment va, tout va ! » (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le gouvernement Fillon II a promis la rigueur. Nous nous attendions à un budget austère : c’est un budget désolant !

Un exemple : le budget des centres sociaux. Le constat est unanime : la précarité mine notre pays. Huit millions de Français, dont deux millions d’enfants vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.

Partout en France, le tissu des centres sociaux lutte au quotidien contre les exclusions, pour maintenir ou restaurer le lien social, pour favoriser l’insertion, pour maintenir le logement des plus démunis et permettre aux gens de ne pas s’enfoncer davantage.

Pourtant, vous nous proposez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, dans votre mission « Ville et Logement », de réduire leur budget de 36 %, et ce pour économiser neuf petits millions d’euros ! Dans le même temps – est-il utile de le rappeler ? –, 1 169 personnes bénéficient de 423 millions d’euros au titre du bouclier fiscal !

Ce n’est pas seulement du cynisme ; c’est aussi une erreur. Une démocratie ne peut pas prospérer durablement sur une fracture sociale !

Or ces malheureux 9 millions d’euros ne sont pas des subsides pour assistés ! Ils font vivre un réseau. Pour un emploi financé, c’est plus d’une dizaine de bénévoles qui apportent leur concours ! Voilà des effets de levier que vous ne savez pas voir !

Mais tant pis ! Vous persistez dans votre politique suicidaire de réduction des dépenses, sans vouloir toucher à l’impôt ! Qu’importe le naufrage du corps social tant qu’on entend jouer l’orchestre de la révision générale des politiques publiques ! Et d’ailleurs en vain, puisque, comme l’ont relevé les rapporteurs, vous sous-estimez chaque année les dépenses pour ensuite rectifier les crédits.

Et pour la politique du logement, vous externalisez, vous privatisez ! Pour vous, rien ne saurait échapper au marché ! Le 14 septembre 2006, fier d’un récent voyage aux États-Unis, Nicolas Sarkozy expliquait dans sa « convention pour la France d’après » qu’il lui fallait « une France de propriétaires », et que la recette était simple : il suffisait d’« accorder des crédits hypothécaires » et d’« assouplir les règles prudentielles des banques »… On a vu où cette politique nous a menés : à un fiasco financier international !

La majorité des ménages vivant en zone urbaine consacrent aujourd’hui entre 40 % et 50 % de leurs revenus au logement, dont les charges fixes incompressibles ne cessent d’augmenter. Sur le marché libre, les loyers ont augmenté de 26 % en six ans. Pas une semaine ne passe sans que la presse se fasse l’écho d’un nouveau record de la bulle immobilière.

La raison commanderait de détendre le marché, d’accroître l’offre pour répondre à la demande, en un mot de construire ! Et je ne parle pas seulement du logement social.

Et pourtant : il y a eu 435 000 logements construits en 2007, puis 368 000 en 2008 et 333 000 en 2009. Et votre nouveau budget entérine inexorablement la baisse… Non seulement les aides à la pierre s’amenuisent, mais, en plus, vous vous défaussez du reliquat, en ponctionnant les opérateurs d’HLM !

Dans le même temps, vous gaspillez des milliards d’euros de dépenses fiscales. De telles mesures sont, au mieux, peu ou pas utiles – c’est le cas des dispositifs « Borloo », « Robien » ou « Scellier », qui ont pour effet la présence, ici ou là, d’immeubles à moitié vides – et, au pire, à vocation spéculative, comme la mouture « plus » du prêt à taux zéro, que vous nous proposez cette année.

Et que dire des 14 milliards d’euros d’aides à la personne, mal employés, puisqu’ils amènent les propriétaires à augmenter d’autant leurs exigences, en l’absence de tout encadrement des loyers ? Quel gâchis !

Des mesures doivent être adoptées. Il faut encadrer fermement les loyers, réorienter les dépenses fiscales vers la pierre, construire de vrais logements sociaux au lieu de contourner la loi SRU, taxer les logements vacants de manière dissuasive et toiletter soigneusement les règles d’attribution et de conservation des logements sociaux.

Et puis, référence à l’actualité, permettez-moi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, d’évoquer le droit de réquisition. Cet après-midi, huit étudiants étaient jugés au tribunal de grande instance de Paris pour l’occupation de l’immeuble, vide depuis dix ans, au 69, rue de Sèvres, au cœur du sixième arrondissement de Paris. Ces étudiants habitaient et entretenaient l’immeuble. Ils s’étaient engagés à quitter les lieux dès que la propriétaire voudrait louer, vendre ou effectuer des travaux. Mais elle a préféré les harceler au tribunal et leur réclamer 460 000 euros.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous avais soumis ce cas exemplaire dans une question écrite publiée le 9 juillet 2009 au Journal officiel, en vous suggérant de diligenter une réquisition, comme la loi le permet. Vous m’aviez alors répondu que la réquisition est une procédure complexe et qu’il valait mieux appâter la propriétaire, multimillionnaire domiciliée fiscalement en Belgique, par des abattements fiscaux de 70 % sur les recettes locatives…

Si vous défendez bec et ongles le droit de propriété, fût-il abusif, on ne peut pas dire que vous en fassiez autant pour le droit au logement. En effet, près de trois ans après l’entrée en vigueur de la loi DALO, au moins 14 000 familles reconnues comme prioritaires n’ont toujours rien vu venir.

Pour les écologistes, le logement n’est pas un bien comme les autres ; c’est un droit, un rempart contre la précarité, la désocialisation, l’exclusion du système !

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous aurez compris que nous divergeons sensiblement – c’est le moins que l’on puisse dire – sur l’analyse de la situation du logement en France et que votre politique nous est intolérable. En conséquence, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous dire tout l’honneur que j’ai aujourd'hui d’être devant la Haute Assemblée, en compagnie de Benoist Apparu. Quelle meilleure manière d’inaugurer ses fonctions de ministre de la ville que de présenter le budget alloué à cette politique devant des élus fortement impliqués sur les questions liées au devenir de nos quartiers ?

Je voudrais également remercier chaleureusement l’ensemble des rapporteurs de la qualité de leurs travaux. Je pense notamment à M. le rapporteur spécial, Philippe Dallier, ainsi qu’à MM. les rapporteurs pour avis, Jean-Marie Vanlerenberghe, Thierry Repentin et Pierre André. Certes, ce dernier n’est pas avec nous aujourd'hui – je lui souhaite d’ailleurs un prompt rétablissement –, mais il a été remarquablement remplacé par Dominique Braye, que je remercie de son soutien.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’a indiqué le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, le Gouvernement souhaite renforcer la politique de la ville et lui donner une nouvelle impulsion.

C’est la raison pour laquelle le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité ériger le secrétariat d’État à la ville en un ministère de plein exercice à vocation interministérielle. C’est l’avenir de notre pays qui se joue dans ces territoires ! Il s’agit d’un enjeu de civilisation !

Le rattachement du Grand Paris à ce ministère traduit d’ailleurs la volonté du Président de la République et du Gouvernement de fédérer les énergies pour répondre aux besoins immédiats des habitants d’Île-de-France et des régions limitrophes, pour préparer l’avenir afin d’inventer un cadre de vie harmonieux, pour réconcilier l’urbain et l’humain et gagner la bataille de l’emploi au service de tous les Français.

Je veux ici saluer le travail accompli par la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, Fadela Amara. En effet, je considère que la politique de la ville doit s’inscrire dans la durée. Je regrette d’ailleurs que votre collègue Yves Dauge n’ait pas pu être présent ce soir, car je tenais à lui rendre hommage : il a été le premier délégué interministériel à la ville et ses compétences en la matière sont reconnues !

Mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet de budget préserve nos principaux leviers d’intervention tout en contribuant aux efforts auxquels nous devons tous consentir pour rétablir l’équilibre de nos finances publiques. Je sais que vous y êtes personnellement très attaché, monsieur le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout comme vous, monsieur le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre. En effet.

Mme Khiari, les efforts de la nation en faveur des quartiers ne sauraient être réduits, comme vous l’avez pourtant fait, aux seuls crédits du programme 147 ; vous le savez d’ailleurs très bien. Aux 618 millions d’euros alloués à ce programme, il convient d’ajouter les 310 millions d’euros de dépenses fiscales au service du développement économique et de l’emploi, mais également les dotations de péréquation, comme la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et la dotation de développement urbain, qui s’élèvent respectivement à près de 1,3 milliard d’euros et à 50 millions d’euros.

La rénovation urbaine constitue un des piliers de la politique de la ville. Comme M. Braye l’a souligné, près de 12 milliards d’euros sont mobilisés à ce titre. Cette politique fait également appel aux crédits de droit commun, à hauteur de 2 milliards d’euros environ.

Je souhaite mettre en œuvre dans les prochaines semaines des expérimentations sur une trentaine de quartiers, couvrant près de 300 000 habitants, afin de relancer la mobilisation des crédits de droit commun dans les contrats urbains de cohésion sociale. Cette action me tient très à cœur. En tant que président du conseil général de mon département, j’ai eu le bonheur d’expérimenter le revenu de solidarité active. Nous recourons trop peu aux expérimentations dans notre pays, alors que, au contraire, nous devrions les encourager.

M. Dominique Braye. Tout à fait !

M. Maurice Leroy, ministre. M. Mézard et Mmes Terrade et Khiari ont souligné que les crédits du programme diminuaient de 12 %. C’est vrai. Mais ils ont tout simplement omis de rappeler – je suis sûr que c’est un simple oubli – que cette baisse résultait, à concurrence de 60 %, de l’application mécanique de la loi, laquelle prévoit en effet une réduction des remboursements d’exonération des charges sociales dans les zones franches urbaines et dans les zones de redynamisation urbaine. Il était utile de faire ce rappel.

Vous l’aurez compris, ma priorité est donc de préserver les leviers d’action sur le terrain, au profit des territoires et des populations.

En outre, dans le cadre du budget triennal, les crédits relatifs aux CUCS devraient être stabilisés au niveau de 2011, et je confirme devant la Haute Assemblée – c’est une information importante que je vous livre – qu’ils seront prolongés jusqu’en 2014.

Je réponds ainsi à plusieurs des intervenants qui se sont exprimés : le prolongement jusqu’en 2014 donne une réelle visibilité aux acteurs de terrain.

Ainsi, pour les prochaines années, ce qui constitue aujourd'hui le cœur de la politique de la ville sera préservé et renforcé.

J’en viens à présent à la rénovation urbaine et à la prolongation du PNRU, lancé par mon ami Jean-Louis Borloo.

Comme cela a été relevé par MM. les rapporteurs, la capacité d’affectation de l’ANRU est désormais de 12,621 milliards d’euros, ce qui correspond à plus de 42 milliards d’euros de travaux programmés sur les cinq prochaines années.

Les projets de rénovation urbaine portent sur 480 quartiers, dont 464 font l’objet de conventions signées et de paiements accélérés.

Aujourd’hui – Benoist Apparu le dira bien mieux que moi dans quelques instants –, on construit plus qu’on ne démolit. Et les résultats sont visibles ! Cette dynamique se poursuit en 2010.

Pour autant, et c’est la rançon du succès de notre programme de rénovation, nous sommes entrés – le rapporteur spécial, Philippe Dallier, le relevait – dans ce qu’on appelle la « bosse de l’ANRU », avec un besoin plus grand de financement du PNRU.

Sur ce point, le Gouvernement, en particulier Benoist Apparu, vous a proposé une mesure de péréquation sur les bailleurs sociaux permettant d’absorber ce besoin complémentaire de financement. Grâce au travail déjà engagé par l’Assemblée nationale, nous sommes arrivés à un dispositif dont la capacité de péréquation beaucoup plus importante permet de toucher principalement les « dodus-dormants ». C’est une mesure juste et équilibrée, dont l’intégralité du produit retourne au secteur du logement social, en l’occurrence l’ANRU et les aides à la pierre.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis. Ce n’est pas la même chose !

M. Maurice Leroy, ministre. La notion de « géographie prioritaire » est au cœur de la politique de la ville. Or, vous en conviendrez, la cartographie des zones urbaines sensibles n’est aujourd'hui plus adaptée.

Comme l’a rappelé le Premier ministre tout récemment à Garges-lès-Gonesse – à cet égard, monsieur Mézard, il s’agissait non pas d’un « cadeau de départ » de Mme Amara, mais d’un discours du Premier ministre ! –, une réflexion sera engagée dès 2011 pour définir les critères de sélection qui présideront à la future géographie de la politique de la ville et qui permettront de concentrer les crédits sur les quartiers en ayant le plus besoin.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai la conviction que les banlieues intégrées à la ville constituent une chance pour la France, et non un handicap. Elles sont pour moi synonymes de richesse, de diversité culturelle et d’innovation. La France de demain se reconstruira dans ces villes solidaires. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’efforcerai d’être aussi bref que Maurice Leroy et de respecter mon temps de parole, et ce afin de satisfaire à la demande de M. le président de la commission.

Je dirai quelques mots sur les trois thèmes principaux de cette mission.

Premièrement, nous avons souhaité, dans le cadre du programme 177, obtenir un « rebasage » budgétaire, notre objectif étant que la loi de finances soit la plus sincère possible en début d’année.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez tous ce qu’il en est depuis quinze : la loi de finances initiale annuelle n’est jamais sincère, ce qui oblige à prendre en cours d’année deux ou trois décrets d’avance pour abonder les crédits. C’est ce à quoi nous avons assisté encore cette année.

Pour l’année 2011, nous sommes parvenus à établir un programme 177 qui, d’emblée, soit sincère sur le plan budgétaire. De la sorte, il nous sera possible de signer avec les associations des contrats de performance, d’objectifs et de moyens afin de leur offrir sécurité et visibilité. Je souhaitais souligner ce point.

L’autre point marquant de ce budget – c’est le deuxième élément de mon intervention – est, bien évidemment, la création de ce nouveau prêt à taux zéro, sur lequel je reviendrai dans quelques instants. Cette mesure fait écho à l’engagement du Président de la République de développer la France des propriétaires.

Troisièmement, plusieurs orateurs ont évoqué la mesure de péréquation sur les bailleurs sociaux visant à absorber le besoin complémentaire de financement de l’ANRU, mesure qu’a sensiblement modifiée l’Assemblée nationale. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements, car j’ai cru comprendre que des amendements non négligeables avaient été déposés à ce sujet.

Je répondrai maintenant aux différents intervenants qui se sont exprimés.

Tout d’abord, monsieur le rapporteur spécial, vous estimez que les crédits en faveur de l’aide alimentaire sont sous-évalués. C’est pourquoi, comme vous l’avez signalé, le Gouvernement a déposé un amendement visant à compenser la diminution de 6 millions d’euros des crédits du programme européen d’aide aux plus démunis, le PEAD, par une majoration de 9 millions d’euros des crédits consacrés à l'aide alimentaire.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur spécial, vous remarquez fort justement que nous ne disposons d’aucune donnée statistique sur le dispositif « Scellier » ni d’aucune indication sur la répartition géographique précise de ses bénéficiaires. C’est pourquoi il nous faudra exiger des professionnels les éléments nous permettant d’accéder à ces informations. Je partage donc votre analyse sur ce sujet.

Monsieur Repentin, nous reviendrons lors de l’examen des amendements sur ce que vous appelez le « désengagement » de l’État en matière de logement social. Je me bornerai, une fois encore, à répéter des chiffres que vous connaissez aussi bien que moi : entre 1978 et 2003, gouvernements de droite et de gauche confondus, 50 000 logements sociaux, en moyenne, ont été financés chaque année. Depuis le plan de cohésion sociale lancé par Jean-Louis Borloo, 100 000 logements par an en moyenne sont construits, avec une pointe à 120 000 logements l’année dernière et cette année. Dans ces conditions, comment parler d’un désengagement ? Le doublement de la production de logements sociaux me semble plutôt être une politique positive de la part de l’État et de l’ensemble des partenaires.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. De grâce, évitons une approche quelque peu manichéenne consistant à affirmer que tout ce qui est positif est le fruit de la politique conduite par les collectivités locales et le monde HLM, et que tout ce qui est négatif est la résultante de l’action de l’État. Une telle façon de voir est quelque peu réductrice. Je souhaiterais, si vous le voulez bien, que nous acceptions les uns et les autres que l’effort de construction de logements sociaux est à la fois soutenu par les collectivités locales, par les bailleurs sociaux, mais également par l’État.

En ce qui concerne le PTZ + universel, je souhaiterais expliquer pourquoi nous avons fait le choix de l’universalité. La raison en est très simple : si vous observez les déciles de revenu correspondant à ce PTZ +, vous vous apercevrez que nous avons ouvert au dispositif les déciles neuf et dix quand l’ancien prêt à taux zéro s’arrêtait au décile huit.

Le décile neuf en zone C commence pour un célibataire à 1 500 euros par mois. Le décile dix, quant à lui, commence à 2 200 euros par mois. Je ne suis pas convaincu que ces personnes appartiennent à la catégorie de la population extrêmement riche.

En zone A, les déciles neuf et dix commencent l’un à 2 500 euros et l’autre à 3 200 euros. Là encore, il s’agit de la classe moyenne et non de personnes riches.

Pourquoi avons-nous fait un tel choix ? Tout simplement parce qu’une personne fortunée, comme vous l’avez souligné tout à l’heure, n’est pas primo-accédante et est déjà propriétaire. Elle n’a donc pas droit au prêt à taux zéro.

L’universalité est donc clairement une possibilité offerte, notamment aux classes moyennes, d’accéder à la propriété. Je le répète : 1 500 euros de revenus mensuels pour un célibataire en zone C, ce n’est pas être riche. Avec un tel niveau de salaire, il n’est pas possible d’accéder à la propriété sans aide extérieure.

En revanche, je vous rejoins sur la GRL. Il s’agit d’un excellent dispositif lancé, là encore, par Jean-Louis Borloo. Ce dispositif n’a pas encore trouvé totalement sa cible, notamment parce que subsistent encore des désaccords avec les assureurs. Nous évoquerons ce sujet tout à l’heure.

Monsieur Mézard, je souhaite à nouveau dire un mot sur le prêt à taux zéro. Vous parlez de désengagement de l’État pour la zone C. Mais comment parler de désengagement alors que les crédits de l’État pour la zone C et les territoires ruraux passent de 600 millions d’euros à 800 millions d’euros, soit une augmentation de 200 millions d’euros ? C’est au contraire la reconnaissance par l’État de l’importance de l’accession à la propriété en zone C.

Je reviendrai tout à l’heure, dans le cadre du débat sur la péréquation, sur les interventions d’Alain Fouché, de Pierre Jarlier et de Jean Desessard.

Je terminerai mon propos en quelques secondes sur les interventions de Pierre Jarlier et de Charles Revet.

Vous avez, messieurs les sénateurs, évoqué l’inquiétude qui se fait jour pour la zone C au sujet des aides à la pierre. Le message de l’État est clair : il faut accentuer la production là où c’est nécessaire, car nous notons un déséquilibre en sens inverse. On produit aujourd'hui plus de logements en zone B2 et en zone C qu’en zone A et en zone B1. Nous souhaitons donc un rééquilibrage, ce qui ne signifie surtout pas que nous voulons supprimer la production de logements sociaux en zone C. Aujourd'hui, les taux sont de 25 % en zone C et de 25 % en zone A. Peut-être faut-il juste rééquilibrer la production au bénéfice de la zone A et un peu moins produire en zone C ? Quoi qu’il en soit, nous continuerons à créer des logements sociaux en zone C.

Enfin, monsieur Revet, vous vous êtes longuement exprimé sur l’urbanisme. Vous savez que le Président de la République en a fait sa priorité. Il l’a réaffirmé voilà quelques jours en demandant que nous simplifiions le droit de l’urbanisme. Nous partageons tous votre analyse, monsieur le sénateur : les procédures actuelles sont trop complexes, trop longues, donc trop coûteuses pour l’ensemble de ceux qui souhaitent bâtir des logements et porter des projets. Nous consacrerons donc l’année 2011 à simplifier ce droit pour que la dynamique des projets l’emporte sur la dynamique des normes.

Tels sont les quelques éléments de réponse que je souhaitais formuler en attendant l’examen des amendements. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Demande de priorité

Ville et logement
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 98 (priorité)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la présidente, je souhaite que soit examiné par priorité l’article 98 rattaché sur lequel la commission des finances a déposé un amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Avis favorable.

Mme la présidente. La priorité est ordonnée.

J’appelle donc en discussion, par priorité, l’article 98, qui est rattaché pour son examen à la mission « Ville et logement ».

Ville et logement

Demande de priorité
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 48 et état B

Article 98

(priorité)

Au 2° de l’article L. 834-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « sur la totalité des salaires et » sont remplacés par les mots : « sur la part des salaires plafonnés et d’un taux de 0,50 % sur la part des salaires dépassant le plafond, cette contribution étant ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.

Mme Odette Terrade. Le présent article tend à faire passer de 0,4 % à 0,5 % la contribution patronale au Fonds national d’aide au logement, le FNAL, assise sur la masse salariale.

Si cet article n’est pas contestable en soi, nous déplorons qu’il permette une nouvelle fois, comme en témoigne l’amendement du rapporteur spécial, de traduire un désengagement de l’État, même si M. le secrétaire d’État n’est pas d’accord avec cette appréciation.

Ainsi, selon le rapport de la commission des finances, le produit supplémentaire attendu de cette augmentation de taux, évalué à 86 millions d’euros, doit limiter à due concurrence la subvention d’équilibre versée par l’État au FNAL.

Cette tendance du projet de loi de finances pour 2011 se retrouve dans l’ensemble des missions. Nous assistons à une multiplication des ressources extrabudgétaires visant simplement à justifier le désengagement de l’État.

Pour notre part, nous estimons que l’État doit maintenir sa participation au Fonds national d’aide au logement qui finance l’aide personnalisée au logement et l’allocation de logement sociale, l’ALS.

En effet, alors que la crise économique et sociale a des conséquences particulièrement graves sur les ménages, nous pouvons craindre que les dispositifs des APL et des ALS ne soient très sollicités cette année encore.

À ce titre, nous vous alertons une nouvelle fois sur l’ineptie qui consiste à baisser de 1,6 % les crédits du programme Aide à l’accès au logement cette année.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur cet article.

Mme la présidente. L'amendement n° II-26, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

À la première phrase du dernier alinéa du même article, les mots : « et les employeurs relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale » sont supprimés.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant de défendre cet amendement, je voudrais rappeler que les trois amendements que la commission des finances a déposés font partie d’une solution globale que la commission a commencé à vous présenter en première partie du projet de loi de finances pour 2011.

En effet, la commission des finances a souhaité proposer une solution qui permette de sortir de la situation quelque peu difficile dans laquelle nous a mis le Gouvernement. À l’été, il avait été envisagé de prélever 340 millions d’euros sur les organismes d’HLM pour financer l’ANRU à hauteur de 260 millions d’euros et les aides à la pierre à hauteur de 80 millions d’euros grâce à un fonds de concours qui remonterait dans le budget de l’État.

Ces 340 millions d’euros étaient au départ assis sur une contribution sur les revenus locatifs. Bien que la mesure nous ait été présentée comme un mécanisme de péréquation, nous avons considéré que tel n’était pas le cas ; c’est pourquoi nous avons souhaité proposer au Parlement une autre solution.

Cette solution se décline en trois parties.

La première partie vous a été présentée par Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Elle vise à trouver la plus grande part des sommes nécessaires à l’ANRU pour passer, dans les trois années à venir, la fameuse « bosse » des paiements. Je vous rappelle que l’agence aura besoin d’environ 1,3 milliard d’euros de crédits de paiement et que les fonds provenant, au cours des trois prochaines années, d’Action Logement ne seront pas suffisants. Il convient donc de trouver un complément de financement.

Ce complément de financement, dont le Sénat a voté le principe, consiste en un prélèvement sur les nouvelles taxes qui viendront alimenter la Société du Grand Paris à hauteur de 200 millions d’euros. Il nous reste donc à trouver entre 50 millions et 60 millions d’euros pour boucler l’enveloppe de 260 millions d’euros à destination de l’ANRU.

C’est le premier étage de la fusée que le rapporteur général de la commission des finances a allumé au moment de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2011.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Attention à ce que la fusée n’explose pas ! (Sourires.)

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La fusée comporte donc deux autres étages.

D’une part, nous vous proposons de compléter à hauteur de 50 millions d’euros environ les 200 millions d’euros provenant des taxes à destination du Grand Paris.

C’est l’objet de l’amendement n° II-26 déposé à l’article 98.

D’autre part, lors de l’examen de l’article 99, nous vous proposerons une solution pour dégager 80 millions d’euros sur les aides à la pierre au travers d’un véritable mécanisme de péréquation entre les bailleurs sociaux.

Voilà, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire en préambule. La commission des finances vous propose donc une solution globale se déclinant en trois parties. Puisque nous avons adopté la première partie, il convient donc que nous adoptions les deux suivantes.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je ne doute pas que nous poursuivrons cette discussion en commission mixte paritaire afin de trouver la meilleure solution possible.

Mme Nicole Bricq. Il y a des fusées qui ne décollent pas !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Précisément, l’amendement n° II-26 vise à soumettre à la cotisation au FNAL les employeurs relevant du régime agricole qui, jusqu’alors, n’y étaient pas soumis. Il convient de supprimer cette niche fiscale.

En effet, dans la mesure où les salariés de ces entreprises bénéficient des aides personnelles au logement, il n’y a aucune raison particulière justifiant que ces entreprises ne soient pas soumises à la cotisation au FNAL.

Si cet amendement est adopté, la mesure qui y est visée devrait rapporter 53 millions d’euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je ne rouvrirai pas le débat d’ensemble sur la « fusée à trois étages » préconisée par la commission des finances. Le Gouvernement ayant émis un avis défavorable sur le premier étage, il ne peut que maintenir sa position sur les deuxième et troisième étages…

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Le Gouvernement avait été battu !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je ne dis pas le contraire et le Gouvernement en accepte l’augure ! Mais, étant lui aussi cohérent, il défend bien évidemment jusqu’au bout sa position, notamment sur cet amendement.

En résumé, la mesure que vous proposez revient à faire payer l’ANRU au monde agricole – j’avoue que ce raccourci est un peu facile de ma part, monsieur le rapporteur. Même si votre amendement ne vise que les coopératives agricoles de plus de vingt salariés, il n’en demeure pas moins que le monde agricole traverse aujourd’hui une crise sans précédent et qu’augmenter les cotisations des employeurs revient à alourdir les charges qui pèsent sur le travail dans le secteur agricole. Au regard de la situation difficile que vivent aujourd’hui les agriculteurs, je ne crois pas que le message qui leur est ainsi adressé soit des plus judicieux.

Le Gouvernement est défavorable globalement au mécanisme inventé par M. le rapporteur général et, en particulier, au « deuxième étage » de la fusée. En effet, je le répète, le lien entre l’ANRU et le monde agricole n’est pas évident à établir et, compte tenu de la crise que traverse le monde agricole, je ne suis pas convaincu de la pertinence d’une mesure aboutissant à augmenter le coût du travail.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d’État, le financement de l’ANRU n’est pas un exercice facile. Ce magnifique projet n’a pas vraiment trouvé son financement jusqu’à présent, et nous sommes appelés, les uns et les autres, à un effort d’imagination et d’abnégation.

D’abord, vous aurez compris que le Sénat, par souci de cohérence, est invité à aller au bout de sa démarche. Puisque nous avons déjà voté le « premier étage » de la fusée, nous ne pouvons pas nous arrêter en chemin.

Ensuite, concernant le taux de cotisation au FNAL, j’avoue qu’il est toujours très délicat d’augmenter des cotisations sociales, car c’est prendre le risque, à l’heure de la mondialisation, d’accroître le coût du travail et d’activer un peu plus le phénomène des délocalisations. Je ferme cette parenthèse, mais nous sommes prêts à consentir cet effort.

En outre, parmi les contributeurs figurent aussi les collectivités territoriales, qui seront sollicitées à hauteur de 80 millions d’euros environ.

Enfin, j’entends bien votre argument sur la crise du monde agricole, monsieur le secrétaire d’État. Mais les coopératives ne sont pas les seules entreprises au service du monde agricole : un certain nombre d’autres entreprises sont soumises aux impositions de droit commun et participent, elles, au financement du FNAL.

Il m’arrive d’ailleurs de penser que les coopératives sont des superstructures qui n’ont pas toujours démontré leur pleine efficacité. On pourrait citer de nombreux exemples. Parfois, la structure capte certains des avantages consentis aux coopératives, sans que les agriculteurs, au nom desquels ces avantages sont consentis, trouvent directement le bénéfice attendu. Dans ces conditions, je pense que ce n’est pas faire offense aux règles d’une concurrence loyale que de faire disparaître cette niche sociale.

J’ajoute que des salariés du monde agricole peuvent trouver à se loger dans des structures urbaines ou périurbaines qui font partie des opérations couvertes par l’ANRU.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-26.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 98, modifié.

(L’article 98 est adopté.)

Article 98 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 99 (début)

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Ville et logement », figurant à l’état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisation d’engagement

Crédits de paiement

Ville et logement

7 648 352 749

7 608 400 383

Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables

1 186 676 797

1 186 676 797

Aide à l’accès au logement

5 301 389 585

5 301 389 585

Développement et amélioration de l’offre de logement

541 972 254

501 965 982

Politique de la ville

618 314 113

618 368 019

Mme la présidente. L’amendement n° II-28, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables

Aide à l’accès au logement

53 000 000

53 000 000

Développement et amélioration de l’offre de logement

Politique de la ville

53 000 000

53 000 000

TOTAL

53 000 000

53 000 000

53 000 000

53 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d’État, il n’y a effectivement aucun lien entre les cotisations du monde agricole au FNAL et l’ANRU, mais nous avons le souci de ne pas dégrader le solde budgétaire et je pense que vous devriez y être sensible.

Cet amendement tend à réduire de 53 millions d’euros les aides à l’accès au logement, donc la contribution au FNAL, pour les réaffecter à la politique de la ville et contribuer ainsi au financement de l’ANRU.

Pour ce faire, nous devions préalablement nous assurer que le FNAL bénéficierait des crédits qui lui sont nécessaires. Tel était l’objet de l’amendement n° II-26, qui vient d’être adopté.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Par souci de cohérence avec la position qu’il a adoptée sur l’amendement précédent, le Gouvernement émet bien évidemment un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-28.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-151, présenté par M. Braye, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables

Aide à l’accès au logement

Développement et amélioration de l’offre de logement

6 000 000

6 000 000

Politique de la ville

6 000 000

6 000 000

TOTAL

6 000 000

6 000 000

6 000 000

6 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Dominique Braye.

M. Dominique Braye. Cet amendement s’inscrit en cohérence totale avec l’amendement de la commission des finances visant à affecter 53 millions d’euros de crédits du programme 109 au programme 147 pour financer l’ANRU.

Je ne détaillerai pas plus avant les modalités de cette opération de transfert. Simplement, l’objectif est d’abonder, à hauteur de six millions d’euros, la dotation de dix millions d’euros inscrite pour financer les astreintes que l’État est condamné à payer quand il est dans l’incapacité de loger les demandeurs de logement ou d’hébergement prioritaires au titre du droit au logement opposable. En effet, le souci de sincérité budgétaire auquel nous sommes tous attachés doit conduire à réviser le montant de cette dotation pour le porter à seize millions d’euros, car ce montant correspond mieux à l’appréciation des condamnations qui pourraient être prononcées en 2011 par les tribunaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Puisque l’amendement n° II–28 a été adopté, nous pouvons donner satisfaction à notre collègue Dominique Braye. Cette augmentation de six millions d’euros est en effet probablement nécessaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-151.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° II-97 rectifié est présenté par MM. Jeannerot, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° II-150 est présenté par M. Braye.

L’amendement n° II-162 rectifié ter est présenté par MM. Beaumont, Leroy, Courtois, del Picchia et Magras.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables

Aide à l’accès au logement

1 000 000

1 000 000

Développement et amélioration de l’offre de logement

1 000 000

1 000 000

Politique de la ville

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Claude Jeannerot, pour présenter l’amendement n° II-97 rectifié.

M. Claude Jeannerot. Depuis 1975, l’État apporte fidèlement son soutien au réseau constitué par l’Agence nationale pour l’information sur le logement, l’ANIL, et les agences départementales d’information sur le logement, les ADIL. Or la dotation telle qu’elle est envisagée au titre du projet de loi de finances pour 2011 conduirait à réduire de manière très significative les moyens de ce réseau.

Une telle réduction des dépenses de fonctionnement pénaliserait fortement ces associations qui exercent une mission de service public très importante à destination des usagers, en particulier les personnes à revenu modeste. Elles les informent sur les conditions d’accès au logement, les droits et devoirs réciproques du locataire et du propriétaire, mais aussi sur l’accession à la propriété ou toute question touchant à l’amélioration de l’habitat.

Ces informations, parfaitement neutres, dispensées par des professionnels compétents, sont délivrées à titre gratuit.

Le présent amendement vise donc à maintenir les moyens de fonctionnement de l’ANIL et des ADIL par un prélèvement de un million d’euros sur l’action 05, Soutien, du programme 135, Développement et amélioration de l’offre de logement, afin d’abonder les crédits du programme 109, Aide à l’accès au logement.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, pour présenter l’amendement n° II-150.

M. Dominique Braye. Je n’ajouterai rien aux arguments développés par notre collègue Claude Jeannerot.

Tous ceux de nos collègues ici présents qui ont une attache territoriale connaissent l’action positive des ADIL dans leur département, toujours en faveur des personnes les plus modestes.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour présenter l’amendement n° II–162 rectifié ter.

M. Michel Magras. Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La commission reconnaît la qualité du travail effectué par l’ANIL et les ADIL. Il semblerait même qu’il soit prévu de créer deux ADIL supplémentaires en 2011. Cela étant, l’abondement de un million d’euros de leurs moyens de fonctionnement semble relativement important, puisque le montant global de leurs crédits s’élevait à 7,2 millions d’euros en 2010 et à 6,95 millions d’euros en 2011.

Cette augmentation de un million d’euros n’est donc pas négligeable ; à moins qu’elle ne soit justifiée par une raison qui aurait échappé à la commission des finances, il conviendrait peut-être de la revoir à la baisse.

La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces trois amendements identiques.

Deux raisons, que vous avez évoquées, monsieur le rapporteur spécial, motivent cet accroissement des moyens : d’une part, le maintien des crédits de l’ANIL d’une année sur l’autre ; d’autre part, la création d’une ADIL dans deux départements. Le coût de ces deux mesures s’élève à 500 000 euros, les 500 000 euros restant étant destinés à couvrir la « succession » d’autres associations.

Cependant, si la commission souhaite revoir le montant alloué en ne retenant que les besoins particuliers de l’ANIL et des ADIL, le Gouvernement y serait également favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Je suggère aux auteurs de ces amendements de les rectifier à hauteur de 500 000 euros. En effet, cette somme suffit à couvrir les besoins de l’ANIL et la création des deux ADIL. (Mme Bariza Khiari proteste.) Un abondement à hauteur de un million d’euros représenterait une augmentation du budget global de ces associations qui avoisinerait les 15 %. En cette période difficile, on peut s’interroger sur le bien-fondé d’une telle mesure !

Je le répète, nous pourrions donc couper la poire en deux et retenir un abondement à hauteur de 500 000 euros.

Mme la présidente. Monsieur Jeannerot, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens proposé par M. le rapporteur spécial ?

M. Claude Jeannerot. Non, madame la présidente.

Mme la présidente. Monsieur Braye, quant à vous, acceptez-vous cette demande de rectification ?

M. Dominique Braye. Madame la présidente, la démonstration de M. le rapporteur spécial me paraît tout à fait raisonnable.

M. Jean Desessard. Belle démonstration : il propose de « couper la poire en deux » !

M. Dominique Braye. Aussi, j’accepte sa demande de rectification.

Mme la présidente. Monsieur Magras, acceptez-vous également cette demande de rectification ?

M. Michel Magras. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis donc saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° II-150 rectifié est présenté par M. Braye.

L’amendement n° II-162 rectifié quater, présenté par MM. Beaumont, Leroy, Courtois, del Picchia et Magras.

Ces amendements sont ainsi libellés :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables

Aide à l’accès au logement

500 000

500 000

Développement et amélioration de l’offre de logement

500 000

500 000

Politique de la ville

TOTAL

500 000

500 000

500 000

500 000

SOLDE

0

0

Par ailleurs, je rappelle que l’amendement n° II-97 rectifié est maintenu.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cette démarche me paraît très constructive, car j’y vois aussi un encouragement à la mutualisation. En effet, j’observe une multiplication des guichets d’information dans les départements : si toutes ces structures pouvaient se rassembler, ce serait un puissant facteur d’économies.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote sur l’amendement n° II–97 rectifié.

M. Claude Jeannerot. J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur spécial et de nos collègues.

Je ferai simplement observer à M. le président de la commission que les départements, comme il le sait, contribuent de manière très significative au financement des ADIL. Dans le contexte actuel, ces collectivités doivent contenir très strictement leurs budgets. C’est pourquoi il ne me paraît pas scandaleux d’arrondir ce complément de crédits à un million d’euros, afin d’équilibrer les comptes des ADIL et de développer leur activité en faveur des publics qui fréquentent aujourd’hui leur réseau.

Je précise par ailleurs que je me fais l’interprète de l’Assemblée des départements de France.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission est défavorable à l'amendement n° II-97 rectifié, qui maintient l’ajustement des crédits à 1 million d’euros, et se rallie aux amendements rectifiés de MM. Braye et Magras, qui le diminuent à 500 000 euros.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-97 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-150 rectifié et II-162 rectifié quater.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-202, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

17 300 000

17 300 000

Aide à l'accès au logement

Développement et amélioration de l'offre de logement

Politique de la ville

TOTAL

17 300 000

17 300 000

SOLDE

17 300 000

17 300 000

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je l’ai évoqué tout à l’heure, le Gouvernement souhaite une vraie sincérité budgétaire en ce qui concerne le programme 177.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Une « vraie sincérité » ? L’expression est redondante ! (Sourires.)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je l’admets bien volontiers !

Cet amendement tend à ajouter, pour l’aide alimentaire, 9,3 millions d’euros aux 13 millions d’euros déjà prévus pour compenser la baisse européenne en la matière, et à prévoir 8 millions d’euros supplémentaires pour accompagner la montée en charge du dispositif des pensions de famille, un système alternatif d’hébergement que nous souhaitons développer dans le cadre de l’accès au logement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La commission est bien évidemment favorable à cet amendement, en espérant ne pas avoir à y revenir au cours de l’année 2011 !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Ce n’est pas le genre de la maison !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-202.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-29, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits de la mission et des programmes : 

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

839 810

839 810

Aide à l'accès au logement

Développement et amélioration de l'offre de logement

Politique de la ville

TOTAL

839 810

839 810

SOLDE

- 839 810

- 839 810

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Je le dis d’emblée notamment à notre collègue Charles Revet, il s’agit d’un amendement d’appel.

Cet amendement tend à supprimer les crédits versés au titre de la subvention pour charges de service public à l’Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales de Dieppe, dont le rattachement à la mission « Ville et logement » nous semble pour le moins surprenant.

Je précise que les crédits inscrits au titre de l’IFCASS dans le projet de loi de finances pour 2011 ont déjà été divisés par deux par rapport à l’année dernière. C’est bien le signe que le Gouvernement s’interroge !

Cela étant dit, ne faudrait-il pas aller au bout de la logique et inscrire ces crédits ailleurs dans la loi de finances ? Je ne vois en effet pas très bien comment cet institut pourra fonctionner avec la moitié de ses crédits. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous en dire un peu plus ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je peux le faire ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. L’IFCASS, qui est chargé de la formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales, accueille essentiellement des stagiaires en provenance de l’outre-mer. Le Gouvernement vous propose de diviser par deux la subvention accordée à l’IFCASS, ce qui lui suffira tout de même pour terminer l’année scolaire 2010-2011.

Nous menons actuellement une réflexion sur l’avenir de cet institut, non pas sur la nécessité de mener des formations, notamment pour les stagiaires d’outre-mer, mais sur une meilleure mutualisation, pour reprendre l’expression utilisée par le président à l’instant, des formations assurées par l’ensemble des instituts de ce type qui existent dans le pays.

Si nous décidons, dans le courant de l’année 2011, de pérenniser l’IFCASS, nous reviendrons devant vous pour demander des crédits supplémentaires. Si, comme il est possible et même probable, nous prenons la décision inverse, la subvention s’éteindra l’année prochaine.

Quant au rattachement des crédits affectés à l’IFCASS à la mission « Ville et logement », c’est pour moi aussi un mystère budgétaire, et vous comme moi, mesdames, messieurs les sénateurs, aurions sans doute bien du mal à en trouver l’origine !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d'État, vous entendez imprimer à ce programme une « vraie sincérité budgétaire », pour reprendre vos propres termes !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Vraie et même véritable ! (Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous pourriez, me semble-t-il, accueillir avec bienveillance l’amendement n° II-29. Votre collègue chargé de l’outre-mer pourrait, quant à lui, proposer un amendement pour que des crédits d’un même montant soient inscrits au titre de la mission « Outre-mer ».

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Il serait effectivement judicieux de procéder ainsi dans le cadre d’une vraie sincérité budgétaire véritable !

Toutefois, ces crédits figurent dans la mission « Ville et logement » depuis un grand nombre d’années, et nous sommes en train de mener une réflexion sur cette question, qui sera réglée très rapidement. Je propose donc, pour l’heure, le retrait de cet amendement ; à défaut, le Gouvernement serait obligé d’inviter à son rejet.

Mme la présidente. Monsieur Dallier, l'amendement n° II-29 est-il maintenu ?

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° II-29 est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Ville et logement », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. L’article 98 ayant été examiné par priorité, j’appelle maintenant en discussion l’article 99, également rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Ville et logement ».

Article 48 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 99 (interruption de la discussion)

Article 99

I. – L’article L. 423-14 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, l’année : « 2010 » est remplacée par l’année : « 2011 » et, après le mot : « sur », la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « leur potentiel financier. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Le prélèvement dû au titre d’une année ne peut pas dépasser un montant égal au produit d’une partie des ressources comptabilisées au titre de l’exercice précédent par un taux défini pour chaque organisme. Les ressources prises en compte dans ce calcul sont les loyers et redevances, définis aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 452-4, appelés au cours du dernier exercice clos, et les produits financiers. Pour chaque organisme, le taux est de 8 %. Le cas échéant, il est minoré par le taux de croissance moyen sur les cinq derniers exercices du nombre de logements sur lesquels l’organisme détient un droit réel, à l’exception des logements acquis auprès d’un autre organisme d’habitations à loyer modéré. » ;

3° La deuxième phrase du troisième alinéa est ainsi modifiée :

a) Les mots : « à l’exception du capital souscrit appelé non versé, », « à l’exclusion des subventions à recevoir » et « et pour risques et charges » sont supprimés ;

b) Après le mot : « réserves », sont insérés les mots : « à l’exception de la part des plus-values nettes sur cessions immobilières correspondant aux ventes de l’année de logements à des particuliers » ;

c) Après le mot : « an », sont insérés les mots : « à l’origine » ;

d) Après le mot : « intérêts », sont insérés les mots: « courus, à l’exception des intérêts » ;

4° Le quatrième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le prélèvement sur le potentiel financier dû pour une année est égal au produit du nombre de logements au sens des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 452-4 sur lesquels l’organisme détient un droit réel au 31 décembre de l’année précédente par une contribution moyenne par logement.

« La contribution moyenne par logement résulte de l’application à la moyenne des potentiels financiers par logement des cinq exercices précédents du barème progressif par tranche suivant :

« 

Tranches du potentiel financierpar logement

Taux de contribution

Inférieure à 1 000 €

0 %

De 1 000 à 1 500 €

4 %

De 1 500 à 2 000 €

8 %

De 2 000 à 3 000 €

12 %

Supérieure à 3 000 €

16 %

« Le potentiel financier par logement de chacun des cinq exercices précédents est obtenu en divisant le potentiel financier au 31 décembre de l’exercice par le nombre de logements au sens des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 452-4 sur lesquels l’organisme détient un droit réel à la même date. » ;

5° À la première phrase du cinquième alinéa, les mots : « 30 novembre de chaque année » sont remplacés par les mots : « 31 août de l’année au titre de laquelle le prélèvement est dû » ;

6° Au sixième alinéa, les mots : « de prévention ou » sont supprimés et sont ajoutés les mots : « ou en a bénéficié dans les cinq années précédant cette date » ;

7° Après le mot : « pénalité », la fin de la deuxième phrase du septième alinéa est ainsi rédigée : « égale à 50 % des droits éludés par logement dans la limite de 300 € par logement au sens des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 452-4 sur lesquels l’organisme détient un droit réel au 31 décembre de l’année précédente. » ;

8° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Un organisme d’habitation à loyer modéré ou une société d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux qui contrôle de manière exclusive ou conjointe, dans les conditions prévues par l’article L. 233-16 du code de commerce, un ou plusieurs organismes ou sociétés peut opter, avec leur accord, pour une détermination consolidée du potentiel financier par logement. Cette option est valable pour une période de cinq ans.

« Le résultat consolidé est obtenu en faisant la somme algébrique des ressources, des emplois et des logements de chaque organisme ou société.

« Chaque membre du groupe est redevable de la contribution calculée en multipliant le nombre de logements des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 452-4 du présent code sur lesquels il détient un droit réel par le potentiel financier par logement du groupe. »

II et III. – (Supprimés)

IV. – Le chapitre II du titre V du livre IV du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l’article L. 452-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Elle contribue, dans les conditions fixées à l’article L. 452-1-1, à la mise en œuvre de la politique du logement en matière de développement de l’offre de logement locatif social et de rénovation urbaine. » ;

2° Après la référence : « L. 423-14 », la fin de l’article L. 452-1-1 est ainsi rédigée : « et de la fraction mentionnée au quatrième alinéa de l’article L. 452-4-1. Ce fonds contribue au développement et à l’amélioration du parc de logements locatifs sociaux appartenant aux organismes d’habitation à loyer modéré et aux sociétés d’économie mixte, ainsi qu’à la rénovation urbaine.

« Une commission composée majoritairement de représentants de l’État arrête les emplois du fonds.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de mise en œuvre du fonds, notamment la composition et le fonctionnement de la commission. » ;

3° Après le troisième alinéa de l’article L. 452-4-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Une fraction de ce montant, déterminée par le même arrêté, alimente le fonds prévu à l’article L. 452-1-1. »

V. – Au II de l’article 5 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, les mots : « de 30 millions d’euros » sont remplacés par les mots : « d’au moins 30 millions d’euros ».

VI. – À compter du 1er janvier 2011 et jusqu’au 31 décembre 2013, par dérogation aux articles L. 442-1 et L. 445-4 du code de la construction et de l’habitation, la révision sur une année des loyers pratiqués mentionnés au même article L. 442-1 pour les logements appartenant aux organismes mentionnés à l’article L. 411-2 du même code ne peut excéder la variation de l’indice de référence des loyers définie au d de l’article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. L’indice de référence des loyers à prendre en compte est celui du troisième trimestre de l’année précédente.

Toutefois, l’autorité administrative peut, dans la limite prévue aux articles L. 442-1 et L. 445-4 du même code, autoriser un organisme à déroger aux dispositions de l’alinéa précédent soit dans le cadre d’un plan de redressement approuvé par la Caisse de garantie du logement locatif social, soit pour une partie du patrimoine de l’organisme ayant fait l’objet d’une réhabilitation.

Le présent VI est applicable à tous les contrats de location y compris aux contrats en cours.

VII (nouveau). – 1. Au premier alinéa de l’article L. 445-1 du code de la construction et de l’habitation, la date : « 31 décembre 2010 » est remplacée par la date : « 1er juillet 2011 » ;

2. Après le mot : « années », la fin du deuxième alinéa du II bis de l’article 1388 bis du code général des impôts est ainsi rédigée : « 2011 à 2013 sous réserve de la signature de la convention d’utilité sociale avant le 1er juillet 2011. »

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, sur l'article.

M. Thierry Repentin. L’article 99 du projet de loi de finances a suscité, vous le savez, un vif émoi au sein du monde HLM ces derniers mois.

Le dispositif initial était clairement inacceptable : il consistait en l’assujettissement des organismes d’HLM à la CRL, la contribution sur les revenus locatifs. Le produit de cette contribution, estimé à environ 350 millions d’euros sur trois ans, devait financer les aides à la pierre et la rénovation urbaine.

Contrairement à la présentation « abusive et trompeuse », pour reprendre les termes du rapport de la commission des finances, qu’en a faite le Gouvernement, il s’agissait non pas du tout d’un dispositif de péréquation au sein du secteur du logement social, mais simplement d’un moyen d’assurer le financement de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU.

Par ailleurs, la ponction de 340 millions d’euros sur la trésorerie des organismes d’HLM pouvait entraîner la non-construction de logements sociaux. Sur la base des données contenues dans le rapport évaluant l’efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l’amélioration de l’offre de logement, annexé au projet de loi de finances, on peut estimer qu’une telle ponction aurait empêché la construction d’environ 28 500 logements sociaux par an.

En raison de la mobilisation du monde HLM et des réticences exprimées par des élus de tout bord, l’Assemblée nationale a adopté un dispositif alternatif qui s’appuie sur le prélèvement pour insuffisance d’investissements, la célèbre taxe sur les « dodus dormants » imaginée en 2009 au moment de la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi MOLLE ou encore loi Boutin.

Cependant, ce dispositif n’est pas satisfaisant : en effet, il concernerait 70 % des organismes d’HLM, d’après les chiffres que vous avez évoqués, monsieur le secrétaire d'État, lors des débats à l’Assemblée nationale. Mais peut-on sérieusement imaginer que 70 % des organismes d’HLM sont des « dodus dormants » disposant d’une trésorerie abondante ?

Par ailleurs, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale n’est toujours pas un mécanisme de péréquation : le prélèvement finance toujours l’ANRU, alors que, comme l’indique notre commission des finances, « le comblement du déficit de financement des opérations de rénovation urbaine ne doit pas être mis à la charge des bailleurs sociaux mais relève du budget général de l’État ».

Enfin, le produit du prélèvement n’atteignant que 260 millions d’euros, le reste est prélevé sur la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, ce qui est inacceptable et remet en cause l’une des mesures de la loi Boutin.

La commission des finances a visiblement beaucoup travaillé sur cette question, sous l’action coordonnée du rapporteur spécial Philippe Dallier et du rapporteur général Philippe Marini. La semaine dernière, le Sénat a adopté un dispositif assurant le financement de l’ANRU pour la période de 2011 à 2013. L’amendement déposé par la commission des finances à l’article 99 constitue le deuxième volet de ce dispositif alternatif.

Cet amendement comprend plusieurs avancées : le prélèvement sur les organismes d’HLM est réduit à 150 millions d’euros ; l’assiette du prélèvement est précisée, les subventions à recevoir devant en être exclues ; la ponction réalisée sur la CGLLS est supprimée, et l’aspect péréquateur se traduit par 150 millions d’euros qui viendraient abonder la ligne fongible.

Le dispositif qui nous est proposé est donc « moins pire », si vous me passez l’expression, que celui qui a été adopté par nos collègues députés et moins pire encore que celui qui avait été inventé initialement par le Gouvernement.

Pour autant, je regrette que les organismes d’HLM soient ainsi mis à contribution.

D’une part, d’autres ressources auraient pu être mobilisées. Je note ainsi que l’article 56 du projet de loi de finances prévoit la mise en place d’un nouveau prêt à taux zéro, le PTZ +, dont l’universalité devrait coûter 80 millions d’euros en 2011, et pour une efficacité douteuse.

D’autre part, ce dispositif s’inscrit dans une logique de désengagement de l’État en matière de logement : après Action Logement, qui a été mobilisée pour financer l’ANRU, les bailleurs sociaux sont mobilisés pour compenser la diminution des aides budgétaires à la pierre.

Pour toutes ces raisons, je voterai bien évidemment l’amendement de suppression ; à défaut, je proposerai que le dispositif imaginé par la commission des finances, s’il était adopté, ne soit valable que pour une durée de trois ans, comme cela était prévu dans le dispositif initial.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.

Mme Bariza Khiari. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà un article qui a fait couler beaucoup d’encre ! La rédaction initiale du Gouvernement avait suscité l’inquiétude et l’incompréhension des organismes de bailleurs sociaux. Il était prévu une sorte de hold-up sur les organismes d’HLM pour financer les opérations de l’ANRU. En d’autres termes, on demandait aux classes populaires de financer elles-mêmes les travaux de réhabilitation de leur logement.

C’est une formidable redéfinition de la solidarité nationale : vous inventez désormais le « cloisonnement solidaire » : les pauvres paient pour les pauvres ! Aux plus fragiles, à ceux qui ont besoin de l’attention de la Nation, vous proposiez un new deal : financez vous-mêmes les travaux urgents dont vous avez besoin !

Cela n’était pas acceptable, mais les députés de la majorité, tout en amendant votre projet, n’ont pas proposé d’alternative satisfaisante. La commission des finances de notre assemblée a suggéré de ramener la ponction à 150 millions d’euros par an, ce qui constitue, je le concède bien volontiers, un prélèvement déjà plus raisonnable.

L’amendement n° II-27 rectifié permet de trouver des ressources pour financer l’ANRU. On supprime l’exonération de cotisation au Fonds national d’aide au logement dont bénéficiaient les employeurs du régime agricole et l’on prélève une partie des recettes prévues pour le Grand Paris.

J’en déduis que ce mirifique programme, que l’on nous vantait en début d’année comme l’alpha et l’oméga de la politique métropolitaine, va progressivement faire l’objet d’un enterrement de première classe, faute de financement pour une partie de son tracé.

Voilà une nouvelle dont je ne peux que me réjouir, moi qui ai toujours estimé que le Grand Paris ne répondait pas de manière adéquate aux enjeux de développement de la métropole francilienne.

Je regrette simplement que le Gouvernement se soit montré obtus et méprisant lors du débat, car nous aurions pu avancer de manière plus intéressante. Peut-être même aurait-on pu offrir une réelle perspective à ce projet. Comme bien souvent, le Gouvernement donne dans l’affichage, et, au final, rien n’est fait concrètement pour aider nos concitoyens.

Sur le principe, je veux remercier nos collègues de la commission des finances d’avoir tenté d’améliorer le texte, car il en avait bien besoin. Cependant, nous nous opposons à toute ponction sur les organismes d’HLM : ce n’est pas le moment de les fragiliser. Il me semble de surcroît qu’il faut analyser plus en profondeur le caractère péréquateur de la solution proposée.

Par ailleurs, le ministère reste libre d’ajuster le taux de contribution des organismes d’HLM ; au vu des derniers plans, il serait déraisonnable de leur confier le pilotage de ce nouveau système.

Il nous semble donc nécessaire de repousser l’article 99 pour imposer à l’État de prendre réellement ses responsabilités en matière de politique du logement. Il est inacceptable qu’il puisse s’affranchir de son fardeau sans aucune justification.

Si vous avez besoin d’argent, monsieur le secrétaire d'État, le bouclier fiscal peut toujours vous offrir l’occasion de trouver quelques subsides. Il suffit simplement d’y mettre un terme, d’user de pragmatisme plus que d’idéologie.

Aux États-Unis, les milliardaires et millionnaires américains viennent d’adresser une pétition au Président Obama pour lui demander d’être taxés davantage. Vous voyez bien que vous fantasmez le désir des riches de payer moins d’impôt !

En conclusion, j’invite mes collègues à voter tout à l’heure notre amendement de suppression.

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° II-107 rectifié est présenté par MM. Caffet, Jeannerot, Miquel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° II-172 rectifié est présenté par MM. Collin, Chevènement et Mézard.

L'amendement n° II-174 est présenté par Mme Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Claude Jeannerot, pour présenter l’amendement n° II-107 rectifié.

M. Claude Jeannerot. Je serai bref, car Thierry Repentin et Bariza Khiari ont dit l’essentiel.

Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 99. Certes, la ponction envisagée, nous l’avons dit, n’est plus aussi douloureuse qu’à l’origine. Pour autant, nous ne pouvons l’admettre. Il est en effet inacceptable que les pauvres paient pour les plus pauvres !

Opérer ce prélèvement aurait des conséquences négatives pour le parc HLM en termes d’investissements et de maintenance. Dans un contexte de fort besoin, on ne peut consentir à une telle perspective.

Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, qu’il faut faire des économies. Nous le comprenons, mais à condition que celles que vous envisagez ne soient ni aveugles ni injustes, et ne soient pas non plus de nature à entraver le nécessaire soutien à l’investissement et, au-delà, à l’économie.

Je ne suis pas convaincu par vos arguments.

Ne pensez-vous pas qu’il est contradictoire de faire bénéficier du prêt à taux zéro des personnes avec de hauts revenus, notamment celles qui sont imposées dans les deux tranches supérieures du barème de l’impôt ? Nous le savons, il y aura des effets d’aubaine. Ce sont donc des pertes de recettes fiscales assurées pour l’État. Or nous avons là des possibilités d’économies, et ces sommes viendraient utilement compenser le prélèvement envisagé.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour présenter l'amendement n° II-172 rectifié.

M. Jean-Pierre Chevènement. Cet amendement, que M. Collin, M. Mézard et moi-même avons cosigné, vise à supprimer l’article 99.

La notion de potentiel financier, qui sert de base au calcul du prélèvement, touchera indifféremment les organismes ayant une faible activité d’investissement et ceux qui investissent massivement, notamment dans des opérations de rénovation urbaine. Cette mesure est donc socialement et économiquement aussi injuste qu’absurde.

Cette ponction servira en priorité à apurer les dettes de l’État, au titre du plan de relance ainsi que du programme national de rénovation urbaine, et non à produire des logements. En conséquence, elle contribuera à appauvrir de nombreux organismes et elle pénalisera les locataires.

Cette disposition ne peut donc en aucun cas être qualifiée d’instrument de péréquation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° II-174.

Mme Odette Terrade. Cet article aura connu un destin pour le moins mouvementé.

Rédigé initialement sous une forme particulièrement inacceptable, il visait à proposer l’application de la contribution sur les revenus locatifs des offices d’HLM à hauteur de 2,5 %. Réécrit pour partie à l’Assemblée nationale, l’article prévoit désormais de remplacer l’assiette de la contribution sur les revenus locatifs par une nouvelle taxe sur le potentiel financier des offices d’HLM, taxe venant se substituer à celle qui avait été instituée en 2009 sur les « dodus dormants ».

Pour autant, la somme escomptée est toujours la même et 70 % des offices d’HLM seront encore touchés. Ces 340 millions d’euros devraient non seulement financer la « bosse » de l’ANRU, mais également pallier la diminution des aides à la pierre, et cela sur une durée de trois années.

Au Sénat, le rapporteur spécial, notre collègue Philippe Dallier, après en avoir proposé la suppression pure et simple, a décidé de procéder à un réaménagement de cette taxe. Il diminue ainsi la recette escomptée pour la ramener à 150 millions d’euros.

Pour notre part, nous allons au bout de la démarche et nous proposons la suppression totale de cet article inique.

Nous ne voulons pas que ce soit uniquement le secteur des HLM qui finance le développement et l’amélioration du parc de logements locatifs sociaux. Celui-ci étant déjà fortement ébranlé par la crise, il n’y a pas de raison de le mettre encore plus en difficulté.

Notre argumentation porte sur la forme comme sur le fond.

Sur la forme, aucune négociation n’a été menée entre le Gouvernement et les offices d’HLM concernant la mise en œuvre de cette taxation. Ces derniers ont été mis devant le fait accompli, alors même que, au mois de juillet, ils négociaient leur conventionnement avec l’État. Ce projet de taxe a d’ailleurs été unanimement rejeté par tous les membres de l’USH lors de son dernier congrès à Strasbourg. On a d’ailleurs assisté à une bronca spectaculaire.

Sur le fond, nous condamnons fermement cette disposition, qui tend à pallier le désengagement massif de l’État du financement du logement social. Le Gouvernement agit comme il l’a fait avec le 1 % logement. Il ne paie plus, et il prend à Jacques pour donner à Paul, avec les résultats que l’on connaît pour l’ANRU : le non-financement du programme national de rénovation urbaine 2, la faillite possible du 1 % logement et une situation de cessation de paiement pour l’ANRU d’ici au second trimestre de 2011.

La nouvelle marotte, déjà constatée avec l’adoption de l’amendement Marini à l’article 34, consiste maintenant à donner à l’ANRU les recettes qui auraient dû financer la Société du Grand Paris. Vous ne savez vraiment plus quoi inventer pour pallier le désengagement de l’État ! Aussi, nous proposons une solution très simple : que l’État prenne ses responsabilités en termes de politique de la ville, sans faire appel systématiquement à des intervenants extérieurs, et qu’il propose l’adoption d’une loi de finances répondant aux défis de la crise du logement.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Je demande à nos collègues de ne pas supprimer cet article et de se rallier à l’amendement de la commission des finances.

Il n’est pas anormal de créer un vrai, j’y insiste, un vrai mécanisme de péréquation entre bailleurs sociaux. D’ailleurs, il ne me semble pas avoir entendu les intéressés adopter une position contraire. Voilà ce que nous allons tenter.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Défavorable !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

M. Dominique Braye. Je regrette que la question du logement soit abordée de façon parcellaire et non dans sa globalité.

Mes chers collègues, je vous le rappelle, on compte deux fois plus de personnes se trouvant en dessous du plafond pour l’attribution d’un logement HLM dans le logement privé que dans le logement social. Un million de locataires pauvres vivent aujourd’hui dans le parc privé, soit autant que dans le parc public. Les propriétaires occupants pauvres sont tout aussi nombreux.

Arrêtons une bonne fois pour toutes de regarder l’intervention de l’État exclusivement sous l’angle des aides directes à la pierre. Lorsque j’étais rapporteur du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, j’ai voulu instiller un commencement de péréquation entre les bailleurs sociaux. À ma grande surprise, je me suis aperçu que les organismes sociaux avaient été capables de s’organiser pour ne payer, à eux tous, que 7 000 euros au titre de cette péréquation.

Monsieur le secrétaire d’État, j’appelle votre attention sur le corporatisme – même si le mot est un peu fort – des organismes d’HLM. Beaucoup d’entre eux ont oublié leur vocation sociale. (M. Thierry Repentin s’exclame.) Monsieur le président de l’USH, rafraîchissez donc la mémoire de vos mandants !

Je voterai l’amendement de la commission, tout en sachant que ni la disposition prévoyant un prélèvement de 340 millions d’euros ni votre proposition, monsieur le rapporteur spécial, ne sont parfaites, loin de là.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. C’est vrai !

M. Dominique Braye. La richesse des bailleurs sociaux provient tout de même essentiellement de ce que leur apporte l’État à travers la TVA à taux réduit, les aides à la pierre et les aides à la personne. N’oubliez pas que 34 % des loyers des organismes d’HLM sont payés par les aides à la pierre !

Si les organismes d’HLM ont une telle trésorerie, ils le doivent en grande partie à l’État, et donc au contribuable français. Ils devraient enfin mettre leurs fonds à la disposition des plus modestes !

Monsieur le secrétaire d’État, il est grand temps de mettre en place une véritable péréquation. Ponctionnons donc les organismes dont le patrimoine est totalement amorti et qui n’ont pas de besoins nouveaux puisqu’ils sont dans des zones non tendues, mais aussi ceux qui, à l’inverse, jouent les « dodus dormants », c’est-à-dire qui ne construisent pas là où les besoins s’en font sentir, au bénéfice de ceux qui, eux, construisent effectivement.

Monsieur le président de l’USH, récupérer les fonds des organismes qui ne construisent pas pour les ramener vers les organismes qui construisent permettra d’augmenter le nombre de logements et non de le diminuer, contrairement à ce que vous tentez de nous faire croire.

Je le répète, il est grand temps que les bailleurs sociaux retrouvent la vocation sociale qu’un certain nombre d’entre eux ont oubliée depuis fort longtemps.

M. Alain Fouché. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Soyez bref, mon cher collègue, sinon on ne terminera pas ce soir !

M. Thierry Repentin. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, nous allons prendre le temps qu’il faut sur cette question.

Même affirmés avec force, les poncifs restent des poncifs, et je viens d’en entendre plusieurs dans la bouche d’un sénateur qui n’hésite pas à interpeller l’un de ses collègues non en tant que parlementaire, mais en tant que représentant d’un organisme professionnel.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Faites un congrès !

M. Thierry Repentin. Je souhaite dire plusieurs choses.

Premièrement, les organismes d’HLM sont loin d’avoir oublié leur vocation sociale.

Mes chers collègues, au cours des deux dernières années, tous les nouveaux entrants dans le parc d’HLM étaient plus pauvres que ceux qui en sont sortis.

Monsieur le président de l’ANAH (M. Dominique Braye s’exclame), 70 % des nouveaux entrants ont des ressources inférieures au plafond PLAI.

Deuxièmement, en 2009, compte tenu de la crise économique qui a touché de plein fouet notre pays, au premier rang desquels les locataires d’HLM, nous avons eu à gérer une augmentation de 30 % des impayés temporaires de loyers, c’est-à-dire des impayés de plus de trois mois, ainsi qu’une hausse de 50 % des procédures de surendettement.

M. Jean Desessard. Eh oui, monsieur Braye !

M. Thierry Repentin. Alors, on peut, oui, énoncer des contrevérités pour soutenir le Gouvernement, mais elles n’en restent pas moins des contrevérités. J’aurais pourtant préféré que le débat continue comme il s’était engagé, c’est-à-dire sereinement.

Monsieur le président de l’ANAH, vous auriez pu citer d’autres exemples de mesure d’accompagnement qui coûtent à l’État.

Vous avez cité la TVA à 5,5 %, mais elle existe depuis longtemps. Les gouvernements successifs l’ont d’ailleurs maintenue.

Vous auriez également pu citer l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficient les organismes de logement social, exonération qui perdure depuis plusieurs gouvernements.

Vous auriez pu citer aussi le coût pour la Nation des prêts bonifiés de la Caisse des dépôts et consignations, que nous essayons d’ailleurs de sauver, monsieur le secrétaire d’État. Ce système est en effet en danger avec la remise en cause de la centralisation de la collecte du livret A.

M. Thierry Repentin. Il s’agit là de mesures constantes. Le seul levier qui fait la différence, monsieur le président de l’ANAH, ce sont les aides à la pierre. Car toutes choses égalent par ailleurs – TVA à 5,5 %, exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties, prêts de la Caisse des dépôts et consignations –, c’est la ligne fongible qui apporte le montant de la subvention aux constructions de logements sociaux.

Force est de constater que, depuis le début des années deux mille, la subvention unitaire apportée à chaque logement social construit dans notre pays est en diminution : elle était de 7 000 euros il y a dix ans ; elle passera à 800 euros l’an prochain. C’est un constat !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Bonjour les mensonges et les contrevérités !

M. Thierry Repentin. Cela signifie que, au cours des dernières années, les collectivités locales se sont substituées aux fonds propres des organismes d’HLM pour construire plus de logements dans notre pays. Nous pouvons nous en réjouir, mais arrêtons de dire que, d’un côté, il y a les bons et, de l’autre, il y a les mauvais, monsieur le président de l’ANAH !

Je réaffirme ici haut et fort que le monde HLM n’a jamais, au grand jamais, oublié sa vocation sociale, et je suis assez fier de le dire devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Odette Terrade. Très bien !

M. Dominique Braye. Il ne suffit pas de le dire pour que ce soit vrai !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, à entendre certains d’entre vous, tout ce qui est bien provient des collectivités locales et du monde HLM, et tout ce qui est mal, de l’État ! Je me dois donc de vous ramener à quelques vérités.

Tout d’abord, vous semblez oublier les dépenses fiscales de l’État. Certes, elles existent depuis longtemps ; certes, elles sont justifiées, mais cela n’interdit en rien de rappeler que l’État consent, en dehors des aides à la pierre, 9 milliards d’euros de dépenses : 4 milliards d’euros de dépenses fiscales au bénéfice du monde HLM, auxquels il convient d’ajouter plus de 5 milliards d’euros d’aide personnalisée au logement.

Or il semble que la seule chose qui intéresse les organismes d’HLM et l’opposition soit de débattre de 500 millions d’euros. Doit-on en déduire que les 9 milliards d’euros de dépenses fiscales de l’État ne servent à rien ? C’est une position comme une autre, et on peut en discuter, du moins à condition de respecter la sincérité et la vérité que vous-même appeliez de vos vœux, monsieur le sénateur.

Non, l’investissement de l’État ne se limite pas aux aides à la pierre, et j’aimerais que l’on n’omette pas les 9 milliards d’euros de dépenses !

M. Dominique Braye. Absolument !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Ensuite, oui, il existe au sein du monde HLM des bailleurs sociaux qui ont moins besoin de construire que d’autres ! Il ne s’agit nullement de les stigmatiser en leur reprochant de thésauriser, il s’agit simplement de reconnaître que, sur certains territoires, les besoins sont moindres, le patrimoine est amorti et permet donc de dégager des richesses.

Si mes souvenirs sont exacts, c’est un gouvernement de gauche, donc que vous souteniez, monsieur Repentin, qui a imaginé le principe de péréquation entre collectivités, considérant qu’il y avait des collectivités locales plus riches que d’autres. Dans le même esprit, nous vous proposons aujourd’hui d’instaurer la péréquation entre bailleurs sociaux, certains dégageant des richesses parce qu’ils ont moins besoin de produire, tandis qu’au contraire d’autres bailleurs sociaux ont besoin de financements nouveaux pour pouvoir construire.

Voilà le dispositif que nous vous proposons.

Certains préconisent d’affecter des crédits destinés au prêt à taux zéro aux HLM. Comme l’a souligné Dominique Braye, la politique du logement est un ensemble. Les uns et les autres, vous vantez, dans vos discours, le parcours résidentiel : il faut en tirer les conséquences concrètes. Cessons d’opposer l’accession à la propriété au logement social !

M. Dominique Braye. Absolument !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est ce que vous faites, me semble-t-il, quand vous proposez de transférer 400 millions d’euros de l’accession à la propriété aux HLM. Pour ma part, je considère qu’une politique du logement doit s’appuyer sur trois piliers, tous également indispensables : le logement social, l’investissement locatif et l’accession à la propriété.

Pour en revenir au prêt à taux zéro que j’évoquais tout à l’heure, si vous considérez qu’un célibataire en zone C dont les revenus s’élèvent à 1 554 euros est trop riche pour être aidé, c’est que nous n’avons vraiment pas la même conception de la richesse ! Pour nous, et c’est probablement ce qui nous différencie en la matière, ce célibataire a besoin d’une aide pour devenir propriétaire.

Enfin, il est normal que les bailleurs sociaux essaient de nous convaincre du bien-fondé de leurs arguments, mais j’ai été négativement impressionné quand j’ai constaté qu’ils faisaient payer par l’argent des locataires des pages entières de publicité dans les journaux pour y débiter contrevérités, mensonges et inexactitudes !

Je le réaffirme : non, l’État ne se désengage pas du logement social !

M. Thierry Repentin. C’est votre lecture des choses !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je veux simplement vous signaler, mes chers collègues, qu’il nous reste vingt-cinq minutes pour examiner trois amendements et treize sous-amendements !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-107 rectifié, II-172 rectifié et II-174.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-27 rectifié, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - L’article L. 423-14 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé :

« Art. L. 423-14. - À compter du 1er janvier 2011, les organismes d'habitations à loyer modéré qui disposent d'un patrimoine locatif sont soumis à un prélèvement sur leur potentiel financier.

« Le prélèvement dû au titre d’une année ne peut pas dépasser un montant égal au produit d’une partie des ressources comptabilisées au titre de l’exercice précédent par un taux défini pour chaque organisme. Les ressources prises en compte dans ce calcul sont les loyers et redevances, définis aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 452-4, appelés au cours du dernier exercice clos, et les produits financiers à l’exception des dividendes et des produits financiers issus des sociétés de construction constituées en application du titre I du livre II du présent code pour la réalisation d’immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation en accession à la propriété. Pour chaque organisme, le taux est de 8 %. Le cas échéant, il est minoré par le taux de croissance moyen sur les cinq derniers exercices du nombre de logements sur lesquels l’organisme détient un droit réel, à l’exception des logements acquis auprès d’un autre organisme d’habitations à loyer modéré.

« Le potentiel financier correspond à l'écart entre les ressources de long terme et les emplois à long terme. Les ressources de long terme prises en compte sont le capital, les dotations et les réserves à l’exception de la part des plus-values nettes sur cessions immobilières correspondant aux ventes de l’année de logements à des particuliers, les reports à nouveau, les résultats non affectés déduction faite des fonds propres venant en couverture de la garantie délivrée en application du deuxième alinéa de l'article L. 453-1, les subventions d'investissement à l'exclusion des subventions à recevoir, les provisions autres que les provisions pour gros entretien, les emprunts et les dettes assimilées à plus d'un an à l’origine, hors intérêts courus, à l’exception des intérêts compensateurs, hors dépôts et cautionnements reçus. Les emplois à long terme pris en compte correspondent aux valeurs nettes des immobilisations incorporelles et corporelles de toute nature, des immobilisations en cours, aux participations et immobilisations financières, aux charges à répartir et primes de remboursement des obligations.

« Le prélèvement sur le potentiel financier dû pour une année est égal au produit du nombre de logements au sens des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 452-4 sur lesquels l’organisme détient un droit réel au 31 décembre de l’année précédente par une contribution moyenne par logement.

« La contribution moyenne par logement résulte de l’application, à la moyenne des potentiels financiers par logement des cinq exercices précédents, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé du logement qui portent le produit total annuel du prélèvement sur l’ensemble des organismes visés au premier alinéa à 150 millions d’euros, du barème progressif par tranche suivant :

« 

Tranches du potentiel financier par logement

Taux de contribution

Inférieure à 1 000 €

0 %

De 1 000 à 1 500 €

de 4 % à < ou = 8 %

De 1 500 à 2 000 €

de 8 % à < ou = 12 %

De 2 000 à 3 000 €

de 12 % à < ou = 16 %

Supérieure à 3 000 €

de 16 % à < ou = 20 %

« Le potentiel financier par logement de chacun des cinq exercices précédents est obtenu en divisant le potentiel financier au 31 décembre de l’exercice par le nombre de logements au sens des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 452-4 sur lesquels l’organisme détient un droit réel à la même date.

« Les organismes soumis au prélèvement versent avant le 31 août de l’année au titre de laquelle le prélèvement est dû le montant des sommes dont ils sont redevables à la Caisse de garantie du logement locatif social. Les articles L. 452-5 et L. 452-6 sont applicables à ce prélèvement.

« Le prélèvement n'est pas effectué si son produit est inférieur à 10 000 € ou si, à la date où il devient exigible, l'organisme bénéficie des mesures de redressement de la Caisse de garantie du logement locatif social mentionnées à l'article L. 452-1 ou en a bénéficié dans les cinq années précédant cette date.

« Sur sa demande, la Caisse de garantie du logement locatif social obtient des organismes les informations nécessaires à l'application du présent article. Les organismes qui ne communiquent pas ces informations sont redevables d'une pénalité égale à 50 % des droits éludés par logement dans la limite de 300 € par logement au sens des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 452-4 sur lesquels l’organisme détient un droit réel au 31 décembre de l’année précédente. Cette pénalité est recouvrée au bénéfice de la Caisse de garantie du logement locatif social dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 452-5.

« Un organisme d’habitation à loyer modéré ou une société d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux qui contrôle de manière exclusive ou conjointe, dans les conditions prévues par l’article L. 233-16 du code de commerce, un ou plusieurs organismes ou sociétés peut opter, avec leur accord, pour une détermination consolidée du potentiel financier par logement. Cette option est valable pour une période de cinq ans.

« Le résultat consolidé est obtenu en faisant la somme algébrique des ressources, des emplois et des logements de chaque organisme ou société.

« Chaque membre du groupe est redevable de la contribution calculée en multipliant le nombre de logements des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 452-4 du présent code sur lesquels il détient un droit réel par le potentiel financier par logement du groupe.

« Un décret en Conseil d'État fixe, en tant que de besoin, les conditions d'application du présent article.

« Les sociétés d'économie mixte sont soumises dans les mêmes conditions au prélèvement pour les logements à usage locatif et les logements-foyers leur appartenant et conventionnés dans les conditions définies à l'article L. 351-2 ou, dans les départements d'outre-mer, construits, acquis ou améliorés avec le concours financier de l'État. »

II. - Le chapitre II du titre V du livre IV du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l’article L. 452-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Elle contribue, dans les conditions fixées à l’article L. 452-1-1, à la mise en œuvre de la politique du logement en matière de développement de l’offre de logement locatif social. » ;

2° À l'avant-dernier alinéa du même article, la référence : « à l’article L. 452-4-1 » est remplacée par la référence : « au II de l’article 5 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion » ;

3° La seconde phrase de l’article L. 452-1-1 est remplacée par une phrase et deux alinéas ainsi rédigés :

« Ce fonds contribue au développement et à l’amélioration du parc de logements locatifs sociaux appartenant aux organismes d’habitation à loyer modéré et aux sociétés d’économie mixte.

« Une commission composée majoritairement de représentants de l’État arrête les emplois du fonds.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de mise en œuvre du fonds, notamment la composition et le fonctionnement de la commission. »

III. – À compter du 1er janvier 2011 et jusqu’au 31 décembre 2013, par dérogation aux articles L. 442-1 et L. 445-4 du code de la construction et de l’habitation, la révision sur une année des loyers pratiqués mentionnés au même article L. 442-1 pour les logements appartenant aux organismes mentionnés à l’article L. 411-2 du même code, ne peut excéder la variation de l’indice de référence des loyers définie au d de l’article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. L’indice de référence des loyers à prendre en compte est celui du troisième trimestre de l’année précédente.

Toutefois, l’autorité administrative peut, dans la limite prévue aux articles L. 442-1 et L. 445-4 du même code, autoriser un organisme à déroger aux dispositions de l’alinéa précédent soit dans le cadre d’un plan de redressement approuvé par la Caisse de garantie du logement locatif social, soit pour une partie du patrimoine de l’organisme ayant fait l’objet d’une réhabilitation.

Le présent III est applicable à tous les contrats de location y compris aux contrats en cours.

IV. – 1° Au premier alinéa de l’article L. 445-1 du code de la construction et de l’habitation, la date : « 31 décembre 2010 » est remplacée par la date : « 1er juillet 2011 » ;

2° Après le mot : « années », la fin du second alinéa du II bis de l'article 1388 bis du code général des impôts est ainsi rédigée : « 2011 à 2013 sous réserve de la signature de la convention d'utilité sociale avant le 1er juillet 2011. » 

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Nous voici parvenus à l’amendement de réécriture de l’article 99 du projet de loi de finances, dernier étage de la « fusée » que la commission des finances vous soumet. (Sourires.) Je vous en présente brièvement les grandes lignes, afin de permettre aux auteurs des sous-amendements de s’exprimer.

Premièrement, nous avons souhaité que le produit de la nouvelle contribution de péréquation entre organismes d’HLM soit garanti à hauteur de 150 millions d’euros annuels, ce que ne permettaient pas les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale.

Pour être assurés que les 150 millions seront bien au rendez-vous, les bailleurs sociaux doivent jouer le jeu. Cet amendement permet en quelque sorte de les responsabiliser. Si certains essayaient d’aventure de passer au travers du dispositif en remboursant leurs emprunts, comme cela s’est produit par le passé, les autres verraient leur contribution augmenter.

Donc ce dispositif, outre la garantie du produit de la taxe, permet de responsabiliser l’ensemble des bailleurs sociaux. En cela, il nous semble intéressant.

Deuxièmement, les 150 millions d’euros seront exclusivement destinés aux aides à la pierre. C’était l’une des principales critiques formulées à l’encontre de l’article 99. Il n’est plus question ici de financer l’ANRU, pour laquelle nous avons trouvé la solution par ailleurs.

Sur ces 150 millions d’euros, 80 millions remonteront dans le budget de l’État au travers d’un fonds de concours, ce qui signifie que 70 millions resteront dans la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, contribuant également au financement du logement social. Par conséquent, ce mécanisme de péréquation contribuera bien au développement de l’offre de logement.

Le prélèvement que nous instaurons est plafonné à 8 %. Nous avons en outre prévu de le minorer en fonction du taux de croissance moyen, sur les cinq derniers exercices, du nombre de logements créés par chacun des organismes. Une prime est donc accordée à ceux qui construisent.

Nous avons par ailleurs pris la précaution de déterminer un potentiel financier correspondant à l’écart entre les ressources de long terme et les emplois à long terme, à l’exclusion des subventions à recevoir. Nous éclaircissons ainsi un point qui avait fait débat.

Le potentiel financier par logement de chacun des organismes est ensuite calculé, ce qui nous renvoie au tableau figurant dans notre amendement. Le taux de contribution est modulé en fonction du potentiel financier, selon un barème à cinq tranches.

Le taux de la contribution, qui sera nul pour un potentiel financier par logement inférieur à 1 000 euros, pourra atteindre 16 à 20 % pour un potentiel financier par logement supérieur à 3 000 euros. Tout dépendra de là où nous aurons à placer la barre pour avoir la certitude de récupérer les 150 millions d’euros attendus de ce mécanisme de prélèvement.

Tel est l’objet de cet amendement, mes chers collègues, présenté avec le plus de concision possible. Il est certainement perfectible, comme le souligne Dominique Braye. Je vous propose néanmoins de l’adopter, à l’issue naturellement de l’examen des sous-amendements, afin que nous ayons le temps, d’ici à la commission mixte paritaire, de l’améliorer.

Mme la présidente. L’amendement n° II-27 rectifié est assorti de treize sous-amendements.

Le sous-amendement n° II-106 rectifié, présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3 de l'amendement n° II-27 rectifié

Après les mots :

À compter du 1er janvier 2011

insérer les mots :

et pour une durée de trois ans

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Ce sous-amendement vise, comme nous y invite M. le rapporteur spécial, à améliorer le dispositif prévu par l'amendement n° II-27 rectifié.

Il ne vous aura pas échappé que le premier étage de la fusée, pour reprendre l’expression employée par la commission des finances, a été adopté la semaine dernière afin de trouver des recettes destinées à l’ANRU pour trois ans. Le Gouvernement prévoit lui-même, à l’article 99, un mécanisme de contrôle de l’évolution des loyers pour trois ans.

Nous proposons tout simplement de préciser que la ponction prévue par l'amendement n° II–27 rectifié soit, elle aussi, limitée à une durée de trois ans, répondant ainsi aux engagements qui avaient été pris initialement.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-173 rectifié, présenté par MM. Collin, Chevènement et Mézard, est ainsi libellé :

Alinéa 3 de l'amendement n° II-27 rectifié

Après les mots :

À compter du 1er janvier 2011

insérer les mots :

et jusqu'au 31 décembre 2013

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Je reprends à mon compte l’argumentation qui vient d’être développée par M. Thierry Repentin.

Je considère que l’amendement de M. Philippe Dallier est un progrès par rapport à la rédaction que nous avait transmise l’Assemblée nationale. Néanmoins, on ne peut pas parler de mutualisation au sens strict, puisque 80 millions d’euros, vous l’avez souligné, remontent dans le budget de l’État.

Une dose de mutualisation peut se concevoir, à condition qu’elle n’excède pas les 150 millions d’euros prévus par l’amendement de la commission des finances, qu’elle soit bien employée pour renforcer les organismes qui n’ont pas les moyens suffisants de leur activité, qu’elle prenne en compte les besoins réels des territoires et que le Parlement puisse contrôler véritablement son application.

Afin de permettre le respect de ces différentes conditions, ce sous-amendement, que j’ai cosigné avec MM. Mézard et Collin, a pour objet de limiter la durée du dispositif à trois ans. À l’issue de cette période, une fois qu’il aura fait ses preuves, le Parlement pourra décider de le reconduire ou non en fonction de l’usage qui aura été fait des fonds.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-239, présenté par M. Jarlier, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 3 de l'amendement n° II-27 rectifié

Compléter cet alinéa par les mots :

et un prélèvement sur leur autofinancement

II. - Alinéa 7 de l'amendement n° II-27 rectifié

Remplacer le montant :

150 millions

par le montant :

100 millions

III. - Alinéa 8 de l'amendement n° II-27 rectifié, tableau, seconde colonne

Rédiger ainsi la troisième ligne de cette colonne :

de 0 % à < ou = 8 %

IV. - Après l'alinéa 11 de l'amendement n° II-27 rectifié

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le prélèvement sur l'autofinancement, dont le produit total annuel sur l'ensemble des organismes est limité à 50 millions d'euros, est égal à 2,85 % de l'autofinancement net de l'organisme calculé en déduisant les remboursements d'emprunts liés à l'activité locative, à l'exception des remboursements anticipés, de la différence entre les produits et les charges de l'exercice, dans les conditions définies par décret en Conseil d'État. »

La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Je soutiens l’amendement de M. Philippe Dallier visant à instaurer une péréquation entre organismes d’HLM pour favoriser la construction de nouveaux logements sociaux.

Néanmoins, le critère unique du potentiel financier pris en compte dans le calcul de la contribution des organismes d’HLM au financement des logements sociaux peut poser problème. Il risque en effet de pénaliser les organismes les plus fragiles, qui sont fortement endettés et disposent souvent d’un autofinancement limité, voire insuffisant.

Ceux-là seraient donc confrontés à une « double peine » s’ils se voyaient prélevés d’une contribution qui les condamnerait à l’inaction, dans le meilleur des cas, ou à des difficultés financières. Quoi qu’il en soit, dans cette hypothèse, ils subiraient un prélèvement qui irait à l’encontre de l’objectif de péréquation.

Pour prévenir ce risque, et considérant que le potentiel financier ne constitue pas un indicateur suffisamment performant de la richesse d’un organisme d’HLM, il est proposé d’utiliser le prélèvement sur le potentiel financier à hauteur de 100 millions d’euros et un second prélèvement sur l’autofinancement, indicateur plus pérenne, à hauteur de 50 millions d’euros.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-141 rectifié ter, présenté par MM. J.L. Dupont, Amoudry, Biwer, Deneux et Détraigne, Mme Férat, MM. Dubois, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 4 de l'amendement n° II-27 rectifié, dernière phrase

Remplacer les mots :

cinq derniers exercices du nombre de logements sur lesquels l'organisme détient un droit réel

par les mots :

trois derniers exercices des immobilisations brutes (comptes 21 et 23)

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Nos différents sous-amendements sont la déclinaison d’un même dispositif.

Le sous-amendement n° II-141 rectifié ter tend à aménager l’article 99 du projet de loi de finances soumettant à la contribution sur les revenus locatifs, la CRL, à un taux de 2,5 %, les revenus de location des immeubles appartenant aux organismes d’HLM et aux sociétés mixtes de construction.

Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit de calculer l’assiette de la taxe à partir de la moyenne des potentiels financiers des cinq derniers exercices de ces organismes, c'est-à-dire entre 2006 et 2010.

Cette période de référence de cinq ans nous paraît trop longue et ne permet pas de prendre en compte les efforts d’investissement déployés par ces organismes. C’est pourquoi nous demandons que cette période de référence soit réduite à trois ans, ce qui serait davantage en adéquation avec les rythmes de construction et d’investissement.

Nous retrouverons à peu près la même logique dans le sous-amendement n° II-142 rectifié.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-136 rectifié quater, présenté par MM. J.L. Dupont, Amoudry, Biwer, Deneux et Détraigne, Mme Férat, MM. Dubois, Zocchetto, Braye, Jarlier et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 4 de l'amendement n° II-27 rectifié, dernière phrase

Après les mots :

à l'exception des logements

insérer le mot :

sociaux

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Il s’agit d’un sous-amendement de précision, qui n’appelle pas de remarques particulières, sinon que plusieurs dispositions spécifiques permettent de restreindre le champ de la contribution ou de l’ajuster en considération de cas particuliers.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-137 rectifié quater, présenté par MM. J.L. Dupont, Amoudry, Biwer, Deneux et Détraigne, Mme Férat, MM. Dubois, Zocchetto, Braye, Jarlier et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 4 de l'amendement n° II-27 rectifié, dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ou d'une société d'économie mixte

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Pour être exhaustif, il convient d’inclure dans les exceptions à la minoration, outre les logements HLM, les logements sociaux des sociétés d’économie mixte.

Tel est l’objet de ce sous-amendement.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-138 rectifié quater, présenté par MM. J.L. Dupont, Amoudry, Biwer, Deneux et Détraigne, Mme Férat, MM. Dubois, Zocchetto, Braye, Jarlier et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 5 de l'amendement n° II-27 rectifié, deuxième phrase

après le mot :

capital

insérer les mots :

, à l'exception de la part du capital versée par les collectivités territoriales,

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Ce sous-amendement vise à retirer du calcul du potentiel financier taxable, parmi les ressources de long terme, le capital social versé par les collectivités territoriales.

En effet, dans la rédaction actuelle de l'article 99 du projet de loi de finances, l’inclusion du capital sans écarter la part du capital versée par les collectivités territoriales pèserait injustement sur l'effort de ces dernières en faveur du logement social.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-168, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5 de l'amendement n° II-27 rectifié

Supprimer les mots :

les subventions d'investissement à l'exclusion des subventions à recevoir,

II. - Alinéa 11 de l'amendement n° II-27

Remplacer les mots :

bénéficie des mesures de redressement de la Caisse de garantie du logement locatif social mentionnées à l'article L. 452-1

par les mots :

bénéficie d'un plan de rétablissement d'équilibre de la Caisse de garantie du logement locatif social ou d'un plan de consolidation

III. - Alinéa 12 de l'amendement n° II-27

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Je voudrais rappeler que, lors du vote du volet « recettes », le groupe socialiste a voté contre le deuxième étage de la fusée « Dallier-Marini-commission des finances ». Nous considérons, en effet, que l’augmentation des taxes additionnelles à la taxe sur les bureaux en Île-de-France, recommandée par le rapport Carrez, a vocation à financer, non pas l’ANRU, mais les transports.

Si l’ANRU doit être financée à la hauteur des besoins de la Nation, ce sont des dotations budgétaires qui doivent y pourvoir.

Ce sous-amendement a trois objets.

Il s’agit, d’abord, d’exclure du calcul du potentiel financier les subventions à recevoir. Je n’y insiste pas, car cet aspect est pris en compte dans l’amendement II-27 rectifié « Dallier-Marini ». Le sous-amendement est donc satisfait sur ce point.

Il s’agit, ensuite, de régler un problème d’équité. Certains organismes sont visés comme exclus du dispositif de taxation, notamment les organismes en procédure CGLLS. Cependant, le texte vise les mesures de redressement de la Caisse de garantie du logement locatif social, prévues aux articles L. 452-1 et R. 452-10 et R. 452-14 du code de la construction et de l’habitation.

Or, techniquement, plus aucun organisme ne relève spécifiquement de cette procédure. La terminologie à adopter doit être « plan de rétablissement d'équilibre » et « plan de consolidation », car la physionomie des programmes dans lesquels s’engagent les organismes a évolué.

En effet, aux termes de la délibération du conseil d’administration de la Caisse de garantie du logement locatif social, CGLLS, n° 2008-39 du 17 décembre 2008 approuvant la procédure d’aide au rétablissement de l’équilibre et à la consolidation des organismes de logements locatifs sociaux, les aides en subvention de la CGLLS sont réparties en deux catégories, la consolidation et le rétablissement.

Les organismes en consolidation sont subventionnés au quart de leur déficit, alors que ceux qui relèvent de la catégorie « rétablissement » le sont au tiers.

Il faut s’aligner sur les termes utilisés par la CGLLS. C’est important, car l’incertitude de la rédaction actuelle de l’amendement pourrait conduire à taxer certains organismes en procédure de consolidation, voire, pour certains, à les faire payer plus que la CGLLS ne leur donne !

Cela concerne tout de même 30 organismes sur les 73 qui sont aidés par la CGLLS ! Il faut donc lever l’ambiguïté.

Certains de ces organismes sont engagés dans des opérations ANRU assez lourdes et pourraient afficher, du fait de cette erreur, un potentiel financier colossal, qui conduirait à une taxation importante, alors même qu’ils sont contraints à des efforts indispensables à la réussite des projets urbains.

Il s’agit, enfin, troisième et dernier objet de ce sous-amendement, de supprimer la disposition permettant à certains organismes d’opter pour une détermination consolidée du potentiel financier par logement. En effet, cette exclusion ne bénéficie qu’à une certaine catégorie d’organismes, les entreprises sociales pour l’habitat, les ESH.

J’ai regardé ce qui se passe, notamment en Île-de-France. Les groupes qui bénéficieraient majoritairement de cette exclusion sont effectivement les ESH. Les offices publics de l’habitat sont, eux, très rarement intégrés à des groupes. À ma connaissance, il n’en existe que deux en Île-de-France – OPIEVOY et VALOPHIS.

Je vous invite donc à voter ce sous-amendement.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-238, présenté par MM. Mézard, Chevènement et Collin, est ainsi libellé :

Alinéa 5 de l'amendement n° II-27 rectifié, dernière phrase

Après les mots :

immobilisations financières,

insérer les mots :

à l'augmentation des postes de stocks

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Il s’agit tout simplement de tenir compte de l’implication des organismes d’HLM dans le développement de l’accession sociale à la propriété.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-227, présenté par MM. Lise, Gillot, S. Larcher, Patient, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5 de l'amendement n° II-27 rectifié

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les financements affectés à des opérations réalisées en application des articles 199 undecies C et 217 undecies du code général des impôts ne sont pas retenus dans le calcul du potentiel financier tant que les logements ainsi financés ne sont pas la propriété de l'organisme.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Dans les départements d’outre- mer, les dispositifs de « défiscalisation » des opérations locatives sociales impliquent des montages juridiques et fiscaux particuliers. Il s’ensuit que l’organisme de logement social finance en partie, notamment via un emprunt, la construction ou l’acquisition de logements sociaux, mais ne devient propriétaire de ces logements qu’au terme d’une période de cinq à six ans pendant laquelle les logements sont la propriété d’une « société de portage ».

Dans ces conditions, le calcul du potentiel financier risque de devenir très pénalisant pendant cette période de portage dès lors qu’il prendra en compte, au titre des « ressources de long terme », les emprunts affectés à ces opérations sans qu’il soit possible de déduire, au titre des emplois à long terme, les immobilisations correspondantes.

Dès lors, des bailleurs sociaux d’outre-mer feraient l’objet d’une taxation au titre d’un sous-investissement, alors même que leurs investissements se sont accrus, mais selon des règles spécifiques et sur la base d’un mécanisme voulu par le législateur ; on rappellera que tous ces investissements font l’objet d’agrément ministériel.

Notre proposition vise à corriger cette anomalie, en neutralisant ce type d’opération dans le calcul du potentiel financier.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-142 rectifié, présenté par MM. J.L. Dupont, Amoudry, Biwer, Deneux et Détraigne, Mme Férat, MM. Dubois, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 7 de l'amendement n° II-27 rectifié

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. J’ai défendu cet amendement tout à l’heure ; je n’y reviens pas.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-140 rectifié ter, présenté par MM. J.L. Dupont, Amoudry, Biwer, Deneux et Détraigne, Mme Férat, MM. Dubois, Zocchetto, Braye, Jarlier et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Amendement n° II-27 rectifié, paragraphe I

Compléter ce paragraphe par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les investissements et financements des opérations financées en application des articles 199 undecies C et 217 undecies du code général des impôts ne sont pas retenus dans le calcul du potentiel financier par logement avant la cinquième année suivant leur mise en service.

« Les fonds propres affectés au confortement sismique d'un organisme sont déduits de la contribution de péréquation. »

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Il s’agit de prendre en compte les écritures comptables particulières pour les opérations locatives sociales d’outre-mer, qui se trouvent souvent en décalage avec le régime en vigueur pour les opérations concernant le logement social « traditionnel ».

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-139 rectifié ter, présenté par MM. J.L. Dupont, Amoudry, Biwer, Deneux et Détraigne, Mme Férat, MM. Dubois, Zocchetto, Braye, Jarlier et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Après le III de l'amendement n° II-27 rectifié

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - 1° Après l'article L. 353-9-2 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article L. 353-9-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 353-9-3. - Les loyers et redevances pratiqués pour les logements faisant l'objet d'une convention conclue en application de l'article L. 351-2, à l'exception des logements mentionnés à l'article L. 321-8 et L. 411-2, sont révisés chaque année au 1er janvier en fonction de l'indice de référence des loyers prévu au d de l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86- 1290 du 23 décembre 1986. La date de l'indice de référence des loyers prise en compte pour cette révision est celle du troisième trimestre de l'année précédente.

« Le présent article est applicable à compter du 1er janvier 2011 à toutes les conventions, y compris aux conventions en cours. »

2° L'augmentation des loyers et redevances pratiqués résultant de la révision du 1er janvier 2011 des logements mentionnés à l'article L. 353-9-3 du code de la construction et de l'habitation, ne peut excéder la variation sur 6 mois, de janvier à juin inclus, de l'indice de référence des loyers.

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. L’article 99 du projet de loi de finances prévoit d’encadrer l’évolution des loyers HLM au 1er janvier en fonction de l’indice de référence des loyers du troisième trimestre. Ce sous-amendement vise à harmoniser à tous les bailleurs sociaux et pour leurs logements conventionnés le régime d’évolution des loyers pratiqués.

En milieu rural, les taux plafonds sont bien souvent nettement en dessous des chiffres pris en compte lorsqu’il s’agit de bloquer à une certaine hauteur l’évolution des loyers du logement conventionné. En milieu rural profond, on ne peut pas louer au-delà d’un certain montant et on est toujours en deçà.

Mme la présidente. Mes chers collègues, à cette heure, je vais lever la séance. (Exclamations sur quelques travées ainsi qu’au banc des commissions.) En effet, comme prévu par la conférence des présidents, nous reprendrons la discussion de l’article 99 et des amendements portant article additionnel après l’article 99 le samedi 4 décembre, l’après-midi.

Article 99 (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Discussion générale

5

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 30 novembre 2010 :

À dix heures trente :

1. Questions orales.

(Le texte des questions figure en annexe).

À quatorze heures trente et le soir :

2. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (n° 110, 2010-2011).

Examen des missions :

Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 79 à 86).

Compte spécial : avances aux collectivités territoriales.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 25) ;

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (avis n° 116, tome IX).

Enseignement scolaire (+ article 73 quater)

MM. Gérard Longuet et Thierry Foucaud, rapporteurs spéciaux (rapport n° 111, annexe n° 13) ;

M. Jean-Claude Carle, Mmes Françoise Férat et Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 114, tome V).

Politique des territoires.

M. François Marc, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 19) ;

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 115, tome V).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 30 novembre 2010, à une heure vingt-cinq.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART