M. Marcel Deneux. En revanche, je salue l’avancée des travaux et des projets de travaux sur les lignes à grande vitesse.
La France dispose du deuxième domaine maritime mondial, mais de seulement 7 % des parts de marché du trafic conteneurisé sur les façades européennes. La France n’a pas la place qu’elle mérite dans les affaires maritimes. Le programme 205, Sécurité et affaires maritimes, manque d’ambition, à l’heure où 90 % du commerce extérieur de l’Union européenne est assuré par le transport maritime !
Le SNIT, qui ne consacre que 1,5 % de son enveloppe au développement des ports maritimes, manque totalement d’ambition si on le compare aux projets d’aménagement décidés et exécutés à Anvers, à Barcelone ou à Rotterdam, qui sont nos premiers concurrents. Pourtant, il y a de quoi faire, entre la création de nouveaux terminaux à Dunkerque ou au Havre, et le développement de l’intermodalité avec le fret fluvial, ferroviaire et routier.
Heureusement, à défaut d’être ambitieux sur le fret maritime, l’État avance sur la question du fluvial. Le sénateur de la Somme que je suis se réjouit de l’avancée des travaux préparatoires à la construction du canal Seine-Nord Europe. Le dossier de financement a bien progressé au cours des dernières semaines, avec l’obtention de l’accord des collectivités territoriales. Il appartient maintenant à l’État de le finaliser. Ce dossier est très important et nous y sommes très attachés pour l’avenir. Je compte sur votre vigilance, madame la ministre.
Il existe une marge d’intervention de l’État en ce domaine pour mener à bien le développement du transport maritime et fluvial, mais il faut absolument privilégier les dépenses d’avenir, trop faibles par rapport aux dépenses de fonctionnement, par exemple.
Cela étant dit, je salue l’utilisation du fonds Barnier pour le financement du plan de prévention des submersions marines et des crues rapides, qui a été mobilisé, notamment lors de la tempête Xynthia.
J’ai présidé la commission d’enquête sur les inondations de la Somme, il y a quelques années. Il faudra veiller à la pérennité de l’abondement du fonds, si l’on en multiplie les emplois.
Je souhaite, en revanche, tirer la sonnette d’alarme au sujet de la compétitivité de la filière des biocarburants, qui s’est fortement dégradée depuis l’année dernière, en fonction de la conjoncture des matières premières. Il est souhaitable, pour cette filière, de prévoir dès maintenant le niveau de défiscalisation du bioéthanol et du biodiesel pour l’après-2011 puisque, jusque-là, la question est réglée.
Bien entendu, la concertation entre les différents acteurs de cette filière et les pouvoirs publics est indispensable – au demeurant, elle est déjà engagée – et ses mécanismes doivent permettre d’ajuster les aides qui sont destinées à ladite filière, sachant qu’elle est en cours de structuration, que ses investissements ne sont pas encore amortis et qu’elle doit consentir des dépenses de recherche pour les biocarburants de deuxième génération dont nous avons besoin. Cette concertation est déjà engagée.
Le dialogue doit donc se poursuivre, tout comme doit perdurer le soutien de l’État. Ce dialogue avait été engagé par un groupe de travail présidé par Alain Prost. Ce groupe ne s’est pas réuni depuis trois ans : c’est parfaitement anormal. Eu égard à la concertation avec les pouvoirs publics souhaitée par la filière, il faut, madame le ministre, pouvoir réunir ce groupe.
Concernant la biodiversité, enfin, je souhaite rappeler que M. Borloo avait annoncé la création d’une agence de la nature. C’est une bonne idée, qui pourrait donner de la lisibilité à la politique de la biodiversité. Elle permettrait de mettre en commun les fonctions de connaissance et d’action dans les domaines où les initiatives sont nombreuses et le potentiel d’emplois non négligeable.
J’espère que nous aurons bientôt des éléments permettant d’apprécier la mise en œuvre de cette nouvelle agence. M. Bruno Sido vous en a parlé et je pense que nous aurons des éclaircissements dans votre réponse, madame la ministre.
Pour conclure, je souhaite rappeler que, depuis l’élection présidentielle de 2007 et la mise en œuvre de la vaste réflexion environnementale qui en a découlé, beaucoup de choses ont changé sur le plan législatif, ainsi que sur le plan réglementaire.
Cette période a été marquée, au niveau de l’opinion française, par une prise de conscience des problèmes environnementaux, qui était nécessaire, et l’on peut dire que cette phase pédagogique a été utile.
Mais il ne faut pas s’y méprendre : la France n’est pas devenue subitement majoritairement écologiste ! Au mieux, la réflexion sur les problèmes environnementaux a maintenant droit de cité, grâce à l’acceptation de la lutte contre l’augmentation des gaz à effet de serre, qui est la meilleure approche intellectuelle de ce problème pour l’opinion publique.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Marcel Deneux. Seulement, depuis, il y a eu la crise économique. Pour les temps qui viennent, madame la ministre, il nous faut trouver le bon équilibre en matière de développement durable. Et, dans « développement durable », il y a « développement » : il faudra y penser toujours !
Or, dans beaucoup de secteurs de la production industrielle comme dans celui de l’agriculture, des corrections – pour ne pas dire des coupes budgétaires – sont en cours. Si l’on veut faire du développement, il faut mettre ces corrections au service de la relance économique.
Vous avez, madame la ministre, le profil intellectuel parfait pour accomplir la mission qui est la vôtre. (Sourires.) Vous connaissez exactement les liaisons nécessaires entre économie et écologie. Mettez vos compétences en valeur !
Le Sénat a souhaité conserver dans les compétences d’une même commission les domaines de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, estimant que l’efficacité serait meilleure si les discussions sur ces thèmes avaient lieu dans une même enceinte. Je souhaite que cet exemple serve à guider votre action et celle du Gouvernement. Vous nous trouverez toujours proches de vous pour vous aider à mettre en œuvre des solutions raisonnables pour l’environnement, le développement durable et l’avenir du pays. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je crois que nous devrions faire en sorte d’entendre, avant la suspension du dîner – suspension nécessaire pour chacun d’entre nous, mais surtout pour le personnel du Sénat, sachant que la séance va se prolonger assez tard dans la nuit –, tous les autres orateurs inscrits, puis la réponse de Mme la ministre.
Aussi, j’invite chacun des intervenants à ramasser le plus possible son propos.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Madame la ministre, à mon tour, je vous souhaite de nouveau la bienvenue dans cette enceinte. Comme mes collègues, je vous retrouve avec plaisir.
Il est clair que cinq minutes ne permettent pas de faire une analyse correcte du budget, mais je vais néanmoins essayer de soulever quelques problèmes qui me paraissent essentiels.
Nous voudrions, d’entrée de jeu, exprimer notre désaccord concernant le transfert du dossier de l’énergie à un autre ministère. Cette réorganisation, qui manifeste un changement dans l’ordre des priorités du Gouvernement, devrait avoir des incidences sur le périmètre budgétaire futur. Il s’agit d’un accroc de plus au Grenelle de l’environnement, d’autant que la loi de finances marque un recul sur les ambitions affichées dans plusieurs domaines.
Par exemple, nous avons entendu que les subventions aux associations allaient diminuer. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet ? L’implication de ces associations dans le Grenelle a pourtant démontré que leur vitalité était nécessaire à la qualité des débats. Elles ont été des piliers dans ce domaine.
Permettez-moi de citer les mots de Bruno Genty, président de France nature environnement : « Le budget 2011 manque de souffle écologique. Pis, il entame une marche arrière. Nous appelons le Parlement à regarder vers l’avenir, qui sera écologique ou d’une couleur bien sombre. Nous ne pouvons plus vivre au-dessus des moyens de la planète. »
Je crois vraiment que nous devons à ces associations un traitement correct.
De façon globale, ces crédits se placent très nettement dans la perspective de la RGPP, donc de la réduction de l’action publique, alors même que l’ensemble des mesures du Grenelle appellent un engagement financier sans précédent.
Ainsi, le ministère de l’écologie a perdu globalement plus de 12 000 postes depuis 2008, dont 3 853 dans le projet de loi de finances pour 2011.
M. Roland Courteau. C’est un signe !
Mme Évelyne Didier. Or moins d’agents publics, cela signifie moins de moyens d’expertise, ce qui nous semble préjudiciable à la réalisation des engagements du Grenelle.
Nous allons atteindre un seuil critique en dessous duquel il n'y aura plus de savoir-faire. Cette perte de capacité et d’expertise est d'ailleurs souvent utilisée pour justifier ensuite un transfert tout à fait dommageable de l’activité publique vers le secteur privé : c’est un comble !
J’en viens aux crédits eux-mêmes, et plusieurs remarques s’imposent à cet égard.
Tout d'abord, comment ne pas déplorer le transfert, qui est symptomatique, même si les sommes en jeu ne sont pas considérables, de 3,7 millions d'euros du programme Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources vers le programme Enseignement supérieur et recherches agricoles ? Même si ce second programme a lui aussi besoin d’être abondé, un tel déplacement de crédits est incompréhensible au moment où le ministère de l’agriculture vient d’annoncer qu’il va débloquer plus de 11 millions d’euros pour les producteurs de tabac. Madame la ministre, il faut savoir faire les bons choix !
Par ailleurs, l’engagement d’un « urbanisme de projet » marque en réalité la reprise en main par l’État de certains territoires clefs, comme en témoigne, notamment, la loi sur le Grand Paris.
À l’inverse, l’État se désengage de ses missions premières, dont le soutien aux communes. À ce titre, je veux évoquer l’inquiétude qu’a suscitée chez les maires du département dont je suis l’élue la réponse donnée par le préfet : alors qu’il était interpellé sur les difficultés d’instruction des permis de construire, celui-ci a reconnu l’incapacité de l’État à apporter aux communes l’aide prévue par la loi. Plus encore, il a justifié cette impuissance par la RGPP et la baisse des effectifs au sein des services de la préfecture !
Au travers de cet exemple, nous voyons bien que la réduction du nombre des fonctionnaires conduit l’État à renoncer à sa mission d’aide aux communes, ce que nous ne pouvons admettre.
Par ailleurs, je m’étonne que la subvention pour charges de service public de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l’ANGDM, soit diminuée, à hauteur de 50 millions d’euros, et que le Gouvernement envisage, pour masquer ce désengagement, d’effectuer un prélèvement exceptionnel sur le fonds de roulement de l’Agence. Cette pratique est totalement inadmissible, même si ce n’est pas la première fois, vous le savez, madame la ministre, que l’État utilise des fonds qui ne lui appartiennent pas. Chacun se rappelle comment il a puisé dans les ressources des agences de l’eau, par exemple.
J’évoquerai également la baisse de la contribution au profit de l’ADEME, qui est censée être compensée par les nouvelles ressources liées à la TGAP. En effet, l’évolution de la fiscalité écologique ne devrait pas servir de prétexte pour diminuer la contribution de l’État aux charges de service public, qui passent de 107 à 82 millions d’euros, d’autant qu’une pause serait la bienvenue en matière de TGAP, pour nous permettre d’y voir plus clair. Le groupe « Déchets » du Sénat demande, à l'unanimité, que soit évalué dès 2011 l’impact de cette taxe et de l’augmentation prévue.
Nous constatons que les politiques successives de libéralisation ont également mis à mal la sécurité de nos approvisionnements énergétiques.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Évelyne Didier. L’entreprise EDF est malmenée et obligée de vendre son électricité à moindre coût à d’autres opérateurs. Tout cela se solde, une nouvelle fois, par une hausse des tarifs réglementés. On nous avait affirmé que la concurrence provoquerait des baisses de prix… Ai-je vraiment besoin de préciser que ce n’est pas le cas ?
M. Roland Courteau. Cela n’a jamais été le cas !
Mme Évelyne Didier. Existe-t-il encore une politique publique de l’énergie qui soit vraiment au service de la population ?
M. Roland Courteau. Non !
Mme Évelyne Didier. Pour terminer sur une note positive, je note avec satisfaction la promesse de l’instauration de la taxe poids lourds. Toutefois, madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des précisions à cet égard ? Quand et comment cette imposition sera-t-elle mise en œuvre ? Pour ma part, je considère que le plus tôt sera le mieux.
En tout cas, j'espère qu’il s'agit là d’un engagement ferme, cette taxe permettant de dégager de nouveaux financements pour répondre à l’objectif de rééquilibrage modal qui a été fixé par le Grenelle et dont tous les orateurs qui m’ont précédée ont souligné l’importance.
Parce que les crédits annoncés ne permettront pas de traduire concrètement les engagements du Grenelle, nous ne pourrons approuver les crédits de cette mission. Enfin, madame la ministre, s’il reste un peu d’argent disponible, je vous proposerai volontiers de l’utiliser pour mettre à jour les connaissances de certains de nos collègues en matière d’écosystèmes et de biodiversité ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Des noms !
Mme Évelyne Didier. Je me garderai bien d’en donner ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Écologie, développement et aménagement durable » voit ses crédits décroître : de 2,7 % en autorisations d’engagements et de 6 % en crédits de paiements.
Les secteurs clefs de cette mission sont directement concernés par cette diminution, particulièrement au sein du volet « transports », que je vais évoquer.
Voilà deux ans, le Gouvernement promettait d’investir 13 milliards d’euros pour le plan de régénération du réseau ferroviaire, qui en a bien besoin, 4 milliards d’euros – dont 870 millions d’euros pour le transport – dans le cadre du plan de relance et 7 milliards d’euros pour le plan Fret d’avenir.
Je ne dois pas compter comme mon collègue Francis Grignon, car, pour ma part, je n’ai vu que des baisses : de 7 % pour le programme Infrastructures et services de transport – soit 241 millions d’euros de moins –, de 1 % pour le programme Sécurité et affaires maritimes, de 5,2 % pour le programme Sécurité et circulation routières.
Dans le même sens, les concours de l’État à RFF continuent à se réduire : ils s’établiront en 2011 à 2,487 milliards d'euros, soit une baisse de 6,5 % par rapport à 2010. La commission des finances souligne pourtant que la viabilité du modèle économique de cette entreprise est menacée, car elle passe par l’augmentation d’une dette déjà très élevée – environ 28 milliards d’euros –, afin de mener à bien le plan de rénovation et de développement nécessaire à la rentabilisation du réseau. Nous sommes loin des 500 millions d’euros supplémentaires qui, selon l’audit de l’École polytechnique de Lausanne, sont nécessaires pour seulement maintenir en l’état l’intégralité du réseau !
Par ailleurs, les péages acquittés par les compagnies ferroviaires augmenteront de 5,5 %. Cette hausse est insupportable tant pour les régions, qui font rouler les TER, que pour la SNCF. Et, au bout du compte, c’est l’usager qui paiera !
Alors que le fret doit être une priorité nationale – je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point –, comme l’a rappelé récemment le groupe de travail du Sénat sur cette question, la subvention qui lui est destinée diminue de 200 millions d’euros par rapport à 2010. Bien que, grâce à un amendement adopté par la commission des finances, les crédits budgétaires de RFF aient pu être renforcés de 150 millions d’euros, ils restent tout de même en baisse de 50 millions d’euros.
Dans le même sens, le financement de l’action spécifique Entretien et exploitation du réseau routier national diminue de façon drastique, passant de 414 à 302 millions d’euros, soit un recul de 27 % par rapport à 2010, alors même que le schéma national des infrastructures exige, à juste titre, un effort significatif en faveur de l’entretien du réseau routier.
S’agissant de l’AFITF, ses ressources s’élèvent à 2,204 milliards d’euros, soit une augmentation, qui a été déjà soulignée, de plus de 15 %. Nous pourrions nous en féliciter. Toutefois, cette évolution découle de l’augmentation ou de la création d’impositions : la taxe d’aménagement du territoire et les redevances d’occupation du domaine public payées par les sociétés d’autoroutes. S’y ajoutent une fraction des amendes-radars, quelque 400 millions d’euros qui proviennent de la mise en service de l’A63– ils figuraient déjà dans le budget de l’AFITF pour 2010 – et la subvention d’équilibre issue du budget de l’État, qui est identique à celle de 2010, soit 984 millions d’euros.
Rappelons que ces derniers crédits compensent le report à 2012 de la mise en place de la taxe poids lourds – Évelyne Didier vient de l’évoquer –, dont le manque à gagner est, en réalité, de 1,3 milliard d’euros. Cette imposition, dite « écotaxe », a été décidée en 2009 et on ne sait pas vraiment ce qu’elle va devenir. Sa création était pourtant le seul engagement du Grenelle de l’environnement visant à la création d’une ressource financière. Sa vocation était de sortir le transport routier de la sous-tarification en prenant en compte ses externalités.
Il manquera, au bas mot, plus de 2 milliards d’euros à l’AFITF, qui n’est toujours pas dotée de ressources pérennes – d’autres l’ont souligné avant moi à cette tribune – pour les projets d’infrastructures qui doivent être mis en œuvre entre 2010 et 2014.
À toutes ces restrictions budgétaires ont été ajoutées des suppressions de postes, qui rendent impossible la mise en œuvre des décisions de réorientation du système de transport annoncées dans tous les médias.
Il en est ainsi pour l’action Sécurité et affaires maritimes : l’enveloppe est presque identique à celle de l’année passée, soit 132 millions d’euros,…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Mireille Schurch. … avec la suppression de 190 emplois en 2010 et de 96 emplois en équivalents temps plein travaillé en 2011.
Dans le même esprit, le projet de loi de finances prévoit une baisse de 188 emplois en équivalents temps plein travaillé pour les effectifs du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
Parce que les élus et les citoyens attendent une réelle mise en œuvre des engagements de l’État à la fois sur les infrastructures et les déplacements, parce que le budget que vous nous présentez, loin de répondre à ces attentes, nous éloigne fortement des objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement, qui sont de plus en plus inatteignables, comme le souligne à juste titre l’avis de l’Autorité environnementale sur le schéma national des infrastructures, les sénateurs du groupe CRC-SPG ne voteront pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Madame la ministre, je m’associe aux mots d’accueil qui vous ont été adressés et me réjouis à la fois de votre présence au banc du Gouvernement et des responsabilités qui vous ont été confiées.
Compte tenu de la qualité des rapports qui ont été rédigés – je m’inspirerai d’ailleurs très fortement de ceux qu’ont présentés respectivement MM. Bruno Sido et Ambroise Dupont –, je concentrerai mon propos sur deux points qui me paraissent essentiels : les parcs nationaux et le classement des Causses et des Cévennes au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Madame la ministre, les cinquante ans des parcs nationaux ont été célébrés en octobre dernier à Florac, en même temps que les quarante ans du Parc national des Cévennes. Celui-ci a été pendant longtemps le seul à accueillir une population permanente, donc des agriculteurs.
On aurait pu penser que les parcs nationaux seraient au cœur de la démarche du Grenelle. Ils n’ont d'ailleurs pas été complètement oubliés puisqu’il a été décidé dans ce cadre d’en créer trois nouveaux. Néanmoins, leur financement devrait être une priorité, dans la logique même du Grenelle et pour atteindre les objectifs que celui-ci a fixés. Or tel n’est pas le cas, ce qui suscite une certaine inquiétude.
Pourtant, ces parcs ont trouvé une nouvelle vocation grâce à la loi Giran de 2006, que nous avons adoptée à une quasi-unanimité et qui a fait d’eux non pas des tabernacles, mais des exemples d’un développement durable associant les collectivités locales, les scientifiques et les agents chargés de la protection de la nature.
Nous demandons avec beaucoup d’insistance que cette proximité soit maintenue, c’est-à-dire que ces parcs ne soient pas, demain, fondus dans une agence de la nature où ils perdraient leur âme. En revanche, ils ont accepté de mutualiser un certain nombre de services, notamment comptables, ainsi que diverses prestations avec l’établissement public Parcs nationaux de France.
Le rapport de la Cour des comptes a été un peu sévère avec cet établissement : celui-ci a été créé par la loi Giran et il faut donc lui laisser le temps de se mettre en place. Il serait déraisonnable de lui couper les ailes alors qu’il vient d’être installé et qu’il est prêt à mutualiser certains de ses moyens avec l’ADEME ou le Conservatoire du littoral, entre autres organismes. Si le projet d’agence de la nature est relancé, il sera intéressant d’y associer tous les acteurs, me semble-t-il, pour ne pas mettre à mal des structures qui sont en train de se constituer, et je pense en particulier à l’établissement public Parcs nationaux de France.
Madame la ministre, nous comprenons bien les impératifs financiers auxquels vous êtes soumise. Néanmoins, nous souci est que les parcs, dont certains ont étendu leur territoire, puissent préparer dans de bonnes conditions leurs chartes, car celles-ci sont des facteurs de réussite essentiels pour le développement durable et la création de dynamiques nouvelles.
Si, demain, des extensions ou des créations de parcs sont décidées, je vous demande, madame la ministre – et j’exprime ici le sentiment de tous les acteurs du secteur et des responsables de l’établissement public des parcs nationaux de France –, de mettre en place des moyens supplémentaires.
Les parcs ont accepté de réaliser des économies et voté leurs budgets en conséquence. Toutefois, les efforts qui leur sont demandés doivent être répartis de façon juste. En effet, le parc national des Cévennes, si j’en juge d’après les propositions d’affectation de crédits qui nous sont faites, subit en quelque sorte une double peine : alors qu’il était vertueux puisqu’il est celui dont la masse salariale rapportée aux actions menées est la plus faible – ce ratio est de 25 %, conformément aux souhaits du ministère –, il est le plus pénalisé puisque ses crédits devraient être amputés et que quatre de ses emplois en équivalents temps plein travaillé devraient être supprimés – mais j’espère que nous pourrons faire en sorte qu’ils ne soient que trois. Il faut donc, me semble-t-il, distinguer et encourager l’opérateur le plus vertueux.
Par ailleurs, notre éminent rapporteur pour avis Ambroise Dupont, a évoqué le problème de la gestion des sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Pour ma part, je me bats pour que Causses et Cévennes soient classés au titre de cette notion désormais reconnue comme universelle, l’agro-pastoralisme, selon laquelle les hommes façonnent les paysages.
Madame la ministre, je souhaiterais que vous confirmiez votre soutien total sur ce dossier, d’autant que, en termes de gestion, la volonté de l’ensemble des élus, le rôle du parc national des Cévennes et du parc naturel régional des Causses ainsi que le classement Natura de l’ensemble de ces espaces constituent autant de gages de sécurité pour l’avenir. Nous avons donc les moyens d’être exemplaires en reprenant les propositions de M. Ambroise Dupont.
Madame la ministre, j’avais prévu de vous soumettre tout à l'heure quelques interrogations dans le cadre des questions-réponses, mais je ne suis pas certains de pouvoir le faire, compte tenu des contraintes de temps.
Reprenez-vous à votre compte les engagements de votre prédécesseur sur l’aménagement de la route nationale 88, grand axe du Massif central doté d’une charte de développement durable et retenu dans différents contrats de plan État-région, mais qui devrait figurer dans le schéma national des infrastructures routières ? Lorsqu’il était venu présenter les dossiers relatifs aux transports à notre commission de l’économie, M. Borloo avait affirmé que le projet serait réalisé sans problème, mais je suis néanmoins inquiet et j’aimerais avoir des certitudes quant au calendrier et aux modalités de réalisation.
Le développement durable est une affaire qui marche, malgré tout, et qui doit imprégner l’ensemble des démarches des acteurs, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle locale. À cet égard, la réussite d’une politique nouvelle pour les parcs nationaux peut impulser un mouvement en profondeur.
Madame la ministre, nous comptons sur vous pour faire en sorte que cette action se poursuive et que la France soit exemplaire. D’ailleurs, si la définition des parcs nationaux est un peu compliquée, notre pays n’a pas à rougir sur le plan international, bien au contraire ! Ce qui a été lancé il y a cinquante ans constitue une réussite. Il faut permettre aux acteurs des parcs naturels de faire perdurer un tel succès. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, chères et chers collègues, mon intervention porte principalement sur le programme 203, Infrastructures et services de transports, et plus précisément sur l’action 10, Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires. Je ferai également quelques remarques au sujet des programmes 113, Urbanisme, paysages, eau et biodiversité, et 117, Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer.
Au cours des dernières années, les investissements visant à développer le transport ferroviaire ont fait l’objet d’un grand battage médiatique. Il en est ainsi du plan de renouvellement et de régénération des voies sur la période 2006-2010, mis en place après le rapport Rivier issu de l’audit effectué par l’École polytechnique fédérale de Lausanne, ou encore du contrat de performance signé par l’État et RFF, et dont le montant s’élève à 13 milliards d’euros pour cinq ans.
Le Gouvernement a très fortement insisté sur le développement du transport ferroviaire dans la loi Grenelle 1 ou encore sur la place consacrée au mode ferroviaire dans le plan de relance. Il faut également mentionner l’engagement national pour le fret ferroviaire annoncé par le Gouvernement en septembre 2009, ainsi que le plan d’actions et d’investissements de 7 milliards d’euros qui a été présenté à ce sujet.
Au-delà de toutes ces annonces, quelle est la réalité de l’engagement pour le ferroviaire, en particulier dans le projet de loi de finances initial pour 2011 ?
Le Gouvernement comme le rapporteur spécial ont fait apparaître, dans la présentation des financements accordés aux transports, une légère hausse des crédits, de l’ordre de 0,4 %. On pourrait donc croire que l’effort budgétaire de l’année 2011 se situe très légèrement au-dessus du niveau des crédits alloués en 2010. Or il n’en est rien !
En effet, l’analyse des documents budgétaires montre que le budget des transports s’élève en réalité à 3,574 milliards d’euros, un montant en baisse de 6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2010.
Pour l’action 10, Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires, la baisse est d’un peu plus de 4 % tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.
En fait, ce qui progresse, ce sont les ressources extrabudgétaires : amendes-radars, nouvelle contribution dite de « solidarité » sur les billets de train ou encore fraction de la taxe d’aménagement du territoire payée par les sociétés d’autoroutes.
Quel est, pour commencer, l’effort consenti afin d’assurer la régénération du réseau ? Des enveloppes financières plus importantes qu’auparavant ont certes été votées lors des précédentes lois de finances, mais sans respecter totalement les objectifs du plan cité précédemment, qui se situaient déjà en deçà du scénario optimal préconisé par le rapport Rivier.
Si les crédits correspondants ont ainsi progressé pour atteindre 1,064 milliard d’euros en 2008, il est très difficile, depuis 2009, de les chiffrer avec précision en raison de la réforme de la tarification de l’usage des infrastructures.
En effet, les concours de l’État à RFF ne sont désormais plus spécifiquement attachés à l’utilisation qu’en fait ce dernier : régénération, entretien, désendettement. Ils dépendent de l’équilibre économique résultant, pour le gestionnaire d’infrastructures, de l’utilisation du réseau par les différents types de services ferroviaires, tels que les transports express régionaux, les trains à grande vitesse, les trains Corail ou encore les trains de fret.
Il est seulement possible de constater que le concours de l’État à RFF pour la gestion de l’infrastructure s’élève à 2,487 milliards d’euros, ce qui correspond à une baisse de 166 millions d’euros, soit 6 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2010.
Si les concours pour l’utilisation de l’infrastructure par les TER progressent, en revanche, ceux qui sont alloués pour l’utilisation de l’infrastructure par les trains nationaux classiques de voyageurs, les trains Corail, sont stables. Pour l’utilisation de l’infrastructure par les trains de fret, les concours passent de 826,6 millions d’euros en 2010 à 663 millions d’euros en 2011, ce qui est en totale contradiction avec les orientations du Grenelle 1.
M. Roland Courteau. Oh oui !
M. Michel Teston. En réalité, si le nombre de kilomètres de voies renouvelées a sensiblement augmenté, cela est dû, certes, à un effort plus important de l’État, mais aussi, ne l’oublions pas, à un effort sans précédent des régions, qui, loin de se contenter de financer intégralement le renouvellement et la modernisation des matériels TER, ont été souvent contraintes, pour des raisons de sécurité, de s’engager dans le financement de la régénération des lignes utilisées par leur matériel roulant.
De tels financements de la part des régions ont été consentis dans le cadre des contrats de projet État-région et, parfois, de contrats spécifiques, les plans rail – c’est le cas du Midi-Pyrénées, du Limousin et de l’Auvergne –,…
Mme Nathalie Goulet. Et de la Basse-Normandie !
M. Michel Teston. … afin d’accélérer la rénovation de petites lignes, parcourues à près de 80 % par les TER.
Compte tenu de la baisse des concours de l’État à RFF, le maintien de l’effort de régénération – il concerne environ 1 000 kilomètres de lignes par an – proviendra donc de la hausse des péages acquittés par les opérateurs, principalement la SNCF, qui devra augmenter ses tarifs. En définitive, c’est l’usager qui paiera !
M. Roland Courteau. Et voilà !
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !