Mme Bariza Khiari. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, voilà cinq ans, les banlieues s’embrasaient. Ce n’était pas la première fois, certes, mais nous avons observé un degré de violence inédit traduisant le mal-être de ces quartiers et, plus inquiétant, aucun débouché politique n’a été proposé.
Nous connaissons tous les problèmes de ces territoires, nous sommes conscients des difficultés de ces quartiers qui ont mal vieilli, qui sont mal intégrés au reste de la ville.
Je pense que personne, dans cet hémicycle, ne peut se dire insensible à la détresse des populations, bien souvent marginalisées, pour ne pas dire abandonnées. Dans ces quartiers, les services publics sont peu présents en général, le chômage est élevé, le sentiment d’injustice constant.
Pourtant, le programme 147, Politique de la ville, accuse une baisse de ses crédits. Il représente 618 millions d’euros en autorisations d’engagement, pour un montant quasi identique en crédits de paiement. Dans le détail, les premières baissent de 13 %, les seconds de 12 %.
Le budget est contraint cette année. Le Gouvernement veut montrer qu’il fait des économies. Pis, la baisse constatée ici est supérieure à la norme d’économie retenue lors de l’élaboration du budget. Cette affirmation n’est pas de moi ; elle est de M. le rapporteur spécial, notre collègue Philippe Dallier.
Ainsi donc, devant un tel désengagement, je dois en conclure que le plan « Espoir banlieues », qui n’a jamais eu de moyens, n’était qu’un simple affichage destiné à calmer la colère de ces populations, sans rien changer sur le fond. Le budget pour 2010 était déjà critiquable ; celui pour 2011 donne carrément dans le cynisme et le mépris.
Le plan de Fadela Amara porte, somme toute, bien son nom : il est un « espoir ». Vous souhaitez volontiers que les habitants de ces quartiers en restent à l’espoir d’une vie meilleure parce que, en fait, vous ne leur accordez rien.
La preuve la plus flagrante en est la diminution de la ligne Dynamiques Espoir banlieues, au sein des crédits d’intervention de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances eux-mêmes en baisse de 10 %. Cette ligne est inférieure non seulement à ce qu’elle était en 2010, mais aussi au budget exécuté en 2009. C’est d’autant plus dramatique que tout retard allongera in fine le montant de la facture.
Cherche-t-on à paupériser et à ghettoïser davantage ces quartiers ? Je ne souhaite pas faire de procès d’intention, mais les faits sont là : vous faites une politique d’affichage avec le plan « Espoir banlieues » tandis que, dans le même temps, vous réduisez drastiquement les crédits disponibles pour les quartiers.
Les tendances sont inquiétantes. En 2009, le budget était déjà en diminution et le plan « Espoir banlieues » n’était soutenu que par Mme Amara. Il faut reconnaître qu’elle portait seule cet espoir. En 2010, il baisse à nouveau. Bas les masques, fini de jouer ! Le rideau du carnaval tombe sur une énième représentation où la banlieue aura été mise au premier plan pour mieux être ridiculisée.
À ce niveau-là, on retrouvera des opérations de rénovation urbaine où il sera question de repeindre les bâtiments pour donner l’impression aux habitants qu’on s’occupe d’eux.
Manifestement, vous n’avez compris ni l’urgence de la situation ni le besoin d’un changement complet de politique de la ville. Ce budget est indécent compte tenu de la situation de ces quartiers.
Je suis d’autant plus inquiète que la première génération des zones franches urbaines arrive à échéance le 31 décembre 2011. La revitalisation économique de ces espaces est une question cruciale. Nous ne pouvons pas la passer sous silence.
Pour l’heure, je constate que les données ayant conduit à la création des zones franches urbaines existent encore, ce qui devrait nous inciter à étudier la manière de faire vivre ce système et non d’en sortir brutalement Il aurait été souhaitable de commencer à réfléchir, dès cette année, aux modalités d’évolution des ZFU et non d’attendre de se trouver au pied du mur. Les banlieues ont besoin de tout sauf d’improvisation.
Les événements de Grenoble, si grossièrement exploités, devraient nous servir d’avertissement. Les attentes sont réelles, les besoins criants. La bonne réponse, ce n’est certainement pas de multiplier les caméras de vidéosurveillance ; c’est avoir une approche ambitieuse et globale. Cela passe par l’engagement de moyens humains et financiers importants, et non par un désengagement progressif.
Attendez-vous que les collectivités territoriales compensent, là encore, votre absence prolongée ? Elles ne sont pas la variable d’ajustement de vos errances politiques. Il revient à l’État de prendre ses responsabilités.
Il en est de même pour les bailleurs sociaux : ils ne doivent nullement servir à exonérer l’État de ses responsabilités.
Monsieur le secrétaire d’État, vous aviez prévu cette année de ponctionner les organismes d’HLM pour financer en partie l’ANRU. En d’autres termes, vous déshabillez Paul pour habiller Pierre !
Vous prétendez que cette mesure est liée à la volonté gouvernementale de supprimer une niche fiscale. Je ne peux que m’interroger sur ce point. Depuis quand le fait de se loger est-il devenu une niche fiscale ? J’ai sans doute dû manquer un épisode dans le raisonnement fiscal… Cependant, que les organismes d’HLM soient également surpris de cette déclaration me rassure : nous sommes donc plusieurs à suivre avec peine cette analyse.
En ponctionnant sans vergogne les bailleurs sociaux pour financer l’ANRU, vous demandez donc aux classes populaires, qui vivent dans les immeubles, de financer les opérations de rénovation et de réhabilitation les concernant. Belle preuve de solidarité nationale, assurément ! Un amendement vise à modifier cette mesure afin d’en revenir à plus de réalisme. C’est un bon point, même si c’est insuffisant.
La politique de logement de ce gouvernement est tout bonnement incompréhensible. Vous êtes revenus sur le « 1 % », vous réduisez les aides à la pierre de plus en plus fortement et privez l’ANRU de ses moyens.
Nous refusons le détricotage d’un système au profit de la simple politique d’accession à la propriété. Nous avons besoin d’une politique ambitieuse, non pas d’un budget indigent, dépourvu de moyens parce que vous refusez, encore et toujours, de mettre à bas ce bouclier fiscal, votre péché originel, qui nie l’impératif de solidarité nationale pourtant au cœur de notre pays.
Pour toutes ces raisons, vous aurez compris quel sera le sens de notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? S’il est un domaine où cette formule trouve à s’appliquer, monsieur le secrétaire d’État, c’est bien celui dont vous avez la responsabilité : logement et urbanisme. Ce sujet mériterait d’être développé ; néanmoins, j’essaierai de l’expliquer dans les quelques minutes qui me sont attribuées.
Le logement représente un enjeu extrêmement important, d’un point de vue tant humain que social et économique. Humain, car le logement est un des éléments essentiels de la vie des personnes et des familles ; social, car le contexte de l’habitat concourt manifestement à un bon équilibre de la société ; économique, car, de tout temps, le bâtiment, par l’activité qu’il crée, a été créateur d’emplois en grand nombre, et ce de manière durable s’il est bien organisé.
Cette autre formule, que chacun peut avoir à l’esprit, « quand le bâtiment va, tout va », l’illustre bien. Notre pays a connu des années fastes, celles que l’on a appelées les Trente Glorieuses, et le bâtiment y a beaucoup contribué.
Tous les éléments, monsieur le secrétaire d’État, sont réunis aujourd’hui pour que le bâtiment participe d’une manière forte à un redémarrage économique : le besoin de logements est important ; il y a manifestement des ensembles qui justifient, pour toutes sortes de raisons, une restructuration ; nombre de familles rêvent d’accéder à la propriété ; les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas.
Le bâtiment peut ainsi redevenir, et pour de nombreuses années, un secteur d’activité dynamique et créateur d’emplois.
Alors, me direz-vous, quel est le problème ? Il est simple. Rarement, monsieur le secrétaire d’État, les contraintes et les lourdeurs administratives ont été aussi pesantes. Rarement, il a été aussi difficile de faire aboutir un document d’urbanisme ou, pour les particuliers, d’obtenir un permis de construire.
La France est le pays d’Europe qui dispose du plus grand espace, ce qui devrait faciliter la construction de logements, et, plus particulièrement, le développement de l’accession à la propriété. C’est le souhait d’un grand nombre de familles et c’était, me semble-t-il, un objectif prioritaire voulu par le Président de la République. La raréfaction des terrains disponibles et, partant, l’évolution des prix du foncier ont eu pour conséquence que la moitié des familles qui pouvaient encore accéder à la propriété voilà vingt ou trente ans encore ne le peuvent plus aujourd’hui.
Les surcoûts que cela génère amènent les organismes gestionnaires de logements sociaux à solliciter les concours financiers des collectivités, qui sont déjà confrontées à des problèmes financiers.
Toute ma vie d’élu, j’ai développé la construction de logements locatifs ou en accession. Dans les années soixante-dix, il était possible pour une famille d’accéder à la propriété sur un terrain de mille mètres carrés pour moins de 100 000 francs. Voilà quinze ou vingt ans, il fallait 100 000 euros pour la même opération. Aujourd’hui, il faut la même somme pour le seul terrain, dans la même commune. La rareté fait la cherté.
Tout cela est complètement absurde lorsque l’on mesure les enjeux humains, sociaux et économiques.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez entre les mains la possibilité de renverser cette situation. C’est une question non pas d’argent, mais seulement de réglementation.
Je veux ici vous faire une suggestion. Toutes les villes et communes de France qui justifient d’un document d’urbanisme en sont dotées. Faire une révision classique équivaut, en termes de délais, à ce qui est nécessaire à l’élaboration d’un document initial. Sauf dans quelques cas particuliers, la structure de la commune n’a pas été modifiée. Qu’est-ce qui justifie de devoir reprendre l’ensemble des éléments préparatoires pour l’état des lieux ou les diagnostics ? Pour faire aboutir un projet, un délai de trois ans, dans le meilleur des cas, est nécessaire ; le plus souvent, il est de cinq ou de six ans.
Je suggère, monsieur le secrétaire d’État, que, d’une manière dérogatoire, par la procédure de révision simplifiée, et en élargissant les possibilités de classement des espaces qu’elle offre, les communes qui le souhaitent puissent dégager des terrains disponibles et les ouvrir à la construction, ce qui permettrait d’augmenter l’offre de foncier. Il s’agit non pas de faire du mitage, comme on nous l’objecte trop souvent, mais seulement de déverrouiller une situation aujourd’hui bloquée.
Peut-être ne serait-il pas inutile, monsieur le secrétaire d’État, que vous disiez à vos services, sur le terrain, qui font preuve aujourd’hui d’un zèle pour le moins excessif, qu’ils ont aussi une mission de conseil, d’accompagnement et de facilitateur pour l’élaboration et le cheminement des projets.
Si nous allons dans ce sens, monsieur le secrétaire d’État – et la décision est entre vos mains –, outre que de nombreuses familles s’en trouveront satisfaites, nous pourrons alors redire : « Quand le bâtiment va, tout va ! » (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le gouvernement Fillon II a promis la rigueur. Nous nous attendions à un budget austère : c’est un budget désolant !
Un exemple : le budget des centres sociaux. Le constat est unanime : la précarité mine notre pays. Huit millions de Français, dont deux millions d’enfants vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.
Partout en France, le tissu des centres sociaux lutte au quotidien contre les exclusions, pour maintenir ou restaurer le lien social, pour favoriser l’insertion, pour maintenir le logement des plus démunis et permettre aux gens de ne pas s’enfoncer davantage.
Pourtant, vous nous proposez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, dans votre mission « Ville et Logement », de réduire leur budget de 36 %, et ce pour économiser neuf petits millions d’euros ! Dans le même temps – est-il utile de le rappeler ? –, 1 169 personnes bénéficient de 423 millions d’euros au titre du bouclier fiscal !
Ce n’est pas seulement du cynisme ; c’est aussi une erreur. Une démocratie ne peut pas prospérer durablement sur une fracture sociale !
Or ces malheureux 9 millions d’euros ne sont pas des subsides pour assistés ! Ils font vivre un réseau. Pour un emploi financé, c’est plus d’une dizaine de bénévoles qui apportent leur concours ! Voilà des effets de levier que vous ne savez pas voir !
Mais tant pis ! Vous persistez dans votre politique suicidaire de réduction des dépenses, sans vouloir toucher à l’impôt ! Qu’importe le naufrage du corps social tant qu’on entend jouer l’orchestre de la révision générale des politiques publiques ! Et d’ailleurs en vain, puisque, comme l’ont relevé les rapporteurs, vous sous-estimez chaque année les dépenses pour ensuite rectifier les crédits.
Et pour la politique du logement, vous externalisez, vous privatisez ! Pour vous, rien ne saurait échapper au marché ! Le 14 septembre 2006, fier d’un récent voyage aux États-Unis, Nicolas Sarkozy expliquait dans sa « convention pour la France d’après » qu’il lui fallait « une France de propriétaires », et que la recette était simple : il suffisait d’« accorder des crédits hypothécaires » et d’« assouplir les règles prudentielles des banques »… On a vu où cette politique nous a menés : à un fiasco financier international !
La majorité des ménages vivant en zone urbaine consacrent aujourd’hui entre 40 % et 50 % de leurs revenus au logement, dont les charges fixes incompressibles ne cessent d’augmenter. Sur le marché libre, les loyers ont augmenté de 26 % en six ans. Pas une semaine ne passe sans que la presse se fasse l’écho d’un nouveau record de la bulle immobilière.
La raison commanderait de détendre le marché, d’accroître l’offre pour répondre à la demande, en un mot de construire ! Et je ne parle pas seulement du logement social.
Et pourtant : il y a eu 435 000 logements construits en 2007, puis 368 000 en 2008 et 333 000 en 2009. Et votre nouveau budget entérine inexorablement la baisse… Non seulement les aides à la pierre s’amenuisent, mais, en plus, vous vous défaussez du reliquat, en ponctionnant les opérateurs d’HLM !
Dans le même temps, vous gaspillez des milliards d’euros de dépenses fiscales. De telles mesures sont, au mieux, peu ou pas utiles – c’est le cas des dispositifs « Borloo », « Robien » ou « Scellier », qui ont pour effet la présence, ici ou là, d’immeubles à moitié vides – et, au pire, à vocation spéculative, comme la mouture « plus » du prêt à taux zéro, que vous nous proposez cette année.
Et que dire des 14 milliards d’euros d’aides à la personne, mal employés, puisqu’ils amènent les propriétaires à augmenter d’autant leurs exigences, en l’absence de tout encadrement des loyers ? Quel gâchis !
Des mesures doivent être adoptées. Il faut encadrer fermement les loyers, réorienter les dépenses fiscales vers la pierre, construire de vrais logements sociaux au lieu de contourner la loi SRU, taxer les logements vacants de manière dissuasive et toiletter soigneusement les règles d’attribution et de conservation des logements sociaux.
Et puis, référence à l’actualité, permettez-moi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, d’évoquer le droit de réquisition. Cet après-midi, huit étudiants étaient jugés au tribunal de grande instance de Paris pour l’occupation de l’immeuble, vide depuis dix ans, au 69, rue de Sèvres, au cœur du sixième arrondissement de Paris. Ces étudiants habitaient et entretenaient l’immeuble. Ils s’étaient engagés à quitter les lieux dès que la propriétaire voudrait louer, vendre ou effectuer des travaux. Mais elle a préféré les harceler au tribunal et leur réclamer 460 000 euros.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous avais soumis ce cas exemplaire dans une question écrite publiée le 9 juillet 2009 au Journal officiel, en vous suggérant de diligenter une réquisition, comme la loi le permet. Vous m’aviez alors répondu que la réquisition est une procédure complexe et qu’il valait mieux appâter la propriétaire, multimillionnaire domiciliée fiscalement en Belgique, par des abattements fiscaux de 70 % sur les recettes locatives…
Si vous défendez bec et ongles le droit de propriété, fût-il abusif, on ne peut pas dire que vous en fassiez autant pour le droit au logement. En effet, près de trois ans après l’entrée en vigueur de la loi DALO, au moins 14 000 familles reconnues comme prioritaires n’ont toujours rien vu venir.
Pour les écologistes, le logement n’est pas un bien comme les autres ; c’est un droit, un rempart contre la précarité, la désocialisation, l’exclusion du système !
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous aurez compris que nous divergeons sensiblement – c’est le moins que l’on puisse dire – sur l’analyse de la situation du logement en France et que votre politique nous est intolérable. En conséquence, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous dire tout l’honneur que j’ai aujourd'hui d’être devant la Haute Assemblée, en compagnie de Benoist Apparu. Quelle meilleure manière d’inaugurer ses fonctions de ministre de la ville que de présenter le budget alloué à cette politique devant des élus fortement impliqués sur les questions liées au devenir de nos quartiers ?
Je voudrais également remercier chaleureusement l’ensemble des rapporteurs de la qualité de leurs travaux. Je pense notamment à M. le rapporteur spécial, Philippe Dallier, ainsi qu’à MM. les rapporteurs pour avis, Jean-Marie Vanlerenberghe, Thierry Repentin et Pierre André. Certes, ce dernier n’est pas avec nous aujourd'hui – je lui souhaite d’ailleurs un prompt rétablissement –, mais il a été remarquablement remplacé par Dominique Braye, que je remercie de son soutien.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’a indiqué le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, le Gouvernement souhaite renforcer la politique de la ville et lui donner une nouvelle impulsion.
C’est la raison pour laquelle le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité ériger le secrétariat d’État à la ville en un ministère de plein exercice à vocation interministérielle. C’est l’avenir de notre pays qui se joue dans ces territoires ! Il s’agit d’un enjeu de civilisation !
Le rattachement du Grand Paris à ce ministère traduit d’ailleurs la volonté du Président de la République et du Gouvernement de fédérer les énergies pour répondre aux besoins immédiats des habitants d’Île-de-France et des régions limitrophes, pour préparer l’avenir afin d’inventer un cadre de vie harmonieux, pour réconcilier l’urbain et l’humain et gagner la bataille de l’emploi au service de tous les Français.
Je veux ici saluer le travail accompli par la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, Fadela Amara. En effet, je considère que la politique de la ville doit s’inscrire dans la durée. Je regrette d’ailleurs que votre collègue Yves Dauge n’ait pas pu être présent ce soir, car je tenais à lui rendre hommage : il a été le premier délégué interministériel à la ville et ses compétences en la matière sont reconnues !
Mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet de budget préserve nos principaux leviers d’intervention tout en contribuant aux efforts auxquels nous devons tous consentir pour rétablir l’équilibre de nos finances publiques. Je sais que vous y êtes personnellement très attaché, monsieur le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout comme vous, monsieur le ministre.
M. Maurice Leroy, ministre. En effet.
Mme Khiari, les efforts de la nation en faveur des quartiers ne sauraient être réduits, comme vous l’avez pourtant fait, aux seuls crédits du programme 147 ; vous le savez d’ailleurs très bien. Aux 618 millions d’euros alloués à ce programme, il convient d’ajouter les 310 millions d’euros de dépenses fiscales au service du développement économique et de l’emploi, mais également les dotations de péréquation, comme la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et la dotation de développement urbain, qui s’élèvent respectivement à près de 1,3 milliard d’euros et à 50 millions d’euros.
La rénovation urbaine constitue un des piliers de la politique de la ville. Comme M. Braye l’a souligné, près de 12 milliards d’euros sont mobilisés à ce titre. Cette politique fait également appel aux crédits de droit commun, à hauteur de 2 milliards d’euros environ.
Je souhaite mettre en œuvre dans les prochaines semaines des expérimentations sur une trentaine de quartiers, couvrant près de 300 000 habitants, afin de relancer la mobilisation des crédits de droit commun dans les contrats urbains de cohésion sociale. Cette action me tient très à cœur. En tant que président du conseil général de mon département, j’ai eu le bonheur d’expérimenter le revenu de solidarité active. Nous recourons trop peu aux expérimentations dans notre pays, alors que, au contraire, nous devrions les encourager.
M. Dominique Braye. Tout à fait !
M. Maurice Leroy, ministre. M. Mézard et Mmes Terrade et Khiari ont souligné que les crédits du programme diminuaient de 12 %. C’est vrai. Mais ils ont tout simplement omis de rappeler – je suis sûr que c’est un simple oubli – que cette baisse résultait, à concurrence de 60 %, de l’application mécanique de la loi, laquelle prévoit en effet une réduction des remboursements d’exonération des charges sociales dans les zones franches urbaines et dans les zones de redynamisation urbaine. Il était utile de faire ce rappel.
Vous l’aurez compris, ma priorité est donc de préserver les leviers d’action sur le terrain, au profit des territoires et des populations.
En outre, dans le cadre du budget triennal, les crédits relatifs aux CUCS devraient être stabilisés au niveau de 2011, et je confirme devant la Haute Assemblée – c’est une information importante que je vous livre – qu’ils seront prolongés jusqu’en 2014.
Je réponds ainsi à plusieurs des intervenants qui se sont exprimés : le prolongement jusqu’en 2014 donne une réelle visibilité aux acteurs de terrain.
Ainsi, pour les prochaines années, ce qui constitue aujourd'hui le cœur de la politique de la ville sera préservé et renforcé.
J’en viens à présent à la rénovation urbaine et à la prolongation du PNRU, lancé par mon ami Jean-Louis Borloo.
Comme cela a été relevé par MM. les rapporteurs, la capacité d’affectation de l’ANRU est désormais de 12,621 milliards d’euros, ce qui correspond à plus de 42 milliards d’euros de travaux programmés sur les cinq prochaines années.
Les projets de rénovation urbaine portent sur 480 quartiers, dont 464 font l’objet de conventions signées et de paiements accélérés.
Aujourd’hui – Benoist Apparu le dira bien mieux que moi dans quelques instants –, on construit plus qu’on ne démolit. Et les résultats sont visibles ! Cette dynamique se poursuit en 2010.
Pour autant, et c’est la rançon du succès de notre programme de rénovation, nous sommes entrés – le rapporteur spécial, Philippe Dallier, le relevait – dans ce qu’on appelle la « bosse de l’ANRU », avec un besoin plus grand de financement du PNRU.
Sur ce point, le Gouvernement, en particulier Benoist Apparu, vous a proposé une mesure de péréquation sur les bailleurs sociaux permettant d’absorber ce besoin complémentaire de financement. Grâce au travail déjà engagé par l’Assemblée nationale, nous sommes arrivés à un dispositif dont la capacité de péréquation beaucoup plus importante permet de toucher principalement les « dodus-dormants ». C’est une mesure juste et équilibrée, dont l’intégralité du produit retourne au secteur du logement social, en l’occurrence l’ANRU et les aides à la pierre.
M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis. Ce n’est pas la même chose !
M. Maurice Leroy, ministre. La notion de « géographie prioritaire » est au cœur de la politique de la ville. Or, vous en conviendrez, la cartographie des zones urbaines sensibles n’est aujourd'hui plus adaptée.
Comme l’a rappelé le Premier ministre tout récemment à Garges-lès-Gonesse – à cet égard, monsieur Mézard, il s’agissait non pas d’un « cadeau de départ » de Mme Amara, mais d’un discours du Premier ministre ! –, une réflexion sera engagée dès 2011 pour définir les critères de sélection qui présideront à la future géographie de la politique de la ville et qui permettront de concentrer les crédits sur les quartiers en ayant le plus besoin.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai la conviction que les banlieues intégrées à la ville constituent une chance pour la France, et non un handicap. Elles sont pour moi synonymes de richesse, de diversité culturelle et d’innovation. La France de demain se reconstruira dans ces villes solidaires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’efforcerai d’être aussi bref que Maurice Leroy et de respecter mon temps de parole, et ce afin de satisfaire à la demande de M. le président de la commission.
Je dirai quelques mots sur les trois thèmes principaux de cette mission.
Premièrement, nous avons souhaité, dans le cadre du programme 177, obtenir un « rebasage » budgétaire, notre objectif étant que la loi de finances soit la plus sincère possible en début d’année.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez tous ce qu’il en est depuis quinze : la loi de finances initiale annuelle n’est jamais sincère, ce qui oblige à prendre en cours d’année deux ou trois décrets d’avance pour abonder les crédits. C’est ce à quoi nous avons assisté encore cette année.
Pour l’année 2011, nous sommes parvenus à établir un programme 177 qui, d’emblée, soit sincère sur le plan budgétaire. De la sorte, il nous sera possible de signer avec les associations des contrats de performance, d’objectifs et de moyens afin de leur offrir sécurité et visibilité. Je souhaitais souligner ce point.
L’autre point marquant de ce budget – c’est le deuxième élément de mon intervention – est, bien évidemment, la création de ce nouveau prêt à taux zéro, sur lequel je reviendrai dans quelques instants. Cette mesure fait écho à l’engagement du Président de la République de développer la France des propriétaires.
Troisièmement, plusieurs orateurs ont évoqué la mesure de péréquation sur les bailleurs sociaux visant à absorber le besoin complémentaire de financement de l’ANRU, mesure qu’a sensiblement modifiée l’Assemblée nationale. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements, car j’ai cru comprendre que des amendements non négligeables avaient été déposés à ce sujet.
Je répondrai maintenant aux différents intervenants qui se sont exprimés.
Tout d’abord, monsieur le rapporteur spécial, vous estimez que les crédits en faveur de l’aide alimentaire sont sous-évalués. C’est pourquoi, comme vous l’avez signalé, le Gouvernement a déposé un amendement visant à compenser la diminution de 6 millions d’euros des crédits du programme européen d’aide aux plus démunis, le PEAD, par une majoration de 9 millions d’euros des crédits consacrés à l'aide alimentaire.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur spécial, vous remarquez fort justement que nous ne disposons d’aucune donnée statistique sur le dispositif « Scellier » ni d’aucune indication sur la répartition géographique précise de ses bénéficiaires. C’est pourquoi il nous faudra exiger des professionnels les éléments nous permettant d’accéder à ces informations. Je partage donc votre analyse sur ce sujet.
Monsieur Repentin, nous reviendrons lors de l’examen des amendements sur ce que vous appelez le « désengagement » de l’État en matière de logement social. Je me bornerai, une fois encore, à répéter des chiffres que vous connaissez aussi bien que moi : entre 1978 et 2003, gouvernements de droite et de gauche confondus, 50 000 logements sociaux, en moyenne, ont été financés chaque année. Depuis le plan de cohésion sociale lancé par Jean-Louis Borloo, 100 000 logements par an en moyenne sont construits, avec une pointe à 120 000 logements l’année dernière et cette année. Dans ces conditions, comment parler d’un désengagement ? Le doublement de la production de logements sociaux me semble plutôt être une politique positive de la part de l’État et de l’ensemble des partenaires.
M. Dominique Braye. Très bien !