M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je tiens avant tout à vous saluer et à vous féliciter de l’importante mission qui vous a été confiée au sein du gouvernement de François Fillon. Nous vous adressons tous nos vœux de réussite dans cette entreprise.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à cette heure avancée de la soirée, je vous informe que nous devrons impérativement lever la séance avant une heure trente. Nous ne pourrons en effet prolonger nos travaux au-delà de cet horaire en raison de la séance de questions orales sans débat, qui aura lieu demain à dix heures trente – au lieu de dix heures, comme cela était initialement prévu.
De fait, nous disposons de 170 minutes. Le temps prévisionnel consacré à la discussion générale – 25 minutes pour le rapporteur spécial et les rapporteurs pour avis, 57 minutes pour les orateurs inscrits, 20 minutes pour le Gouvernement – est de 102 minutes.
Cependant, nous n’avions pas prévu que vingt-six amendements seraient déposés et que trois interventions sur les articles rattachés seraient demandées.
Objectivement, il me paraît peu probable que nous puissions achever l’examen des crédits de cette mission avant une heure trente. Si cela devait malheureusement se confirmer, nous reprendrions ce débat samedi après-midi.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, si vous souhaitez mener ce débat à son terme ce soir, je vous prie instamment de faire preuve de la plus grande concision. Assurément, la discussion générale constitue un très grand moment du débat parlementaire, de surcroît lorsqu’il s’agit d’examiner un projet de loi de finances. Toutefois, si, afin d’en raccourcir la durée, vous acceptez de faire l’économie de vos interventions, nous gagnerons du temps. Certes, le débat s’en trouvera inévitablement appauvri, mais, à mon sens, c’est la discussion des amendements qui constitue le moment interactif le plus riche de nos travaux.
M. Charles Revet. C’est moins sûr ! On pourrait peut-être se dispenser des amendements !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette année, la discussion budgétaire sur la mission « Ville et logement » se focalisera, n’en doutons pas, sur l’examen de l’article 99 de ce projet de loi de finances, qui nous propose, dans la version votée par l’Assemblée nationale, de créer un prélèvement sur les organismes HLM pour financer l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, à hauteur de 260 millions d’euros, et les aides à la pierre à hauteur de 80 millions d’euros.
Pour autant, il serait regrettable de négliger d’autres aspects de ce projet de budget, sur lesquels la commission des finances entend faire part de ses observations.
Vous me pardonnerez donc de réserver mon propos sur l’article 99 à son examen, et de consacrer cette intervention aux aspects strictement budgétaires de la politique de la ville et du logement.
Ces observations se déclineront sous deux aspects : le respect de l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, et la sincérité budgétaire.
Si l’on examine la mission au regard des principes de la LOLF, et notamment de son intention première qui est bien de rendre le vote du budget par le Parlement plus cohérent, plus transparent et plus intelligible, il n’est pas sûr que nous soyons, après plusieurs années de pratique, sur la voie du progrès.
La mission avait, à ses débuts, une cohérence forte, qu’elle a progressivement perdue.
Si elle a gagné en cohérence avec le rattachement du programme 177, qui permet de relier l’hébergement et le logement, elle est devenue une mission interministérielle, gérée aujourd’hui par un ministre et un secrétaire d’État, ce dernier étant placé sous la tutelle d’un autre ministre.
Je ne suis pas le seul à regretter que le récent remaniement n’ait pas été l’occasion d’un retour à un ministère unifié.
L’éclatement de la mission a en effet des conséquences sur les agences, opérateurs de la mission, et plus particulièrement sur l’ANRU, qui relève toujours du ministère de la ville, mais dont les ressources sont dorénavant principalement fournies par le « 1 % logement », qui est du domaine du secrétariat d’État au logement.
La seconde critique « lolfienne » concerne le recours à des financements extrabudgétaires, qui prend une ampleur inédite.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On peut dire cela !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Ce projet de budget prévoit en effet une exceptionnelle progression des fonds de concours. Leur montant atteint 13,13 millions d’euros en autorisations d’engagement et 93,13 millions d’euros en crédits de paiement.
Les fonds de concours sont même devenus la clé de l’équilibre du financement du programme Développement et amélioration de l’offre de logement.
D’abord, ils permettent d’annuler l’écart entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement sur la « ligne fongible » des aides à la pierre par un apport de 80 millions d’euros en crédits de paiement.
Ensuite, ils permettent de pallier l’impossibilité dans laquelle se trouve l’ANAH, l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, d’assumer la lutte contre l’habitat indigne dans le cas des travaux d’office, dont elle a pourtant, dorénavant, la charge, en reversant au budget de l’État 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
Enfin, les fonds de concours permettent d’atténuer la baisse des dépenses de fonctionnement de l’administration centrale du logement : 3,13 millions d’euros sont prévus en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, en principe destinés à des actions de communication sur la garantie des risques locatifs, la GRL.
En matière de financement extrabudgétaire, il n’est pas inutile non plus de rappeler que les sommes nécessaires à l’ANRU, pour passer la fameuse « bosse » des années 2011 à 2014, proviennent essentiellement d’Action Logement et, peut-être, si la proposition de la commission des finances n’était pas adoptée, du monde HLM, par un prélèvement de 260 millions d’euros à cette fin.
S’agissant du principe de l’autorisation budgétaire par le Parlement et de l’association de celui-ci à la décision d’engagement de dépenses publiques, nous assistons donc à un recul.
Certains pourraient se dire que, en période de restriction budgétaire, peu importe d’où viennent les moyens pourvu qu’ils existent. Certes, mes chers collègues, mais ces pratiques sapent la confiance des acteurs de terrain de ces politiques publiques, acteurs qui ont besoin de visibilité.
Pour tout dire, mes chers collègues, quel dommage de brouiller ainsi le message de l’État alors que le programme national de rénovation urbaine, le PNRU, est plébiscité sur le terrain par les maires, quels qu’ils soient, et que, depuis deux ans, nous n’avons jamais autant financé de logements sociaux, puisque le chiffre atteint est de 120 000 par an contre 40 000 en 2002 !
La seconde observation de la commission des finances concerne la sincérité budgétaire.
Là encore, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il existe une grande marge de progression
À cet égard, j’aurais pu choisir d’évoquer les aides personnelles au logement : nous verrons bien si les mesures d’économie que vous proposez dans ce projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale permettront de faire face à leur évolution.
Je préfère néanmoins retenir, parmi d’autres exemples, celui, très explicite, des crédits du programme 177, Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables.
Certes, nous avons constaté la poursuite du « rebasage » à la hausse de certaines dotations, par exemple celle qui est destinée au paiement des nuitées hôtelières. Cependant, il est vrai que, l’année dernière, j’avais relevé l’irréalisme d’une dotation en baisse de plus de 40 %.
Je constate heureusement que ce projet de budget est revenu à une estimation plus sérieuse en actant un retour à un nombre de nuitées sensiblement égal à celui qui était constaté pour 2009, c’est-à-dire 13 000 nuitées, pour un coût de 62 millions d’euros.
Toutefois, qu’il s’agisse de l’hébergement d’urgence ou de l’aide alimentaire, les dépenses sont encore trop systématiquement sous-évaluées.
À cet égard, j’ai bien noté – et je m’en félicite –, que, par voie d’amendement, le Gouvernement nous propose d’augmenter de 17,3 millions d’euros les crédits destinés aux maisons relais et à l’aide alimentaire.
En dépit de cet apport important, je ne suis pas vraiment certain que nous parviendrons à compenser la fin du plan de relance, qui avait très largement contribué, l’an passé, au financement de ces actions.
Ma seconde observation porte sur la sincérité budgétaire, qui touche le premier instrument de la politique du logement, la dépense fiscale.
Celle-ci, comme chaque année, est largement supérieure à la dépense budgétaire puisqu’elle s’élève à plus de 12 milliards d’euros, en progression de 5,8 % par rapport à 2010.
J’ai dénombré soixante-huit dépenses fiscales rattachées à la mission, mais seules quarante font l’objet d’une estimation.
L’insuffisance quantitative de l’évaluation se double, parfois, d’approximations méthodologiques. Je l’ai constaté, par exemple, s’agissant de l’évaluation de la dépense fiscale correspondant au dégrèvement de taxe d’habitation en faveur des personnes de condition modeste relogées dans le cadre d’un projet ANRU. À mon sens, cette dépense fiscale a été très surestimée, à hauteur de 25 millions d’euros.
Si je prends l’exemple du dispositif le plus emblématique, le « Scellier », nous ne disposons pas d’élément sur la répartition géographique des bénéficiaires ou sur la nature des biens qui font l’objet de cette niche fiscale, peut-être utile mais fort coûteuse.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Horriblement coûteuse !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La commission des finances souhaite, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vos ministères et le ministère des finances se rapprochent pour être en mesure de fournir au Parlement des éléments d’appréciation fiables.
Ma dernière remarque, que je rangerai sous la rubrique « sincérité budgétaire », concerne les conséquences financières de l’instauration du droit au logement opposable, le DALO, notamment du fait des condamnations de l’État.
Au cours des deux premières années qui ont suivi son entrée en vigueur, le DALO a eu des conséquences budgétaires limitées au financement du fonctionnement des commissions de médiation et à l’instruction des dossiers.
Les sommes budgétées étaient restées globalement stables à environ 5 millions d’euros. Dans ce projet de loi de finances, elles diminuent à 4,7 millions d’euros, en application de la règle d’une diminution de 10 % sur trois ans, dont 5 % dès 2011, des crédits de fonctionnement.
Pour 2011, cette quasi-stabilité des dépenses sera très certainement rendue possible par le maintien à six mois, au lieu des trois mois prévus initialement, du délai d’instruction des dossiers dans les grandes agglomérations.
Pour 2012, en revanche, compte tenu de l’ouverture du DALO à l’ensemble des demandeurs de logements sociaux non satisfaits dans les délais dits « normaux », il n’est pas réaliste d’envisager une stabilisation des moyens des commissions de médiation, et encore moins leur baisse.
L’application du DALO entraîne également des dépenses liées à son contentieux : paiement des astreintes, frais de justice, condamnations pour engagement de la responsabilité de l’État.
L’année dernière, je m’étais préoccupé de l’absence de traduction budgétaire de ces risques contentieux et du maintien de la dotation à un niveau de 700 000 euros.
Or les bilans les plus récents font état d’une progression très rapide du montant des condamnations prononcées contre l’État puisque le montant des astreintes liquidées est passé de 72 860 euros en 2009 à 6,731 millions d’euros au 30 septembre 2010. Il devrait donc dépasser 10 millions d’euros en année pleine.
Une inscription budgétaire de 9,30 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, spécifique au contentieux DALO, a donc été introduite dans ce projet de loi de finances pour 2011 ; elle s’ajoute à la dotation de 700 000 euros prévue pour les autres types de contentieux de l’habitat.
Cependant, il semble que cette évaluation à 10 millions d’euros soit encore sous-estimée. Vous pourrez sans doute, monsieur le secrétaire d’État, nous en dire plus et, surtout, nous convaincre que l’État a désormais pris la mesure des conséquences financières du DALO dans la perspective de 2012.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai largement évoqué les actions propres au logement, bien que je n’aie pas abordé la réforme de l’accession à la propriété, qui sera traitée lors de l’examen de l’article 56, lequel n’est pas rattaché à la mission ; en revanche, j’ai très peu – si ce n’est pas du tout – parlé des actions qui relèvent du ministre de la ville.
La raison en est sans doute que cette politique est devenue si résiduelle du point de vue budgétaire qu’il n’y a malheureusement pas grand-chose à en dire, sauf à saluer la détermination et le travail des agents de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSE, qui parviennent à améliorer l’efficacité de leurs interventions tout en accomplissant les efforts d’économie qui leur sont demandés.
S’agissant de la réforme de la géographie prioritaire, de la révision des procédures contractuelles, du renouvellement ou de la sortie aménagée des zones franches urbaines, les ZFU, de la coordination de l’action des agences, de la « résurrection » du CIV, le Comité interministériel des villes, et de l’affirmation de l’autorité de son secrétariat général, voilà deux ans que nous attendons des décisions malheureusement reportées de mois en mois.
Votre tâche, monsieur le ministre, sera rude.
Sous le bénéfice de ces observations et des deux amendements que je vous présenterai, la commission des finances vous demande d’adopter les crédits de la mission « Ville et logement ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP – M. le président de la commission applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, en remplacement de M. Pierre André, rapporteur pour avis.
M. Dominique Braye, en remplacement de M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le rapporteur pour avis de la commission de l’économie, notre collègue Pierre André, étant dans l’impossibilité de prendre la parole ce soir en raison d’une petite intervention au niveau des cordes vocales, il m’a demandé de le remplacer, ayant sûrement estimé que je disposais d’un organe suffisant pour faire entendre sa voix (Sourires.), mais aussi en raison des liens amicaux qui nous unissent.
Aussi, mes chers collègues, c’est bien l’intervention de Pierre André que je lirai devant vous, intervention dont je n’ai pas changé la moindre virgule.
Tout d’abord, permettez-moi de vous féliciter, monsieur le ministre, de votre nomination au Gouvernement, et, monsieur le secrétaire d’État, de votre reconduction aux fonctions que vous exerciez précédemment.
Comme l’ont annoncé le Président de la République et le Premier ministre, la politique de la ville doit être revue. Sachez, monsieur le ministre, que vous pourrez compter sur le soutien et l’expertise de la commission de l’économie !
Je ne reviendrai pas sur les crédits du programme 147, Politique de la ville, inscrits au projet de loi de finances pour 2011, qui ont déjà été présentés par le rapporteur spécial de la commission des finances.
La commission de l’économie a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Ville et logement ».
Je souhaite évoquer aujourd’hui deux sujets très importants : l’avenir du programme national de rénovation urbaine et la révision de la géographie prioritaire.
Lancé en 2003, le PNRU s’est vu fixer des objectifs très ambitieux. Il s’agit en effet, sur la période 2004-2013, d’atteindre, dans les quartiers concernés, 250 000 logements locatifs sociaux nouveaux, 400 000 logements locatifs sociaux réhabilités, 400 000 logements sociaux « résidentialisés » et 250 000 logements locatifs sociaux démolis.
Même si les objectifs fixés initialement ne seront certainement pas atteints, le bilan du PNRU est très positif.
En effet, au 1er octobre, plus de 380 conventions ont été signées. L’ANRU estime que 490 quartiers seront rénovés à l’horizon 2013, améliorant ainsi le cadre de vie de près de quatre millions de nos concitoyens.
Ensuite, le PNRU a eu un effet de levier très important. Ainsi, le montant total des investissements devrait dépasser 40 milliards d’euros.
Enfin, et surtout, le PNRU a un véritable impact dans les quartiers concernés. Il a remis en mouvement des territoires qui n’avaient plus de réelles perspectives d’évolution et d’espoir.
Que se passera-t-il, toutefois, après 2013 ? J’estime qu’il est indispensable, monsieur le ministre, de réfléchir au lancement d’un deuxième programme de rénovation urbaine, un « PNRU II ».
Permettez-moi, cependant, de formuler deux remarques.
Un « PNRU II » ne peut être lancé que si le financement du premier PNRU est assuré.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Bravo !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Je salue le travail remarquable de la commission des finances, qui a su trouver, dans le cadre du présent projet de loi de finances, une solution équilibrée permettant d’assurer le financement de l’ANRU jusqu’en 2013 sans pénaliser les organismes d’HLM.
La rénovation urbaine n’est qu’un aspect de la politique de la ville. Les politiques économiques et sociales ne doivent pas être négligées. Comme le soulignait le Premier ministre dans le Val-d’Oise, le 8 novembre dernier, « la rénovation urbaine, ce n’est pas seulement les murs, c’est l’emploi, c’est l’éducation, c’est la sécurité, ce sont les infrastructures de transport ».
M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. S’agissant de la réforme de la géographie prioritaire, elle a été repoussée par le Premier ministre à l’année 2011. Je salue cette décision qui permet que toutes les questions soient mises sur la table et qu’un grand débat national puisse s’engager. Ce grand chantier nécessite en effet le concours de tous.
La révision de la géographie prioritaire doit conduire, selon moi, au passage de la logique actuelle de zonage à une logique de contractualisation. Les différents dispositifs existants seraient ainsi remplacés par un contrat unique signé entre le maire – ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale – et le préfet, et adossé à la durée du mandat municipal.
Afin de renforcer l’efficacité de la politique de la ville, il m’apparaît également nécessaire de concentrer les moyens de l’État sur les communes les plus en difficulté.
Je pense que les recommandations que nous avions formulées, avec le député Gérard Hamel, dans le rapport que nous avait confié le Premier ministre, sont aujourd’hui assez largement partagées. Votre nomination à la tête d’un ministère de plein exercice se situe d’ailleurs, monsieur le ministre, dans la droite ligne de notre rapport.
En conclusion, j’espère que l’année 2011 sera mise à profit pour organiser le grand débat national que j’appelle de mes vœux. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le président de la commission des finances et Mme Muguette Dini applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis.
M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas longuement sur l’évolution des crédits de la mission « Ville et logement », qui vous a déjà été présentée par le rapporteur spécial de la commission des finances.
Les trois programmes relatifs au logement voient, en 2011, leurs crédits augmenter légèrement, de 0,7 %, en autorisations d’engagement et reculer, de 1,6 %, en crédits de paiement.
L’évolution des crédits est différenciée selon les programmes.
Le programme 177, Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables, voit ses crédits augmenter de 7,5 %.
Le programme 109, Aide à l’accès au logement, voit ses crédits diminuer de 1,6 %.
Le programme 135, Développement et amélioration de l’offre de logement, voit ses crédits augmenter de 9,3 % en autorisations d’engagement et diminuer de 17,7 % en crédits de paiement.
Je relève, après d’autres, que le programme 177 est, cette année encore, sous-budgétisé, puisque les crédits inscrits pour 2011 sont inférieurs aux crédits consommés en 2009.
Je m’étonne que le programme 108, qui recouvre essentiellement les aides personnelles au logement, subisse une diminution de ses crédits, alors que, en pleine période de crise, la situation de nos compatriotes devrait conduire, au contraire, à les augmenter.
Je concentrerai mon propos sur l’évolution des crédits destinés aux aides à la pierre et, partant, sur le fameux programme 135, qui les couvre essentiellement. Ce dernier permet donc de mesurer l’effort budgétaire de l’État pour la construction et la réhabilitation des logements sociaux.
Je formulerai quatre remarques.
Premièrement, je note que les perspectives d’évolution du niveau des aides à la pierre sont inquiétantes : les crédits de paiement du programme 135 devraient ainsi diminuer en 2012 et en 2013, passant de 518 millions d’euros en 2011 à 459 millions d’euros en 2012 et à 387 millions d’euros en 2013.
Deuxièmement, je m’inquiète du désengagement de l’État en matière de construction de logements sociaux. Les crédits de la « ligne fongible » devraient être renforcés par les ressources issues du dispositif mis en place par l’article 99 du présent projet de loi de finances, à hauteur de 150 millions d’euros si nous adoptons tout à l’heure l’amendement n° II-27 rectifié de la commission des finances. Je regrette cependant que les bailleurs sociaux soient mobilisés afin de compenser la diminution des crédits budgétaires issus de l’État.
Troisièmement, alors que l’État se désengage, je tiens néanmoins, à cette tribune, à souligner l’effort croissant des collectivités territoriales en matière de logement. D’après les données du ministère, cet effort est ainsi passé de 430 millions d’euros en 2000 à près de 1,8 milliard d’euros en 2009. Il a encore été accentué depuis lors !
Enfin, quatrièmement, je constate que les objectifs du Gouvernement en matière de construction de logements sociaux sont ambitieux : 120 000 en 2011, contre 110 000 en 2010. Au vu de l’évolution des dotations, je m’inquiète, là encore, que l’on aboutisse à une réduction sensible des subventions unitaires moyennes ; c’est du moins l’évolution constante qui a été observée au cours des dernières années.
En conclusion, j’estime donc, à titre personnel, que ce budget ne répond pas aux enjeux auxquels est confronté notre pays, notamment en matière de logement social.
À cet égard, je partage le point de vue exprimé par Jérôme Bédier, le président de l’Union des entreprises et des salariés pour le logement, l’ancienne Union d’économie sociale pour le logement, qui déclarait ceci, le 8 novembre dernier : « Ce n’est pas à Bercy de gérer la politique du logement de la France. »
Malgré mes réserves, la commission de l’économie – comme c’est désormais une tradition ! – a émis un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2011 de la mission « Ville et logement ».
S’agissant de l’article 99, sur lequel j’interviendrai tout à l’heure à titre personnel, la commission de l’économie a émis un avis favorable à son adoption sous réserve du vote de l’amendement n° II-27 rectifié de la commission des finances. (M. le président de la commission et M. le rapporteur spécial applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme le rapporteur spécial et les rapporteurs pour avis ont déjà présenté les grands axes de ce projet de budget 2011 pour la mission « Ville et logement », je souhaite, au nom de la commission des affaires sociales, me concentrer sur quelques points précis.
Je commencerai en évoquant l’enjeu général du budget de cette mission : le défi auquel le Gouvernement et le Parlement sont confrontés n’est pas facile, puisqu’il s’agit de respecter la norme de réduction des dépenses publiques – baisse de 10 % sur les dépenses d’intervention –, tout en maintenant la vitalité de la politique du logement et la continuité de la politique de la ville.
D’une manière générale, l’objectivité oblige, me semble-t-il, à le reconnaître, si les propositions initiales du texte, améliorées par l’Assemblée nationale, sont pour la plupart raisonnables, certaines d’entre elles restent malheureusement contestables.
Mes chers collègues, certains d’entre vous dénonceront par exemple, j’en suis sûr, la baisse des aides à la pierre – comme on vient de l’entendre – ou celle des crédits en faveur des contrats urbains de cohésion sociale, les CUCS. Je veux vous dire ceci : au regard de l’endettement de l’État, qui atteint le record historique de 1 600 milliards d’euros, soit près de 82 % du produit intérieur brut, était-il possible de faire autrement ? Je ne le crois pas, et j’apprécie particulièrement que, dans ce contexte, les capacités d’intervention dans le cadre de la politique de la ville soient relativement préservées. J’apprécierai d’autant plus, monsieur le ministre, que la révision de la géographie prioritaire aboutisse enfin, car elle est attendue depuis fort longtemps.
À mon sens, le véritable enjeu des prochaines années est non pas la légitimité de l’effort national, qui est vital pour l’avenir du pays, mais la répartition de cet effort entre nos concitoyens, entre nous tous.
Or, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, c’est précisément sur ce point que certains choix du Gouvernement sont discutables. Ce sera le deuxième temps de mon intervention.
Je ne prendrai qu’un seul exemple, ô combien significatif : celui du prêt à taux zéro universel. Je sais bien que, techniquement parlant, il n’est pas rattaché à la mission, mais qui contestera qu’il relève de la politique d’accès au logement ?
Ce prêt à taux zéro, le Gouvernement l’a voulu universel, ouvert à tous, quel que soit le niveau de revenus, à l’instar du crédit d’impôt sur les emprunts immobiliers, qu’il remplacera à partir de l’année prochaine.
Pourquoi un tel choix ? Pourquoi avoir maintenu un dispositif aveugle au niveau des revenus ?
Mme Nicole Bricq. Bonne question !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis. Le Gouvernement pense-t-il vraiment que les personnes ou les ménages bénéficiant de ressources élevées – 10 000 euros ou 15 000 euros par mois – doivent être aidés par la collectivité ? Est-il juste que l’État s’endette pour aider les ménages les plus aisés à accéder à la propriété ?
Mme Nicole Bricq. Non !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis. Je n’en suis pas convaincu, pour ne pas dire plus ; à vrai dire, je pense que peu de personnes le sont.
Oui, nous devons collectivement faire des efforts pour désendetter le pays et ne pas hypothéquer son avenir sur les marchés financiers. Mais les efforts, voire les sacrifices aujourd’hui demandés ne pourront être acceptés que s’ils sont équitablement répartis.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Gérard Miquel. Absolument !