Sommaire
PrÉsidence de Mme Monique Papon
Secrétaires :
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. François Fortassin.
2. Candidatures à une mission commune d'information
3. Communication du Conseil constitutionnel
4. Activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur. – Discussion d'une proposition de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Discussion générale : M. Jean-Léonce Dupont, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de la culture ; Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Colette Mélot, MM. Jean-Luc Fichet, Philippe Adnot, Jean-Pierre Plancade, Ivan Renar, Roland Ries, Mme Catherine Morin-Desailly.
Clôture de la discussion générale.
Articles additionnels avant l'article 1er
Amendement no 2 rectifié ter de M. Serge Lagauche. – M. Jean-Luc Fichet.
Amendement no 4 de M. Ivan Renar. – M. Ivan Renar.
M. le rapporteur, Mme la ministre, Ivan Renar. – Retrait de l’amendement no 4 ; adoption de l’amendement no 2 rectifié ter insérant un article additionnel.
Amendement no 3 de M. Ivan Renar. – Mme Marie-Agnès Labarre, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Luc Fichet. – Rejet.
5. Souhaits de bienvenue À une délégation parlementaire de Hongrie
6. Activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur. – Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
M. Nicolas Alfonsi.
Amendement no 5 de M. Ivan Renar. – Mme Marie-Agnès Labarre, Jean-Léonce Dupont, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de la culture ; Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 6 de M. Ivan Renar. – MM. Ivan Renar, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement no 1 rectifié de M. Serge Lagauche. – Mme Maryvonne Blondin, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 2
Amendement no 9 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. Jean-Pierre Plancade, Ivan Renar. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 7 de M. Ivan Renar. – Mme Marie-Agnès Labarre, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
MM. Gilbert Barbier, Dominique Leclerc, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Paul Blanc, Ivan Renar, Jean-Pierre Plancade, Nicolas About, Philippe Adnot, Benoît Huré.
Rejet de l’article.
Article additionnel après l'article 3
Amendement no 8 du Gouvernement. – Mme la ministre, MM. le rapporteur, Ivan Renar. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Intitulé de la proposition de loi
Amendement no 10 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Gilbert Barbier. – Retrait.
Adoption de l’ensemble de la proposition de loi.
M. le rapporteur.
7. Nomination des membres d’une mission commune d'information
8. Recherches sur la personne. – Discussion d'une proposition de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)
Discussion générale : Mmes Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; Marie-Thérèse Hermange, rapporteur de la commission des affaires sociales.
MM. Nicolas About, Jean-Pierre Godefroy, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. François Autain, Marc Laménie, Jean-Louis Lorrain.
Clôture de la discussion générale.
Amendement no 4 du Gouvernement. – Mmes la secrétaire d'État, le rapporteur. – Adoption.
Amendement no 2 de M. François Autain et sous-amendement no 11 du Gouvernement. – M. François Autain, Mmes la secrétaire d'État, le rapporteur. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement no 5 du Gouvernement. – Mme la secrétaire d'État.
Amendement no 12 de la commission. – Mme le rapporteur.
Mme la secrétaire d'État, MM. Daniel Dubois, Nicolas About, Jean-Louis Lorrain, Jean-Jacques Mirassou, Jean-Pierre Godefroy, François Autain. – Rejet de l’amendement no 5 ; adoption de l’amendement no 12.
Amendement no 6 de la commission. – Mmes le rapporteur, la secrétaire d'État. – Adoption.
M. Jean-Pierre Godefroy.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
Suspension et reprise de la séance
9. Ratification de nominations de membres d’une commission mixte paritaire
10. Adaptation de la législation au droit communautaire. – Adoption d'une proposition de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Jean-Paul Emorine, auteur de la proposition de loi ; Bruno Sido, rapporteur de la commission de l’économie ; Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports.
MM. Roland Ries, Yvon Collin, Mme Évelyne Didier, MM. Jean Bizet, Roland Courteau.
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 14 de M. Daniel Raoul. – MM. Jean-Jacques Mirassou, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 25 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Suspension et reprise de la séance
Articles additionnels après l'article 2
Amendement n° 2 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur, Mme Évelyne Didier, M. Daniel Raoul. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 4 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur, Jean-Jacques Mirassou, Mme Évelyne Didier. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 8 du Gouvernement et sous-amendement no 26 de la commission. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur, Roland Courteau, Mme Évelyne Didier. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 13 de Mme Évelyne Didier et 15 de M. Daniel Raoul. – Mme Évelyne Didier, MM. Daniel Raoul, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 11 de Mme Évelyne Didier et 16 de M. Daniel Raoul. – Mme Évelyne Didier, MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jacques Gautier, Jean-Jacques Mirassou, Claude Biwer. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendement n° 17 de M. Daniel Raoul. – MM. Jean-Jacques Mirassou, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 18 de M. Daniel Raoul. – M. Daniel Raoul. – Retrait.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 7
Amendement n° 1 de M. Francis Grignon. – MM. Francis Grignon, le rapporteur, le secrétaire d'État, Roland Courteau. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 19 de M. Daniel Raoul. – M. Daniel Raoul. – Retrait.
Adoption de l'article.
Mme Évelyne Didier.
Amendement n° 20 de M. Roland Ries. – MM. Roland Ries, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Jacques Mirassou. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 10 de Mme Évelyne Didier et 21 de M. Daniel Raoul. – Mme Évelyne Didier, MM. Jean-Jacques Mirassou, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 28 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Jacques Mirassou. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 12 de Mme Évelyne Didier et 22 de M. Daniel Raoul. – Mme Évelyne Didier, MM. Roland Courteau, le rapporteur, le secrétaire d'État. –Rejet des deux amendements.
Amendement n° 29 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 11
Amendement n° 3 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur, Roland Courteau, Jean-Jacques Mirassou. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 5 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur, Daniel Raoul, Mme Évelyne Didier. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 6 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur, Daniel Raoul. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 7 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur, Roland Ries, Jean-Jacques Mirassou. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 9 rectifié ter de M. Dominique Braye. – MM. Jean Bizet, le rapporteur, le ministre, Daniel Raoul, Mme Évelyne Didier. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 23 rectifié de M. Daniel Raoul. – MM. Daniel Raoul, le rapporteur, le secrétaire d'État, Roland Ries, Mme Évelyne Didier. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Intitulé de la proposition de loi
Amendement n° 27 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement modifiant l’intitulé.
Adoption de l’ensemble de la proposition de loi.
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
PrÉsidence de Mme Monique Papon
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
M. François Fortassin.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à une mission commune d'information
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-cinq sénateurs membres de la mission commune d’information sur l’organisation territoriale du système scolaire et sur l’évaluation des expérimentations locales en matière d’éducation.
Je vous rappelle que cette mission a été créée sur l’initiative du groupe Union pour un mouvement populaire, en application de l’article 6 bis du règlement du Sénat, qui prévoit pour chaque groupe un « droit de tirage » pour la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information par année parlementaire.
En application des alinéas 3 à 11 de l’article 8 de notre règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
3
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mardi 16 novembre 2010, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-92 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
4
Activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur
Discussion d'une proposition de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi relative aux activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur, aux structures interuniversitaires de coopération, et aux conditions de recrutement et d’emploi du personnel enseignant et universitaire, présentée par MM. Jean Léonce Dupont et Philippe Adnot et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 671 [2009-2010], texte de la commission n° 101, rapport n° 100).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Léonce Dupont, auteur de la proposition de loi et rapporteur.
M. Jean-Léonce Dupont, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est à la fois modeste et ambitieuse : modeste de par le nombre limité de sujets dont elle tend à traiter ; ambitieuse compte tenu de l’importance et de l’urgence des dossiers concernés. Ces sujets sont au nombre de quatre.
Tout d’abord, il s’agit de permettre aux universités de disposer pleinement des bâtiments que l’État leur a affectés, même si elles n’ont pas encore demandé le transfert de ce patrimoine immobilier, en application de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « loi LRU ».
Aux termes de l’article 1er du présent texte, les universités pourraient accorder des autorisations d’occupation temporaire constitutives de droits réels et conduire ainsi des partenariats, sans attendre d’être propriétaires de leur patrimoine.
Cet article résulte d’une proposition que notre collègue Philippe Adnot et moi-même avons avancée dans notre rapport d’information sur la dévolution aux universités du patrimoine immobilier que l’État leur affecte ou met à leur disposition, rapport que la commission de la culture et la commission des finances ont adopté en juin dernier.
Dix universités ont fait acte de candidature, cinq d’entre elles viennent d’être retenues, mais nous souhaitons donner la possibilité à toutes les universités d’avancer. Ainsi, une partie des dispositions de la loi LRU concernant le patrimoine dévolu pourrait profiter à l’ensemble des établissements qui s’engagent dans des travaux de valorisation de leur patrimoine. Il s’agit de permettre les partenariats public-public, avec la Caisse des dépôts et consignations, ou public-privé, notamment dans le cadre des opérations Campus.
Je précise que le partenaire privé sera non pas propriétaire des locaux, mais seulement un utilisateur ayant le droit de percevoir des recettes par la mise à disposition des locaux à des tiers, sous réserve de conditions définies dans le contrat, notamment, bien entendu, du respect des missions de service public de l’université. Dans ce cadre, cette dernière devra veiller à bien identifier ses besoins.
Pour être plus concret, permettez-moi de vous donner quelques exemples.
Les projets de l’université de Strasbourg avec la Caisse des dépôts et consignations concernent notamment la rénovation de bâtiments qui datent des années soixante, la bibliothèque universitaire et la vie étudiante – en particulier les équipements sportifs, une maison des étudiants, ainsi qu’une résidence d’accueil de chercheurs étrangers – ; les universités de Bordeaux et de Lyon sont également concernées.
Les projets de l’université de Bourgogne, à Dijon, entrent dans le cadre de l’opération Campus innovant. Le partenariat public-privé permettra, par exemple, de construire une résidence d’accueil de chercheurs étrangers, résidence qui pourra, hors périodes d’occupation par ces derniers, être louée par le partenaire.
Cet article a fait l’objet de longues discussions en commission mercredi dernier, lesquelles ont me semble-t-il révélé une confusion. C’est pourquoi j’insiste sur le fait que cette disposition ne concerne pas la dévolution du patrimoine immobilier en tant que telle. Elle a pour objectif d’ouvrir le champ des possibles à toutes les universités souhaitant conduire une stratégie immobilière dynamique dans le cadre de leur projet d’établissement.
Je comprends cependant les inquiétudes formulées par certains. Ils craignent que les universités, disposant désormais des compétences leur permettant d’avoir une vision claire de leur patrimoine et de leur gestion immobilière, rendent des arbitrages défavorables à l’encontre de leurs antennes situées dans des villes de taille moyenne.
Nous devons certes être vigilants pour que l’enseignement supérieur reste accessible à tous, notamment par le biais d’établissements de proximité, mais il me semble en revanche difficile de plaider en faveur d’une politique de l’autruche, qui reviendrait à se réjouir de la situation dont nous sortons progressivement, caractérisée par une méconnaissance et une gestion souvent critiquable des biens immobiliers et fonciers universitaires, tant par les établissements eux-mêmes que par l’État !
Bien au contraire, la prise de conscience des atouts et des faiblesses dans ce domaine doit permettre une stratégie immobilière pertinente, au service de toutes les missions – j’insiste sur « toutes » – qui incombent aux universités, au premier rang desquelles figure la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur. Le comité de suivi de l’application de la loi LRU, dont je suis membre, exercera aussi sa vigilance dans ce domaine.
Tant la dévolution du patrimoine que les autres possibilités offertes par la proposition de loi sont – j’y insiste – facultatives. Il appartient à chaque université de se prendre en main et à l’État de n’autoriser l’exercice de ces nouvelles responsabilités que pour autant que l’établissement concerné y soit parfaitement préparé.
Au total, chaque université autonome, qu’elle dispose ou non de son patrimoine, s’interrogera sur la gestion de l’ensemble de ses implantations. Cela n’est pas lié à la proposition de loi. Je pense même que, contrairement aux craintes de certains, cette disposition ne profitera pas seulement à quelques grandes universités, qui accéderont sans doute assez vite à la dévolution de leur patrimoine. Il serait en revanche dommage que les autres, qui ne demanderont pas forcément cette dévolution, voient leurs montages immobiliers bloqués à cause du présent texte. L’objectif est bien de donner des capacités d’action supplémentaires à toutes les universités.
La commission a complété l’article 1er afin de prendre en compte le cas spécifique de la Corse. En effet, alors que l’État peut confier la maîtrise d’ouvrage d’opérations de constructions aux établissements publics d’enseignement supérieur, la collectivité territoriale de Corse ne dispose pas de cette possibilité pour ce qui concerne les établissements présents sur son territoire, alors même qu’elle assume l’ensemble des obligations du propriétaire et possède tout pouvoir de gestion sur ce patrimoine immobilier au titre des compétences transférées par l’État.
Il apparaît donc nécessaire d’autoriser la collectivité territoriale de Corse à confier aux établissements d’enseignement supérieur de ce territoire les droits et obligations du propriétaire sur le patrimoine immobilier, dont l’exercice de la maîtrise d’ouvrage de constructions universitaires.
L’article 2 de la présente proposition de loi vise à renforcer le rôle des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES, en matière de formation. Ainsi, la coordination des études pourra donner lieu à la délivrance d’un diplôme, sous l’autorité du PRES, correspondant à des formations assurées par une ou plusieurs universités ou écoles membres.
J’ai cependant proposé à la commission, qui m’a suivi, de sécuriser le cadre juridique dans lequel s’inscrit cet article.
En premier lieu, la commission a précisé les conditions dans lesquelles les pôles de recherche et d’enseignement supérieur pourront être autorisés à délivrer des diplômes nationaux : ce sera dans le cadre de la contractualisation de l’établissement avec l’État et dans les conditions d’habilitation applicables à tous les établissements d’enseignement supérieur.
En second lieu, elle a élargi les critères de représentation des étudiants au sein du conseil d’administration des PRES afin que puissent être élus des étudiants de différents niveaux de formation pouvant relever de la responsabilité des PRES, et non exclusivement ceux qui suivent une formation doctorale, comme c’est le cas à l’heure actuelle.
Il conviendra sans doute d’aller au-delà. Je suis en effet sensible à la crainte exprimée par les étudiants de voir les missions des PRES évoluer sans que les instances de gouvernance ne leur permettent de jouer leur rôle. Il peut en être de même des enseignants-chercheurs.
Il convient donc de jeter les bases de la deuxième génération des PRES. Et cette importante question doit pouvoir être résolue au travers d’instances ayant fait leur preuve à l’étranger : je propose que le statut des PRES soit adapté afin de prévoir, lorsque leur situation le justifiera, la création en leur sein d’un « sénat académique » et d’un conseil de vie étudiante, lieux de débat respectivement des enseignants-chercheurs et des étudiants sur les compétences coordonnées au niveau de l’établissement.
Cette solution permettra de répondre avec pragmatisme et souplesse à la diversité des situations des PRES.
Par ailleurs, la commission a adopté un article additionnel après l’article 2 prévoyant d’élargir les possibilités de rattachement entre différentes structures publiques ou privées, soit d’enseignement supérieur, soit de recherche, en vue de leur permettre de mutualiser un certain nombre de moyens.
Cet article comporte deux paragraphes « miroir ».
Le premier insère un article dans le code de l’éducation, afin d’élargir le dispositif actuel de rattachement à tous les établissements concourant aux missions de service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cela peut concerner, par exemple, un centre de documentation.
Le second insère également un article, mais cette fois dans le code de la recherche, afin de créer un dispositif de rattachement pour les organismes de recherche. Ce sera le pendant du dispositif prévu à l’heure actuelle pour les organismes d’enseignement supérieur. Ainsi, un organisme de recherche public ou privé participant aux missions de service public de la recherche pourra être rattaché à un autre organisme de recherche. Cela peut concerner, par exemple, la mutualisation de certains services, comme un agent comptable.
Enfin, notre commission a adopté sans modification l’article 3 de la proposition de loi, qui concerne le recrutement des responsables de biologie dans les centres hospitaliers universitaires, les CHU, en vue de préserver leur triple mission de soins, d’enseignement supérieur et de recherche.
Il s’agit de compléter l’article L. 6213-1 du code de la santé publique, afin de prévoir une dérogation pour les CHU, les responsables de services de biologie pouvant y être titulaires de diplômes d’autres disciplines.
En conclusion, je vous demande d’adopter la présente proposition de loi, dans la rédaction de la commission. Elle permet d’apporter des réponses pragmatiques à quelques difficultés récemment soulevées dans les différents domaines évoqués. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen de la présente proposition de loi s’inscrit dans le prolongement naturel des travaux conduits par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, placée sous votre autorité, monsieur Legendre, en lien étroit avec la commission des finances.
Je salue en particulier le remarquable tandem formé par MM. Jean-Léonce Dupont et Philippe Adnot. Tous deux avaient œuvré ensemble lors de l’examen du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités, en 2007, et n’ont eu de cesse, depuis lors, de suivre avec une quasi-affection, du moins avec vigilance, la refondation de nos universités, en se penchant en particulier sur la réforme de l’allocation des moyens ou sur la dévolution de leur patrimoine.
Dans le droit fil de la révision constitutionnelle, leurs travaux ont conduit à la rédaction du texte que la Haute Assemblée examine aujourd’hui.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec la présente proposition de loi, vous avez voulu apporter des réponses concrètes et efficaces aux obstacles techniques sur lesquels les projets de nos universités viennent parfois buter. C’est tout le paradoxe de la réforme : l’autonomie nécessite des assouplissements et la modification d’un certain nombre de règles. Je suis donc très heureuse que le Parlement se soit de nouveau saisi d’un tel sujet.
Il est devenu urgent d’armer nos universités dans la compétition mondiale de l’intelligence, de leur permettre de s’adapter aux besoins de la société et de s’ancrer dans leur territoire tout en s’ouvrant au monde. Mobiliser chaque membre de la communauté universitaire autour d’un véritable projet d’établissement et offrir à tous nos étudiants une formation de qualité et de véritables perspectives professionnelles sont – vous le savez – les objectifs de la réforme des universités, qui est entièrement fondée sur cette notion d’autonomie.
La proposition de loi est inspirée par les mêmes principes et elle donnera de nouveaux outils aux universités pour mettre en œuvre leurs projets.
Vous le savez, la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a reconnu aux universités la liberté de construire une véritable stratégie de formation et de recherche. Et elle leur en offre les moyens, en leur permettant notamment d’affirmer une véritable politique de recrutement et de gérer un budget global.
Les résultats sont là, et l’envie d’autonomie ne se dément pas. Au 1er janvier prochain, soixante-quinze universités seront déjà devenues autonomes. En trois ans à peine, près de 90 % des établissements auront ainsi accédé aux compétences et responsabilités élargies. C’est un véritable succès.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avions affirmé ensemble un principe essentiel dès 2007 ; l’autonomie ne se conçoit pas sans une coopération renforcée entre tous nos établissements d’enseignement supérieur, grandes écoles et universités. La raison en est très simple : une université autonome est avant tout une université ancrée dans son territoire, qui tisse à ce titre des liens avec l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche présents localement !
L’autonomie ne signifie ni l’isolement ni une concurrence effrénée ; l’autonomie est le ferment de coopérations nouvelles fondées sur des projets partagés ! Et je parle bien de « projets partagés », car la coopération ne se décrète pas ; elle repose au contraire sur des ambitions et des stratégies communes définies à l’échelle d’un territoire.
Vous l’aurez compris, notre intention est non pas de recréer des structures administratives au-dessus des universités, mais de faire en sorte que les universités et les écoles travaillent ensemble sur des projets communs et structurants pour les territoires.
L’objectif à terme est d’avoir non plus 85 universités et 225 écoles, avec des établissements publics et des établissements privés, mais une quinzaine de grands pôles universitaires et de recherche à visibilité mondiale, notamment Lyon, Toulouse, Montpellier, Grenoble, Strasbourg, la Lorraine, la Bretagne, la Normandie, Paris intra-muros, avec deux, voire trois grands pôles, ou l’université de Saclay.
M. Jean-Louis Carrère. Et Bordeaux ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Les universités et les grandes écoles ont me semble-t-il parfaitement compris qu’elles avaient tout à gagner à une mise en commun de leurs forces pour atteindre leurs objectifs en termes de rayonnement à l’échelle territoriale, nationale et internationale.
Vous le savez, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, qui les réunissent désormais, ont été créés par la loi du 18 avril 2006 de programme pour la recherche. Ces pôles sont de formidables outils de coopération et de mise en commun de ressources. Leur souplesse a permis de gérer l’ensemble de l’opération Campus, un plan d’investissements à hauteur de 5 millions d’euros pour changer le visage de nos universités.
Aujourd'hui, dix-neuf PRES ont été créés. Tous ne sont pas fondus dans le même moule ; ils ont des spécificités en fonction des réalités locales et des coopérations universitaires d’un territoire. Car il n’y a qu’une seule règle, un seul maître-mot aujourd’hui en matière d’autonomie des universités : le « sur-mesure ».
Certains établissements, comme les universités de Strasbourg, ont fait le choix de la fusion, qui correspondait à leur projet. D’autres feront sans doute celui du grand établissement, comme la Lorraine, ce qui leur permettra de construire une gouvernance originale. D’autres enfin souhaiteront approfondir leur coopération dans le cadre des PRES, devenant ainsi de véritables universités fédérales. Toutes les voies sont ouvertes. Il n’existe aucune raison de privilégier l’une par rapport à l’autre. Notre objectif est de répondre aux besoins des universités en accompagnant leurs initiatives, et ce pour le bénéfice des étudiants, des enseignants et des personnels.
Cette proposition de loi s’inscrit dans cette perspective en permettant aux PRES qui le souhaitent d’aller plus loin dans la voie de l’intégration et de la délivrance de diplômes. Une telle disposition témoigne, dans sa rédaction même, de la souplesse ainsi offerte aux PRES, qui auront désormais la faculté – je dis bien la faculté, car cette compétence n’est pas obligatoire – de délivrer des diplômes nationaux. On pense spontanément au doctorat, mais ce ne sera pas le seul diplôme concerné.
Les écoles doctorales doivent s’inscrire dans les PRES, car une recherche de qualité exige d’associer les disciplines et d’être au carrefour des sciences humaines, des sciences sociales, des sciences dures et des sciences du vivant. Il faut des thèses fertiles aux interfaces de toutes les branches. Il convient donc d’intégrer les écoles doctorales dans les PRES et il faut que ces derniers puissent délivrer des doctorats ; cela participe de notre volonté de revaloriser ce magnifique diplôme ! Il faudra donc le faire pour le doctorat, mais j’imagine que d’autres diplômes, notamment des diplômes professionnalisés, pourront être délivrés par ces pôles, par exemple dans le cadre des investissements d’avenir et des projets d’initiative d’excellence de nos universités.
Je salue la disposition introduite par la commission de la culture pour permettre la représentation au conseil d’administration de tous les étudiants qui suivent des formations au sein des PRES, représentation qui était jusqu’à présent, je le rappelle, limitée aux étudiants en formation doctorale. De mon point de vue, il faut que les étudiants dont les diplômes sont délivrés par les PRES puissent être associés à la gouvernance de ces pôles.
Si nous voulons que les établissements imaginent, développent et construisent des projets sur mesure, nous devons leur donner les moyens de leurs ambitions. Cela implique également de leur permettre de maîtriser leur patrimoine immobilier ; c’est une condition de la réussite de leurs projets.
Voilà deux ans, le Président de la République a lancé l’opération Campus pour changer le visage de l’université française et accompagner l’élan de l’autonomie. En 2007, il y avait 38 % de locaux vétustes au sein de l’université française. Grâce aux 5 milliards d’euros de cette opération et aux crédits de mise en sécurité qui ont déjà été versés à toutes les universités, nous sommes en train de remettre l’immobilier universitaire à neuf.
Ainsi, 730 000 étudiants bénéficieront demain de campus ultramodernes, des campus du xxie siècle. Ce seront des campus durables et ouverts sur nos villes et nos territoires, avec des bibliothèques, des restaurants universitaires, des cafétérias, des logements étudiants, des infrastructures sportives, des laboratoires et des amphithéâtres, en clair, des lieux de vie, de vrais campus universitaires.
Nous allons ainsi nous mettre au niveau des standards internationaux les plus élevés. Ceux qui, parmi vous, ont d’ores et déjà eu l’occasion d’aller visiter l’exposition des projets élaborés par la communauté universitaire à la Cité de l’architecture et du patrimoine ont pu le constater, les chantiers de l’opération Campus sont au cœur de la transformation de notre paysage d’enseignement supérieur et de recherche. J’ajoute que c’est évidemment aussi un outil très puissant de transformation de l’urbanisme des villes dans les métropoles régionales concernées.
Monsieur le rapporteur, je suis très heureuse que vous ayez souhaité aller plus loin, en permettant aux universités qui le souhaitent de pouvoir valoriser leurs locaux et leurs terrains par l’élaboration de projets communs avec des partenaires privés.
Comment cela fonctionnera-t-il concrètement ? Vous l’avez indiqué à juste titre, monsieur le rapporteur, l’université pourra désormais concéder des autorisations d’occupation temporaire constitutives de « droits réels » à des partenaires privés. En d’autres termes, un partenaire privé pourra disposer d’un droit de jouissance exclusif pour les biens qui lui seront confiés, mais il n’aura pas le droit de les vendre.
Ces mesures seront, là encore, optionnelles et encadrées par les conventions passées entre l’université et le partenaire privé, conventions qui fixeront les montants de la redevance, la durée de l’occupation consentie et les types d’aménagement réalisés. Vous le savez, jusqu’à présent, seul l’État peut conférer des droits réels à des tiers sur le patrimoine immobilier des universités.
Avec de telles dispositions, les universités pourront dégager des moyens supplémentaires pour développer leurs projets d’aménagement des campus. Elles pourront disposer de financements innovants et des investisseurs qui leur permettront de faire soit du logement étudiant, soit des incubateurs d’entreprise, soit des lieux d’accueil de chercheurs. Elles pourront faire construire ou faire aménager par des partenaires privés de véritables lieux de vie ou de travail pour les étudiants, les enseignants-chercheurs et les personnels administratifs.
Je pense à la reconstruction de résidences universitaires, à l’installation sur les campus de commerces et de services pour les étudiants, tels que des librairies, des pharmacies, des kiosques à journaux ou encore des restaurants. Les universités de Strasbourg, d’Aix-Marseille, de Toulouse ou de Pierre-et-Marie-Curie, à Paris, envisagent de développer de tels projets.
Je fais également référence au développement de services à la communauté universitaire que l’on trouve sur tous les grands campus étrangers, par exemple des résidences hôtelières pour les chercheurs étrangers et des lieux de réception, ce qu’on appelle les faculty clubs dans le monde anglo-saxon. C’est le cas aujourd'hui à Dijon, au Havre, à Strasbourg ou à Toulouse.
Ces dispositions ne sont pas nouvelles. Les hôpitaux peuvent depuis longtemps délivrer des occupations temporaires constitutives de droit réel pour ouvrir des résidences hôtelières et répondre aux besoins des malades et de leurs familles.
Je tiens cependant à anticiper d’éventuelles interrogations. Pourquoi avons-nous besoin de ces dispositions alors que les universités pourront consentir des droits réels dans le cadre de la dévolution du patrimoine ? La réponse est très simple. Ces dispositions permettront aux universités de participer à l’opération Campus, dont les premiers chantiers démarreront au mois de janvier prochain. Elles permettront aussi aux PRES d’attirer des investisseurs privés à leurs côtés.
Je souhaite aborder le cas de l’université de Corte, qui appartient aujourd’hui à l’État. La loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse a confié à la collectivité territoriale de l’île les droits et obligations du propriétaire. Aussi, pour permettre à l’université de Corte d’acquérir son patrimoine, comme elle le souhaite, il était nécessaire que la collectivité de Corse puisse lui confier les droits et obligations du propriétaire.
Je me réjouis que la proposition de loi introduise cette modification législative et que les universités de Clermont-Ferrand I, de Poitiers, de Toulouse I, de Paris VI Pierre-et-Marie-Curie et de Corte puissent devenir propriétaires de leur patrimoine au 1er janvier. C’est la deuxième étape de l’autonomie.
Le mouvement de transformation des universités va se poursuivre avec les 22 milliards de moyens exceptionnels des investissements d’avenir. C’est une occasion unique pour nos enseignants et nos chercheurs de réaliser les projets scientifiques et pédagogiques qui leur tiennent à cœur.
Toute la France de l’innovation, de l’enseignement supérieur et de la recherche rivalise d’imagination pour élaborer les plus beaux projets, ceux qui permettront à la France de relever les grands défis scientifiques et sociaux qui s’offrent à elle et de briller dans la bataille mondiale de l’intelligence, avec, à la clé, les emplois de demain. Le mouvement est lancé et il se traduira par un bénéfice direct pour l’ensemble de la société.
Là encore, il fallait proposer et adapter un certain nombre d’outils aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche pour leur permettre d’utiliser au mieux les moyens exceptionnels des investissements d’avenir. Je me réjouis donc que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ait enrichi cette proposition de loi pour offrir de nouvelles possibilités de coopération à nos universités.
Enfin, monsieur le rapporteur, je salue votre initiative qui vise à corriger un effet pervers de l’ordonnance prise en application de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
Cette loi réserve l’exercice de la responsabilité de biologiste médical et la fonction de biologiste responsable des pôles de biologie des CHU aux seuls biologistes titulaires d’un titre ou d’un diplôme de biologiste, en pratique, le diplôme d’études spécialisées, le DES. Or de nombreux professeurs des universités-praticiens hospitaliers des CHU sont arrivés à la biologie par d’autres disciplines. Ils ont donc les diplômes correspondants sans être pour autant titulaires d’un DES en biologie. Je pense, par exemple, aux hématologistes qui, en l’état actuel du droit, ne peuvent continuer d’exercer la biologie médicale ni de diriger des pôles « laboratoires » au sein des CHU.
La Conférence des doyens des facultés de médecine a exprimé à de nombreuses reprises son souhait de voir corriger cette situation et assouplir nos règles. Ce sera bientôt chose faite, grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous ne devons pas enfermer les professeurs des universités-praticiens hospitaliers dans des cases. Nous devons au contraire leur permettre de faire évoluer leur pratique disciplinaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi se veut pragmatique et efficace : pragmatique parce qu’elle vise à apporter des réponses concrètes aux obstacles juridiques et administratifs quotidiens auxquels doivent aujourd’hui faire face les universités ; efficace parce qu’elle permet d’accompagner les transformations en cours, qui sont majeures pour les établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
J’y vois le signe de l’attention vigilante et affectueuse dont j’ai parlé tout à l’heure, et de la qualité des travaux parlementaires. Le souci permanent de la Haute Assemblée de veiller à la bonne application des réformes est extrêmement précieux pour le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Nicolas About applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le rapport d’information commun de nos collègues Jean-Léonce Dupont et Philippe Adnot, déposé au mois de juin dernier, dressait un panorama complet de la situation du patrimoine immobilier universitaire et étudiait scrupuleusement les questions posées par son transfert.
Le transfert du patrimoine immobilier de l’État aux universités est, en effet, essentiel pour que ces dernières puissent acquérir l’autonomie souhaitée par la loi LRU. Auparavant, nos établissements se trouvaient dans un carcan qui les empêchait d’évoluer. Une partie de ce qui était essentiel pour leur vie leur échappait. Or, partout dans le monde, le succès des systèmes publics d’enseignement supérieur repose sur des universités autonomes. Il faut permettre à la France, dans un contexte de forte concurrence, de se maintenir en tête dans l’économie de la connaissance.
Cette autonomie est également importante pour ne pas laisser nos bâtiments dépérir. Nous disposons d’un patrimoine immobilier considérable, mais en mauvais état, parfois même hors normes de sécurité. Le rapport précité nous apprend que 35 % du patrimoine immobilier serait vétuste ou en mauvais état. Cela est dû à l’absence d’une réelle vision stratégique et globale, et au fait que la maintenance n’a jamais été considérée comme un poste prioritaire. De plus, les surfaces ne sont pas optimisées, ce qui résulte en partie d’une faible responsabilisation des universités.
L’immobilier universitaire est devenu une priorité politique depuis l’annonce faite par le Président de la République, en 2007, de financer une opération immobilière d’envergure, l’opération Campus, pour la remise à niveau de ce patrimoine. Il s’agit d’un thème important du débat public.
Cette opération doit financer l’émergence d’une dizaine de campus de niveau international par la remise à niveau de leur patrimoine immobilier. Il s’agit de requalifier et de dynamiser les campus existants pour créer des campus de standard international dotés d’une forte visibilité. L’opération doit être réalisée par des contrats de partenariat publics-privés.
À cette fin, il paraît nécessaire de permettre aux universités de disposer des bâtiments que l’État leur a affectés, même si elles n’en ont pas encore demandé le transfert. Cette question, conformément aux recommandations du rapport du mois de juin, fait l’objet de l’article 1er de la proposition de loi.
Les exemples cités par le rapporteur sont éclairants. En commission, ont été évoqués les projets de l’université de Bourgogne, à Dijon, dans le cadre de l’opération Campus. Une résidence d’accueil sera mise à la disposition de chercheurs étrangers, mais pourra, hors des périodes d’occupation, être louée par le partenaire.
Il faut également permettre le recours au montage promu par la Caisse des dépôts et consignations, comme c’est le cas pour l’université de Strasbourg : rénovation de bâtiments datant des années soixante, bibliothèque universitaire, équipements sportifs et résidence d’accueil de chercheurs… Il s’agit donc d’introduire plus de souplesse afin que les universités puissent rénover leur patrimoine le plus efficacement possible.
D’une manière générale, l’application de la loi LRU va permettre aux universités d’inscrire la stratégie immobilière dans leur projet d’établissement et de renforcer leur identité, leur image de marque et leur attractivité. En obtenant la gestion de leur parc immobilier, nos universités vont gagner en souplesse, mais elles auront également un travail considérable devant elles, ce qui implique des risques financiers significatifs. Il faudra être particulièrement attentif aux difficultés des plus petites universités.
Je tiens à préciser que je partage le sentiment de M. Jacques Legendre, qui souhaite que les travaux de suivi de la loi LRU soient présentés devant la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
L’autonomie immobilière des universités constitue-t-elle une « gageure » ou un « défi surmontable » ? Ainsi était formulée la question posée par le rapport de MM. Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont. Il ne fait aucun doute que nous devons relever ce défi pour renforcer notre enseignement supérieur. Le présent texte est une première étape sur cette voie. J’apporterai donc, au nom du groupe UMP, mon soutien et ma voix à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi prolonge le rapport d’information de nos collègues Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont Autonomie immobilière des universités : gageure ou défi surmontable ?
L’objectif affiché est d’assouplir le cadre juridique qui régit le patrimoine immobilier universitaire afin de faciliter la rénovation de ce dernier. En réalité, elle imprime un tournant dans la stratégie sous-tendant les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, à la fois dans leurs objectifs et dans leur mise en œuvre.
Bien qu’aucun bilan n’ait encore été dressé sur les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, l’on veut passer à l’étape suivante à marche forcée ! C’est un cadeau empoisonné que l’on offre aux directeurs d’université.
Il est certes important pour notre pays d’avoir des campus d’excellence. Cependant, la méthode que vous adoptez ne nous semble pas de nature à parvenir à cet objectif. Cette réforme ne peut pas se faire au détriment des universités qui n’auront pas les moyens suffisants pour gérer leur établissement. Elle ne peut pas se faire non plus au détriment de la démocratisation de l’université et de l’aménagement du territoire.
Mes collègues socialistes et moi-même sommes opposés à la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, qui fixe des compétences optionnelles pour les universités autonomes. Seules cinq d’entre elles pourront, en 2011, profiter de la dévolution immobilière. En effet, le transfert du patrimoine implique que les universités aient préalablement accédé aux responsabilités et compétences élargies tant en matière budgétaire qu’en matière de gestion des ressources humaines. Il impose également une bonne connaissance par les établissements de leur patrimoine, du potentiel humain et, surtout, des capacités d’autofinancement. Or, aujourd’hui, 20 % des universités ont mis en place un schéma directeur immobilier et seules 50 % d’entre elles connaîtraient les coûts de fonctionnement de leurs bâtiments !
Le rapport nous apprend que 35 % du patrimoine universitaire est vétuste. Les inégalités sont très fortes entre les territoires. Le transfert de cette compétence nécessiterait donc, a minima, une remise à niveau préalable du patrimoine universitaire, donc un effort financier de l’État. Ce n’est malheureusement pas le chemin pris par le Gouvernement. En effet, les crédits consacrés à la sécurité et à la maintenance des bâtiments baissent de 166,3 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2011. Les deux tiers de ces crédits sont consacrés au désamiantage, à la réhabilitation et à la mise en sécurité de Jussieu ; pour le reste, seule sera prise en compte la mise en sécurité des bâtiments dans le domaine de la sécurité incendie.
« La liberté dans la pauvreté et la pénurie, cela ne marche pas », pour reprendre les mots de Thomas Piketty. Le Gouvernement n’a pas donné un centime pour assurer la maintenance des bâtiments, ce qui explique que les universités ne se soient pas précipitées pour devenir propriétaires. La question des financements revêt une importance majeure pour les petites structures, notamment les universités qui se trouvent sur des territoires ruraux ainsi que de nombreux IUT. Il doit y avoir une parité de moyens entre les universités. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas.
Pourquoi vouloir aller vite lorsque l’on ne sait pas où l’on va ? N’aurait-il pas fallu, avant de faciliter la conclusion des contrats de partenariat public-privé, réfléchir à une stratégie de gestion immobilière à long terme ? L’un des grands enjeux n’aurait-il pas été de sécuriser de manière pérenne l’aide de l’État, qui devra porter sur l’investissement, la maintenance et le renouvellement ? N’était-ce pas l’une des conclusions du rapport Autonomie immobilière des universités : gageure ou défi surmontable ?
L’article 2 de la proposition de loi ouvre aux établissements publics de coopération scientifique, les EPCS, la possibilité d’être habilités par le ministre chargé de l’enseignement supérieur à délivrer des diplômes nationaux. Cette mesure facilitera la délégation aux PRES de la délivrance des diplômes.
Des réserves sont pourtant apportées quant à l’efficacité des pôles de recherche et d’enseignement supérieur qui ont été mis en place par la loi de 2007.
Deux rapports, l’un de la Cour des comptes, de février 2010, sur la politique de regroupements et de coopération dans l’enseignement supérieur, et l’autre de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche de mars 2010 PRES et reconfiguration des sites universitaires, ont dressé un portrait très critique du fonctionnement des PRES.
Par ailleurs, quelles sont les conséquences pour les territoires ? Bien souvent, les communes ou les agglomérations sont à l’origine de la création d’une structure universitaire, faculté ou IUT. Un établissement d’enseignement supérieur est pour ces collectivités le gage d’une dynamique et d’une attractivité, d’autant que grâce à cette implantation peut naître un bassin d’emplois spécifiques autour du génie civil, par exemple, ou des biotechnologies. L’université est alors le maillon d’une chaîne essentielle en termes d’aménagement du territoire. Nous ne pouvons pas faire abstraction de cette dimension importante de l’enseignement supérieur. Or, la proposition de loi oublie tout simplement ces territoires. Avec la dévolution du patrimoine et la possibilité de passer des contrats de participation avec des tiers, les grandes universités auront les moyens d’attirer des financements privés, ce qui ne sera pas le cas des plus petites ! Dès lors, quel sera leur avenir ?
Ce dispositif sera peu attractif et les collectivités territoriales seront une nouvelle fois obligées de mettre la main à la poche pour trouver des partenariats et pour les conserver. La sollicitation des collectivités va donc s’amplifier, avec un risque de concentration de l’offre de formation sur les grands sites et de fermetures de centres universitaires. Le danger est bien de mettre en place des universités à plusieurs vitesses et de créer des déserts universitaires !
Permettez-moi d’illustrer mon propos par un exemple pris dans mon département, le Finistère. La communauté d’agglomération, parfois appelée Morlaix Communauté, est aujourd’hui maître d’ouvrage pour la création d’un deuxième département au sein de l’IUT de génie civil. La décision ministérielle de créer ce département a été prise à la fin du mois de juin 2010, pour la rentrée universitaire de septembre 2010 ! Des locaux provisoires ont donc été aménagés par Morlaix Communauté. Aujourd’hui, il n’est pas un jour sans que les élus se battent pour obtenir des financements suffisants afin de procéder à la réhabilitation des locaux et ainsi permettre l’installation définitive du département. Pour l’heure, l’avenir reste incertain. Si les élus ont obtenu des assurances sur le financement des dépenses d’investissement, rien n’est clair pour le financement des dépenses de fonctionnement. Sur quels crédits seront rémunérés les personnels techniques ? La collectivité devra-t-elle payer ? Assisterons-nous à la mise en place de nouveaux transferts financiers ?
Enfin, nous nous interrogeons sur les conséquences des partenariats public-privé pour les territoires. Je n’ai pas l’intention de stigmatiser ce mode de coopération qui peut, en effet, être une source de dynamisme et offrir une structure intéressante pour les territoires, mais seulement sous certaines conditions. La Cour des comptes elle-même a émis des réserves sur ces partenariats. Que se passera t-il si les acteurs privés n’investissent que dans des territoires attractifs ? Ne va-t-on pas se tourner une fois encore vers les collectivités territoriales pour financer une partie des opérations, notamment les opérations « non rentables » ? Il ne faut pas fermer les yeux sur la réalité des inégalités territoriales.
Par ailleurs, quelles activités gérera l’opérateur privé une fois la construction terminée ? N’y a-t-il pas un risque que le partenaire privé, afin de dégager des recettes supplémentaires, exploite les locaux à d’autres fins que celles qui auront été jugées nécessaires et relevant des missions d’enseignement et de recherche, et ce sans droit de regard de la personne publique ? Quelles garanties avons-nous en ce qui concerne l’exploitation mercantile du domaine public ? Quelles assurances avons-nous en cas de grave défaillance financière de la part du financeur privé ? Ne reviendra-t-il pas alors aux collectivités locales de se substituer aux partenaires défaillants, alors qu’elles sont déjà victimes d’un véritable étranglement financier ?
Je veux enfin dire quelques mots sur l’avenir des diplômes nationaux, remis en cause par une externalisation à outrance. Le risque est grand que les universités se recentrent sur des diplômes propres à chaque établissement avec, bien sûr, une compétition entre les universités et une dévaluation des diplômes universitaires.
Il ne s’agit pas ici de verser dans la condamnation sans nuance, ni de tomber dans l’excès de prudence ; il s’agit de poser les bonnes questions. Cette proposition de loi est une opportunité, nous le concevons, mais veillons à ce qu’elle ne se transforme pas en piège, car elle partage, avec la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, une caractéristique majeure que nous avions dénoncée : l’absence de vision et de stratégie durable.
Une démarche mieux pensée et concertée, et, surtout porteuse d’une véritable ambition progressiste pour l’enseignement public en France, reste à élaborer, au service d’une certaine idée de l’université qui ne peut être simplement assimilée à un lieu de formation professionnelle et de production d’innovations destinées au marché. C’est pourquoi, au nom de cette ambition, le groupe socialiste s’abstiendra sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est la suite logique du rapport d’information sur l’autonomie immobilière des universités que Jean-Léonce Dupont et moi-même avons présenté en juin 2010.
Madame la ministre, je profite de cette intervention pour vous présenter mes sincères félicitations pour votre renouvellement à la tête du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Voilà un beau compliment à l’heure où l’on souligne que les meilleurs ministres restent à leur poste !
La loi relative aux libertés et responsabilités des universités est clairement plébiscitée, puisque presque toutes les universités ont aujourd’hui demandé leur autonomie. Même ceux qui ont combattu cette réforme s’en sont emparés, et c’est très bien ainsi !
En ira-t-il de même pour la dévolution des biens universitaires ? Il est bien clair qu’un certain nombre de points devront trouver une solution : nous en avons énoncé dix dans notre rapport. J’insisterai simplement sur le dernier d’entre eux.
Dans ce dixième point, nous préconisons, indépendamment de la dévolution, de permettre aux universités qui le souhaitent d’établir une véritable stratégie immobilière. À cette fin, il était nécessaire d’assouplir le cadre juridique qui régit aujourd’hui la manière dont les universités peuvent conduire ces stratégies. L’objet de cette proposition de loi est précisément de permettre aux universités de disposer des droits réels, afin d’optimiser les constructions et les rénovations, en utilisant les techniques modernes de financement et de gestion. Il s’agit d’encourager non seulement les partenariats public-privé, mais aussi les partenariats public-public ou entre les universités et les collectivités locales.
La finalité de cette proposition de loi est double : responsabiliser les dirigeants des universités, qui décideront des stratégies et en assumeront les conséquences, et optimiser l’utilisation des locaux en privilégiant la qualité par rapport à la quantité. C’est l’objet de l’article 1er, sur lequel je ne reviendrai pas, Jean-Léonce Dupont l’ayant parfaitement présenté. Cet article est le plus important de cette proposition de loi, puisqu’il tend à remédier à certains blocages consécutifs à la mise en œuvre du plan Campus.
L’article 2 vise à permettre au PRES de délivrer des diplômes. Comme vous l’avez souligné, madame la ministre, cette disposition permet de leur donner une véritable garantie d’efficacité et de notoriété sur le plan international.
L’article 3 concerne le recrutement des responsables des services de biologie médicale dans les centres hospitaliers universitaires. Cet article a suscité de nombreuses réactions. Je tiens donc à souligner que la voie dominante restera la biologie. Pour autant, aucune profession n’a intérêt à s’arc-bouter sur des prérogatives qui pourraient s’avérer nuisibles, par manque d’ouverture.
J’ai ici un mail que m’a envoyé le président de la Conférence des doyens de facultés de pharmacie, en accord avec le président de la Conférence des doyens de facultés de médecine. Ces deux personnalités soutiennent l’article 3. Nous pouvons donc leur faire confiance : ils sont prêts à examiner les conditions de la mise en place d’une réglementation stricte pour prévenir tout risque de dérive. L’ouverture en ce domaine me paraît devoir être absolument encouragée !
Enfin, je remercie le groupe de l’Union centriste, notamment Jean-Léonce Dupont, qui a accepté de présenter cette proposition de loi dans le cadre de l’ordre du jour réservé à son groupe. En effet, vous le savez, un sénateur non inscrit ne dispose d’aucun espace pour présenter une proposition de loi.
M. Yvon Collin. C’est normal ! (Sourires.)
M. Philippe Adnot. Je tenais donc à remercier le groupe de l’Union centriste de ce geste élégant. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi s’inscrit, en quelque sorte, dans la continuité de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.
Comme je le disais tout à l’heure au président de mon groupe, Yvon Collin, nous devons aller jusqu’au bout de notre démarche. Or, cette proposition de loi nous permet de franchir une nouvelle étape.
J’ai pris acte des réserves, sans doute justifiées, de certains de mes collègues, mais je considère pour ma part qu’il faut toujours aller de l’avant. Le monde évolue très vite. Si l’on veut que nos universités tiennent leur rang dans la compétition internationale, il faut savoir coller au changement, s’y adapter. C’est l’objet de l’article 2 de cette proposition de loi.
Depuis longtemps, mes collègues du groupe RDSE et moi-même nous sommes prononcés pour l’autonomie des universités. Il est donc cohérent de conduire cette idée à son terme en donnant aux universités, qui sont déjà maîtres d’ouvrage de leurs biens immobiliers, les compétences dévolues à un propriétaire, sans pour autant leur en accorder le titre.
Nous émettons quelques réserves sur le cas de la Corse, mais je laisse à mon collègue Nicolas Alfonsi le soin d’aborder ce point particulier.
Nous sommes favorables au partenariat public-privé. Le secteur public doit bien évidemment continuer à définir l’orientation directrice, mais en acceptant le regard du privé ! Nous nous inscrivons dans cette logique, parce que l’on ne peut pas vouloir rapprocher les entreprises du monde universitaire, tout en les excluant du processus de décision. L’on ne peut pas, dans un même temps, plaider en faveur de la compétitivité, de la revalorisation de la recherche, et refuser aux universités les moyens d’être réellement compétitives entre elles, en France, mais aussi sur le plan international !
J’entends de nombreuses critiques sur ce rapprochement entre secteur public et secteur privé, mais, au fond, quelle différence y a-t-il entre une société d’économie mixte et un partenariat public-privé ? Franchement, je n’en vois pas ! La pratique de ces partenariats est d’ailleurs courante dans nos collectivités locales, quelle que soit l’appartenance politique de leurs élus.
Venons-en maintenant aux autres dispositions de la proposition de loi, et tout d’abord à l’article relatif à l’élargissement des compétences des pôles de recherche et d’enseignement supérieur. Cette proposition nous semble aller dans le bon sens. En effet, dès lors que les établissements membres de ces pôles ont la capacité d’exercer des compétences en commun, il paraît logique de leur octroyer également la possibilité de délivrer des diplômes. La commission ayant encadré cette possibilité de garanties qui nous semblent suffisantes, nous soutiendrons cet article.
Le dernier article de la proposition de loi nous a paru un peu plus problématique. Je laisse à Gilbert Barbier, qui connaît très bien le sujet, le soin d’expliquer les raisons de notre perplexité.
Madame la ministre, vous l’aurez compris, en dépit de quelques réserves, mes collègues radicaux et moi-même sommes, dans l’ensemble, favorables à cette proposition de loi. Nous attendrons toutefois la fin des débats avant de nous prononcer définitivement. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lors de la discussion du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités, à l’été 2007, nous avions affirmé notre opposition à un texte qui, sous couvert d’autonomie, fragilisait les universités et leurs personnels.
Ce rappel est d’autant plus nécessaire que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui se situe dans la continuité de la loi de 2007. Elle s’inscrit pleinement dans un schéma de recomposition, à marche forcée, du paysage universitaire national, faisant émerger des pôles d’excellence reconnus internationalement aux côtés de collèges universitaires indigents et limités aux formations de niveau licence.
Le texte est censé faciliter la seconde étape de l’autonomie des universités qui doit se matérialiser par la dévolution du patrimoine immobilier universitaire de l’État aux universités.
Ce transfert de propriété, autorisé par la loi LRU, reste facultatif. Peu demandé par les universités, il est relativement long à mettre en œuvre. Ainsi, sur les neuf universités citées par notre rapporteur et ayant manifesté leur intérêt, seules cinq pourraient accéder à la pleine propriété de leurs bâtiments en 2011.
Pour accélérer ce processus, la proposition de loi confère aux universités de nouveaux droits sur leur patrimoine immobilier, sans nécessairement souscrire à la dévolution prévue par la loi LRU. Ce texte leur permet ainsi de confier à une tierce personne des droits réels correspondant aux prérogatives et obligations du propriétaire, afin de développer les partenariats public-public, et surtout public-privé, qui sont privilégiés pour la mise en œuvre du plan Campus.
Nous ne pouvons accepter de favoriser le plan Campus alors que celui-ci concentre les financements destinés à la rénovation des universités sur un nombre restreint d’établissements jugés internationalement compétitifs, renforçant ainsi un système universitaire à deux vitesses.
Nous sommes en outre pour le moins réservés quant au développement des partenariats public-privé. Les universités peuvent déjà conclure de tels partenariats, mais cette loi vise à en étendre et élargir le champ, aujourd’hui limité à la construction et à la réhabilitation des bâtiments. L’université serait alors davantage ouverte au secteur privé, mettant à la disposition de ce dernier tout ou partie des locaux publics. Accueillir des congrès dans l’enceinte universitaire, louer les résidences d’accueil d’étudiants deviendrait demain possible. Il s’agit bien de promouvoir un nouveau type de partenariats public-privé, que ses promoteurs qualifient d’intelligent, en autorisant un partenaire privé à occuper à sa guise des locaux publics et à en tirer un profit financier.
Les universités, contraintes financièrement, risquent, si elles veulent survivre, de devoir céder progressivement leurs murs au secteur privé, quitte à sacrifier l’intérêt des étudiants et la qualité de leurs formations. Cela revient à demander aux universités de se financer par un développement de leurs fonds propres, ce que la plupart ne seront pas en mesure de faire.
L’autonomie immobilière que l’on cherche à favoriser n’est au fond qu’un moyen de permettre à l’État de réduire la dépense publique en se désengageant d’un patrimoine immobilier universitaire vétuste et couteux.
La loi LRU prévoit certes qu’une contribution annuelle du ministère viendra compenser la dévolution du patrimoine, mais rien ne garantit que son montant sera suffisant, alors que les besoins sont évalués, dans le rapport, à 125 millions d’euros par an. Manquant de moyens pour entretenir un patrimoine dégradé et devant faire face à la baisse des crédits de l’État, les universités ne risquent-elles pas d’être amenées, à très court terme, à devoir vendre purement et simplement une partie de leurs bâtiments ? Mais n’est ce pas là le but recherché ?
D’une manière générale, la mise en œuvre des partenariats public-privé soulève quelques questions. Le risque de voir le cahier des charges de bâtiments publics non respecté par les prestataires privés est bien réel. Rien ne garantit le bon déroulement des travaux, comme le démontre l’exemple de l’université Paris VII, actuellement confrontée aux manquements majeurs de l’entreprise Vinci en matière de normes de sécurité.
L’intérêt des partenariats public-privé réside à première vue dans une diminution des coûts d’investissement. Cependant, les universités pourront-elles supporter le paiement d’une rente pendant vingt à trente ans ? On peut en douter. La Cour des comptes elle-même, dans son rapport de 2008, soulignait les limites des partenariats public-privé qui, dans l’exploitation à long terme de secteurs technologiquement complexes et risqués, engendrent des surcoûts importants.
Au final, le coût pour la collectivité sera plus élevé, car les charges de remboursement seront très importantes, et ce d’autant que les acteurs privés empruntent à des taux moins avantageux que les acteurs publics. Au fond, il ne s’agit que d’une forme d’endettement différé qui ne résout en rien la question du financement des locaux universitaires.
Le rôle central accordé par cette proposition de loi aux pôles de recherche et d’enseignement supérieur soulève également quelques difficultés. La capacité de mettre les bâtiments universitaires à la disposition de tiers est accordée aux universités, mais également aux PRES, qui se voient également octroyer la possibilité de délivrer des diplômes lorsqu’ils sont constitués en établissements publics de coopération scientifique. Les PRES voient ainsi leurs possibilités de coopération élargies.
Pourtant, ces regroupements d’établissements ès qualités ne permettent pas d’assurer les missions de service public de l’enseignement supérieur, ni dans leur fonctionnement ni par leur composition. En effet, les PRES ne sont pas des structures aussi collégiales que les universités. Pilotés par un conseil d’administration, ils ne disposent ni de conseil scientifique ni de conseil des études et de la vie universitaire, comme c’est le cas dans les universités. De plus, les PRES se créent selon la volonté des présidents d’université, incluant parfois des grandes écoles, des établissements privés et excluant le plus souvent les petites universités. Cette structure étant peu démocratique, il nous paraît dangereux de lui accorder autant de pouvoirs, notamment celui de disposer du patrimoine des universités et de délivrer des diplômes.
Actuellement, l’offre de formation proposée par l’université, son évolution et la répartition du budget sont débattues au sein des instances démocratiques des universités dans lesquelles les étudiants, les enseignants-chercheurs et les personnels sont représentés. Le transfert de l’habilitation à délivrer des diplômes des universités vers les PRES revient à retirer à ces dernières leur capacité à s’exprimer et à peser sur les orientations. Comme la LRU en son temps, cette loi fragiliserait encore un peu plus la démocratie universitaire.
On peut en outre s’interroger sur la valeur qui sera accordée aux diplômes délivrés par les petites universités qui ne seront pas intégrées dans un PRES. Il est à craindre que la nouvelle disposition ne nuise à la reconnaissance nationale des diplômes universitaires.
Enfin, cette proposition de loi offre l’opportunité aux établissements privés de bénéficier de manière abusive, par leur seule appartenance à un PRES, de l’habilitation à délivrer des diplômes nationaux. Ainsi, on peut se demander si les établissements fixant librement les frais d’inscription et pratiquant une sélection parmi les étudiants pourront disposer d’une prérogative jusqu’alors confiée aux seules universités ? Une telle mesure engendrerait un déséquilibre considérable dans notre système d’enseignement supérieur et fragiliserait indéniablement les établissements publics.
Madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit dans la droite ligne de la loi LRU dont elle va aggraver les travers. Égalité d’accès des étudiants aux établissements supérieur, investissement massif de l’État dans toutes les universités, promotion de la démocratie universitaire et des logiques de coopération entre établissements, maintien dans chaque université du lien entre recherche et enseignement supérieur qui constitue un gage de qualité des formations dispensées : tels sont les axes principaux de la conception du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche que nous défendons. Force est de constater que la finalité de ce texte tout autre. C’est pourquoi nous voterons contre cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la loi LRU du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités dispose que les établissements universitaires peuvent, à leur demande – il s’agit donc d’une compétence facultative –, obtenir une dévolution du patrimoine immobilier de l’État. Ils ont alors la possibilité d’aliéner les biens concernés et de modifier leur affectation puisqu’ils disposent de droits réels ou complets sur ces bâtiments. Ils peuvent également maîtriser les programmes de travaux nécessaires à l’entretien de ce patrimoine.
Cependant, mes chers collègues, le processus de dévolution, tel qu’il est prévu dans la loi LRU, est long et complexe. Il faut en effet, pour atteindre cet objectif, que l’établissement ait inscrit sa politique immobilière dans un schéma directeur, qu’il ait défini une programmation pluriannuelle d’investissement, qu’il dispose d’une bonne connaissance de son inventaire et qu’il ait remis à niveau sa comptabilité immobilière. À ce jour, seules cinq universités ont été considérées comme prêtes pour la dévolution. Pour les autres, la procédure peut durer encore plusieurs années.
L’opération Campus, lancée en février 2008, je le rappelle, a pour objet de rénover et de redynamiser les campus existants, afin de créer des sites d’excellence qui renforceront l’attractivité et le rayonnement de l’université française. Nous connaissons tous, mes chers collègues, l’état actuel du patrimoine universitaire. On estime qu’au moins 35% des locaux universitaires sont vétustes et exigent de très lourds investissements.
Dans le cadre de l’opération Campus, l’État a choisi de privilégier les partenariats public-privé dans les projets de construction ou de réhabilitation des campus. L’université peut ainsi mettre à disposition d’un partenaire privé une partie de ses locaux pour les valoriser, en accueillant par exemple des congrès ou en installant au cœur des campus des commerces, des cafés ou des restaurants.
La difficulté, c’est que les partenariats public-privé ne peuvent pas être mis en place sans l’exercice par les universités des droits réels, c’est-à-dire sans que l’État ait préalablement dévolu le patrimoine à l’université. En vertu du droit actuel, les établissements exercent les droits et obligations du propriétaire sur leurs locaux, à l’exception, j’insiste sur ce point, du droit de disposition et d’affectation des biens.
C’est pourquoi la proposition de loi, dans son article 1er, introduit une exception. En effet, dans le cadre de la conclusion d’un contrat de partenariat public-privé, ou public-public, comme c’est le cas à Strasbourg, les universités et les pôles de recherche et d’enseignement supérieur peuvent conférer des droits réels à un tiers. Le partenaire sera alors non pas propriétaire des locaux, mais seulement utilisateur. Cet article permettrait donc aux universités qui le souhaitent de participer dès maintenant au plan Campus, dont les premières opérations pourraient être financées dès la fin de l’année 2010 ou au début de l’année 2011.
En ma qualité de maire de Strasbourg, je suis donc particulièrement intéressé par l’article 1er de la proposition de loi. L’université de Strasbourg, vous l’avez rappelé, madame le ministre, fait en effet partie des six premiers projets retenus dans l’opération Campus en mai 2008. Elle devrait, à ce titre, recevoir une dotation en capital de 375 millions d’euros. elle a donc conclu un partenariat, non pas public-privé, mais public-public, avec la Caisse des dépôts et consignations. Ce partenariat concerne notamment la rénovation indispensable de bâtiments datant des années soixante, une restructuration de la bibliothèque universitaire, une maison des étudiants, des équipements sportifs ainsi qu’une résidence d’accueil de chercheurs étrangers. Bref, c’est un programme très ambitieux qui, évidemment, nécessite un lourd investissement.
Malheureusement, l’université de Strasbourg n’a pas aujourd’hui la dévolution de son patrimoine. Faute de disposer de droits réels, elle n’est pas en mesure, dans l’état actuel de la législation, de donner une autorisation d’occupation temporaire à la Caisse des dépôts et consignations. Dans ces conditions, le partenariat public-public qu’elle a conclu ne peut pas prospérer.
Cette proposition de loi permettra à l’université de Strasbourg de mener à terme, dès cette année ou l’année prochaine, la vaste opération de réhabilitation et de transformation de son campus central, sans attendre qu’elle devienne propriétaire de son patrimoine. C’est la raison pour laquelle, ayant signé cette proposition de loi, bien évidemment, je la voterai.
Cela dit, la proposition de loi comporte trois articles. Je vous avoue que je suis plus réservé sur l’article 2, qui prévoit de donner la possibilité aux PRES de délivrer des diplômes nationaux. Je m’interroge en particulier sur la procédure d’élaboration de la maquette des diplômes, celle-ci étant normalement présentée par le conseil de l’unité de formation et de recherche, l’UFR, contrôlée par les services de l’université, puis par le conseil d’administration. La procédure nouvelle peut susciter des inquiétudes, même si la commission a en effet donné un certain nombre de garanties à ce sujet.
L’article 3, quant à lui, concerne la direction des laboratoires de biologie médicale dans les CHU et me paraît bien éloigné des questions évoquées par les deux premiers articles, hors de propos, en apesanteur, en quelque sorte.
Je comprends les réticences de Jean-Luc Fichet sur ces deux articles mais, en ce qui me concerne, je le répète, je voterai cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer, au nom du groupe de l’union centriste, l’initiative prise par notre collègue Jean-Léonce Dupont en matière d’évolution des règles de dévolution du patrimoine immobilier des universités.
Cette dévolution constitue, à nos yeux, une étape essentielle dans la construction progressive de l’autonomie des universités, laquelle restait jusqu’alors cantonnée au recrutement du personnel et à la gestion des moyens mobiliers, les outils techniques et juridiques pour la gestion de leur patrimoine immobilier faisant encore défaut.
La faculté qui est donnée par la présente proposition de loi de procéder à la dévolution des droits réels de propriétés aux universités et d’accorder des autorisations d’occupation temporaire constitutives de droits réels constitue une grande avancée. En effet, elle autorise une gestion beaucoup plus active et autonome de ce patrimoine et permet de parfaire la qualité de gestion des universités. Elle constitue aussi un levier permettant d’innover de nombreux partenariats, au rang desquels figurent les politiques partenariales publiques-privées.
La dévolution des droits réels de propriété permettra aussi d’améliorer la formation universitaire. Les universités pourront accueillir dans leurs murs des incubateurs, des laboratoires et – pourquoi pas ? – des pépinières d’entreprises favorisant ainsi la perméabilité entre le milieu de l’enseignement, de la recherche et de l’entreprise. Et l’on sait l’importance de cette perméabilité à l’heure où l’université ne peut plus être tournée sur elle-même, mais doit au contraire bâtir des ponts avec le monde scientifique et le monde de l’entreprise.
En outre, point très intéressant, la proposition de loi confère aux pôles de recherche et d’enseignement supérieur la faculté de délivrer des diplômes, faculté jusqu’alors limitée aux seuls doctorants. La délivrance par les PRES de diplômes de licence et de master constitue une autre avancée fondamentale, et vient couronner l’évolution progressive des compétences des PRES.
Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur permettent aux enseignants et chercheurs de travailler de concert en vue de favoriser les transferts de technologie et sont propices à une approche globale des formations proposées sur un même territoire. En se regroupant au sein de PRES, les universités gagnent non seulement en qualité de formation et en lisibilité, mais aussi en efficacité de gestion puisque certains moyens peuvent être plus facilement mutualisés. Tout cela permet d’élever le niveau des universités françaises, dans un contexte de concurrence accrue des établissements, à l’échelon tant national qu’international.
En favorisant la délivrance de diplômes par les PRES, on poursuit la logique de coopération interuniversitaire, on renforce l’ancrage territorial de l’enseignement supérieur et de la recherche et on valorise le label d’excellence universitaire que doit constituer le PRES.
Parce que la vie étudiante est un point essentiel du développement de l’enseignement supérieur, je me réjouis de la mise en place d’un conseil de vie étudiante au sein des PRES, lieu de débat des enseignants-chercheurs et des étudiants sur les compétences coordonnées au niveau de l’établissement.
À titre personnel, je suis d’autant plus sensible au renforcement des attributions des PRES que la Normandie vient justement d’en créer un. Il rassemble les universités de Caen, du Havre et de Rouen. C’est un projet que mon collègue Jean-Léonce Dupont, bas-normand, connaît bien, et que vous avez soutenu et encouragé avec force en septembre dernier lors de votre déplacement au Havre, madame le ministre.
Voilà, mes chers collègues, les deux points essentiels que je souhaitais partager avec vous et qui fondent le soutien du groupe de l’Union centriste à la proposition de loi qui nous est soumise, proposition de loi – je tiens à le rappeler – qui est le fruit de travaux conjoints conduits par nos collègues Jean-Léonce Dupont et Philippe Adnot. Je salue leur conviction et la vision d’avenir qu’ils nous proposent aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2 rectifié ter, présenté par MM. Lagauche et Fichet, Mme Bourzai, M. Ries et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'articler 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le rapport annuel prévu à l'article 51 de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités comporte un volet sur la mise en œuvre du transfert du patrimoine immobilier de l'État aux universités, le bilan des opérations immobilières en cours et l'exercice des droits réels par les universités sur le patrimoine immobilier.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Il nous est demandé, par la présente proposition de loi, d’aller encore plus loin dans les compétences que les universités pourront assumer en matière immobilière.
Notre rapporteur, en commission, s’est voulu rassurant en affirmant qu’il ne s’agissait là que d’une ouverture. Mais cette proposition de loi vise clairement une accélération du processus d’autonomie, alors même que le bilan du passage aux responsabilités et compétences élargies n’a pas été tiré, ce qui est compréhensible puisque toutes les universités n’y ont pas encore accédé.
Le Gouvernement butte sur la dévolution du patrimoine, qui est un processus long, complexe, coûteux puisqu’il implique la remise à niveau par l’État des locaux universitaires. N’oublions pas que 35 % du patrimoine universitaire est vétuste ou en mauvais état, avec des inégalités fortes entre universités. J’ajoute que la dévolution du patrimoine est également risquée pour les universités. En effet, elle ne sera pas forcément, et en tout cas pas pour toutes les universités, la manne espérée pour la valorisation de l’immobilier universitaire.
Nous sommes également très réservés sur les partenariats public-privé érigés par le Gouvernement en outil privilégié de la mise en œuvre de l’opération Campus et sur la possibilité donnée par cette proposition de loi aux universités et aux PRES d’accorder des autorisations d’occupations temporaires constitutives de droits réels à des partenaires privés.
Dans ce contexte, et face aux enjeux que représente le dossier du patrimoine universitaire pour notre système d’enseignement supérieur et de recherche, le Parlement se doit d’être informé au mieux, et régulièrement, de son évolution, pour pouvoir exercer sa vigilance et son pouvoir de contrôle. C’est pourquoi nous proposons que chaque rapport annuel du comité de suivi de la loi LRU, au sein duquel notre collègue Jean-Léonce Dupont représente notre Haute Assemblée, comporte obligatoirement un volet sur l’immobilier universitaire. Ce volet devra en particulier faire le point sur trois questions essentielles pour nous, et sur lesquelles nous ferons porter notre vigilance, si la proposition de loi devait être adoptée en l’état : premièrement, la mise en œuvre du transfert du patrimoine immobilier de l’État aux universités, deuxièmement, le bilan des opérations immobilières en cours, et, troisièmement, l’exercice des droits réels par les universités sur le patrimoine immobilier.
À travers cet amendement, nous répondons à la demande d’une meilleure information exprimée en commission par les membres de notre groupe et par nos collègues du groupe CRC-SPG, mais également par le président de la commission de la culture, Jacques Legendre.
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par M. Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remet aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport évaluant l'application de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités et notamment en ce qui concerne le transfert de propriété du patrimoine immobilier aux universités.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Notre amendement, dont l’objet est similaire à celui que vient de présenter notre collègue Jean-Luc Fichet, est de bon sens.
Nous ne cessons d’évoquer la loi LRU et ses conséquences dans le cadre de ce débat comme dans les rapports qui l’ont précédé. Cette proposition de loi, parce qu’elle vise à compléter la dévolution du patrimoine universitaire contenue dans la loi LRU, parce qu’elle tend à renforcer l’autonomie des universités, aurait pour le moins mérité d’être précédée d’une analyse approfondie de la mise en œuvre des différentes dispositions prévues dans cette même loi, ainsi que de leurs conséquences.
Je me permets d’ailleurs de rappeler, à ce titre, que l’article 51 de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités prévoyait que soit rendu un rapport annuel dont nous n’avons, pour notre part, jamais eu connaissance.
Nous considérons qu’avant de légiférer et d’adopter des dispositions s’inscrivant dans le cadre de cette loi il faut – c’est bien le minimum – qu’une étude approfondie soit menée à son terme et débouche sur un rapport qui ne pourrait qu’enrichir nos débats. En un mot, il importe de faire le bilan de l’application de la loi avant de continuer à galoper aujourd’hui encore avec ce transfert de propriété des biens meubles et immeubles aux universités.
Tel est le sens de notre amendement qui ne vise qu’à rappeler la pertinence et la nécessité d’appliquer ce fameux article 51 de la loi LRU sous forme d’un bilan annuel qui sera porté à la connaissance de l’ensemble de nos collègues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Compte tenu des rectifications apportées par notre collègue Jean-Luc Fichet à son amendement initial pour intégrer une suggestion formulée en commission ce matin, j’émets un avis favorable sur l’amendement no 2 rectifié ter.
Pour l’instant, les rapports n’ont pas évoqué cette problématique, car nous ne sommes vraiment qu’au tout début du processus de dévolution. Mais, naturellement, il me semble tout à fait cohérent que ces rapports puissent à l’avenir être intégrés et nous devrons veiller à leur bonne transmission.
L’amendement no 4 me semble satisfait. J’en demande donc le retrait ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Il est favorable à l’amendement n° 2 rectifié ter, car le volet concernant la dévolution du patrimoine immobilier, mais aussi au-delà, doit faire partie intégrante des rapports du comité de suivi. De ce point de vue, je suis sensible au fait que l’amendement ait été complété pour prendre en compte l’ensemble de l’évolution du patrimoine immobilier universitaire, notamment l’opération Campus, ainsi que l’état des chantiers universitaires.
L’amendement n° 4 me paraît satisfait, et j’en demande donc le retrait. En tout état de cause, sa rédaction est moins complète que celle de l’amendement no 2 rectifié ter, qui a donc ma préférence.
Monsieur Renar, le comité de suivi a publié deux rapports depuis le vote de la loi LRU et ils ont tous deux été transmis à la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Tout à fait !
Mme la présidente. Monsieur Renar, l’amendement n° 4 est-il maintenu ?
M. Ivan Renar. La raison – celle du Sénat et la mienne – va l’emporter : je vais retirer mon amendement et voter l'amendement rectifié ter, qui nous a d’ailleurs rassemblés tout à l’heure en commission. Il rejoint en effet la préoccupation que j’ai exprimée – et c’est pour moi l’essentiel – et qui a motivé le dépôt de l’amendement n° 4.
Je souhaite que l’on trouve de nouveaux modes de financement et de travail. Quelle que soit l’opinion que l’on ait de la loi LRU – il ne s’agit pas d’en parler comme de la guerre de 1914-1918 ! –, il me paraît souhaitable que, sur des textes de ce genre, soit publié régulièrement un rapport qui présente un bilan. C’est d’autant plus important, en l’occurrence, que ce bilan devra prendre en compte la dévolution du patrimoine et que la pratique va changer.
J’insiste d’ailleurs sur la nécessité, pour assurer une bonne information de l’ensemble des parlementaires, d’établir un rapport préalable à toute modification législative s’inscrivant dans des champs nouveaux. Il faut toujours faire le bilan de ce qui s’est passé et tenir compte des insuffisances portées à ce bilan pour aller de l’avant.
Madame la ministre, étant soucieux du respect des missions du comité de suivi, j’irai en effet consulter les deux rapports qui ont été établis.
Il ne suffit pas de préciser le champ d’étude d’un rapport, encore faut-il que celui-ci soit effectivement mené à son terme et présenté à notre assemblée dans son ensemble. Je crois qu’il n’y a pas, à cet égard, de mauvaise volonté de la part de la commission et je prends acte qu’il n’y en a pas non plus au niveau du ministère. D’ailleurs, madame la ministre, je souhaite en cet instant me féliciter que vous ayez été maintenue dans vos fonctions ; il aurait été dommage que vous voir vous aventurer sur des terrains plus hasardeux après tout le travail que vous avez effectué, quelle que soit l’opinion que l’on en ait.
Je retire donc l’amendement n° 4.
Mme la présidente. L'amendement n° 4 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié ter.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er.
L'amendement n° 3, présenté par M. Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 719-14 du code de l'éducation est abrogé.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement prévoit d’abroger le dispositif prévu par la loi LRU qui permet la dévolution du patrimoine immobilier universitaire appartenant à l’État aux universités lorsqu’elles en font la demande.
Nous nous étions opposés à la mise en œuvre de l’autonomie des universités telle qu’elle est prévue par la loi LRU, car elle favorise la coopération entre grands établissements avec l’obsession constante d’accroître la compétitivité des universités françaises sur la scène internationale.
Il s’agit, avec cette proposition de loi, d’atteindre cet objectif, quitte à concentrer tous les moyens et tous les efforts sur quelques-unes des grandes universités jugées à fort potentiel, en délaissant la grande majorité des plus petites, au risque de renier leur rôle dans l’accès du plus grand nombre d’étudiants à l’université.
L’autonomie immobilière des universités apparaît comme la seconde étape de l’autonomie des universités, et pour cette raison nous ne pouvons y adhérer. On ne peut la dissocier du plan Campus qui, tout en se donnant pour objet de rénover un patrimoine immobilier universitaire vétuste, une fois de plus, n’attribue des moyens qu’à quelques-unes des universités capables de rivaliser avec les plus grandes dans le classement de Shanghai.
Cette autonomie immobilière risque de ne profiter qu’aux universités les plus riches, et encore rien n’est moins sûr. Car, en réalité, elle permet surtout à un État obnubilé par la réduction de sa dette de se désengager financièrement, de ne pas assumer la charge d’un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche qui lui incombe pourtant.
Pour justifier cette autonomie immobilière, on fait miroiter aux universités la perspective – erronée – d’un accroissement de leurs moyens par le développement de fonds propres résultant de la pleine possession de leurs immeubles, dont elles disposent alors librement. L’autonomie immobilière est un véritable miroir aux alouettes. Alors que l’État se désengage et que les bâtiments de l’université deviennent des locaux mis à disposition du privé pour dégager des revenus que le président d’université gère comme un chef d’entreprise, on ne voit guère comment cette opération pourrait bénéficier au service public de l’enseignement supérieur.
Si le transfert de la propriété de l’État vers les universités doit s’accompagner d’une compensation financière via une dotation, rien ne saurait garantir que le montant de cette dernière soit maintenu à un niveau suffisant par un Gouvernement qui n’hésite pas à procéder, avec la RGPP, à une réduction drastique des moyens humains dans l’enseignement.
C’est donc pour les universités, dans leur diversité, et pour assurer une formation supérieure de qualité que nous demandons l’arrêt de la seconde étape de l’autonomie des universités, c'est-à-dire le transfert du patrimoine immobilier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Madame Labarre, vous ne serez pas surprise que la commission émette un avis défavorable sur votre amendement de suppression de l’article de la loi LRU autorisant la dévolution du patrimoine aux universités.
Je vous rappelle qu’il s’agit bien d’une compétence facultative, qui n’est accordée qu’à la demande des universités et sous réserve que ces dernières soient effectivement prêtes à exercer ces nouvelles responsabilités.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
M. le rapporteur a fort justement rappelé que la dévolution du patrimoine est très soigneusement encadrée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avançons pas à pas sur ce dossier : sur les neuf universités candidates, seules cinq d’entre elles ont été autorisées à gérer leur patrimoine au 1er janvier 2011.
En effet, la dévolution du patrimoine ne signifie pas uniquement l’accès à la propriété, elle entraîne surtout la nécessité d’avoir une stratégie immobilière qui permette de faire de ce patrimoine un outil au service d’une meilleure pédagogie, d’une meilleure recherche et d’une meilleure qualité de vie sur les campus.
Il faut bien le dire, l’État est aujourd’hui un très mauvais propriétaire. Le patrimoine immobilier universitaire est évalué 20 milliards d’euros, pour 18 millions de mètres carrés répartis sur plus de 6 000 hectares.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la plupart de nos campus ont été construits selon le modèle d’urbanisme qui prévalait dans les années soixante et soixante-dix : ce sont des barres sur des terre-pleins. Cette forme d’urbanisme, qui est très déshumanisée, entraîne la multiplication des « dents creuses ». Il est possible de procéder sur ces campus à une densification urbaine tout en conservant une qualité environnementale, c’est-à-dire de construire des campus-villes dans lesquels les grands espaces vides, que l’on transformait souvent en parkings, seraient remplacés par des cafétérias, des cinémas, des lieux de vie, des commerces, des résidences étudiantes, bref par tout ce qui n’a pas été prévu à côté des laboratoires et des amphithéâtres.
Permettez-moi de vous donner un exemple concret. Vous le savez, l’État finance actuellement le désamiantage du campus de Jussieu pour un coût absolument astronomique. À l’issue des travaux, l’université recevra un patrimoine immobilier de 30 000 mètres carrés de droits à construire sur l’actuelle dent creuse du campus, situé en face de Notre-Dame ! Mesdames, messieurs les sénateurs, imaginez la valeur d’un tel patrimoine, dans le plus beau quartier universitaire du monde !
Ces 30 000 mètres carrés ne pourront pas être aménagés sur fonds d’État. En revanche, il est tout à fait envisageable de financer, par des partenariats public-privé innovants, une résidence hôtelière d’accueil de chercheurs étrangers prestigieux, des logements pour les étudiants ou l’incubateur d’entreprises que veut lancer Paris VI. C’est la raison pour laquelle il faut absolument donner aux universités cet outil puissant que représente le patrimoine foncier. Les universités doivent pouvoir valoriser leur patrimoine, d’autant qu’elles sont souvent très bien situées, dans le cœur historique des villes.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Notre groupe s’abstiendra sur cet amendement. Madame la ministre, votre projet est certes ambitieux, mais force est de constater que les moyens ne suivent pas. Lorsque les universités devront gérer, demain, leur patrimoine immobilier, il leur faudra déjà beaucoup d’argent pour remettre à niveau des installations fort vétustes, et bien plus encore pour mettre en œuvre votre projet.
Il est vrai que le partenariat public-privé peut être, en l’occurrence, intéressant, mais je crains que cela ne nous entraîne à l’égard du privé dans des engagements qui dépasseront la fonction d’enseignement et de recherche des universités.
5
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Hongrie
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation de l’Assemblée nationale de Hongrie conduite par M. Erik Banki, président de la commission des sports et du tourisme. (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Cette délégation est accompagnée par notre collègue Michel Billout, président du groupe d’amitié, qui s’est rendu dans ce pays en septembre dernier.
Nous sommes particulièrement sensibles à l’intérêt et à la sympathie que nos collègues portent à notre institution.
Au nom du Sénat de la République, je forme des vœux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens d’amitié entre nos deux pays et je leur souhaite la plus cordiale bienvenue. (Applaudissements.)
6
Activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur
Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi relative aux activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur, aux structures interuniversitaires de coopération, et aux conditions de recrutement et d’emploi du personnel enseignant et universitaire.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 1er.
Article 1er
I. – L’article L. 762-2 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « supérieur », sont insérés les mots : « dont, notamment, les établissements publics de coopération scientifique » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Ils sont toutefois compétents pour conclure sur les biens visés à l’alinéa précédent des contrats conférant des droits réels à un tiers, sous réserve de l’accord préalable de l’autorité administrative compétente et de clauses permettant d’assurer la continuité du service public lorsque les biens concernés sont nécessaires à l’accomplissement de ce service.
« Ils fixent les conditions financières des titres d’occupation du domaine qu’ils délivrent, après avis de l’autorité administrative de l’État compétente. »
II. – L’exécution des contrats conférant des droits réels à des tiers que l’État a conclus avant l’entrée en vigueur de la présente loi sur les biens qu’il a mis à disposition des établissements publics d’enseignement supérieur se poursuit jusqu’à leur terme.
II bis (nouveau). – Au deuxième alinéa de l’article L. 4422-44 du code général des collectivités territoriales, est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« La collectivité territoriale de Corse peut confier aux établissements d’enseignement supérieur visés à l’article L. 4424-4 les droits et obligations du propriétaire sur le patrimoine immobilier, dont l’exercice de la maîtrise d'ouvrage de constructions universitaires. »
III. – Les dispositions du I et du II s’appliquent dans les îles de Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, sur l'article.
M. Nicolas Alfonsi. Madame la ministre, la commission a intégré dans le texte de la proposition de loi un amendement du Gouvernement qui autorise la collectivité territoriale de Corse à céder la maîtrise d’ouvrage de ses immeubles à l’université de Corte.
Ma préoccupation porte sur la procédure qui a été suivie, et sur laquelle j’aimerais attirer l’attention de mes collègues.
Si la loi de 2002 donne à la collectivité territoriale de Corse la possibilité d’émettre des avis sur les projets et les propositions de loi concernant le territoire, elle est silencieuse au sujet des amendements.
En ce qui concerne les projets de loi, il n’y a aucun problème : le Gouvernement saisit l’Assemblée de Corse.
Pour les propositions de loi, les choses sont un peu plus compliquées : la procédure n’est pas totalement fixée.
Quant aux amendements, … Il n’est bien évidemment pas question de priver les parlementaires de leur droit d’amendement, mais je souhaite, madame la ministre, que vous me donniez la doctrine du Gouvernement sur ce sujet.
La loi de 2002 dispose que l’Assemblée de Corse donne un avis sur toutes les questions qui concernent l’île. Si le Gouvernement déposait, demain, un projet de loi visant à transférer la cour d’appel de Bastia à Ajaccio, l’Assemblée de Corse devrait être consultée. Mais en l’occurrence, on cède à l’université de Corte, par la voie d’un simple amendement, la compétence de la maîtrise d’ouvrage sur son patrimoine immobilier, compétence qui ressortit aujourd’hui en propre à la collectivité territoriale de Corse. Vous voyez bien le problème.
Madame la ministre, avez-vous saisi la collectivité territoriale de Corse ? Non. On peut également se demander par qui vous avez été saisie. Il y a certes un vide juridique qu’il convient de combler, mais vos services ne s’en sont pas rendu compte subitement, grâce à une opération du Saint-Esprit ! Je devine que c’est l’université de Corte qui, après avoir certainement consulté, oralement, la collectivité territoriale de Corse, vous a demandé de déposer cet amendement.
J’en viens à la question de fond. Si, demain, l’université de Corte devient le maître d’ouvrage de quelques immeubles, je n’en mourrai pas. Je ne compare pas sa situation à celle de l’université de Strasbourg. Actuellement, il y a environ 2 800 étudiants à Corte, avec un capital immobilier qui est pratiquement entièrement construit.
Permettez-moi de vous livrer une anecdote. Voilà quelques années, on pouvait lire sur certains murs de la ville de Corte : « 1984, université de Corte : 2 000 étudiants ; 1994 : 2 000 étudiants ». Un esprit facétieux avait ajouté : « Toujours les mêmes ! » (Rires.) Je ne fais pas mienne cette observation cruelle et je souhaite que des moyens soient donnés à l’université de Corte.
Mais je m’interroge sur les causes qui justifient une telle précipitation. Mon petit doigt me dit que les préoccupations de l’université de Corte sont dictées par des considérations plus immobilières que pédagogiques. Dans l’environnement que nous connaissons, je ne suis pas persuadé que le partenariat public-privé soit le bienvenu, mais, je le répète, si la dévolution du patrimoine à l’université de Corte devient demain effective, je n’en mourrai pas.
Nous sommes ici face à une tentative de prise de pouvoir par l’université de Corte. Chacun sait que le Président de la République – c’est ce qui explique qu’on ne peut rien lui refuser –, après l’échec du référendum, auquel j’ai le plaisir d’avoir contribué, a confié à cette université, plutôt qu’à l’instance insulaire légitime, le soin de réfléchir aux institutions de l’île. Je sais bien, madame la ministre, que cette réflexion s’inscrit dans le cadre d’une mission,… officieuse. L’avenir nous dira quelle en sera la portée.
Madame la ministre, telles sont les préoccupations dont je voulais vous faire part. Cela dit, si le groupe du RDSE vote ce texte, je ne tiens pas à me faire remarquer, surtout en Corse… (Rires. – Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par M. Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Avec cet amendement, nous allons beaucoup plus loin que Nicolas Alfonsi. Nous souhaitons en effet la suppression de l’article 1er de cette proposition de loi dont l’objet est de permettre aux universités qui ne feraient pas la demande de dévolution du patrimoine prévue dans la loi LRU de pouvoir néanmoins attribuer à un tiers des droits réels sur ses biens immeubles.
Cet article vise à élargir les possibilités de partenariat public-privé des universités non propriétaires de leur patrimoine, qui sont actuellement limitées à la réhabilitation et à la construction de locaux universitaires. Il permet désormais à toute université de mettre ses bâtiments à disposition d’un tiers et de lui donner la possibilité d’en tirer profit, au risque de dévoyer les missions de service public de l’enseignement supérieur.
Sous couvert de développement des fonds propres des universités faisant croire à une perspective d’accroissement de leurs moyens, cet article ne fait que masquer le désengagement de l’État. Il n’y aura aucun accroissement des ressources des universités. Cette possibilité a pour seul intérêt de permettre à l’État, au mieux, de compenser son manque d’investissement, au pire de l’accentuer.
Cet article ne peut être détaché de l’esprit qui préside à la mise en œuvre de l’autonomie immobilière : cette dernière doit être compensée par une dotation de l’État aux universités, mais ni son montant ni sa pérennité ne sont assurés, le seul objectif étant de réduire artificiellement la dette.
Tout cela se fait au détriment de la qualité de l’enseignement supérieur et du maintien de sa diversité. Ce n’est pas en confiant à des prestataires privés le soin de valoriser des bâtiments universitaires que le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche pourra être optimal. Les implications des acteurs privés relèvent exclusivement de la logique des profits financiers, lesquels entrent en conflit avec ce qui fait la particularité et l’essence de l’université et de la recherche publique.
Les universités risquent ainsi d’être plus dépourvues que jamais. Abandonnées par l’État et livrées à des acteurs privés extérieurs à leurs missions, nous pouvons craindre que, pour survivre, elles ne soient toujours plus tentées de céder des locaux, voire tout simplement de les vendre, au détriment des enseignants et des étudiants.
Nous proposons donc de supprimer cet article, d’autant qu’il attribue ce pouvoir de décision non seulement aux universités, mais également aux pôles de recherche et d’enseignement supérieur constitués sous forme d’établissements publics de coopération scientifique, qui sont des structures non démocratiques dont le mode de fonctionnement mine toute collégialité.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Je le rappelle, l’article 1er permettra de débloquer certaines situations. Ainsi, les universités qui le souhaiteront pourront conduire des partenariats public-public ou public-privé.
Madame Labarre, votre position me semble quelque peu paradoxale. En commission, certains pensaient que les dispositions de cet article n’étaient applicables qu’aux universités qui s’étaient engagées dans un processus de dévolution du patrimoine et que, par conséquent, seules les grandes universités en bénéficieraient.
En réalité, ces dispositions pourront être mises en œuvre par toutes les universités. Cela devrait vous rassurer, mais vous nous faites maintenant le reproche inverse. Voilà pourquoi je parle de paradoxe. Vous ne serez donc pas surprise que j’émette un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Je tiens à l’indiquer solennellement devant le Sénat : votre inquiétude n’a pas lieu d’être, madame Labarre. Le patrimoine immobilier des universités appartient au domaine public. Le fait que ces dernières deviennent propriétaires des bâtiments ne supprime pas cette caractéristique.
Vous le savez, les règles concernant le domaine public sont extrêmement strictes : on n’a pas le droit d’aliéner le domaine public s’il est consacré à l’exercice d’une mission de service public. Un bâtiment universitaire dans lequel s’exerce une mission d’enseignement universitaire ne peut pas être vendu au secteur privé. C’est impossible, car contraire aux règles du droit public français. Pour être vendu, ce bâtiment devrait être déclassé, ce qui suppose une intervention de la puissance publique.
Vous le voyez, il existe des verrous solides pour empêcher les universités de faire n’importe quoi avec leur patrimoine. Ces verrous ont été posés par le législateur, dans le respect du droit public français. Vous n’avez donc, je le répète, aucune crainte à avoir.
Il ne faut pas craindre les partenariats public-privé, madame le sénateur. J’ai vu récemment, avec un grand intérêt, le département de la Seine-Saint-Denis – certes, ce ne sont plus vos amis qui le dirigent – s’engager dans un partenariat public-privé pour la construction de collèges.
Dès lors que la collectivité territoriale exerce un véritable contrôle sur le partenariat, il n’y a aucune raison d’avoir peur de faire appel à des financements innovants et de travailler main dans la main avec le secteur privé. En tout cas, rassurez-vous, le service public n’y perdra pas son âme.
Permettez-moi de répondre à l’apostrophe de Nicolas Alfonsi. Monsieur le sénateur, si ce texte avait été un projet de loi, l’Assemblée de Corse aurait bien évidemment été dûment consultée par le Gouvernement. En l’occurrence, la disposition que vous évoquez provient de l’adoption d’un amendement d’origine parlementaire dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi sénatoriale.
Vous aurez toutefois constaté que, dans leur sagesse, les membres de la commission de la culture ont rédigé l’article de manière que la collectivité territoriale de Corse soit incontournable dans l’exercice de cette dévolution. Je vous en rappelle les termes : « La collectivité territoriale de Corse peut confier aux établissements d’enseignement supérieur […] les droits et obligations du propriétaire sur le patrimoine immobilier, […] ».
Cette rédaction signifie bien que la collectivité territoriale de Corse devra dire, par un vote, si elle accepte ou non que l’université de Corte devienne, sans jeu de mots, pleinement autonome.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
I. – L’article L. 344-4 du code de la recherche est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « mise en commun », sont insérés les mots : « des activités et » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de la politique contractuelle prévue à l’article L. 711-1 du code de l’éducation, il peut être habilité à délivrer des diplômes nationaux dans les conditions fixées à l’article L. 613-1 du même code. »
II (nouveau). – Au 6° de l’article L. 344-7 du code de la recherche, après le mot « formation », le mot « doctorale » est supprimé.
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Cet amendement vise à supprimer l’article 2 de cette proposition de loi, qui accorde aux PRES constitués sous forme d’EPCS la possibilité de délivrer des diplômes nationaux. Il s’agit donc de transformer ces EPCS en substituts d’établissements d’enseignements supérieurs en leur accordant une compétence primordiale.
Nous ne souhaitons pas que la possibilité de délivrer des diplômes leur soit accordée, et ce pour deux raisons.
La première, nous l’avons déjà évoquée, concerne la nature antidémocratique de ces structures. Celles-ci ne sont pourvues que d’un conseil d’administration qui accorde une moindre place aux étudiants, aux personnels et aux enseignants-chercheurs que celui des universités. Contrairement aux universités, les EPCS ne possèdent donc ni conseil scientifique ni même conseil des études et de la vie universitaire, lequel est pourtant consulté sur les orientations des enseignements et les nouveaux diplômes que l’on s’apprête à déléguer.
La seconde raison réside dans la composition de ces EPCS. Ce sont en effet des groupements d’intérêt de grandes universités : ils délaissent les plus petites universités de province ; en revanche, ils peuvent intégrer des établissements privés.
Le risque est grand de créer des diplômes de valeur différente entre grands pôles et petites universités, ou de faire bénéficier des établissements privés d’une habilitation de fait. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons d’adopter cet amendement, qui vise à rejeter l’attribution d’une nouvelle compétence aux EPCS.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Je le rappelle, l’article 2 vise à tenir compte de l’évolution naturelle des PRES, notamment en vue de donner une visibilité internationale à un nombre limité de formations.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Nous voulons que les universités autonomes et les groupements universitaires que nous allons créer délivrent des diplômes nationaux. Je réponds là également à une observation de M. Jean-Luc Fichet. Pour le Gouvernement l’autonomie ne signifie pas l’affaiblissement des diplômes nationaux, bien au contraire !
L’État garantit que la formation sera de qualité égale dans tout le territoire. Les PRES regrouperont des écoles et peut-être des établissements d’enseignement supérieur privés qui n’ont pas aujourd’hui la possibilité de délivrer des diplômes. Il est à nos yeux très important que ces PRES délivrent des diplômes nationaux et qu’ils ne créent pas des diplômes ad hoc. Ils doivent s’intégrer dans un processus de validation des maquettes de diplôme coordonné par le ministère, afin que les diplômes aient tous la même valeur, quelle que soit l’autorité qui les délivre. Il n’y aura plus, par exemple, de diplôme de Bordeaux I, de Bordeaux II, de Bordeaux III, de Bordeaux IV ; il y aura un diplôme de l’université de Bordeaux, qui sera visible de Shanghai.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Lagauche et Fichet, Mme Bourzai, M. Ries et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
... - Au dernier alinéa de l'article L. 344-7 du code de la recherche, les références : « 1° et 2° » sont remplacées par les références : « 4° et 6° » et les références : « 1°, 2° et 3° » sont remplacées par les références : « 4°, 5° et 6° ».
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. La question de la gouvernance, que ce soit celle des universités issue de la loi LRU ou celle des PRES, est très prégnante. En atteste le choix du comité de suivi de la loi LRU de faire porter ses deux premiers rapports sur ce thème.
Les travers de la nouvelle organisation institutionnelle des universités autonomes que nous avions pointés lors de l’examen du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités se sont révélés justifiés par la pratique sur le terrain des universités ayant accédé à des responsabilités et à des compétences élargies.
Ainsi, les représentants des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche mettent l’accent sur le recul de la démocratie dans les nouvelles structures.
En ce qui concerne plus spécifiquement les PRES, leurs conseils d’administration sont souvent dominés par des rapports de force concurrentiels et des luttes d’influence entre établissements. Or leurs décisions s’imposent ensuite aux établissements membres, sans véritable recours possible. De fait, ce fonctionnement renforce encore plus les pouvoirs des présidents que la loi LRU a concentrés entre leurs mains. En conséquence, les personnels et les instances élues des universités sont quasiment mis à l’écart de ces décisions et le plus souvent placés devant le fait accompli.
Nous proposons donc de modifier la composition du conseil d’administration des PRES constitués en établissements publics de coopération scientifique afin d’y renforcer la représentation des personnels et des étudiants. Cela nous semble d’autant plus nécessaire que la proposition de loi entend habiliter les EPCS à délivrer des diplômes nationaux. Cette disposition constitue d’ailleurs, je tiens à le souligner, un contournement du monopole de collation des grades de l’État, puisque, indirectement, des écoles privées membres d’un EPCS pourront bénéficier du label universitaire en formant à un diplôme national délivré par un PRES.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer le poids des représentants des personnels et des étudiants au sein des PRES. Cette façon de revoir la gouvernance ne me semble pas adaptée, d’autant que la situation n’est pas la même selon les PRES.
Cela dit, je ne suis pas resté insensible aux arguments de notre collègue Maryvonne Blondin. C’est pourquoi j’ai préconisé une meilleure représentation des personnels et des étudiants au travers d’un sénat académique et d’un conseil de vie étudiante. Ainsi, chaque PRES pourra adapter son statut propre en fonction de ses spécificités.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Il revient aux PRES de définir dans leur statut l’organisation de la représentation des personnels et des étudiants. Dans ces conditions, me direz-vous, pourquoi travailler sur la gouvernance ? Dans la mesure où l’on offre la capacité de « diplômation » pour tous les diplômes, au titre du parallélisme des formes, l’idée que seuls les doctorants pourraient siéger au conseil d’administration des PRES ne paraît pas très pertinente. Cela dit, la rédaction de la commission étant cohérente, le Gouvernement y est favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par M. J.L. Dupont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le deuxième alinéa de l’article L. 719-13 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les fondations partenariales peuvent recevoir, en vue de la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif se rattachant à leurs missions, l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources, sans que soit créée à cet effet une personne morale nouvelle. Cette affectation peut être dénommée fondation. »
II. - Les dispositions du présent article sont applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux fondations partenariales d’abriter des fondations sans personnalité morale. Les fondations « abritées » ainsi créées seront gérées dans les mêmes conditions et avec les mêmes avantages fiscaux que les fondations affectataires.
Cette faculté permettra aux fondations partenariales d’offrir à ceux qui le souhaitent – entreprises, particuliers ou anciens élèves de l’établissement fondateur – la possibilité de concrétiser un projet d’intérêt général en créant une fondation sous l’égide de la fondation partenariale.
Cet amendement, présenté au nom de la commission, est le fruit d’une collaboration très étroite avec Philippe Adnot, grand spécialiste de ces questions.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. Avis favorable !
M. Jean-Pierre Plancade. Avec réserve, mon cher collègue. (Sourires.)
Nous comprenons parfaitement l’esprit de ce dispositif, mais nous craignons qu’il ne soit à l’origine de quelques difficultés. Nous nous demandons notamment si la création d’une fondation au sein d’une autre fondation est vraiment de nature à favoriser la transparence de la gestion comptable. Nous souhaitons donc obtenir des éclaircissements avant de nous prononcer.
Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Il nous sera bien difficile de souscrire à cet amendement qui est pour le moins opaque et confus, comme vient de le souligner M. Plancade. Le dispositif proposé ressemble à une poupée gigogne, à une matriochka !
Ce qui est plus lisible, en revanche, c’est que ce dispositif, quoi qu’il contienne dans le fond, s’inscrit dans la volonté d’accroître coûte que coûte les fonds propres des universités tout en bénéficiant aux donateurs privés qui seront avantageusement fiscalisés.
Il s’agit encore une fois de développer toutes les possibilités permettant d’accueillir de nouvelles sources de financement privées, dans l’objectif de compenser ou d’augmenter le désengagement financier de l’État, lui-même dans une situation financière dramatique.
Quoi qu’il en soit, nous voterons contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Monsieur Renar, je ne suis pas spécialiste des poupées russes. (Sourires.)
Plus sérieusement, cher Jean-Pierre Plancade, il s’agit vraiment de faciliter, d’alléger et, au bout du compte, de réduire les coûts de fonctionnement de l’ensemble de ces structures.
M. Jean-Pierre Plancade. Mon seul souci, c’est la transparence.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Je n’ai pas d’inquiétude sur la transparence.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.
Article 2 bis (nouveau)
I. – L’article L. 719-10 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Aux deuxième et troisième alinéas, les mots : « Un établissement d'enseignement supérieur public ou privé » sont remplacés par les mots : « Un établissement ou un organisme public ou privé concourant aux missions du service public de l’enseignement supérieur ou de la recherche ».
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article sont applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna. »
II. – Après l’article L. 311-3 du code de la recherche, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 311-4 (nouveau) – Un établissement ou un organisme public ou privé concourant aux missions du service public de la recherche peut être rattaché à un établissement public à caractère scientifique et technologique ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial ayant une mission de recherche, par décret, sur sa demande et sur proposition du ou des établissements auxquels ce rattachement est demandé.
« En cas de rattachement, les établissements conservent leur personnalité morale et leur autonomie financière. »
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par M. Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Nous sommes opposés à cet article introduit en commission qui élargit les possibilités de coopération sous forme d’établissement public de coopération scientifique, EPCS.
Ainsi, l’article évoque non plus la coopération des établissements d’enseignement supérieur et de recherche privé ou public, mais, de manière plus extensive, tout établissement ou organisme public ou privé concourant aux missions du service public de l’enseignement supérieur ou de la recherche.
Nous ne voyons pas bien, pour notre part, ce qui vient justifier cette modification. Si le rapporteur évoque la possibilité de rattachement des centres de documentation à des EPCS, dans les faits, certains organismes n’ayant pas le statut d’établissement d’enseignement supérieur ne semblent pas être bloqués pour intégrer un EPCS, comme semble l’attester l’exemple de l’Institut national de recherche pédagogique et de l’École normale supérieure de Lyon.
Sans que l’on nous explique précisément l’intérêt de cette modification, on voit bien se profiler le danger qu’une notion extensive introduit : celui d’une ouverture toujours plus grande à des structures privées dont on exige seulement qu’elles « concourent » – mais dans quelle mesure ? – à une mission de service public.
Quant à étendre cette possibilité de coopération à la recherche, nous ne saurions y adhérer. Nous avons maintes fois rappelé le caractère non démocratique de ces structures ainsi que leur géographie « excluante ». Nous sommes donc évidemment contre leur élargissement et contre leur extension à la recherche.
C’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. La commission émet bien entendu un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l’article 2 bis.
Je rappelle que cet article doit permettre une plus grande coopération entre les organismes publics et privés, entre les organismes de recherche et d’enseignement supérieur. Il s’agit d’une orientation d’ouverture.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Nous devons résolument simplifier notre paysage institutionnel, tant en matière de recherche qu’en matière d’enseignement supérieur. Toutes les possibilités de rattachement et d’intégration qui permettent aux différentes structures d’avoir une meilleure cohérence et d’éviter la complexité administrative sont bienvenues. Dans une certaine mesure, c’était aussi l’objet de l’amendement précédent.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2 bis.
(L'article 2 bis est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
L’article L. 6213-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux 1° et 2° du présent article, les personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires titulaires, relevant des sous-sections du Conseil national des universités pour les disciplines médicales et pharmaceutiques fondatrices de la biologie médicale et les disciplines apparentées, peuvent exercer la responsabilité de biologiste médical dans le cadre d’un exercice limité à leur spécialité et, le cas échéant, la fonction de biologiste-responsable définie à l’article L. 6213-7. »
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, sur l'article.
M. Gilbert Barbier. Comme l’a excellemment souligné Jean-Pierre Plancade dans la discussion générale, l’article 3 de la présente proposition de loi ne laisse pas de nous interroger. Cet article concerne le recrutement des responsables de service de biologie en centres hospitaliers et universitaires, ou CHU.
Sous l’impulsion des ministres de l’enseignement supérieur et de la santé, les conditions d’exercice de la profession de biologiste médical ont été encadrées de façon très stricte. L’ordonnance prise par le Gouvernement en janvier dernier réserve donc l’exercice de la responsabilité de biologiste médical et la fonction de biologiste responsable aux seuls médecins et pharmaciens titulaires d’un diplôme d’étude spécialisée en biologie médicale ou d’une qualification en biologie médicale délivrée par les instances ordinales au regard des compétences prouvées par les candidats.
Les auteurs de la proposition de loi souhaitent une dérogation pour les CHU, de manière à permettre aux personnels enseignants et hospitaliers titulaires de diplômes d’autres disciplines d’y exercer comme biologistes médicaux et d’assumer la responsabilité de pôles de laboratoires.
De fait, de nombreux professeurs des universités praticiens hospitaliers ont une formation initiale de clinicien et sont arrivés à la biologie, dans un second temps, à travers leur activité de recherche.
S’agit-il de créer une troisième voie d’accès ou de remédier à des situations existantes ?
Dans le premier cas, cela crée des inégalités entre professionnels : certains devront en effet gravir les échelons d’une formation en justifiant de leurs compétences à chaque étape quand d’autres pourront exercer la même spécialité sans en avoir les compétences requises. Quoi qu’il en soit, il eût fallu que la commission des affaires sociales fût saisie, car il s’agit là d’une question de sécurité et de santé publique. Je regrette qu’elle n’ait pas été informée.
S’il s’agit de remédier à quelques situations existantes, là non plus, je ne comprends pas bien. En effet, l’article L. 6213-2 du code de la santé publique permet déjà de maintenir le statut dérogatoire des personnels enseignants ayant exercé une activité hospitalière en biologie médicale hors du cadre légal de l’ordonnance.
Selon cet article, peut également exercer les fonctions de biologiste médical, à compter de la date de la publication de l’ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale, une personne qui remplit les conditions d’exercice de la biologie médicale dans un laboratoire de biologie médicale, ou une personne qui a exercé la biologie médicale dans les établissements publics de santé, soit à temps plein, soit à temps partiel, pendant une durée équivalente à deux ans à temps plein au cours des dix dernières années. Manifestement, des possibilités de dérogation sont donc prévues et peuvent être exercées.
Je voudrais simplement rappeler que la biologie médicale est essentielle pour le patient, puisque 80 % des décisions immédiates prises par les cliniciens le sont sur la base des résultats d’examens biologiques. Le biologiste médical est donc particulièrement important dans le parcours de soins et de diagnostic et, pourrait-on dire, plus spécialement en CHU. Aussi est-il important de réserver cette responsabilité à des titulaires de diplômes en médecine ou en pharmacie complétés par un diplôme d’études spécialisées en biologie médicale.
S’agit-il, par le biais de cet article, d’ouvrir la voie à des non-médecins et à des non-pharmaciens, c’est-à-dire à des universitaires, certes respectables, mais qui n’ont pas prononcé de serment, qui n’appartiennent pas à un organisme ordinal ? Cela me paraît pour le moins contraire à notre conception du soin au patient.
La question paraissant complexe et délicate, je souhaite, madame la secrétaire d’État, qu’elle puisse être étudiée d’une manière plus approfondie, afin que notre assemblée légifère en toute connaissance de cause.
C’est la raison pour laquelle il me paraît préférable de surseoir à l’adoption de cet article 3.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Leclerc, sur l’article.
M. Dominique Leclerc. À la suite de notre collègue Gilbert Barbier, je rappellerai que cet article instaure la possibilité d’exercer la biologie médicale en milieu hospitalier par des personnes non titulaires de cette formation qualifiante ou qui n’auraient pas obtenu l’autorisation du conseil national de l’ordre des médecins.
On peut s’interroger sur la pertinence de cette possibilité en termes de santé publique. Le fait d’autoriser des professionnels non spécifiquement formés à exercer une discipline pourtant centrale et hautement stratégique dans les établissements de santé risquerait de créer une rupture d’égalité entre les patients.
En outre, cette proposition me semble en totale contradiction avec l’esprit de la réforme de la biologie médicale que nous avons adoptée dans le cadre de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires ». Le volet « biologie » de cette loi, dénommé du nom de son promoteur, Michel Ballereau, se met difficilement en place depuis le début de l’année. Il vise essentiellement à encadrer plus strictement cette spécialité pour en renforcer la qualité.
La profession a mis en place une démarche Bio Qualité qui va être complétée par une accréditation. Cette dernière, il faut le savoir, sera exigée dans les prochaines années pour la biologie privée comme pour la biologie hospitalière. Je souligne que ladite loi a réaffirmé au préalable, ce qui nous paraît essentiel – on en mesure l’importance à travers les dérives techniques et financières constatées dans cette filière –, qu’il s’agit d’une spécialité médicale à part entière.
Telles sont les raisons pour lesquelles je m’interroge, moi aussi, sur la pertinence de cet article 3. En tout cas, il nous est très difficile de nous prononcer ce soir, les informations incomplètes dont nous disposons ne nous permettant pas de prendre une décision en connaissance de cause.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Je dois dire que j’ai été alerté très tardivement, au cours des dernières heures, des problèmes que cet article est susceptible de poser.
D’un côté, il s’agit de permettre l’exercice de la responsabilité de biologiste médical ou de la fonction de biologiste responsable par des spécialistes pouvant être de brillants chercheurs. De l’autre, il est vrai que nombre d’excellents chercheurs sont désormais titulaires du diplôme d’études spécialisées de biologie médicale, ce dernier existant depuis 1984. En outre, certains craignent que la mission de soins des CHU en pâtisse.
Il est également vrai que la situation des personnels occupant déjà de telles fonctions est maintenue et que l’ordonnance du 13 janvier 2010, qui réserve l’exercice des responsabilités concernées aux titulaires d’un tel diplôme, prévoit aussi la possibilité d’obtenir une équivalence.
Enfin, certains craignent un impact négatif sur la réforme de la biologie médicale, à un moment où il est question de réviser la directive communautaire concernée de façon à harmoniser les pratiques variées des États membres en la matière, en vue de mieux garantir la sécurité sanitaire.
Au total, les positions des uns et des autres sont pour le moins variées. Dans ces conditions, et compte tenu des points de vue qui viennent de s’exprimer, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais répondre à vos inquiétudes, qui sont certes justifiées, mais qui peuvent assez aisément être dissipées.
Tout d’abord, la présente proposition de loi est purement pragmatique. Son objectif est de ne pas figer dans un carcan absolu et immuable le recrutement des praticiens hospitalo-universitaires, et exclusivement de ces derniers.
Cet article ne vise ni les hôpitaux non CHU, ni les laboratoires privés, ni la biologie médicale libérale. Il porte uniquement sur le recrutement des praticiens de nos CHU. Pourquoi ? Parce que, dans les CHU, il est impératif de recruter la bonne personne pour la bonne place. Créer des barrières de diplôme pour une poignée de postes qui se comptent sur les doigts de la main – quatre ou cinq en France – me paraît totalement inopportun, alors que ces postes doivent être occupés par les personnes adéquates.
Il s’agit de nos CHU, de postes à responsabilité, d’enseignants-chercheurs. Dans un CHU, la biologie médicale est en réalité sous la responsabilité de plusieurs spécialistes, qui peuvent être hématologistes, microbiologistes ou biochimistes. Qui sommes-nous, nous politiques, pour définir quelle sera la personne la mieux à même d’occuper telle ou telle chaire ?
Avec la modestie qui sied aux profanes, nous devons accepter cette dérogation à la règle pour quelques postes hospitalo-universitaires. Toutefois, et j’attire votre attention sur ce point, cette dérogation est très soigneusement encadrée par le conseil national des universités hospitalo-universitaire, le CNUHU. C’est lui qui sera en mesure de dire si le praticien pressenti convient ou non pour le poste. Peu importe de savoir si le praticien en question a obtenu ou non le diplôme requis il y a dix ou quinze ans.
Je pense qu’aujourd’hui dans l’université, toutes disciplines confondues – médecine, sciences dures, sciences humaines, sciences sociales – la pluridisciplinarité doit être favorisée. Nous plaidons en ce sens et tentons d’aider les talents à se propulser aux interfaces des disciplines. Je prendrai l’exemple du professeur Stanislas Dehaene, le spécialiste des sciences cognitives, qui applique ces sciences aux domaines de l’éducation et de l’enseignement, en travaillant sur le cerveau de l’enfant. Ce professeur, qui n’a pas de diplôme de sciences de l’éducation, pratique aujourd’hui cette spécialité. Il pratique donc deux disciplines, son parcours professionnel l’ayant conduit de la psychologie à la science de l’éducation. Il arrive que, dans une carrière médicale, on évolue vers une spécialité différente de celle à laquelle on s’était destiné.
Je le répète, il ne s’agit que d’une poignée de postes, au plus haut niveau de la hiérarchie hospitalo-universitaire, pourvus à travers le filtre du CNUHU, lui-même composé d’éminents praticiens dotés d’immenses qualités. Il s’agit donc d’une dérogation très restreinte, qui ne saurait s’appliquer à la biologie médicale dans son ensemble, ni même aux autres hôpitaux.
De toute façon, un problème se pose pour l'affectation à ces postes. Le Sénat ne se serait pas saisi de la question s’il n’avait pas eu connaissance de certains problèmes rapportés par les conférences des doyens. Il arrive en effet que soient repérés les postulants adéquats pour ces postes, mais que ceux-ci soient dépourvus de diplôme en biologie. Prenons garde à ne pas nous cantonner dans une vision un peu trop cloisonnée, voire corporatiste !
Il convient donc de prévoir une petite dérogation, soigneusement encadrée par une procédure contraignante, le passage devant le CNUHU. Cette dérogation est absolument nécessaire si nous ne voulons pas qu’un grand hématologiste parte à New York ou qu’un excellent biochimiste choisisse Zurich. Et après on dira : ah ! la France a encore fait une réglementation trop stricte, qui a empêché le recrutement d’un praticien reconnu à ce poste !
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’article 3, je donne la parole à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Je vous ai bien entendue, madame la ministre. Vous essayez de personnaliser quelque peu votre propos, ce qui n’est jamais souhaitable en matière législative. En effet, la loi a une portée générale.
Dans sa rédaction actuelle l’article 3 de la proposition de loi prévoit que « les personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires titulaires, relevant des sous-sections du Conseil national des universités pour les disciplines médicales et pharmaceutiques fondatrices de la biologie médicale et les disciplines apparentées, peuvent exercer la responsabilité de biologiste médical ».
Je comprends bien votre problème, madame la ministre. Cependant, nous avons débattu des heures, des jours, des nuits, l’an dernier, sur la loi HPST. Puis, vous avez souhaité, comme votre collègue de la santé, légiférer par voie d’ordonnance. Nous avons accédé à votre demande. Or, c’est précisément cette ordonnance de janvier 2010 qui pose aujourd’hui problème ! Quelque chose m’échappe : il faudrait revenir sur cette ordonnance ?
Je suis ouvert à toute proposition dans ce domaine, contrairement à ce que vous pensez. Mais il faut admettre qu’un défaut d’explication a mis en émoi toute une profession. Y a-t-il réellement urgence ? Ne peut-on pas régler cette affaire d’ici à quelques semaines, afin d’étudier à nouveau ce dossier ? N’est-il pas possible de déposer une nouvelle proposition de loi et de l’inscrire à l’ordre du jour rapidement ?
En fait, la faute incombe au Gouvernement dans cette affaire. Vous auriez pu agir à travers la loi HPST, puis à travers l’ordonnance. Peut-être avez-vous été mal renseignés à l’époque. Mais laissez tout de même les parlementaires qui ont voté la loi HPST le temps de comprendre ce qu’ils votent !
Je ne suis pas insensible à vos explications visant telle ou telle personne. Pour autant, je ne suis pas persuadé qu’il faille voter les yeux fermés un texte truffé d’ambigüités.
Par ailleurs, madame la ministre, vous indiquez que cette disposition ne vise que les CHU. Si, demain, le chef d’un service de biologie médicale nommé comme vous le souhaitez, pour une raison ou une autre, envisage de quitter l’hôpital et de s’installer dans un laboratoire, il ne le pourra pas ! Bien qu’ayant été chef de service dans un CHU, il ne pourra pas exercer comme biologiste médical dans un hôpital périphérique ou dans un laboratoire privé. Ces incohérences méritent d’être levées.
Je demande donc simplement le report de ce texte, auquel je ne suis pas opposé, afin qu’il puisse être étudié de manière plus approfondie.
M. François Autain. Il a raison !
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. Je partage tout à fait l’opinion de Gilbert Barbier et sur le fond et sur la forme.
En effet, je suis resté quelque peu sur ma faim. Alors que l’on demande à la commission des affaires sociales d’étudier de nombreux textes, sur ce texte-ci qui la concerne au premier chef, on l’a complètement laissée à l’écart !
Je souhaite donc le renvoi de cet article à la commission des affaires sociales, de telle sorte qu’elle puisse étudier ce problème. Dans le cas contraire, je serai dans l’obligation de voter contre.
Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Vous comprendrez la perplexité du sénateur de base sur cette question. Des conceptions différentes s’affrontent dans l’hémicycle. À la réflexion, il me semble que nous avons là un cavalier de la plus belle eau, cher Jean-Léonce Dupont…
M. Ivan Renar. C’est de la cavalerie lourde, même ! Vous avez dû remarquer que je n’avais pas déposé d’amendement de suppression sur cet article. C’est dire mon trouble !
Lorsque j’ai abordé cette question avec les uns ou les autres, les chercheurs ont trouvé cela anodin, les syndicalistes ont considéré la chose étrange, mais sans plus. Leur attention ne se portait pas là-dessus. Or, je m’aperçois, vu le nombre impressionnant de courriers et de mails qui nous sont parvenus, émanant des professionnels concernés, que tout n’est pas si simple.
Il me semble donc raisonnable, après avoir entendu mes collègues de la commission des affaires sociales, notamment François Autain, de reporter l’examen de cette question. Il serait préférable de la traiter dans un texte spécial, susceptible d’être voté avant ou après le budget, et non de l’expédier à la toute fin de l’examen d’un texte consacré à l’immobilier universitaire.
M. François Autain. La biologie médicale est tout de même fort éloignée de l’immobilier !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Plancade. Je vous avais avertie, madame la ministre, que M. Barbier était un fin connaisseur de la question. Il vient de le démontrer brillamment, de même que nos autres collègues.
Le groupe du RDSE se rallie à la proposition formulée par M. Blanc tendant à renvoyer cette question en commission. En effet, si nous avons été sensibles à vos arguments, il nous paraît impossible de traiter ce problème de la sorte, surtout dans la mesure où il ne concerne que quelques postes. Cela peut attendre quelques jours de plus. Ce délai nous permettra d’effectuer un examen approfondi de la question et vous pourrez apporter à la commission des affaires sociales, qui est aussi une grande spécialiste, des explications plus substantielles.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Alors que nous sommes au cœur d’une procédure accélérée relative à l’immobilier universitaire, une question infiniment complexe apparaît soudain. Mes collègues ont souligné la nécessité d’approfondir cette question et de l’étudier attentivement. C’est pourquoi je demande, au nom du groupe socialiste, le renvoi en commission. Dans le cas contraire, nous voterons contre cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne peux pas laisser dire que cet article est un cavalier. Il figurait dans la proposition initiale ! D’ailleurs, la proposition de loi s’intitule : « Proposition de loi relative aux activités immobilières et aux conditions de recrutement et d’emploi du personnel enseignant et universitaire ». Pourquoi le Sénat aurait-il fait figurer ce dernier membre de phrase dans l’intitulé, si ce n’était pour inscrire dans la loi cet article, qui est le seul à concerner le recrutement du personnel enseignant et universitaire ?
M. Ivan Renar. C’est précisément le grand art de la cavalerie !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce n’est pas de la cavalerie, à moins que la charge de cavalerie ne commence dès le titre ! Le Conseil constitutionnel considérera que c’est une loi portant diverses mesures d’améliorations de la législation applicable aux universités. Tel est en fait l’objet de cette loi.
Cela dit, je comprends l’émoi des membres de la commission des affaires sociales. Je le comprends d’autant mieux qu’il m’est arrivé d’être de temps en temps moi-même un peu frustrée. Je partage en effet des compétences avec le ministre de la santé et un certain nombre de textes, portant sur la recherche médicale par exemple, sont examinés uniquement par la commission des affaires sociales et non par la commission des affaires culturelles. Il y a un partage de territoire à opérer et à respecter.
Je vous supplie, au nom de ce partage de territoire parfaitement légitime, de ne pas voter contre cet article. Je sais combien certains d’entre vous auraient voulu être saisis de cette proposition de loi et donner un avis préalable. Mais n’en tirez pas argument pour exiger le report de l’examen de cet article ! Vous savez bien que nous n’aurons pas d’autre véhicule législatif auquel le raccrocher. Cette proposition de loi était l’unique occasion.
Nous avons remercié le groupe Union centriste d’avoir utilisé son ordre du jour réservé pour présenter cette proposition de loi. Vous savez comme il est difficile de simplifier le droit. Ces dispositions sont assez techniques, mais tout à fait essentielles pour les personnes concernées. Je vous supplie une dernière fois de bien vouloir voter cet article. Je parle à votre cœur, non à votre raison.
Si vous perdez quatre ou cinq grands professeurs d’université parce qu’ils n’ont pas le diplôme requis, vous donnerez de notre pays une image que je ne souhaite plus qu’il donne ! La qualité de la recherche, la qualité de l’université sont le fait de personnes hors normes,…
M. Jean-Pierre Plancade. Je comprends mieux pourquoi vous avez été reconduite en tant que ministre ! (Sourires.)
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Plancade, très sincèrement, je préférerais avoir votre vote plutôt que vos appréciations flatteuses ! Je peux vous l’assurer. Je suis ici pour défendre les valeurs auxquelles je crois. C’est à ce titre que j’affirme de nouveau devant vous que le recrutement des praticiens hospitalo-universitaires doit être fondé sur la qualité des hommes et leur adéquation aux postes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. J’ai, il est vrai, été très réservé quand j’ai lu l’article 3 pour la première fois, la deuxième et les nombreuses fois suivantes.
Puis, en décortiquant quelque peu l’affaire, je me suis aperçu que l’article L. 6213-1 du code de la santé publique prévoit d’accorder ce titre à beaucoup de médecins, y compris à des médecins étrangers, des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, titulaires de titres de formation délivrés par l’un de ces États, ne répondant pas aux conditions prévues à l’article L. 4131-1 mais permettant d’exercer légalement la profession de médecin dans cet État.
Je me demande donc pourquoi nous ne l’accorderions pas à quelques-uns des grands patrons français qui sont reconnus et qui ont des spécialités extrêmement proches de la biologie dans des sous-sections très précises – il n’est pas question de l’envisager, bien évidemment, pour une sous-section de médecine légale ou pour une sous-section de microbiologie (Sourires) – alors qu’une telle possibilité est accordée à des spécialistes étrangers dont les diplômes ne sont pas forcément identiques à ceux de leurs homologues français.
Compte tenu d’une telle découverte, personnellement, je voterai l’article 3.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Je ne suis pas un spécialiste de la question. Mais, si mon collègue Jean-Léonce Dupont et moi-même avons inscrit une telle disposition dans la proposition de loi, c’est que le problème nous a été posé et qu’il est bien réel.
M. Nicolas About. Eh oui !
M. Philippe Adnot. Je me suis donc renseigné. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai fait état il y a quelques instants d’un mail que je venais de recevoir du président de la conférence nationale des doyens de facultés de pharmacie qui, en accord avec le président des doyens de facultés de médecine, considère que ce texte est nécessaire ; je ne pourrais avoir de meilleure référence.
Dans la mesure où il s’agit d’un texte pragmatique – nous l’avons inséré dans la proposition de loi parce qu’il répondait à un problème réel –, nous devons le voter.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Leclerc, pour explication de vote.
M. Dominique Leclerc. Madame la ministre, j’ai terminé mon intervention sur l'article en mentionnant la difficulté que nous éprouvions à nous prononcer, et les propos tenus depuis quelques instants viennent appuyer mes dires.
Tout d’abord, il est vrai que le rapport Ballereau a été traduit sous forme d’ordonnance en janvier dernier. Pourquoi le cas spécifique dont nous discutons n’a-t-il pas été envisagé à ce moment-là tant sur la forme que sur le fond ?
Par ailleurs, on nous soutient – et, pour nous, c’est très difficile à interpréter – que cet objectif est déjà satisfait puisqu’il existe des dérogations au cas par cas – nous en avons quatre – notamment pour les activités de recherche prévues par le décret du 24 février 1984 portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires, modifié en 2008, et pour les praticiens cliniciens qui auraient bénéficié d’une dérogation dans le passé. Enfin, des possibilités d’obtenir une équivalence ont été prévues par l’ordonnance 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale.
Quelles ordonnances, quels décrets ou autres textes réglementaires nous permettraient aujourd’hui de prendre position d’une façon claire et précise sans arrière-pensée ni soupçon de corporatisme ou d’obscurantisme ?
Mme la présidente. La parole est à M. Benoît Huré, pour explication de vote.
M. Benoît Huré. Le problème existe, tout le monde en est conscient. Nous sommes d’accord sur le fond de cet article ; seule la forme pose problème…
M. François Autain. Je ne crois pas, non ! Il n’y a pas que la forme qui pose problème !
M. Benoît Huré. … eu égard aux prérogatives de chacun. Vous avez d’ailleurs fort bien rappelé l’ensemble de ces prérogatives et de ces responsabilités partagées, madame la ministre.
Chers collègues, devant l’urgence de la situation et la nature des enjeux, il me semble qu’il faut faire preuve d’humilité ; ainsi, nous serons pragmatiques et efficaces.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 n’est pas adopté.)
Article additionnel après l'article 3
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
L'article L. 344-11 du code de la recherche est ainsi rédigé :
« Art L. 344-11. - Plusieurs établissements ou organismes publics ou privés, parmi lesquels au moins un établissement public de recherche ou d'enseignement supérieur, peuvent constituer une fondation de coopération scientifique dans l'objectif de conduire, selon leur composition, une ou des activités mentionnées aux articles L. 112-1 du présent code et L. 123-3 du code de l'éducation.
« Les fondations de coopération scientifique sont des personnes morales de droit privé à but non lucratif soumises aux règles relatives aux fondations reconnues d'utilité publique dans les conditions fixées notamment par la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, sous réserve des dispositions de la présente section. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cet amendement utilise le véhicule législatif de la proposition de loi pour élargir la possibilité de créer des fondations de coopération scientifique.
Comme vous le savez, ces dernières permettent à des fondateurs, établissements publics de recherche et d’enseignement supérieur ainsi que personnes privées, de coordonner une partie de leurs activités et de mettre en commun des moyens pour la réalisation de projets scientifiques de grande ampleur.
La fondation de coopération scientifique est un outil très important qui a fait les preuves de son efficacité pour apporter des moyens supplémentaires aux établissements fondateurs en vue de la réalisation de projets d’excellence, pour bénéficier de procédures réactives notamment en vue de recruter très rapidement des scientifiques au niveau international et pour favoriser le partenariat entre la recherche publique et les entreprises privées.
Je citerai quelques exemples de fondations de coopération scientifique déjà créées : la fondation Sciences Mathématiques de Paris de Jean-Yves Chemin, la fondation Toulouse Sciences Économiques de Jean Tirole, la fondation Plan Alzheimer, mise en place dans le cadre du plan national du même nom.
Les fondations de coopération scientifique sont aujourd’hui limitées par la loi aux cas des PRES, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, des RTRA, les réseaux thématiques de recherche avancée, et des CTRS, les centres thématiques de recherche et de soins, qui sont des lieux d’excellence.
Or cet outil efficace paraît indispensable pour permettre de concrétiser les projets scientifiques ambitieux que le ministère entend produire dans le cadre de l’opération de Saclay, par exemple, ou dans celui des investissements d’avenir, notamment pour la création d’IHU, d’instituts hospitalo-universitaires. C’est pourquoi nous vous demandons, mesdames, messieurs les sénateurs, d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Cet amendement permettra de conduire des projets communs entre des établissements de recherche ou d’enseignement supérieur qui ne seraient pas membres d’une même structure commune. Il présente en outre l’avantage de la souplesse.
Naturellement, la commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. S’agissant de l’article 3, ce qui est amusant c’est qu’il aurait été voté sans état d’âme s’il avait été à la place de l’article 1er. (Mme la ministre fait un signe dubitatif.) Je le dis pour la petite histoire, car nous l’avons tous remarqué. Ce sont des choses qui arrivent. Les partenaires n’étaient plus les mêmes ! C’est ainsi : le Sénat est souverain…. et si ma grand-mère avait quatre roues, ce serait un autobus ! (Sourires.) Le cas a d’ailleurs failli se produire pour le projet de loi portant réforme des retraites ; à quinze heures, il n’aurait pas été voté.
Cela dit, j’en viens à mon explication de vote.
Nous voterons contre cet amendement qui vise à développer les fondations de coopération scientifique.
Créées par la loi du 18 avril 2006 de programme pour la recherche, ces dernières sont actuellement contraintes par des structures juridiques et des missions spécifiques.
L’objet de l’amendement du Gouvernement est de faire tomber tout obstacle à la constitution de ces fondations, puisque celles-ci ne devront plus être constituées sous forme de PRES, de réseaux thématiques de recherche avancée et de centres thématiques de recherche et de soins.
En outre, elles n’auront plus l’obligation de remplir des missions d’enseignement ou de recherche puisque le premier alinéa de l’amendement fait simplement référence à la constitution de fondations par des « établissements ou organismes publics ou privés », quels qu’ils soient.
Nous ne souhaitons pas l’extension et la déréglementation massive de ces fondations, car elles ne sont pas sans porter certains dangers.
En associant structure publique et privée dans la recherche, on risque fort d’assujettir la recherche publique aux objectifs du secteur privé, lequel en retirera des avantages importants.
Dans le cas de la recherche de santé, on comprend aisément qu’il peut y avoir un conflit d’intérêts entre les membres d’une fondation selon qu’ils appartiennent à la recherche publique ou à de grands groupes pharmaceutiques.
Comme l’a illustré la gestion de la crise H1N1 – je parle sous le contrôle de mon collègue François Autain –, la pression des laboratoires pharmaceutiques ne favorise pas toujours l’intérêt public ni même l’équilibre des comptes de l’État.
La fondation, de par sa constitution mixte d’acteurs publics et privés, court le risque de voir se créer en son sein un rapport de force entre intérêt général et intérêt privé mercantile et on voit bien qui risque de l’emporter.
M. François Autain. Très bien !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3.
Intitulé de la proposition de loi
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par M. J.L. Dupont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Intitulé de la proposition de loi
Remplacer les mots :
, aux structures interuniversitaires de coopération, et aux conditions de recrutement et d'emploi du personnel enseignant et universitaire
par les mots :
et aux structures interuniversitaires de coopération
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. À la suite du vote qui a eu lieu il y a quelques instants, il me semble nécessaire de modifier l’intitulé de notre proposition de loi, intitulé qui montre bien – je reprends les propos de Mme la ministre – que l’article 3 n’était pas un cavalier, puisqu’il mentionne précisément le sujet auquel se rattachent les dispositions visées par cet article.
L’intitulé serait donc désormais : « Proposition de loi relative aux activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur et aux structures interuniversitaires de coopération ».
Par ailleurs, je tiens à préciser que toute commission peut se saisir pour avis ; la commission des affaires sociales aurait donc pu le faire.
Mme la présidente. Quel l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Sénat n’a pas voté le renvoi à la commission de l’article 3 ; celui-ci a simplement été rejeté.
L’examen de la proposition de loi va se poursuivre à l’Assemblée nationale. Par conséquent, il ne me semble pas opportun de changer son intitulé dans la mesure où elle contenait un article relatif au recrutement des enseignants chercheurs. L’Assemblée nationale doit pouvoir examiner le texte tel qu’il a été présenté aux sénateurs.
Si l’on change le titre de la proposition de loi, on en modifie l’objet et, dans ce cas, …
M. François Autain. L’article 3 devient un cavalier législatif !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Certes. Or ce n’est pas le cas aujourd’hui. Il ne faut donc pas modifier le titre.
Monsieur le rapporteur, je ne comprendrais pas que, après avoir proposé le texte, vous demandiez d’en changer l’intitulé.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Madame la ministre, je suis tout à fait favorable au renvoi de l’article 3 en commission et serais prêt à soutenir un amendement en ce sens. C’est ce que nous souhaitions et c’est ce que nous vous avons proposé mais vous n’avez pas répondu à notre demande.
Après le vote qui a eu lieu, bien entendu l’article 3 a disparu, mais la bonne solution, à mon sens, eût été de permettre son examen en commission.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. J’ai probablement été un peu rapide en voulant mettre en cohérence l’intitulé de la proposition de loi avec le rejet de l’article 3. Je ne suis pas insensible à l’argumentation de Mme la ministre.
Ainsi que je l’affirmais au début de mon intervention, cet article n’était pas un cavalier. Le texte suivra donc son chemin.
Par conséquent, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 10 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Madame la présidente, mes chers collègues, avant de nous séparer, je tiens à m’associer aux compliments qui ont été adressés à Mme la ministre, car il est clair que, depuis 2007, elle travaille avec acharnement à une véritable évolution, pour ne pas dire une révolution, de l’enseignement supérieur en France et de l’ensemble de nos outils de recherche.
Nous sommes véritablement heureux qu’elle ait été plus que confirmée aux responsabilités qui sont les siennes.
Par ailleurs, je tiens naturellement à remercier mon collègue, mon complice Philippe Adnot ; nous travaillons ensemble depuis de nombreuses années maintenant, ce qui montre bien que le travail intercommissions peut être efficace.
Je voudrais également saluer l’ensemble de nos collaborateurs, qui nous épaulent dans nos travaux. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
7
Nomination des membres d’une mission commune d'information
Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la mission commune d’information sur l’organisation territoriale du système scolaire et sur l’évaluation des expérimentations locales en matière d’éducation.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, elles sont ratifiées et je proclame MM. René Beaumont et Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, MM. Yannick Bodin et Pierre Bordier, Mme Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Claude Carle, Mme Françoise Cartron, MM. Philippe Darniche, Christian Demuynck, Daniel Dubois et Alain Dufaut, Mme Françoise Férat, M. Jean-Luc Fichet, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jean-François Humbert, Mlle Sophie Joissains, M. Ronan Kerdraon, Mmes Fabienne Keller et Françoise Laborde, M. Serge Lagauche, Mmes Raymonde Le Texier, Colette Mélot et Catherine Procaccia et M. Jean-François Voguet membres de la mission commune d’information sur l’organisation territoriale du système scolaire et sur l’évaluation des expérimentations locales en matière d’éducation.
8
Recherches sur la personne
Discussion d'une proposition de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale, relative aux recherches impliquant la personne humaine (proposition n° 426 [2009-2010], texte de la commission n° 98, rapport n° 97).
Mes chers collègues, je vous rappelle que nos travaux se déroulent dans le cadre de l’espace réservé au groupe de l’Union centriste, dont la conférence des présidents a fixé la durée à quatre heures.
En principe, nous avons donc jusqu’à dix-huit heures trente pour achever l’examen de ce texte. Nous poursuivrons avec la discussion de la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire, dans le cadre de l’espace réservé au groupe UMP, que nous commencerons impérativement avant la suspension.
Nous pouvons prolonger l’examen de ce texte jusqu’à dix-neuf heures, mais pas au-delà. J’en appelle donc à la concision de chacun, celle-ci n’excluant pas, pour reprendre les propos du président Larcher, la précision.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici parvenus au terme des deux lectures de la proposition de loi que le député de la Somme Olivier Jardé a déposée voilà bientôt deux ans.
Permettez-moi tout d’abord de saluer le travail du Parlement : j’ai la certitude que ces deux années n’ont pas été vaines et que la navette parlementaire, avec ses deux lectures, ce dont nous avons presque perdu l’habitude, a considérablement enrichi ce texte. Son ambition s’est accrue en même temps qu’il devenait plus consensuel.
Je ne reviendrai pas sur les raisons impérieuses qui ont présidé à cette nouvelle révision de la législation concernant la recherche sur la personne, notamment la nécessité d’harmoniser un ensemble de textes devenus incohérents et illisibles. Elles ont été maintes fois soulignées lors des lectures précédentes.
Examinons plutôt le résultat presque abouti de vos travaux.
L’ensemble des recherches sur la personne sont maintenant inscrites dans un cadre unique, avec un socle réglementaire commun dont le pivot est l’avis obligatoire demandé à un comité de protection des personnes, le CPP. Parmi les autres dispositions communes à toute recherche sur la personne figurent l’obligation de l’information, la nécessité d’un promoteur et l’encadrement par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS.
Au sein de l’ensemble « recherches sur la personne », le texte identifie trois grandes catégories : les recherches interventionnelles, les recherches qui ne comportent que des risques minimes et les recherches non interventionnelles, que l’on appelle aussi recherches observationnelles.
Dans chacune de ces catégories, vous avez voulu adapter la contrainte réglementaire au risque encouru par les personnes qui se prêtent à la recherche, de façon souple et graduelle.
Les recherches interventionnelles, celles qui portent notamment sur les médicaments innovants, continuent bien évidemment de bénéficier de l’encadrement le plus exigeant : elles sont étroitement contrôlées par l’AFSSAPS, en conformité avec la directive européenne de 2001.
Les recherches dites « à risque minime » correspondent à l’ancienne catégorie des recherches « portant sur les soins courants » introduite en 2004 et qui s’est révélée difficile à mettre en place. Son cadre est mieux précisé et les procédures simplifiées : seul l’avis du CPP sera requis. Le consentement « libre et éclairé » doit être écrit, mais le CPP pourra autoriser une dérogation dans certains cas particuliers.
Les recherches non interventionnelles entrent maintenant dans le périmètre de la loi. Elles devront obligatoirement obtenir un avis favorable du CPP avant de pouvoir débuter. L’existence désormais acquise de ce guichet unique va considérablement simplifier et clarifier cette catégorie de recherche, aujourd’hui dissimulée dans une zone grise. En particulier, les CPP vérifieront que la protection des données individuelles est bien respectée, évitant ainsi la soumission de ces projets de recherche au comité consultatif de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, devenue redondante.
Il convient de souligner une autre avancée majeure de la proposition de loi. L’imbroglio de la recherche sur échantillons biologiques, né de l’insuffisante coordination en 2004 entre les dispositions de la loi bioéthique et celles de la loi de santé publique, est enfin dénoué. La gestion des collections de produits biologiques conservées au laboratoire sera assurée par le ministère de la recherche, celle de l’obtention des prélèvements sur les personnes et de leur consentement par les CPP.
L’impossibilité de réaliser des recherches génétiques sur des échantillons prélevés autrefois sur des patients maintenant décédés et qui n’avaient pu consentir à la recherche présente constituait une autre source permanente d’incompréhension et d’irritation de la part des chercheurs. Là aussi, vous avez procédé de manière pragmatique, en proposant que le protocole soit soumis à un CPP, suivant d’ailleurs les recommandations d’un rapport du Conseil d’État.
Il s’agit là d’avancées majeures, propres à simplifier le déroulement de la recherche dans notre pays, tout en augmentant la sécurité des personnes qui s’y prêtent.
Je conclurai en insistant sur deux points.
Le premier point me semble essentiel. Vous proposez une nouvelle définition de la recherche impliquant la personne. En abandonnant l’ancienne dénomination « recherche sur la personne », vous vous écartez de la recherche définie comme une atteinte au corps non justifiée par un bénéfice thérapeutique. Cette conception, qui exposait à des risques pénaux, remontait aux origines mêmes de la loi Huriet-Sérusclat : l’un des objectifs de ce texte était à l’époque de répondre à la nécessité de donner un cadre légal aux recherches de phase 1 sur les volontaires sains.
Ce faisant, vous légitimez aussi l’entrée des recherches observationnelles dans le périmètre de la loi, puisque ces recherches ne comportent aucune atteinte au corps, mais impliquent bien cependant la personne qui s’y soumettra. En outre, le périmètre en est clairement borné. Il exclut la recherche sur les données, qui dépend de la loi informatique et libertés, et les recherches sur les prélèvements biologiques, traitées dans la loi bioéthique.
Vous avez soigneusement revu et clarifié l’articulation entre ces trois textes, aussi fondamentaux que complémentaires, mais dont les interférences nombreuses nuisaient à la lisibilité de l’ensemble.
Le second point n’est pas moins fondamental. Il concerne les comités de protection des personnes, les CPP. Cela a été souvent répété tout au long des débats, ceux-ci constituent la pierre angulaire du système de protection des personnes. Or leur mission évolue, leur champ de compétence s’élargit, ainsi que leurs marges de manœuvre. Il sera nécessaire d’accompagner les CPP dans une évolution aussi profonde. Quel qu’en soit l’organisme de rattachement, la commission nationale que vous avez mise en place y jouera le premier rôle.
Devant l’aboutissement d’une telle révision en profondeur de tout le paysage de la recherche, je suis bien convaincue que les deux assemblées sauront avec sagesse trouver un terrain d’entente sur les rares divergences qui peuvent encore subsister. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. François Autain. Rares ? Ce n’est pas le mot !
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, dans notre vie de parlementaires, où l’urgence conduit souvent à la précipitation, procéder à la deuxième lecture d’un texte est devenu rare. (M. Jean-Pierre Godefroy acquiesce.) Le fait que nous ayons consacré le temps nécessaire au travail parlementaire sur ce texte, qui le mérite pleinement, en est d’autant plus appréciable ; je remercie notre collègue député Olivier Jardé et ceux qui, au Gouvernement, ont soutenu sa démarche. Cette proposition de loi est, en effet, importante tant pour l’avenir de la recherche en France que pour le droit des personnes.
La recherche médicale sur l’homme, recherche appliquée, est porteuse de l’avenir de la santé en France. Ne pas chercher à la conforter et à la développer dans un monde de concurrence exacerbée serait grever la capacité de notre pays à rester au cœur des innovations thérapeutiques et de l’amélioration des techniques et pratiques de soins.
Un point me paraît essentiel : on parle beaucoup de la recherche privée et du rôle des laboratoires pharmaceutiques. Ce sont effectivement des acteurs importants de l’innovation. Mais, bien souvent, c’est de la recherche publique que viennent les idées, les investissements et, surtout, les études comparatives destinées à permettre le choix des meilleurs traitements. Notre premier devoir est donc bien de conforter la recherche hospitalo-universitaire dans notre pays. C’est l’objet de ce texte.
Le Sénat soutient résolument, avec l’Assemblée nationale, l’objectif de faciliter les démarches des chercheurs. Cette communauté de vue entre nos deux assemblées a été traduite dans sept des douze articles de cette proposition de loi que la commission des affaires sociales a adoptés sans modification. Il faut y voir la preuve de la confiance que nous avons dans la recherche et dans les chercheurs.
C’est cette même confiance qui nous a guidés dans la recherche d’un compromis entre notre position de première lecture et celle de l’Assemblée nationale. Nos divergences se manifestent encore sur deux points.
Le premier point porte sur la protection des personnes participant à la recherche, donc sur le consentement qu’elles doivent y donner. Nous sommes désormais prêts à nous rallier à la position de l’Assemblée nationale pour distinguer une catégorie de « recherches interventionnelles à risque minime », à laquelle les chercheurs sont attachés et qui correspond à l’évolution de la recherche et à leur pratique quotidienne.
Pour autant, il nous est difficile d’accepter que soit associée à cette catégorie de recherche une forme de consentement « simplifié », c'est-à-dire non écrit. Si la recherche peut se rapprocher du soin, elle n’est jamais le soin. Elle a pour finalité non pas de guérir un malade, mais de faire progresser les connaissances. Dès lors, il faut que celui qui va y participer soit pleinement conscient de ce à quoi il s’engage.
Dans cette perspective, le consentement écrit nous paraît doublement important : d’abord, il marque le fait que la recherche n’est pas le soin, pour lequel le consentement libre et éclairé suffit ; ensuite, et par là même, il oblige au dialogue entre le chercheur et le participant potentiel.
Nous sommes pleinement conscients que la formalisation du consentement ne constitue pas toujours la garantie de l’adhésion véritable de la participation à la recherche. À l’inverse, il arrivera sans doute que la qualité du lien noué entre le chercheur et le malade rende l’écrit superflu. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu que, au cas par cas, les comités de protection des personnes puissent déroger au consentement écrit pour les recherches à risque minime.
J’insiste cependant sur le fait que le faible niveau de risque encouru par le patient ne pourra suffire à l’octroi de la dérogation. C’est bien à la qualité du consentement donné que les comités de protection des personnes devront être attentifs pour déterminer si l’exigence d’écrit peut, ou non, être levée.
Pour permettre aux comités de protection des personnes d’assurer pleinement cette mission, ainsi que celles qui leur sont par ailleurs confiées par le texte, nous avons également souhaité renforcer ces comités.
J’en viens au second point sur lequel nous recherchons un compromis avec l’Assemblée nationale. Pour renforcer les comités, nous proposons d’intervenir sur trois aspects.
Le premier concerne le rattachement de la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine à la Haute Autorité de santé. C’est là un gage d’indépendance et, mes chers collègues, l’impulsion d’une nouvelle dynamique pour apporter aux comités de protection des personnes le cadre dont ils ont besoin pour fonctionner de la manière la plus efficace possible, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui.
Le deuxième aspect a trait à la composition de cette commission nationale. Elle nous paraît devoir être représentative des comités de protection des personnes dans leur diversité et, notamment, refléter leur principal atout : le paritarisme entre scientifiques et représentants de la société civile.
Le troisième aspect, auquel nous sommes particulièrement attachés puisque nous y revenons en deuxième lecture, concerne la distribution aléatoire des protocoles de recherche entre les comités.
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Celle-ci permet d’éviter la spécialisation de fait d’un comité, ainsi que des biais éventuels dans l’examen des protocoles. Nous avons cependant prévu la possibilité pour un promoteur de faire appel, devant la commission nationale, de la décision d’attribution de son protocole de recherche à tel comité après affectation aléatoire. Cette solution, équilibrée à mon sens, permet de garantir que la compétence du comité sera reconnue et d’encourager ceux qui sont jugés moins compétents à procéder à une évaluation de leurs pratiques.
Tel est, après une réflexion construite et approfondie de notre commission, le point d’équilibre auquel nous sommes parvenus et qu’il nous paraîtrait difficile de remettre en cause sur le plan des principes. Les modalités en sont, bien sûr, toujours perfectibles. Je proposerai, pour ma part, de renforcer encore l’insertion de la commission nationale au sein de la Haute Autorité de santé.
Pour terminer, je dirai un mot sur l’esprit très positif de travail en commun et de pragmatisme qui a présidé à l’élaboration de notre texte. J’en remercie tout particulièrement la présidente de la commission, Muguette Dini, ainsi que l’ensemble des commissaires, qui ont montré que nous pouvions nous retrouver, au-delà de nos appartenances politiques, sur les principes auxquels nous sommes attachés. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe de l’Union centriste aborde cette seconde lecture totalement en phase avec la position adoptée par notre commission des affaires sociales.
Tout l’enjeu est de savoir où placer le curseur entre intérêt scientifique et exigence éthique.
En tant que texte avant tout éthique, son apport est d’unifier et de renforcer le régime de contrôle éthique exercé sur les recherches impliquant la personne. Il crée effectivement une catégorie unique de recherches sur la personne, assortie de règles communes.
Le système unifié proposé reposera sur le risque auquel seront exposés les participants et sur la distinction internationalement reconnue entre recherche interventionnelle et recherche observationnelle.
Les types de recherches relèveront de régimes juridiques distincts, selon un degré de contrainte proportionné au risque dont ils seront porteurs.
L’un des aspects les plus notables du renforcement du contrôle éthique sur les recherches visées est que, dorénavant, elles seront toutes soumises aux comités de protection des personnes chargés de les autoriser. Ce contrôle fondamental permettra la requalification, par les comités, des recherches présentées de façon erronée au titre d’un régime dans un autre.
De plus, en unifiant le régime de contrôle éthique exercé sur les recherches médicales et en révisant leur classification, la proposition de loi vise à renforcer les droits et garanties accordés aux participants de recherches qui, jusqu’ici, étaient les moins encadrées par le code.
Ainsi le texte donne-t-il un cadre législatif aux recherches non interventionnelles, celles que l’on désignait par l’expression de « recherches observationnelles », qui étaient jusqu’ici dépourvues d’un tel cadre. C’est d’ailleurs l’un des apports majeurs du texte.
L’apport éthique de la proposition d’Olivier Jardé est donc clair. Mais l’immense intérêt de ce texte est de parvenir à encourager la recherche en améliorant la protection des personnes.
La création d’un droit commun des recherches sur la personne est un acte de reconnaissance fondateur. Il ancre dans la loi la distinction de ces recherches par rapport aux autres à partir de leur sujet d’étude, l’homme, considéré dans son intégralité.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Certainement !
M. Nicolas About. En donnant aux recherches observationnelles un cadre juridique, le texte en garantit la qualité, ce qui est le meilleur moyen de les promouvoir.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Oui !
M. Nicolas About. Pour faciliter la recherche sur la personne, le texte substitue à un droit complexe et incomplet un dispositif exhaustif et transparent.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Exactement !
M. Nicolas About. Or, sur la base d’une proposition dont les grandes lignes étaient déjà porteuses d’avancées notables, notre commission des affaires sociales avait, en première lecture, amélioré le texte sur des points fondamentaux. En témoigne le changement d’intitulé du texte.
Ses principaux apports étaient les suivants.
Premièrement, nous avions prévu l’établissement d’une typologie des recherches sur la personne plus simple et intellectuellement plus satisfaisante.
Deuxièmement, conséquence indirecte de la première modification, nous avions posé l’obligation d’un consentement écrit pour la participation à toute recherche interventionnelle.
Troisièmement, en matière de gouvernance des comités de protection des personnes, nous avions créé une commission nationale des recherches impliquant la personne humaine chargée de les coordonner et placée auprès de la Haute Autorité de santé. De plus, le Sénat avait posé le principe déterminant de la distribution aléatoire des protocoles entre les CPP.
Enfin, quatrièmement, j’avais moi-même fait adopter un amendement, qui me semble très important sur le plan éthique, visant à interdire le test de la dose maximum tolérée d’un médicament administré sans lien avec la pathologie de la personne.
Ce sont là des points clefs. Un large consensus s’était dégagé au sein de notre assemblée pour adopter ces modifications.
Or l’Assemblée nationale est revenue sur ces quatre points. Il y avait donc bien un désaccord de fond entre les deux chambres du Parlement.
Mais compromis sur la recherche implique recherche de compromis : face à ce qui pourrait conduire à une situation de blocage, notre commission des affaires sociales – je tiens à en remercier Mme la présidente et Mme le rapporteur – a choisi l’écoute et le dialogue.
Les solutions qu’elle avance sont très raisonnables et nous y adhérons pleinement.
Rétablissons le consentement écrit pour toute recherche interventionnelle, mais ouvrons la possibilité de dérogations pour les recherches à risque minime. Il reviendrait aux CPP de lever, au cas par cas, l’obligation du consentement écrit.
Rétablissons la distribution aléatoire des CPP, mais permettons aux promoteurs de faire appel de ces décisions.
Rétablissons le rattachement de la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine à la Haute Autorité de santé, mais renonçons, éventuellement, à en faire l’instance unique d’appel des CPP.
Enfin, réintroduisons – pardonnez mon insistance ! – mon amendement interdisant le test de la dose maximum tolérée d’un médicament administré sans lien avec la pathologie de la personne.
Alors seulement, nous aurons un très bon texte ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’instar du texte sur les collectivités locales, celui dont nous discutons à présent fait l’objet d’un désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Il est certes beaucoup moins médiatique, mais tout aussi important, puisqu’il intéresse l’avenir de la recherche appliquée en France.
Je rappelle que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture – la chose est devenue suffisamment rare pour être soulignée – procède à une refonte complète de l’architecture du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique.
Elle a pour ambition de « donner un cadre unique à l’ensemble des recherches sur la personne en créant un socle commun à toutes ces recherches ».
En première lecture, l’Assemblée nationale et le Sénat ont livré chacun une version complètement différente du texte, notamment de l’article 1er, qui vise à définir les différentes catégories de recherches impliquant les personnes humaines.
L’enjeu de cette deuxième lecture, c’est la recherche d’un compromis. Cependant, celui-ci semble difficile à atteindre tant nos points de vue divergent.
Pour schématiser, on pourrait dire que l’Assemblée nationale se place davantage du point de vue des chercheurs désireux d’alléger les contraintes pesant sur les recherches, alors que le Sénat épouse plus la position des patients participant à ces recherches et privilégie la protection des personnes.
Je me félicite que, lors de l’examen en deuxième lecture, l’Assemblée nationale ait retenu un certain nombre de propositions du Sénat, notamment quelques-uns des amendements que j’avais présentés avec mes collègues du groupe socialiste, concernant, par exemple, le consentement des deux détenteurs de l’autorité parentale pour les recherches sur les mineurs ou le régime de consentement des personnes à l’examen de leurs caractéristiques génétiques à partir d’éléments biologiques initialement prélevés pour une autre finalité. Nous en sommes très satisfaits.
De fait, il existe, à ce jour, trois points majeurs de désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Le premier point porte sur le nombre de catégories de recherches et la gradation des procédures de consentement prévues par la loi.
L’Assemblée nationale propose la création de trois catégories de recherches avec des procédures de consentement proportionnées au degré de risques et de contraintes que comportent ces catégories : consentement écrit pour les recherches interventionnelles, consentement libre et éclairé pour les recherches à risques et contraintes minimes, simple information et droit d’opposition pour les recherches observationnelles.
En première lecture, le Sénat a proposé de ne plus distinguer que deux catégories de recherches : les recherches interventionnelles et les recherches observationnelles.
Nous sommes revenus sur la gradation en alignant les règles de forme applicables au recueil du consentement de la personne aux recherches à risques et contraintes minimes sur les règles prévues pour les recherches interventionnelles, c’est-à-dire le consentement écrit.
Comme Mme le rapporteur, je considère que c’est un point non négociable et je me réjouis que nous ayons réintroduit ce consentement écrit en commission.
Dans un esprit de compromis, Mme le rapporteur propose une procédure dérogatoire qui permettrait au comité de protection des personnes, le CPP, s’agissant des recherches à risques et contraintes minimes, de lever au cas par cas la nécessité du consentement écrit et de le remplacer par un simple consentement libre et éclairé. Le CPP devra alors être convaincu que l’accord du participant sera recueilli par un investigateur qui prendra tout le temps et utilisera toute la pédagogie nécessaire pour expliquer au potentiel participant à quoi il s’engage.
Le rapport indique que ce sont là des pratiques qui existent dans certaines équipes, celles des « bons services » hospitalo-universitaires.
J’avoue que je reste quelque peu sceptique, mais puisqu’il nous faut faire un pas vers nos collègues députés, je veux bien me rallier à cette solution, …
M. Nicolas About. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. … en espérant que cette procédure dérogatoire, sur le papier, ne deviendra pas généralisée dans les faits.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Espérons-le !
M. Jean-Pierre Godefroy. Le deuxième point de désaccord concerne les modalités de saisine des comités de protection des personnes.
L’Assemblée nationale souhaite que ce soit le promoteur de la recherche qui saisisse le CPP de son choix, alors que le Sénat a prévu que le CPP chargé de se prononcer sur un projet de recherche soit tiré au sort par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS.
Madame la secrétaire d'État, nous considérons la mise en place d’une répartition aléatoire des dossiers à l’échelon national comme une absolue nécessité, et ce pour deux raisons majeures : d’une part, éviter les conflits d’intérêts directs ou indirects et, d’autre part, permettre un volume et une diversité de dossiers à étudier équivalents dans chaque CPP. C’est d’ailleurs ce que souhaitent les CPP, tout comme les associations de patients.
On nous a laissé entendre que les promoteurs de recherche auraient souhaité entrer dans les CPP. Autant vous dire que, pour nous, c’est quelque chose de totalement inimaginable !
M. François Autain. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il vaut mieux que ce soit dit !
Le troisième point de désaccord porte sur la création, par le Sénat, d’une commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, rattachée à la Haute Autorité de santé, qui serait chargée d’harmoniser les pratiques des comités, mais aussi d’examiner en appel les demandes d’autorisation qui ont fait l’objet d’une décision défavorable d’un comité.
L’Assemblée nationale conteste la compétence d’appel. Elle a donc prévu que la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine soit simplement chargée de désigner le CPP auquel le dossier est renvoyé pour un second examen, comme le fait actuellement le ministre chargé de la santé, dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 1123-6 du code de la santé publique. Dont acte.
L’Assemblée nationale conteste surtout le rattachement de cette commission à la Haute Autorité de santé, au motif que cette dernière n’exerce aucune compétence en matière de recherche. C’est pourquoi elle prévoit le rattachement de cette commission au ministre chargé de la santé.
Pour ma part, je souhaite que cette commission soit totalement indépendante. C’est la raison pour laquelle j’avais déposé, en première lecture, un amendement visant à lui donner plus de poids et d’indépendance, et ce dans le seul but d’améliorer le fonctionnement des CPP et de garantir une meilleure protection des personnes. Cependant, comme vous le savez, l’article 40 de la Constitution s’oppose à ce que le Parlement puisse prévoir les modalités qui lui semblent les plus opportunes en la matière. Personne ne m’enlèvera d’ailleurs l’idée que c’est d’une totale absurdité !
C’est pourquoi, par défaut, certes, mais non sans détermination, nous soutenons la position de Mme la rapporteur à la fois pour ce qui concerne le rattachement à la HAS, mais aussi et surtout quant à la composition de cette commission et l’indépendance de ses membres, qui ne peuvent pas être des promoteurs.
Il reste un point sur lequel j’aurais aimé que nous revenions, mais sur lequel la commission ne m’a pas suivi, la participation à des recherches de personnes qui ne sont pas affiliées à un régime de sécurité sociale, notamment les personnes sans-papiers et les migrants.
Vous le dites souvent, Mme la rapporteur, « la recherche n’est pas le soin. » Elle a pour but l’amélioration des connaissances et « sa finalité est altruiste. » Ce n’est que dans certains cas précis et incidemment qu’elle peut amener un bénéfice direct au malade qui y participe. C’est ce qui justifiait, jusqu’à présent, que soient exclues des recherches les personnes non affiliées à un régime de sécurité sociale.
J’aurais souhaité que cette situation soit reconduite, et, quelles que soient les précautions prises par le texte, je trouve cette évolution particulièrement malvenue à l’heure où le Gouvernement s’apprête à restreindre de manière drastique l’accès à l’aide médicale d’État, l’AME, en conditionnant son accès à une participation forfaitaire de 30 euros.
Le risque, c’est donc que les personnes concernées participent à ces recherches pour bénéficier, le cas échéant, de soins gratuits.
Cela pose d’autres problèmes : par exemple, la participation aux recherches suspendra-t-elle une éventuelle procédure de reconduite à la frontière pour le migrant ? On s’exposerait alors au risque de voir des personnes en situation irrégulière participer à n’importe quelle recherche pour pouvoir rester plus longtemps sur le territoire français. Pour ma part, cela ne me dérange pas, mais le problème mérite d’être posé.
Autre question, que se passera-t-il en cas de problème ? Que se passera-t-il si des effets indésirables surviennent, comme cela peut parfois se produire, très longtemps après, à un moment où la personne concernée ne sera plus forcément sur le territoire français ? De quels moyens de recours disposera-t-elle ? C’est la raison pour laquelle je pensais qu’il fallait exclure de la recherche les personnes non couvertes par un régime de sécurité sociale.
En conclusion, soyez assurée, madame la secrétaire d'État, que les trois premiers points que j’ai mentionnés dans mon intervention – le consentement écrit, la répartition aléatoire des protocoles et la composition de la commission nationale – sont, pour nous, incontournables. Et c’est à la seule condition que le texte adopté par la commission des affaires sociales ne soit pas modifié dans son esprit que nous voterons la proposition de loi.
Je remercie vivement Mme le rapporteur, Marie-Thérèse Hermange, et Mme la présidente, Muguette Dini, pour la qualité du travail effectué en commission. Ce n’est pas un hasard si nous avons pu, toutes tendances confondues, aboutir à un texte unanime. Cette unanimité devrait être un gage de sécurité pour le Gouvernement. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai en m’associant aux remerciements des orateurs qui m’ont précédée et ont souligné combien cette proposition de loi était le fruit d’un vrai travail de dialogue : dialogue entre le Sénat et l’Assemblée nationale, qui ont su éviter un examen trop rapide de ce texte, mais aussi dialogue en interne, dans notre Haute Assemblée, laquelle a écouté les points de vue de chacun, des points de vue d’autant plus précieux qu’ils venaient le plus souvent de praticiens.
Cette qualité d’écoute mutuelle mérite d’être soulignée, car il n’est pas si fréquent de parvenir à pareil niveau d’attention à l’autre. Et il n’est pas exclu que le débat d’aujourd’hui vienne encore renforcer ce constat.
Peut-être faut-il en chercher la raison, au-delà de la qualité du rapport de notre collègue, dans la spécificité d’un débat qui touche à l’essentiel puisqu’il concerne des enjeux d’humanité qui nécessitent de trouver la voie juste et vraie.
Et cette voie est étroite, qui est le lieu de confrontation du progrès, avec ses nécessaires avancées techniques dues au génie de l’homme, d’un côté, et, de l’autre, la nécessité tout aussi absolue de respecter le développement de l’homme dans toute sa dignité, dans toute son intégrité.
Je formulerai néanmoins quelques regrets, dont l’un sur lequel il n’y a plus lieu d’épiloguer : le fait que ce texte ait été dissocié de la prochaine loi de révision de la loi de bioéthique. Je déplore aussi que l’Assemblée nationale soit revenue, en deuxième lecture, sur des amendements adoptés par le Sénat qui visaient, d’une part, à clairement dissocier la recherche du soin, d’autre part, à faire en sorte que les comités de protection des personnes, professionnalisés et renforcés, soient coordonnés par une instance nationale dont l’indépendance aurait pu être garantie par la Haute Autorité de santé.
Avant de revenir sur ces points, je voudrais, au préalable, me réjouir d’un texte qui, sans les avoir gommées, a du moins, au final, amenuisé les inquiétudes que j’avais exprimées ici, il y a juste un an, au nom de mon groupe, le RDSE. Ma crainte était que ne soit pas trouvé l’équilibre indispensable entre la protection des personnes et le développement de la recherche impliquant la personne humaine.
Je voudrais souligner, d’abord, que le texte qui nous est aujourd’hui proposé a le mérite de mettre en cohérence notre droit avec le droit communautaire, le code de la santé publique avec le code de l’environnement. Il veille à simplifier les procédures qui encadrent les recherches en confortant la place et le rôle de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et de la Haute Autorité de santé.
Il me faut maintenant relever quelques points d’achoppement avec nos collègues de l’Assemblée nationale. L’un portait sur la conception qu‘a défendue notre Haute Assemblée en première lecture, selon laquelle la liberté des personnes qui se prêtent aux recherches biomédicales doit être garantie. Leur consentement écrit était alors le garant de leur protection contre des recherches interventionnelles dont il nous paraissait qu’elles devaient, dans tous les cas, être distinguées des soins.
Or la formulation retenue, qui distingue dans les recherches interventionnelles celles qui « ne comportent que des risques et des contraintes minimes », peut être source d’ambiguïté, une ambiguïté que ne lève pas, me semble-t-il, l’expression « consentement libre et éclairé ». Que sont exactement des risques « minimes » ? Qu’est-ce qu’un consentement « éclairé » ? La définition des deux qualificatifs reste bien approximative et sujette à appréciations aléatoires !
Avec prudence, notre rapporteur a proposé de garantir le recueil du consentement libre et éclairé par la saisine des comités de protection des personnes, CPP, dont j’ai rappelé qu’ils sont, de par leur composition, des instances professionnalisées.
Un autre point du débat a précisément porté sur le fonctionnement de ces comités, dont l’impartialité et l’indépendance doivent être les premières vertus : impartialité, pour ôter tout soupçon de collusion entre un comité et un promoteur particulier ; indépendance, avec la création d’une instance nationale responsable de l’harmonisation des analyses des comités et de leur mise en cohérence.
Le principe de la distribution aléatoire des protocoles me paraît fondamental, car il est le seul garant de cette impartialité. La possibilité de recours des promoteurs contre une décision qui leur ferait grief est, dans ce dispositif, une mesure de sagesse.
Enfin, si le rattachement à la Haute Autorité de santé n’est que la demi-mesure de la garantie d’indépendance de la commission nationale des recherches, il a l’avantage de ne pas créer une nouvelle instance, une nouvelle structure qui serait venue alourdir les procédures déjà complexes.
Je dois vous dire l’inquiétude qui a été la mienne s’agissant du nouvel article L. 1121–8–1, qui prévoit : « Les personnes non affiliées à un régime de sécurité sociale ou bénéficiaires d’un tel régime peuvent être sollicitées pour se prêter à des recherches non interventionnelles. »
Certes, le comité de protection des personnes doit être saisi. Certes, l’autorisation accordée ne peut l’être qu’au regard du bénéfice escompté. Il n’en reste pas moins qu’il faudra exercer une grande vigilance à l’égard de situations dans lesquelles ces personnes pourraient devenir, en l’absence d’opposition « éclairée », des terrains d’expérimentation contre leur gré. Je me range néanmoins à l’avis de collègues qui ont souligné que l’on ne saurait priver une personne, au motif qu’elle n’est pas assurée sociale, du bénéfice de pareille recherche.
Enfin, nous avons tous été, je crois, sensibles aux arguments développés par notre collègue Nicolas About pour expliciter son amendement tendant à interdire d’administrer la dose maximale d’un médicament sans lien avec la pathologie du patient – le plus souvent en fin de vie – dans le but d’en tester les limites de prescription.
Vous aurez compris, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, que les dispositions de cette proposition de loi, si elle reste en l’état, donnent satisfaction aux membres du groupe RDSE auquel j’ai l’honneur d’appartenir.
Elles protègent très largement chacun contre les dérives mercantiles, les expérimentations et les pratiques qui bafouent le principe d’intégrité du corps humain. Parce qu’elles permettent de concilier dignité humaine et liberté individuelle, celle-ci mise au service de celle-là, nous voterons ce texte. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme le faisait remarquer Mme le rapporteur, examiner un texte en deuxième lecture est devenu un exercice très rare ! Nous ne pouvons que nous féliciter que cette proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine échappe à la règle. Ces lectures successives nous ont permis de considérablement améliorer ce texte et je ne doute pas que cette lecture-ci nous permettra de progresser encore dans cette voie.
L’esprit d’ouverture et la volonté de co-élaboration législative – vous aurez remarqué que je n’ai pas utilisé le terme de coproduction que je trouve un peu connoté !– l’esprit d’ouverture et la volonté de collaboration législative, disais-je, qui ont animé notre rapporteur, Marie-Thérèse Hermange, y sont pour beaucoup.
Je me réjouis qu’elle ait su retenir, dans les propositions portées par chacun de nous et par-delà les clivages politiques, les propositions les plus à même de sécuriser ces recherches d’un type particulier et de protéger le consentement, tout comme la santé de ceux qui s’y prêtent.
Il n’en demeure pas moins que je n’ai toujours pas compris les raisons qui ont poussé le député Jardé, à l’origine de cette proposition de loi, à vouloir revenir sur la loi Huriet- Sérusclat, qui date, certes, de 1988, mais qui a déjà été substantiellement modifiée en 2004. Je le comprends d’autant moins que sa proposition de réforme originelle visait à rendre la recherche plus facile au détriment de la protection des personnes humaines en assouplissant un certain nombre de règles éthiques.
Plusieurs explications peuvent être avancées. Tout d’abord, les laboratoires, pour assurer un retour rapide sur investissement et satisfaire leurs actionnaires, doivent aller de plus en plus vite, hélas ! Dans leur course à l’innovation, ils ont tendance à considérer les règles éthiques comme des contraintes, des obstacles, alors qu’elles constituent, à mon sens, des valeurs dont on ne peut s’affranchir.
C’est ainsi que de nombreux laboratoires ont délocalisé leurs recherches dans les pays où les conditions leur sont plus favorables, au risque, d’ailleurs, d’en fausser les résultats. Comme l’a souligné le ministère de la santé américain dans un rapport récent, cette délocalisation de la recherche a abouti, dans les pays où elle s’est implantée, « à l’érosion du consentement éclairé, à des atteintes à la confidentialité et à l’enrôlement de sujets normalement non éligibles ».
Je voudrais exprimer ici mon inquiétude devant l’amplification du mouvement de délocalisation des recherches sur la personne humaine actuellement à l’œuvre. Cette tendance me semble porteuse de risques importants tant pour la santé publique que pour la santé de celles et ceux qui, dans les pays émergents, se prêtent à ces recherches. Ce constat m’a conduit à déposer un amendement dont nous aurons l’occasion de débattre plus tard.
En ce qui concerne l’article 2, je dois dire que je demeure insatisfait de sa rédaction. Il confie à l’assurance maladie la prise en charge des coûts des recherches réputées non commerciales. Il prévoit également que, si une recherche en cours de réalisation ne répond plus à la définition d’une recherche à finalité non commerciale, le promoteur est alors tenu au remboursement des dépenses initialement engagées par l’assurance maladie.
Derrière cette mesure, qui pourrait être perçue comme de bon sens, se dissimule une mécanique très perverse, insidieuse et implacable : l’assurance maladie devient de la sorte un «capital-risqueur ». C’est à elle d’assumer les dépenses liées aux recherches ne débouchant pas sur la commercialisation d’un produit. Les laboratoires, quant à eux, n’investissent qu’à coup sûr et en bout de course, à partir du moment où ils sont certains de tirer profit des investigations.
Autrement dit, ce qui est en germe dans cet article, c’est la socialisation des recherches non rentables et la privatisation des autres.
Un mécanisme inverse aurait bien entendu été plus conforme à l’idée que je me fais de la recherche publique. À défaut, j’ai déposé un amendement visant à préciser les sanctions dont pourraient être passibles les promoteurs qui contreviennent au processus de reversement prévu.
Malgré cette réserve importante, je ne peux, au nom du groupe CRC-SPG, que me féliciter du travail que nous avons collectivement réalisé. Cette proposition de loi intègre en effet trois avancées majeures, qui seront maintenues, du moins je l’espère, par la commission mixte paritaire.
La première porte sur les protections, que nous avons renforcées, pour les personnes incluses dans une recherche. L’obligation inscrite dans la loi de recevoir leur consentement par écrit, pour les recherches interventionnelles, va naturellement dans le bon sens. Voilà une mesure importante, gage de sécurité et de transparence. Il nous faut toutefois rester vigilants, car le Gouvernement doit prendre toutes les mesures nécessaires, notamment par voie réglementaire, pour que reste dérogatoire et très encadrée la disposition selon laquelle la participation à des recherches non interventionnelles ne nécessite pas de consentement écrit.
De la même manière, nous avons contribué, me semble-t-il, à encadrer législativement la participation aux recherches des personnes non affiliées à la sécurité sociale, c’est-à-dire les bénéficiaires de l’AME, l’aide médicale de l'État.
Cette participation est désormais limitée à deux cas de figure : soit la personne non affiliée à la sécurité sociale peut faire l’objet de recherches interventionnelles si elle est susceptible d’en attendre un bénéfice immédiat pour sa santé ; soit elle peut participer à des recherches non interventionnelles, à condition que ces dernières présentent un risque minime pour sa santé.
Les deux autres avancées que nous avons adoptées sont les mesures destinées à garantir l’indépendance des comités de protection des personnes, les CPP.
D’une part, nous avons confié à la Haute Autorité de santé plutôt qu’au ministère de la santé la compétence en matière de recommandation sur les orientations de la recherche et d’application des résultats obtenus pour l’évolution des soins ; nous lui avons aussi rattaché la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine. Cela me semble d’autant plus pertinent que la Haute Autorité de santé a déjà pour mission de donner un avis sur l’utilité médicale des médicaments et des dispositifs médicaux, de promouvoir les bonnes pratiques et le bon usage des soins, d’informer les professionnels de santé et le grand public, enfin, d’améliorer la qualité de l’information médicale.
D’autre part, la commission a décidé de réintégrer dans le texte l’attribution aléatoire des protocoles aux CPP, ce qui, à mon sens, est fondamental.
Il faut en effet veiller à ce que les promoteurs n’aient pas le choix du CPP qui supervisera leurs recherches, afin qu’ils ne soient pas tentés de rechercher à ne travailler que sous la direction d’un comité qui leur serait particulièrement favorable. Il sera bien évidemment toujours possible pour les promoteurs de faire appel de la décision les plaçant sous la responsabilité d’un CPP. C’est la raison pour laquelle nous sommes opposés, comme la commission d’ailleurs, à l’amendement gouvernemental visant à revenir sur cette disposition.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires sociales du Sénat a apporté des améliorations à la proposition de loi, qui nous semble ainsi plus protectrice que sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale. Le groupe CRC-SPG votera donc ce texte, à condition, bien entendu, que son économie soit préservée au cours du débat qui va suivre ! (Applaudissements.)
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte qui nous revient en deuxième lecture vise à simplifier et à moderniser le droit applicable en matière de recherche.
Le dispositif juridique instauré par la loi Huriet-Sérusclat de 1988 avait représenté une avancée considérable. Depuis, de nouvelles règles s’y sont ajoutées, mais sans réelle coordination.
Le monde de la recherche évolue, les préoccupations et les attentes changent. C’est pourquoi il est nécessaire de moderniser notre système actuel de recherches sur la personne pour répondre au besoin d’attractivité de notre pays en matière de recherche biomédicale.
L’enjeu des débats et du travail approfondis que nous avons menés depuis un an, tant à l’Assemblée nationale qu’au sein de notre Haute Assemblée, est de trouver un équilibre entre la nécessité de simplifier notre droit et l’obligation d’assurer la protection des personnes qui acceptent de se prêter à des recherches.
Actuellement, il revient aux comités de protection des personnes, les CPP, d’approuver l’objet de la recherche, sa méthodologie ainsi que les documents d’information remis aux participants. Leur composition paritaire entre représentants de la société civile et scientifiques doit assurer la qualité de la recherche et le respect du droit des personnes.
Dans cette proposition de loi, il est prévu d’instaurer un socle législatif commun et d’élargir ainsi la compétence des CPP à l’ensemble des recherches. Dès lors, tous les protocoles feront l’objet d’un contrôle par lesdits comités, ce qui n’est actuellement pas le cas pour les recherches observationnelles.
Comme l’a rappelé Mme le rapporteur, le texte permet d’éviter, au travers d’une telle mesure, que « certaines recherches soient abusivement qualifiées d’observationnelles par leur promoteur pour échapper au contrôle des CPP ».
À ce stade du débat, je tiens à saluer l’engagement et le travail réalisés par la commission des affaires sociales, sa présidente, Mme Muguette Dini, son rapporteur, Mme Marie-Thérèse Hermange, ainsi que tous leurs collaborateurs.
Le groupe UMP approuve la création de ce socle législatif commun, qui comble un vide juridique en la matière.
Outre ce renforcement du contrôle, la proposition de loi tend, comme je l’indiquais précédemment, à simplifier la mise en œuvre des recherches. Nous nous réjouissons que les apports du Sénat sur ce volet aient été confortés par nos collègues députés.
Cependant, vous l’avez dit, madame le rapporteur, notre commission est revenue sur deux points d’achoppement.
Le premier désaccord porte sur l’adéquation entre, d’une part, les procédures et la contrainte réglementaire, et, d’autre part, les risques encourus par la personne.
En effet, nous avions, en première lecture, modifié la subdivision entre les recherches. Notre texte posait une distinction unique entre les recherches interventionnelles et les recherches observationnelles.
Les conséquences de cette distinction portent sur le consentement en matière de recherches interventionnelles à risque minime, catégorie incluse dans les recherches interventionnelles. En dissociant ces deux types de recherches, les députés ont allégé le consentement pour les recherches à risque minime et l’ont aligné sur celui qui est demandé aux patients avant d’effectuer un soin.
La dissociation ne nous paraît pas opportune au regard de la disproportion qu’elle engendre entre les actes effectués, qui peuvent avoir des conséquences sanitaires, et le simple consentement oral demandé. Considérant que le participant doit bénéficier du niveau le plus précis d’information, nous sommes favorables au rétablissement des dispositions telles qu’issues de la discussion en première lecture au Sénat.
Madame le rapporteur, vous l’avez également souligné, le consentement écrit pour les recherches interventionnelles n’est pas négociable. Le médecin doit être tenu de recueillir la signature du participant après avoir formulé les questions préalables à l’intervention. Il y va de la protection des droits des personnes.
Néanmoins, nous ne pouvons espérer que notre texte initial soit celui qui sera adopté par nos deux assemblées. Le compromis proposé vise à maintenir les trois catégories avec un consentement écrit pour les recherches interventionnelles : il s’agit, selon nous, d’un bon arrangement. Il en va de même pour l’instauration d’une procédure dérogatoire avec un simple consentement « libre et éclairé », sous l’étroit contrôle des CPP.
Le second point d’achoppement concerne la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, que nous avions créée en première lecture.
Cette commission est chargée de faire le lien entre l’ensemble des comités, dans le but de renforcer la qualité et l’homogénéité de leurs analyses. La présente proposition de loi conférant des compétences et des responsabilités accrues aux CPP, il était indispensable de créer une instance de coordination.
En raison de son objectif, il nous était apparu judicieux, afin d’assurer son indépendance, de rattacher la commission à la Haute Autorité de santé, comme cela a été évoqué par plusieurs de nos collègues. De même, pour des raisons d’indépendance et d’égalité de traitement, nous avions souhaité que la distribution des dossiers entre les CPP soit aléatoire.
L’Assemblée nationale est revenue sur ces deux dispositions.
Le principe d’un rattachement de la commission a l’avantage d’éviter la création d’une nouvelle structure regroupant l’ensemble des CPP. Madame le rapporteur, vous proposez, d’une part, de restaurer l’indépendance de la commission par rapport à la Haute Autorité de santé, et, d’autre part, de ne pas en faire l’unique instance d’appel des CPP. Notre groupe approuve cette solution, de nature à apporter toute l’indépendance et la confiance dont doivent bénéficier les structures de contrôle des recherches sur la personne.
Concernant la répartition des protocoles entre les comités, il nous semble essentiel de passer d’une logique territoriale à une logique aléatoire pour écarter tout risque de voir l’examen de certains dossiers biaisé.
Au bénéfice de l’ensemble de ces remarques et parce qu’un tel texte doit se fonder sur la protection des droits et la dignité de la personne, le groupe UMP se félicite des apports de notre commission des affaires sociales et votera cette proposition de loi. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’occasion qui nous est donnée de nous exprimer sur un texte semblant dépasser les clivages politiques nous permet, non sans risque, d’aborder une proposition de loi qui reste difficile.
L’examen, en deuxième lecture au Sénat, du texte proposé par la commission des affaires sociales est révélateur de la posture et de la volonté d’aboutir à une solution définitive. Ce texte a l’ambition de donner de la transparence à la recherche et de renforcer la protection des personnes.
Néanmoins, à ce stade du débat, je tiens à exprimer des craintes personnelles, en particulier devant l’unanimité affichée, qui a quelque chose d’inquiétant. D’autant qu’en matière d’éthique le consensus ne semble pas être une fin en soi, une sorte d’idéal à atteindre. Il s’agit d’un domaine où l’incertitude règne, et la recherche d’un consensus est toujours suspecte en ce sens qu’elle sous-entend un certain nombre de renoncements.
Vouloir séparer recherche et soin ? Oui, bien sûr ! Mais, au milieu, n’oublions pas le sujet, qui est le même, qu’il s’agisse de recherche ou de soin.
Il y a une éthique de la recherche, comme il y a une éthique du soin. Cette dernière est encore en chantier, tout n’est pas terminé. Entre recherche et soin, quel acteur, après le sujet, se trouve au centre ? C’est le chercheur, et celui-ci est un soignant.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Pas toujours !
M. Jean-Louis Lorrain. Il convient donc de remettre l’église au milieu du village.
L’implication de la France dans la recherche clinique aurait pu être l’occasion de mettre plus en valeur la loi Huriet-Sérusclat du 20 décembre 1988, souvent citée pour ses réformes nécessaires. Chacun le reconnaît, elle a fait figure de point de convergence : intérêt collectif, inviolabilité de la vie, protection des chercheurs et des personnes font partie des principes fondateurs reconnus.
Il est excessif de parler d’empilement des lois. La loi du 9 août 2004, à l’élaboration de laquelle j’ai participé, a en fait permis de tenir compte des réalités en s’attaquant à la question difficile des différents types de recherches médicales. Dans un premier temps, on a parlé « des » lois de bioéthique, puis, dans un deuxième, de la révision « de la » loi de bioéthique. Par conséquent, n’attachons pas trop d’importance à cette notion, pour le moins négative, d’« empilement » !
Aujourd’hui, faut-il revenir sur la proposition des trois branches proposées par l’Assemblée nationale ? Faut-il définir une branche en fonction des modalités de consentement qui donnent la primauté à la personne ? Nous y sommes tout à fait favorables. Pourquoi ne pas le faire ?
Le consentement libre et éclairé, reconnu depuis le code de Nuremberg, est un concept fondateur d’une grande complexité, longtemps bafoué par les États. Sa prise en considération rencontre d’importants obstacles face, par exemple, à la marginalité, à la grande vulnérabilité et en particulier dans le domaine de la psychiatrie.
Considérer que les éléments nécessaires sont rassemblés pour invoquer que le consentement libre et éclairé est le résultat d’une véritable démarche éthique. Cela suppose des efforts extrêmement importants de la part des écoutants, de façon à informer, à s’assurer de cette liberté, sans pour autant sortir du doute.
La signature d’un document a certes un intérêt juridique, mais vous ne nous empêcherez pas de penser qu’elle peut ressembler, dans certains cas regrettables, à une décharge en bas d’un protocole rapidement présenté.
On peut distinguer une recherche interventionnelle qui serait plus lourde – c’est le cas – et une recherche observationnelle. Mais cette dernière peut aussi avoir des conséquences non physiques mais lourdes, dans le domaine psychologique, psychiatrique, voire social.
Les comités de protection des personnes, les CPP, qui ont pris de nouvelles compétences dans la loi du 9 août 2004, sont chargés de se prononcer sur le respect des exigences de protection de la personne, dans le cadre d’un protocole de recherche. On leur reconnaît une fonction actuellement satisfaisante, mais leur renforcement en temps et en moyens deviendra nécessaire.
Actuellement, les compétences sont inégales. C’est pourquoi la distribution aléatoire des protocoles me semble, en l’état, peu réaliste, contraignante, d’un apport incertain en matière de protection des personnes et, sans doute, coûteuse par les retards de traitement que cela peut provoquer.
On doit reconnaître la compétence particulière des CPP se prononçant sur les recherches en phase 1. Ces comités nécessitent des intervenants particulièrement qualifiés pour apprécier les compétences et les études proposées. Nous ne pouvons pas, systématiquement, par dogmatisme, jeter un regard suspect sur les centres investigateurs qui ont besoin d’une crédibilité sur le long terme, sans quoi ils seront discrédités.
La compétitivité et la complexification administrative font partie du souci de transparence que veut donner la loi, et nous en sommes satisfaits.
Si les missions des CPP évoluent vers un rôle d’expertise, en particulier auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, ceux-ci vont exiger une évaluation et une accréditation renouvelées. La Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine prend toute son importance.
Le tirage au sort par la Commission nationale suppose que celle-ci bénéficie d’un rôle d’expertise. Nous connaissons les hautes qualités, en matière d’expertise, d’évaluation et en matière hospitalière de la Haute Autorité de santé, la HAS. Mais son rattachement, en ce qui concerne les missions de recherche, nécessitera de véritables adaptations.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Oui !
M. Jean-Louis Lorrain. Pourquoi pas ?
J’aimerais évoquer maintenant la question de la recherche en cas d’urgence vitale immédiate.
La loi Huriet-Sérusclat, relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, avait donné la possibilité de déroger à l’obligation de consentement de la personne, pour la recherche en situation d’urgence. L’amendement visant à protéger la personne en complétant et clarifiant les dispositions sur le consentement va dans le bon sens, je tiens à le souligner.
Le souci de la personne humaine, invoqué en référence à l’esprit de la Convention d’Oviedo, peut nous satisfaire. Mais lorsque l’auteur de la proposition de loi nous dit que la formule « personne humaine » permet d’inclure les personnes en état de mort cérébrale dans le champ d’application de la loi, cela n’évoque-t-il pas une chosification du sujet ? Je ne reviendrai pas sur le concept de « personne humaine » ; celui de « personne » aurait suffi largement.
Si les CPP devaient rester en l’état, je ne pourrais souscrire au choix aléatoire. Néanmoins, je fais confiance au potentiel de changement que peut apporter cette proposition de loi que je voterai globalement. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
I. – L’intitulé du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi rédigé : « Recherches impliquant la personne humaine ».
II. – Le même titre est ainsi modifié :
1° L’article L. 1121-1 est ainsi modifié :
a) (Suppression maintenue)
b) Les deuxième à quatrième alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Il existe trois catégories de recherches impliquant la personne humaine :
« 1° Les recherches interventionnelles, qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle ;
« 2° Les recherches interventionnelles, qui ne portent pas sur des médicaments et ne comportent que des risques et des contraintes minimes, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis du directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ;
« 3° Les recherches non interventionnelles, dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle, sans procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic, de traitement ou de surveillance. » ;
c) La première phrase du cinquième alinéa est ainsi rédigée :
« La personne physique ou la personne morale qui est responsable d’une recherche impliquant la personne humaine, en assure la gestion et vérifie que son financement est prévu, est dénommée le promoteur. » ;
d) Au dernier alinéa, les mots : «, sur un même lieu ou » sont supprimés ;
e) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Si, sur un lieu, la recherche est réalisée par une équipe, l’investigateur est le responsable de l’équipe et est dénommé investigateur principal. » ;
2° L’article L. 1121-3 est ainsi modifié :
a) Le sixième alinéa est ainsi rédigé :
« Les recherches mentionnées au 2° de l’article L. 1121-1 et qui n’ont aucune influence sur la prise en charge médicale de la personne qui s’y prête, ainsi que les recherches non interventionnelles, peuvent être effectuées sous la direction et la surveillance d’une personne qualifiée. Le comité de protection des personnes s’assure de l’adéquation entre la qualification du ou des investigateurs et les caractéristiques de la recherche. » ;
b) À la deuxième phrase du septième alinéa, après les mots : « autres recherches », sont insérés les mots : « mentionnées au 1° de l’article L. 1121-1 » ;
c) Le septième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les recherches mentionnées au 2° de l’article L. 1121-1 et les recherches non interventionnelles, des recommandations de bonnes pratiques sont fixées par voie réglementaire. » ;
d) Au dernier alinéa, le mot : « biomédicale » est remplacé par les mots : « impliquant la personne humaine » ;
3° L’article L. 1121-4 est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les recherches mentionnées au 2° de l’article L. 1121-1 et les recherches non interventionnelles ne peuvent être mises en œuvre qu’après avis favorable du comité de protection des personnes mentionné à l’article L. 1123-1. Le promoteur adresse une copie de cet avis et un résumé de la recherche à l’autorité compétente. Sur demande de celle-ci, le comité de protection des personnes concerné transmet sans délai toutes les informations utiles concernant ces recherches à l’autorité compétente.
« Lorsque les recherches mentionnées au 2° de l’article L. 1121-1 figurent sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris sur proposition du directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, le comité de protection des personnes s’assure auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé que l’utilisation des produits sur lesquels porte la recherche ne présente que des risques minimes.
« En cas de doute sérieux sur la qualification d’une recherche au regard des trois catégories de recherches impliquant la personne humaine définies à l’article L. 1121-1, le comité de protection des personnes saisit pour avis l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
« À tout moment, le comité de protection des personnes concerné informe sans délai l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé de tout problème de sécurité dont il a connaissance présenté par une recherche mentionnée aux 2° ou 3° de l’article L. 1121-1. » ;
4° Après l’article L. 1121-8, il est inséré un article L. 1121-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1121-8-1. – Les personnes qui ne sont pas affiliées à un régime de sécurité sociale ou bénéficiaires d’un tel régime peuvent être sollicitées pour se prêter à des recherches non interventionnelles.
« À titre dérogatoire, le comité de protection des personnes peut autoriser une personne qui n’est pas affiliée à un régime de sécurité sociale ou bénéficiaire d’un tel régime à se prêter à des recherches mentionnées au 1° ou au 2° de l’article L. 1121-1. Cette autorisation est motivée. Elle doit se fonder au moins sur l’une des conditions suivantes :
« – l’importance du bénéfice escompté pour ces personnes est de nature à justifier le risque prévisible encouru ;
« – ces recherches se justifient au regard du bénéfice escompté pour d’autres personnes se trouvant dans la même situation juridique. Dans ce cas, le risque prévisible doit être nul et les contraintes que comporte la recherche doivent présenter un caractère minime. » ;
5° L’article L. 1121-11 est ainsi modifié :
a) Le cinquième alinéa est supprimé ;
b) Supprimé
6° L’article L. 1121-13 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du deuxième alinéa, après les mots : « de recherches », sont insérés les mots : « mentionnées au 1° de l’article L. 1121-1 » ;
b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La première administration d’un médicament à l’homme dans le cadre d’une recherche ne peut être effectuée que dans des lieux ayant obtenu l’autorisation mentionnée à l’alinéa précédent. » ;
7° L’article L. 1121-15 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les recherches mentionnées au 2° de l’article L. 1121-1 et les recherches non interventionnelles sont inscrites dans un répertoire rendu public dans des conditions fixées par décret.
« Les résultats des recherches impliquant la personne humaine sont rendus publics dans un délai raisonnable, dans des conditions fixées par décret. » ;
8° (Suppression maintenue)
9° L’article L. 1123-6 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1123-6. – Avant de réaliser une recherche biomédicale sur l’être humain, le promoteur est tenu d’en soumettre le projet à l’avis de l’un des comités de protection des personnes désigné de manière aléatoire par la commission nationale prévue à l’article L. 1123-1-1. Il ne peut solliciter qu’un seul avis par projet de recherche.
« Toutefois, avant que le comité de protection des personnes ne se prononce ou en cas d’avis défavorable du comité, le promoteur peut adresser à la commission nationale une demande motivée tendant à ce qu’elle désigne un autre comité pour l’examen du protocole. La décision de cette commission doit être motivée. Elle est rendue dans un délai qui ne peut excéder un mois. » ;
9° bis Après l’article L. 1123-7, il est inséré un article L. 1123-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1123-7-1. – Tout promoteur ayant son siège en France, envisageant de réaliser une recherche impliquant la personne humaine dans un État non membre de l’Union européenne, peut soumettre son projet à un comité de protection des personnes.
« Le comité de protection des personnes rend son avis sur les conditions de validité de la recherche au regard de l’article L. 1121-2 et des deuxième à onzième alinéas de l’article L. 1123-7. » ;
10° L’article L. 1123-9 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « du comité et », sont insérés les mots : «, dans le cas de recherches mentionnées au 1° de l’article L. 1121-1, » ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la demande de modification substantielle engendre un doute sérieux sur la qualification d’une recherche au regard des trois catégories de recherches impliquant la personne humaine définies à l’article L. 1121-1, le comité de protection des personnes saisit l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
« En cas d’avis défavorable du comité, le promoteur peut demander à la commission mentionnée à l’article L. 1123-1-1 de soumettre la demande de modification substantielle, pour un second examen, à un autre comité. » ;
11° Au 1° de l’article L. 1126-5, après les mots : « personnes et », sont insérés les mots : «, dans le cas de recherches mentionnées au 1° de l’article L. 1121-1, » ;
12° L’article L. 1126-10 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1126-10. – Dans le cadre d’une recherche mentionnée au 1° de l’article L. 1121-1, le fait pour le promoteur de ne pas fournir gratuitement aux investigateurs pendant la durée de la recherche les médicaments expérimentaux et, le cas échéant, les dispositifs utilisés pour les administrer ainsi que, pour les recherches portant sur des produits autres que les médicaments, les produits faisant l’objet de la recherche est puni de 30 000 euros d’amende. » ;
13° L’intitulé du chapitre II est ainsi rédigé : « Information de la personne qui se prête à une recherche impliquant la personne humaine et recueil de son consentement » ;
14° L’article L. 1122-1 est ainsi modifié :
aa) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Préalablement à la réalisation d’une recherche impliquant la personne humaine, une information est délivrée à la personne qui y participe par l’investigateur ou un médecin qui le représente. Lorsque l’investigateur est une personne qualifiée, cette information est délivrée par celle-ci ou par une autre personne qualifiée qui la représente. L’information porte notamment sur : » ;
a) Au 2°, après le mot : « attendus », sont insérés les mots : « et, dans le cas de recherches mentionnées aux 1° ou 2° de l’article L. 1121-1 » ;
b) Au début des 3° et 4°, sont insérés les mots : « Dans le cas de recherches mentionnées aux 1° ou 2° de l’article L. 1121-1, » ;
b bis) La seconde phrase du 5° est supprimée ;
b ter A) (nouveau) Après le 6°, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° Le cas échéant, la nécessité d’un traitement des données personnelles conformément aux dispositions de l’article 57 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. » ;
b ter) Après le 6°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La personne dont la participation est sollicitée est informée de son droit d’avoir communication, au cours ou à l’issue de la recherche, des informations concernant sa santé, détenues par l’investigateur ou, le cas échéant, le médecin ou la personne qualifiée qui le représente. » ;
c) (Suppression maintenue)
d) Le huitième alinéa est ainsi rédigé :
« La personne dont la participation est sollicitée ou, le cas échéant, les personnes, organes ou autorités chargés de l’assister, de la représenter ou d’autoriser la recherche sont informés de son droit de refuser de participer à la recherche ou de retirer son consentement ou, le cas échéant, son autorisation à tout moment, sans encourir aucune responsabilité ni aucun préjudice de ce fait. » ;
e) À la première phrase du neuvième alinéa, les mots : « ne porte que sur des volontaires sains et » sont supprimés ;
e bis) Après le neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une recherche non interventionnelle porte sur l’observance d’un traitement et que sa réalisation répond à une demande de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de la Haute Autorité de santé ou de l’Agence européenne des médicaments, l’objectif de la recherche, sa méthodologie et sa durée peuvent ne faire l’objet que d’une information préalable succincte dès lors que la recherche ne présente aucun risque sérieux prévisible. Le projet mentionné à l’article L. 1123-6 mentionne la nature des informations préalables transmises aux personnes se prêtant à la recherche. » ;
f) (Suppression maintenue)
15° L’article L. 1122-1-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1122-1-1. – Aucune recherche mentionnée au 1° et au 2° de l’article L. 1121-1 ne peut être pratiquée sur une personne sans son consentement libre et éclairé, recueilli par écrit ou, en cas d’impossibilité, attesté par un tiers, après que lui a été délivrée l’information prévue à l’article L. 1122-1. Ce tiers doit être totalement indépendant de l’investigateur et du promoteur.
« Par dérogation à l’alinéa précédent, le comité de protection des personnes chargé de l’examen du protocole peut autoriser le recueil du consentement libre et éclairé pour permettre la participation d’une personne à une recherche prévue au 2° de l’article L. 1121-1. Le comité de protection des personnes s’assure que les conditions de recueil du consentement libre et éclairé sont effectivement réunies.
« Aucune recherche mentionnée au 3° de l’article L. 1121-1 ne peut être pratiquée sur une personne lorsqu’elle s’y est opposée. » ;
16° L’article L. 1122-1-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « biomédicales » est remplacé par les mots : « impliquant la personne humaine » et, après les mots : « qui y sera soumise, », sont insérés les mots : « lorsqu’il est requis, » ;
b) Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Le protocole peut prévoir une dérogation à cette obligation dans le cas d’une urgence vitale immédiate qui est appréciée par ce comité. » ;
c) Les deux dernières phrases sont ainsi rédigées :
« L’intéressé ou, le cas échéant, les membres de la famille ou la personne de confiance mentionnée à l’article L. 1111-6 sont informés dès que possible et leur consentement, lorsqu’il est requis, leur est demandé pour la poursuite éventuelle de cette recherche. Ils peuvent également s’opposer à l’utilisation des données concernant la personne dans le cadre de cette recherche. » ;
17° L’article L. 1122-2 est ainsi modifié :
a) (Suppression maintenue)
a bis) Après le quatrième alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une personne mineure se prêtant à une recherche devient majeure dans le cours de sa participation, la confirmation de son consentement est requise après délivrance d’une information appropriée. » ;
a ter A) (nouveau) Après la première phrase du huitième alinéa du II, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« L’intéressé est informé dès que possible et son consentement lui est demandé pour la poursuite éventuelle de cette recherche s’il retrouve sa capacité à consentir. » ;
a ter) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’à la date de la fin de la recherche la personne mineure qui s’y est prêtée a acquis la capacité juridique, elle devient personnellement destinataire de toute information communiquée par l’investigateur ou le promoteur. » ;
b) Le III est ainsi rédigé :
« III. – Le consentement prévu au huitième alinéa du II est donné selon les formes prévues à l’article L. 1122-1-1. Les autorisations prévues aux premier, sixième et neuvième alinéas du même II sont données par écrit. » ;
18° La seconde phrase du cinquième alinéa de l’article L. 1521-5 et du seizième alinéa de l’article L. 1541-4 du code de la santé publique est supprimée.
III. – Le titre II du livre Ier de la première partie du même code est ainsi modifié :
1° (Suppression maintenue)
2° Au premier alinéa de l’article L. 1121-2, les mots : « sur l’être humain » sont supprimés ;
3° Au troisième alinéa de l’article L. 1121-3, les mots : « l’essai » sont remplacés par les mots : « la recherche » ;
4° Aux premier et cinquième alinéas de l’article L. 1121-3, au deuxième alinéa de l’article L. 1121-11, au premier alinéa de l’article L. 1121-13 et au 12° de l’article L. 1123-14, le mot : « biomédicales » est supprimé ;
4° bis Au premier alinéa de l’article L. 1121-14, le mot : « biomédicale » est supprimé ;
5° À la première phrase du septième alinéa de l’article L. 1121-3 et du troisième alinéa de l’article L. 1121-11, à la première phrase du premier alinéa et au deuxième alinéa de l’article L. 1121-15, au premier alinéa de l’article L. 1121-16, à la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 1125-2 et à la première phrase de l’article L. 1125-3, le mot : « biomédicales » est remplacé par les mots : « mentionnées au 1° de l’article L. 1121-1 » ;
6° Au premier alinéa de l’article L. 1121-4, à la première phrase de l’article L. 1123-8, au dernier alinéa de l’article L. 1123-11 et à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1125-1, le mot : « biomédicale » est remplacé par les mots : « mentionnée au 1° de l’article L. 1121-1 » ;
7° Au premier alinéa des articles L. 1121-5, L. 1121-6, L. 1121-7 et L. 1121-8, le mot : « biomédicales » est remplacé par les mots : « mentionnées aux 1° ou 2° de l’article L. 1121-1 » ;
8° À l’article L. 1121-9, au quatrième alinéa de l’article L. 1121-10 et à la première phrase de l’article L. 1121-12, le mot : « biomédicale » est remplacé par les mots : « mentionnée aux 1° ou 2° de l’article L. 1121-1 » ;
8° bis Le quatrième alinéa de l’article L. 1121-10 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans le cas où la personne qui s’est prêtée à la recherche est âgée de moins de dix-huit ans au moment de la fin de celle-ci, ce délai minimal court à partir de la date de son dix-huitième anniversaire. » ;
9° (Suppression maintenue)
10° Au début de la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 1121-10, les mots : « La recherche biomédicale » sont remplacés par les mots : « Toute recherche mentionnée aux 1° ou 2° de l’article L. 1121-1 » ;
10° bis Le premier alinéa de l’article L. 1123-10 est ainsi modifié :
a) Après la référence : « L. 1123-12 », la fin de la première phrase est supprimée ;
b) Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Les événements et les effets indésirables définis pour les recherches mentionnées au 1° de l’article L. 1121-1 sont notifiés par le promoteur au comité de protection des personnes compétent. » ;
11° L’article L. 1123-11 est ainsi modifié :
a) (Suppression maintenue)
b) Au deuxième alinéa, le mot : « administrative » est supprimé ;
c) Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« Le promoteur informe le comité de protection des personnes compétent et l’autorité compétente mentionnée à l’article L. 1123-12 du début et de la fin de la recherche impliquant la personne humaine et indique les raisons qui motivent l’arrêt de cette recherche quand celui-ci est anticipé. » ;
12° Le quatrième alinéa de l’article L. 1121-11 est supprimé ;
12° bis À l’article L. 1121-12, après les mots : « des personnes et », sont insérés les mots : «, le cas échéant, » ;
13° À la première phrase de l’article L. 1123-2, le mot : « biomédical » est remplacé par les mots : « de la recherche impliquant la personne humaine » ;
14° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 1121-13 et au dernier alinéa de l’article L. 1125-1, le mot : « biomédicales » est supprimé et, à l’article L. 1126-10, le mot : « biomédicale » est supprimé ;
15° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1123-10, après le mot : « recherche », sont insérés les mots : « impliquant la personne humaine » et, à la première phrase du second alinéa du même article, après la référence : « L. 1123-9 », sont insérés les mots : « et pour toutes recherches impliquant la personne humaine » ;
16° Le dernier alinéa de l’article L. 1123-12 est supprimé ;
16° bis (Suppression maintenue)
17° L’article L. 1123-14 est ainsi modifié :
a) Au 9°, les mots : « l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé » sont remplacés par les mots : « la commission mentionnée à l’article L. 1123-1-1 » ;
b) (Suppression maintenue)
IV. – L’article L. 1221-8-1 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La deuxième phrase est ainsi rédigée :
« Dans ce cas, la recherche est menée à partir de prélèvements réalisés soit dans une finalité médicale, soit dans le cadre d’une recherche impliquant la personne humaine. » ;
b) La troisième phrase est supprimée ;
c) À la dernière phrase, les mots : « lorsque le sang ou ses composants sont prélevés ou utilisés dans le cadre d’une activité de recherche biomédicale » sont remplacés par les mots : « relatives aux recherches impliquant la personne humaine » ;
2° Les deuxième et dernier alinéas sont supprimés.
IV bis A. – Après les mots : « à des fins médicales », la fin du 3° de l’article L. 1333-1 du même code est ainsi rédigée : « ou dans le cadre d’une recherche mentionnée au 1° de l’article L. 1121-1. »
IV bis. – Au dernier alinéa de l’article L. 1333-4 du même code, les mots : « ou à la recherche médicale, biomédicale et » sont remplacés par les mots : «, à la recherche impliquant la personne humaine ou à la recherche ».
IV ter. – (Non modifié)
V. – (Suppression maintenue)
VI. – Les deux premiers alinéas de l’article 223-8 du code pénal sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le fait de pratiquer ou de faire pratiquer sur une personne une recherche mentionnée aux 1° ou 2° de l’article L. 1121-1 sans avoir recueilli le consentement libre, éclairé et, le cas échéant, écrit de l’intéressé, des titulaires de l’autorité parentale ou du tuteur ou d’autres personnes, autorités ou organes désignés pour consentir à la recherche ou pour l’autoriser, dans les cas prévus par le code de la santé publique, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
« Les mêmes peines sont applicables lorsque la recherche interventionnelle est pratiquée alors que le consentement a été retiré.
« Les mêmes peines sont applicables lorsqu’une recherche non interventionnelle est pratiquée alors que la personne s’y est opposée. »
VII. – (Non modifié)
VIII. – Après l’article L. 1121-16-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1121-16-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1121-16-2. – Les articles L. 1121-4 et L. 1121-15 ne sont pas applicables aux recherches non interventionnelles portant sur des produits cosmétiques ou alimentaires lorsque ces recherches figurent sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. »
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 40
Remplacer les mots :
par décret
par les mots :
par arrêté du ministre chargé de la santé
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 41
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les résultats des recherches impliquant la personne humaine sont rendus publics dans un délai raisonnable et précisent obligatoirement, pour les recherches réalisées hors de l'Union Européenne, le lieu de leur réalisation. Un décret définit les modalités d'application de cet alinéa. » ;
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. J’avais annoncé cet amendement dans mon intervention liminaire, c’est pourquoi je n’y consacrerai pas beaucoup de temps, d’autant qu’il a fait l’objet d’un avis favorable de la commission.
Cet amendement vise à ce que soit indiqué le lieu où les recherches impliquant la personne humaine ont été effectuées, de manière à éclairer les experts qui seront chargés, lors de l’autorisation de mise sur le marché, de prendre une décision.
Aujourd’hui, on se rend compte que beaucoup de médicaments sont insuffisamment évalués, non seulement avant leur mise sur le marché mais aussi après. Les événements de ces derniers jours sont là pour me donner raison.
C’est la raison pour laquelle, je l’espère, notre assemblée adoptera mon amendement, qui a pour objet d’améliorer cette situation que nous déplorons tous.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3 de l'amendement n° 2, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les modalités d'application de cet alinéa sont définies par arrêté du ministre chargé de la santé.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Il s’agit d’un sous-amendement rédactionnel, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 2 de M. Autain qui tend à une plus grande transparence sur les lieux de recherche.
La commission est également favorable au sous-amendement n° 11 du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 43 à 45
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Il est clair que ce texte contient des avancées substantielles au regard de la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales. La création de la Commission nationale des comités de protection des personnes en est une. De même, l’intégration de cette commission au sein de la HAS est source d’une vraie valeur ajoutée dans la protection et la sécurité de ces personnes.
Cependant, ne perdons pas de vue les objectifs auxquels répond cette commission, et notamment celui d’une plus grande cohérence entre les décisions des différents comités de protection des personnes, d’une certaine harmonisation de leur approche sur l’ensemble du territoire. Or il me semble que l’idée d’un tirage au sort d’un CPP pour rendre un avis sur un projet vient en contradiction avec cette volonté d’harmonisation.
Nous sommes fiers de notre recherche médicale, qui dispose de pôles de compétences reconnus, avec des spécificités particulières. De ce point de vue aussi, la désignation d’un CPP de manière aléatoire aurait des effets négatifs, car il en résulterait une sorte de lissage de la valeur ajoutée de certains CPP.
M. François Autain. Valeur ajoutée, c’est le mot !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Monsieur Autain, nous sommes là pour défendre la sécurité des personnes ! Attirer l’attention sur des questions de sémantique n’apporte rien à ce débat de fond !
Comme le rappelait M. Jean-Louis Lorrain, mettre en place un tirage au sort risque de complexifier les procédures de soumission des protocoles aux CPP. Alors même que ce texte prévoit de rendre plus claires et plus lisibles les procédures d’évaluation, vous ajoutez une source de complexité sans apporter grand-chose en termes de sécurité des personnes, laquelle est, je le répète, notre préoccupation essentielle. Car je ne vois pas comment un tirage au sort aléatoire apporterait quoi que ce soit à cet égard.
Si vous avez supprimé la soumission des projets à la CNIL, au profit des comités de protection des personnes, c’est bien pour simplifier les processus de recherche. Il s’agit donc bien, ici, de rendre les processus plus clairs, plus lisibles. Notre volonté est d’encourager la recherche française, qui est l’un des fleurons de notre pays et qui est reconnue à l’échelle mondiale.
Il existe une contradiction entre, d’une part, cette détermination à encourager la recherche, à la rendre plus simple et plus lisible, et, d’autre part, la mise en place d’une procédure complexe qui n’apporte pas plus de sécurité aux personnes.
Au demeurant, ce tirage au sort serait une exception française. Dans le reste du monde, les comités de protection de personnes sont clairement identifiés. Je ne suis pas contre l’exception française, dont nous pouvons nous féliciter dans bien des domaines. Comment ne pas se réjouir, par exemple, de ce que la gastronomie française ait été inscrite au patrimoine de l’UNESCO ? Mais, sur les questions de recherche et de protection des personnes, mesdames, messieurs les sénateurs, soyons un peu pragmatiques ! Ne nous éloignons pas de l’objectif premier de ce texte : rendre plus lisibles, plus claires et plus simples les procédures. À l’inverse, ce tirage au sort les rendrait plus complexes.
Je rappelle que, chaque année, 2 000 à 3 000 dossiers sont soumis à évaluation. Dès lors, comment une commission centralisée pourrait-elle s’appuyer sur le jugement de comités désignés de façon systématique et mécanique par tirage au sort ?
Je me permettrai d’ajouter un argument d’expérience. Pendant dix-huit ans, j’ai travaillé à l’hôpital et j’ai soumis des projets. Je crois savoir que la proximité entre une équipe d’investigateurs et un CPP à laquelle elle soumet ses projets facilite l’interaction, permet de faire mieux avancer un projet, de le rendre plus cohérent, plus pertinent, plus susceptible d’aboutir à des résultats tangibles.
Éloigner la décision des équipes de recherche n’est pas une bonne façon d’atteindre les objectifs de la présente proposition de loi.
C’est pourquoi je propose de supprimer ces trois alinéas et vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à bien peser votre vote. N’oubliez pas que nous souhaitons aussi, par ce texte, encourager la recherche impliquant la personne humaine grâce à une simplification et à une clarification des procédures, sans pour autant, bien entendu, négliger la sécurité des individus, qui reste la priorité. Or je crois que la méthode du tirage au sort des protocoles pour les faire étudier par tel ou tel CPP rendra les choses plus complexes sans constituer une avancée pour la sécurité des personnes.
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par Mme Hermange, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 44, première phrase
I. - Remplacer les mots :
recherche biomédicale sur l'être humain
par les mots :
recherche impliquant la personne humaine
II. - Remplacer les mots :
commission nationale prévue à l'article L. 1123-1-1
par les mots :
Haute Autorité de santé
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 5.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. L’amendement n° 5 tend à supprimer la distribution aléatoire des protocoles entre les différents comités de protection des personnes. Nous ne pouvons pas y être favorables, car la distribution aléatoire nous semble, au vu des réalités du terrain, être le seul moyen de mettre un terme à l’actuelle situation, qui voit, de fait, les promoteurs choisir les comités avec lesquels ils souhaitent travailler. (Mme la secrétaire d’État marque son désaccord.)
La distribution aléatoire permettra, en outre, de mettre fin au déséquilibre, en termes de nombre des dossiers traités, entre les comités de protection des personnes.
Nous avons également prévu, sur l’initiative de Nicolas About et afin de tenir compte de certaines observations, de donner au promoteur la possibilité de contester, dans une sorte de procédure d’appel, la compétence du CPP auquel son protocole aura été attribué.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis unanimement un avis défavorable sur l’amendement déposé par le Gouvernement.
Quant à l’amendement n° 12, c’est un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 12 ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Mme Hermange a invoqué l’argument d’une répartition plus homogène sur le territoire national des protocoles soumis aux CPP. Or ce critère ne me paraît pas pertinent en l’occurrence, car l’objectif du texte, ce n’est pas l’harmonisation territoriale, c’est la reconnaissance de compétences aux différents CPP présents sur le territoire national.
S’il ne s’agit que de répartir les projets de manière aussi homogène que possible entre les différents CPP, on va en définitive demander à des CPP leur avis sur des projets à propos desquels ils n’auront aucune compétence ! (M. François Autain s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote sur l’amendement n° 5.
M. Daniel Dubois. Je voudrais appuyer l’argumentation de Mme la secrétaire d'État.
Malgré les intentions sans doute louables de la commission, la rédaction qu’elle propose va totalement à l’encontre des objectifs de simplification, de lisibilité et aussi d’efficacité que vise la présente proposition de loi.
On sait très bien que les CPP sont toujours plus compétents dans certains domaines que dans d’autres. Autrement dit, au nom de l’harmonisation des territoires, on pourrait vider ce texte d’une grande part de sa portée !
C’est pourquoi je voterai l’amendement n° 5 du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Je pense que l’amendement de la commission est un amendement de sagesse, car il réduit les risques de conflits d’intérêts.
Certes, la loi interdit théoriquement aux personnes exposées à d’éventuels conflits d’intérêts de participer aux délibérations. Pourtant, dans la pratique, les personnes en question ne s’en retirent jamais, elles ne s’excluent jamais d’elles-mêmes de l’étude des dossiers des CPP. (Mme le rapporteur acquiesce.)
Or la proximité pourrait être de nature à accroître ces risques de conflits d’intérêts.
Pour ma part, je fais plutôt confiance à la qualité des membres des CPP. Ils sont là pour s’assurer simplement que la personne est protégée. Bien sûr, une qualification élevée est bienvenue,…
M. François Autain. Bien sûr !
M. Nicolas About. … mais on trouve dans les CPP des gens aux origines très diverses, et il n’est nul besoin d’être un très grand scientifique pour s’assurer que les personnes sont suffisamment protégées dans le cadre de telle ou telle étude.
Nous avons prévu une possibilité d’appel pour le cas où le promoteur considérerait qu’on soumet son projet à des incapables… Ce qui laisse supposer que, dans son esprit, le préfet aurait nommé des incapables ou au moins des gens insuffisamment avertis de la matière traitée pour étudier valablement le protocole concerné… Mais admettons ! Le promoteur pourra alors faire appel et demander à la commission nationale de désigner enfin un CPP « digne » de son projet.
Ce dispositif offre tout de même une sécurité renforcée et évite de tomber dans un système où c’est le promoteur qui choisit ceux qui vont juger son projet, car il est un principe qu’il convient de respecter, celui selon lequel on ne peut être à la fois juge et partie. (Mme le rapporteur acquiesce.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Lorrain. Il s’agit là d’un sujet difficile, car les rapports des Français avec l’économie ou plus exactement avec l’argent sont empreints de suspicion. Je crois pourtant que l’on peut être quelqu’un de parfaitement honnête et aborder des enjeux économiques tout en respectant rigoureusement une éthique.
On ne cesse d’entendre les uns et les autres se plaindre de ce que les universités françaises occupent des places médiocres au classement de Shanghai. Mais cela tient au fait que nos universitaires ne publient pas suffisamment, que trop peu de recherches sont menées dans notre pays ou qu’elles n’obtiennent que des résultats modestes, etc. Si nous voulons rester dans la course, nous devons donc prendre garde à ne pas entraver les recherches.
Nous devons sortir de ce climat de méfiance généralisée : ce n’est pas parce que différents décideurs se réunissent qu’ils se « contaminent » mutuellement ! Les membres de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques rencontrent régulièrement des industriels et montent des projets avec eux. Sont-ils pour autant « contaminés » ou « dévoyés » ? Je ne le pense pas !
En France, combien de conflits d’intérêts ont-ils fait l’objet de poursuites judiciaires ou eu un aspect scandaleux ? Ce serait important de le savoir. Si de tels conflits existent, il faut les débusquer ! J’ai, pour ma part, l’impression que les choses ne vont pas aussi mal que certains le disent.
Cependant, si l’on révise de fond en comble, comme je le souhaite, le fonctionnement des CPP, on s’acheminera également, sans doute, vers une professionnalisation de ces structures. Actuellement, on y trouve des gens qui, pour trois fois rien, donnent de leur temps et de leur énergie pour leur pays. À mes yeux, c’est tout à leur honneur.
Or, là, nous allons vers une grande complexification. (Mme le rapporteur marque son désaccord.)
Du reste, pourquoi ne pas accepter que telle ou telle région se spécialise dans tel ou tel domaine ? Les nanotechnologies à Grenoble, par exemple ; ailleurs, les sciences cognitives, etc.
On a besoin de rigueur, bien sûr, mais aussi de souplesse.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je souscris aux propos qui viennent d’être tenus par M. Lorrain : le problème est très complexe. Toutefois, et cela a été dit à juste titre, les choix éclairés du préfet quant à la composition du CPP devraient permettre de trouver l’adéquation entre les desiderata du promoteur du projet et un panel à même d’évaluer la pertinence de l’expérience en cause.
Je pense sincèrement que le recours à un tirage au sort constitue une solution de facilité, qui est d’ailleurs parfaitement antinomique avec l’ambition de s’inscrire dans une démarche scientifique. Je ne peux donc pas le soutenir.
Cependant, je retiens l’argument selon lequel le promoteur d’un projet ne peut pas être à la fois juge et partie. Dans la réflexion à laquelle nous sommes invités, nous devons trouver les moyens d’une compatibilité entre les compétences de la CPP et le sujet traité.
C’est un point décisif, et qui se situe très en amont. Force est de constater que beaucoup de chemin reste à faire, comme en témoignent les scandales récemment révélés par la presse et déjà évoqués par M. Autain. On sait que des molécules ont été mises sur le marché d’une façon fort hasardeuse…
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Vous vous éloignez du sujet !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je me range totalement à l’avis de M. About.
Madame la secrétaire d'État, l’argument que vous avez utilisé et selon lequel ce dispositif pourrait nous mettre en difficulté vis-à-vis de nos concurrents étrangers n’est pas recevable. On le retrouve d’ailleurs dans une certaine littérature dont on nous a abreuvés ces temps derniers.
À cet égard, je voudrais dire que, si le choix aléatoire d’un CPP n’était qu’un problème technique, nous n’aurions peut-être pas subi depuis une quinzaine de jours un lobbying aussi effréné ! Je suppose donc qu’il faut y voir d’autres raisons. Mais c’est une simple supposition, car je suis par nature un peu naïf ! (Sourires.)
À mon sens, il serait tout de même un peu curieux que le promoteur puisse choisir celui qui va juger son projet au regard de la protection de la personne. Quand il se présente à un examen, que je sache, un candidat ne choisit pas son examinateur !
M. Jean-Louis Lorrain. Cela peut se voir ! ((Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Certes, monsieur Lorrain, cela arrive parfois, mais convenez que ce n’est pas l’idéal !
Pour notre part, nous souhaitons que les CPP soient tous au même niveau, car les spécialiser pourrait conduire à une diminution de leur nombre. Seuls trois ou quatre subsisteraient, qui seraient très spécialisés et sur lesquels les promoteurs pourraient, pour ainsi dire, agir à leur guise.
Nous plaidons, quant à nous, pour le développement des CPP et pour que des compétences soient données à ceux qui ont besoin d’en acquérir.
J’ajouterai que je suis intimement convaincu que, dans tous les cas de figure, la protection de la personne doit être la priorité absolue. La présente proposition de loi concerne bien la protection de la personne humaine dans les protocoles de recherche scientifique. Or protection de la personne et recherche scientifique ne sont nullement antinomiques !
En tout cas, je considère que la procédure retenue par la commission des affaires sociales ne pénalisera pas la recherche française, et je pense que le processus que nous souhaitons mettre en place se rodera très vite, madame la secrétaire d'État.
De plus, ce n’est pas parce que certains pays proches ne nous imitent pas que nous devons nous abstenir de légiférer en ce sens. Ou alors il faudrait étendre ce principe à beaucoup de sujets que nous abordons dans cet hémicycle, ce qui ne manquerait d’ailleurs pas de sel !
Bref, je pense qu’il faut s’en tenir au texte que nous avons proposé, et je tiens à répéter que je suis assez scandalisé par le lobbying effréné auquel les membres de cette assemblée ont été exposés. J’ai personnellement refusé plusieurs rencontres, estimant que j’étais assez grand pour me faire moi-même mon opinion !
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Je voudrais à mon tour dire les raisons pour lesquelles je ne voterai pas l’amendement du Gouvernement.
Vous avez indiqué tout à l’heure, madame la secrétaire d'État, que les CPP étaient obligatoirement tenus de se spécialiser…
M. François Autain. C’est pourtant ce que j’ai cru comprendre ! En effet, vous dites qu’un promoteur conduisant une recherche en cancérologie aura naturellement tendance à solliciter un CPP avec lequel il a déjà travaillé, au motif que ce dernier serait devenu spécialiste en cancérologie. Or, à ma connaissance, les CPP n’ont aucun avis à donner sur l’objet de la recherche : ils ne se prononcent qu’en fonction de considérations qui tiennent au respect de la personne, en vérifiant, notamment, que le consentement des intéressés a été libre et éclairé.
Dès lors, je ne vois pas en quoi il serait absolument indispensable que les promoteurs choisissent eux-mêmes leur CPP ! En effet, ce choix sera indifférent, pour peu, bien sûr, que, grâce à ce texte, nous parvenions à rendre les comités aussi compétents les uns que les autres.
Je ne pense donc pas qu’il y ait ici matière à discussion. Je le répète, je ne vois pas quel intérêt aurait un promoteur à choisir tel comité plutôt que tel autre puisque le CPP n’intervient pas dans l’objet de la recherche. Il s'agit d’un mauvais argument, madame la secrétaire d'État.
Se pose aussi le problème qu’a évoqué M. About, celui des liens d’intérêts. Nous ne pouvons le passer sous silence, car il est très important et trouve un certain écho dans l’actualité : aujourd'hui, nous sommes confrontés au scandale du Mediator, qui a révélé, entre les experts et les laboratoires Servier, l’existence d’un lien d’intérêts. Si ce lien n’avait pas existé, ce médicament aurait été retiré du marché depuis longtemps.
En réalité, si les promoteurs ont tendance à choisir toujours les mêmes CPP, c’est à cause, non pas de la compétence, mais de la complaisance de ces derniers vis-à-vis des programmes de recherche qu’ils mettent en œuvre. Et si nous tenons à ce que ce choix soit aléatoire, c’est précisément pour éviter cette connivence et cette proximité, car de telles mauvaises habitudes peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur la qualité de la recherche et de l’évaluation.
Je le répète, l’évaluation des médicaments en France est aujourd'hui insuffisante, non seulement avant l’autorisation de mise sur le marché, mais aussi après celle-ci. Sur ce point, il faut être intraitable, me semble-t-il. C'est pourquoi je voterai contre l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, avec les dispositions que vous proposez, vous jetez la suspicion sur tous les comités d’éthique et de protection des personnes. (Protestations sur plusieurs travées.)
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, et M. Jean-Pierre Godefroy. Non, c’est l’inverse !
MM. Nicolas About et François Autain. C’est vous qui jetez la suspicion !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Les comités de protection des personnes ont pour mission de juger la sécurité de ceux qui se prêtent à la recherche. C’est parce que vous doutez de l’intégrité des experts composant les CCP que vous souhaitez instituer un tirage au sort centralisé : cela montre bien que vous avez sur eux un jugement a priori !
M. François Autain. Pas a priori. C’est l’expérience qui nous a instruits !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. En ce qui concerne les conflits d’intérêts, permettez-moi de vous rappeler qu’ils sont encadrés par l’arrêté relatif au règlement intérieur des comités de protection.
M. François Autain. Tu parles !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. En outre, les déclarations d’intérêts des membres des comités sont rendues publiques : il s'agit d’une obligation, et ceux qui ne la respectent pas sont exclus de leur comité.
M. François Autain. Tu parles !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. C’est une obligation, monsieur Autain ! Cette réglementation est en vigueur.
M. François Autain. Elle n’est pas appliquée !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Vous prétendez que, grâce au tirage au sort, on pourra éloigner de façon suffisante tel projet de recherche du CPP chargé de donner son avis. Mais croyez-vous que nos territoires sont hérissés de murailles ? Pensez-vous que les experts ne se connaissent pas ? Il faut tout de même tenir compte du monde tel qu’il est !
Voulez-vous que ceux qui auront à évaluer la protection des personnes qui se prêtent à la recherche soient coupés de notre société et vivent en quelque sorte hors du monde ?
M. François Autain. Nous n’avons jamais dit cela ! Vous caricaturez !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Veuillez m’excuser, mesdames, messieurs les sénateurs, mais cette vision est un peu naïve.
M. Nicolas About. Les sénateurs sont de grands naïfs !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Vous cherchez à éviter les conflits d’intérêts. Reportez-vous donc à la réglementation en vigueur : les membres des comités doivent déclarer leurs liens d’intérêts, qui sont rendus publics. Cet argument n’est donc absolument pas fondé dans le débat qui nous intéresse aujourd’hui.
Le dispositif proposé par la commission tend à complexifier les procédures, alors que nous voulons les simplifier et les rendre plus lisibles. (MM. Daniel Dubois et Claude Biwer applaudissent.) En outre, il éloigne les CPP de leur objectif premier, qui est la sécurité des personnes.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Premièrement, ce texte vise avant tout à concilier la transparence de la recherche et la protection de la personne.
Deuxièmement, tel qu’il a été élaboré, à partir notamment de la proposition de loi de Nicolas About, ce texte garantit l’équilibre entre la facilitation de la recherche et la protection de la personne.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Troisièmement, enfin, madame la secrétaire d’État, vous affirmez que, si ces dispositions étaient adoptées, la France serait le premier pays à pratiquer le choix aléatoire. Toutefois, celui-ci est déjà de règle pour les appels ! Et après tout, la France, qui a été à l’origine de la création des comités de protection des personnes, peut continuer à faire progresser ce modèle.
La réforme que nous défendons aujourd’hui est un acte de confiance en la professionnalisation des comités de protection des personnes. C’est la raison pour laquelle ce texte, tel qu’il a été voté par la commission, permet un équilibre entre le développement de la recherche et la protection de la personne.
Voilà pourquoi nous sommes défavorables à l’amendement n° 5.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État, à qui je demanderai d’être particulièrement brève.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Madame le rapporteur, vous évoquez les appels. Mais observons la réalité. Combien y en a-t-il par an ? Quinze à vingt, pour 2 500 à 3 000 recherches ! Et c’est sans compter les études observationnelles qui, aux termes de la proposition de loi, devraient entrer dans le champ du dispositif. Décidément, on est fort éloigné des réalités !
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Pas du tout !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. J'ajouterai, pour en avoir fait l’expérience sur le terrain, d’une façon purement pragmatique,…
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Nous aussi nous sommes allés sur le terrain !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … que les équipes de recherche des centres hospitalo-universitaires soumettent leurs projets aux comités de protection des personnes de leur région, ce qui leur permet de faire avancer plus vite leurs travaux.
Pardonnez ma franchise : votre proposition tuerait la recherche ! (M. Jean-Pierre Godefroy proteste.)
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par Mme Hermange, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 103
Supprimer les mots :
, au dernier alinéa de l'article L. 1123-11
II. – Alinéa 122
Supprimer les mots :
et, à l'article L. 1126-10, le mot : « biomédicale » est supprimé
III. – Alinéas 126 à 128
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la secrétaire d'État, je ne puis vous laisser dire que nous voulons tuer la recherche. Ces propos sont inacceptables !
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Tout à fait !
Mme la présidente. Mes chers collègues, eu égard à l’organisation de nos travaux telle qu’elle a été prévue par la conférence des présidents, je me vois contrainte de suspendre l’examen de ce texte. Il appartiendra à la conférence des présidents de le réinscrire le plus rapidement possible à l’ordre du jour du Sénat.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
9
Ratification de nominations de membres d’une commission mixte paritaire
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du mardi 16 novembre 2010 prennent effet.
10
Adaptation de la législation au droit communautaire
Adoption d'une proposition de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi portant diverses mesures d’adaptation de la législation au droit communautaire, présentée par MM. Gérard Longuet, Jean Bizet et Jean-Paul Emorine (proposition n° 693 [2009-2010], texte de la commission n° 86, rapport n° 85).
Monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue au sein de la Haute Assemblée.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Emorine, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-Paul Emorine, auteur de la proposition de loi. Monsieur le secrétaire d’État, je tiens tout d’abord, au nom de mes collègues de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, que j’ai l’honneur de présider, à vous souhaiter à mon tour la bienvenue dans cet hémicycle. Nous formons des vœux de réussite pleine et entière dans vos nouvelles fonctions.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 6 septembre dernier, mes collègues Gérard Longuet, Jean Bizet et moi déposions sur le bureau du Sénat la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire. Notre ancien collègue Hubert Haenel, alors président de la commission des affaires européennes, aujourd’hui membre du Conseil constitutionnel, relevait en 2002, dans un excellent rapport d’information consacré à l’amélioration des procédures de transposition des directives communautaires en droit français, que « les projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire permettent d’assurer, à l’occasion d’une même procédure parlementaire, la transposition de plusieurs directives, tout en respectant les droits du Parlement, notamment le droit d’amendement ».
Sans doute Hubert Haenel serait-il aujourd’hui satisfait de constater que le Parlement se préoccupe de la question du retard de transposition des directives communautaires au point d’être à l’initiative d’une proposition de loi en la matière.
Permettez-moi d’insister sur ce point, car ces retards de transposition ne sont pas sans conséquences pour notre pays.
En effet, ils fragilisent la position de la France dans les négociations communautaires et dans les institutions de l’Union en général.
Ces retards placent également notre pays dans une situation délicate au regard des potentielles procédures contentieuses qui peuvent être déclenchées pour non-transposition ou transposition insuffisante, avec le risque de se voir condamné au versement d’amendes forfaitaires d’un montant minimum de 10 millions d’euros et d’astreintes comprises entre 13 000 euros et 785 000 euros par jour de retard. Je pense que, compte tenu de l’état de nos finances publiques, nous avons tout intérêt à éviter de tels retards.
Ils sont vecteurs d’une forte insécurité juridique, la jurisprudence développée par la Cour de justice de l’Union européenne reconnaissant aux citoyens la possibilité d’attaquer un État pour déficit de transposition.
En outre, ils constituent une atteinte à l’esprit communautaire, car la construction européenne repose sur la confiance mutuelle entre les États membres, qui ont la responsabilité de la bonne application du droit de l’Union.
Enfin, ils sont un mauvais signal à l’adresse des pays candidats ou de ceux qui ont récemment rejoint l’Union et qui ont dû faire des efforts pour absorber l’acquis communautaire afin de satisfaire aux exigences de l’intégration.
Par réalisme, nous devons reconnaître que, à ce jour, aucun vecteur législatif adéquat n’a pu être identifié pour adapter notre législation aux dispositions contenues dans cette proposition de loi. La loi portant engagement national pour l’environnement n’aurait constitué un véhicule législatif adapté que pour les dispositions ayant un caractère environnemental. Or, comme vous pouvez le constater, ce texte concerne des domaines beaucoup plus hétérogènes.
En effet, l’article 1er porte transposition de la directive dite « Inspire », qui vise à établir une infrastructure d’information géographique dans l’Union européenne pour favoriser la protection de l’environnement, en développant la production et l’échange des données géographiques réparties entre trente-quatre thèmes, précisés dans les trois annexes de la directive. Celle-ci aurait dû être transposée le 15 mai 2009.
L’article 2 porte transposition de l’article 17 du protocole de Kyoto et des articles 16 et 20 du règlement communautaire du 21 décembre 2004 concernant un système de registres normalisé et sécurisé. Il s’agit de sécuriser dans notre droit les opérations portant sur les unités de réduction des émissions de gaz à effet de serre, dans le cadre des mécanismes d’échange de quotas au niveau international.
L’article 3 porte transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, c'est-à-dire la directive Services, pour la profession de géomètre-expert.
L’article 4 porte transposition de certaines dispositions de cette même directive pour ce qui concerne la délivrance de l’agrément d’exploitation d’un établissement d’enseignement de la conduite.
L’article 5 porte transposition de dispositions de la même directive pour ce qui concerne l’exercice de la profession d’expert automobile. Il s’agit de clarifier la rédaction du code de la route et de préciser que les conditions dans lesquelles les experts exercent leur activité, quel que soit leur statut, ne doivent pas porter atteinte à leur indépendance.
L’article 6 porte transposition des dispositions de la directive dite « Classification, étiquetage et emballage des substances et mélanges » du 16 décembre 2008, dont l’échéance de transposition était fixée au 1er avril 2010. Cette directive transversale nécessite en effet des adaptations du code de la santé publique.
L’article 7 porte transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 concernant la gestion de la sécurité des infrastructures routières dont l’échéance de transposition est fixée au 19 décembre 2010.
L’article 8, enfin, vise à adapter la législation nationale au règlement communautaire du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires.
C’est donc un texte absolument nécessaire au bon respect par la France de ses obligations communautaires que nous vous proposons d’adopter.
Avant de céder la parole au rapporteur de la commission, je tiens à le féliciter pour la qualité de son travail et la façon dont il a su assurer, comme il va vous l’expliquer dans un instant, la cohérence entre les dispositions de cette proposition de loi et des dispositions contenues dans d’autres textes actuellement examinés par notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Permettez-moi de vous souhaiter à mon tour, monsieur le secrétaire d’État, la bienvenue dans cette honorable maison.
J’ai aujourd’hui l’honneur d’être le rapporteur de cette proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire, dont le contenu est effectivement varié, avec des dispositions relatives à l’environnement et au climat, aux professions et aux activités réglementées, ainsi qu’aux transports.
Le point commun de ces dispositions réside dans leur objectif : il s’agit ni plus ni moins que de mettre le droit national en conformité avec les obligations résultant du droit communautaire et, en particulier, de combler le retard de notre pays en matière de transposition de plusieurs directives.
Comme Jean-Paul Emorine vient de l’indiquer, ces retards ne sont pas sans conséquences sur l’image de notre pays, sur sa situation financière et sur sa crédibilité politique en Europe.
Pour autant, faut-il se satisfaire de voir les parlementaires se saisir de la question de la transposition des normes communautaires ? Mon sentiment est nuancé. Sur le fond, je félicite mes collègues de cette initiative, qui témoigne d’une attention particulière au respect du droit communautaire. En revanche, je m’interroge sur la méthode : est-il opportun de voir l’initiative parlementaire se substituer à celle du Gouvernement en matière de transposition de directives.
Force est de reconnaître, mes chers collègues, que l’agenda parlementaire, qui a été particulièrement chargé compte tenu des nombreuses réformes engagées dans notre pays, compte tenu également du mode de discussion qui prévaut au Sénat,…
M. Jean Bizet. Eh oui !
M. Bruno Sido, rapporteur. … ne nous a pas permis de procéder aux ajustements nécessaires de notre droit national afin de le rendre conforme au droit communautaire dans un certain nombre de domaines.
Or les retards de transposition s’accumulent et leur incidence sur certains secteurs de notre économie est loin d’être négligeable. C’est pourquoi j’ai la conviction que cette proposition de loi apparaît comme une solution opportune. Cette solution ne doit néanmoins être utilisée qu’en cas de nécessité conjoncturelle.
Les dispositions devant être transposées, je l’ai dit, sont très variées.
L’article 1er transpose la directive dite « Inspire », qui prévoit que les autorités publiques des États membres doivent mettre en réseau leurs données et les rendre accessibles au public par voie électronique. Son échéance de transposition étant fixée au 15 mai 2009, nous avons fait l’objet d’une procédure d’infraction précontentieuse, qui a donné lieu à un avis motivé, adressé aux autorités françaises le 20 novembre 2009, et à une décision de saisine de la Cour de justice de l’Union européenne le 2 juin 2010. Une condamnation en manquement est logiquement attendue prochainement. Il convient donc de ne pas attendre une seconde procédure contentieuse, qui aboutirait à une condamnation pécuniaire pour la France.
L’article 2 permet de sécuriser dans le droit français la conduite d’opérations portant sur les unités de réduction des émissions dans le cadre des mécanismes d’échange de quotas à l’échelon international.
Les articles 3, 4 et 5 portent transposition des dispositions concernant des professions et activités réglementées de la fameuse directive Services du 12 décembre 2006, dont l’échéance de transposition était fixée au 28 décembre 2009.
Compte tenu de l’importance stratégique que la Commission européenne accorde à cette directive, une procédure précontentieuse a été ouverte le 28 janvier 2010 et un avis motivé a été adressé aux autorités françaises le 23 juin 2010. À défaut d’une transposition complète de la directive Services, la prochaine étape sera en toute logique la saisine de la Cour de justice en vue d’une condamnation en manquement, avant d’éventuelles condamnations pécuniaires de plusieurs millions d’euros.
L’article 6 transpose des dispositions de la directive dite « Classification, étiquetage et emballage des substances et mélanges » du 16 décembre 2008, dont l’échéance de transposition était fixée au 1er avril 2010. Une procédure précontentieuse a déjà été ouverte par la Commission européenne et une mise en demeure a été adressée le 27 mai 2010, à laquelle les autorités françaises ont répondu le 10 août dernier. La transposition complète de la directive nécessite l’adoption de mesures législatives complémentaires, dont l’absence nous exposerait, là encore, à une condamnation pécuniaire.
J’en viens aux deux articles de la proposition de loi consacrés aux transports.
L’article 7 impose des règles nouvelles en matière de sécurité pour les routes existantes relevant du réseau routier d’importance européenne et instaure une évaluation de sécurité routière et des audits de sécurité pour les routes nouvelles relevant de ce même réseau. Il fixe en outre les conditions générales pour accéder à la profession d’auditeur de sécurité routière. Là encore, nous devons agir vite, car la transposition de la directive concernée doit avoir lieu avant le 19 décembre 2010.
Je tiens à apporter deux précisions à propos de cet article. D’une part, ces nouvelles procédures de sécurité routière ne concernent que l’État, et en aucun cas les collectivités territoriales. D’autre part, cette directive a pour principale conséquence, par rapport au droit et aux pratiques actuelles, d’introduire dans notre pays une évaluation en matière de sécurité routière pour les nouveaux projets de routes relevant de la compétence de l’État. Peu de projets seront concernés, rassurons-nous !
Quant à l’article 8, il donne compétence aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la célèbre DGCCRF, pour rechercher et constater les infractions ou manquements à l’obligation d’information préalable au voyage qui incombe aux entreprises ferroviaires et aux vendeurs de billets. Nous devons mettre notre droit national en conformité avec un règlement communautaire entré en vigueur en décembre 2009.
Seuls sont concernés pour l’instant les trajets internationaux de voyageurs, car les trajets intérieurs bénéficient d’une dérogation de cinq ans au minimum et pouvant aller jusqu’à quinze ans. Cette dérogation a été introduite lors de l’examen de la loi du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports, dite « loi ORTF », afin que la réglementation française reste plus protectrice que le droit communautaire en matière de remboursement des voyageurs à la suite de retards de train et d’accessibilité aux personnes handicapées.
Je tiens à souligner que les orientations que nous avons retenues privilégient la cohérence normative. En effet, nous avons constaté un phénomène inédit, lié au caractère urgent de la transposition des directives concernées : de nombreuses dispositions de ce texte figurent également dans d’autres véhicules législatifs. Certaines d’entre elles sont même, à l’heure actuelle, dans trois véhicules législatifs différents : la présente proposition de loi, la proposition de loi de M. Warsmann de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, et l’ordonnance du 21 octobre 2010 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’environnement, prise sur le fondement de l’article 256 de la loi portant engagement national pour l’environnement. En effet, je vous le rappelle, nous avions habilité le Gouvernement à « prendre par ordonnances toutes mesures pour modifier le code de l’environnement », afin notamment d’en adapter les dispositions au droit communautaire.
Face à cette présence simultanée des dispositifs dans plusieurs véhicules normatifs, notre commission a, selon les cas, soit supprimé les dispositions en doublons, soit assuré la convergence avec ce qu’elle avait déjà adopté dans le cadre de la proposition de loi de simplification du droit.
Dans cette perspective, notre commission s’est prononcée en faveur de la ratification de l’ordonnance du 21 octobre 2010 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’environnement, afin de donner force de loi aux dispositions concernées. Dans un souci de cohérence législative, nous nous sommes prononcés pour la suppression des deux premiers articles de la proposition de loi puisque leur contenu est identique à celui, respectivement, des articles 1er et 10 de cette ordonnance.
Nous nous sommes également prononcés pour la convergence avec les dispositions qui figurent en doublon dans la proposition de loi Warsmann en procédant aux mêmes modifications que celles qui ont été apportées lors de son examen en commission.
En conséquence, notre commission a enrichi le texte de nouveaux articles.
L’article 9 vise à transposer la directive du 23 avril 2009 relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie, qui impose la prise en compte des critères énergétiques et environnementaux lors des achats de matériels destinés à fournir le service de transport de voyageurs, et qui doit être transposée avant le 4 décembre prochain.
L’article 10, qui reprend le contenu de l’article 10 de la proposition de loi Warsmann, transpose des dispositions de la directive Services relatives aux conditions d’inscription du personnel navigant sur les registres de l’aviation civile.
Enfin, l’article 11, qui reprend le contenu de l’article 38 de la proposition de loi Warsmann, simplifie la procédure permettant aux exploitants d’aérodromes civils de confier à différents services des missions de sauvetage et de lutte contre les incendies d’aéronefs et de prévention du péril animalier.
En définitive, c’est donc un texte largement remanié que la commission vous propose d’adopter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je souhaite tout d’abord vous remercier de vos souhaits de bienvenue. C’est pour moi un véritable plaisir d’inaugurer mes fonctions gouvernementales devant le Sénat, d’autant que c’est plutôt d’une autre assemblée que je suis familier. (Sourires.)
La proposition de loi que le Sénat examine aujourd'hui vise un objectif majeur : transposer plusieurs directives communautaires dans les domaines de l’environnement, des transports et des professions réglementées.
Qu’il me soit simplement permis, au nom de Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, d’exprimer toute ma gratitude aux auteurs de ce texte ; je salue donc les sénateurs Jean-Paul Emorine, Jean Bizet et Gérard Longuet, qui se sont saisis du sujet à bras-le-corps.
Je souhaiterais également rendre hommage au travail effectué par Valérie Létard, que vous aviez invitée à prendre part à la réunion de votre commission. À cette occasion, elle vous avait exposé les positions du Gouvernement sur le texte et présenté les amendements que celui-ci comptait déposer.
Pour ma part, j’ai évidemment pris connaissance des travaux approfondis et empreints d’échanges nourris avec le Gouvernement que le Sénat mène depuis plusieurs semaines. Je me réjouis du résultat auquel cette collaboration fructueuse nous permet d’arriver aujourd'hui.
La France se doit d’être dynamique en matière de transposition des directives dans des domaines aussi sensibles que la protection de l’environnement et les transports. Je pense notamment aux paquets « Erika 3 » et « énergie-climat ». Je souscris aux propos du président Jean-Paul Emorine et du rapporteur, Bruno Sido : il est nécessaire de nous montrer rigoureux à l’égard de nos partenaires européens s’agissant des directives que la France a portées politiquement.
Au demeurant, je n’oublie pas que, voilà encore trois jours, j’exerçais les fonctions de vice-président de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale. Dans ce cadre, je faisais exactement le même constat que MM. Emorine et Sido aujourd'hui.
La présente proposition de loi me semble donc particulièrement bienvenue. De mon point de vue, l’adoption de ce texte par votre Haute Assemblée permettra à notre pays de respecter des engagements qu’il a trop tardé à honorer et fera progresser notre législation sur des sujets qui nous sont chers et figurent aujourd'hui au cœur de notre politique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la présente proposition de loi vise à transposer diverses directives et règlements européens dans la législation nationale. Les auteurs de ce texte se substituent en fait au Gouvernement pour prendre l’initiative de transposer en droit interne des textes européens dont le délai de transposition a été dépassé ou le sera prochainement.
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas banal, ça !
M. Roland Ries. Par exemple, l’article 1er de la proposition de loi transpose la directive du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2007 établissant une infrastructure d’information géographique dans la Communauté européenne, dont la date limite de transposition était fixée au 15 mai 2009.
De même, l’article 2 de la proposition de loi porte transposition du règlement du 21 décembre 2004 concernant un système de registres normalisé et sécurisé, qui découle du protocole de Kyoto et dont l’application aurait dû être immédiate.
L’article 7 transpose, lui, la directive du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 concernant la gestion de la sécurité des infrastructures routières, dont l’échéance de transposition est fixée au 19 décembre 2010. En l’occurrence, nous sommes juste dans les temps !
Les auteurs justifient les retards de transposition de la France par l’« absence de vecteur législatif adéquat ». Sur le plan de la méthode, le Gouvernement a traditionnellement recours à la transposition sectorielle ; nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer cette question à plusieurs reprises.
Or le morcellement de la transposition des directives laisse à l’écart nombre de dispositions très spécifiques. Il faut ensuite avoir recours à des lois que l’on peut qualifier de « catalogues » pour finaliser les transpositions.
Ainsi, dans ses articles 3 et 4, la proposition de loi vise à mettre l’exercice de la profession de géomètre-expert et la gérance d’une auto-école en conformité avec la directive Services. D’ailleurs, le Gouvernement s’est saisi de cette occasion pour insérer à nouveau dans le texte des dispositions transposant une dizaine d’autres directives. Il souhaite en effet procéder par voie d’ordonnances. Mon collègue Roland Courteau reviendra sur ce sujet tout à l’heure.
Une telle méthode – je serais même tenté de dire une telle « absence de méthode » – conduit ainsi la France à accumuler les contentieux avec la Commission européenne.
Dans l’exposé des motifs, les auteurs de la présente proposition de loi mentionnent, à titre d’exemple, l’absence de transposition dans les délais de la directive relative à la dissémination volontaire et la mise sur le marché d’OGM, qui a abouti à la condamnation de la France par la Cour de Justice de l’Union européenne au paiement d’une amende de 10 millions d’euros !
J’ai moi-même interpellé l’année dernière le Gouvernement sur la mise en demeure de la France par la Commission européenne pour transposition insuffisante et tardive d’une directive ferroviaire.
La proposition de loi est donc motivée par des enjeux financiers que je peux comprendre : l’espoir d’une réduction du montant des amendes déjà dues et la crainte de nouvelles condamnations financières.
Dès lors, le débat parlementaire sur ces transpositions est de facto réduit à la portion congrue. Mes collègues et moi-même ne pouvons que le regretter.
La logique qui consiste à adapter dans l’urgence la législation nationale au droit communautaire est, hélas ! source d’incohérences. En effet, quatre articles de la présente proposition de loi figurent également dans la proposition de loi de M. Warsmann sur la simplification et l’amélioration de la qualité du droit. Ils ont donc déjà été étudiés au Sénat lors du passage de ce dernier texte en commission. Mais l’examen n’a pas été mené à son terme puisque la proposition de loi de M. Warsmann n’a pas été inscrite à l’ordre du jour de la séance.
Une ordonnance du 21 octobre 2010 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’environnement vient également s’ajouter à ce corpus. Elle aussi comporte la plupart des mesures de la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui, ainsi que quelques dispositions de la proposition de loi de M. Warsmann.
Par conséquent, les sénateurs se prononcent aujourd'hui pour la deuxième fois sur les mêmes dispositions et devront le faire une troisième fois lors de la ratification de l’ordonnance !
M. Bruno Sido, rapporteur. Bien sûr !
M. Roland Ries. C’est compliqué et passablement confus.
Permettez-moi enfin de relever avec une certaine ironie que le Gouvernement nous demande en outre d’adopter la présente proposition de loi selon la procédure accélérée.
M. Bruno Sido, rapporteur. Heureusement !
M. Roland Ries. Par ailleurs, la méthode utilisée par le Gouvernement manque de lisibilité, je dirais même d’« intelligibilité ». Elle ne permet pas aux parlementaires et, surtout, aux citoyens d’avoir une vision globale des directives, donc d’en saisir l’ensemble des enjeux.
Par exemple, le Gouvernement a choisi de transposer traditionnellement, comme il le fait d’habitude, la directive Services par voie sectorielle et même, pour certains domaines, par voie réglementaire. La France s’est d’ailleurs distinguée en cela des autres États membres, qui ont opté, eux, pour une loi-cadre de transposition. Non seulement la transposition, qui devait s’achever le 29 décembre 2009, n’est toujours pas terminée – les dispositions transposées aux articles 3 et 4 de la présente proposition de loi en sont l’illustration –, mais surtout, le Parlement a été privé d’un débat et d’un arbitrage politique clair sur les enjeux du texte, notamment sur le sort final réservé aux services publics, par opposition aux services marchands.
On se souvient des controverses que la directive Services a suscitées ; d’ailleurs, elle en suscite encore. Il aurait donc semblé opportun de voir notre pays adopter cette législation dans une plus grande transparence.
Le groupe socialiste s’évertue à réclamer une méthode de transposition différente. Il faut un texte de loi transposant globalement la directive, afin d’avoir une vision d’ensemble du texte et de pouvoir débattre réellement de ses enjeux.
Car, je le rappelle, une directive fixe des objectifs à atteindre et délègue le choix des moyens aux États membres. Il revient donc légitimement à la représentation nationale de débattre des moyens permettant d’atteindre ces objectifs.
Selon nous, le Parlement n’est ni une chambre d’enregistrement ni une échappatoire commode permettant de répondre à des difficultés juridiques liées aux atermoiements du Gouvernement dans la transposition en droit français des textes européens.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour l’ensemble des raisons que je viens d’indiquer, j’émets, au nom du groupe socialiste, les plus expresses réserves quant au choix de la méthode retenue. Pour ce qui est du fond, nous nous exprimerons lors de la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Je tiens également à souhaiter la bienvenue à M. le secrétaire d’État, qui s’exprime pour la première fois devant le Sénat dans le cadre de ses nouvelles fonctions gouvernementales.
La présente proposition de loi, déposée par trois de nos collègues, nous permet aujourd’hui de soulever un bien singulier paradoxe.
En effet, notre pays s’est toujours illustré par son avant-gardisme en matière d’engagement européen. L’Union européenne, quelles que soient ses imperfections, ne serait pas ce magnifique projet politique sans l’engagement et la volonté farouches de nombre de nos compatriotes, de Jean Monnet à Jacques Delors, sans oublier le très radical Maurice Faure.
Cependant, il est pour le moins étrange – et inconfortable ! – que notre pays, qui se targue souvent d’être l’un des moteurs de l’approfondissement de l’Union, se trouve régulièrement pointé du doigt en raison de sa mauvaise volonté à appliquer le droit communautaire.
M. Bruno Sido, rapporteur. C’est vrai !
M. Yvon Collin. On peut, bien sûr, songer au déficit de nos comptes publics, qui s’est retrouvé bien loin de la limite de 3 % fixée par le pacte de stabilité et de croissance, et qui avait un temps valu à la France la mise en œuvre d’une procédure de déficits excessifs à son encontre, sans sanction toutefois.
Mais l’on songe surtout, avec cette proposition de loi, au déficit chronique de transposition que notre pays affiche, avec pour conséquence une surveillance étroite de la Commission européenne et, le cas échéant, de la Cour de justice de l’Union européenne.
Un rapport de 2005 de la délégation pour l’Union européenne de l’Assemblée nationale relevait que le déficit de transposition des directives relatives au marché intérieur était de 2,4 % à la fin mai 2005, après avoir même été de 4,1 % en mai 2004. Selon les chiffres de septembre dernier, ce déficit a été quelque peu corrigé – nous nous en félicitons – pour atteindre 1,2 %. Néanmoins, ce chiffre demeure insatisfaisant au regard de l’objectif de 1 % fixé par le Conseil européen de mars 2007.
De fait, la France est toujours au-dessus de la moyenne européenne de 0,9 % et se classe, à cet égard, au-delà du dix-huitième rang parmi les États membres.
Bien sûr, ces manquements à nos obligations européennes nous conduisent régulièrement devant la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle ne se fait pas faute de nous infliger des amendes et des astreintes journalières, qu’il revient finalement à nos compatriotes de régler.
Il nous faut nous interroger sur les raisons de ces retards.
Les arguties sur l’ordre juridique communautaire et l’ordre juridique interne n’ont plus lieu d’être : d’abord, parce que le Conseil constitutionnel a jugé en 2004 que la transposition des directives européennes était une obligation constitutionnelle à la charge du législateur dès lors qu’elles sont compatibles avec « l’identité constitutionnelle française » ; ensuite, parce que le Conseil d’État a opéré l’an dernier un revirement de jurisprudence majeur en acceptant l’applicabilité et l’invocabilité directes des dispositions « précises et inconditionnelles » d’une directive.
Non, mes chers collègues, les raisons de ces retards ne sont pas juridiques, elles sont politiques ! La révision constitutionnelle de 2008 avait, entre autres objectifs, celui de donner davantage de prérogatives au Parlement, notamment de lui permettre une meilleure maîtrise de son ordre du jour. Or la surcharge de l’ordre du jour à laquelle nous contraint le Gouvernement aboutit à cette aberration : il nous faut aujourd’hui prendre sur le temps réservé à l’initiative parlementaire pour discuter en procédure accélérée d’un texte transposant dans l’urgence une dizaine de directives. Ce n’était certainement pas le dessein originel du constituant en 2008 !
Je salue d’ailleurs l’initiative des auteurs de cette proposition de loi : l’expertise dont ils font preuve ici en matière de directives ne souffrira pas de la comparaison avec celle des administrations placées au service du Gouvernement.
Je remarque aussi que nous n’avons en conséquence pas pu profiter d’une étude d’impact. Sans doute n’est-ce qu’une fâcheuse coïncidence…
Monsieur le secrétaire d'État, toutes les directives dont il est ici question ne datent pas de la dernière pluie. Il paraît donc pour le moins discutable, pour ne pas dire autre chose, que le Gouvernement n’ait rien entrepris afin de ne pas exposer notre pays à de nouvelles procédures devant la Cour de Justice de l’Union européenne, sachant que nous totalisons déjà la moitié des arrêts pour inexécution d’un premier arrêt en manquement.
Je rappelle qu’une situation aussi absurde ne se serait pas vue si l’Assemblée nationale avait adopté la proposition de loi de notre excellent collègue Aymeri de Montesquiou que le Sénat avait votée en 2001. Ce texte prévoyait que le Gouvernement communiquerait au Parlement tout projet ou proposition d’acte de l’Union européenne tombant dans le domaine de la loi, ainsi qu’une étude d’impact et un échéancier d’adoption des textes de transposition d’une directive. Je regrette d’autant plus que cette proposition de loi n’ait pas prospéré jusqu’à son adoption définitive qu’elle répondait à la fois à des obligations juridiques impérieuses et à des considérations pratiques.
Je tiens à saluer également l’excellent travail de la commission de l’économie du Sénat, laquelle a su remettre de l’ordre dans l’imbroglio né de la multitude de textes utilisés comme « wagons » pour la transposition des directives dont il est aujourd’hui question.
L’aridité technique des sujets en cause ne saurait justifier une atteinte à l’intelligibilité de la loi et à la sincérité des données soumises à l’aval du Parlement. Or, entre l’ordonnance du 21 octobre 2010, la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit et le présent texte, les doublons étaient nombreux, comme l’a relevé à juste titre M. le rapporteur : on se trouve même, nous dit-il, à la limite de l’acrobatie…
La ratification de l’ordonnance du 21 octobre dernier par l’article 1er A a remporté cette course absurde. Encore faudra-t-il que l’encombrement du calendrier parlementaire ne mette pas à mal l’adoption de la présente proposition de loi. Or il semble difficile, monsieur le secrétaire d'État, d’espérer cette adoption avant février ou mars prochains, ce qui est trop tard par rapport aux délais de transposition requis. Sans oublier, bien sûr, la prochaine lecture de la proposition de loi du député Warsmann, qui viendra encore compliquer la donne puisque la rédaction des dispositions transposées diffère. Bien malin qui pourra s’y retrouver !
M. Roland Courteau. En effet !
M. Yvon Collin. Je dirai, enfin, un mot sur la transposition sectorielle de la directive Services à laquelle procède ce texte.
Cette directive, adoptée en 2006 dans les conditions difficiles que nous savons, a pour objet de favoriser l’émergence d’un marché intérieur concurrentiel et devait être transposée avant le 28 décembre 2009.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Yvon Collin. Le gouvernement français, contrairement à ceux d’autre États, a opté non pour une transposition en bloc par le biais d’une loi-cadre, mais pour une transposition par tranches sectorielles. Or, et c’est tout à fait regrettable, cette méthode n’associe guère le Parlement au processus de transposition puisque nous nous retrouvons précipités face à des textes que nous n’avons pas eu le temps d’analyser de façon sérieuse et approfondie. Le Gouvernement a beau jeu de s’abriter derrière des amendes ou des astreintes pour justifier l’urgence à légiférer.
Il n’empêche que la directive Services soulève suffisamment de questions d’importance cruciale pour que le Parlement puisse se prononcer en disposant de l’ensemble des données susceptibles de l’éclairer.
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la grande majorité des membres du RDSE fera le choix de l’abstention. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. – MM. Rémy Pointereau et Joël Bourdin applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire. Parler de dispositions « diverses » est tout à fait approprié !
Ce texte est présenté par MM. Longuet, Bizet et Emorine : tout un programme ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Tout d’abord, nous devrions féliciter nos collègues de la vigilance qui les a conduits à déposer cette proposition de loi afin de prévenir une sanction à l’encontre de l’État français dans le cadre d’une procédure en manquement lancée par la Commission européenne ! Cette rigueur les honore, mais une question s’impose : que fait le Gouvernement ? N’avait-il pas d’autres choix que de laisser le soin aux membres de sa majorité de présenter une proposition de loi pour transposer des textes européens en droit français ?
Il faut bien avouer que le principal objectif de ce texte est d’éviter une sanction de la Cour de justice de l’Union européenne. En effet, depuis l’adoption du traité de Lisbonne, la procédure est accélérée et les sanctions pécuniaires sont particulièrement élevées, comme en témoigne l’amende infligée à la France au sujet de la transposition de la directive relative aux OGM.
Cela dit, il me faut revenir sur l’impression étrange que me laisse la conjonction de deux propositions de loi, toutes deux émanant de membres de l’UMP. Ces deux propositions de loi ne sont pas exactement identiques : si l’une, celle de Jean-Luc Warsmann, comporte près de cent cinquante articles et a été inscrite à l’ordre du jour du Sénat puis renvoyée sine die après avoir été adoptée à l’Assemblée nationale, l’autre ne comportait que huit articles, et c’est peu ou prou le texte que nous allons examiner aujourd'hui, même s’il compte dix articles après son passage en commission, dont cinq sont issus de la proposition de loi Warsmann.
Force est de constater que le rythme imposé par le Gouvernement au calendrier parlementaire conduit nécessairement à ces dysfonctionnements. À force de vouloir légiférer trop et trop vite, nous légiférons mal et de manière peu rigoureuse.
Je m’étonne également du procédé qui a conduit à supprimer les deux premiers articles de cette proposition de loi, au motif qu’une ordonnance a déjà été publiée le 21 octobre dernier sur le fondement de la résolution 256 du Grenelle de l’environnement.
M. Bruno Sido, rapporteur. Non, je ne suis pas d’accord !
Mme Évelyne Didier. Ces deux articles sont donc remplacés par un nouvel article ratifiant l’ordonnance. Avouez que tout cela est quelque peu confus !
M. Bruno Sido, rapporteur. Pas du tout, c’est très clair !
Mme Évelyne Didier. Je rappelle que, lors du débat au Sénat sur le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, nous avions estimé, au sein du groupe CRC-SPG, que les termes de cette habilitation étaient bien trop vagues et susceptibles d’une interprétation trop large. Pour cette raison, nous nous étions opposés à cet article et nous n’avons pas changé d’avis depuis. Nous préférons que les articles d’un texte de loi mentionnent un dispositif plutôt qu’ils ne fassent référence à une ordonnance.
J’en viens maintenant au fond et j’analyserai successivement les trois titres de cette proposition de loi.
Le titre Ier sur l’environnement n’a plus lieu d’être puisqu’une ordonnance a été publiée récemment reprenant les dispositions en question. Il s’agissait pourtant de dispositions importantes, concernant la mise en place d’une infrastructure d’information géographique dans l’Union européenne et reprenant l’article 153 de la loi de simplification du droit, ainsi que de dispositions permettant d’achever la transposition dans notre droit du protocole de Kyoto, notamment en termes de permis d’émissions de la France, et ce dans le cadre du mécanisme d’échange défini à l’article 14 dudit protocole.
Il me semble que la discussion de ces articles aurait été utile et nous aurait permis de revenir sur la qualification même de ces quotas d’émissions dont l’utilité en termes de résorption des émissions de gaz à effet de serre n’a pas vraiment été prouvée.
Le titre II de la proposition de loi comprend des dispositions relatives à des professions et activités réglementées. Dans ce cadre, deux des quatre articles composant ce titre correspondent non seulement à des articles de la proposition de loi Warsmann, mais également à la transposition de la directive Services. Il s’agit de la profession de géomètre-expert, à l’article 3, et de l’activité de direction ou de gérance d’une auto-école, à l’article 4.
Je veux dénoncer ici la démarche qui vise une nouvelle fois à transposer la directive Services en catimini, de manière fragmentée. Cette démarche, nous la contestons, et nous ne sommes pas les seuls ! Ainsi, je partage pleinement le constat qu’a pu formuler Hervé Maurey sur ces dispositions dans le rapport qu’il a rédigé sur la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit. Il s’exprimait en ces termes : « Votre rapporteur pour avis regrette le choix opéré par le Gouvernement pour transposer cette directive, qui conduit à empêcher un véritable débat parlementaire sur ce texte, certains allant jusqu’à évoquer “une mise à l’écart illégitime du Parlement”. »
Le Gouvernement doit pourtant assumer le contenu de cette directive, une directive qu’il a soutenue au sein des institutions européennes et qui place l’ensemble des activités humaines en concurrence frontale.
Nous continuons, pour notre part, de demander le retrait de cette directive au regard de la grave crise économique et sociale que nous traversons et qui est la conséquence directe des politiques libérales prônées par le traité de Lisbonne et mises en musique par cette directive.
Concernant, enfin, le titre III, relatif aux transports, nous estimons que les dispositions qu’il contient soulèvent de nombreuses questions.
Ainsi, nous craignons que l’article 7 ne constitue un premier pas vers un alourdissement des charges des collectivités concernant la gestion des routes départementales. En effet, aujourd’hui, l’essentiel du réseau est composé de routes départementales. Il n’est donc pas exclu que le Gouvernement souhaite, dans un second temps, étendre les obligations d’audit à ce réseau. Si telle n’est pas votre intention, monsieur le secrétaire d'État, peut-être pourrez-vous nous apporter quelques éclaircissements.
Je conviens de l’avancée que constituent, en termes d’’information des consommateurs, les dispositions introduites par l’article 8 de cette proposition de loi, qui permet la transposition du règlement du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires. Je souhaiterais toutefois savoir pourquoi vous avez introduit cet article de transposition alors même qu’un règlement communautaire, à l’inverse des directives, est d’application directe.
Nous estimons que cette disposition relève du simple affichage à un moment où l’on sent poindre la volonté de ce gouvernement de libéraliser les transports régionaux de voyageurs.
Par ailleurs, nous regrettons l’introduction par la commission de deux nouveaux articles figurant également dans la proposition de loi Warsmann et qui concernent la poursuite de la libéralisation du secteur aérien. L’article 10, notamment, risque d’encourager les compagnies françaises à recruter dans des pays où les contraintes en termes de qualification et d’aptitude médicale seront moindres, voire inexistantes.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, nous demandons régulièrement l’élaboration d’un bilan sur les directives communautaires d’ouverture à la concurrence. Nous souhaitons, dans ce cadre, que la politique communautaire des transports soit réétudiée et réorientée, afin de placer la question du service public au cœur des préoccupations. Nous n’avons obtenu aucune réponse à ce jour et je me permets donc de vous interpeller sur cette question.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que notre groupe soit plutôt réservé sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi, à mon tour, de vous féliciter de votre nomination au Gouvernement et de me réjouir de vous voir en charge du secteur des transports, ce qui nous donnera l’occasion de nous revoir à plusieurs reprises dans les mois qui viennent.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les propositions de loi ont rarement les dimensions du texte soumis ce soir au Sénat. D’ordinaire, elles visent un domaine très précis, et je comprends que certains de nos collègues aient pu être surpris par une proposition de loi se rapprochant, dans son esprit, d’un texte « portant diverses dispositions ».
En réalité, si le domaine concerné est vaste, l’objectif est simple et précis : il s’agit d’assurer la transposition d’un certain nombre de directives européennes avant que la Commission européenne ne saisisse la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours en manquement, avec le risque de voir prononcer de lourdes pénalités financières contre notre pays.
On aura compris que, bien que m’exprimant dans le temps de parole accordé au groupe UMP, c’est plutôt dans le cadre des fonctions que j’exerce au sein de la commission des affaires européennes que j’interviens. Je n’aborderai donc pas le fond même de la proposition de loi, qui relève de la compétence de la commission de l’économie, préférant insister sur la situation qui a conduit au dépôt de cette proposition de loi.
Les retards dans la transposition des directives européennes sont un problème récurrent dans notre pays. Lors de la présidence française de l’Union européenne, en 2008, nous avions fait un grand effort pour rattraper notre retard, puis les mauvaises habitudes sont revenues.
Or le traité de Lisbonne est en vigueur depuis un an et, avec lui, un renforcement de la procédure en manquement contre les États membres. Désormais, en cas de non-transposition d’une directive, la Commission européenne peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne à la fois d’un recours en manquement et d’une demande de sanction pécuniaire, alors qu’auparavant la Commission devait d’abord saisir la Cour pour lui faire constater le manquement, puis la saisir à nouveau ultérieurement pour lui demander d’infliger des sanctions si le manquement persistait. La procédure est donc désormais bien plus rapide.
Or les pénalités financières peuvent être très lourdes. La France en a déjà fait la triste expérience ; je pense notamment à l’arrêt dit des « poissons sous taille » : notre pays n’avait pas respecté les règles européennes sur la taille minimale des poissons, ce qui lui a valu, à la fois, une amende de 20 millions d’euros et une astreinte de 58 millions d’euros par période de six mois.
La proposition de loi qui sera examinée ce soir intervient alors que deux autres textes importants portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire sont en cours d’examen. C’est dire que les retards pris nous obligent à légiférer dans la hâte : nous voyons en effet venir des sanctions. On ne peut se résigner à cette situation, qui a quelque chose d’humiliant pour un État.
Nous devons réfléchir à une rénovation du mécanisme de transposition des directives ; mon prédécesseur Hubert Haenel l’avait d’ailleurs demandé à plusieurs reprises.
Les données du problème sont bien connues : nous séparons trop les deux phases que sont l’élaboration d’une directive européenne et sa transposition, alors que les négociations devraient être conduites en ayant constamment à l’esprit la perspective de la transposition.
Dès le début des travaux du Conseil de l’Union européenne, le Gouvernement devrait travailler avec le Parlement pour que chacun ait à l’esprit l’échéance de la transposition et les problèmes qu’elle peut poser. Nous avons donc besoin, avant tout, de nouvelles méthodes de travail, car l’encombrement du calendrier parlementaire, souvent mis en avant, n’est pas la seule cause de nos retards. La preuve en est que nous connaissons aussi des retards pour les textes devant être transposés par décret.
Cela dit, le problème que pose le calendrier parlementaire est bien réel. Nous avions proposé, sur l’initiative d’Aymeri de Montesquiou, qu’un créneau soit réservé aux textes de transposition. Cette solution a été fugacement appliquée, puis, là encore, les anciennes habitudes ont repris le dessus.
L’exercice auquel nous allons nous livrer ce soir est indispensable, mais il est plus que temps de revoir nos méthodes pour nous adapter à la place qu’occupe désormais la législation européenne au sein de notre droit. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, arguant d’un retard important dans la transposition de directives européennes, le Gouvernement a profité de cette proposition de loi pour déposer plusieurs amendements tendant à l’habiliter à transposer par ordonnances une série de textes européens touchant de multiples domaines. Je vous ferai grâce de l’énumération des treize directives et du règlement concernés, bien qu’elle montre à quel point les sujets abordés sont non seulement vastes, mais également sérieux et, pour certains d’entre eux, touchent à des enjeux de société qui auraient sans doute mérité un véritable débat démocratique. Si l’on y ajoute tous les domaines abordés par la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui, c’est un vaste échantillon de dispositions que nous devons transposer.
Certes, qu’il s’agisse du Gouvernement, des auteurs de la proposition de loi ou encore de notre rapporteur, tous invoquent les retards de transposition et des risques majeurs de contentieux et de condamnations pécuniaires. Ils évoquent la dégradation du niveau de transposition du droit communautaire par la France, qui lui vaut à cet égard un mauvais classement au sein des États membres.
Mais à qui la faute ?
À qui la faute si le calendrier parlementaire est tellement chargé que le Gouvernement ne peut transposer ces directives autrement qu’en recourant, d’un côté, à l’initiative de parlementaires – ce qui n’est guère courant, avouons-le ! – et, de l’autre, à de multiples demandes d’habilitation à légiférer par ordonnances, « court-circuitant » ainsi le Parlement ?
À qui la faute si le Parlement est victime d’un encombrement et croule sous un nombre de textes qui le paralyse ?
Comme aiment à le souligner régulièrement et avec une grande pertinence mes collègues Jean-Jacques Mirassou et Daniel Raoul, cette inflation législative est aussi le résultat de la navigation à vue du Gouvernement, qui fait voter des textes, pour demander ensuite très vite au Parlement de modifier, et tout cela dans une extrême précipitation ! Je pense, par exemple, au projet de loi de modernisation de l’économie, modifié par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, ou encore aux multiples lois sur l’immigration, la sécurité ou le code pénal, et j’en passe !
Nous regrettons que les égarements de l’exécutif puissent ainsi pénaliser le Parlement, en le privant de la possibilité d’examiner des directives dont le contenu et les enjeux politiques sont tout sauf négligeables.
Ainsi, pour prendre un exemple que je connais bien, les directives du paquet « énergie-climat », que l’on souhaite transposer en recourant aux ordonnances, touchent de près à l’organisation de notre secteur énergétique et à celle des réseaux de transport d’électricité et de gaz.
Il se trouve en effet que nous avions demandé, en avril dernier, alors que le Gouvernement déposait son projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, ou NOME, la suppression d’un article de ce projet de loi qui habilitait le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour transposer les directives nos 2009/72/CE et 2009/73/CE du 13 juillet 2009 relatives aux marchés intérieurs du gaz et de l’électricité.
À l’Assemblée nationale, au cours de l’examen du projet de loi en commission, un amendement de suppression déposé par le groupe socialiste et soutenu par le rapporteur et par le président de la commission des affaires économiques a été adopté. Je vous rappelle les propos tenus alors par M. Patrick Ollier : « Le Gouvernement avait le temps de déposer un texte spécifique. Il peut toujours le faire. Le Parlement doit pouvoir appréhender toutes les conditions de la transposition et mener un dialogue républicain avec le Gouvernement. »
Cet article 10 n’avait pas été réintroduit dans le projet de loi NOME lors de sa discussion en séance publique au Sénat, mais voilà que, seulement deux mois plus tard, il réapparaît dans un autre support législatif, par le biais d’amendements du Gouvernement ! Nous ne pouvons accepter une telle manipulation, monsieur le secrétaire d’État !
En effet, ces directives ne traitent pas de sujets secondaires. Il s’agit, par exemple, du renforcement de l’indépendance des gestionnaires de réseaux, dont il est précisé dans l’exposé des motifs de l’amendement qu’il se traduira par une « adaptation du statut de ces sociétés déjà dérogatoires au droit commun du droit des sociétés, dans le sens d’un plus grand contrôle par la puissance publique ». Autrement dit, il s’agit d’un changement de statut de RTE !
Et quid des salariés ? Sur ce point, l’exposé des motifs de l’amendement gouvernemental nous laisse plus que perplexes : « Toutefois, les garanties nouvelles apportées aux salariés par cette ordonnance n’empêchent pas qu’elle soit conçue pour ne pas revisiter plus que nécessaire les droits acquis des salariés concernés de ces sociétés ». De quoi s’agit-il exactement ? Quelles seront les garanties apportées par l’ordonnance ? Le Gouvernement a-t-il au moins l’intention d’engager une concertation avec les salariés concernés ?
Autre exemple de disposition recelant des enjeux politiques importants : l’obligation pour les gestionnaires de réseaux de transport de gaz ou d’électricité de se doter d’un chargé de conformité qui « pourra notamment participer à toutes les réunions relatives aux investissements dans les réseaux, aux séances des conseils d’administration ou du directoire et avoir accès aux locaux du gestionnaire de réseau de transport de gaz ou d’électricité en toutes circonstances ». On aimerait comprendre…
J’évoquerai enfin, comme dernier exemple, l’accroissement des compétences de la CRE, la Commission de régulation de l’énergie, notamment en matière de fixation des tarifs d’utilisation des infrastructures de gaz et d’électricité.
Bref, cette proposition de loi comporte de nombreuses dispositions lourdes d’enjeux politiques.
Tirant prétexte de ce que ces sujets seraient techniques, le Gouvernement en profite pour court-circuiter le Parlement, alors que nous savons très bien que la transposition de directives européennes comporte toujours une marge d’interprétation, surtout dans les domaines que je viens d’évoquer.
Nous voterons donc contre tous les amendements déposés par le Gouvernement et tendant à lui accorder une habilitation à transposer ces directives européennes par voie d’ordonnances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Titre Ier
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENVIRONNEMENT ET AU CLIMAT
Article 1er A (nouveau)
I. – L’ordonnance nº 2010-1232 du 21 octobre 2010 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’environnement est ratifiée.
II. – L’article L. 229-13 du code de l’environnement est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les quotas délivrés ou acquis au cours d’une période d’affectation qui n’ont pas été utilisés au cours de cette période et annulés en application de l’article L. 229-14 sont rendus à l’État et annulés au début de la période suivante. La même quantité de quotas d’émission valables pour la nouvelle période est simultanément délivrée aux personnes qui étaient détentrices des quotas ainsi annulés.
« Toutefois, il n’est pas procédé à la délivrance des quotas prévue à la seconde phrase de l’alinéa précédent en remplacement des quotas annulés à l’issue de la période triennale débutant le 1er janvier 2005. »
Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par M. Raoul, Mme Herviaux et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. L’article 1er A, introduit en commission, porte tout d’abord ratification de l’ordonnance n° 2010-1232 du 21 octobre 2010 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’environnement, puis y apporte des corrections, la commission de l’économie ayant relevé une erreur dans la rédaction du Gouvernement.
Certains articles de cette ordonnance faisant doublon avec certains articles de la proposition de loi déposée par nos collègues Longuet, Emorine et Bizet, faisant eux-mêmes doublon avec des articles de la proposition de loi Warsmann, plusieurs articles de la proposition de loi dont nous sommes saisis ont dû être supprimés par notre commission, dans un souci de cohérence législative, nous a-t-on dit…
On peut éprouver quelques difficultés à suivre ce raisonnement, comme vient d’ailleurs de le souligner excellemment mon collègue Roland Courteau, et surtout à comprendre pourquoi le Gouvernement et les membres de sa majorité rencontrent tant de difficultés pour assurer une cohérence législative entre leurs différents actes. De même, on peut se demander pourquoi les parlementaires de la majorité sont obligés de pallier les erreurs de transposition du Gouvernement…
De tout cela se dégage une impression de grande confusion !
Cet article 1er A est, selon nous, tout à fait symptomatique de la pratique de transposition des directives européennes en droit français choisie par la majorité présidentielle, une pratique que nous tenons à dénoncer énergiquement.
Cette pratique est caractérisée tout d’abord par un non-respect de nos engagements européens puisque les directives ne sont pas transposées en temps et en heure. En l’espèce, les défauts de transposition concernent la protection de l’environnement. Or, nous le savons, les atteintes à l’environnement sont souvent irrémédiables.
Pour un Gouvernement qui a tant communiqué sur le Grenelle de l’environnement et sur son ambition environnementale,…
M. Roland Courteau. Oh que oui !
M. Jean-Jacques Mirassou. … il est plutôt malvenu de ne pas être à la hauteur de ses engagements européens à cet égard !
Cette pratique se caractérise ensuite par une transposition dans la précipitation, uniquement motivée par les sanctions financières qui visent la France.
Nous regrettons que les efforts de transposition soient uniquement guidés par le souci d’éviter des amendes ou des astreintes, comme le montre l’exposé des motifs de cette proposition de loi. Notre objectif devrait être avant tout de respecter nos engagements !
De plus, cette pratique consiste, pour le Gouvernement, à prendre par ordonnances ces dispositions législatives découlant de directives européennes par ordonnance et non via des projets de loi, ce qui empêche d’avoir un véritable débat parlementaire sur ces dispositions.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Jacques Mirassou. Par ailleurs, la transposition des dispositions découlant de directives européennes se fait de façon éparse, dans différents véhicules législatifs ou via des propositions qui mêlent des dispositions n’ayant rien à voir les unes avec les autres, ou même encore, ce qui est tout à fait inédit, en insérant les mêmes dispositions de transposition dans plusieurs véhicules législatifs !
Le résultat est doublement dommageable : la qualité de notre législation s’en ressent durement et celle du débat démocratique est singulièrement amoindrie !
Monsieur Sido, vous l’avez vous-même souligné dans votre rapport, la situation actuelle ne contribue pas à la bonne compréhension de la loi. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Jacques Mirassou. Je tiens donc à souligner, au nom du groupe socialiste, apparentés et rattachés, que nous ne pouvons plus accepter que les questions européennes soient traitées avec si peu de sérieux et avec autant de légèreté, et que les parlementaires ne soient pas mieux considérés. C’est pourquoi nous avons déposé des amendements de suppression des différents articles de cette proposition de loi, qui, selon nous, n’a pas lieu d’être.
Je veux aussi vous rappeler que l’ordonnance que vous nous demandez de ratifier dans l’article 1er A découle de l’article 256 du Grenelle 2, que nous n’avions pas soutenu à l’époque.
Nous refusons de valider par un vote unique des dispositions qui concernent des sujets aussi divers que le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, le règlement REACH sur l’enregistrement des substances dangereuses, la directive Services ou le stockage géologique de dioxyde de carbone, qui mériteraient un débat approfondi et spécifique pour que nous puissions en appréhender tous les enjeux.
C’est donc en toute logique que nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Je voudrais rappeler aux auteurs de cet amendement que nous avions, dans le cadre de l’article 256 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, habilité le Gouvernement à prendre par ordonnances toutes mesures utiles pour modifier la partie législative du code de l’environnement.
J’observe d’abord que le Gouvernement a strictement respecté les dispositions de l’article 38 de la Constitution.
Par ailleurs, il a bien respecté le champ de l’habilitation législative puisque celle-ci prévoyait effectivement d’adapter le code de l’environnement aux dispositions du droit communautaire dans les domaines des espaces naturels, de la faune, de la flore, des milieux marins, de l’air, de l’atmosphère, ainsi que de la prévention des pollutions et des risques, notamment en matière de déchets. Nous avions en effet vu large dans le Grenelle 2…
Enfin, nous ne pouvons pas, d’un côté, critiquer les retards de notre pays en matière de transposition des directives et, de l’autre, regretter que le Gouvernement mette en œuvre les moyens dont il dispose pour adapter rapidement notre législation nationale au droit communautaire.
Il est donc logique, mes chers collègues, de donner force de loi aux dispositions de cette ordonnance.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 25, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au cinquième alinéa de l'article L. 229–5 du code de l’environnement, la référence : « l'article L. 330-1 du code de l’aviation civile » est remplacée par la référence : « l'article L. 6412-2 du code des transports dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, à la suite de la publication du code des transports réalisée par l’ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010.
La mention « dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports » prend en compte l’entrée en vigueur de cette ordonnance au 1er décembre 2010, donc postérieurement à l’examen de la présente proposition de loi au Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire.
Je rappelle que nous avons entamé la discussion des articles et que l’article 1er A a été adopté.
Articles 1er et 2
(Supprimés)
Articles additionnels après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, les dispositions législatives nécessaires à la transposition des directives communautaires suivantes, ainsi que les mesures d'adaptation de la législation liées à ces transpositions :
1° Directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE ;
2° Directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiant la directive 2003/87/CE afin d'améliorer et d'étendre le système communautaire d'échange des quotas d'émission de gaz à effet de serre ;
3° Directive 2009/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiant la directive 98/70/CE en ce qui concerne les spécifications relatives à l'essence, au carburant diesel et aux gazoles ainsi que l'introduction d'un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, modifiant la directive 1999/32/CE du Conseil en ce qui concerne les spécifications relatives aux carburants utilisés par les bateaux de navigation intérieure et abrogeant la directive 93/12/CEE.
Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans le délai de trois mois à compter de la publication de la ou les ordonnances.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Cet amendement, qui est relatif aux énergies renouvelables et au dispositif visant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, va permettre au Gouvernement de transposer les trois directives 2009/28/CE, 2009/29/CE et 2009/30/CE du 23 avril 2009 dans le délai imparti, qui expire le 31 décembre 2010. Tous ceux qui ont souligné, à juste titre, que les délais de transposition étaient trop contraints seront satisfaits. Il s’agit d’éviter ainsi des sanctions financières dans un domaine où la Commission est particulièrement attentive au respect de leurs obligations par les États membres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Tout le monde a bien compris qu’il s’agissait du paquet « énergie-climat » et il est vrai que, aujourd’hui, nous sommes dans l’urgence quant à la transposition d’un certain nombre de dispositions contenues dans ces textes importants, textes phares de la présidence française de l’Union européenne. Dès lors, au regard de la crédibilité de la France sur la scène européenne et internationale, il apparaît urgent de transposer ce paquet et, du point de vue de la cohérence législative, il apparaît préférable de recourir à une démarche harmonisée pour l’ensemble de ces modifications du code de l’environnement.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Par cet amendement, le Gouvernement nous propose de l’habiliter à légiférer par voie d’ordonnance afin de transposer en droit interne le plan énergie-climat européen, plan qui vise à lutter contre le phénomène du changement climatique.
Ce plan fixe un objectif européen commun dit « 3 x 20 » qui consiste, d’ici à 2020, à diminuer de 20 % les émissions de gaz à effet de serre, à réduire de 20 % la consommation d’énergie et à augmenter de 20 % la part des énergies renouvelables.
La diminution des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie serait, selon ce plan, rendue possible par un mécanisme d’enchères des quotas d’émission. Ce système vise à plafonner le niveau global des émissions autorisées. Il permet aux industries énergétiques et manufacturières d’acheter et de vendre des quotas aux enchères, en fonction de leurs besoins. Jusqu’en 2013, la grande majorité des droits d’émission sera allouée gratuitement, avant qu’un système d’enchères intégral ne soit mis en place.
Je souhaiterais à ce titre formuler plusieurs remarques.
D’abord, par principe, nous sommes hostiles au recours trop fréquent aux ordonnances, nous l’avons déjà dit, qui prive le Parlement de ses prérogatives.
Par ailleurs, nous estimons qu’il s’agit d’un sujet particulièrement important qui mériterait un débat parlementaire permettant de discuter des objectifs et des moyens. En effet, ces mécanismes de droits à polluer cessibles et échangeables sur des marchés sont aujourd’hui contestés en raison de leur effet pervers.
Je vous rappelle que l’ONU a gelé une série de projets liés au gaz HFC 23 qui auraient été, sans jeu de mots, gonflés artificiellement, ce qui a d'ailleurs conduit un journal bien connu à qualifier ces crédits carbone de « bidons » dans le cadre des mécanismes de développement propre.
Cette expérience devrait aujourd’hui nous inciter à la prudence et pour le moins conduire le Gouvernement à donner à la représentation nationale le temps nécessaire pour légiférer sur ces sujets, a fortiori à un moment où un nouveau règlement européen sur ces questions est en cours de préparation.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Le paquet « énergie-climat » adopté en 2009 constitue l’une des avancées essentielles en matière de lutte contre le changement climatique à l’échelon européen mais également au niveau mondial.
Il a suscité de nombreux et houleux débats au sein des institutions européennes, mais également ici, au Sénat, je vous le rappelle, ainsi qu’à l’Académie des sciences, comme s’en souviennent certainement ceux qui suivent l’actualité scientifique. Le 28 novembre 2008, le Sénat a, en effet, adopté une résolution sur le paquet législatif alors en cours de négociation.
Compte tenu de son importance, des choix collectifs qui devront être effectués sur le plan national pour transposer ce paquet de directives, d’un délai de transposition non dépassé et de l’implication de notre assemblée sur ce sujet, il nous semble intolérable de priver la représentation nationale d’un débat sur le paquet « énergie-climat ». J’aurais eu beaucoup de plaisir à discuter de cette transposition de directive avec nos collègues qui sont très au fait de ces questions, qu’il s’agisse de Jean Bizet ou d’autres membres de la commission de l’économie, notamment Roland Courteau, notre éminent œnologue de l’Aude, et Jean-Jacques Mirassou, grand spécialiste de l’aviation et des émissions de gaz à effets de serre. (Sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.
L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à l'adaptation de la législation :
- au règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006 ;
- au règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission ;
- au règlement (CE) n° 842/2006 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 relatif à certains gaz à effet de serre fluorés ;
- au règlement (CE) n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant les polluants organiques persistants et modifiant la directive 79/117/CEE ;
- au règlement (CE) n° 689/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 concernant les exportations et importations de produits chimiques dangereux ;
- au règlement (CE) n° 1005/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone ;
- et à la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 concernant la mise sur le marché des produits biocides.
II. - Les ordonnances doivent être prises dans un délai de douze mois suivant la publication de la présente loi. Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans le délai de trois mois à compter de la publication de la ou les ordonnances.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Cet amendement permettra d’adapter la législation française au règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008. Ce règlement, dit règlement CLP, est relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges.
Le véhicule législatif que constitue cette proposition de loi nous fournit donc l’occasion de continuer à rattraper notre retard.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L’adaptation de notre législation au règlement REACH est absolument nécessaire dans le cadre du marché intérieur.
Cette démarche paraît évidemment indispensable dans la mesure où les adaptations législatives au droit communautaire sont nécessaires et qu’un toilettage en la matière nous permettra de prendre en compte les différents règlements concernés, en particulier le règlement REACH.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous sommes d’un avis diamétralement opposé à celui de M. le rapporteur. Dans le droit fil de nos propos précédents, nous nous élevons contre cet amendement qui tend à autoriser le Gouvernement à procéder, par voie d’ordonnance, à la transposition de plusieurs directives et règlements sur des sujets essentiels qui appellent un débat démocratique au niveau national.
C’est notamment le cas du règlement REACH, qui révolutionne les procédures de mise sur le marché et d’information des substances chimiques. Ces nouvelles exigences, fortement combattues par les industriels à Bruxelles et à Strasbourg lors de la procédure législative européenne, mériteraient, selon nous, un débat public et transparent. Pourquoi, alors, procéder de la sorte, alors que nous avions l’occasion d’en discuter lors de l’adoption des lois Grenelle 1 et 2 ?
Autre exemple de cette attitude brouillonne du Gouvernement, la directive de 1998 relative à la mise sur le marché des produits biocides est actuellement en cours de révision.
Monsieur le secrétaire d'État, comment s’y retrouver ?
Tout cela manque vraiment de sens et de cohérence tant du point de vue démocratique qu’au regard de la procédure européenne en cours.
Nous voterons donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je n’interviendrai pas forcément en explication de vote sur tous les articles, mais celui-ci, qui est relatif au règlement REACH, mériterait vraiment un long débat. Nous savons tous combien l’adoption de ce règlement européen fut difficile et à quel point la France n’a pas été exemplaire – c’est le moins que l’on puisse dire ! – sur ce sujet.
Avec cet amendement, on touche au code de l’environnement, au code du travail et au code de la santé publique. On parle de substances et mélanges chimiques, de substances dangereuses. Que recouvrent donc ces termes ? Il est également question de la toxico-vigilance aux substances vénéneuses.
S’agit-il vraiment, comme on le prétend, d’un simple toilettage des dispositions de ces codes ? Il me semble que l’amendement va beaucoup plus loin.
Monsieur le secrétaire d'État, je comprends qu’il soit difficile pour vous qui venez d’être nommé de traiter au pied levé d’un tel sujet. Mais, honnêtement, nous aurions dû avoir un certain nombre d’explications.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.
L'amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la date de publication de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour transposer la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE, et pour transposer la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE ainsi que les mesures d'adaptation de la législation liées à cette transposition.
L'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport d'électricité ou de gaz, s'agissant de leurs moyens techniques et humains ainsi que de l'organisation interne de ces sociétés, est renforcée, en optant dans les deux cas pour l'option « Gestionnaire de réseau indépendant », régie par les dispositions du chapitre V de la directive 2009/72/CE précitée et par celles du chapitre IV de la directive 2009/73/CE précitée.
L'ordonnance doit permettre :
1° d'instaurer une procédure de certification de l'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport d'électricité ou de gaz confiée à la Commission de régulation de l'énergie ;
2° d'assurer le suivi de l'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport d'électricité ou de gaz par un cadre chargé de la conformité ;
3° de renforcer les obligations d'investissement des gestionnaires de réseaux de transport d'électricité ou de gaz en instaurant l'obligation de réalisation d'un plan décennal de développement des réseaux concernés ;
4° de renforcer les compétences du régulateur notamment en matière de sanctions, et de le doter de nouvelles compétences pour intervenir en matière d'investissements de réseau ;
5° de renforcer les compétences du régulateur en ce qui concerne les tarifs d'utilisation des réseaux de transport, de distribution d'électricité ou de gaz ainsi que les tarifs d'utilisation des installations de gaz naturel liquéfié ;
6° de définir les règles applicables aux gestionnaires de réseau de transport d'électricité et de gaz ainsi qu'à leurs personnels, nécessaires à la bonne transposition des directives précitées.
II. - Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois à compter de la publication de cette ordonnance.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Par cet amendement, le Gouvernement sollicite du Parlement l’autorisation de prendre par voie d’ordonnance les dispositions nécessaires à la transposition des deux directives relatives au marché intérieur de l’énergie, à savoir la directive n° 2009/72/CE, pour le marché intérieur de l’électricité, et la directive n° 2009/73/CE, pour le marché intérieur du gaz.
À l’occasion de la négociation de ce « paquet » relatif au marché intérieur de l’énergie, la France a réussi à préserver son modèle industriel et à éviter ainsi la cession patrimoniale des activités de transport d’électricité. Il en résulte deux directives très longues et extrêmement précises, offrant l’option d’une indépendance renforcée des activités dites régulées de transport de gaz ou d’électricité, option que la France propose de retenir.
Ce choix permettra de préserver nos trois groupes énergétiques, à savoir EDF, GDF-Suez et Total, et d’éviter la séparation patrimoniale : ce point fut un acquis majeur de cette négociation communautaire. Mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, vous devriez tous vous en féliciter.
Par ailleurs, cette ordonnance devra aussi permettre le renforcement des compétences de la Commission de régulation de l’énergie, sans pour autant modifier notablement les équilibres actuels.
Reste à transposer l’ensemble de ces textes. Les marges de manœuvre sont faibles, et le délai de transposition de ces deux directives expire le 3 mars 2011. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons cet amendement afin de permettre une transposition dans les délais : nous éviterions de nous exposer aux critiques de la Commission européenne, qui n’attend qu’une occasion pour exiger la séparation patrimoniale dans tous les pays, et nous pourrions rassurer les salariés des sociétés concernées quant à la conservation du modèle français.
Le texte de transposition sera bientôt finalisé : il a été préparé en étroite concertation avec les entreprises concernées et la Commission de régulation de l’énergie. Cette transposition s’effectuera au plus près des textes, mais sans excès de zèle.
M. le président. Le sous-amendement n° 26, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 3 et 4 de l'amendement n° 8
Rédiger ainsi ces alinéas :
L'ordonnance a pour objet :
1°A de renforcer l'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport d'électricité ou de gaz, s'agissant de leurs moyens techniques et humains ainsi que de l'organisation interne de ces sociétés, en optant dans les deux cas pour l'option « Gestionnaire de réseau indépendant », régie par les dispositions du chapitre V de la directive 2009/72/CE précitée et par celles du chapitre IV de la directive 2009/73/CE précitée ;
II. - Alinéa 6 de l'amendement n° 8
Après les mots :
ou de gaz
insérer les mots :
, ainsi que des gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité ou de gaz desservant plus de 100 000 habitants,
III. - Alinéas 8 et 9 de l'amendement n° 8
Remplacer les mots :
du régulateur
par les mots :
de la Commission de régulation de l'énergie
IV. - Alinéa 10 de l'amendement n° 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 26 et pour donner l’avis de la commission sur l'amendement n° 8.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il est aujourd'hui indispensable de procéder rapidement à la transposition des deux directives.
D’une part, le délai de transposition est fixé au 3 mars 2011. D’autre part, la directive tend à prévoir que les États membres peuvent, en matière d’indépendance des gestionnaires des réseaux de transport, choisir entre trois options : la séparation patrimoniale, dont ne veut pas la France, la gestion des réseaux par une société tierce selon le modèle dit « ISO », dont nous ne voulons pas non plus, et, enfin, le renforcement de l’indépendance des gestionnaires de réseaux selon le modèle dit « ITO ».
L’ordonnance permettra la mise en œuvre de cette dernière solution, proposée et défendue par la France lors de la négociation du troisième paquet « énergie ». Il serait incohérent que notre pays tarde à mettre en œuvre un dispositif à l’origine duquel il se trouve.
Pour autant, je vous propose un sous-amendement qui tend à apporter des modifications rédactionnelles et à préciser le champ de l’habilitation demandée par le Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 26 ?
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Le Gouvernement a émis un avis favorable sur ce sous-amendement, qui est tout à fait pertinent.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, je me suis déjà exprimé lors de la discussion générale sur les amendements du Gouvernement, notamment sur l’amendement n° 8. Je l’ai dit, lors de la discussion du projet de loi NOME, cette disposition, qui figurait à l’article 10, a été supprimée et voilà que, deux mois plus tard, après être sortie par la porte, elle rentre par la fenêtre, comme aime à le préciser notre éminent scientifique Daniel Raoul ! (M. Daniel Raoul s’esclaffe.)
Je note que le sous-amendement de M. le rapporteur améliore effectivement le texte de l’amendement du Gouvernement : nous le voterons donc. S’il est adopté, et à cette seule condition, nous nous abstiendrions sur l'amendement n° 8, plutôt que de voter contre, comme je l’avais annoncé tout à l'heure.
M. Jean Bizet. C’est bien !
M. Jacques Gautier. Ils deviennent raisonnables !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. J’ai bien peur de ne pas susciter la même approbation sur les travées de la majorité...
Le 3 novembre dernier, à la suite de l’adoption de la proposition de loi dans la rédaction issue des travaux de la commission dont nous discutons ce soir, l’ordre du jour de la commission a appelé la présentation par le Gouvernement des demandes d’habilitation, ces demandes devant se traduire en séance par des amendements du Gouvernement.
Ainsi l’amendement n° 8 tend-il à proposer que le Parlement habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances les dispositions législatives nécessaires à la transposition des directives constituant le troisième paquet « énergie » : il s’agit de la directive n° 2009/72/CE du 13 juillet 2009, pour le marché intérieur de l’électricité, et de la directive n° 2009/73/CE du 13 juillet 2009, pour le marché intérieur du gaz naturel.
Le Gouvernement avait déjà souhaité procéder ainsi lors de l’examen de la loi portant organisation du nouveau marché de l’électricité. Comme l’a rappelé M. Courteau, les députés et les sénateurs avaient refusé cette habilitation et avaient supprimé l’article 10 du projet de loi NOME qui y procédait. Peut-être faudrait-il que le Parlement fasse preuve d’un peu de constance !
Nous dénonçons depuis plusieurs années la banalisation du recours aux ordonnances de l’article 38. Initialement, les propositions de recours à ces ordonnances étaient formalisées dans un projet de loi. Désormais, on les trouve au détour d’un amendement gouvernemental. Je ne reviendrai pas sur les positions que nous avons défendues lors de la révision constitutionnelle, mais, comme vous le savez, nous considérons que cette méthode n’est pas digne d’un État démocratique.
En ce qui concerne le champ de l’habilitation, il s’agit du troisième paquet « énergie » qui, comme le rappelait voilà quelques mois Ladislas Poniatowski, concerne des domaines aussi larges et sensibles que la séparation entre les activités de transport et les activités de production et de fourniture, le renforcement des droits des consommateurs, la promotion de la coopération régionale entre les autorités de régulation et les gestionnaires de réseaux de transport, le renforcement des obligations des gestionnaires des réseaux de distribution d’électricité et des gestionnaires des réseaux de transport et de stockage de gaz naturel liquéfié, le renforcement de l’indépendance et des pouvoirs des autorités de régulation. Rien que cela, en un seul amendement !
Les enjeux sont tels qu’il serait déraisonnable de priver le Parlement de les examiner. Roland Courteau a cité tout à l’heure les propos de M. Ollier. Au Sénat, Ladislas Poniatowski affirmait qu’il aurait été normal que le Parlement puisse discuter de la transposition de certaines dispositions centrales du troisième « paquet ». Nous partageons bien évidemment ces analyses et c’est pourquoi, parce que nos sommes conséquents que nous nous en tenons à notre objectif initial que nous voterons contre cet amendement et ce sous-amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.
Titre II
DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES À DES PROFESSIONS ET ACTIVITÉS RÉGLEMENTÉES
Article 3
La loi n° 46-942 du 7 mai 1946 instituant l’ordre des géomètres-experts est ainsi modifiée :
1° A (nouveau) Au premier alinéa de l'article 2-1, les mots : « la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « l'Union européenne » ;
1° B (nouveau) L'article 3 est ainsi modifié :
a) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Pour les personnes physiques n'étant pas de nationalité française, posséder les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession en France ; »
b) Le b du 2° est ainsi modifié :
- à la première phrase, les mots : « Pour les ressortissants de la Communauté européenne dont l'État membre d'origine ou de provenance n'est pas la France et pour les ressortissants d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont remplacés par les mots : « Pour les ressortissants étrangers dont l'État d'origine ou de provenance n'est pas la France » ;
- à la deuxième phrase, les mots : « l'État membre » sont remplacés par les mots : « l'État » ;
- à la dernière phrase, les mots : « l'État membre » et « les États membres » sont remplacés respectivement par les mots : « l'État » et « les États » ;
c) Le b du 4° est ainsi rédigé :
« b) Pour les ressortissants de l'Union européenne, pour les ressortissants d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, pour les personnes physiques exerçant ou habilitées à exercer sur le territoire d'un État ou d'une entité infra-étatique dont les autorités compétentes ont conclu un accord de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles avec l'ordre des géomètres-experts approuvé par décret, dès lors qu'ils ne sont pas titulaires d'un des diplômes mentionnés au a du présent 4°, avoir été reconnu qualifié par l'autorité administrative dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. » ;
1° C (nouveau) L'article 4 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le titre de géomètre-expert stagiaire est attribué aux candidats à la profession de géomètre-expert qui, ayant subi avec succès l'examen de sortie d'une école d'ingénieurs géomètres reconnue par l'État ou répondant aux conditions requises pour l'obtention du diplôme de géomètre-expert foncier délivré par le Gouvernement définies par décret, ont à accomplir une période réglementaire de stage. » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « aux ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont remplacés par les mots : « aux ressortissants et personnes physiques mentionnés au b du 4° de l'article 3 » ;
1° L'article 6-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « géomètres-experts peuvent constituer entre eux » sont remplacés par les mots : « personnes exerçant légalement la profession de géomètre-expert peuvent constituer entre elles » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « Aucun géomètre-expert » sont remplacés par les mots : « Aucune personne exerçant légalement la profession de géomètre-expert » ;
2° L'article 6-2 est ainsi modifié :
a) Au 2°, les mots : « un ou des géomètres-experts associés » sont remplacés par les mots : « une ou des personnes exerçant légalement la profession de géomètre-expert » ;
b) Au 4°, les mots : « être géomètres-experts associés » sont remplacés par les mots : « exercer légalement la profession de géomètre-expert » ;
3° L’article 8-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du I, les mots : «, à titre accessoire ou occasionnel, » sont supprimés ;
b) La deuxième phrase du premier alinéa du même I est supprimée ;
c) Au deuxième alinéa du même I, les mots : « accessoire » et « qui, à elle seule ou cumulée à une activité d’entremise, ne doit pas représenter plus de la moitié de la rémunération totale du géomètre-expert ou de la société de géomètres-experts » sont supprimés ;
d) Le II est ainsi rédigé :
« II. – Le géomètre-expert ou la société de géomètres-experts doit tenir, pour les opérations relevant de ces deux activités, une comptabilité distincte.
« Les géomètres-experts et sociétés de géomètres-experts reçoivent des fonds, effets ou valeurs pour le compte de leurs clients, les déposent dans un établissement du secteur bancaire ou dans une caisse créée à cette fin par le conseil supérieur de l’ordre des géomètres-experts, et en effectuent le règlement.
« Lorsqu’ils n’effectuent pas de dépôt auprès d’un des établissements mentionnés à l’alinéa précédent, ils souscrivent une assurance garantissant le remboursement intégral des fonds, effets ou valeurs reçus.
« Le règlement de la profession précise les conditions dans lesquelles les géomètres-experts et sociétés de géomètres-experts reçoivent les fonds, effets ou valeurs pour le compte de leurs clients, les déposent à la caisse mentionnée au deuxième alinéa, et en effectuent le règlement. Ladite caisse est placée sous la responsabilité du président du conseil supérieur de l’ordre des géomètres-experts. Le remboursement intégral des fonds, effets ou valeurs doit être garanti par une assurance contractée par l’ordre des géomètres-experts qui fixe le barème de la cotisation destinée à couvrir tout ou partie du coût de cette assurance et en assure le recouvrement auprès des géomètres-experts et sociétés de géomètres-experts autorisés à exercer l’activité d’entremise immobilière ou l’activité de gestion immobilière.
« Le défaut de paiement de la cotisation destinée à couvrir tout ou partie du coût de l’assurance mentionnée à l’alinéa précédent est sanctionné comme en matière de défaut d’assurance de responsabilité civile professionnelle.
« Ces dispositions ne font pas obstacle à l’application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, notamment de son article 18.
« Les éléments relatifs à la nature des dépôts effectués ainsi que ceux relatifs à la souscription d’assurance sont portés à la connaissance du président du conseil supérieur de l’ordre des géomètres-experts, qui peut à tout moment avoir communication de la comptabilité relative aux opérations immobilières.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment le délai dans lequel les géomètres-experts exerçant une activité de gestion immobilière à la date de la publication de la loi n°… du … portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire sont tenus de se mettre en conformité avec les dispositions de cette loi. » ;
4° (nouveau) Au premier alinéa de l'article 23-1, les mots : « la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « l'Union européenne ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam et Mmes Schurch et Terrade.
L'amendement n° 15 est présenté par M. Raoul, Mme Herviaux et les membres du groupe Socialiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 13.
Mme Évelyne Didier. Cet article tend à transposer un petit morceau de la directive Services. Il s’agit d’une méthode utilisée depuis de nombreux mois par le Gouvernement afin d’éviter une discussion politique sur la nocivité de l’application de cette directive.
En effet, la dérégulation qui y est proposée ne peut s’accompagner que d’une harmonisation par le bas des conditions sociales des professionnels concernés. En l’espèce, il s’agit de la mise en conformité des conditions d’exercice de la profession de géomètre-expert avec la directive Services, que tendait également à réaliser l’article 85 de la proposition de loi de M. Warsmann.
Je vous rappelle les propos de Pierre Bibolet, président de l’ordre des géomètres-experts, sur cette proposition. Il regrettait « l’attaque portée au principe d’indépendance par l’adoption de dispositions autorisant la détention majoritaire du capital social dans une structure commerciale au sein de laquelle le géomètre-expert n’exercera pas ». Il ajoutait : « Le Conseil supérieur y était fortement opposé et n’a pas été entendu sur ce point. »
Depuis l’adoption de la loi de 1994, les conditions d’exercice sont déjà plus souples. Ainsi, il a été permis aux professionnels ressortissants d’un État membre de l’Union européenne d’effectuer certains travaux de manière temporaire et occasionnelle, sans être inscrits à l’ordre des géomètres-experts. L’inscription au tableau de l’ordre a également été élargie. Par ailleurs, les travaux réalisés par les géomètres-experts ont également été étendus puisqu’il leur a été permis d’exercer des activités d’entremise ou de gestion immobilières, pour lesquelles ils doivent cependant tenir une compatibilité particulière.
Les présentes dispositions vont encore plus loin que la loi de 1994. En effet, elles assouplissent encore plus les conditions d’exercice pour les activités d’entremise et de gestions immobilières, conformément à la position de l’Union européenne, hostile au principe de spécialité, principe qui permet pourtant de garantir la qualité des professionnels.
D’autre part, les conditions de diplôme sont également assouplies, permettant à terme le remplacement des épreuves orales et écrites par la soutenance d’un mémoire. Sans contester le bien-fondé de cette évolution, nous sommes circonspects sur toute volonté d’amoindrir le degré de connaissances nécessaire à l’exercice de cette profession.
Pour finir, je souhaite vous rappeler les termes de l’intervention de Pierre Bibolet lors du 40e congrès des géomètres-experts : « Je ne suis pas certain que notre ministère de tutelle ait pris la mesure de l’engagement du Conseil supérieur sur […] la spécificité de notre profession, seule détentrice d’une délégation de service public parmi les professions impactées par la directive Services. […] Je ne comprends pas que l’État français ait favorisé la liberté d’établissement au détriment de la qualité des services, pourtant au cœur de la directive Services. »
Nous devons bien avouer que nous ne voyons pas dans cette réforme une orientation précise en termes de service public et d’intérêt général. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l'amendement n° 15.
M. Daniel Raoul. Nous avons eu l’occasion à plusieurs reprises de dire dans cet hémicycle ce que nous pensions de la stratégie adoptée par le Gouvernement, notamment de la justification selon laquelle les retards de transposition de la France seraient dus à une absence de vecteurs législatifs adéquats. Avouez que si vous n’aviez pas cherché à amuser la galerie avec vos textes contre les chiens dangereux ou sur la sécurité des manèges, la Haute Assemblée aurait eu le temps d’examiner sérieusement des projets de loi portant sur le climat ou visant à transposer la directive Services.
L’argument avancé par le Gouvernement ne manque pas d’audace au regard, par exemple, de la méthode qui a été choisie pour transposer la directive Services en droit français, puisqu’il a lui-même décidé d’introduire ces dispositions de façon saucissonnée, en catimini, dans différents projets de loi sectoriels. Aurait-il peur de transposer cette directive et du débat qui s’ensuivrait ?
Résultat : nous n’avons aucune vision d’ensemble de la transposition de cette directive. Même les versions du Sénat diffèrent d’un texte à l’autre. Je fais ici allusion à la proposition de loi Warsmann, notamment. C’est à ne plus rien y comprendre pour un esprit …
M. Jean Bizet. Cartésien !
M. Daniel Raoul. … rationnel. Pis, cette situation est de nature à créer de grandes difficultés, voire des dérives dans chacune des professions concernées.
Notre collègue Évelyne Didier vient de montrer les risques de conflits d’intérêts que suscite la présente proposition de loi. Pour notre part, nous estimons, je le dis humblement, ne pas avoir eu les moyens d’examiner sereinement les conséquences d’un tel dispositif et, en particulier, d’évaluer les dérives « trigonométriques » que celui-ci pourrait entraîner dans le domaine de l’expertise.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous appelons le Sénat à rejeter l’article 3.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Je tiens avant tout à souligner le brio avec lequel ces deux amendements de suppression ont été défendus. Cela ne signifie pas pour autant que leur contenu est brillant. J’ai en effet l’impression que nous ne parlons pas le même langage.
Sachez que l’Ordre des géomètres-experts est d’accord avec le contenu de l’article 3, même si son président a tenu certains propos à je ne sais quelle occasion.
Nos collègues du groupe CRC-SPG et ceux du groupe socialiste ont déposé ces amendements de suppression en s’appuyant sur des arguments différents.
Les premiers d’entre eux estiment que la réforme de la profession de géomètre-expert pourrait engendrer des conflits d’intérêts, ce qui serait effectivement grave. Je ne partage pas du tout ce point de vue.
L’exercice des activités d’entremise et de gestion immobilières par les géomètres-experts reste ainsi très encadré. Je cite quelques exemples à ce sujet : ces professionnels doivent toujours tenir une comptabilité distincte ; les fonds, effets ou valeurs qu’ils reçoivent pour le compte de leurs clients sont déposés exclusivement dans une caisse créée à cet effet par le Conseil supérieur de l’Ordre des géomètres-experts. Cette caisse est placée sous la responsabilité du président de l’Ordre, ceci expliquant peut-être cela.
Les membres du groupe socialiste, quant à eux, s’opposent aux modalités de transposition de la directive Services.
Même si ces dernières ne sont pas idéales, reconnaissons-le, il convient aujourd’hui de poursuivre dans la voie qui a été choisie. On ne change pas de cheval au milieu du gué !
Comme l’a indiqué notre collègue Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la proposition de loi Warsmann : « une loi-cadre […] n’aurait plus de sens aujourd’hui ».
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. La proposition de loi apporte toutes les garanties afin d’éviter les conflits d’intérêts.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 15.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
Au 3° de l’article L. 213-3 du code de la route, les mots : «, d’expérience professionnelle » sont supprimés.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam et Mmes Schurch et Terrade.
L'amendement n° 16 est présenté par M. Raoul, Mme Herviaux et les membres du groupe Socialiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 11.
Mme Évelyne Didier. L’article L. 213-3 du code de la route énumère un certain nombre de conditions nécessaires pour pouvoir exploiter, à titre individuel, diriger ou gérer un établissement d’enseignement et d’animation de stages de sensibilisation à la sécurité routière.
Outre la justification de la capacité à la gestion d’un établissement de ce type, figure également au nombre de ces conditions la possession d’une « expérience professionnelle » en matière d’enseignement de la conduite. Cette exigence a été introduite par la loi du 18 juin 1999 portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs avec l’objectif de « moraliser » ce secteur.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l’équipement, des transports et du logement, avait justifié cette option par le constat d’un secteur en crise : « Le secteur des auto-écoles se caractérise par la multiplication des créations d’établissements à l’existence souvent éphémère, […]. Il en résulte parfois une concurrence très vive, marquée par une guerre tarifaire et l’apparition d’offres anormalement basses, au détriment de la qualité de la formation du futur conducteur ».
Les auteurs de cette proposition de loi ont considéré que l’exigence susvisée était contraire aux dispositions de la directive Services. C’est leur interprétation. Les articles 9.1 et 16.1 de la directive disposent que les États membres ne peuvent subordonner l’accès à une activité de service à un régime d’autorisation et/ou à des exigences qui seraient discriminatoires, non justifiés par une raison impérieuse d’intérêt général et non proportionnels. Or, en l’occurrence, il existe bien un intérêt général.
Les auteurs de cette proposition de loi jugent donc que l’expérience professionnelle en matière d’enseignement de la conduite n’est pas un gage de sécurité et donc d’intérêt général.
Pour notre part, nous estimons, tout comme les représentants de l’Union nationale intersyndicale des enseignants de la conduite, l’UNIDEC, que la suppression de la référence à l’exigence d’une telle expérience aura pour conséquence directe de mettre « en péril économique les entreprises de ce secteur » et affectera « la vocation sécuritaire » qui leur est reconnue, vocation que nous considérons d’intérêt général et qui aurait donc permis une dérogation à la directive.
L’adoption d’une telle disposition serait contradictoire avec les efforts faits pour diminuer le nombre d’accidents sur nos routes. Mais peut-être n’installe-t-on des radars que pour récolter un peu d’argent ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
Mme Évelyne Didier. Pour cette raison, nous proposons la suppression de l’article 4.
Enfin, je souhaiterais indiquer que ce texte est identique à l’article 27 quinquies de la proposition de loi Warsmann qui a été introduit par un amendement du Gouvernement. Cet élément nous permet d’affirmer une nouvelle fois que la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire est bien une commande du Gouvernement. Nous nous inscrivons en faux contre cette pratique qui dénature la logique de l’initiative parlementaire.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 16.
M. Roland Courteau. Il s’agit là encore du champ de la transposition de la directive Services, mais, cette fois-ci, dans le secteur des auto-écoles.
L’article 4 vise à supprimer l’exigence d’expérience professionnelle requise pour les dirigeants ou les gérants d’une auto-école.
Le Gouvernement n’avait pas l’obligation de modifier les règles d’accès à cette profession, puisque l’article 9 de la directive autorise des régimes de cette nature, dès lors que ceux-ci ne sont pas discriminatoires à l’égard du prestataire visé et que le régime d’autorisation est justifié par une raison impérieuse d’intérêt général.
En outre, en l’espèce, l’objectif de contrôle qui sous-tend le régime d’autorisation ne pourrait être réalisé autrement, et de toute manière pas a posteriori, ce qui justifie le maintien du dispositif actuel.
Enfin, nous pensons que c’est la porte ouverte à la multiplication des auto-écoles d’opportunité. Certaines seraient en effet créées pour prendre un marché, sans réellement qu’elles sachent répondre à la demande et aux exigences de pédagogie et de sécurité requises.
M. Jean-Jacques Mirassou. Voilà !
M. Roland Courteau. C’est la raison pour laquelle nous appelons le Sénat à rejeter l’article 4.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. C’est un secteur dans lequel la profession est très organisée. Ayant auditionné ses représentants, je peux vous répondre sur le fond.
Je suis défavorable à ces deux amendements identiques, qui visent à supprimer l’article 4 de la présente proposition de loi, leurs auteurs s’opposant, en réalité, à la méthode retenue pour transposer la directive Services.
Sur le fond, je vais vous indiquer, mes chers collègues, les enjeux de cet article.
Celui-ci supprime la condition d’expérience professionnelle en matière d’enseignement de la conduite pour pouvoir diriger une auto-école afin de mettre notre droit en conformité avec la directive Services. Demande-t-on à un patron de restaurant d’être un cordon-bleu ou au président d’une assemblée d’être diplômé de l’ENA ?
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est quand même moins dangereux !
M. Bruno Sido, rapporteur. Le maintien de cette disposition est en effet incompatible avec les articles 9 et 16 de la directive précitée, en vertu desquels les États membres ne peuvent subordonner l’accès à une activité de service à des exigences qui seraient discriminatoires, non justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général et non proportionnelles. Je précise d’ailleurs que ces conditions sont cumulatives.
Or le fait d’obliger un prestataire souhaitant exploiter un établissement d’enseignement à justifier d’une expérience professionnelle en matière d’enseignement de la conduite est manifestement disproportionné. En effet, la suppression de cette condition d’expérience concerne non pas les enseignants de la conduite, mais seulement les gérants d’établissement.
À cet égard, j’ai tout entendu : on m’a parlé de moralisation de la profession et même de blanchiment d’argent.
M. Roland Courteau. Nous ne sommes pas allés jusque-là !
M. Bruno Sido, rapporteur. Mais j’ai néanmoins eu droit à ces arguments !
L’objectif de moralisation du secteur des auto-écoles, à propos duquel s’inquiètent les représentants que j’ai reçus, demeure très important – je l’ai souligné dans mon rapport – en raison de ce motif d’intérêt général attaché à la sécurité routière. Néanmoins, il paraît plutôt pouvoir être atteint par la poursuite de la démarche qualité déjà engagée par la Délégation à la sécurité et à la circulation routières.
Enfin, la suppression en cause a été portée à la connaissance de la Commission européenne. Cette dernière, très attentive à ce sujet, a déjà lancé, à la fin du mois de janvier, contre les autorités françaises, de même que contre une vingtaine d’autres États membres, une procédure automatique d’infraction pour transposition incomplète.
J’ajoute que, lorsque l’article 4 a été examiné par la commission, tous les fonctionnaires chargés de la sécurité routière que j’ai auditionnés – ce sont quand même des spécialistes de la question – estimaient qu’il n’était pas nécessaire que le gérant d’une auto-école possède tous les diplômes d’enseignement.
Je ne vais pas argumenter davantage, mes chers collègues, car nous avons déjà discuté de ce sujet en commission. Si vous n’aviez pas été convaincus alors, vous ne le serez pas davantage ce soir en séance publique. Je rappelle juste que la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, suivant en cela ma proposition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
En effet, le bon sens permet facilement de comprendre que la gestion d’un établissement et l’enseignement de la sécurité routière et de la conduite sont deux choses différentes. À cet égard, l’exemple selon lequel le gérant d’un restaurant ne sait pas forcément cuisiner est excellent.
Madame Didier, permettez-moi, en toute sympathie, de vous reprendre sur une phrase. En effet, je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement installe des radars uniquement pour récolter de l’argent. Si, ces dernières années, une politique publique connaît une grande réussite, c’est bien celle de la sécurité routière lancée courageusement par Jacques Chirac et poursuivie par Nicolas Sarkozy.
M. Robert del Picchia. Tout à fait !
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Vous devriez tous vous en féliciter sur ces travées, mesdames, messieurs les sénateurs.
Certes, il a fallu passer par la mise en place de radars, mais des milliers de vies humaines ont été épargnés.
J’ai une trop haute idée de vous, madame Didier, pour penser que vous avez vraiment cru à ce que vous avez lu tout à l’heure.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.
M. Jacques Gautier. Il existe une tradition d’engagement dans les auto-écoles dans lesquelles les propriétaires, qui sont eux-mêmes moniteurs, ont acquis un véritable savoir-faire et savent animer des équipes.
Je suis donc en désaccord avec le secrétaire d’État et avec le rapporteur sur cette question. C'est la raison pour laquelle je m’abstiendrai, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Comment peut-on revendiquer à l’échelon gouvernemental une politique qui aurait porté ses fruits en termes de diminution des accidents corporels et, dans le même temps, nier la réalité du fonctionnement d’une auto-école, qui exige de la pédagogie et, le plus souvent, comme vient de le souligner notre collègue Jacques Gautier, la transmission d’un savoir et d’un savoir-faire ?
Monsieur le secrétaire d’État, vous ne pouvez comparer un marmiton qui se trompe dans la composition d’une sauce et un moniteur d’auto-école qui prend place à côté d’un jeune âgé de dix-sept ans se lançant dans la circulation à Paris ou à Toulouse : cela n’a rien à voir !
C’est la raison pour laquelle je souscris aux propos qui ont été tenus par notre collègue Évelyne Didier tout à l’heure.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, pour explication de vote.
M. Claude Biwer. Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, certes, un restaurateur n’est pas forcément cuisinier, mais, derrière la marmite, les clients font la différence : ils peuvent rester ou s’en aller.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Claude Biwer. Dans le domaine éducatif, dont relèvent les auto-écoles, ce n’est pas tout à fait la même chose. Or celles-ci travaillent toujours davantage, ne serait-ce que pour faire repasser le permis de conduire aux personnes auxquelles il a été retiré…
Monsieur le secrétaire d’État, je souscris à vos propos : il est vrai que dès que l’on évoque des radars un peu trop nombreux, il n’est que de mettre en parallèle la liste des morts aujourd'hui et il y a dix ans pour constater une avancée ; nous ne pouvons que vous suivre en ce domaine.
En revanche, je crains personnellement que les « pas-de-porte » des agences d’auto-école ne deviennent à la portée de quiconque et que cela nous prive finalement de véritables éducateurs, de professionnels à même de juger les personnes qu’ils embauchent. Cela me paraît être un non-sens !
Nous avons combattu l’achat de pas-de-porte dans l’agriculture, monsieur Sido, et nous sommes en train d’en faciliter l’instauration pour les auto-écoles, en prenant le risque que les responsables n’aient pas la compétence requise pour exercer ce métier.
Dans ces conditions, je m’abstiendrai.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Dans cette affaire, je crois que la simplicité est de mise. J’ai développé des arguments juridiques, mais je reconnais, monsieur Biwer, que comparaison n’est pas raison : laissons les marmites de côté !
Je voudrais appeler votre attention sur un point, mes chers collègues : l’article 4 devrait s’appliquer à tout au plus 10 % des auto-écoles, la plupart d’entre elles, employant de un à trois professeurs, n’ayant pas les moyens de payer un directeur. Dans ces cas-là, le directeur est un moniteur qui fait les comptes et établit le planning de la journée ou de la semaine.
Les sociétés d’apprentissage de conduite concernées, suffisamment importantes pour justifier l’emploi d’un gérant, sont donc peu nombreuses – j’ai évoqué une fourchette de 10 %, mais c’est peut-être moins, je ne dispose pas d’une réelle estimation.
Dans ces conditions, et pour en revenir à la directive, le fait d’obliger le gérant à posséder la qualification de moniteur d’auto-école – ce qui n’est d’ailleurs pas interdit – pourrait être considéré par Bruxelles comme discriminatoire. C’est aussi simple que cela !
Mme Évelyne Didier. Il suffisait de dire que c’était l’intérêt général !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 et 16.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
I. – Le code de la route est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 326-3 est ainsi rédigé :
« Nul ne peut exercer la profession d’expert en automobile s’il ne figure sur une liste fixée par l’autorité administrative. » ;
2° L’article L. 326-5 du code de la route est ainsi rédigé :
« Art. L. 326-5. – Les conditions d’application des articles L. 326-1 à L. 326-4, et notamment le régime disciplinaire auquel sont soumis les experts automobiles, sont fixées par un décret en Conseil d’État.
« Une commission nationale composée de représentants de l’État, de représentants des professions concernées par l’expertise et l’assurance et de représentants d'associations d'usagers est consultée pour avis par l’autorité administrative qui rend les décisions disciplinaires, selon des modalités prévues par décret. » ;
3° Le 4° de l’article L. 326-6 est remplacé par un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Les conditions dans lesquelles un expert en automobile exerce sa profession ne doivent pas porter atteinte à son indépendance. »
II. – Le I entre en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant la publication de la présente loi. – (Adopté.)
Article 6
I. – Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À l’article L. 5131-1, les mots : « préparation destinée à être mise » sont remplacés par les mots : « mélange destiné à être mis » ;
2° Le 2° de l’article L. 5131-7-1 est ainsi rédigé :
« 2° Les quantités de substances qui entrent dans la composition de ce produit et répondent aux critères d’une des classes ou catégories de danger suivantes, visées à l’annexe I du règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006 :
« a) Les classes de danger 2.1 à 2.4, 2.6 et 2.7, 2.8 types A et B, 2.9, 2.10, 2.12, 2.13 catégories 1 et 2, 2.14 catégories 1 et 2, 2.15 types A à F ;
« b) Les classes de danger 3.1 à 3.6, 3.7 effets néfastes sur la fonction sexuelle et la fertilité ou sur le développement, 3.8 effets autres que des effets narcotiques, 3.9 et 3.10 ;
« c) La classe de danger 4.1 ;
« d) La classe de danger 5.1. » ;
3° L’article L. 5131-7-2 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du a est ainsi rédigée :
« Le cas échéant, les méthodes alternatives validées et adoptées par la Commission européenne sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ; »
b) La seconde phrase du b est ainsi rédigée :
« Le cas échéant, les méthodes alternatives validées et adoptées par la Commission européenne sont fixées par l’arrêté mentionné au a ; »
c) La deuxième phrase du d est ainsi rédigée :
« La ou les méthodes alternatives validées figurent dans le règlement (CE) no 440/2008 de la Commission du 30 mai 2008 établissant des méthodes d’essai conformément au règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) ou dans l’arrêté mentionné aux a et b. »
II. – Le 2° du I entre en vigueur le 1er décembre 2010.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Raoul, Mme Herviaux et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. L’article 6 concerne la transposition de la directive relative aux produits cosmétiques.
Il s’agit de définir le produit cosmétique, d’encadrer l’information figurant sur son étiquette au sujet, notamment, des substances dangereuses qui peuvent entrer dans sa composition et aussi des méthodes d’essai alternatives à l’expérimentation animale.
Ce sont des sujets importants pour l’information du consommateur et, dans une certaine mesure, pour sa sécurité et il est vrai que ces dispositions auraient dû être transposées depuis le mois d’avril de cette année.
Mais nous notons que, depuis l’adoption de cette directive, un règlement relatif aux produits cosmétiques a été adopté le 30 novembre 2009. Or ce règlement refond largement toute la réglementation applicable à ces produits, qu’il s’agisse des conditions de mise sur le marché ou de l’obligation d’information.
Dès lors, quel intérêt y a-t-il à procéder à la transposition de la directive de 2008 sans en profiter pour se mettre en conformité avec le nouveau règlement ?
Un projet de loi spécifique serait, de notre point de vue, nécessaire pour intégrer l’ensemble de la nouvelle réglementation dans le code de la santé publique. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 6, dans l’attente d’une proposition plus complète sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Contrairement à ce qu’indiquent les auteurs de cet amendement, cette adaptation au droit n’est pas effectuée dans la précipitation, dans la mesure où l’échéance de transposition de cette directive « transversale » était fixée au 1er avril dernier.
Or seules les dispositions visées par l’article 6 et qui concernent plus spécifiquement les produits cosmétiques n’ont pas encore fait l’objet d’une transposition en droit interne.
Par ailleurs, ces dispositions constituent un préalable indispensable à une réforme d’ensemble de la réglementation applicable en matière de produits cosmétiques, afin d’adapter celle-ci au droit communautaire, notamment à un règlement du 30 novembre 2009 dont certaines mesures seront applicables en 2013, d’autres au 1er décembre 2010 auxquelles sont d'ailleurs reliées les dispositions transposées dans le présent article.
Il est ainsi non seulement urgent et obligatoire, sous peine de sanctions financières – peut-on se le permettre ? –, mais également nécessaire, afin de pouvoir réformer de manière plus globale la réglementation relative aux produits cosmétiques, d’adopter le présent article.
Je suis donc tout à fait défavorable à cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Pour les raisons qui ont été évoquées par M. le rapporteur, je suis défavorable à cet amendement. Nous avons l’occasion de combler un retard de transposition.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Titre III
DISPOSITIONS RELATIVES AUX TRANSPORTS
Article 7
Le chapitre VIII du titre Ier du code de la voirie routière est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Sécurité des ouvrages et des infrastructures » ;
2° Il est inséré une section 1 intitulée « Sécurité des ouvrages du réseau routier dont l’exploitation présente des risques particuliers pour la sécurité des personnes », et comprenant les articles L. 118-1 à L. 118-5 ;
3° Il est ajouté une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Gestion de la sécurité des infrastructures routières
« Art. L. 118-6. – Sur les infrastructures routières constituant le réseau routier d’importance européenne, dont la composition est fixée par décret, à l’exclusion des ouvrages routiers visés à la section 1, l’autorité gestionnaire ou son concessionnaire effectue périodiquement un recensement du réseau et une classification de sa sécurité, à partir notamment des sections à forte concentration d’accidents, ainsi que des inspections de sécurité destinées à prévenir les accidents. Ils mettent en œuvre les mesures correctives en résultant.
« Pour les projets d’infrastructures routières devant appartenir au réseau routier d’importance européenne mentionné au premier alinéa, l’autorité maître d’ouvrage, ou son concessionnaire, réalise une évaluation des incidences du projet sur la sécurité routière ainsi que des audits de sécurité.
« Un décret fixe les conditions d’application du présent article et notamment le contenu et le moment où sont réalisées les procédures prévues aux alinéas précédents.
« Art. L. 118-7. – Les auditeurs de sécurité routière, assurant les audits de sécurité des infrastructures routières prévus à l’article L. 118-6, sont titulaires d’un certificat d’aptitude obtenu dans un des États membres de l’Union européenne, sanctionnant une formation initiale ou une expérience professionnelle et suivent régulièrement des sessions de perfectionnement.
« Les conditions de reconnaissance des certificats d’aptitude délivrés avant l’entrée en vigueur de la loi n°…du … portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire et par les États-membres de l’Union européenne sont définies par décret en Conseil d’État. »
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Raoul, Mme Herviaux et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Il s’agit en fait ici d’un appel de principe à des méthodes plus raisonnables.
Si l’article 7 ne pose a priori pas de problème sur le fond, la seule chose qui serait de nature à nous inquiéter figure à la toute fin de ce texte : il s’agit des conditions d’aptitude pour accéder à la profession d’expert en sécurité pouvant exercer dans le cadre des évaluations de sécurité des infrastructures. On revient dans une certaine mesure à la question des compétences requises pour exercer une profession évoquée précédemment.
Ces conditions ayant vocation à être définies par décret, nous souhaitions signifier que, en l’espèce, il n’y avait pas lieu d’attendre ce jour, les parlementaires ayant eu très largement l’occasion d’aborder, au cours des deux dernières sessions, les questions de transport. Je pense en particulier à la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports, ainsi qu’aux lois dites « Grenelle I » et « Grenelle II », à l’élaboration desquelles mon collègue Michel Teston, en particulier, a grandement contribué.
Cela étant dit, monsieur le président, compte tenu de l’heure tardive, nous retirons cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 18 est retiré.
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article additionnel après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Grignon et Nègre, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code des transports, dans la rédaction résultant de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports, est ainsi modifié :
1° Aux articles L. 3113-1 et L. 3211-1, après les mots : « à des conditions », sont insérés les mots : « d'établissement, » ;
2° Après l'article L. 3113-1, il est inséré un article L. 3113-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 3113-2 - Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du règlement (CE) n° 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route, et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil.
« Il fixe notamment :
« a) La liste des personnes de l'entreprise, dirigeants et gestionnaire de transport, devant satisfaire à cette condition ;
« b) La liste des infractions qui font perdre l'honorabilité professionnelle ;
« c) Les modalités selon lesquelles les autorités compétentes se prononcent sur la réhabilitation de l'entreprise et des dirigeants qui ne satisfont plus la condition d'honorabilité professionnelle et sur la réhabilitation du gestionnaire de transport qui a été déclaré inapte à gérer les activités de transport d'une entreprise ;
« d) Les modalités selon lesquelles les autorités compétentes informent un État membre de la situation, au regard de la condition d'honorabilité professionnelle, d'un gestionnaire de transport résidant ou ayant résidé en France ;
« e) Les modalités selon lesquelles les autorités compétentes se prononcent sur la situation, au regard du respect de la condition d'honorabilité professionnelle, de l'entreprise de transport ou du gestionnaire de transport qui a fait l'objet, hors de France, d'une condamnation pénale grave au sens du règlement précité ou d'une sanction pour les infractions les plus graves aux réglementations communautaires mentionnées par ce règlement. »
3° Après l'article L. 3211-1, il est inséré un article L. 3211-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 3211-2 - Le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 3113-2 détermine les conditions d'application du règlement (CE) n° 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route, et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil.
4° L'article L. 3452-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3452-5 - Les modalités selon lesquelles, en application du règlement (CE) n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l'accès au marché du transport international de marchandises par route et du règlement (CE) n° 1073/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l'accès au marché international des services de transport par autocars et autobus, et modifiant le règlement (CE) n° 561/2006, les autorités compétentes sanctionnent les transporteurs établis en France qui ont commis des infractions graves à la législation communautaire dans le domaine des transports par route sont fixées par le décret prévu à l'article L. 3452-5-2. »
5° Après l'article L. 3452-5, sont insérés deux articles ainsi rédigés :
« Art. L. 3452-5-1 - Les modalités selon lesquelles, en application des règlements cités à l'article L. 3452-5, un transporteur non résident qui a commis en France, à l'occasion d'un transport de cabotage, une infraction grave à ces règlements ou à la législation communautaire dans le domaine des transports routiers, peut faire l'objet d'une interdiction temporaire de cabotage sur le territoire français, sont fixées par le décret prévu à l'article L. 3452-5-2.
« Art. L. 3452-5-2 - Les modalités d'application de la présente section, notamment celles concernant la publication de la sanction administrative et l'interdiction temporaire de cabotage, sont fixées par décret en Conseil d'État. Ce décret fixe la liste des infractions mentionnées à l'article L. 3452-2. »
La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Monsieur le rapporteur, sans vouloir empiéter sur votre domaine de compétence, j’ose dire que cet amendement a fait l’unanimité au sein de la commission. (Sourires.)
Il a pour objet d’adapter notre droit national, et plus précisément le nouveau code des transports, avec les dispositions du « paquet routier » européen composé de trois règlements du 21 octobre 2009 relatifs à l’exercice de la profession de transporteur et à l’accès au marché du transport.
En tant que rapporteur de la loi du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports, dite « loi ORTF », j’avais justement veillé à encadrer le cabotage routier de marchandises, afin de mettre en place une concurrence saine et loyale entre les entreprises étrangères et françaises de transport routier.
Tout l’intérêt de l’amendement que je vous propose, mes chers collègues, est de donner la possibilité à l’administration d’interdire temporairement aux entreprises étrangères de pratiquer du cabotage dans notre pays lorsqu’elles ont commis, à l’occasion d’un transport de cabotage, une infraction grave aux trois règlements susvisés ou à la législation communautaire dans le domaine des transports routiers.
C’est donc une mesure de bon sens qui devrait rassurer les entreprises de transport routier françaises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit bien du « paquet routier », dont la transposition doit intervenir avant le 4 décembre 2011.
L’auteur de cet amendement l’a tellement bien exposé – il a d’ailleurs d’ores et déjà indiqué que la commission y était tout à fait favorable – que je n’insisterai pas davantage. Il me semble simplement important de souligner que le « paquet routier » définit la condition d’honorabilité d’une profession.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Le Gouvernement est également tout à fait favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Après mûre réflexion, et au risque de surprendre, nous allons nous abstenir.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.
Article 8
Le III de l’article L. 141-1 du code de la consommation est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Du 1 de l’article 8 du règlement (CE) n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires, et du 3 du même article pour ce qui concerne son application aux dispositions du 1 précité. »
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Raoul, Mme Herviaux et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Je vous avoue que je m’attendais à une attaque en règle concernant la transposition par ordonnances engagée à l’époque par le Gouvernement Jospin. (Sourires.)
J’évoque ces faits en présence du président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet, pour souligner qu’il existe véritablement un problème de transposition des directives dans notre pays. Le Parlement est complètement démuni, et ce quelle que soit la couleur politique du Gouvernement.
Il faudrait en particulier que la commission des affaires européennes réfléchisse à une méthode qui permette au Parlement de transposer plus rapidement les directives, soit en adoptant des résolutions en amont, soit en organisant un débat ultérieurement.
Cela étant dit, monsieur le président, je retire l’amendement n° 19.
M. le président. L’amendement n° 19 est retiré.
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9 (nouveau)
I. – Dans les conditions et sous réserve des exceptions prévues par décret en Conseil d'État, la personne à laquelle ont été confiées, par acte unilatéral ou par contrat, la gestion et l’exploitation d’un service public de transport de personnes tient compte, lorsqu'elle achète pour l'exécution de ce service un véhicule à moteur au sens de l'article L. 110-1 du code de la route, des incidences énergétiques et environnementales de ce véhicule sur toute sa durée de vie.
Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’écologie et de l’économie détermine les incidences énergétiques et environnementales liées à l’utilisation du véhicule qu’il convient de prendre en compte, ainsi que la méthodologie à appliquer s'il est envisagé de traduire ces incidences en valeur monétaire.
II. – Après l’article 37 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, il est inséré un article 37-1 ainsi rédigé :
« Art. 37-1. – Dans les conditions et sous réserve des exceptions prévues par décret en Conseil d'État, lorsqu’ils achètent un véhicule à moteur au sens de l’article L. 110-1 du code de la route, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices tiennent compte des incidences énergétiques et environnementales de ce véhicule sur toute sa durée de vie.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’écologie et de l’économie détermine les incidences énergétiques et environnementales liées à l’utilisation du véhicule qu’il convient de prendre en compte, ainsi que la méthodologie à appliquer s'il est envisagé de traduire ces incidences en valeur monétaire. »
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l’article.
Mme Évelyne Didier. Cet article vise à transposer la directive 2009/33/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie et moins émetteurs de CO2 et de polluants.
Il a été introduit lors de l’examen de la présente proposition de loi par la commission à la suite de l’adoption d’un amendement gouvernemental. Nous n’y sommes pas opposés. En effet, la directive impose que des critères énergétiques et environnementaux soient simultanément pris en compte lors des achats de matériels destinés à fournir le service de transport de voyageurs et effectués par les autorités adjudicatrices soumises soit au code des marchés publics, soit à l’ordonnance du 6 juin 2005, ou par les délégataires de service public.
Cependant, nous considérons que cette disposition aura du mal à franchir le cap de la déclaration d’intention. En effet, la seule exigence de la directive concerne le principe général de prise en compte de ces critères et non le choix final des modalités de prise en considération des critères environnementaux, choix qui reste à la discrétion des acheteurs publics.
De plus, si nous estimons nécessaire de retenir des critères environnementaux, nous pensons également que les autorités organisatrices, lorsqu’elles choisissent le prestataire de service public de transport, devraient aussi se référer à des critères sociaux. C’est d’ailleurs le sens de l’article 12 de la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Nous pourrions en effet apporter une réponse plus pertinente en la matière.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par MM. Ries et Raoul, Mme Herviaux et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. L’article 9 vise à transposer la directive européenne du 23 avril 2009 relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie. Je me félicite, en tant que président du Groupement des autorités responsables de transport de cette directive, qui impose désormais aux acheteurs publics et privés de prendre en compte les incidences environnementales dans le processus d’achat de nouveaux véhicules.
En outre, le texte fournit de véritables clés en matière d’aide à la décision pour choisir un véhicule économe. Les acheteurs devront en effet prendre en compte trois critères : la consommation d’énergie, les émissions de dioxyde de carbone et les émissions de polluants et de particules.
En revanche, je déplore une nouvelle fois la méthode utilisée par le Gouvernement qui consiste à transposer la directive quinze jours avant la date limite établie par la Commission européenne. Effectivement, les obligations prévues par le texte qui impliquent une modification du code des marchés publics s’imposent aux États membres à compter du 4 décembre 2010. Or, à défaut de transposition, une procédure de recours en manquement pourrait être engagée à l’encontre de l’État français. De plus, tout contrat lancé à partir du 5 décembre qui ne prendrait pas en considération ces obligations pourrait être annulé par le juge.
Je déplore plus encore, monsieur le secrétaire d’État, que les instances communautaires aient opté pour une directive. À la différence d’un règlement, qui vise à assurer l’application uniforme du droit communautaire dans tous les États membres, une directive fixe uniquement des objectifs à atteindre et délègue le choix des solutions aux États membres. Il appartient donc à ces derniers de décider s’ils souhaitent se donner les moyens de faire respecter le principe retenu ou se contenter de le traduire en droit national.
Je regrette que le gouvernement français abandonne, de fait, la priorité écologique du Grenelle de l’environnement et se prive des moyens d’inciter concrètement les délégataires d’une mission de transport public à acheter des véhicules moins polluants. Sensibiliser, c’est bien ; laisser la responsabilité et la charge financière aux autorités organisatrices l’est moins. En l’espèce, la sensibilisation me semble être insuffisante face à l’investissement supplémentaire que représentent de tels véhicules.
Pour ma part, j’aurais été favorable à l’incitation, c’est-à-dire au partage de la charge entre l’État et les autorités organisatrices, sous la forme soit d’une aide financière destinée à compenser, au moins partiellement, les surcoûts liés au choix de véhicules propres, soit d’une facilité fiscale donnée aux autorités organisatrices qui choisiraient d’acheter des véhicules de cette nature. Tel n’est malheureusement pas l’option retenue par les auteurs de la présente proposition de loi. Nous le regrettons profondément. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression et voterons contre l’article 9.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet article a été introduit lors des travaux de la commission sur mon initiative. Il vise à transposer la directive du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie. Les enjeux sont importants, en termes tant de développement durable que d’avenir du secteur des transports.
C’est pourquoi l’article 9 tend à instituer cette nouvelle obligation à l’égard de l’ensemble des acteurs concernés par de tels achats, qu’ils soient délégataires de service public, soumis à l’ordonnance du 6 juin 2005 ou au code des marchés publics. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour des raisons identiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. J’interviens en cet instant en ma qualité de président d’une régie départementale des transports. Les obligations susvisées accentuent la pénalisation financière des collectivités locales qui doivent déjà assumer le financement des équipements scolaires et de ceux qui sont destinés aux personnes à mobilité réduite. Nous sommes ici dans le registre de la triple peine !
En tant que vice-président d’un conseil général, il me paraît un peu léger, si je puis dire, de lever la main pour apparaître comme les premiers de la classe, tout en laissant les collectivités locales se débrouiller pour financer les frais inhérents à l’application d’une telle mesure. Compte tenu des engagements financiers de celles-ci en matière de transport, c’est presque une provocation !
M. le président. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10 (nouveau)
Le code de l'aviation civile est ainsi modifié :
1° Le 1° de l'article L. 421-4 est complété par les mots : « ou ressortissant d'un autre État membre de l'Union européenne, d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou à tout accord ayant la même portée » ;
2° À l'article L. 421-5, les mots : « qui n'ont pas la nationalité française » sont remplacés par les mots : « autres que celles mentionnées au 1° de l'article L. 421-4 » ;
3° L'article L. 421-6 est ainsi rétabli :
« Art. L. 421-6. – Le personnel navigant prestataire de services de transport ou de travail aériens établi dans un État communautaire autre que la France ou dans un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou aux accords bilatéraux passés par la Communauté européenne avec la Suisse, ainsi que le personnel navigant salarié d'un prestataire de services de transport ou de travail aériens établi dans l'un des États précités, qui exercent temporairement leur activité en France n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 421-3. » ;
4° L'article L. 421-8 est abrogé ;
5° Au premier alinéa de l'article L. 426-1, les mots : « inscrit sur les registres prévus à l'article L. 421-3 du présent code » sont remplacés par les mots : «, nonobstant les dispositions de l'article L. 421-3 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam et Mmes Schurch et Terrade.
L'amendement n° 21 est présenté par M. Raoul, Mme Herviaux et les membres du groupe Socialiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 10.
Mme Évelyne Didier. L’article 10, inséré dans la proposition de loi lors des travaux de la commission, est, en réalité, issu de la proposition de loi relative à la simplification du droit déjà examinée par la commission.
Il dispose que l’inscription dans les registres du personnel navigant de l’aéronautique civil n’est pas réservée aux ressortissants français ; elle est ouverte aux autres ressortissants européens.
De plus, cette inscription ne serait obligatoire ni pour le personnel navigant prestataire de services de transport ou de travail aériens établi dans un pays de l’Union européenne autre que la France, dans un pays de l’Espace économique européen ou en Suisse ni pour le personnel navigant salarié d’un prestataire de services de transport ou de travail aériens établi dans l’un de ces États. Le champ d’application de l’article 10 est donc très large
Comme vous le savez, mes chers collègues, la loi du 4 avril 1953 portant statut du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile impose cette inscription et exige des personnels des conditions de nationalité, d’honorabilité et, surtout, d’aptitude, à savoir « être titulaire des brevets ou certificats déterminés par décret et d’une licence en état de validité ». Il s’agit donc non pas d’une simple formalité, mais de l’exigence d’apporter les garanties nécessaires à l’exercice rigoureux des activités concernées.
Ainsi, s’agissant du personnel navigant commercial, les documents en question sont constitués d’un certificat de formation à la sécurité et d’une licence d’aptitude physique et mentale. Comme le dénonce très justement le personnel navigant commercial, « cette inscription au registre constitue le socle du statut de personnel navigant et toute remise en cause totale ou partielle de celle-ci n’est pas sans effet et fragilisera le certificat de formation à la sécurité, l’aptitude médicale ainsi que la pérennité du régime de retraite des navigants ».
Notons également que la dispense d’inscription au registre est maintenue pour le personnel exerçant son activité temporairement en France. Or l’expérience montre que, en raison de la multiplication des contrats précaires, le temporaire peut durer longtemps.
L’amendement n° 10 tend donc à supprimer l’article 10, qui, en réalité, va, une fois de plus, bien au-delà des exigences communautaires résultant de la directive n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006.
En effet, la législation actuelle n’entrave pas l’emploi, en France, de ressortissants de la communauté européenne ni celui de personnes de pays tiers. L’article 10 présente le risque majeur d’encourager les compagnies françaises à recruter en dehors de notre territoire, notamment dans des pays où les contraintes en termes de qualification et d’aptitude médicale seront moindres, voire inexistantes.
Enfin, en plus des effets sur le statut des personnels et de l’harmonisation sociale par le bas qu’il engendre, nous considérons que cet article entraîne des conséquences graves sur la sécurité à bord, en raison de la coexistence de personnels navigants aux formations et aux compétences diverses.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons de voter l’amendement n° 10.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour présenter l'amendement n° 21.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je ne reviendrai pas sur l’argumentation développée par Mme Didier que j’approuve. Démonstration vient d’être faite que l’article 10, tel qu’il est rédigé, est largement contestable.
Monsieur le président, à l’occasion de la présentation de l’amendement n° 21, j’évoquerai également l’amendement suivant, de la commission.
Quelle mouche a bien pu piquer M. le rapporteur pour en rajouter ainsi ? Et il n’a pas lésiné sur les moyens…
M. Robert del Picchia. Il est généreux !
M. Jean-Jacques Mirassou. Dans l’amendement n° 28, par un coup de baguette magique, au code de l’aviation civile, il substitue le code des transports. Ce faisant, il crée les confusions évoquées par Mme Didier liées au mélange des genres au niveau du personnel navigant technique entre les pilotes eux-mêmes et le reste des équipages, et à la remise en cause des limites d’âge pour pouvoir accéder au pilotage d’un avion.
De surcroît, cette substitution s’est faite sans le début d’un commencement de concertation avec le personnel concerné.
L’amendement de la commission est largement contestable, parce qu’il aggrave encore la situation. En faisant disparaître la référence à l’aviation civile, il remet en cause la spécificité du transport aérien, ce qui comporte un certain danger.
C’est donc avec la plus grande fermeté que nous condamnons l’article 10, dont nous demandons le retrait, et, à plus forte raison, l’amendement n° 28, qui aggrave encore son contenu.
Faut-il rappeler que les dérives évoquées sont relayées par la presse ? Ainsi certains PDG de compagnies low cost veulent faire travailler les pilotes au-delà de 60 ans ; l’un d’entre eux veut même supprimer la présence d’un copilote dans les cockpits !
Le danger est donc bien réel et supérieur à celui que nous avons évoqué précédemment à propos des auto-écoles. Tout d’abord, le nombre de passagers à bord d’un avion est très élevé. Par ailleurs, cet appareil est bien plus dur à manœuvrer qu’une voiture.
Quoi qu’il en soit, j’attends avec impatience de connaître la position de la commission et du Gouvernement, qui ont cependant très peu de chance de nous convaincre.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Raoul. M. le rapporteur va avoir du mal à se justifier !
M. Bruno Sido, rapporteur. Monsieur Mirassou, vous avez parlé davantage de l’amendement de la commission que de celui du groupe socialiste !
M. Robert del Picchia. C’est vrai !
M. Daniel Raoul. C’est un tout !
M. Bruno Sido, rapporteur. C’est un tout, certes, mais il faut avancer dans la discussion pas à pas et très tranquillement.
Concernant les deux amendements de suppression, l’article 10 a été inséré par la commission et reprend les dispositions de l’article 10 de la proposition de loi de simplification et d’amélioration du droit, dite « Warsmann ».
La commission ne peut donc émettre qu’un avis défavorable, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, cet article se contente de transposer la directive Services, dont l’échéance de transposition a été fixée au 28 décembre 2009.
Par ailleurs, sur le fond, il assouplit les conditions d’inscription du personnel navigant sur les registres de l’aviation civile en supprimant, par exemple, la condition de nationalité française, comme c’est déjà le cas dans toutes les autres professions. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Daniel Raoul. Cela, nous ne l’avons pas contesté !
M. Bruno Sido, rapporteur. Dont acte !
En revanche, cet article ne remet pas du tout en cause les dispositions applicables à ce type de personnel, notamment celles qui concernent le droit du travail. Comprenez-le bien, mes chers collègues.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. La directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur établit un cadre juridique général pour tout service fourni contre rémunération économique. Elle a vocation à s’appliquer à tous les services qui ne sont pas explicitement exclus de son champ d’application.
L’activité de personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile ne figure pas dans les secteurs écartés. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 10 et 21.
Madame Didier, je vous le dis avec le sourire, je viens d’une assemblée où j’ai entendu pendant des années le parti communiste expliquer qu’il fallait supprimer toute condition de nationalité pour certains emplois…
M. Bruno Sido, rapporteur. C’est l’Internationale !
M. Daniel Raoul. Monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas cela qui est en cause !
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Or si j’ai bien entendu, vous nous avez expliqué qu’en supprimant toute condition de nationalité nous allions recueillir du personnel mal formé.
Mme Évelyne Didier. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. J’avoue que j’ai du mal à saisir la cohérence de vos propos. Je suis peut-être fatigué…(Sourires)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le secrétaire d’État, vous n’arriverez pas à vous en sortir en nous expliquant qu’il s’agit d’une application mécanique d’une directive européenne, comme si les activités de transport aérien étaient parfaitement banales, sans risque.
Si ce type d’activités n’entre pas dans la catégorie de celles qui bénéficient d’un statut particulier au regard de la directive Services, je le regrette, mais la dangerosité et les risques liés au transport aéronautique n’en seront pas diminués pour autant.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 21.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
Le code de l'aviation civile
par les mots :
Le code des transports, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports,
II. - Alinéas 2, 3 et 6
Supprimer ces alinéas.
III. - Alinéas 4 et 5
Rédiger ainsi ces alinéas :
3° L'article L. 6521-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le personnel navigant prestataire de services de transport ou de travail aériens établi dans un État communautaire autre que la France ou dans un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou aux accords bilatéraux passés par la Communauté européenne avec la Suisse, ainsi que le personnel navigant salarié d'un prestataire de services de transport ou de travail aériens établi dans l'un des États précités, qui exercent temporairement leur activité en France, n'entrent pas dans le champ d'application du présent article. »
IV. - Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
5° Au premier alinéa de l'article L. 6527-1, les mots : « inscrit sur les registres prévus par l'article L. 6521-3 » sont remplacés par les mots : «, nonobstant les dispositions du 2° de l'article L. 6521-2 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Raoul. Il ose !
M. Bruno Sido, rapporteur. Aucune mouche ne m’a piqué, monsieur Mirassou ! (Sourires.)
À vrai dire, quand on se donne la peine d’examiner l’amendement qui est proposé, on voit qu’il s’agit tout simplement d’un amendement de coordination et non de transposition du code des transports !
Je donnerai quelques explications, qui semblent nécessaires, sur son contenu.
La condition de nationalité disparaît du code des transports pour l’accès à la qualité de personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile, ce qui justifie la suppression des alinéas 2, 3 et 6 de l’article 10.
Il est proposé, aux alinéas 4 et 5, de transférer les dispositions qui devaient figurer dans l’article L. 421-6 du code de l’aviation civile au nouvel article L. 6521-2 du code des transports.
Au dernier alinéa de l’article 10, la référence à l’article L. 421-3 du code de l’aviation civile, qui concerne l’obligation d’inscription sur le registre de l’aviation civile, doit tout simplement être remplacée par une référence au 2° du nouvel article L. 6521-2 du code des transports.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Bruno Sido, rapporteur. Aujourd’hui, c’est le code de l’aviation civile qui s’applique et le code des transports, de niveau réglementaire, puisqu’il n’a pas encore été transposé, ne s’appliquera que le 1er décembre. Nous prenons quinze jours d’avance, c’est tout !
M. Robert del Picchia. Pour une fois !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Monsieur le président, il s’agit simplement d’un amendement de coordination qui ne mérite ni excès d’honneur ni excès d’indignité. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le rapporteur, vous n’êtes pas parvenu à nous convaincre en nous expliquant que l’amendement n° 28 avait pour objet d’éclairer le jeu.
Je le répète solennellement : les activités aériennes justifient un traitement spécifique, parce qu’elles comportent une dangerosité, nécessitent la formation du personnel navigant, etc. Par conséquent, le code de l’aviation civile devrait être très prégnant dans le texte dont nous discutons. Or il ne l’est pas, ou il ne l’est plus.
Vous allez peut-être gagner du temps, mais il est certain que vous récolterez le mécontentement des personnes transportées et de ceux qui les transportent.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11 (nouveau)
Le I de l'article L. 213-3 du code de l'aviation civile est ainsi rédigé :
« I. – Les exploitants d'aérodromes civils et les gestionnaires des zones civiles des aérodromes ouverts au trafic aérien commercial dont le ministère de la défense est affectataire principal sont tenus d'assurer, sous l'autorité du titulaire des pouvoirs de police mentionné à l'article L. 213-2, le sauvetage et la lutte contre les incendies d'aéronefs, ainsi que la prévention du péril animalier. Ils peuvent, en tout ou partie, confier par voie de convention, à l'autorité militaire, au service départemental d'incendie et de secours ou à tout autre organisme l'exécution de ces missions. Les modalités d'exercice des missions mentionnées au présent alinéa ainsi que les contrôles auxquels sont soumis ces organismes sont précisés par décret. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam et Mmes Schurch et Terrade.
L'amendement n° 22 est présenté par M. Raoul, Mme Herviaux et les membres du groupe Socialiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 12.
Mme Évelyne Didier. Avant de défendre cet amendement, je voudrais m’adresser à M. le secrétaire d’État pour lui confirmer que, au parti communiste, nous avons toujours défendu les formations professionnelles qualifiantes et la qualité du travail. Nos positions sur ce point n’ont pas changé.
M. Daniel Raoul. Bonne remarque, madame Didier !
Mme Évelyne Didier. J’en viens à l’article 11, que nous proposons de supprimer.
Une fois encore, cet article est un ajout de la commission et reprend l’article 38 de la proposition de loi Warsmann.
Sur le fond, ses dispositions ne nous étonnent pas. Ainsi, l’externalisation et donc, le plus souvent, la privatisation des missions de sécurité sur les aérodromes ne sont vraiment pas une nouveauté.
M. Daniel Raoul. Non, effectivement !
Mme Évelyne Didier. L’article 11 s’inscrit dans ce mouvement.
Le code de l’aviation civile confie aux exploitants d’aérodrome civil la responsabilité des missions de sauvetage et de lutte contre les incendies d’aéronefs et de prévention du péril animalier.
Ces derniers peuvent déléguer l’exécution de ces missions, par voie de convention, au service départemental d’incendie et de secours, à l’autorité militaire ou à un organisme agréé.
Le présent article, sous couvert de simplification, supprime l’agrément étatique et renvoie à un décret pour procéder à un encadrement général des organismes.
S’agissant du péril aviaire, dénommé, dans ce texte, « péril animalier », notons que sa définition englobe un champ plus large puisqu’il s’agit de prévenir et d’empêcher toute collision entre un avion et un animal, oiseau ou mammifère.
Aujourd’hui, sept cents collisions avec des oiseaux sont enregistrées en France chaque année par la Direction générale de l’aviation civile, la DGAC. À peu près 15 % d’entre elles sont classées « significatives », c’est-à-dire qu’elles donnent lieu à des retards de trafic ou à des dommages de toute nature ; radômes et bords d’attaque des ailes enfoncés, antennes arrachées, verrières opacifiées, voire moteur endommagé.
Nous considérons que, au regard des enjeux de sécurité, il n’est pas raisonnable de supprimer l’agrément des organismes susceptibles de se voir déléguer les missions de prévention du péril aviaire et de lutte contre les incendies. Ce type de mission ne peut être rempli par n’importe qui.
Cela dit, je rappelle que les sénateurs du groupe CRC-SPG sont opposés à de telles délégations. En effet, les hommes et les femmes qui assurent ces prestations sont des employés d’entreprises privées comme Alyzia sûreté, Brink’s, Group 4 Securicor, etc. Ces sociétés se partagent actuellement les principaux marchés de sûreté aéroportuaire français qui sont distribués par les gestionnaires d’aéroport.
La sûreté aéroportuaire est une activité de service ; une activité uniquement de main-d’œuvre, pour être précise. Par conséquent, les seuls moyens pour ces entreprises de dégager du bénéfice sont, premièrement, d’effectuer les prestations exigées par le donneur d’ordres avec le moins de personnel possible, deuxièmement, de rogner le plus possible sur la formation des personnels et, troisièmement, de maintenir l’ensemble des rémunérations au niveau le plus bas.
À titre d’exemple, les syndicats patronaux des entreprises de sûreté et de sécurité ont gelé les salaires depuis le 1er juillet 2005.
Avec le présent article, on franchit encore un cap dans le désengagement de la puissance publique de missions qui devraient, selon nous, lui revenir. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à voter notre amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 22.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, je serai bref, car tout a été dit.
L’article 11 nous semble être la porte ouverte à une nouvelle vague de privatisation des activités liées à la sécurité des aérodromes qui, en plus d’être opérée en catimini, finit de dépecer ce qui reste de services compétents dans le domaine des secteurs d’intervention qui permettent de développer de réelles compétences d’expertise.
C’est la raison pour laquelle, une fois encore, nous nous opposons à l’adoption d’une telle réforme.
M. Jean-Jacques Mirassou. Bien dit, monsieur Courteau !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Ah ! Suspense !
M. Daniel Raoul. Un geste, monsieur le rapporteur !
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit de supprimer une procédure d’agrément administratif accordé par l’État qui constitue une formalité inutile. Cette suppression n’a aucun impact sur la sécurité : les organismes chargés de la lutte contre les incendies seront toujours soumis à des contrôles, comme l’a prévu la commission. Le préfet demeure responsable de la sécurité. Il convient plutôt de s’intéresser à celui qui organise, qui met en œuvre la sécurité.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être exposées par le rapporteur, le Gouvernement est défavorable à ces amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 22.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
Le I de l'article L. 213-3 du code de l'aviation civile
par les mots :
L'article L. 6332-3 du code des transports, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports,
II. - Alinéa 2, première phrase
Remplacer la référence :
L. 213-2
par la référence :
L. 6332-2
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le code des transports dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 28 octobre 2010, code qui entrera en vigueur le 1er décembre prochain.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 11
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance les dispositions législatives nécessaires, dans le domaine de la sûreté, à la simplification du droit de l'aviation civile et à son adaptation au règlement (CE) n° 300/2008 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2008 relatif à l'instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile et abrogeant le règlement (CE) n° 2320/2002 et aux textes pris pour son application.
L'ordonnance est prise dans un délai de dix-huit mois suivant la publication de la présente loi.
Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans le délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Cet amendement tend à autoriser le Gouvernement à adapter le droit de l’aviation civile par ordonnance afin de mettre en cohérence les dispositions nationales relatives à la sûreté du transport aérien avec le nouveau règlement (CE) n° 300/2008 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2008 relatif à l’instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile et abrogeant le règlement (CE) n° 2320/2002 dont les dispositions sont applicables depuis le 30 avril 2010, ainsi qu’avec les textes pris pour son application.
Comme précédemment, nous pourrons combler le retard de la France en matière de transposition grâce à la présente proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Monsieur le président, cette habilitation a déjà été votée par la commission de l’économie.
Toutefois, l’adaptation du droit national au règlement européen est nécessaire afin de simplifier et de clarifier le droit applicable pour l’ensemble des opérateurs.
La commission émet donc un avis favorable sur cette demande d’habilitation.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Pourquoi habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance sur un sujet à propos duquel il entend alléger les contraintes du droit français pesant sur les entreprises ? Si la crise impose l’urgence, pourquoi le Gouvernement n’est-il pas en mesure de déposer, dans les trois mois qui viennent, un projet de loi comportant des dispositions claires et précises, plutôt que de se laisser dix-huit mois pour agir ? Expliquez-nous, monsieur le secrétaire d’État ! Nous ne demandons pas mieux que de comprendre !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je vous rappelle que notre pays accuse un retard permanent en matière de transposition. Nous aurions dû être en conformité avec la législation européenne depuis le mois d’avril dernier. Proposer, ainsi que vous le faites, un délai de dix-huit mois ne me paraît franchement pas aller dans la bonne direction. Cette proposition de loi est le bon véhicule : elle nous permet d’agir tout de suite.
M. Roland Courteau. Vous ne m’avez pas compris, monsieur le secrétaire d'État !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le secrétaire d'État, il y a un malentendu : Roland Courteau n’a jamais réclamé un délai de dix-huit mois.
Je ne peux m’empêcher de penser que vous voulez, en quelque sorte, expédier ce texte à toute vitesse. Vous cherchez à nous intoxiquer : nous parlons d’aviation civile, mais nous sommes bien loin des avions à hélice ! Vous brûlez les étapes, avez tendance à accélérer et à passer le mur du son pour évacuer une discussion qui n’aurait pas pris dix-huit mois mais qui aurait permis d’apporter les éclaircissements nécessaires. Chacun y aurait trouvé son compte, Gouvernement comme Parlement. Vous ne voulez pas qu’il en soit ainsi. Par conséquent, nous ne voterons pas cet amendement.
M. Roland Courteau. Voilà ce que j’ai dit !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 11.
L'amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre, par voie d'ordonnances, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi :
1° Les dispositions législatives nécessaires à la transposition des directives communautaires suivantes :
a) Directive 2009/15/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 établissant des règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes ;
b) Directive 2009/16/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative au contrôle par l'État du port ;
c) Directive 2009/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiant la directive 2002/59/CE relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'information ;
d) Directive 2009/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes, modifiant la directive 1999/35/CE du Conseil et la directive 2002/59/CE du Parlement européen et du Conseil ;
e) Directive 2009/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à l'assurance des propriétaires de navires pour les créances maritimes ;
2° Les mesures d'adaptation de la législation liées à ces transpositions, et notamment les dispositions législatives nécessaires à l'établissement d'un système de sanctions pénales et administratives proportionnées, efficaces et dissuasives, notamment en ce qui concerne la sécurité des navires et la sécurité de la navigation maritime, y compris en ce qui concerne la protection des établissements de signalisation maritime ;
3° Les dispositions requises pour l'application du règlement CE n° 392/2009 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d'accident ainsi que les mesures d'adaptation de la législation liée à cette application ;
4° Les mesures d'adaptation de la législation française aux évolutions du droit international en matière de sécurité et de sûreté maritimes, de prévention de la pollution et de protection de l'environnement, ainsi qu'en matière de conditions de vie et de travail à bord des navires, y compris les mesures de mise en œuvre de la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute (convention « Hydrocarbures de soute »), adoptée à Londres le 23 mars 2001 et ratifiée par la France ;
5° Les mesures nécessaires pour :
a) Adapter aux caractéristiques et contraintes particulières des départements et régions d'outre-mer, les dispositions prises par ordonnances en application du présent article ;
b) Étendre, avec les adaptations nécessaires, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis et Futuna, aux Terres australes et antarctiques françaises, à Mayotte, à Saint-Pierre et Miquelon, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, les dispositions prises par ordonnances en application du présent article, sous réserve des compétences dévolues à ces collectivités.
II. - Le projet de loi de ratification de ces ordonnances est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de leur publication.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Cet amendement a pour objet d'habiliter, une fois de plus, le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnances les mesures nécessaires à la transposition du troisième paquet législatif communautaire sur la sécurité maritime, dit « paquet Erika III », ainsi que les mesures issues du droit international y afférant.
Vous m’opposerez que ce sujet aurait mérité un long débat. Je rappelle que, à une époque, il fallait plus de cinquante ordonnances ! La présente proposition de loi nous offre une opportunité que nous aurions tort de ne pas saisir.
M. Bruno Sido, rapporteur. Oui, il faut y aller !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cette demande d’habilitation vise essentiellement à transposer le « paquet Erika III », dans l’élaboration duquel la France a joué un rôle majeur, à la suite des catastrophes de l’Erika en 1999 et du Prestige en 2002 qui ont gravement touché notre littoral.
Certes, les dates limites de délai de transposition des cinq directives pour lesquelles une demande d’habilitation est formulée sont différentes : elles s’étalent du 30 novembre 2010 au 17 juin 2011. Mais détricoter le paquet – une telle façon de procéder suscite de nombreuses critiques – en sélectionnant uniquement les directives les plus urgentes à transposer n’aurait aucun sens. Pourquoi, comme les mauvais élèves, attendre le dernier moment ? Le « paquet Erika III » forme un tout qu’il faut conserver.
À titre personnel, si vous m’autorisez à faire valoir ma très modeste expérience en la matière, je constate que, sur les navires des particuliers et les navires de commerce, on ne trouve malheureusement pas toujours en permanence de personnel sur le pont pour prévenir les abordages et les collisions. Quasiment toutes les semaines, nous apprenons que des accidents ont été évités par miracle ou n’ont pas eu de conséquence. Très souvent, une telle situation est due à cette absence, ce qui est absolument scandaleux. Il s’agit pourtant d’une obligation inscrite dans la convention sur le règlement international de 1972 pour prévenir les abordages en mer que la France a signée. L’actualité récente nous a montré que le risque d’accident entre deux navires est réel dans les eaux territoriales françaises.
J’ai pu prendre connaissance du projet d’ordonnances du Gouvernement et j’ai constaté avec la plus grande satisfaction que ce texte prévoyait enfin des sanctions pénales en cas de défaut de veille à bord des navires : un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Désormais, le pêcheur réfléchira à deux fois avant de laisser son bateau dériver pour aller nettoyer ses filets.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 5.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Quitte à vous surprendre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, indépendamment de la forme retenue pour transposer le « paquet Erika III », nous sommes favorables à cet amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Vous voyez, on y arrive !
Certes, nous n’approuvons toujours pas la forme. Mais, sur ce sujet, nous ne pouvons qu’être d’accord sur le fond, d’autant que des négociations ont eu lieu avec les partenaires sociaux et qu’il s’agit de la protection sociale des marins et d’exigences de sécurité.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
M. Robert del Picchia. Cela se fête !
M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est donc inséré dans la proposition de loi, après l'article 11.
L'amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans des conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi :
1° Les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 2009/13/CE du Conseil du 16 février 2009 portant mise en œuvre de l'accord conclu par les Associations des armateurs de la Communauté européenne (ECSA) et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) concernant la convention du travail maritime 2006, et modifiant la directive n° 1999/63/CE, ainsi que les mesures d'adaptation de la législation liées à cette transposition ;
2° Outre les mesures législatives nécessaires à la transposition de la directive 2009/13/CE, les mesures de clarification et d'harmonisation des dispositions législatives en vigueur relatives aux conditions minimales requises pour le travail à bord des navires, à l'identification, aux documents professionnels et au droit du travail applicables aux marins et à toute personne employée à bord, aux représentants de ceux-ci, à la responsabilité et aux obligations des armateurs, à la protection de la santé, notamment en ce qui concerne les jeunes et la maternité, aux soins médicaux et aux conditions d'emploi, de travail, de vie et d'hygiène des gens de mer ;
3° Toutes mesures législatives de cohérence résultant de la mise en œuvre des 1° et 2° ci-dessus ;
4° Les dispositions législatives nécessaires à l'établissement de sanctions pénales proportionnées, efficaces et dissuasives permettant la mise en œuvre des 1° à 3° ci-dessus ;
5° Les mesures visant à étendre, avec les adaptations nécessaires, à Wallis-et-Futuna, aux Terres australes et antarctiques françaises, à Mayotte, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, les dispositions prises par ordonnance sous réserve des compétences dévolues à ces collectivités.
Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Cet amendement vise à permettre au Gouvernement de transposer par voie d’ordonnance la directive 2009/13/CE portant mise en œuvre d’un accord conclu par les Associations des armateurs de la Communauté européenne et la Fédération européenne des travailleurs des transports concernant la convention du travail maritime de l’Organisation internationale du travail dans le délai imparti.
La France, qui a pris une part active au sein des instances internationales pour permettre l’aboutissement de ce dossier, se doit de procéder très rapidement à l’adoption du cadre juridique nécessaire à la mise en œuvre de ce dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Il faut le souligner, le secteur maritime, qui est tout à fait exceptionnel, est le seul au monde à s’être mis d’accord pour se doter d’une sorte de « code du travail mondial » pour les gens de mer. Les négociations menées au sein de l’Organisation internationale du travail ont abouti en 2001 et ont d’ailleurs été saluées par M. Gérard Larcher, alors ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, lors de la Conférence internationale du travail au mois de février 2006.
Certains parmi nous pourraient objecter que nous avons largement le temps de transposer cette directive, puisqu’il est indiqué que la transposition devra avoir lieu douze mois après l’entrée en vigueur de la convention, vraisemblablement avant la fin du premier semestre 2012. Mais, en réalité, ce délai est illusoire et nous devons agir vite. En effet, le processus de certification sociale des 300 navires français prend beaucoup de temps et la France doit lancer dès maintenant l’élaboration des documents et du processus de certification, préparer les armateurs et former ses inspecteurs.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 6.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Quitte à vous surprendre de nouveau, nous voterons également cet amendement.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Un article additionnel ainsi rédigé est donc inséré dans la proposition de loi, après l'article 11.
L'amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 2009/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires, ainsi que les mesures d'adaptation de la législation liées à cette transposition.
Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans le délai de six mois à compter de la publication de la ou les ordonnances.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. La directive 2009/12/CE sur les redevances aéroportuaires doit être transposée dans chacun des États membres en droit national avant le 15 mars 2011. Elle établit des principes communs pour la perception des redevances aéroportuaires dans les aéroports ressortissant de l’Union européenne.
À la suite de sa transposition seront introduites dans notre droit des dispositions relatives au contrôle et à la transparence des redevances aéroportuaires. Parmi celles-ci, deux présentent un caractère législatif. Toutefois, la voie de l’ordonnance est privilégiée en raison du caractère purement technique des dispositions en cause.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. La directive du 11 mars 2009 établit des principes communs pour la perception de redevances aéroportuaires dans les aéroports de l’Union européenne.
Je regrette que le Gouvernement n’ait pas été en mesure, alors que cette directive a été adoptée voilà dix-huit mois et qu’elle est relativement peu complexe, de proposer un texte de transposition au Parlement. Mais c’est le passé, regardons l’avenir.
L’échéance imminente de la transposition – le 15 mars 2011 – nécessite probablement de recourir à la voie de l’ordonnance.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Ries, pour explication de vote.
M. Roland Ries. Cet amendement vise à habiliter le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la directive du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires.
Cette dernière crée un cadre commun afin de réguler les redevances aéroportuaires dans les aéroports de l’Union européenne. Si l’on tient compte des très grandes disparités qui existent aujourd'hui en la matière à l’échelle européenne, il s’agit d’une bonne mesure.
La mise en place d’un tel système de redevances commun et coordonné peut s’appliquer dans deux situations : d’une part, lorsque les aéroports sont constitués en réseau et gérés par la même entité, d’autre part, lorsque les aéroports desservent une même communauté d’agglomération ou une communauté urbaine.
Dans ce cadre, je souhaite attirer de nouveau l’attention du Gouvernement sur le devenir incertain de la plateforme aéroportuaire de Strasbourg-Entzheim. L’aéroport est aujourd’hui handicapé par des formes de concurrence faussée en matière de montant des taxes aéroportuaires. Il subit des distorsions de concurrence de nature fiscale avec les aéroports de Bâle-Mulhouse, de statut suisse, et de Karlsruhe-Baden-Baden, de statut allemand.
Si l’on prend en considération le principe selon lequel une directive fixe des objectifs à atteindre et délègue le choix des moyens aux États membres, ne pourrait-on pas envisager, lors de la transposition en droit interne de la directive susvisée, de donner une orientation plus large au dispositif ?
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Roland Ries. L’aéroport de Strasbourg-Entzheim évolue dans un cadre particulier. Situé au cœur d’une zone transfrontalière, il est seulement distant d’une quarantaine de kilomètres par la route de celui de Karlsruhe-Baden-Baden. Ces deux aéroports desservent donc une zone commune. C'est la raison pour laquelle il pourrait être opportun de mettre en place un système de redevances commun. Cela permettrait de relancer l’activité de la plateforme aéroportuaire strasbourgeoise, qui, je vous le rappelle, dessert une capitale européenne.
La transposition de la directive du 11 mars 2009 constitue donc un enjeu et me semble mériter une étude plus approfondie. Il serait important que nous puissions en débattre plus longuement au Parlement afin d’utiliser cette transposition pour supprimer des distorsions de concurrence entre les plateformes aéroportuaires sur un bassin donné, y compris dans les zones frontalières. Après tout, nous sommes dans un territoire européen.
Le Gouvernement ne prend pas en compte cet aspect du problème. C’est bien dommage, car cela aurait mérité un débat. C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas l’amendement n° 7.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je partage les propos de Roland Ries. On ne peut pas, dans le même temps, arguer de la réalité européenne pour justifier la transposition de cette directive et nier celle-ci en ne tenant pas compte de la situation géographique de certaines plateformes aéroportuaires.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Monsieur Ries, je sais que vous avez déjà évoqué cette question en commission. Loin de moi l’idée de mettre votre parole en doute, mais vous comprendrez que, venant de prendre mes fonctions, je n’aie pas une aussi bonne connaissance que vous de ce dossier. Si votre analyse se révèle exacte et qu’apparaît une distorsion de concurrence pénalisante pour l’aéroport de Strasbourg-Entzheim, je suis tout à fait prêt à examiner les solutions concrètes que vous pourriez me proposer avant l’examen de la présente proposition de loi à l'Assemblée nationale.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 11.
L'amendement n° 9 rectifié ter, présenté par MM. Braye, Bizet et Jarlier, est ainsi libellé :
A. - Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 128-1 du code de l'urbanisme, les mots : « Le premier alinéa n'est pas applicable » sont remplacés par les mots : « Ce dépassement ne peut excéder 20 % ».
II. - Au deuxième alinéa de l'article L. 128-2 du même code, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « à l'article L. 128-1 ».
B. - Faire précéder cet article d'une division additionnelle ainsi rédigée :
Titre...
Dispositions diverses
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Cet amendement vise à rétablir la possibilité qui existait avant la loi portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle II », de majorer le coefficient d’occupation du sol, le COS, de 20 % pour des constructions remplissant des critères de performance énergétique ou comportant des équipements de production d'énergie renouvelable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Malgré la concision de la présentation de cet amendement, au fond, le sujet est complexe. Mais, rassurez-vous, mes chers collègues, je serai très bref.
La loi portant engagement national pour l’environnement a permis un dépassement du COS de 30 % pour les constructions remplissant des critères de performance énergétique – c’est en quelque sorte un bonus –, mais l’a interdit dans certains secteurs, notamment les zones sauvegardées, les périmètres de protection d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques.
Ce faisant, elle a restreint la possibilité qui existait antérieurement de majorer le COS de 20 % dans tous les secteurs. En pratique, on ne peut plus rien construire parce que le droit est peu clair.
Le présent amendement rétablit opportunément cette faculté, et la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Pour sa part, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je comprends très bien ce que recouvre la formulation utilisée pour expliciter cet amendement. Vous n’étiez pas obligés d’embellir les choses en choisissant les termes si élogieux de performance énergétique et d’équipements de production d’énergie renouvelable. Appelons un chat, un chat : en fait, il s’agit tout simplement de ne pas enterrer les usines d’incinération d’ordures ménagères.
Cela étant, sur le fond, nous sommes d’accord. En effet, il nous paraît raisonnable de ne pas enterrer ce genre d’équipements et, donc, de retenir un COS qui permette de l’éviter.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. J’apporterai une nuance : en l’occurrence, il s’agit d’un cavalier et, surtout, d’un accroc de plus au Grenelle II. On est en train de dépecer cette loi, et cela m’ennuie profondément.
J’estime, pour ma part, qu’il y a de bonnes raisons pour que ce genre d’établissement ne soit pas trop visible dans un secteur sauvegardé. La démarche adoptée lors du Grenelle de l’environnement n’avait pas un caractère excessif.
Aussi, je voterai contre cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 11.
L'amendement n° 23 rectifié, présenté par M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
A - La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement est ainsi modifiée :
1° Le VIII de l'article 17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les schémas de cohérence territoriale approuvés avant la date prévue au premier alinéa et ceux approuvés ou révisés en application du deuxième alinéa demeurent applicables. Ils intègrent les dispositions de la présente loi lors de leur prochaine révision et au plus tard trois ans à compter de la date de publication de la présente loi. »
2° Avant le dernier alinéa de l'article 19, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« Les plans locaux d'urbanisme approuvés avant la date prévue au premier alinéa et ceux approuvés ou révisés en application du deuxième alinéa demeurent applicables. Ils intègrent les dispositions de la présente loi lors de leur prochaine révision, et au plus tard dans un délai de trois ans à compter de la date de publication de la présente loi.
« Les plans locaux d'urbanisme approuvés après la date prévue au premier alinéa qui n'entrent pas dans le champ d'application du deuxième alinéa sont soumis aux dispositions de la présente loi. Toutefois, par dérogation au deuxième alinéa de l'article L. 123-1 du même code, les plans locaux d'urbanisme en cours d'élaboration par un établissement public de coopération intercommunale dans un périmètre qui ne comprend pas l'ensemble des communes membres de l'établissement public peuvent être approuvés dans ce périmètre jusqu'à la fin d'un délai de trois ans à compter de la date de publication de la présente loi. Après leur approbation, ils sont soumis aux dispositions du dernier alinéa ci-dessous. »
B - Dans la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 123-19 du code de l'urbanisme, les références : « L. 123-1-1 à L. 123-18 » sont remplacés par les références : « L. 123-1-11 à L. 123-18 ».
II. - Faire précéder cet article d'une division additionnelle ainsi rédigée :
Titre....
Dispositions diverses
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Il s’agit de compléter un amendement qui avait été adopté lors de la commission mixte paritaire relative à la loi portant engagement national pour l’environnement qui ne permettait pas de sauver un certain nombre de schémas de cohérence territoriale, SCOT, et de plans locaux d’urbanisme, PLU.
Afin de soulager les collectivités qui jouent le jeu et s’engagent dans les démarches de SCOT et de PLU, cet amendement vise à donner un délai de trois ans, au lieu des six mois prévus initialement, pour se mettre en conformité avec la loi.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est pertinent !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement vise, opportunément, à donner du temps aux PLU et aux SCOT pour intégrer les nouvelles dispositions de la loi Grenelle II, en portant le délai à trois ans au lieu de six mois.
Son adoption permettrait également de donner plus de souplesse aux dispositions relatives au PLU communautaire.
Pour ces raisons, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Je le dis d’emblée, je suis favorable à la clarification des dispositions transitoires relatives à l’entrée en vigueur des articles 17 et 19 de la loi du 12 juillet 2010.
En effet, comme cela a été dit, ces dispositions ne permettent ni d’achever les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme en cours d’élaboration ou d’évolution alors qu’il s’agit de procédures longues, ni d’assurer, à compter du 13 janvier 2011, la sécurité juridique des documents existants.
Cela étant, la rédaction de l’amendement est, à mon avis, perfectible. Nous pourrons profiter de l’examen du texte par l’Assemblée nationale pour l’améliorer.
Sur le fond, l’amendement est tout à fait pertinent, et le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Roland Ries, pour explication de vote.
M. Roland Ries. Cet amendement entend clarifier la loi portant engagement national pour l’environnement du 12 juillet 2010.
En effet, cette dernière laisse six mois aux acteurs locaux pour mettre en conformité leurs documents d’urbanisme et adopter un plan local d’urbanisme communautaire. Or les délais accordés se révèlent insuffisants pour de nombreuses collectivités, dont celle dont je suis le maire, qu’elles soient de droite ou de gauche, et, surtout, aucune modalité de transition n’est prévue pour les plans locaux d’urbanisme actuellement en cours d’élaboration.
Concrètement, cela signifie qu’à compter du 13 janvier prochain, c'est-à-dire très bientôt, de nombreuses collectivités risquent de se trouver en situation d’apesanteur juridique, sans document d’urbanisme modifiable pour permettre la réalisation de leurs projets.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Roland Ries. À partir de cette date, les POS et les PLU en cours ne seront plus amendables. Cependant, les PLU communautaires ne seront pas prêts à prendre le relais.
Nous serons donc dans une période que je qualifierai d’« incertitude urbanistique ».
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Roland Ries. L’absence de clarification sur les conditions d’évolution des PLU et des POS communaux jusqu’à l’approbation du PLU communautaire risque de remettre en cause la réalisation de projets importants. C’est le cas dans nombre de collectivités, notamment à Strasbourg, à Angers, à Marseille, à Nancy.
Le 27 octobre dernier, M. Benoist Apparu, alors secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, auditionné par la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat, a lui-même admis l’existence d’un « bug » - c’est le terme qu’il a utilisé – lors de la commission mixte paritaire relative à la loi dite « Grenelle II ».
C’est la raison pour laquelle le présent amendement vise, d’une part, à repousser de trois ans la date limite d’adoption d’un PLU communautaire et, d’autre part, à confirmer l’application desdites dispositions aux POS, en permettant, pendant un délai de trois ans également, aux autorités locales d’effectuer les modifications nécessaires pour mener à bien leurs projets.
C’est en ce sens que les auteurs de l’amendement proposent la modification de l’article L. 123-19 du code de l’urbanisme.
Je suis personnellement très favorable à l’adoption de cet amendement présenté par M. Raoul, empreint de sagesse, comme d’habitude !
Il importe en effet que, durant la phase de transition pendant laquelle vont être élaborés les PLU intercommunaux, nos villes, nos collectivités puissent continuer à évoluer et que les projets puissent être engagés et poursuivis.
J’ai d’ailleurs moi-même déposé un amendement similaire lors de l’examen en commission de la proposition de loi de M. Warsmann de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, le 6 octobre dernier. Cet amendement, qui a été adopté par l’ensemble des commissaires, là encore droite et gauche confondues, a été intégré dans le corps du texte de la commission.
Cependant, la proposition de loi précitée ne sera a priori pas discutée en séance publique avant la fin de l’année. En outre, elle fera l’objet d’une seconde lecture dans le cadre de la navette. Tout cela prendra du temps.
L’amendement n° 23 rectifié s’aligne donc sur la méthode utilisée par le Gouvernement pour justifier le texte dont nous discutons aujourd’hui. Il tend à répondre à l’urgence, puisque l’article 19 de la loi Grenelle II doit être impérativement clarifié, selon l’avis de tous, avant la date limite du 13 janvier 2011.
Je le répète, nous sommes très favorables à l’adoption de cet amendement, qui permettra à de nombreuses intercommunalités de combler le vide juridique qui les menace dans le domaine de l’urbanisme.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. L’amendement n° 23 rectifié prévoit des plans locaux d’urbanisme approuvés. Je rappelle que les PLU sont d’abord prescrits, puis approuvés, puis adoptés. Ce sont les trois niveaux requis.
À cet égard, il serait souhaitable, dans la mesure du possible, de placer le curseur au plus juste.
Il faut en effet penser aux communes qui, à la différence des grandes agglomérations, ne disposent pas de gros moyens. Elles ont déjà engagé les études, sollicité les services d’un cabinet, et même si elles n’ont pas encore délibéré et si l’enquête publique n’a pas encore eu lieu, l’essentiel du travail a été fait.
Qu’il y ait un effort d’adaptation en essayant, par exemple, de rédiger un plan d'aménagement et de développement durable, soit ; pour autant, ces communes seront-elles dans l’obligation de faire réaliser des études complémentaires ?
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Un article additionnel ainsi rédigé est donc inséré dans la proposition de loi, après l'article 11.
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
droit communautaire
par les mots :
droit de l'Union européenne
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. C’est un amendement de coordination : depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, la Communauté européenne a perdu son existence juridique au profit de l’Union européenne.
Autrement dit, je propose que les DDAC, les diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire, deviennent des DADUE, ou diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L’intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
11
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 18 novembre, à onze heures, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2011 (A.N., n° 2824) ;
Rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.
- Discussion générale.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART