M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Celle-ci permet d’éviter la spécialisation de fait d’un comité, ainsi que des biais éventuels dans l’examen des protocoles. Nous avons cependant prévu la possibilité pour un promoteur de faire appel, devant la commission nationale, de la décision d’attribution de son protocole de recherche à tel comité après affectation aléatoire. Cette solution, équilibrée à mon sens, permet de garantir que la compétence du comité sera reconnue et d’encourager ceux qui sont jugés moins compétents à procéder à une évaluation de leurs pratiques.
Tel est, après une réflexion construite et approfondie de notre commission, le point d’équilibre auquel nous sommes parvenus et qu’il nous paraîtrait difficile de remettre en cause sur le plan des principes. Les modalités en sont, bien sûr, toujours perfectibles. Je proposerai, pour ma part, de renforcer encore l’insertion de la commission nationale au sein de la Haute Autorité de santé.
Pour terminer, je dirai un mot sur l’esprit très positif de travail en commun et de pragmatisme qui a présidé à l’élaboration de notre texte. J’en remercie tout particulièrement la présidente de la commission, Muguette Dini, ainsi que l’ensemble des commissaires, qui ont montré que nous pouvions nous retrouver, au-delà de nos appartenances politiques, sur les principes auxquels nous sommes attachés. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe de l’Union centriste aborde cette seconde lecture totalement en phase avec la position adoptée par notre commission des affaires sociales.
Tout l’enjeu est de savoir où placer le curseur entre intérêt scientifique et exigence éthique.
En tant que texte avant tout éthique, son apport est d’unifier et de renforcer le régime de contrôle éthique exercé sur les recherches impliquant la personne. Il crée effectivement une catégorie unique de recherches sur la personne, assortie de règles communes.
Le système unifié proposé reposera sur le risque auquel seront exposés les participants et sur la distinction internationalement reconnue entre recherche interventionnelle et recherche observationnelle.
Les types de recherches relèveront de régimes juridiques distincts, selon un degré de contrainte proportionné au risque dont ils seront porteurs.
L’un des aspects les plus notables du renforcement du contrôle éthique sur les recherches visées est que, dorénavant, elles seront toutes soumises aux comités de protection des personnes chargés de les autoriser. Ce contrôle fondamental permettra la requalification, par les comités, des recherches présentées de façon erronée au titre d’un régime dans un autre.
De plus, en unifiant le régime de contrôle éthique exercé sur les recherches médicales et en révisant leur classification, la proposition de loi vise à renforcer les droits et garanties accordés aux participants de recherches qui, jusqu’ici, étaient les moins encadrées par le code.
Ainsi le texte donne-t-il un cadre législatif aux recherches non interventionnelles, celles que l’on désignait par l’expression de « recherches observationnelles », qui étaient jusqu’ici dépourvues d’un tel cadre. C’est d’ailleurs l’un des apports majeurs du texte.
L’apport éthique de la proposition d’Olivier Jardé est donc clair. Mais l’immense intérêt de ce texte est de parvenir à encourager la recherche en améliorant la protection des personnes.
La création d’un droit commun des recherches sur la personne est un acte de reconnaissance fondateur. Il ancre dans la loi la distinction de ces recherches par rapport aux autres à partir de leur sujet d’étude, l’homme, considéré dans son intégralité.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Certainement !
M. Nicolas About. En donnant aux recherches observationnelles un cadre juridique, le texte en garantit la qualité, ce qui est le meilleur moyen de les promouvoir.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Oui !
M. Nicolas About. Pour faciliter la recherche sur la personne, le texte substitue à un droit complexe et incomplet un dispositif exhaustif et transparent.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Exactement !
M. Nicolas About. Or, sur la base d’une proposition dont les grandes lignes étaient déjà porteuses d’avancées notables, notre commission des affaires sociales avait, en première lecture, amélioré le texte sur des points fondamentaux. En témoigne le changement d’intitulé du texte.
Ses principaux apports étaient les suivants.
Premièrement, nous avions prévu l’établissement d’une typologie des recherches sur la personne plus simple et intellectuellement plus satisfaisante.
Deuxièmement, conséquence indirecte de la première modification, nous avions posé l’obligation d’un consentement écrit pour la participation à toute recherche interventionnelle.
Troisièmement, en matière de gouvernance des comités de protection des personnes, nous avions créé une commission nationale des recherches impliquant la personne humaine chargée de les coordonner et placée auprès de la Haute Autorité de santé. De plus, le Sénat avait posé le principe déterminant de la distribution aléatoire des protocoles entre les CPP.
Enfin, quatrièmement, j’avais moi-même fait adopter un amendement, qui me semble très important sur le plan éthique, visant à interdire le test de la dose maximum tolérée d’un médicament administré sans lien avec la pathologie de la personne.
Ce sont là des points clefs. Un large consensus s’était dégagé au sein de notre assemblée pour adopter ces modifications.
Or l’Assemblée nationale est revenue sur ces quatre points. Il y avait donc bien un désaccord de fond entre les deux chambres du Parlement.
Mais compromis sur la recherche implique recherche de compromis : face à ce qui pourrait conduire à une situation de blocage, notre commission des affaires sociales – je tiens à en remercier Mme la présidente et Mme le rapporteur – a choisi l’écoute et le dialogue.
Les solutions qu’elle avance sont très raisonnables et nous y adhérons pleinement.
Rétablissons le consentement écrit pour toute recherche interventionnelle, mais ouvrons la possibilité de dérogations pour les recherches à risque minime. Il reviendrait aux CPP de lever, au cas par cas, l’obligation du consentement écrit.
Rétablissons la distribution aléatoire des CPP, mais permettons aux promoteurs de faire appel de ces décisions.
Rétablissons le rattachement de la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine à la Haute Autorité de santé, mais renonçons, éventuellement, à en faire l’instance unique d’appel des CPP.
Enfin, réintroduisons – pardonnez mon insistance ! – mon amendement interdisant le test de la dose maximum tolérée d’un médicament administré sans lien avec la pathologie de la personne.
Alors seulement, nous aurons un très bon texte ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’instar du texte sur les collectivités locales, celui dont nous discutons à présent fait l’objet d’un désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Il est certes beaucoup moins médiatique, mais tout aussi important, puisqu’il intéresse l’avenir de la recherche appliquée en France.
Je rappelle que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture – la chose est devenue suffisamment rare pour être soulignée – procède à une refonte complète de l’architecture du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique.
Elle a pour ambition de « donner un cadre unique à l’ensemble des recherches sur la personne en créant un socle commun à toutes ces recherches ».
En première lecture, l’Assemblée nationale et le Sénat ont livré chacun une version complètement différente du texte, notamment de l’article 1er, qui vise à définir les différentes catégories de recherches impliquant les personnes humaines.
L’enjeu de cette deuxième lecture, c’est la recherche d’un compromis. Cependant, celui-ci semble difficile à atteindre tant nos points de vue divergent.
Pour schématiser, on pourrait dire que l’Assemblée nationale se place davantage du point de vue des chercheurs désireux d’alléger les contraintes pesant sur les recherches, alors que le Sénat épouse plus la position des patients participant à ces recherches et privilégie la protection des personnes.
Je me félicite que, lors de l’examen en deuxième lecture, l’Assemblée nationale ait retenu un certain nombre de propositions du Sénat, notamment quelques-uns des amendements que j’avais présentés avec mes collègues du groupe socialiste, concernant, par exemple, le consentement des deux détenteurs de l’autorité parentale pour les recherches sur les mineurs ou le régime de consentement des personnes à l’examen de leurs caractéristiques génétiques à partir d’éléments biologiques initialement prélevés pour une autre finalité. Nous en sommes très satisfaits.
De fait, il existe, à ce jour, trois points majeurs de désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Le premier point porte sur le nombre de catégories de recherches et la gradation des procédures de consentement prévues par la loi.
L’Assemblée nationale propose la création de trois catégories de recherches avec des procédures de consentement proportionnées au degré de risques et de contraintes que comportent ces catégories : consentement écrit pour les recherches interventionnelles, consentement libre et éclairé pour les recherches à risques et contraintes minimes, simple information et droit d’opposition pour les recherches observationnelles.
En première lecture, le Sénat a proposé de ne plus distinguer que deux catégories de recherches : les recherches interventionnelles et les recherches observationnelles.
Nous sommes revenus sur la gradation en alignant les règles de forme applicables au recueil du consentement de la personne aux recherches à risques et contraintes minimes sur les règles prévues pour les recherches interventionnelles, c’est-à-dire le consentement écrit.
Comme Mme le rapporteur, je considère que c’est un point non négociable et je me réjouis que nous ayons réintroduit ce consentement écrit en commission.
Dans un esprit de compromis, Mme le rapporteur propose une procédure dérogatoire qui permettrait au comité de protection des personnes, le CPP, s’agissant des recherches à risques et contraintes minimes, de lever au cas par cas la nécessité du consentement écrit et de le remplacer par un simple consentement libre et éclairé. Le CPP devra alors être convaincu que l’accord du participant sera recueilli par un investigateur qui prendra tout le temps et utilisera toute la pédagogie nécessaire pour expliquer au potentiel participant à quoi il s’engage.
Le rapport indique que ce sont là des pratiques qui existent dans certaines équipes, celles des « bons services » hospitalo-universitaires.
J’avoue que je reste quelque peu sceptique, mais puisqu’il nous faut faire un pas vers nos collègues députés, je veux bien me rallier à cette solution, …
M. Nicolas About. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. … en espérant que cette procédure dérogatoire, sur le papier, ne deviendra pas généralisée dans les faits.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Espérons-le !
M. Jean-Pierre Godefroy. Le deuxième point de désaccord concerne les modalités de saisine des comités de protection des personnes.
L’Assemblée nationale souhaite que ce soit le promoteur de la recherche qui saisisse le CPP de son choix, alors que le Sénat a prévu que le CPP chargé de se prononcer sur un projet de recherche soit tiré au sort par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS.
Madame la secrétaire d'État, nous considérons la mise en place d’une répartition aléatoire des dossiers à l’échelon national comme une absolue nécessité, et ce pour deux raisons majeures : d’une part, éviter les conflits d’intérêts directs ou indirects et, d’autre part, permettre un volume et une diversité de dossiers à étudier équivalents dans chaque CPP. C’est d’ailleurs ce que souhaitent les CPP, tout comme les associations de patients.
On nous a laissé entendre que les promoteurs de recherche auraient souhaité entrer dans les CPP. Autant vous dire que, pour nous, c’est quelque chose de totalement inimaginable !
M. François Autain. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il vaut mieux que ce soit dit !
Le troisième point de désaccord porte sur la création, par le Sénat, d’une commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, rattachée à la Haute Autorité de santé, qui serait chargée d’harmoniser les pratiques des comités, mais aussi d’examiner en appel les demandes d’autorisation qui ont fait l’objet d’une décision défavorable d’un comité.
L’Assemblée nationale conteste la compétence d’appel. Elle a donc prévu que la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine soit simplement chargée de désigner le CPP auquel le dossier est renvoyé pour un second examen, comme le fait actuellement le ministre chargé de la santé, dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 1123-6 du code de la santé publique. Dont acte.
L’Assemblée nationale conteste surtout le rattachement de cette commission à la Haute Autorité de santé, au motif que cette dernière n’exerce aucune compétence en matière de recherche. C’est pourquoi elle prévoit le rattachement de cette commission au ministre chargé de la santé.
Pour ma part, je souhaite que cette commission soit totalement indépendante. C’est la raison pour laquelle j’avais déposé, en première lecture, un amendement visant à lui donner plus de poids et d’indépendance, et ce dans le seul but d’améliorer le fonctionnement des CPP et de garantir une meilleure protection des personnes. Cependant, comme vous le savez, l’article 40 de la Constitution s’oppose à ce que le Parlement puisse prévoir les modalités qui lui semblent les plus opportunes en la matière. Personne ne m’enlèvera d’ailleurs l’idée que c’est d’une totale absurdité !
C’est pourquoi, par défaut, certes, mais non sans détermination, nous soutenons la position de Mme la rapporteur à la fois pour ce qui concerne le rattachement à la HAS, mais aussi et surtout quant à la composition de cette commission et l’indépendance de ses membres, qui ne peuvent pas être des promoteurs.
Il reste un point sur lequel j’aurais aimé que nous revenions, mais sur lequel la commission ne m’a pas suivi, la participation à des recherches de personnes qui ne sont pas affiliées à un régime de sécurité sociale, notamment les personnes sans-papiers et les migrants.
Vous le dites souvent, Mme la rapporteur, « la recherche n’est pas le soin. » Elle a pour but l’amélioration des connaissances et « sa finalité est altruiste. » Ce n’est que dans certains cas précis et incidemment qu’elle peut amener un bénéfice direct au malade qui y participe. C’est ce qui justifiait, jusqu’à présent, que soient exclues des recherches les personnes non affiliées à un régime de sécurité sociale.
J’aurais souhaité que cette situation soit reconduite, et, quelles que soient les précautions prises par le texte, je trouve cette évolution particulièrement malvenue à l’heure où le Gouvernement s’apprête à restreindre de manière drastique l’accès à l’aide médicale d’État, l’AME, en conditionnant son accès à une participation forfaitaire de 30 euros.
Le risque, c’est donc que les personnes concernées participent à ces recherches pour bénéficier, le cas échéant, de soins gratuits.
Cela pose d’autres problèmes : par exemple, la participation aux recherches suspendra-t-elle une éventuelle procédure de reconduite à la frontière pour le migrant ? On s’exposerait alors au risque de voir des personnes en situation irrégulière participer à n’importe quelle recherche pour pouvoir rester plus longtemps sur le territoire français. Pour ma part, cela ne me dérange pas, mais le problème mérite d’être posé.
Autre question, que se passera-t-il en cas de problème ? Que se passera-t-il si des effets indésirables surviennent, comme cela peut parfois se produire, très longtemps après, à un moment où la personne concernée ne sera plus forcément sur le territoire français ? De quels moyens de recours disposera-t-elle ? C’est la raison pour laquelle je pensais qu’il fallait exclure de la recherche les personnes non couvertes par un régime de sécurité sociale.
En conclusion, soyez assurée, madame la secrétaire d'État, que les trois premiers points que j’ai mentionnés dans mon intervention – le consentement écrit, la répartition aléatoire des protocoles et la composition de la commission nationale – sont, pour nous, incontournables. Et c’est à la seule condition que le texte adopté par la commission des affaires sociales ne soit pas modifié dans son esprit que nous voterons la proposition de loi.
Je remercie vivement Mme le rapporteur, Marie-Thérèse Hermange, et Mme la présidente, Muguette Dini, pour la qualité du travail effectué en commission. Ce n’est pas un hasard si nous avons pu, toutes tendances confondues, aboutir à un texte unanime. Cette unanimité devrait être un gage de sécurité pour le Gouvernement. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai en m’associant aux remerciements des orateurs qui m’ont précédée et ont souligné combien cette proposition de loi était le fruit d’un vrai travail de dialogue : dialogue entre le Sénat et l’Assemblée nationale, qui ont su éviter un examen trop rapide de ce texte, mais aussi dialogue en interne, dans notre Haute Assemblée, laquelle a écouté les points de vue de chacun, des points de vue d’autant plus précieux qu’ils venaient le plus souvent de praticiens.
Cette qualité d’écoute mutuelle mérite d’être soulignée, car il n’est pas si fréquent de parvenir à pareil niveau d’attention à l’autre. Et il n’est pas exclu que le débat d’aujourd’hui vienne encore renforcer ce constat.
Peut-être faut-il en chercher la raison, au-delà de la qualité du rapport de notre collègue, dans la spécificité d’un débat qui touche à l’essentiel puisqu’il concerne des enjeux d’humanité qui nécessitent de trouver la voie juste et vraie.
Et cette voie est étroite, qui est le lieu de confrontation du progrès, avec ses nécessaires avancées techniques dues au génie de l’homme, d’un côté, et, de l’autre, la nécessité tout aussi absolue de respecter le développement de l’homme dans toute sa dignité, dans toute son intégrité.
Je formulerai néanmoins quelques regrets, dont l’un sur lequel il n’y a plus lieu d’épiloguer : le fait que ce texte ait été dissocié de la prochaine loi de révision de la loi de bioéthique. Je déplore aussi que l’Assemblée nationale soit revenue, en deuxième lecture, sur des amendements adoptés par le Sénat qui visaient, d’une part, à clairement dissocier la recherche du soin, d’autre part, à faire en sorte que les comités de protection des personnes, professionnalisés et renforcés, soient coordonnés par une instance nationale dont l’indépendance aurait pu être garantie par la Haute Autorité de santé.
Avant de revenir sur ces points, je voudrais, au préalable, me réjouir d’un texte qui, sans les avoir gommées, a du moins, au final, amenuisé les inquiétudes que j’avais exprimées ici, il y a juste un an, au nom de mon groupe, le RDSE. Ma crainte était que ne soit pas trouvé l’équilibre indispensable entre la protection des personnes et le développement de la recherche impliquant la personne humaine.
Je voudrais souligner, d’abord, que le texte qui nous est aujourd’hui proposé a le mérite de mettre en cohérence notre droit avec le droit communautaire, le code de la santé publique avec le code de l’environnement. Il veille à simplifier les procédures qui encadrent les recherches en confortant la place et le rôle de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et de la Haute Autorité de santé.
Il me faut maintenant relever quelques points d’achoppement avec nos collègues de l’Assemblée nationale. L’un portait sur la conception qu‘a défendue notre Haute Assemblée en première lecture, selon laquelle la liberté des personnes qui se prêtent aux recherches biomédicales doit être garantie. Leur consentement écrit était alors le garant de leur protection contre des recherches interventionnelles dont il nous paraissait qu’elles devaient, dans tous les cas, être distinguées des soins.
Or la formulation retenue, qui distingue dans les recherches interventionnelles celles qui « ne comportent que des risques et des contraintes minimes », peut être source d’ambiguïté, une ambiguïté que ne lève pas, me semble-t-il, l’expression « consentement libre et éclairé ». Que sont exactement des risques « minimes » ? Qu’est-ce qu’un consentement « éclairé » ? La définition des deux qualificatifs reste bien approximative et sujette à appréciations aléatoires !
Avec prudence, notre rapporteur a proposé de garantir le recueil du consentement libre et éclairé par la saisine des comités de protection des personnes, CPP, dont j’ai rappelé qu’ils sont, de par leur composition, des instances professionnalisées.
Un autre point du débat a précisément porté sur le fonctionnement de ces comités, dont l’impartialité et l’indépendance doivent être les premières vertus : impartialité, pour ôter tout soupçon de collusion entre un comité et un promoteur particulier ; indépendance, avec la création d’une instance nationale responsable de l’harmonisation des analyses des comités et de leur mise en cohérence.
Le principe de la distribution aléatoire des protocoles me paraît fondamental, car il est le seul garant de cette impartialité. La possibilité de recours des promoteurs contre une décision qui leur ferait grief est, dans ce dispositif, une mesure de sagesse.
Enfin, si le rattachement à la Haute Autorité de santé n’est que la demi-mesure de la garantie d’indépendance de la commission nationale des recherches, il a l’avantage de ne pas créer une nouvelle instance, une nouvelle structure qui serait venue alourdir les procédures déjà complexes.
Je dois vous dire l’inquiétude qui a été la mienne s’agissant du nouvel article L. 1121–8–1, qui prévoit : « Les personnes non affiliées à un régime de sécurité sociale ou bénéficiaires d’un tel régime peuvent être sollicitées pour se prêter à des recherches non interventionnelles. »
Certes, le comité de protection des personnes doit être saisi. Certes, l’autorisation accordée ne peut l’être qu’au regard du bénéfice escompté. Il n’en reste pas moins qu’il faudra exercer une grande vigilance à l’égard de situations dans lesquelles ces personnes pourraient devenir, en l’absence d’opposition « éclairée », des terrains d’expérimentation contre leur gré. Je me range néanmoins à l’avis de collègues qui ont souligné que l’on ne saurait priver une personne, au motif qu’elle n’est pas assurée sociale, du bénéfice de pareille recherche.
Enfin, nous avons tous été, je crois, sensibles aux arguments développés par notre collègue Nicolas About pour expliciter son amendement tendant à interdire d’administrer la dose maximale d’un médicament sans lien avec la pathologie du patient – le plus souvent en fin de vie – dans le but d’en tester les limites de prescription.
Vous aurez compris, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, que les dispositions de cette proposition de loi, si elle reste en l’état, donnent satisfaction aux membres du groupe RDSE auquel j’ai l’honneur d’appartenir.
Elles protègent très largement chacun contre les dérives mercantiles, les expérimentations et les pratiques qui bafouent le principe d’intégrité du corps humain. Parce qu’elles permettent de concilier dignité humaine et liberté individuelle, celle-ci mise au service de celle-là, nous voterons ce texte. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme le faisait remarquer Mme le rapporteur, examiner un texte en deuxième lecture est devenu un exercice très rare ! Nous ne pouvons que nous féliciter que cette proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine échappe à la règle. Ces lectures successives nous ont permis de considérablement améliorer ce texte et je ne doute pas que cette lecture-ci nous permettra de progresser encore dans cette voie.
L’esprit d’ouverture et la volonté de co-élaboration législative – vous aurez remarqué que je n’ai pas utilisé le terme de coproduction que je trouve un peu connoté !– l’esprit d’ouverture et la volonté de collaboration législative, disais-je, qui ont animé notre rapporteur, Marie-Thérèse Hermange, y sont pour beaucoup.
Je me réjouis qu’elle ait su retenir, dans les propositions portées par chacun de nous et par-delà les clivages politiques, les propositions les plus à même de sécuriser ces recherches d’un type particulier et de protéger le consentement, tout comme la santé de ceux qui s’y prêtent.
Il n’en demeure pas moins que je n’ai toujours pas compris les raisons qui ont poussé le député Jardé, à l’origine de cette proposition de loi, à vouloir revenir sur la loi Huriet- Sérusclat, qui date, certes, de 1988, mais qui a déjà été substantiellement modifiée en 2004. Je le comprends d’autant moins que sa proposition de réforme originelle visait à rendre la recherche plus facile au détriment de la protection des personnes humaines en assouplissant un certain nombre de règles éthiques.
Plusieurs explications peuvent être avancées. Tout d’abord, les laboratoires, pour assurer un retour rapide sur investissement et satisfaire leurs actionnaires, doivent aller de plus en plus vite, hélas ! Dans leur course à l’innovation, ils ont tendance à considérer les règles éthiques comme des contraintes, des obstacles, alors qu’elles constituent, à mon sens, des valeurs dont on ne peut s’affranchir.
C’est ainsi que de nombreux laboratoires ont délocalisé leurs recherches dans les pays où les conditions leur sont plus favorables, au risque, d’ailleurs, d’en fausser les résultats. Comme l’a souligné le ministère de la santé américain dans un rapport récent, cette délocalisation de la recherche a abouti, dans les pays où elle s’est implantée, « à l’érosion du consentement éclairé, à des atteintes à la confidentialité et à l’enrôlement de sujets normalement non éligibles ».
Je voudrais exprimer ici mon inquiétude devant l’amplification du mouvement de délocalisation des recherches sur la personne humaine actuellement à l’œuvre. Cette tendance me semble porteuse de risques importants tant pour la santé publique que pour la santé de celles et ceux qui, dans les pays émergents, se prêtent à ces recherches. Ce constat m’a conduit à déposer un amendement dont nous aurons l’occasion de débattre plus tard.
En ce qui concerne l’article 2, je dois dire que je demeure insatisfait de sa rédaction. Il confie à l’assurance maladie la prise en charge des coûts des recherches réputées non commerciales. Il prévoit également que, si une recherche en cours de réalisation ne répond plus à la définition d’une recherche à finalité non commerciale, le promoteur est alors tenu au remboursement des dépenses initialement engagées par l’assurance maladie.
Derrière cette mesure, qui pourrait être perçue comme de bon sens, se dissimule une mécanique très perverse, insidieuse et implacable : l’assurance maladie devient de la sorte un «capital-risqueur ». C’est à elle d’assumer les dépenses liées aux recherches ne débouchant pas sur la commercialisation d’un produit. Les laboratoires, quant à eux, n’investissent qu’à coup sûr et en bout de course, à partir du moment où ils sont certains de tirer profit des investigations.
Autrement dit, ce qui est en germe dans cet article, c’est la socialisation des recherches non rentables et la privatisation des autres.
Un mécanisme inverse aurait bien entendu été plus conforme à l’idée que je me fais de la recherche publique. À défaut, j’ai déposé un amendement visant à préciser les sanctions dont pourraient être passibles les promoteurs qui contreviennent au processus de reversement prévu.
Malgré cette réserve importante, je ne peux, au nom du groupe CRC-SPG, que me féliciter du travail que nous avons collectivement réalisé. Cette proposition de loi intègre en effet trois avancées majeures, qui seront maintenues, du moins je l’espère, par la commission mixte paritaire.
La première porte sur les protections, que nous avons renforcées, pour les personnes incluses dans une recherche. L’obligation inscrite dans la loi de recevoir leur consentement par écrit, pour les recherches interventionnelles, va naturellement dans le bon sens. Voilà une mesure importante, gage de sécurité et de transparence. Il nous faut toutefois rester vigilants, car le Gouvernement doit prendre toutes les mesures nécessaires, notamment par voie réglementaire, pour que reste dérogatoire et très encadrée la disposition selon laquelle la participation à des recherches non interventionnelles ne nécessite pas de consentement écrit.
De la même manière, nous avons contribué, me semble-t-il, à encadrer législativement la participation aux recherches des personnes non affiliées à la sécurité sociale, c’est-à-dire les bénéficiaires de l’AME, l’aide médicale de l'État.
Cette participation est désormais limitée à deux cas de figure : soit la personne non affiliée à la sécurité sociale peut faire l’objet de recherches interventionnelles si elle est susceptible d’en attendre un bénéfice immédiat pour sa santé ; soit elle peut participer à des recherches non interventionnelles, à condition que ces dernières présentent un risque minime pour sa santé.
Les deux autres avancées que nous avons adoptées sont les mesures destinées à garantir l’indépendance des comités de protection des personnes, les CPP.
D’une part, nous avons confié à la Haute Autorité de santé plutôt qu’au ministère de la santé la compétence en matière de recommandation sur les orientations de la recherche et d’application des résultats obtenus pour l’évolution des soins ; nous lui avons aussi rattaché la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine. Cela me semble d’autant plus pertinent que la Haute Autorité de santé a déjà pour mission de donner un avis sur l’utilité médicale des médicaments et des dispositifs médicaux, de promouvoir les bonnes pratiques et le bon usage des soins, d’informer les professionnels de santé et le grand public, enfin, d’améliorer la qualité de l’information médicale.
D’autre part, la commission a décidé de réintégrer dans le texte l’attribution aléatoire des protocoles aux CPP, ce qui, à mon sens, est fondamental.
Il faut en effet veiller à ce que les promoteurs n’aient pas le choix du CPP qui supervisera leurs recherches, afin qu’ils ne soient pas tentés de rechercher à ne travailler que sous la direction d’un comité qui leur serait particulièrement favorable. Il sera bien évidemment toujours possible pour les promoteurs de faire appel de la décision les plaçant sous la responsabilité d’un CPP. C’est la raison pour laquelle nous sommes opposés, comme la commission d’ailleurs, à l’amendement gouvernemental visant à revenir sur cette disposition.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires sociales du Sénat a apporté des améliorations à la proposition de loi, qui nous semble ainsi plus protectrice que sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale. Le groupe CRC-SPG votera donc ce texte, à condition, bien entendu, que son économie soit préservée au cours du débat qui va suivre ! (Applaudissements.)