Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 40
Remplacer les mots :
par décret
par les mots :
par arrêté du ministre chargé de la santé
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 41
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les résultats des recherches impliquant la personne humaine sont rendus publics dans un délai raisonnable et précisent obligatoirement, pour les recherches réalisées hors de l'Union Européenne, le lieu de leur réalisation. Un décret définit les modalités d'application de cet alinéa. » ;
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. J’avais annoncé cet amendement dans mon intervention liminaire, c’est pourquoi je n’y consacrerai pas beaucoup de temps, d’autant qu’il a fait l’objet d’un avis favorable de la commission.
Cet amendement vise à ce que soit indiqué le lieu où les recherches impliquant la personne humaine ont été effectuées, de manière à éclairer les experts qui seront chargés, lors de l’autorisation de mise sur le marché, de prendre une décision.
Aujourd’hui, on se rend compte que beaucoup de médicaments sont insuffisamment évalués, non seulement avant leur mise sur le marché mais aussi après. Les événements de ces derniers jours sont là pour me donner raison.
C’est la raison pour laquelle, je l’espère, notre assemblée adoptera mon amendement, qui a pour objet d’améliorer cette situation que nous déplorons tous.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3 de l'amendement n° 2, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les modalités d'application de cet alinéa sont définies par arrêté du ministre chargé de la santé.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Il s’agit d’un sous-amendement rédactionnel, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 2 de M. Autain qui tend à une plus grande transparence sur les lieux de recherche.
La commission est également favorable au sous-amendement n° 11 du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 43 à 45
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Il est clair que ce texte contient des avancées substantielles au regard de la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales. La création de la Commission nationale des comités de protection des personnes en est une. De même, l’intégration de cette commission au sein de la HAS est source d’une vraie valeur ajoutée dans la protection et la sécurité de ces personnes.
Cependant, ne perdons pas de vue les objectifs auxquels répond cette commission, et notamment celui d’une plus grande cohérence entre les décisions des différents comités de protection des personnes, d’une certaine harmonisation de leur approche sur l’ensemble du territoire. Or il me semble que l’idée d’un tirage au sort d’un CPP pour rendre un avis sur un projet vient en contradiction avec cette volonté d’harmonisation.
Nous sommes fiers de notre recherche médicale, qui dispose de pôles de compétences reconnus, avec des spécificités particulières. De ce point de vue aussi, la désignation d’un CPP de manière aléatoire aurait des effets négatifs, car il en résulterait une sorte de lissage de la valeur ajoutée de certains CPP.
M. François Autain. Valeur ajoutée, c’est le mot !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Monsieur Autain, nous sommes là pour défendre la sécurité des personnes ! Attirer l’attention sur des questions de sémantique n’apporte rien à ce débat de fond !
Comme le rappelait M. Jean-Louis Lorrain, mettre en place un tirage au sort risque de complexifier les procédures de soumission des protocoles aux CPP. Alors même que ce texte prévoit de rendre plus claires et plus lisibles les procédures d’évaluation, vous ajoutez une source de complexité sans apporter grand-chose en termes de sécurité des personnes, laquelle est, je le répète, notre préoccupation essentielle. Car je ne vois pas comment un tirage au sort aléatoire apporterait quoi que ce soit à cet égard.
Si vous avez supprimé la soumission des projets à la CNIL, au profit des comités de protection des personnes, c’est bien pour simplifier les processus de recherche. Il s’agit donc bien, ici, de rendre les processus plus clairs, plus lisibles. Notre volonté est d’encourager la recherche française, qui est l’un des fleurons de notre pays et qui est reconnue à l’échelle mondiale.
Il existe une contradiction entre, d’une part, cette détermination à encourager la recherche, à la rendre plus simple et plus lisible, et, d’autre part, la mise en place d’une procédure complexe qui n’apporte pas plus de sécurité aux personnes.
Au demeurant, ce tirage au sort serait une exception française. Dans le reste du monde, les comités de protection de personnes sont clairement identifiés. Je ne suis pas contre l’exception française, dont nous pouvons nous féliciter dans bien des domaines. Comment ne pas se réjouir, par exemple, de ce que la gastronomie française ait été inscrite au patrimoine de l’UNESCO ? Mais, sur les questions de recherche et de protection des personnes, mesdames, messieurs les sénateurs, soyons un peu pragmatiques ! Ne nous éloignons pas de l’objectif premier de ce texte : rendre plus lisibles, plus claires et plus simples les procédures. À l’inverse, ce tirage au sort les rendrait plus complexes.
Je rappelle que, chaque année, 2 000 à 3 000 dossiers sont soumis à évaluation. Dès lors, comment une commission centralisée pourrait-elle s’appuyer sur le jugement de comités désignés de façon systématique et mécanique par tirage au sort ?
Je me permettrai d’ajouter un argument d’expérience. Pendant dix-huit ans, j’ai travaillé à l’hôpital et j’ai soumis des projets. Je crois savoir que la proximité entre une équipe d’investigateurs et un CPP à laquelle elle soumet ses projets facilite l’interaction, permet de faire mieux avancer un projet, de le rendre plus cohérent, plus pertinent, plus susceptible d’aboutir à des résultats tangibles.
Éloigner la décision des équipes de recherche n’est pas une bonne façon d’atteindre les objectifs de la présente proposition de loi.
C’est pourquoi je propose de supprimer ces trois alinéas et vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à bien peser votre vote. N’oubliez pas que nous souhaitons aussi, par ce texte, encourager la recherche impliquant la personne humaine grâce à une simplification et à une clarification des procédures, sans pour autant, bien entendu, négliger la sécurité des individus, qui reste la priorité. Or je crois que la méthode du tirage au sort des protocoles pour les faire étudier par tel ou tel CPP rendra les choses plus complexes sans constituer une avancée pour la sécurité des personnes.
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par Mme Hermange, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 44, première phrase
I. - Remplacer les mots :
recherche biomédicale sur l'être humain
par les mots :
recherche impliquant la personne humaine
II. - Remplacer les mots :
commission nationale prévue à l'article L. 1123-1-1
par les mots :
Haute Autorité de santé
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 5.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. L’amendement n° 5 tend à supprimer la distribution aléatoire des protocoles entre les différents comités de protection des personnes. Nous ne pouvons pas y être favorables, car la distribution aléatoire nous semble, au vu des réalités du terrain, être le seul moyen de mettre un terme à l’actuelle situation, qui voit, de fait, les promoteurs choisir les comités avec lesquels ils souhaitent travailler. (Mme la secrétaire d’État marque son désaccord.)
La distribution aléatoire permettra, en outre, de mettre fin au déséquilibre, en termes de nombre des dossiers traités, entre les comités de protection des personnes.
Nous avons également prévu, sur l’initiative de Nicolas About et afin de tenir compte de certaines observations, de donner au promoteur la possibilité de contester, dans une sorte de procédure d’appel, la compétence du CPP auquel son protocole aura été attribué.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis unanimement un avis défavorable sur l’amendement déposé par le Gouvernement.
Quant à l’amendement n° 12, c’est un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 12 ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Mme Hermange a invoqué l’argument d’une répartition plus homogène sur le territoire national des protocoles soumis aux CPP. Or ce critère ne me paraît pas pertinent en l’occurrence, car l’objectif du texte, ce n’est pas l’harmonisation territoriale, c’est la reconnaissance de compétences aux différents CPP présents sur le territoire national.
S’il ne s’agit que de répartir les projets de manière aussi homogène que possible entre les différents CPP, on va en définitive demander à des CPP leur avis sur des projets à propos desquels ils n’auront aucune compétence ! (M. François Autain s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote sur l’amendement n° 5.
M. Daniel Dubois. Je voudrais appuyer l’argumentation de Mme la secrétaire d'État.
Malgré les intentions sans doute louables de la commission, la rédaction qu’elle propose va totalement à l’encontre des objectifs de simplification, de lisibilité et aussi d’efficacité que vise la présente proposition de loi.
On sait très bien que les CPP sont toujours plus compétents dans certains domaines que dans d’autres. Autrement dit, au nom de l’harmonisation des territoires, on pourrait vider ce texte d’une grande part de sa portée !
C’est pourquoi je voterai l’amendement n° 5 du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Je pense que l’amendement de la commission est un amendement de sagesse, car il réduit les risques de conflits d’intérêts.
Certes, la loi interdit théoriquement aux personnes exposées à d’éventuels conflits d’intérêts de participer aux délibérations. Pourtant, dans la pratique, les personnes en question ne s’en retirent jamais, elles ne s’excluent jamais d’elles-mêmes de l’étude des dossiers des CPP. (Mme le rapporteur acquiesce.)
Or la proximité pourrait être de nature à accroître ces risques de conflits d’intérêts.
Pour ma part, je fais plutôt confiance à la qualité des membres des CPP. Ils sont là pour s’assurer simplement que la personne est protégée. Bien sûr, une qualification élevée est bienvenue,…
M. François Autain. Bien sûr !
M. Nicolas About. … mais on trouve dans les CPP des gens aux origines très diverses, et il n’est nul besoin d’être un très grand scientifique pour s’assurer que les personnes sont suffisamment protégées dans le cadre de telle ou telle étude.
Nous avons prévu une possibilité d’appel pour le cas où le promoteur considérerait qu’on soumet son projet à des incapables… Ce qui laisse supposer que, dans son esprit, le préfet aurait nommé des incapables ou au moins des gens insuffisamment avertis de la matière traitée pour étudier valablement le protocole concerné… Mais admettons ! Le promoteur pourra alors faire appel et demander à la commission nationale de désigner enfin un CPP « digne » de son projet.
Ce dispositif offre tout de même une sécurité renforcée et évite de tomber dans un système où c’est le promoteur qui choisit ceux qui vont juger son projet, car il est un principe qu’il convient de respecter, celui selon lequel on ne peut être à la fois juge et partie. (Mme le rapporteur acquiesce.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Lorrain. Il s’agit là d’un sujet difficile, car les rapports des Français avec l’économie ou plus exactement avec l’argent sont empreints de suspicion. Je crois pourtant que l’on peut être quelqu’un de parfaitement honnête et aborder des enjeux économiques tout en respectant rigoureusement une éthique.
On ne cesse d’entendre les uns et les autres se plaindre de ce que les universités françaises occupent des places médiocres au classement de Shanghai. Mais cela tient au fait que nos universitaires ne publient pas suffisamment, que trop peu de recherches sont menées dans notre pays ou qu’elles n’obtiennent que des résultats modestes, etc. Si nous voulons rester dans la course, nous devons donc prendre garde à ne pas entraver les recherches.
Nous devons sortir de ce climat de méfiance généralisée : ce n’est pas parce que différents décideurs se réunissent qu’ils se « contaminent » mutuellement ! Les membres de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques rencontrent régulièrement des industriels et montent des projets avec eux. Sont-ils pour autant « contaminés » ou « dévoyés » ? Je ne le pense pas !
En France, combien de conflits d’intérêts ont-ils fait l’objet de poursuites judiciaires ou eu un aspect scandaleux ? Ce serait important de le savoir. Si de tels conflits existent, il faut les débusquer ! J’ai, pour ma part, l’impression que les choses ne vont pas aussi mal que certains le disent.
Cependant, si l’on révise de fond en comble, comme je le souhaite, le fonctionnement des CPP, on s’acheminera également, sans doute, vers une professionnalisation de ces structures. Actuellement, on y trouve des gens qui, pour trois fois rien, donnent de leur temps et de leur énergie pour leur pays. À mes yeux, c’est tout à leur honneur.
Or, là, nous allons vers une grande complexification. (Mme le rapporteur marque son désaccord.)
Du reste, pourquoi ne pas accepter que telle ou telle région se spécialise dans tel ou tel domaine ? Les nanotechnologies à Grenoble, par exemple ; ailleurs, les sciences cognitives, etc.
On a besoin de rigueur, bien sûr, mais aussi de souplesse.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je souscris aux propos qui viennent d’être tenus par M. Lorrain : le problème est très complexe. Toutefois, et cela a été dit à juste titre, les choix éclairés du préfet quant à la composition du CPP devraient permettre de trouver l’adéquation entre les desiderata du promoteur du projet et un panel à même d’évaluer la pertinence de l’expérience en cause.
Je pense sincèrement que le recours à un tirage au sort constitue une solution de facilité, qui est d’ailleurs parfaitement antinomique avec l’ambition de s’inscrire dans une démarche scientifique. Je ne peux donc pas le soutenir.
Cependant, je retiens l’argument selon lequel le promoteur d’un projet ne peut pas être à la fois juge et partie. Dans la réflexion à laquelle nous sommes invités, nous devons trouver les moyens d’une compatibilité entre les compétences de la CPP et le sujet traité.
C’est un point décisif, et qui se situe très en amont. Force est de constater que beaucoup de chemin reste à faire, comme en témoignent les scandales récemment révélés par la presse et déjà évoqués par M. Autain. On sait que des molécules ont été mises sur le marché d’une façon fort hasardeuse…
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Vous vous éloignez du sujet !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je me range totalement à l’avis de M. About.
Madame la secrétaire d'État, l’argument que vous avez utilisé et selon lequel ce dispositif pourrait nous mettre en difficulté vis-à-vis de nos concurrents étrangers n’est pas recevable. On le retrouve d’ailleurs dans une certaine littérature dont on nous a abreuvés ces temps derniers.
À cet égard, je voudrais dire que, si le choix aléatoire d’un CPP n’était qu’un problème technique, nous n’aurions peut-être pas subi depuis une quinzaine de jours un lobbying aussi effréné ! Je suppose donc qu’il faut y voir d’autres raisons. Mais c’est une simple supposition, car je suis par nature un peu naïf ! (Sourires.)
À mon sens, il serait tout de même un peu curieux que le promoteur puisse choisir celui qui va juger son projet au regard de la protection de la personne. Quand il se présente à un examen, que je sache, un candidat ne choisit pas son examinateur !
M. Jean-Louis Lorrain. Cela peut se voir ! ((Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Certes, monsieur Lorrain, cela arrive parfois, mais convenez que ce n’est pas l’idéal !
Pour notre part, nous souhaitons que les CPP soient tous au même niveau, car les spécialiser pourrait conduire à une diminution de leur nombre. Seuls trois ou quatre subsisteraient, qui seraient très spécialisés et sur lesquels les promoteurs pourraient, pour ainsi dire, agir à leur guise.
Nous plaidons, quant à nous, pour le développement des CPP et pour que des compétences soient données à ceux qui ont besoin d’en acquérir.
J’ajouterai que je suis intimement convaincu que, dans tous les cas de figure, la protection de la personne doit être la priorité absolue. La présente proposition de loi concerne bien la protection de la personne humaine dans les protocoles de recherche scientifique. Or protection de la personne et recherche scientifique ne sont nullement antinomiques !
En tout cas, je considère que la procédure retenue par la commission des affaires sociales ne pénalisera pas la recherche française, et je pense que le processus que nous souhaitons mettre en place se rodera très vite, madame la secrétaire d'État.
De plus, ce n’est pas parce que certains pays proches ne nous imitent pas que nous devons nous abstenir de légiférer en ce sens. Ou alors il faudrait étendre ce principe à beaucoup de sujets que nous abordons dans cet hémicycle, ce qui ne manquerait d’ailleurs pas de sel !
Bref, je pense qu’il faut s’en tenir au texte que nous avons proposé, et je tiens à répéter que je suis assez scandalisé par le lobbying effréné auquel les membres de cette assemblée ont été exposés. J’ai personnellement refusé plusieurs rencontres, estimant que j’étais assez grand pour me faire moi-même mon opinion !
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Je voudrais à mon tour dire les raisons pour lesquelles je ne voterai pas l’amendement du Gouvernement.
Vous avez indiqué tout à l’heure, madame la secrétaire d'État, que les CPP étaient obligatoirement tenus de se spécialiser…
M. François Autain. C’est pourtant ce que j’ai cru comprendre ! En effet, vous dites qu’un promoteur conduisant une recherche en cancérologie aura naturellement tendance à solliciter un CPP avec lequel il a déjà travaillé, au motif que ce dernier serait devenu spécialiste en cancérologie. Or, à ma connaissance, les CPP n’ont aucun avis à donner sur l’objet de la recherche : ils ne se prononcent qu’en fonction de considérations qui tiennent au respect de la personne, en vérifiant, notamment, que le consentement des intéressés a été libre et éclairé.
Dès lors, je ne vois pas en quoi il serait absolument indispensable que les promoteurs choisissent eux-mêmes leur CPP ! En effet, ce choix sera indifférent, pour peu, bien sûr, que, grâce à ce texte, nous parvenions à rendre les comités aussi compétents les uns que les autres.
Je ne pense donc pas qu’il y ait ici matière à discussion. Je le répète, je ne vois pas quel intérêt aurait un promoteur à choisir tel comité plutôt que tel autre puisque le CPP n’intervient pas dans l’objet de la recherche. Il s'agit d’un mauvais argument, madame la secrétaire d'État.
Se pose aussi le problème qu’a évoqué M. About, celui des liens d’intérêts. Nous ne pouvons le passer sous silence, car il est très important et trouve un certain écho dans l’actualité : aujourd'hui, nous sommes confrontés au scandale du Mediator, qui a révélé, entre les experts et les laboratoires Servier, l’existence d’un lien d’intérêts. Si ce lien n’avait pas existé, ce médicament aurait été retiré du marché depuis longtemps.
En réalité, si les promoteurs ont tendance à choisir toujours les mêmes CPP, c’est à cause, non pas de la compétence, mais de la complaisance de ces derniers vis-à-vis des programmes de recherche qu’ils mettent en œuvre. Et si nous tenons à ce que ce choix soit aléatoire, c’est précisément pour éviter cette connivence et cette proximité, car de telles mauvaises habitudes peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur la qualité de la recherche et de l’évaluation.
Je le répète, l’évaluation des médicaments en France est aujourd'hui insuffisante, non seulement avant l’autorisation de mise sur le marché, mais aussi après celle-ci. Sur ce point, il faut être intraitable, me semble-t-il. C'est pourquoi je voterai contre l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, avec les dispositions que vous proposez, vous jetez la suspicion sur tous les comités d’éthique et de protection des personnes. (Protestations sur plusieurs travées.)
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, et M. Jean-Pierre Godefroy. Non, c’est l’inverse !
MM. Nicolas About et François Autain. C’est vous qui jetez la suspicion !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Les comités de protection des personnes ont pour mission de juger la sécurité de ceux qui se prêtent à la recherche. C’est parce que vous doutez de l’intégrité des experts composant les CCP que vous souhaitez instituer un tirage au sort centralisé : cela montre bien que vous avez sur eux un jugement a priori !
M. François Autain. Pas a priori. C’est l’expérience qui nous a instruits !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. En ce qui concerne les conflits d’intérêts, permettez-moi de vous rappeler qu’ils sont encadrés par l’arrêté relatif au règlement intérieur des comités de protection.
M. François Autain. Tu parles !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. En outre, les déclarations d’intérêts des membres des comités sont rendues publiques : il s'agit d’une obligation, et ceux qui ne la respectent pas sont exclus de leur comité.
M. François Autain. Tu parles !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. C’est une obligation, monsieur Autain ! Cette réglementation est en vigueur.
M. François Autain. Elle n’est pas appliquée !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Vous prétendez que, grâce au tirage au sort, on pourra éloigner de façon suffisante tel projet de recherche du CPP chargé de donner son avis. Mais croyez-vous que nos territoires sont hérissés de murailles ? Pensez-vous que les experts ne se connaissent pas ? Il faut tout de même tenir compte du monde tel qu’il est !
Voulez-vous que ceux qui auront à évaluer la protection des personnes qui se prêtent à la recherche soient coupés de notre société et vivent en quelque sorte hors du monde ?
M. François Autain. Nous n’avons jamais dit cela ! Vous caricaturez !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Veuillez m’excuser, mesdames, messieurs les sénateurs, mais cette vision est un peu naïve.
M. Nicolas About. Les sénateurs sont de grands naïfs !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Vous cherchez à éviter les conflits d’intérêts. Reportez-vous donc à la réglementation en vigueur : les membres des comités doivent déclarer leurs liens d’intérêts, qui sont rendus publics. Cet argument n’est donc absolument pas fondé dans le débat qui nous intéresse aujourd’hui.
Le dispositif proposé par la commission tend à complexifier les procédures, alors que nous voulons les simplifier et les rendre plus lisibles. (MM. Daniel Dubois et Claude Biwer applaudissent.) En outre, il éloigne les CPP de leur objectif premier, qui est la sécurité des personnes.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Premièrement, ce texte vise avant tout à concilier la transparence de la recherche et la protection de la personne.
Deuxièmement, tel qu’il a été élaboré, à partir notamment de la proposition de loi de Nicolas About, ce texte garantit l’équilibre entre la facilitation de la recherche et la protection de la personne.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Troisièmement, enfin, madame la secrétaire d’État, vous affirmez que, si ces dispositions étaient adoptées, la France serait le premier pays à pratiquer le choix aléatoire. Toutefois, celui-ci est déjà de règle pour les appels ! Et après tout, la France, qui a été à l’origine de la création des comités de protection des personnes, peut continuer à faire progresser ce modèle.
La réforme que nous défendons aujourd’hui est un acte de confiance en la professionnalisation des comités de protection des personnes. C’est la raison pour laquelle ce texte, tel qu’il a été voté par la commission, permet un équilibre entre le développement de la recherche et la protection de la personne.
Voilà pourquoi nous sommes défavorables à l’amendement n° 5.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État, à qui je demanderai d’être particulièrement brève.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Madame le rapporteur, vous évoquez les appels. Mais observons la réalité. Combien y en a-t-il par an ? Quinze à vingt, pour 2 500 à 3 000 recherches ! Et c’est sans compter les études observationnelles qui, aux termes de la proposition de loi, devraient entrer dans le champ du dispositif. Décidément, on est fort éloigné des réalités !
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Pas du tout !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. J'ajouterai, pour en avoir fait l’expérience sur le terrain, d’une façon purement pragmatique,…
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Nous aussi nous sommes allés sur le terrain !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … que les équipes de recherche des centres hospitalo-universitaires soumettent leurs projets aux comités de protection des personnes de leur région, ce qui leur permet de faire avancer plus vite leurs travaux.
Pardonnez ma franchise : votre proposition tuerait la recherche ! (M. Jean-Pierre Godefroy proteste.)