M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Le discours ambiant consiste à faire croire aux Français que l’État est vertueux et que les collectivités territoriales ne le sont pas. L’État nous dit que les dépenses en direction des collectivités locales ne cessent d’augmenter et qu’elles représentent une part importante du budget national. Mais cette situation est normale puisque le début de la décentralisation remonte à plus de vingt-cinq ans ! Je sais bien qu’existe aujourd’hui la volonté d’opérer une recentralisation, mais il est évident que l’État s’est déchargé d’un grand nombre de compétences sur les collectivités locales et n’assume pas la compensation !
En plus de ces compétences décentralisées, que fait l’État aujourd’hui ? Lorsqu’on veut construire une ligne à grande vitesse, ou LGV, l’État demande aux collectivités de payer. Mon département qui n’est pas desservi directement par la LGV Tours–Bordeaux–Toulouse doit ainsi payer 11 millions d’euros pour la réalisation de cette ligne !
L’État a transféré aux départements la gestion des routes nationales. Ainsi, mon département du Lot a l’entière charge de ces dernières, à l’exception de seize kilomètres, sur lesquels l’État nous demande de participer aux travaux !
Est-ce aux collectivités locales de construire les gendarmeries pour le compte de l’État ? Bien sûr que non ! Que l’État assume les missions qu’il a conservées, et qu’il ne leur demande pas d’y suppléer.
Nous sommes également confrontés au problème de l’emploi : le nombre d’employés dans les collectivités doit diminuer, tandis que nous ont été confiées de nombreuses compétences que nous ne pouvons assumer qu’avec un nombre suffisant de personnels.
Des efforts de rigueur, les collectivités en ont fait dans toute la France. Nous avons essayé d’optimiser l’utilisation de l’argent public, et, si l’État avait fait de même, nous connaîtrions aujourd’hui une situation meilleure.
Tout cela fait suite à une réforme de la fiscalité qui a été conduite à l’emporte-pièce, sans que les répercussions sur les contribuables et les collectivités elles-mêmes aient été mesurées.
La taxe professionnelle a été supprimée et remplacée par une nouvelle contribution versée par les entreprises. Évidemment, cela entraîne des pertes de recettes pour toutes les collectivités, notamment les agglomérations et les départements.
Je citerai un exemple dans ma région. L’importante agglomération de Toulouse et le département de Haute-Garonne ont perdu beaucoup de ressources en raison de la suppression de la taxe professionnelle, et la compensation provenant de la taxe d’habitation ne suffit pas. Il faudra donc prélever sur les autres départements une part de taxe d’habitation pour apporter la compensation méritée par l’agglomération toulousaine. Mon département donnera sa contribution. C’est la péréquation à l’envers !
Les normes, que nous avons déjà évoquées, sont de plus en plus contraignantes. On nous dit qu’il faut que cela cesse. Monsieur le secrétaire d’État, demandez donc à ceux de vos services qui sont chargés de l’application des lois de moins contraindre les collectivités et d’arrêter d’exiger d’elles la mise en œuvre de normes très coûteuses.
Les départements se sont également vu attribuer la gestion des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS. Il me semble pourtant que la sécurité relevait de l’État. Qu’en est-il aujourd’hui ? Même en prenant des mesures très astreignantes, nous sommes souvent contraints, compte tenu de l’application des normes, d’augmenter le budget des SDIS dans des proportions quasiment insupportables si nous voulons exécuter les missions qui sont les nôtres en matière de sécurité.
Les questions à caractère social – la PCH, l’APA, le RSA – sont gérées de façon très rigoureuse par les conseils généraux. Dans quelle situation nous trouvons-nous ? Dans mon département, qui est petit, le différentiel est chaque année de 10 millions d’euros entre les versements de l’État et les allocations diverses et variées que nous payons à ces trois secteurs : en prenant en compte l’APA, qui représente 50 % des aides, nous respectons encore la première loi que nous avons votée.
Dans le même temps, le point d’impôt a été abaissé lors des réformes de la fiscalité. Dans mon département, il faut 300 000 euros de recettes fiscales pour une augmentation d’un point. Tout cela crée une situation insupportable qui nous obligera à diminuer nos programmes d’investissement, avec des conséquences préjudiciables pour les entreprises et les emplois ; de plus en plus de personnes demanderont le RSA ou souhaiteront bénéficier des aides sociales.
C’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de voter cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je comprends naturellement le souhait du Gouvernement de réduire nos déficits et notre endettement, dont le niveau est évidemment – nous le disons depuis le début de l’examen de ce projet de loi de finances, et chacun en est convaincu – tout à fait insupportable.
Dans ce contexte, il n’est pas anormal de demander aux collectivités de participer à cet effort, en gelant un certain nombre de dotations.
Il n’en demeure pas moins que cette mesure me semble particulièrement rude, surtout pour les départements et les régions, qui sont déjà les grands perdants de la réforme de la taxe professionnelle.
Je veux bien accepter cette règle, mais je rejoins tout à fait ce qu’a dit Philippe Adnot. Il faut que, dans le même temps, l’État joue le jeu, si j’ose dire. Il ne peut pas à la fois geler les recettes des collectivités et faire en sorte, par son attitude, que leurs dépenses continuent à augmenter.
La question des normes évoquée par Philippe Adnot est très importante, puisque la Commission consultative d’évaluation des normes a chiffré leur coût, pour les collectivités locales, à 580 millions d’euros. Ce n’est pas rien ! Et, pour la seule année 2009, le montant des nouvelles normes a été de 80 millions d’euros.
Cela explique en partie, me semble-t-il, que l’évolution des dépenses des communes, au cours des dix dernières années, a été supérieure à l’inflation : entre 1999 et 2009, l’évolution des dépenses des communes a été en moyenne de 2,8 % quand l’indice des prix était de 1,8 %.
Le Président de la République lui-même a parlé hier de ce phénomène au Congrès des maires, envisageant de revenir sur certaines normes. Je souhaiterais que le Gouvernement prenne des engagements forts sur ce sujet, afin que nous ayons un certain nombre d’assurances.
D’autres assurances paraissent indispensables, comme l’a indiqué notre collègue Gérard Miquel : il faudrait que le Gouvernement arrête de demander systématiquement aux collectivités territoriales de venir en aide à l’État pour payer des équipements qui relèvent des compétences de ce dernier.
Je ne voterai néanmoins pas l’amendement de suppression, car je suis responsable et j’appartiens à une famille politique qui lutte pour la réduction des déficits. Mais, je le répète, il nous faut des assurances de la part du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Vous aurez bien compris que, pour le groupe socialiste, cet amendement est un amendement de principe,…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Voilà pourquoi j’ai fait une réponse de principe !
Mme Nicole Bricq. … qui tend à revenir sur le gel des dotations aux collectivités locales.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a !
Mme Nicole Bricq. J’interviens, car M. le rapporteur général et M. le secrétaire d’État nous ont dit que la réponse qu’ils faisaient à notre amendement vaudrait pour tous les autres.
Si nous ne prenons pas la parole pour explication de vote, nous risquons non pas d’avoir un dialogue de sourds, mais de parler dans le vide, ce qui est tout de même très désagréable quand on défend des amendements de conviction.
Je voudrais reprendre l’argumentation de M. le rapporteur général, qui est finalement identique à celle que le Président de la République a développée hier devant le Congrès des maires,…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est normal, je suis dans la droite ligne de l’UMP !
Mme Nicole Bricq. … à savoir que l’effort doit être partagé par tout le monde.
Nous avons constaté, tout au long de l’examen de la première partie de ce budget, que les ménages étaient beaucoup plus mis à contribution que les entreprises. Maintenant, vous invoquez l’effort partagé entre l’État et les collectivités locales dans la lutte contre les déficits et la dette.
Mais, monsieur le rapporteur général, votre argument n’est pas fondé, dans la mesure où les règles ne sont pas les mêmes !
Je prends pour exemple le fait que la commission des finances a été saisie d’un décret d’avance à hauteur de près de 1 milliard d’euros, ce qui n’est pas rien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Un peu plus !
Mme Nicole Bricq. Même un peu plus, selon M. le président de la commission. Quel est l’objectif de ce décret d’avance ? Il est, ô surprise, pratiquement essentiellement consacré…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Aux salaires !
Mme Nicole Bricq. … aux salaires des fonctionnaires de cinq ministères.
Cela veut dire que le Gouvernement a été imprévisible dans son antienne. Il a dit qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne serait pas remplacé ; or ceux-ci ont compris que ce n’était pas le moment de quitter leur emploi.
Ce mot d’ordre repris par le Gouvernement coûte très cher, et – c’est là où je veux en venir – nous le payons bien sûr par le déficit ! Or, connaissez-vous une collectivité locale pouvant dire qu’elle paie ses fonctionnaires avec le déficit ? Non, ce n’est pas possible ! Par conséquent, n’invoquez pas l’effort partagé à partir du moment où les choses ne sont pas égales par ailleurs.
Mes collègues ont démontré avec brio le sort assez pitoyable qui est réservé aux départements. M. Navarro exposera ensuite la situation tragique des régions après la réforme de la fiscalité locale. Moi, je citerai des exemples concernant les communes.
J’ai examiné comment le gel des dotations pendant trois ans serait assumé par les collectivités locales. À Trilport, dans mon département, il faudrait augmenter l’impôt des ménages, qui a pourtant connu une hausse depuis plusieurs années, de 17 points. Croyez-vous qu’une collectivité prendra cette responsabilité ? Que fera-t-elle alors ? Elle réduira ses investissements et limitera encore plus ses dépenses de fonctionnement, ce qui aura des conséquences négatives pour le service public local et l’économie nationale.
Permettez que nous n’acceptions pas, les uns et les autres, d’être traités comme le fait l’État : il nous raconte qu’il va procéder à une baisse historique du déficit. Mais – on l’a dit et redit – la baisse des déficits telle qu’elle est prévue dans le projet de budget pour 2011 est artificielle, puisque cela correspond en fait à un arrêt de mesures provisoires qui ne pèseront donc plus sur le budget.
Par conséquent, cessez de nous demander de faire un effort. Cet argument n’est pas acceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Robert Navarro, pour explication de vote.
M. Robert Navarro. Quel est l’objet de ce projet de loi de finances ? On nous demande à nous, élus locaux, de tenir compte – comme si c’était une découverte ! – de l’endettement de notre pays. Les déséquilibres seraient tels que des mesures drastiques s’imposent. Les collectivités locales devraient donc participer à l’effort national du Gouvernement.
Je dirai tout d’abord que la situation ne date pas d’aujourd’hui. Que je sache, le Gouvernement n’est pas en place depuis six mois ! Cela fait huit ans que vous exercez les responsabilités gouvernementales et que vous nous tenez le même discours ! En termes de solidarité, vous aidez toujours les mêmes. Ce n’est pas nous qui avons inventé le bouclier fiscal ! Ce n’est pas nous qui avons créé d’innombrables dépenses dans une multitude de domaines ! Ce n’est pas nous qui, depuis des années, réduisons comme peau de chagrin les recettes des collectivités, notamment des régions ! Ce n’est pas nous qui, au travers de la dernière réforme, comme ultime coup de massue aux régions ou aux départements, avons empêché ces régions, qui ont des besoins énormes – et le Gouvernement est complètement absent des grands projets –, de lever l’impôt et de percevoir des recettes !
Vous nous demandez d’être solidaires et d’aider ce gouvernement qui gère le pays de façon complètement « abracadabrantesque », pour reprendre un terme de Jacques Chirac !
Mais quand on veut réduire les déficits, on commence par réduire les dépenses de l’État, en essayant de faire rentrer un maximum de recettes. On prend l’argent là où il est, pas là où il n’y en a pas !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On ne peut pas tondre un œuf !
M. Robert Navarro. On essaie d’aider au maximum les entreprises à créer de la richesse en devenir. On épaule les collectivités qui, depuis des années, créent de l’activité, de l’emploi, et réalisent des investissements énormes dans le pays. Si les collectivités locales – agglomérations, départements, régions – n’avaient pas été là, qui l’aurait fait ?
Nous voudrions bien être solidaires de vous si, à un moment donné, votre politique allait dans le sens de l’intérêt du territoire et des populations.
Mais vous ne pouvez pas nous demander d’être solidaires de ce projet de budget alors que vous tapez en permanence sur les collectivités que nous représentons !
Je serai donc fier, avec le groupe socialiste, de voter cet amendement, et je vous appelle à faire de même, mes chers collègues. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Je m’associe bien entendu aux propos de mes collègues, mais je voudrais pour ma part, sur ce sujet extrêmement sensible, reprendre les arguments que j’ai développés dans la discussion générale.
J’avais alors rappelé à quel point le fait que la croissance reste atone dans notre pays suscite des inquiétudes majeures, notamment quant aux conséquences qu’une telle situation pourrait avoir sur l’emploi. Par conséquent, la croissance sera-t-elle suffisante dans les prochains mois pour recréer un peu de dynamique économique ?
À cet égard, nous devons garder à l’esprit le fait que l’investissement local constitue bien souvent le levier qui permettant à la croissance de redémarrer. Je vous rappelle, mes chers collègues, que 75 % de l’investissement public reposent aujourd’hui sur les collectivités territoriales.
Dans ces conditions, si l’on affaiblit les moyens d’intervention des collectivités, on va restreindre la capacité d’investissement local, et la croissance en pâtira inévitablement.
Cet argument complète ceux qui ont été évoqués à propos du devoir de l’État de compenser les charges résultant des compétences qu’il a transmises aux collectivités. Nous avons évalué ce besoin de compensation, mais nous ne voyons rien venir… Je souhaitais attirer votre attention sur cette réalité, monsieur le secrétaire d’État.
L’un de nos collègues a dit que son département présentait une ardoise de 400 millions d’euros. Le retard pris est donc aujourd’hui considérable.
De surcroît, l’affaiblissement des moyens d’action et des capacités d’investissement est préjudiciable pour l’avenir. J’insiste sur le fait que les attentes sont fortes, non seulement en matière d’investissements de proximité et de services publics, mais aussi dans le domaine des investissements d’avenir, notamment quant au déploiement sur nos territoires des réseaux numériques à haut et très haut débit. Aujourd'hui, parce que l’État n’a pas trouvé les moyens nécessaires pour faire face à ces besoins, il demande aux collectivités de prendre le relais et d’assurer le financement de cet investissement considérable, qui s’élève à plusieurs milliards d’euros dans chaque département. Si les collectivités ne peuvent pas suivre, le retard pris par la France en la matière risque de s’accentuer. On pourrait ainsi multiplier les exemples.
Mon collègue Gérard Miquel a parlé des lignes à grande vitesse. Là encore, la collectivité départementale au sein de laquelle je siège doit débourser 104 millions d'euros pour que l’équipement prévu soit réalisé dans les meilleures conditions et les plus brefs délais. Si l’on ne peut pas respecter l’échéancier de paiement, la réalisation de l’investissement sera retardée.
Au-delà de ces quelques exemples, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les conséquences du gel des dotations. Depuis plusieurs années déjà, l’effort financier en direction des collectivités territoriales décroît, avec, d’abord, la suppression du contrat de croissance et de solidarité, ensuite, la fin de l’indexation et, enfin, l’évolution vers les normes zéro volume et, désormais, zéro valeur.
Ce ralentissement accéléré de l’effort financier de l’État envers les collectivités territoriales nous inquiète profondément. Nous redoutons que ces dernières ne soient plus en mesure de répondre à temps aux enjeux d’avenir, alors même que, avec la crise économique, les besoins sociaux s’accroissent, la nécessité d’investissement étant ressentie avec d’autant plus d’acuité.
Dans ces conditions, cet amendement me semble se justifier pleinement dans son principe en ce qu’il nous permet de revendiquer une capacité d’action améliorée pour les collectivités et de répondre à une exigence : il faut certes rééquilibrer les finances publiques, mais il convient surtout de préparer l’avenir de nos enfants, en construisant des équipements adaptés à leurs besoins. Si les collectivités locales ne peuvent pas le faire, la France prendra du retard. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, je suis élu local : je suis à la tête d’une collectivité située au beau milieu de la Seine-Saint-Denis, dont le potentiel financier est inférieur de 23 % à la moyenne de la région en Île-de-France.
Je pourrais donc, comme certains parmi vous, me plaindre du gel des dotations. Sauf que nous ne vivons pas dans la quatrième dimension et que les collectivités locales ne peuvent pas demander toujours plus de crédits, au nom d’une dépense publique qui serait par nature vertueuse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. le président de la commission des finances et le rapporteur général de la commission des finances marquent également leur approbation. –Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Laissez-moi terminer mon intervention, madame Bricq ! Vous jugerez de mon propos à son terme.
Nous ne pouvons pas, ici, au Sénat, en tant que représentants de ces élus locaux, nous comporter comme si la dette publique n’existait pas et comme si le Gouvernement n’avait pas l’impérieux devoir de nous conduire à l’équilibre budgétaire.
M. Jean-Marc Todeschini. Qui est à l’origine de la dette ?
M. Philippe Dallier. Je ne peux pas vous suivre sur le terrain du « toujours plus » !
Mes chers collègues, ayons le courage de reconnaître que, dans le passé, nous avons parfois pris des décisions qui ont très fortement concouru à l’augmentation de la dépense des collectivités locales.
Lors de la réalisation de l’intercommunalité, qu’a fait le gouvernement socialiste ? Qu’a proposé Jean-Pierre Chevènement ? De distribuer de l’argent ! Ayons le courage de le dire !
On a attribué aux intercommunalités une dotation globale de fonctionnement, ou DGF, sans rien retirer aux communes, alors même que les secondes étaient censées transférer des compétences aux premières… La machine infernale était enclenchée ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Marc Todeschini. N’importe quoi !
M. Philippe Dallier. Bien entendu, tout le monde reconnaît sur ces travées qu’un vrai problème se pose au niveau des départements, et qu’il va falloir, notamment à travers la réforme de la dépendance, leur permettre de faire face à leurs charges. Tout le monde s’accorde sur un point : il va falloir trouver des solutions !
M. Jean-Louis Carrère. On va leur transférer le produit de l’ISF ! (Sourires.)
M. Philippe Dallier. Ensuite, il va falloir s’occuper sérieusement de la péréquation financière. En effet, en dépit du gel de l’enveloppe globale, nous savons fort bien que certaines collectivités ont besoin de moyens supplémentaires, alors que d’autres ont largement ce qu’il faut. Là encore, il faut avoir le courage de le dire !
C’est seulement à l’aide d’une péréquation financière digne de ce nom que nous pourrons permettre aux collectivités en difficulté de s’en sortir.
Mme Nicole Bricq. Il n’y a plus de péréquation !
M. Philippe Dallier. Il va falloir demander un effort aux collectivités les plus riches, celles dont le potentiel fiscal ou économique est le plus important, qu’elles soient dirigées par des majorités de droite ou de gauche. Les exemples sont nombreux en Île-de-France.
Je regrette simplement que ceux qui ont la chance d’être à la tête de ces collectivités fassent en sorte que le sujet de la péréquation n’avance pas aussi vite qu’il le devrait. (MM. Adrien Gouteyron et Roland du Luart marquent leur approbation.)
Ayons le courage, les uns et les autres, à droite comme à gauche, de poser les vrais problèmes, de dire que là où des économies peuvent être réalisées, il faut les faire, mais aussi d’avancer sur la péréquation. Oui, l’État doit faire des économies, mais les collectivités locales peuvent aussi contribuer à cet effort en s’entraidant mutuellement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.
M. Edmond Hervé. Je voudrais réagir très brièvement à l’intervention de Philippe Dallier.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez relancé la machine infernale, monsieur Dallier !
M. Edmond Hervé. Je ne peux pas accepter que l’on mette systématiquement en cause le courage et la responsabilité des exécutifs territoriaux. (Mme Nicole Bricq applaudit.)
Sans verser dans une déclaration de principe, je prendrai un exemple que je connais bien, celui de la communauté d’agglomération de Rennes, dont j’ai assumé la présidence pendant de longues années.
En 1993, nous avons été l’un des tout premiers établissements publics de coopération intercommunale à mettre en place la taxe professionnelle à taux unique.
À l’époque, la taxe professionnelle par habitant entre les différentes communes variait de un à soixante. Cette concurrence, fort coûteuse, empêchait toute solidarité et freinait l’aménagement du territoire. En l’espace de cinq ans, nous avons réduit cet écart, pour le ramener de un à quatre.
Je ne peux donc pas, monsieur Dallier, vous laisser proférer de telles contre-vérités. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À ce stade de nos travaux, je voudrais remercier ceux qui viennent de s’exprimer – leurs interventions étaient très intéressantes –, mais aussi ceux qui auraient pu s’exprimer, et qui ont renoncé à le faire… (Sourires.)
En effet, étant donné que nous avançons au rythme effréné de un amendement à l’heure,…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Et encore !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … et qu’il nous reste quatre-vingt-quinze amendements à examiner d’ici à ce soir, je crains que nous ne votions l’article d’équilibre que tard dans la nuit.
Je vous demande de penser à ceux de nos collègues qui sont rapporteurs spéciaux ou rapporteurs pour avis des crédits des missions et qui devront peut-être intervenir samedi ou dimanche, compte tenu du décalage qui est en train de se profiler.
Pour le reste, je n’ajouterai rien au débat sinon pour constater que, finalement, qu’il s’agisse de retraites ou de dotations aux collectivités territoriales, notre République s’endette pour perpétuer les inégalités… (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je renonce à prendre la parole ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-170.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable de même celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 107 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° I-340, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - L'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 1613-1. - À compter de 2011, la dotation globale de fonctionnement est calculée par application à la dotation globale de fonctionnement inscrite dans la loi de finances pour l'année précédente d'un indice faisant la somme de taux prévisionnel, associé au projet de loi de finances de l'année de versement, d'évolution des prix à la consommation des ménages, hors tabac, pour la même année et de la moitié de la croissance prévue du produit intérieur brut marchand. »
II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. En 2009, la DGF, tout comme l’ensemble des dotations de l’État aux collectivités territoriales, a progressé selon le taux d’inflation prévisionnel associé au projet de loi de finances, c’est-à-dire de 2 %, soit 801,12 millions d’euros.
En 2010, elle a progressé, à titre dérogatoire, de 0,6 %, ce qui correspond au taux d’indexation global des dotations de l’État hors Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, ou FCTVA. Si l’on ajoute les sommes allouées dans ce cadre, on aboutit à un taux de 1,2 %, soit l’équivalent de l’inflation prévisionnelle en loi de finances. Voilà comment nous est expliqué le fait d’être au même niveau que les années précédentes.
Et, en 2011, la progression sera nulle !
Vous nous avez présenté la sortie du FCTVA de l’enveloppe normée comme une avancée. Cela signifie-t-il que vous avez fini par admettre qu’il s’agit d’un remboursement, et non d’une dotation ? Ou bien est-ce encore une de vos décisions cyclothymiques qui finissent par lasser les élus, car ils n’y comprennent plus rien ? Mais c’est peut-être votre objectif…
En tout cas, nous constatons une différence d’environ 220 millions d’euros entre le montant de FCTVA prévu en loi de finances rectificative et le montant effectivement alloué en 2010. En d’autres termes, les collectivités territoriales ont dû assumer une baisse de leur dotation de 220 millions d’euros par rapport à l’année précédente. Je tenais à rappeler cet élément, car c’est peut-être ce qui explique le retrait du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée de l’enveloppe.
Au total, en 2011, les concours de l’État aux collectivités locales s’élèveront à 53,38 milliards d’euros, soit la même somme que l’année dernière. Et, compte tenu de l’inflation, il s’agit d’une baisse relative.
Je repose donc une question à laquelle je n’ai toujours pas obtenu de réponse : combien de communes seront affectées par une telle décision ? Comment peut-on admettre que vous acceptiez d’emblée une baisse de 5 %, voire plus, de la dotation de certaines d’entre elles ?
Revenir à un mode de calcul tel que celui que nous proposons redonnerait à la DGF toute sa capacité péréquatrice et son efficacité à la dotation globale de fonctionnement. Vous avez fait un choix totalement inverse, et nous ne pouvons que le regretter.
Mais, comme vous le dites si bien, l’objectif est d’associer les collectivités territoriales à ce que vous appelez l’« effort de maîtrise de la dépense publique », qui se traduit en réalité par la disparition des services publics, pourtant si utiles à la population.
Le gel de la DGF est un nouveau coup de poignard contre les collectivités locales, que vous souhaiteriez nous faire gérer selon vos propres conceptions partisanes, des conceptions à nos yeux conservatrices et rétrogrades. Nous pensons avec les élus qu’un autre chemin est possible. (M. Jean-Marc Todeschini applaudit.)