Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Madame la sénatrice, la création d’un compte d’affectation spéciale du Trésor représente, vous en conviendrez, une clarification dans la mesure où un certain nombre de lignes étaient structurellement déficitaires. Celles-ci correspondaient néanmoins, et c’est toujours le cas, à une nécessité en matière d’aménagement du territoire.
De fait, des transferts existaient à l’intérieur de l’entreprise SNCF entre les lignes bénéficiaires et les lignes déficitaires. Cela étant, de tels transferts n’étaient pas rendus visibles ce qui, dans un contexte d’ouverture à la concurrence, risquait d’être dommageable pour l’entreprise.
La création du compte d’affectation spéciale répond donc à un souci de lisibilité et de protection de l’entreprise. Elle s’est effectuée en toute transparence, dans le cadre d’une convention d’exploitation négociée entre l’État et la SNCF pour une durée de trois ans – elle pourra donc être rediscutée à l’issue de ce délai –, dont le périmètre englobe l’ensemble des trains d’équilibre du territoire.
Cette convention est très complète, puisqu’elle décrit toutes les obligations de la SNCF en termes de desserte, de qualité de service et d’entretien. Elle est également incitative, puisque le calcul de la compensation intègre un bénéfice souhaitable pour l’entreprise équivalent à 3 %, mais aussi un système de bonus-malus sanctionnant les résultats de l’entreprise. Enfin, cette convention est construite de manière à ne pas mettre en difficulté la SNCF, puisque la compensation est plafonnée à 210 millions d’euros par an, conformément aux projections de l’audit : la prévisibilité n’a pas été oubliée.
Oui, madame Schurch, pour créer ce compte d’affectation spéciale, nous avons choisi de faire appel à deux types de recettes : l’effort pèsera, d’une part, sur les autoroutes, d’autre part, sur la SNCF. En réponse à votre objection, je vous ferai observer que ce financement représente une amélioration nette par rapport à la situation antérieure.
Jusqu’à présent, toute la péréquation s’effectuait de manière inavouée au sein de la SNCF : les lignes bénéficiaires subventionnaient les lignes déficitaires. Dorénavant, la compensation sera visible, explicite et ne sera assurée que partiellement par la SNCF, le reste incombant aux sociétés d’autoroutes. Nous allons donc dans le sens que vous préconisez, même si nous n’allons pas aussi loin que vous le souhaiteriez. Nous avons estimé que cette solution était plus équilibrée et elle pourra de toute façon être rediscutée dans trois ans.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour la réplique.
Mme Mireille Schurch. Madame la ministre, si l’on considère qu’il ne faut plus effectuer de péréquation interne à l’entreprise, on s’inscrit dans votre logique ; nous souhaitions, quant à nous, conserver la logique précédente.
Oui, il faut faire participer davantage les sociétés concessionnaires d’autoroutes à la péréquation ; c’était d’ailleurs le sens de ma question. En effet, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, il convient de favoriser le transport ferroviaire par rapport au transport routier et de commencer à faire payer ses externalités négatives à ce dernier. Vous commencer à avancer dans cette logique : c’est un bon début, continuez ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Monsieur le secrétaire d’État, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, l’État s’est engagé à multiplier par cinq le kilométrage des réseaux de transports en commun en site propre, hors Île-de-France. Afin d’atteindre cet objectif, il a prévu de mobiliser 2,5 milliards d’euros d’ici à 2020.
Un premier appel à projets, lancé le 22 octobre 2008, a permis d’obtenir une participation financière de l’État de 810 millions d’euros pour cofinancer 52 projets, présentés par 38 collectivités. Cette première série de projets a vu la création de près de 400 kilomètres de lignes nouvelles de transports collectifs, représentant plus de 6 milliards d’euros de travaux.
Monsieur le secrétaire d’État, c’est un véritable succès. Grâce à cette aide, nous allons réaliser en moins de cinq ans autant de réseaux de TCSP qu’il en a été développé durant les trente dernières années !
Après ce premier appel à projets, toujours en cours, et conformément à l’engagement pris, l’État en a lancé un deuxième le 4 mai 2010. Le ministère du développement durable a reçu à ce jour plus de 84 dossiers de candidature déposés par 46 autorités organisatrices. Les investissements prévisionnels se chiffrent, quant à eux, à plus de 8,5 milliards d’euros pour 650 kilomètres de lignes nouvelles.
Malgré une conjoncture financière morose pour les collectivités locales, cet afflux exceptionnel de candidatures montre que les orientations du Grenelle de l’environnement en faveur du transfert modal étaient pleinement justifiées. La demande émanant des autorités organisatrices de transports est extrêmement forte, parce qu’elle correspond à un besoin véritable et à une attente de nos concitoyens.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, ma question sera simple, très simple : quel sera le montant de l’enveloppe de subventions affectée à ce deuxième appel à projets ? Toutes les autorités organisatrices de transports concernées attendent de le connaître.
Je rappellerai enfin que, lors du premier appel à projets, les dossiers avaient fait l’objet d’une concertation étroite entre le ministère du développement durable, l’Association des maires de France et le GART. J’espère qu’il en sera de même cette fois-ci !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, vous avez compris l’effort accompli par notre majorité. Je vous remercie d’avoir signalé que nous sommes loin d’une simple répartition des miettes : au contraire, durant cette mandature, nous aurons fait plus qu’au cours des trente dernières années. Il me semble bon de rappeler qu’en matière de développement durable et de transports propres, depuis 2007, notre majorité a accompli un travail sans précédent.
Mme le ministre le rappelait, ce travail a été effectué en pleine concertation avec les élus, ce qui mérite également d’être signalé. Les projets en question ne sont pas venus de Paris ; ils ont été mis en place avec les élus locaux, dont nous avons d’ailleurs pu apprécier l’implication croissante, notamment dans la région qui est la nôtre, monsieur le sénateur. Cet engagement est la preuve du succès de la politique engagée depuis 2007.
À question simple, réponse simple : le montant des crédits mobilisés pour ce deuxième appel à projets s’élèvera à 592 millions d’euros, dont 200 millions d’euros proviennent du programme du grand emprunt consacré au développement des villes de demain et 392 millions d’euros du budget pluriannuel de l’AFITF. Vous pouvez donc constater que le grand emprunt, que certains ont beaucoup dénigré, est au rendez-vous du Grenelle de l’environnement et vient appuyer des projets concrets pour changer le quotidien dans nos villes.
Certes, cette enveloppe est inférieure à celle qui avait été consacrée au premier appel à projets, laquelle s’élevait à 810 millions d’euros. Toutefois, sa pertinence devra être évaluée au terme de l’examen de la conformité des dossiers au cahier des charges, qui pourrait conduire à proposer que certains projets soient réexaminés dans le cadre d’un prochain appel à projets.
Une première étape a déjà été accomplie, nous engageons la deuxième, mais le mouvement lancé par notre majorité a, me semble-t-il, été bien compris par les élus. Au-delà de ces deux étapes, je ne doute pas que la future majorité, quelle qu’elle soit, soit obligée de continuer sur nos traces !
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour la réplique.
M. Louis Nègre. Monsieur le secrétaire d’État, votre argumentaire est cohérent, logique et se tient ! Nos finances publiques connaissent effectivement une période un peu difficile actuellement, tout le monde en convient et je l’ai moi-même souligné tout à l’heure.
Cette situation peut expliquer que le montant de l’enveloppe se limite à 592 millions d’euros. Mais le compte n’y est pas par rapport au premier appel à projets : l’État a apporté 810 millions d’euros alors qu’un nombre inférieur d’autorités organisatrices avaient présenté des projets concernant moins de lignes !
Cela étant, je vous remercie d’avoir ouvert la porte à un troisième appel à projets, destiné aux collectivités locales dont le dossier n’aurait pas été retenu dans le cadre du deuxième. J’y vois la volonté de l’État d’assumer la continuité de son effort d’accompagnement des collectivités locales. Celles-ci souhaitaient connaître les orientations de la politique du Gouvernement, vous venez de leur répondre ce soir. Cette réponse permettra aux uns et aux autres de réaliser des transports en commun en site propre.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le secrétaire d’État, ma question est une victoire de l’optimisme sur l’expérience, comme disait Henri VIII lors de son sixième mariage. (Rires.)
Je veux évoquer devant vous le contournement de Saint-Denis-sur-Sarthon, qui fait l’objet de promesses non tenues depuis une soixantaine d’années. En effet, depuis soixante ans, on promet une déviation aux élus de cette commune qui voit passer 13 985 véhicules par jour, dont 2 646 poids lourds, sur un tronçon de route extrêmement dangereux, dont les abords sont fréquentés quotidiennement par 170 écoliers. Or il n’existe absolument aucune autre solution pour mettre un terme à cette situation dangereuse.
Le financement du contournement permettrait de sécuriser l’axe très ancien qui relie Paris à la Bretagne, par Alençon et Pré-en-Pail. Ce dossier fait l’objet d’une préoccupation commune, avec François Zocchetto et Jean Arthuis, et un certain nombre de députés viendront sûrement vous solliciter également. Ils peuvent d’autant plus vous solliciter que l’un d’entre eux a été, pendant au moins cinq mandats, président de la commission des routes en Basse-Normandie et n’a absolument rien fait !
J’ajoute que le montant de ce contournement est évalué à environ 50 millions d’euros et j’en aurai fini en disant que le grand emprunt n’a pas pu résoudre le problème. Mieux, le plan de relance nous a fait dépenser 60,5 millions d’euros pour racheter la salle Pleyel ! Ce contournement coûte donc nettement moins cher ; de plus, il permettrait d’économiser des vies, d’éviter des accidents et de sécuriser la route de Bretagne.
Monsieur le secrétaire d’État, quand pensez-vous que l’État pourra enfin respecter la parole donnée sur le contournement de Saint-Denis-sur-Sarthon ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Je vous remercie, madame la sénatrice, de cette question aussi inattendue que précise ! Sincèrement, n’étant pas un spécialiste du contournement de Saint-Denis-sur-Sarthrou…
Mme Nathalie Goulet. Saint-Denis-sur-Sarthon !
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Pardonnez-moi, les références royales du début de votre question m’ont quelque peu troublé !
Plus sérieusement, le seul engagement que je puisse prendre consiste à vous recevoir dès que cela vous sera possible, pour que nous examinions ensemble la question après l’avoir effectivement étudiée. Vous savez que le Grenelle de l’environnement prévoit des procédures pour résoudre des problèmes tels que celui que vous soulevez, pour améliorer le quotidien des Français dans le respect de préoccupations environnementales évidentes.
Franchement, je ne suis pas en mesure de vous en dire plus. Je ne pourrai pas non plus citer Henri VIII, mais je suis à votre disposition pour discuter avec vous de cette question, même si j’ai moins de mariages à mon actif que lui !
Pour finir par une citation sur l’optimisme – ou le pessimisme –, je me souviens qu’Alexandre Zinoviev, quand on lui demandait quelle est la différence entre un optimiste et un pessimiste, répondait que le pessimiste est celui qui dit : « Cela ne peut pas aller plus mal ! » et l’optimiste celui qui répond : « Mais si, mais si ! ». (Sourires.) Je ne sais pas si cela a un rapport avec le contournement…
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le secrétaire d’État, je vous propose de faire la moitié du chemin : venez, dès que votre emploi du temps vous le permettra, à Saint-Denis-sur-Sarthon. Il faut en effet examiner la situation sur place.
En outre, le préfet paraît tout à fait décidé à trouver une solution, mais je pense qu’il faut que vous puissiez forger votre propre opinion sur une situation qui est loin d’être banale et sur laquelle Dominique Bussereau, après sept ou huit autres ministres, s’était déjà engagé. Nous prendrons date, ce soir sans doute, pour un de vos premiers voyages officiels dans l’Orne, qui est un département extrêmement accueillant !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Lors de sa création par la loi du 13 février 1997, Réseau ferré de France, RFF, a hérité de 20,5 milliards d’euros de dettes que supportait auparavant la SNCF.
Contrairement à l’État fédéral allemand, qui a repris, à peu près à la même époque, l’intégralité de la dette de la Deutsche Bahn, pourtant deux fois supérieure à celle de la SNCF, l’État français a fait le choix de transférer au gestionnaire national des infrastructures ferroviaires la majeure partie de la dette de l’opérateur ferroviaire historique.
Aujourd’hui, la dette de RFF atteint près de 28 milliards d’euros et limite très fortement sa capacité d’investissement. RFF doit refinancer, à échéances régulières, les intérêts de sa dette, qui s’élèvent à 1,25 milliard d’euros. Pour l’instant, les taux sont assez bas, mais que se passera-t-il s’ils augmentent ?
En 2009, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires, le Gouvernement s’était engagé à présenter, avant la fin de l’année 2009, un rapport sur les solutions envisageables pour la résorption progressive de la dette de RFF. À ma connaissance, ce rapport n’a été ni rédigé ni présenté.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, quand comptez-vous tenir, à ce sujet, les engagements pris par le précédent gouvernement Fillon ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, la semaine prochaine, nous inaugurons la ligne du Haut-Bugey. Je me rendrai sur place en compagnie du président de RFF, M. du Mesnil : nous disposerons donc d’au moins deux heures de trajet pour discuter concrètement des problèmes de sa société, et notamment de l’évolution de sa dette.
L’État et l’AFITF versent à RFF plus de 3 milliards d’euros par an, ce qui constitue aujourd’hui, vous le savez, la moitié des ressources de l’entreprise. La croissance des trafics et la rentabilité du TGV ont engendré une hausse des péages de plus de un milliard d’euros en six ans, permettant à l’État de réaliser une économie de 600 millions d’euros et de consacrer 400 millions d’euros de ressources supplémentaires à la rénovation du réseau.
Le contrat de performance entre l’État et RFF signé en 2008 prévoit un retour progressif à l’équilibre de RFF et la stabilisation du montant de la dette à un niveau cohérent avec la valeur du réseau ferroviaire.
Vous allez me dire, monsieur Teston, que je ne réponds pas à votre question sur la date de remise de ce fameux rapport. J’avoue honnêtement qu’à ce jour je suis incapable de vous dire pourquoi il n’a pas été remis en temps et en heure. Croyez-bien que je m’efforcerai de vous donner rapidement une réponse précise et les éléments justifiant ce retard après en avoir discuté avec M. du Mesnil.
Cela étant, permettez-moi de vous citer quelques chiffres concernant la prévision actuelle d’évolution de la dette de RFF. Celle-ci passera de 28,2 milliards d’euros en 2008 à 31,3 milliards d’euros en 2012. Donc, je suis d’accord avec vous, il y a là un vrai sujet de préoccupation, que nous prenons en main au travers du contrat de performance précité.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour la réplique.
M. Michel Teston. Mon constat n’est pas tout à fait le même que celui de M. le secrétaire d’État : à ma connaissance, la dette de RFF ne diminue pas et continue de progresser.
M. Jacques Blanc. C’est ce qu’a dit M. le secrétaire d’État !
M. Michel Teston. À mon sens, il y a une très grande urgence à arrêter une solution efficace pour résorber l’énorme dette de RFF, et ce pour deux raisons principales.
D’une part, RFF a de plus en plus de mal à refinancer, à échéances régulières, sa dette auprès des marchés financiers, alors même que les taux d’intérêt sont relativement bas. Comme je l’ai indiqué précédemment, qu’en sera-t-il si les taux d’intérêt remontent ?
D’autre part, le risque existe que, sur proposition d’Eurostat, structure équivalente à l’INSEE au niveau de l’Union européenne, la Commission européenne intègre le déficit de RFF dans celui des administrations publiques, avec, pour conséquence, d’alourdir encore le déficit budgétaire.
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Madame la ministre, dans un rapport rendu public, la Cour des comptes dénonce l’inadaptation du réseau de transports de l’agglomération parisienne aux besoins de la population. Elle s’appuie sur des exemples concrets, comme la saturation totale de la ligne 13 du métro et de la ligne B du RER, dont le taux d’irrégularité culmine à plus de 21 %.
La Cour des comptes va plus loin, mettant en cause la stratégie parfois hasardeuse du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, et des deux opérateurs historiques, la RATP et la SNCF, qui n’ont pas su faire, depuis des années, les investissements nécessaires à l’amélioration de l’état du réseau, les travaux engagés ayant en outre fait l’objet de retards et de surcoûts vertigineux.
Madame la ministre, ce constat officiel ne fait que confirmer ce que vivent, chaque jour, des millions de Franciliens confrontés à des transports vieillissants, saturés, irréguliers, malpropres, qui les obligent souvent à passer par Paris pour un déplacement de banlieue à banlieue.
Conscient de ces difficultés, quotidiennes et insupportables, le Gouvernement a lancé l’an dernier le projet de loi sur le Grand Paris, prévoyant une double boucle de métro automatique, le Grand huit, tandis que la région travaille sur le projet Arc Express.
Au Sénat, lors de l’examen du texte, nous avons été nombreux, notre rapporteur Jean-Pierre Fourcade en tête, à soutenir un projet innovant et efficace. Mais nous avons également tous plaidé pour que des travaux soient engagés, rapidement et parallèlement à ceux qui sont prévus, afin de répondre aux difficultés rencontrées par nos concitoyens, notamment de banlieue, dans leurs déplacements, qu’ils soient professionnels ou familiaux.
Dans cet hémicycle, et dans le cadre du débat public sur le Grand Paris, j’ai défendu l’élaboration d’un nouveau contrat de projet global sur les transports en Île-de-France, qui permettrait de traiter le quotidien, actuel et à venir.
Cela passe obligatoirement par un effort accru de l’État, de la région, des collectivités territoriales, mais aussi des usagers et des entreprises, les travaux nécessaires se chiffrant à plusieurs milliards d’euros.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer où en est le Gouvernement sur cette question, sur le rapprochement entre le Grand huit et Arc Express et sur la nécessaire approche globale pour répondre à l’exaspération des Franciliens ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Monsieur Gautier, l’État est très attentif au maintien et à l’amélioration de la qualité du service offert aux usagers des transports collectifs en Île-de-France. J’ose ajouter que, en tant qu’élue locale, je suis une assez bonne spécialiste des questions relatives aux lignes B et C du RER, ce qui m’amène à dresser un constat sévère sur le sujet.
Aujourd’hui, les enjeux sont de plusieurs natures : la rénovation des infrastructures existantes, le renouvellement du matériel roulant – c’est une problématique à laquelle on songe trop peu – et la création d’infrastructures nouvelles pour répondre aux besoins toujours plus pressants et à la forte hausse, citée dans le rapport de la Cour des comptes, de la demande en Île-de-France.
Des efforts importants ont déjà été engagés.
Pour l’État, ils se chiffrent à 1,4 milliard d’euros. Parmi ces investissements, on trouve le prolongement de la ligne 4 du métro. Thierry Mariani et moi-même avons d’ailleurs assisté, cette semaine, au percement du tunnel qui reliera la station Porte-d’Orléans à la future station Mairie-de-Montrouge ; cette dernière entrera en service en 2012 et accueillera 40 000 voyageurs par an.
Les entreprises de transport collectif s’engagent aussi de leur côté et dépenseront 4 milliards d’euros pour améliorer le réseau à l’échéance de 2012.
Cela étant dit, ces efforts ne suffiront effectivement pas.
C’est pourquoi, l’État et l’ensemble des collectivités locales ayant conscience, quelles que soient, parfois, leurs divergences d’approche, de la nécessité de réinvestir lourdement, nous avons lancé le projet du Grand Paris. Le Président de la République a annoncé un programme d’investissement de 35 milliards d’euros en faveur des transports collectifs en Île-de-France.
Ce programme regroupe en fait deux familles de projets d’infrastructures de transport.
D’une part, la réalisation de la rocade par métro automatique a été inscrite dans la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. Le débat public sur ce projet et sur le projet Arc Express est en cours : il permettra de confronter et, éventuellement, d’articuler les deux propositions et sera suivi d’un travail de synthèse conjoint entre l’État et la région, pour envisager, comme – je le crois – nous l’espérons tous, un rapprochement des deux projets.
D’autre part, des programmes d’amélioration et d’extension du réseau actuel sont envisagés. On trouve ainsi, dans les priorités du Grand Paris, des améliorations des lignes C et D du RER, dans le but d’assurer, enfin, leur fiabilité et leur régularité, ainsi que le prolongement de la ligne Éole à l’ouest de La Défense.
Pour concrétiser la mise en place des moyens apportés par l’État sur ces projets, une lettre donnant mandat au préfet de région est en cours de préparation, afin que soit négocié un avenant au contrat de projet en Île-de-France. Cela sera donc fait très rapidement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour la réplique.
M. Jacques Gautier. Madame la ministre, en tant qu’utilisatrice du RER, habitant l’Essonne, vous connaissez effectivement tous ces problèmes. Il était temps, me semble-t-il, que l’État prenne en compte cette réalité et il faut vraiment qu’à l’issue du débat public nous arrivions à trouver le meilleur projet pour la région parisienne, en songeant non seulement au court terme, mais aussi au long terme.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais utiliser ces deux minutes et demi qui me sont conférées…
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. Pour ne rien dire !
M. Jean-Pierre Sueur. Je dis toujours quelque chose, M. Jacques Blanc le sait très bien !
M. Jacques Blanc. Mais je n’ai rien dit !
M. Jean-Pierre Sueur. Dont acte !
Je tiens à évoquer devant vous un rapport d’information sénatorial, intitulé Sécheresse de 2003 : un passé qui ne passe pas. (L’orateur brandit ledit document.) Celui-ci est l’œuvre de Jean-Claude Frécon et Fabienne Keller, au nom d’un groupe de travail constitué par la commission des finances et qu’a présidé Éric Doligé.
Vous n’ignorez pas, madame la ministre, que la gestion des suites de la sécheresse de 2003 pose de très nombreux problèmes. Une première somme a été attribuée, puis une rallonge, mais, comme tout le monde le sait, celles-ci ont été notoirement insuffisantes.
Par ailleurs, les conditions dans lesquelles les communes ont été ou non déclarées zones sinistrées sont éminemment contestables.
Il est ainsi des départements – l’un d’eux, curieusement, est cher à tel personnage éminent dans notre République – où pratiquement toutes les communes ont été déclarées sinistrées, cependant que d’autres départements ont été délaissés.
M. Roland Courteau. Ainsi va la vie !
M. Jean-Pierre Sueur. Pour ce qui est des caractéristiques météorologiques et géologiques ayant permis de faire la distinction, j’avais déjà proposé à cinq membres des gouvernements précédents qui ont eu à s’occuper de la question de venir sur place m’expliquer pourquoi la commune de Dammarie-sur-Loing était considérée comme sinistrée, alors que celle de Beauchamps-sur-Huillard ne l’était pas.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. Dans le Loiret !
M. Jean-Pierre Sueur. Exactement !
Ils ont renoncé au voyage, car naturellement, les raisons invoquées ne tenaient pas.
Cette intervention est donc un prélude : j’ai déposé, avec plusieurs de mes collègues, quatre amendements sur le sujet et je les présenterai tout à l’heure. J’espère, madame la ministre, que vous n’allez pas nous répondre que la question relève d’un autre ministre, que cela n’est pas le sujet ou qu’il n’y a pas de moyens, parce que l’attente existe !
On nous a dit cent fois que cette question serait examinée avec une toute particulière attention. J’espère que vous n’allez pas décevoir nos espérances.
M. Roland Courteau. Et toujours remettre à plus tard !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Je viendrai toujours avec plaisir chez vous, monsieur Sueur, mais, en l’occurrence, je n’ai pas besoin de faire le voyage pour comprendre le drame que ce sujet a représenté et les incohérences qu’il a entraînées.
En effet, dans ma propre circonscription, se trouve un canton où certaines communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle et d’autres non. Celui-ci a en effet été traversé par la ligne de partage établie en 2003 en croisant, comme vous le savez, des cartes météorologiques, avec tout ce qu’elles peuvent avoir de théorique sans forcément correspondre à la réalité ressentie, et des cartes géologiques. Or les frontières de la géologie ne recoupent pas forcément les frontières communales : c’est une réalité !
Disant cela, je n’oublie aucunement qu’il y a, derrière cette situation, de véritables drames.
M. Roland Courteau. Exact !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Des personnes ont vu leur maison se fissurer, et ce de manière très visible : quand je parle de fissures, il s’agissait parfois d’ouvertures à travers lesquelles on pouvait passer la main. Certaines maisons sont devenues totalement invendables, d’autres partiellement inhabitables. Dans ces conditions, il est de toute évidence extrêmement difficile de comprendre et même de supporter qu’une question de frontières administratives puisse notamment être invoquée.
À l’issue de cette catastrophe, des leçons ont été tirées et, aujourd’hui, les choses ne se passeraient pas de la même manière. Une procédure exceptionnelle, dotée de 218,5 millions d’euros, a été mise en œuvre au titre de la solidarité nationale, pour pouvoir faire droit aux demandes des habitants des communes qui n’avaient pas été reconnues en état de catastrophe naturelle.
Il faut tout de même noter que les particuliers sinistrés de plus de 80 % des 8 400 communes concernées ont bénéficié d’une indemnisation soit par le régime classique des catastrophes naturelles, soit par la procédure exceptionnelle.
Aujourd’hui, même si effectivement cette question ne dépend pas entièrement du ministère dont j’ai la charge, je peux vous le dire : il n’est pas prévu de rouvrir le dossier.
M. Roland Courteau. On remet toujours à plus tard !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. En revanche, cette question renvoie au projet de réforme du régime des catastrophes naturelles, qui est traité dans le cadre de réunions interministérielles.
La direction générale du Trésor propose que la reconnaissance des catastrophes naturelles se fasse conformément à l’avis d’une commission d’experts pour « objectiver » la décision, que la prime additionnelle soit modulée en fonction de la situation de risque pour responsabiliser l’assuré et, enfin, que soit individualisée la partie de la prime additionnelle destinée au fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier ».
Vous l’aurez compris, il y a encore aujourd’hui discussion sur l’évolution du régime de catastrophe naturelle. Nous considérons pour notre part que les outils de prévention, quand ils sont mis en œuvre, doivent, au contraire, faire l’objet d’un bonus. Nous craignons les évolutions liées à l’individualisation du prélèvement.
Monsieur le sénateur, je ne méconnais pas les drames auxquels vous faites allusion et je comprends que cette réponse ne puisse pas totalement vous satisfaire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.