M. Michel Teston. S’agissant du fret, on notera que figurent dans le budget non pas les 7 milliards d’euros prévus dans l’engagement national pour le fret, mais seulement 200 millions d’euros, dont le Gouvernement a annoncé qu’ils seraient affectés pour l’essentiel à la future autoroute ferroviaire ouest.
L’État est donc en retrait par rapport à l’engagement pris, et ce contrairement à la SNCF, principal opérateur de fret, qui va, comme cela avait été prévu, répartir 1 milliard d’euros sur cinq années, soit 200 millions d’euros par an, pour développer son activité en la matière.
Les ressources de l’AFITF progressent de 15 % par rapport à l’exercice 2010. En fait, la subvention d’équilibre de l’État est identique à celle de la loi de finances initiale pour 2010 : 974 millions d’euros. Elle compense le report de la taxe poids lourds en 2012 ou en 2013.
La progression des ressources de l’Agence provient d’une dotation exceptionnelle de 400 millions d’euros, qui fait suite à la mise en concession autoroutière de l’A63 en 2010. À ce stade, il est très difficile de vérifier que cette « manne » de 400 millions d’euros figurera bien, en définitive, dans les comptes 2011 de l’AFITF.
Parmi les ressources extrabudgétaires appelées à financer les trains d’aménagement du territoire – ce qu’on appelle les Corail Intercités –, en plus des 180 millions d’euros en provenance des amendes-radars et d’une fraction de la taxe d’aménagement du territoire payée par les sociétés d’autoroutes qui se limite à 35 millions d’euros, une nouvelle ressource est constituée par la création d’une taxe acquittée par les entreprises de transport ferroviaire de voyageurs, affectée à un nouveau compte d’affectation spéciale.
Cette contribution de 175 millions d’euros, qui ne se limite pas aux seuls billets de TGV, sera essentiellement supportée par la SNCF dans le cadre du contrat de service public conclu avec l’État. La SNCF la répercutera inévitablement sur les tarifs. Une fois encore, c’est l’usager qui va payer !
L’État a présenté récemment l’avant-projet de schéma national des infrastructures de transport, document qui fait l’objet d’un groupe de suivi au Sénat. Lors d’une récente audition devant la commission de l’économie, M. Borloo avait indiqué que ce schéma était non pas programmatique mais stratégique. Il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre de projets sont précisément fléchés, d’où les interrogations suivantes : selon quelles priorités ? Selon quels modes de financement, sachant que certains projets ont besoin d’être précisés et adaptés ?
M. Roland Courteau. En effet !
M. Michel Teston. Pour les réseaux à grande vitesse à réaliser et les grandes lignes classiques à aménager, il est essentiel de respecter les engagements pris, tant en matière de trajet que de temps de parcours. Il convient donc que le Gouvernement précise les modalités de concertation avec les représentants de chaque territoire, de telle sorte que le schéma définitif réponde réellement aux besoins d’aménagement du territoire.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Michel Teston. Avec la baisse des concours de l’État à RFF et la privatisation des sociétés d’autoroutes par le Gouvernement Villepin, privatisation qui a constitué une erreur, et même une faute politique majeure…
M. Roland Courteau. Oh que oui !
M. Michel Teston. … en privant l’AFITF de ressources pérennes, c’est l’épargne populaire qui va être appelée à financer davantage les infrastructures de transports.
Opposé à ces orientations, le groupe socialiste ne votera pas les crédits du programme 203.
J’en viens maintenant aux programmes spécifiquement consacrés à l’environnement, notamment les programmes 113, et 117.
Les membres majoritaires de la commission de l’économie, du développement durable, et de l’aménagement du territoire du Sénat se sont montrés très critiques à l’égard des normes liées à la politique environnementale du Gouvernement. Ces critiques les ont amenés à demander le rejet des programmes concernés. Les échanges qui ont eu lieu lors de la réunion de la commission ont montré que l’esprit et l’ambition du Grenelle de l’environnement avaient définitivement disparu.
Si les sénateurs socialistes ont, eux aussi, dénoncé certaines lourdeurs administratives, ils n’en ont pas moins rappelé que la plupart des difficultés rencontrées par les élus étaient les conséquences directes de la RGPP.
Dans ce contexte, le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. René Vestri.
M. René Vestri. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les questions environnementales touchent chaque citoyen dans son quotidien et son avenir.
Le Président de la République, dès son élection, a fait de la lutte contre le réchauffement climatique l’une de ses priorités, car notre pays a le devoir de participer au défi mondial de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
D’après un récent sondage, 74 % des Français jugent que l’augmentation des températures observée depuis un siècle est due, essentiellement, aux effets de l’activité humaine.
Il y a donc urgence à mettre en œuvre tous les moyens pour lutter contre le changement climatique, comme il y a urgence à lutter contre la dégradation de la biodiversité.
Aujourd’hui, c’est dans un contexte de rigueur budgétaire que nous sommes appelés à examiner les crédits consacrés à la mission « Écologie, développement et aménagement durables » et à ses quelque onze programmes.
Je constate que le budget de la mission pour 2011 se stabilise après deux années de dotations exceptionnelles, notamment au titre du plan de relance, qui a donné une formidable accélération à notre politique en matière de développement durable, avec un investissement de l’État et des entreprises publiques de 5 milliards d’euros en deux ans. Je note que, malgré la « non-reconduction » de ce plan en 2011, les crédits seront stables, à hauteur de 9,5 milliards d'euros en 2012 et de 9,48 milliards d'euros en 2013.
Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit de porter les crédits du programme Prévention des risques à 373,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 303,6 millions d’euros en crédits de paiement, avec une forte augmentation – de plus de 8 % – pour les autorisations d’engagement, afin de répondre à trois priorités : la réalisation des plans de prévention des risques technologiques, la mise en œuvre du plan Digues et l’application des mesures du Grenelle de l’environnement.
Je félicite l’ADEME, qui amplifie son action de soutien au projet de chaleur renouvelable ainsi que son action en faveur de la dépollution des sites industriels et du traitement des déchets, en portant la programmation sur les actions du Grenelle à 500 millions d’euros par an, contre 320 millions d'euros il y a deux ans.
En revanche, je m’interroge sur la capacité de l’État et des collectivités locales à mettre en œuvre les projets de trame verte et bleue, pour cause de financement du programme. Nous devons donner les moyens nécessaires aux différents acteurs impliqués dans cette mission, car, pour réussir cet engagement voulu par le Président de la République, il faut des investissements. Certes, la protection de l’environnement a un coût, mais notre devoir n’est-il pas de laisser un « héritage durable » aux générations futures ?
En cette année internationale de la biodiversité, je constate avec regret que les crédits consacrés à cette cause internationale n’ont pas évolué. Pourtant, la préservation de la biodiversité recèle bien plus d’enjeux qu’il n’y paraît, car la biodiversité joue un rôle crucial dans l’équilibre des écosystèmes ou leur dépendance aux ressources naturelles. Elle est également un enjeu pour les entreprises, qui sont encore très loin d’avoir intégré le sujet dans leur politique de développement durable.
D’ailleurs, la décision de déclarer 2010 « Année internationale de la biodiversité » témoigne de la prise de conscience à l’échelle mondiale des efforts déployés jusqu’ici pour enrayer le processus de perte de la biodiversité : diversité des gènes, des espèces et des écosystèmes.
Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, la biodiversité s’écroule 1 000 à 10 000 fois plus vite que son rythme naturel et une espèce de mammifère sur quatre est menacée d’extinction.
La disparition de la biodiversité serait une catastrophe planétaire, car celle-ci est essentielle à notre vie quotidienne, depuis la nourriture jusqu’aux vêtements que nous portons, en passant par les médicaments que nous utilisons.
À l’issue de la 10e conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur la diversité biologique à Nagoya, le 29 octobre 2010, les 193 États membres ont conclu un accord sur les trois piliers de cette convention. Il définit vingt objectifs à l’horizon 2020 et arrête quelques mesures phares. Celles-ci concernent notamment : la préservation des espèces menacées d’extinction ; les subventions à la pêche et à l’agriculture qui devront être réduites progressivement et remplacées par des incitations positives en faveur de la conservation des écosystèmes ; la réduction de moitié des destructions d’habitats naturels, y compris les forêts ; la restauration de 15 % des habitats dégradés, étant entendu qu’au moins 17 % des zones terrestres et d’eaux intérieures et 10 % des zones marines et côtières devront être conservées au moyen de réseaux écologiques et d’aires protégées.
Certains objectifs de cet accord ne peuvent que satisfaire l’élu du littoral méditerranéen que je suis, fondateur, en 1989, de SOS Grand Bleu, association de protection des mammifères marins qui regroupe 150 associations européennes de protection de l’environnement et de la biodiversité, et acteur parmi d’autres du projet Pelagos, qui a abouti à un accord entre l’Italie, Monaco et la France pour la création d’un sanctuaire marin en Méditerranée.
Avec ses départements et collectivités d’outre-mer, la France présente une biodiversité exceptionnelle.
Je me permets de rappeler le rôle essentiel que jouent les océans, notamment en raison des ressources qu’ils recèlent, des activités économiques qui en dépendent ainsi que des enjeux scientifiques et technologiques majeurs qui y sont liés du fait de leur influence sur le climat. L’exploitation des richesses de la mer est essentielle pour l’homme. Mais cette exploitation doit désormais s’effectuer dans une perspective à long terme de gestion durable, perspective dans laquelle le maintien du bon état écologique des océans et des mers constitue une exigence incontournable.
À juste titre, lors de son récent discours de politique générale le Premier Ministre a déclaré : « Le développement durable constitue, lui aussi, un instrument de notre croissance. [...] L’écologie créative, et non punitive, est une source d’emplois. »
Évidemment, on continue à massacrer les baleines, ce que le défenseur des mammifères marins et de la faune marine en général que je suis ne peut que dénoncer.
Je ne saurais d’ailleurs conclure mon intervention sans évoquer le sort du thon rouge. J’ai déjà posé une question orale sur le rejet par les pays riverains de la Méditerranée, dont la France, de la proposition tendant à inscrire le thon rouge à l’annexe 1 de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. Sans vouloir polémiquer avec les thoniers, je pense que la disparition du thon rouge de Méditerranée aurait des conséquences dramatiques sur l’ensemble des écosystèmes. Or, seules l’autorisation d’une pêche industrielle réglementée et l’interdiction de pêcher dans les zones de frai pendant la période de reproduction pourraient sauver cette espèce menacée d’extinction.
Permettez-moi de conclure sur cette citation du chef amérindien Seattle : « Lorsque l’homme aura coupé le dernier arbre, pollué la dernière goutte d’eau, tué le dernier animal et pêché le dernier poisson, alors il se rendra compte que l’argent n’est pas comestible. » C’était en 1854. (M. Jean-François Le Grand applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, compte tenu de l’heure et dans un souci de simplicité, je présenterai les grandes lignes de ce budget pour l’ensemble des domaines couverts par mon ministère, avant que, dans la suite de l’examen de ces crédits, Thierry Mariani et moi-même ne répondions tout à l'heure à vos questions plus ponctuelles.
Le projet de budget que j’ai l’honneur de vous présenter dans le cadre de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » exprime une volonté : la mise en œuvre le Grenelle de l’environnement, et je fais là écho aux propos de Fabienne Keller. Cette volonté est celle du Président de la République et elle était au cœur, cette semaine, de la déclaration de politique générale du Premier ministre. Elle animera notre action au sein du ministère.
Ce budget est bâti sur des convictions fortes, d’autant plus fortes, dirai-je, que le contexte économique est difficile.
Du reste, la situation économique est justement l’une des raisons essentielles qui nous poussent à suivre la feuille de route du Grenelle de l’environnement. En effet, les premiers résultats sont déjà là pour attester le bien-fondé de nos choix. Il faut maintenant les inscrire dans la durée. Le Grenelle de l’environnement est créateur d’emplois, de compétitivité, et c’est la première des convictions sur lesquelles repose ce budget.
Oui, nous sommes en train de bâtir un nouveau modèle économique, respectueux de l’environnement et créateur d’emplois. Oui, monsieur Deneux, nous investirons dans la formation, car nous sommes convaincus que celle-ci est nécessaire.
Ce budget repose aussi sur la conviction selon laquelle l’augmentation de la dépense publique ne saurait en aucune façon être une réponse aux enjeux du temps présent. L’heure est bien plutôt à l’innovation et à la création.
Cela peut surprendre parce que ce budget bénéficie en réalité d’un effort d’investissement considérable.
Aujourd’hui, la programmation financière du Grenelle de l’environnement – 19 milliards d'euros sur 2009-2011 – est en passe d’être atteinte. Viennent s’y ajouter les investissements du plan de relance – 5 milliards d'euros – et les 10 milliards d’euros supplémentaires du grand emprunt national pour les investissements d’avenir qui sont fléchés vers des dépenses qui intéressent mon action.
Pour autant, et je vais m’efforcer de vous en convaincre par des exemples précis, ce budget est construit dans un esprit de responsabilité. Nous concentrons nos efforts sur trois axes.
D’abord, nous réalisons des économies sur le coût des niches fiscales. Je tiens ici à rassurer Fabienne Keller : nous avions déjà pris les mesures réduisant le coût du CIDD, le crédit d’impôt en faveur des économies d’énergie et du développement durable, de 200 millions d'euros en 2010, et ce sans freiner les travaux.
Ensuite, nous mettons en œuvre des réformes et une réduction des effectifs, dans le cadre d’une réorganisation élaborée selon les priorités fixées par le Grenelle de l’environnement.
Enfin, nous engageons une maîtrise des dépenses, en compensant la baisse de 2 % des crédits budgétaires par une légère progression des ressources extrabudgétaires, qui, vous le savez, sont importantes dans ce périmètre.
J’évoquerai maintenant chacun des principaux domaines de compétence du ministère dont j’ai la charge, en tâchant de répondre aux nombreuses questions qui ont été posées et en montrant que ces orientations appellent des choix budgétaires cohérents.
Je commencerai par la politique des transports, que nous souhaitons organiser selon trois lignes de force.
Il s’agit d’abord de favoriser le recours aux modes de transport durables. Il convient ensuite de renforcer l’entretien et la rénovation des réseaux, ce que vous êtes nombreux à avoir souligné. Il faut enfin soutenir les acteurs de la mobilité durable dans un contexte d’ouverture à la concurrence, qui est une source d’opportunité mais aussi un défi.
Pour favoriser les transports durables, l’État poursuivra en 2011 la politique de relance des transports collectifs, avec une deuxième tranche de l’enveloppe de 810 millions d'euros pour les 50 projets retenus en 2009. Il aidera par ailleurs au démarrage des projets du deuxième appel à projets du mois de mai 2010, et les représentants des collectivités territoriales que vous êtes ne manqueront pas d’y être sensibles.
En complément des interventions du budget général, l’AFITF est bien évidemment un acteur privilégié. Je tiens dès maintenant à rassurer ceux d’entre vous, notamment Marie-Hélène Des Esgaulx et Francis Grignon, qui s’inquiéteraient de son équilibre financier.
L’année 2011 devrait permettre à cette structure de mettre en place près de 2,2 milliards d’euros en crédits de paiement. Au-delà, la mise en œuvre de la taxe poids lourds, dont je vous confirme, monsieur Nègre, la mise en place pour 2012, viendra prendre le relais de la subvention d’équilibre.
M. Roland Courteau. On verra !