M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà encore un moment difficile : nous avons le sentiment de proposer des mesures qui sont inéluctables et d’être simplement un peu en avance. Après la discussion sur la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, c’est un peu frustrant…
Toutefois, je voudrais insister sur quelques chiffres : les dépenses supportées par la CNAM en matière de dépendance s’élèvent à 11 milliards d’euros et le déficit de la CNAM pour 2011 devrait atteindre 11,5 milliards d’euros.
Par conséquent, à cette heure où nous sommes en hypoglycémie (Sourires), permettez-moi de constater un peu trivialement que nous jouons « petits bras », y compris avec mon amendement ! Je n’ai donc pas l’impression d’en rajouter…
Je note que M. Fischer a été très sensible et qu’il a parfaitement compris la distinction entre les petites retraites, auxquelles nous ne touchons pas, et les autres.
Monsieur le ministre, dans la situation actuelle, si nous attendons jusqu’au printemps prochain pour prendre une telle décision, nous perdrons définitivement 1,7 milliard d’euros.
En tout cas, je maintiens l’amendement n° 110, car ce n’est pas l’amendement de Jean-Jacques Jégou. C’est un amendement – M. le président Roland du Luart, qui siège au sein de la commission des finances, le sait bien – proposé par le rapporteur pour avis et adopté par les membres de la commission des finances.
M. le président. Monsieur About, l'amendement n° 405 est-il maintenu ?
M. Nicolas About. En ce jour de vendredi, j’ai bien compris que nous devions encore noyer le poisson pendant quelque temps ! (Sourires.) Nous attendrons donc le printemps…
Je retire par conséquent l’amendement n° 405, déposé au nom du groupe Union centriste, sachant que nous aurons l’occasion de nous prononcer sur l’amendement de M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je rappelle à mes collègues membres de la commission des affaires sociales que nous nous réunirons à quatorze heures quinze précises, ce qui nous laisse une heure et demie pour le déjeuner.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Candidatures à des organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.
La commission des finances a fait connaître qu’elle propose les candidatures de :
- Mme Marie-Hélène Des Esgaulx pour siéger, en tant que membre titulaire, au sein du conseil d’administration du Fonds pour le développement de l’intermodalité dans les transports, en remplacement de M. Alain Lambert ;
- M. Jean Arthuis pour siéger, en tant que membre titulaire, au sein de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, en remplacement de M. Alain Lambert ;
- Mme Marie-Hélène Des Esgaulx pour siéger, en tant que membre titulaire, au sein du conseil d’administration de l’établissement public national Autoroutes de France, en remplacement de M. Alain Lambert ;
- M. André Ferrand pour siéger, en tant que membre titulaire, au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, en remplacement de M. Christian Gaudin ;
- M. Philippe Adnot pour siéger, en tant que membre suppléant, au sein du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, en remplacement de M. Christian Gaudin.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
5
Communications du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le Président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 12 novembre 2010, les décisions du Conseil sur cinq questions prioritaires de constitutionnalité (n° 2010-60 QPC, n° 2010-61 QPC et nos 2010-63/64/65 QPC).
Acte est donné de ces communications.
6
Financement de la sécurité sociale pour 2011
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2011.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 16.
Article 16
Le même code est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 242-1-2, il est inséré un article L. 242-1-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 242-1-4. – Toute somme ou avantage alloué à un salarié à raison de son activité professionnelle par une personne qui n’est pas son employeur est une rémunération au sens de l’article L. 242-1.
« Dans les cas où le salarié concerné exerce une activité commerciale ou en lien direct avec la clientèle pour laquelle il est d’usage qu’une personne tierce à l’employeur alloue des sommes ou avantages au salarié, les cotisations d’assurance sociale, d’allocations familiales et d’accidents du travail et les contributions sociales dues sur ces rémunérations sont acquittées sous la forme d’une contribution libératoire à la charge de la personne tierce dont le montant est égal à 20 % de la part de ces rémunérations qui excède pour l’année considérée un montant égal à 15 % de la valeur du salaire minimum interprofessionnel de croissance calculée pour un mois sur la base de la durée légale du travail. Les autres cotisations d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi ne sont pas dues sur ces rémunérations. Lorsque ces rémunérations versées pour un an excèdent la valeur du salaire minimum interprofessionnel de croissance calculée pour un mois, la part supérieure à ce plafond est assujettie à toutes les cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle.
« Lorsque la personne tierce appartient au même groupe que l’employeur au sens de l’article L. 2331-1 du code du travail, elle ne peut s’acquitter de ses cotisations et contributions sociales par le versement de la contribution libératoire prévue au deuxième alinéa du présent article.
« La personne tierce remplit les obligations relatives aux déclarations et aux versements de la contribution libératoire ou des cotisations et contributions sociales relatifs à ces rémunérations selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations du régime général assises sur les salaires. Elle informe l’employeur des sommes ou avantages versés à son salarié.
« Le deuxième alinéa n’est ni applicable, ni opposable aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du présent code si la personne tierce et l’employeur ont accompli des actes ayant pour objet d’éviter, en totalité ou en partie, le paiement des cotisations et contributions sociales. Dans ce cas, l’article L. 243-7-2 est applicable à l’employeur en cas de constat d’opérations litigieuses.
« Un décret fixe les modalités d’application du présent article, notamment les modalités d’information de l’employeur et de l’organisme de recouvrement par la personne tierce sur les sommes ou avantages versés aux salariés.
« Un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale détermine les règles selon lesquelles les sommes recouvrées au titre de la contribution libératoire sont réparties entre les contributions et les cotisations mentionnées au deuxième alinéa. » ;
2° à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 243-7, les mots : « est confié aux organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général » sont remplacés par les mots : « ainsi que par toute personne qui verse des cotisations ou contributions auprès des organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général est confié à ces organismes » ;
3° L’article L. 311-3 est complété par un 31° ainsi rédigé :
« 31° Les salariés au titre des sommes ou avantages mentionnés au premier alinéa de l’article L. 242-1-4. »
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. L’article 16 concerne l’assujettissement des rémunérations versées par des tiers.
L’évolution des politiques de rémunération des entreprises met en évidence, dans un nombre croissant de situations, l’attribution de gratifications aux salariés d’une entreprise par des personnes tierces à ladite entreprise.
Indépendamment de leurs montants supposés, il est anormal que ces primes, rémunérations déguisées qui se sont développées durant les dernières années, échappent à toute contribution relative au financement de la protection sociale. Malheureusement, les pouvoirs ont toléré trop longtemps ces pratiques.
En effet, une ordonnance datée du 21 octobre 1986 avait légalisé ces gratifications. De nombreux accords avaient été conclus dans les entreprises depuis lors et elles trouvèrent un intérêt évident à l’exonération des charges sociales des sommes distribuées au titre de l’intéressement légal pour leurs salariés. Sont ici concernés les commerciaux VRP, des personnels d’hôtel, des télévendeurs, des concessionnaires automobiles, des employés de la distribution et de la parfumerie.
Toutefois, l’article 4 de cette ordonnance prévoyait, afin d’anticiper les dérives possibles, que de telles sommes ne pouvaient « se substituer à aucun des éléments du salaire en vigueur dans l’entreprise ou qui deviendraient obligatoires en vertu de règles légales ou contractuelles ». Cette disposition a été communément appelée « règle de non-substitution ».
Un certain nombre d’entreprises ont pris malgré tout le risque, payant, de mettre en place des systèmes d’intéressement personnels en ayant dénoncé au préalable, parfois même simultanément, des accords collectifs ayant prévu des primes ou gratifications pour l’ensemble des salariés. L’URSSAF était intervenue pour faire cesser ces pratiques. Or plusieurs redressements opérés par celle-ci ont été annulés par la jurisprudence de la Cour de cassation du 16 mars 1995.
Depuis lors, la difficulté pour l’URSSAF résidait dans le fait que les opérations de contrôle conduites chez l’employeur du salarié ne permettaient pas, le plus souvent, de repérer l’octroi d’avantages par un tiers et, dès lors, de réclamer à l’employeur les cotisations sur ces avantages.
Depuis cet arrêt, une lacune juridique existe donc lorsque des sommes ou avantages sont versés au salarié par une entreprise ou une personne tierce qui n’est pas son employeur habituel, alors même que celui-ci est souvent informé de l’existence de telles pratiques détournées. Cet article tend à supprimer ce dispositif ; nous l’approuvons. Il présente aussi l’avantage de permettre aux salariés concernés de compléter leurs droits à retraite, ce qui n’est pas négligeable. L’assujettissement aux cotisations et contributions sociales a, en effet, pour contrepartie l’ouverture de droits.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 230 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 293 rectifié bis est présenté par MM. P. Dominati et Beaumont et Mme Sittler.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 230.
M. Guy Fischer. Avec cet amendement, nous entendons supprimer l’article 16, qui assimile à des rémunérations les sommes ou avantages alloués à un salarié par une tierce personne qui n’est pas son employeur et prévoit de les assujettir aux prélèvements sociaux.
Vous le savez, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG sont prêts à soutenir le Gouvernement et sa majorité dans une éventuelle lutte contre les niches fiscales.
Or l’article 16 ne s’inscrit pas dans cette démarche ; nous regrettons vivement que l’on applique à des salariés, pour des avantages sur lesquels je reviendrai ultérieurement, un taux de cotisation de 20 %, et ce alors que, dans le même temps, vous refusez systématiquement d’assujettir au taux normal de cotisations les revenus complémentaires à la rémunération que perçoivent les dirigeants et les cadres les plus riches, revenus qui sont pourtant de plus en plus élevés. Voici l’idée que vous vous faites du financement de la sécurité sociale : un taux de prélèvement fort pour les faibles et un taux de prélèvement faible pour les plus forts !
Certains voudraient voir dans l’amendement proposé par M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales un élément de pondération notable. En effet, si celui-ci était adopté, l’article 16 ne s’appliquerait pas aux avantages alloués par une personne n’ayant pas la qualité d’employeur à un salarié en contrepartie d’une activité accomplie dans l’intérêt de ladite personne.
Si nous avons bien compris la volonté exprimée à la fois au travers de cet article et de cet amendement, sont principalement visés les avantages consentis aux personnels des compagnies aériennes comme les réductions sur les billets d’avion, sur les prestations hôtelières ou encore sur les places de parking. Naturellement, nous considérons que l’amendement de M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales va dans le bon sens puisqu’il ne faudrait pas que les salariés qui sont, pour des raisons professionnelles, obligés d’assumer certaines dépenses, même avec une réduction, soient imposés sur celles-ci.
Toutefois, malgré l’apport que pourrait constituer l’amendement de M. le rapporteur général, nous craignons que l’article 16 n’ait pour effet de taxer l’ensemble des prestations négociées par les comités d’entreprise de notre pays. Je pense, par exemple, aux millions de salariés qui bénéficient de tarifs préférentiels pour les places de cinéma, les spectacles vivants, les locations de voiture, les réductions portant sur les hébergements ou les offres de restauration.
M. Nicolas About. EDF !
M. Guy Fischer. Bref, l’ensemble des éléments négociés par les représentants des salariés pour les salariés.
Parce qu’il existe sur ce sujet un flou et que toute mesure de taxation conduirait, finalement, au tarissement des légers avantages dont bénéficient les salariés et donc, indirectement, à une réduction de leur pouvoir d’achat, nous confirmons notre volonté de supprimer l’article 16.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l'amendement n° 293 rectifié bis.
M. Philippe Dominati. Une fois n’est pas coutume, je partage la vision ultralibérale de M. Fischer ! (Sourires.)
Il s’agit ici de faire payer des charges sociales sur les gratifications, particulièrement sur celles des forces de vente dans de nombreux secteurs. Cette mesure, potentiellement profondément injuste, est en grande partie absurde. À tel point que, dans les amendements qui vont suivre, nous commençons à en mesurer les effets néfastes, car elle est mal comprise. Il va falloir rassurer les pilotes de ligne et d’autres personnels des compagnies aériennes. Un amendement a d’ailleurs été déposé en ce sens. Il va falloir également rassurer l’industrie automobile et les concessionnaires automobiles. Et nous n’avons pas encore entendu, chers collègues, les récriminations de l’ensemble des professionnels concernés, notamment des forces de vente, des commerciaux qui seront atteints par cette mesure !
L’article prévoit d’assimiler à des rémunérations les gratifications exceptionnelles, mais dans une faible mesure puisque cette contribution ne sera due que sur les sommes excédant un montant égal à 15 % de la valeur du SMIC mensuel. Évidemment, monsieur le ministre, dans le cas des activités saisonnières ou lorsqu’une force de vente a pu particulièrement déployer son énergie, par exemple à l’occasion des fêtes de Noël, le seuil sera immédiatement dépassé. Cela revient pratiquement à taxer les relations commerciales qu’une entreprise tierce peut avoir avec un réseau. Ainsi, on taxera telle grande société de parfums qui accordera des rémunérations sociales à un réseau de distribution de parfums, c’est-à-dire à des vendeuses. On le fera dans la grande distribution, dans l’électroménager, chez Darty et autres.
Mais on ne taxera que les sommes et avantages alloués à un salarié par une personne extérieure. Si cela provient d’une personne appartenant à la même entreprise, une sorte d’exonération est prévue. Autrement dit, les directions commerciales des entreprises diront à leurs employés qu’ils ne peuvent pas faire directement de cadeaux à leurs clients pour renforcer les forces de vente ; en revanche, si elles leur consentent un avantage, ces derniers pourront le céder à leurs clients…
En outre, le problème tient au fait que beaucoup de ces avantages sont offerts par des entreprises internationales. Nous savons très bien que, dans de grandes entreprises, les services informatiques se trouvent malheureusement bien souvent en Irlande. Autre exemple, la Belgique accueille des sièges de sociétés japonaises. Comment l’État pourra-t-il exercer son contrôle, lorsqu’un fabricant de matériel informatique, dont le siège se trouve en Belgique, offrira des gratifications aux forces de vente de la grande distribution française pour les motiver ? Dans de telles conditions, seules les entreprises françaises seraient pénalisées par cette mesure.
En résumé, je vois trois objections majeures à cet article 16 : premièrement, il risque de susciter un afflux de réclamations catégorielles, qui seront malheureusement justifiées ; deuxièmement, comme vient de le dire M. Fischer, il aura une incidence directe sur le pouvoir d’achat ; troisièmement, il créera un déséquilibre entre les sociétés nationales et internationales.
Pour l’ensemble de ces raisons, monsieur le ministre, je propose la suppression pure et simple de cet article : elle nous fera gagner du temps, aujourd’hui, en accélérant l’examen des amendements, et à l’avenir, car vous ouvrez une véritable boîte de Pandore !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements de suppression présentés par MM. Fischer et Dominati visent sans doute des objectifs légèrement différents, mais dont le résultat au bout du compte serait le même. La commission des affaires sociales a donc souhaité s’en tenir à l’esprit du projet de loi, sinon à sa lettre. C’est la raison pour laquelle elle n’a pas jugé bon d’émettre un avis favorable, d’autant plus qu’elle a procédé à une amélioration rédactionnelle, comme M. Dominati s’est d’ailleurs plu à le rappeler, en déposant un amendement que je présenterai à la fin de la discussion de cet article 16.
Par ailleurs, un amendement présenté par M. About tend à restreindre le champ de cet article, sans aller toutefois aussi loin que celui de M. Dominati, en supprimant la taxation des avantages en nature pour ne viser que les sommes versées au salarié.
Il serait souhaitable que le Gouvernement nous explique comment il envisage de mettre en œuvre ce dispositif. En effet, le Français étant assez débrouillard, il est à craindre qu’il ne trouve une solution qui lui permette d’échapper à ce prélèvement. Puisque celui-ci met en cause des tiers, il suffira que le tiers s’entende avec l’acheteur…
M. Philippe Dominati. Absolument !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … et que l’acheteur devienne le distributeur des avantages que le tiers ne pourra plus accorder directement aux salariés ou aux commerciaux. À mon avis, ce dispositif sera donc facilement contourné.
M. Philippe Dominati. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si, tel est le cas, l’assiette sera réduite à néant et on n’obtiendra donc pas la recette attendue.
M. Philippe Dominati. Effectivement !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le Gouvernement s’inquiétera peut-être de l’argumentation que je viens de développer, car elle pourrait lui donner le sentiment d’apporter de l’eau au moulin de M. Dominati ainsi qu’à celui des auteurs des amendements suivants. Je tiens simplement à appeler son attention sur d’éventuels effets pervers de cette mesure, dans la mesure où l’assiette disparaîtrait d’elle-même. Qu’il nous explique donc comment il envisage de mettre en application ce dispositif, parce qu’il ne sera pas non plus facile d’évaluer les avantages en nature prenant la forme d’une bouteille de vin ou d’un flacon de parfum offerts par un fournisseur aux salariés de la grande surface qui les commercialise.
Cela étant, cette disposition est inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 et la recette correspondante a fait l’objet d’une estimation, prise en compte dans l’équilibre financier général du projet de loi – comme je l’ai précisé ce matin au sujet d’autres dispositions. Il m’est par conséquent difficile de le remettre en cause, en ma qualité de rapporteur général, sans risquer de compromettre l’équilibre d’ensemble du projet de loi.
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales m’a mandaté afin de solliciter le retrait de ces amendements ; dans la négative, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Premièrement, par nature, le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements identiques qui visent à supprimer un élément constitutif de la politique qu’il mène avec détermination pour réduire et supprimer les niches fiscales et sociales.
Deuxièmement, monsieur Dominati, malgré toute l’estime et l’amitié que je vous porte – mon discours commence bien et se terminera aussi bien, que les choses soient claires ! –, je vois néanmoins un paradoxe à vous voir sur la même ligne que M. Fischer – formant ainsi une sorte d’arc électrique – pour défendre le même objectif. (M. Guy Fischer s’exclame.)
M. Jacky Le Menn. Tout arrive !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il y a des alliances contre nature !
M. François Baroin, ministre. Sans vouloir torpiller complètement l’argumentation de M. Fischer, mais pour atténuer l’écho qu’elle pourrait trouver dans cet hémicycle, je tiens à préciser que le prélèvement forfaitaire de 20 % est uniquement à la charge de l’entreprise qui accorde l’avantage. Votre argument essentiel, monsieur Fischer, selon lequel cette nouvelle mesure scélérate du Gouvernement favoriserait ceux qui ont de l’argent, qui bénéficient de stock-options, de retraites chapeaux et d’avantages en nature, alors que les pauvres salariés qui ont peu de revenus et subissent les politiques de modération salariale seraient à nouveau pénalisés…
M. Guy Fischer. C’est la vérité, ça !
M. François Baroin, ministre. … devient donc sans objet. Pardonnez-moi si j’ai légèrement caricaturé vos propos, monsieur Fischer (Mme Annie David s’exclame.), mais votre argumentation tombe d’elle-même, car c’est bien la personne tierce qui paiera le prélèvement forfaitaire de 20 %.
Pour le reste, afin de soulager M. Dominati dans son compagnonnage d’infortune sur cet amendement particulier, je voudrais apporter quelques précisions supplémentaires.
Tout d’abord, nous devons adopter une approche globale de cette mesure, notamment sur le plan budgétaire : elle a été définie pour atteindre l’objectif d’équilibre de nos comptes publics, car c’est en ma qualité de ministre des comptes publics que je m’exprime devant vous.
On ne peut pas proclamer la nécessité de réaliser des économies, sans s’en donner les moyens, car les déficits globaux doivent être maîtrisés : nous devons donc nous fixer un objectif de maîtrise des dépenses d’assurance maladie.
Comment y parvenir ? Le cadre fixé par le Gouvernement est bien clair : il a choisi d’intervenir sur la dépense et de ne pas créer de nouvel impôt.
Quelle est la bonne méthode pour réduire les dépenses ? Le Gouvernement, soutenu par sa majorité, a choisi de procéder à la suppression et à l’effacement de niches fiscales et sociales à hauteur de 10 milliards d’euros : un tel niveau de réduction n’a jamais été atteint dans l’histoire de nos finances publiques ! Je rappelle les données globales : les niches fiscales sont évaluées à 75 milliards d’euros et les niches sociales à 45 milliards d’euros. Le programme de stabilité présenté par le Gouvernement en début d’année fixait un objectif de réduction de ces niches de 2 milliards d’euros par an pour 2011, 2012 et 2013 : on lui avait alors ri au nez, en lui disant qu’il n’y parviendrait pas !
Eh bien, pour atteindre notre objectif intangible de réduction de nos déficits à 6 % de la richesse nationale en 2011, nous vous proposons donc de porter la réduction des niches fiscales et sociales à 10 milliards d’euros. Monsieur Dominati, vous ne pouvez pas, à la fois, reprocher au Gouvernement d’être incohérent et lui demander d’accepter un sacrifice qui ne se résume pas à un simple coup de canif, car c’est une entaille de 70 millions d’euros que vous proposez !
Or, il n’y a pas de petites économies : M. le rapporteur général a recouru avec beaucoup de bonheur à l’image des petits ruisseaux qui font de grandes rivières, lesquelles nourrissent des fleuves qui aboutissent à la mer. La mer que nous souhaitons atteindre, c’est la réduction des déficits, avec l’objectif du retour en 2013 à la situation prévalant avant la crise. Dans ce contexte, 70 millions d’euros ne sont pas une petite affaire !
J’ajoute que nous devons traiter une réalité qui n’est plus ni moralement, ni juridiquement, ni économiquement acceptable, je veux parler du véritable détournement consistant, pour un employeur, à s’appuyer sur des filiales installées à l’étranger pour développer des dons et des avantages en nature en faveur des salariés, quelle que soit leur qualification juridique. Je ne peux qu’y voir la volonté de contourner la loi.
Cette mesure répond également à une demande des URSSAF, qui souhaitent disposer d’une base législative pour fiscaliser les pratiques des entreprises qui, à l’aide de ce détournement, versent des compléments de rémunération. Dans un contexte d’économies budgétaires et de réduction de nos déficits, pourquoi nous interdirions-nous d’étudier cette piste, sachant que ces pratiques durent depuis des années ! Le contournement de la législation par le développement des filiales ne peut pas nous laisser indifférents sur le plan moral.
Puisqu’il n’est pas de petites économies, ces 70 millions d’euros supposent de sécuriser une base fiscale, qui est honnête et juste : la personne tierce paie le forfait de 20 % et les avantages perçus seront pris en compte pour le calcul des droits à la retraite. Ce dernier élément affaiblit définitivement la position défendue par M. Fischer…