M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 437 rectifié est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 497 est présenté par M. Milon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 39 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II bis de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle tient compte pour chaque région des indicateurs de santé publique et du niveau de recours aux soins de la population. ».
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 437 rectifié.
Mme Annie David. Les inégalités territoriales au regard de la santé sont une réalité que subissent nos concitoyennes et concitoyens, au même titre, semble-t-il, que les inégalités sur le plan matériel.
Cette réalité nous incite à nous interroger sur notre capacité à assurer l’égal accès de tous à la santé.
À ces inégalités s’ajoutent celles que vous avez vous-mêmes citées, madame la ministre.
Dans mon propos, je m’attacherai à évoquer les inégalités géographiques et territoriales dans le domaine de la santé.
En effet, si chacun sait que l’espérance de vie d’un ouvrier est inférieure de dix ans à celle d’un cadre, on oublie régulièrement que plus de dix ans d’espérance de vie à la naissance séparent les populations des zones d’emploi du nord et du sud de la France. Autrement dit, comme le souligne l’économiste Sylvain Allemand, « un ouvrier de Toulouse vivra en moyenne nettement moins longtemps qu’un cadre supérieur de son entreprise, mais un peu plus longtemps que son collègue de Tourcoing ».
Madame la ministre, le 11 janvier dernier, à l’occasion du colloque « Réduire les inégalités de santé », vous disiez que « le temps n’est plus simplement au constat, mais à l’action ». Vous ajoutiez : « Pour être plus justes dans leurs effets, les actions engagées doivent être mieux ciblées. ». Je partage ces propos.
En effet, c’est précisément ce que nous proposons avec cet amendement, qui tend à moduler la régulation prix-volume, en intégrant dans le texte une disposition visant à corriger, sous l’égide des ARS, les inégalités entre régions.
Il n’est pas logique qu’actuellement le système de régulation prix-volume s’applique sans tenir compte ni du périmètre du tarif, ni de la nature des activités au sein du champ médecine-chirurgie-obstétrique, ni des indicateurs de santé.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l'amendement n° 497.
M. Alain Milon. Monsieur le président, les arguments présentés par M. le rapporteur général m’ayant convaincu, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 497 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 437 rectifié ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les disparités territoriales constituent, à l’évidence, un sujet important.
Toutefois, l’adoption de cet amendement aboutirait à ce que l’ensemble des tarifs soient différenciés selon les régions. Ce serait une réforme majeure, dont je ne suis pas du tout sûr qu’elle soit souhaitable.
En tout cas, comme le disait Jean-Pierre Fourcade, compte tenu travail qu’ont déjà les ARS, mieux vaut laisser la réforme HPST se mettre en place ; nous verrons ensuite s’il y a lieu d’évoluer vers une régionalisation des tarifs !
À ce stade, l’avis de la commission est donc plutôt défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous êtes vous-même, cher Alain Milon, issu de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
M. Alain Milon. Je vous remercie de ne pas recourir, cette fois, à l’acronyme PACA ! (Sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous présente toutes mes excuses pour l’avoir fait tout à l'heure ! (Nouveaux sourires.)
Quoi qu'il en soit, le cas de votre région montre bien que le niveau régional n’est absolument pas pertinent, eu égard à l’évidente hétérogénéité des territoires qui la composent : les indicateurs de santé publique de la côte n’ont véritablement rien à voir avec ceux de l’arrière-pays varois ou du haut pays niçois. Par conséquent, une modulation selon des indicateurs régionaux n’aurait guère de sens.
Plutôt qu’une régulation prix-volume, qui est d’ailleurs potentiellement très déstabilisante pour les établissements de santé, le Gouvernement privilégie des mesures préventives, comme une estimation plus réaliste des besoins hospitaliers au moment de fixer l’ONDAM et des mises en réserve de crédits budgétaires en début d’exercice.
Une telle démarche me paraît moins déstabilisante et plus opérationnelle que celle qui est proposée par les auteurs de l’amendement n° 437 rectifié. D’ailleurs, l’amendement n° 497, qui allait dans le même sens, vient d’être retiré par M. Alain Milon, qui a sans doute bien perçu les difficultés de cette ténébreuse affaire…
M. le président. L'amendement n° 315 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, de Montesquiou et Detcheverry et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
Après l'article 39 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur les modalités d'une réforme de la législation sur l'assurance de la responsabilité civile médicale des praticiens conventionnés avec l'assurance maladie, prévoyant notamment l'intervention de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux dans tous les cas où la couverture d'assurance médicale est épuisée ou expirée et sans que l'Office ne puisse obtenir remboursement des sommes pour lesquelles le praticien ne pouvait s'assurer.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Pour une fois, je demande un rapport !
Il s’agit d’un sujet que nous souhaitions évoquer par le biais d’autres amendements, mais ces derniers ayant été déclarés irrecevables par la commission des finances, nous risquions cette fois encore de nous priver d’un débat sur un problème pourtant important.
En effet, l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 n’a pas réglé le problème des « trous » d’assurance de la responsabilité civile professionnelle médicale. Les médecins restent ainsi exposés à un risque de ruine, tandis que les patients demeurent, eux, soumis au risque d'insolvabilité des praticiens.
Pour régler définitivement ce problème vieux de huit ans déjà, le présent amendement demande la remise d’un rapport au Parlement sur les modalités d'une réforme prévoyant l'intervention de l’ONIAM dans tous les cas où la couverture d’assurance médicale est épuisée ou expirée et sans que l’Office puisse obtenir remboursement des sommes pour lesquelles le praticien ne pouvait s’assurer.
On sait ce qu’il en est, notamment, pour les gynécologues-obstétriciens qui, se trouvant avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, renoncent à pratiquer l’obstétrique dans les établissements privés.
À l’heure actuelle, la couverture assurantielle, déjà très importante puisqu’elle est fixée à 3 millions d’euros, entraîne des primes considérables. Au-delà de ce seuil, l’ONIAM peut avoir une action récursoire contre le praticien dix ans après l’arrêt de ses activités et, éventuellement, exercer un recours sur sa succession.
Par conséquent, l’assurance pour couvrir le risque est tout à fait disproportionnée.
Il s’agit donc, par cet amendement, d’attirer l’attention sur ce problème, qui touche particulièrement les obstétriciens, mais aussi les chirurgiens et les anesthésistes. Bien entendu, il s’agit ici de ne prendre en compte que les cas où il n’existe pas de faute pénalement sanctionnable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Voilà un sujet récurrent, dont nous avons débattu longuement l’année dernière, avec moult suspensions de séance, réunions de commission, navettes entre le Gouvernement et nous-mêmes, pour aboutir à une rédaction qui n’a pas réglé définitivement le problème que vous évoquez, monsieur Barbier.
Il nécessite pourtant une réponse dans un délai rapproché, la situation ne pouvant durer plus longtemps.
Est-ce une simple coïncidence ? Toujours est-il que les professionnels s’émeuvent du fait que la mortalité infantile en France progresse par rapport à celle de nos voisins,…
Mme Marie-Thérèse Hermange. Absolument !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … et craignent le risque de mortalité des femmes en couches. Est-ce vrai ou faux ? (Mme la ministre fait un signe de dénégation.)
Madame la ministre, je vous vois protester contre ces affirmations. Comme les professionnels nous alertent sur ce point, il serait intéressant que vous nous communiquiez les données statistiques permettant d’appréhender la réalité de la situation à cet égard.
J’en viens au rapport que vous proposez, monsieur Barbier, tendant notamment à envisager la solution souhaitée par les professionnels de santé, à savoir que l’ONIAM puisse assurer la couverture de l’indemnisation au-delà du montant assurable par les professionnels, tout en évitant le recours par l’ONIAM auprès des professionnels eux-mêmes au titre de la responsabilité civile.
Il semble que le Gouvernement soit en mesure aujourd’hui de nous apporter des informations qui devraient aboutir à une solution consistant à constituer un fonds de mutualisation, avec le concours des assureurs.
Cette solution devrait entrer dans les faits au plus tard à la fin de l’année 2011 ; si c’est plus tôt, ça n’en serait que mieux. L’essentiel, madame la ministre, est que vous nous donniez un calendrier et que vous preniez des engagements très clairs de manière que M. Barbier, sous le bénéfice de ces informations, puisse retirer son amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le rapporteur général, le calendrier dont je vais vous faire part est beaucoup plus resserré.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Tant mieux !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’ai anticipé votre souhait, monsieur Barbier, puisque Christine Lagarde, François Baroin et moi-même avons demandé à Gilles Johanet de poursuivre sa mission sur ce dossier.
Je lui ai demandé de faire en sorte que son rapport – un rapport complet, comme vous le demandez, monsieur le sénateur – soit prêt à la fin janvier 2011, de sorte que nous puissions prendre des dispositions dans la foulée, c'est-à-dire dès le milieu du premier semestre de 2011.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je veux en effet que cette affaire trouve sans retard une solution, car elle n’a que trop duré.
Je m’engage donc devant vous sur ce calendrier : finalisation du rapport Johanet en janvier 2011 et mise en œuvre des mesures d’application dans les trois mois suivants.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, et M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Sous le bénéfice de cet engagement, acceptez-vous, monsieur Barbier, de retirer votre amendement, qui a pour objet de proposer une remise de rapport à la fin de juin 2011, soit à une date, vous en conviendrez, moins favorable que celle que je propose ?
M. Gilbert Barbier. Oui, madame la ministre.
M. le président. L'amendement n° 315 rectifié est retiré.
L'amendement n° 382, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 39 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant la couverture par un contrat d'assurance responsabilité professionnelle spécifique à un tarif abordable de l'activité de toute sage-femme qui souhaiterait pratiquer des accouchements en dehors du cadre de l'hôpital.
Cet amendement n’est pas défendu.
Article 40
Au code de la santé publique, il est rétabli un article L. 6122-19 ainsi rédigé :
« Art. L. 6122-19. – À partir du 1er septembre 2011 et pendant une période de deux ans, le Gouvernement est autorisé à engager l’expérimentation de nouveaux modes de prise en charge de soins aux femmes enceintes et aux nouveau-nés au sein de structures dénommées : “maisons de naissance”, où des sages-femmes réalisent l’accouchement des femmes enceintes dont elles ont assuré le suivi de grossesse, dans les conditions prévues aux articles L. 4151-1 et L. 4151-3. Ces expérimentations ont une durée maximale de cinq ans.
« À cet effet, il est dérogé aux articles L. 1434-2, L. 1434-7 et L. 6122-1.
« Les maisons de naissance ne sont pas des établissements de santé au sens de l’article L. 6111-1 et ne sont pas soumises au chapitre II du titre II du livre III de la deuxième partie.
« Le décret en Conseil d’État visé au dernier alinéa du présent article précise notamment que la maison de naissance doit être attenante à une structure autorisée à l’activité de gynécologie-obstétrique avec laquelle elle doit obligatoirement passer une convention.
« L’activité de la maison de naissance est comptabilisée avec celle de la structure autorisée à l’activité de gynécologie-obstétrique autorisée attenante.
« Il peut être dérogé aux dispositions du code de la sécurité sociale relatives aux modalités d’application de la prise en charge de certains actes inscrits sur la liste prévue à l’article L. 162-1-7 de ce même code.
« Par dérogation à l’article L. 162-22-13 du même code, les dépenses nécessaires au fonctionnement des maisons de naissance peuvent être prises en charge en tout ou partie par la dotation annuelle prévue à l’article L. 162-22-14 du même code.
« Les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent la liste des maisons de naissance autorisées à fonctionner à titre expérimental en fonction notamment de l’intérêt et de la qualité du projet pour l’expérimentation et de son intégration dans l’offre de soins régionale en obstétrique. La suspension de fonctionnement d’une maison de naissance inscrite sur la liste peut être prononcée par le directeur général de l’agence régionale de santé pour les motifs et dans les conditions prévues par l’article L. 6122-13. Le retrait d’inscription à la liste est prononcé par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale en cas de manquement grave et immédiat à la sécurité ou lorsqu’il n’a pas été remédié aux manquements ayant motivé la suspension.
« Un premier bilan de l’expérimentation est établi au 31 décembre 2014 par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale en vue de la poursuite ou de l’abandon de l’expérimentation. Le Gouvernement adresse au Parlement un bilan définitif de l’expérimentation dans l’année qui suivra sa fin.
« Les conditions de l’expérimentation et notamment les conditions d’établissement de la liste susmentionnée, les conditions de prise en charge par l’assurance maladie de la rémunération des professionnels, les conditions spécifiques de fonctionnement des maisons de naissance ainsi que les modalités d’évaluation de l’expérimentation à son terme sont fixées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, sur l'article.
Mme Claire-Lise Campion. Cet article vise à expérimenter, au sein de maisons de naissance, moins médicalisées que les maternités, le suivi par des sages-femmes des grossesses et des naissances. Cette proposition d’expérimentation a fait l’objet d’un long débat à l’Assemblée nationale, la commission des affaires sociales allant même jusqu’à voter un amendement de suppression.
Nous demeurons, pour notre part, très réticents à l’égard de cet article, qui a, je le reconnais bien volontiers, fortement évolué au cours des débats.
Je peux tout à fait comprendre qu’il convient de ne pas surmédicaliser l’accouchement. Je suis très attentive aux reproches des femmes qui estiment que l’accouchement ne prend pas assez en compte la dimension humaine. Cela tient souvent à deux raisons.
Tout d’abord, il arrive que le personnel médical soit soumis à des protocoles qui favorisent des actes médicaux parfois inutiles. Ce sont les médecins eux-mêmes qui nous le disent !
Ensuite, le personnel médical, parfois malmené par le manque de moyens, ne peut pas toujours prendre le temps suffisant pour accompagner les couples.
Néanmoins, il ne faut évidemment pas oublier les risques susceptibles de survenir à l’occasion d’un accouchement et dont l’issue peut être dramatique. En d’autres termes, il ne faudrait pas que le travail mis en place depuis des années, à travers les plans de périnatalité, pour améliorer la sécurité de la mère et de l’enfant soit mis à mal à l’occasion d’une décision prise avec une trop grande précipitation.
Certes, en exigeant que ces maisons de naissance soient attenantes à une structure autorisée à l’activité de gynécologie-obstétrique avec laquelle elle doit obligatoirement passer une convention, un début de réponse a été apporté aux inquiétudes exprimées. Cependant, des questions demeurent. Je n’en citerai qu’une, mais elle est essentielle. Qui assumera l’investissement lié la création de ces structures ? Nous ne le savons pas !
Enfin, mes chers collègues, l’attitude du Gouvernement est tout de même assez paradoxale ! D’un côté, il ferme des maternités de proximité au prétexte qu’elles étaient dangereuses et, de l’autre, il nous propose aujourd’hui la mise en place de maisons de naissance qui n’apportent pas, à ce jour, toutes les garanties que nous sommes en droit d’attendre.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, sur l’article.
M. Alain Milon. L’absence de garanties de nature à préserver un haut niveau de sécurité des soins prodigués aux parturientes et aux nourrissons s’oppose à la mise en place de cette expérimentation.
L’objectif des pouvoirs publics, via les plans périnatalité successifs, a été d’accroître la sécurité de la mère et de l’enfant lors de la naissance par le recours à des normes précises de fonctionnement et par une restructuration importante de l’offre obstétrico-pédiatrique. L’un des axes du plan de périnatalité de 1970-1976 consistait en la sécurisation de la naissance avec trois principales mesures : le renforcement des moyens techniques adéquats dans les maternités, notamment pour réanimer les nouveau-nés, la formation des professionnels et, surtout, la disponibilité immédiate de ces derniers.
Le plan 1995-2000 a privilégié la sécurisation de l’accouchement par la restructuration des maternités et, concrètement, la fermeture des plus petites d’entre elles, celles qui pratiquaient moins de 300 accouchements, sous l’effet de normes renforcées.
S’il est nécessaire d’éviter une surmédicalisation de la naissance et de répondre au problème de la démographie médicale en obstétrique, les résultats médiocres de la France en termes de morbidité et de mortalité maternelle et fœtale doivent nous interdire de baisser notre niveau d’exigence en matière de sécurité des soins.
L’expérimentation de maisons de naissance ne permet pas de répondre à ces objectifs. La littérature médicale récente montre en effet que la pertinence de la définition de la grossesse à bas risque est très difficile à établir et que tout accouchement peut exiger une prise en charge pluridisciplinaire en urgence, ce que ne permettraient pas les maisons de naissance.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, sur l’article.
M. Gilbert Barbier. Cette volonté d’expérimentation des maisons de naissance semble, dans l’état actuel de notre système hospitalier, public et privé, pour le moins inopportune, hâtive et agressive vis-à-vis des unités de gynécologie-obstétrique de nos établissements, et ce à plusieurs titres.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Gilbert Barbier. Pour moi, le point essentiel est celui de la sécurisation des accouchements, qui est au cœur de la spécialité obstétricale. C’est si vrai que le projet actuel vise à un adossement d’un tel établissement à un service de gynécologie-obstétrique, qui devra intervenir en cas de complications survenues avant ou pendant l’accouchement.
Il importe de définir la notion de grossesse et d’accouchement à bas risque, comme l’a souligné Alain Milon, puisque c’est elle qui sera à l’origine d’une orientation de la femme vers un service classique ou vers une maison de naissance.
Il s’agit donc de mesurer les dangers qu’il y a à laisser accoucher dans un lieu distinct d’une salle d’accouchement classique une grossesse classée jusqu’au début du travail comme à bas risque mais qui peut se terminer par un accouchement à haut risque.
Parmi les expériences menées sur des effectifs significatifs, je retiendrai celle de Howett, sur la Cochrane Database. Elle fait apparaître un taux relativement élevé de transfert de la maison de naissance vers la salle d’accouchement classique soit avant, soit durant le travail. Ce taux se situe entre 29 % et 87 %.
Les principales raisons de transfert per partum retenues étaient l’absence de progression du travail, la suspicion de détresse fœtale ou la demande d’analgésique pharmacologique.
Toujours d’après cette étude, on observe une mortalité périnatale significativement plus importante dans les maisons de naissance, tout spécialement là où le personnel était différent de celui des salles d’accouchement classique.
Si j’ai bien compris la proposition qui est faite, les services de gynécologie-obstétrique auxquels seront adossées ces maisons devront assurer une permanence de soins par du personnel médical et paramédical, un personnel dont l’activité sera forcément moindre, car je ne pense pas que les accouchements en maison de naissance viendront en plus des activités du service. Cette diminution d’activité ne sera pas sans conséquence dans le cadre de la T2A, actuellement appliquée à l’obstétrique.
Par ailleurs, sous quel contrôle les activités de ces maisons de naissance seront-elles placées ? Le chef du service de gynécologie obstétrique aura-t-il droit de cité et comment ? Tout cela n’est pas clair !
Enfin, comment ces établissements fonctionneront-ils sur les plans financier et technique ? Seront-ils soumis à la T2A ? Y aura-t-il un prix de journée comprenant les rémunérations des sages-femmes ?
Je pense très sérieusement qu’après avoir fermé plusieurs petites maternités rurales sous le prétexte de sécurité, il est bien difficile d’expliquer cette nouvelle orientation, sinon par la pression de certains lobbies de tous bords !
M. Guy Fischer. Et voilà !
M. Gilbert Barbier. Avant de se lancer dans une telle expérimentation, il serait sage, madame le ministre, de procéder à une étude objective des avantages et inconvénients de ces maisons de naissance dans notre pays, dont le système ne peut être comparé aux autres, notamment à celui des États-Unis.
Peut-être faut-il tout simplement repenser le service aujourd'hui offert à la population dans nos actuels lieux de naissance.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 121 est présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 252 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 316 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
L'amendement n° 355 est présenté par M. Le Menn, Mme Jarraud-Vergnolle, M. Daudigny, Mme Le Texier, MM. Teulade et Cazeau, Mmes Demontès, Campion, Alquier et Printz, MM. Kerdraon, Godefroy, Jeannerot, S. Larcher et Gillot, Mmes Ghali, San Vicente-Baudrin et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 495 rectifié est présenté par MM. Milon, P. Blanc, Laménie, J. Blanc et Revet.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. André Lardeux, rapporteur, pour présenter l’amendement n° 121.
M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Cet amendement de suppression de l’article 40 est la synthèse des avis entendus par la commission des affaires sociales. Malgré l’importance du sujet, qui vient d’être largement évoqué, je vais tenter de ne pas tomber dans le travers des orateurs qui donnent en longueur ce qui leur manque en profondeur ! (M. Alain Milon applaudit. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) )
Mme Catherine Procaccia. M. Lardeux n’a visé personne en particulier ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. André Lardeux, rapporteur. La formule n’est pas de moi ! Mais Montesquieu connaissait la nature humaine... (Sourires.)
M. Guy Fischer. Et voilà, vous nous attaquez tout de suite ! (Nouveaux sourires.)
M. André Lardeux, rapporteur. Pourquoi vous sentez-vous visé, monsieur Fischer ?
La commission pense qu’il serait judicieux de ne pas maintenir cet article pour plusieurs raisons.
D’abord, l’information de la représentation nationale est, pour l’instant, nettement insuffisante.
Ensuite, nos performances dans le domaine de la périnatalité devraient nous inciter à la prudence.
Enfin, cela a été dit, je tiens à la cohérence de nos positions. On nous explique, depuis de très nombreuses années, qu’il faut absolument fermer les petites maternités en raison de leur manque de sécurité, ce que je peux parfaitement comprendre, même si ce n’est pas sans poser des difficultés aux populations les plus éloignées des centres urbains.
Si, comme le texte l’indique, ces équipements doivent se trouver quasiment à l’intérieur des maternités, pourquoi ne pas demander aux responsables de ces maternités de proposer une nouvelle organisation de leur service, répondant aux préoccupations des femmes qui souhaitent accoucher dans des conditions un peu moins médicalisées, dès lors, bien sûr, que leur état de santé le leur permet ?
La toute dernière raison est plus personnelle. Avant que cet article 40 ne soit débattu en commission, on ne nous en a pas beaucoup parlé. Ensuite, bien entendu, il y a eu du lobbying direct et indirect : c’est la règle du jeu et ce n’est pas très grave. Mais je voudrais être certain que, derrière ce lobbying, ne s’avancent pas masqués certains groupes dont les objectifs ne sont pas clairement affichés. D’où parlent leurs représentants ? Je n’ai pas encore pu le déterminer !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 252.
M. Guy Fischer. À l’instar de la commission des affaires sociales, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG proposent la suppression de cet article 40, qui a pour objet d’autoriser l’expérimentation des maisons de naissance.
Avant d’en venir au fond, je voudrais vous dire notre surprise de voir un tel article apparaître dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Cette disposition, si elle devait être adoptée, ne manquerait pas d’être censurée par le Conseil constitutionnel au motif que cette expérimentation n’a pas de lien direct avec la sécurité sociale. C’est en tout cas ce que l’on voudrait croire, comme pour se rassurer… Car si un tel lien existait, ce serait l’aveu bien involontaire du Gouvernement qu’il s’agit là d’une mesure destinée à concurrencer le secteur hospitalier, dans le seul but de faire des économies, potentiellement, sur la santé des femmes et de leurs enfants.
Par ailleurs, bien que cette expérimentation ait été prévue dans le plan périnatalité 2005-2007, il semble que sa transposition dans le présent projet de loi n’ait pas fait l’objet d’une concertation, y compris avec ceux qui défendent cette proposition. Je pense particulièrement à l’association CALM, Comme à la maison, laquelle – d’après l’une de ses représentantes qui a contacté notre groupe – n’aurait pas même été informée du dépôt de cet article 40. Reconnaissez qu’il s’agit d’une conception assez particulière de la concertation !
Toutefois, si nous sommes opposés à cet article, c’est que nous redoutons les conséquences qu’aurait son adoption. Nous comprenons que des femmes puissent vouloir bénéficier d’un accouchement moins médicalisé, moins technicisé que ceux qui sont réalisés au sein des plateaux techniques propres aux établissements de santé, mais nous ne pouvons souscrire à la proposition d’expérimentation telle qu’elle est proposée ici, considérant qu’elle est en incohérence complète avec la politique hospitalière que mène le Gouvernement en matière de politique, plus particulièrement en ce qui concerne les maternités.
En effet, vous n’hésitez pas à fermer des maternités publiques sous prétexte que, réalisant un nombre d’actes insuffisants, elles présenteraient des risques pour les femmes comme pour les enfants.
Or, par cet article 40, vous nous proposez d’ouvrir des structures totalement dérogatoires, non soumises aux mêmes obligations que les établissements publics de santé. Je pense, par exemple, aux tarifs opposables ou encore au fait que de telles structures puissent se soustraire aux règles définies dans les schémas régionaux d’organisation des soins, qui doivent pourtant garantir à nos concitoyens un véritable accès aux soins, correspondant – c’est important de le souligner – à leurs besoins en santé.
C’est à croire que vous savez déjà que ces structures ne parviendront pas à trouver un public suffisamment large !
Il y a une autre source d’inquiétude pour notre groupe. C’est sans doute la question la plus importante, et nous la développerons si nécessaire : je veux parler de la sécurité.
L’adossement à un établissement de santé, tel qu’il a été adopté à l’Assemblée nationale, atteste, s’il en était besoin, qu’il peut y avoir des risques.