M. Guy Fischer. Donc, on transfère pour économiser !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J'ajoute que, au cours de la discussion de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2011 à l’Assemblée nationale, j’ai donné un avis favorable à un amendement visant à transformer en taxe la contribution mise à la charge des organismes complémentaires pour financer le fonds CMU.
Cette disposition permettra aux assurés de mieux distinguer, dans l’évolution future de leurs primes, ce qui relève de la politique tarifaire de leur organisme complémentaire et ce qui ressortit à une décision des pouvoirs publics relative à l’augmentation du taux de la taxe dont le produit est affecté au fonds CMU.
La transformation de la contribution en taxe se traduira concrètement par une diminution de 5,9 % du montant stipulé dans les contrats d’assurance complémentaire, conformément à un engagement pris par l’UNOCAM. En effet, on a parfois fait porter au Gouvernement la responsabilité de décisions qui relevaient en réalité de la gestion des organismes complémentaires. Il suffit de comparer l’augmentation des cotisations demandées par ces derniers et celle des prestations versées pour observer un très fort différentiel.
Bernard Cazeau s’est inquiété des revenus des médecins.
M. Guy Fischer. Ah !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les ressources que les médecins tirent de leur exercice libéral – hors l’activité salariée qui y est souvent adjointe –, soit les honoraires nets de charges, s’élevaient en moyenne, en 2007, à 86 300 euros annuels, dont 66 800 euros pour les omnipraticiens et 109 400 euros pour les médecins spécialistes des quatorze disciplines les plus répandues.
Le revenu moyen des médecins se compare donc avantageusement à celui des autres professions non salariées et à celui des salariés appartenant aux professions intellectuelles supérieures.
Le revenu libéral moyen des médecins s’élevait, en 2005, à 78 000 euros annuels, soit un montant très supérieur à celui de l’ensemble des professions non salariées, qui est de 36 400 euros. Seuls les pharmaciens et les professionnels libéraux du droit obtenaient des rémunérations supérieures, à savoir respectivement 96 000 euros et 103 000 euros. On ne peut donc pas parler de la paupérisation des médecins.
M. Bernard Cazeau. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Malgré des disparités selon les spécialités, les revenus des médecins ont progressé de façon appréciable depuis le début des années 2000.
Toutefois, les revenus d’activité libérale des médecins sont sujets à des évolutions annuelles heurtées. C’est pourquoi la variation de leur rémunération doit s’apprécier en moyenne sur plusieurs années. Or, depuis 2002, les médecins ont vu leur revenu d’activité libérale progresser en moyenne de 1,4 % par an en euros courants et de 1 % par an en euros constants.
M. François Autain. Vous incluez les dépassements d’honoraires ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Milon, vous m’avez posé plusieurs questions, mais j’avais déjà répondu à la plupart d’entre elles dans mon intervention liminaire. (M. Alain Milon fait un signe d’assentiment.) Je concentrerai mon propos sur l’avenir du régime de l’avantage social vieillesse, ASV, des médecins.
M. François Autain. Et l’AME ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il convient de rappeler que les cotisations de ce régime sont indexées sur le tarif de la lettre clé C, qui va passer à 23 euros. Les revalorisations successives de la consultation, passées et à venir, apportent des recettes supplémentaires au régime, améliorant ainsi sa situation financière, même si les réserves seront épuisées aux alentours de 2015.
Le Gouvernement a conscience qu’une réforme plus importante de ce régime devra être engagée. Toutefois, ce dernier n’est pas au bord de la faillite. Il convient donc de prendre le temps nécessaire pour réaliser cette réforme, en concertation étroite avec l’ensemble des parties prenantes : syndicats représentatifs, assurance maladie, caisses de retraite et allocataires.
La réforme qui sera élaborée devra pérenniser le régime et respecter des principes que le Gouvernement souhaite communs à l’ensemble des réformes de ces régimes ASV : solidarité intergénérationnelle, efforts partagés entre bénéficiaires et assurance maladie, progressivité des mesures et prise en compte des spécificités des régimes et des professions concernés.
Avant de conclure, je ne résiste pas à l’envie de revenir sur la « pique » d’Alain Vasselle, relative au nombre de circulaires adressées aux ARS. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Plus de 300 !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Selon les chiffres qui m’ont été communiqués, confirmés par le secrétariat général du Gouvernement, environ 250 instructions et circulaires ont été validées à ce jour ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Un pointage réalisé par le secrétariat général des ministères chargé des affaires sociales a permis de distinguer les instructions dites « signalées », qui représentent 25 % du total, et les autres, qui sont moins stratégiques.
Ces textes comportent sur quatre thématiques majeures : les crédits, la mise en œuvre des politiques, les enquêtes, le fonctionnement des ARS. Naturellement, cette dernière question est d’autant plus importante que ces agences sont en cours d’installation, puisque leur mise en place remonte au 1er avril dernier.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, on ne réunit pas sept administrations en une seule sans une phase de rodage ! Celle-ci s’est globalement bien déroulée. Les ARS fonctionnent et le Conseil national de pilotage, le CNP, a trouvé un régime de croisière satisfaisant. Un décret a même pu être publié le 8 juillet dernier, donc au terme de la première année d’existence des agences !
Le but du Conseil national de pilotage était bien de prendre la mesure du « flux descendant » vers les ARS, pour assurer la coordination et la mise en cohérence des politiques. En ce sens, le chiffre de 250 instructions et circulaires indique davantage le bon fonctionnement que de dysfonctionnement du CNP : d’une part, le regroupement des instructions et circulaires en un point unique permet à chaque direction de prendre conscience de ce qui descend vers les ARS et de s’interroger le cas échéant ; d’autre part, il s'agit de la première étape d’une mise en cohérence qui se traduira immanquablement par une diminution des instructions envoyées. D’ailleurs, cela vous rassurera sans doute, monsieur Vasselle : le flux tend déjà à se ralentir.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je n’ai pas répondu à toutes vos interrogations. Je pense en particulier à la question de M. Vasselle sur les maisons de naissance. Toutefois, l’examen des amendements me permettra d’engager un débat plus approfondi sur ce point.
MM. François Autain et Guy Fischer. Et l’AME ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’AME relève du projet de loi de finances. Je me permets de renvoyer chacun à sa connaissance de la mécanique budgétaire ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Jean Boyer et Gilbert Barbier applaudissent également.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des motions.
Exception d’irrecevabilité
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°279.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2011 (n° 84, 2010-2011).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, auteur de la motion.
Mme Isabelle Pasquet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, une chose est certaine avec ce Gouvernement : les textes se succèdent, mais la logique reste la même.
C’est toujours le même projet de société qui est à l’œuvre : le « changement d’ère », appelé de ses vœux par le MEDEF.
Mme Isabelle Pasquet. Loi après loi, recul social après recul social, s’enracine une société du chacun pour soi, une société qui foule aux pieds nos acquis sociaux, nos solidarités, et qui donne la primauté à l’argent sur l’humain. (M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales s’exclame.)
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Isabelle Pasquet. À peine le projet de loi portant réforme des retraites a-t-il voté, dans le contexte que nous savons, et malgré le refus persistant du peuple, que le Gouvernement continue de remettre méthodiquement en question l’héritage du Conseil national de la Résistance dans tous ses aspects.
M. Guy Fischer. C’est encore vrai !
Mme Isabelle Pasquet. Après avoir fait voter une réforme particulièrement injuste dont le financement pèse pour 85 % sur les salariés, voilà que vous nous présentez, madame la ministre, un projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’ultra austérité.
Avec ce texte, force est de constater que l’entreprise d’appauvrissement de la sécurité sociale est toujours en marche avec, en ligne d’horizon, la faillite de notre système de protection sociale à plus ou moins long terme.
Pourtant, des sources de financement autres que celles qui pèsent sur les ménages existent et restent à explorer – nous aurons l’occasion de les développer tout au long de ce débat –, mais vous refusez de donner à notre système de sécurité sociale les moyens dont il a besoin pour fonctionner correctement.
Vous présentez un tableau alarmant – certes, il l’est de fait – pour expliquer à la population le caractère inéluctable des mesures d’économie que vous proposez. C’est ce même unique argument que vous avez invoqué pour imposer votre réforme des retraites. Vous nous dites : « Nous n’avons pas le choix ».
Mme Annie David. Cela a été redit tout à l’heure !
Mme Isabelle Pasquet. Mais le choix, nous l’avons !
Mme Annie David. Bien sûr !
Mme Isabelle Pasquet. Ce ne sont pas les marchés qui décident, ce sont les femmes et les hommes qui nous gouvernent et qui détiennent le pouvoir de décision.
Lorsque l’on vous présente des solutions alternatives, vous les refusez. En cela, vous faites un choix, mais c’est le mauvais choix pour notre peuple !
Les chantres de la dérégulation oublient que la France est dotée d’une hiérarchie des normes et que les lois votées doivent non seulement être conformes à notre Constitution, mais également recueillir l’adhésion de la population et avoir pour objet l’intérêt national.
M. Guy Fischer. Voilà !
Mme Isabelle Pasquet. Le droit à la santé et le droit à la sécurité sociale sont garantis par notre Constitution.
M. Guy Fischer. Oui, ce sont des droits fondamentaux !
Mme Isabelle Pasquet. Or, aujourd’hui, nous estimons qu’ils sont remis en question.
Depuis 1971, le Conseil constitutionnel a intégré dans le bloc de constitutionnalité le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui crée des droits sociaux. Ceux-ci sont opposables aux pouvoirs publics et ont une valeur juridique supérieure aux lois. Ainsi le onzième alinéa dispose-t-il que la nation « garantit à tous [...] la protection de la santé ».
Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, sans affirmer que les droits à la santé et à la sécurité sociale sont remis en question, rend leur exercice si difficile qu’il devient, dans les faits, impossible d’en user. C’est toute la différence qui sépare l’existence d’un droit de son effectivité.
Avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, les plus modestes auront encore plus de difficultés à « bien se soigner ». Vous maintenez un système à deux vitesses avec un écart de plus en plus grand. Une sorte de plafond de verre de l’accès aux soins est en train de s’instaurer.
Pourtant, la sécurité sociale devrait encore être le lieu où s’exprime une véritable solidarité avec un égal accès à la santé pour toutes et pour tous.
Concrètement, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale contient de nombreuses mesures qui aggravent les conditions d’accès aux soins. La liste est longue et nous aurons l’occasion d’y revenir tout au long de ce débat : déremboursements multiples, diminution de la prise en charge de certains médicaments, de certains actes, des frais de transport, grave recul pour les affections de longue durée, …
Cette remise en question du droit de se soigner s’accompagne de l’hypothèque des droits des générations futures. En effet, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 organise la plus importante reprise de dette jamais effectuée. Pas moins de 130 milliards d'euros sont transférés à la CADES dont l’existence a été prolongée, et ce en dépit des engagements antérieurs.
Mme Annie David. Cela va peser sur les générations futures !
Mme Isabelle Pasquet. Ce que vous nous présentez comme un remède constitue en fait une mesure très risquée. Nous assistons à une fuite en avant qui risque de se révéler plus dangereuse que le mal lui-même : elle ne résout rien et remet les problèmes à plus tard. En décidant un nouvel amortissement de la dette, vous espérez diminuer les déficits actuels. Mais, en réalité, du fait des coûts exorbitants de l’emprunt, vous aggravez très fortement les déficits futurs de la sécurité sociale. En définitive, vous vous livrez à un simple jeu comptable : c’est de la poudre aux yeux !
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a été bâti sur des hypothèses particulièrement irréalistes, ce qui a pour conséquence de rendre insincères les prévisions de ce texte.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Isabelle Pasquet. En effet, le cadrage pluriannuel qui a été retenu, en parallèle avec le projet de loi de finances pour 2011, laisse apparaître des hypothèses de croissance inatteignables. Au final, le présent projet de loi de financement est construit sur des chimères.
Pour la croissance du PIB de notre pays, une hypothèse de 2 % en 2011 et de 2,5 % les années suivantes a été retenue. Ces estimations sont fortement contredites par les experts qui n’escomptent pas un véritable rebond ; même le FMI, que vous citez si souvent, évoque une croissance de 1,5 % pour 2011 et 2012.
Pour la masse salariale, élément fondamental dans la fixation des équilibres, qui détermine les trois quarts des ressources de la sécurité sociale, des chiffres encore plus improbables ont été retenus.
Mme Annie David. Exactement !
Mme Isabelle Pasquet. Alors que, pour la première fois depuis l’après-guerre, la masse salariale de notre pays a baissé durant deux années consécutives,...
M. Guy Fischer. C’est vrai !
Mme Isabelle Pasquet. ... alors que la masse salariale du secteur privé a diminué de 1,3 % en 2009, le Gouvernement a voulu retenir une progression de 2,9 % pour 2011, puis de 4,5 % par an à partir de 2012 !
M. Guy Fischer. Très bien vu !
Mme Isabelle Pasquet. Est-ce sérieux ?
M. Guy Fischer. Non !
Mme Isabelle Pasquet. Est-ce ainsi que l’on peut sereinement préparer l’avenir ?
M. Guy Fischer. Non !
Mme Isabelle Pasquet. Finalement, n’est-ce pas tromper nos concitoyens que de présenter des comptes aussi improbables ?
Mme Annie David. Bien sûr que si !
Mme Isabelle Pasquet. M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales reconnaît lui-même que ces prévisions sont – il avait fait le même constat l’année dernière – très optimistes.
Pourtant, les textes sont clairs. Le code de la sécurité sociale dispose que la loi de financement de la sécurité sociale « détermine, pour l’année à venir, de manière sincère, les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale compte tenu notamment des conditions économiques générales et de leur évolution prévisible ».
De son côté, le Conseil constitutionnel affirme que, « s’agissant des conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale pour l’année en cours et l’année à venir, la sincérité se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de cet équilibre ». Or, nous estimons que ces grandes lignes sont faussées.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Isabelle Pasquet. Se fonder sciemment des chiffres si peu crédibles constitue une présentation insincère du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, ce qui est inconstitutionnel.
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Isabelle Pasquet. Pourtant, le droit de se soigner devrait être garanti pour tous.
M. Guy Fischer. C’est un droit fondamental !
Mme Isabelle Pasquet. Très souvent, vous soulignez que notre système de protection sociale joue un rôle d’« amortisseur social ». Mais, cette année encore, vous vous employez à amoindrir ce rôle et, qui pis est, vous aggravez les inégalités.
L’année 2009 a vu une explosion du déficit. Le régime général termine l’année avec un solde négatif de 20,3 milliards d’euros, soit quasiment le double de ce qui était initialement prévu.
Mme Annie David. Oui, 10,5 milliards d'euros !
Mme Isabelle Pasquet. Certes, la crise économique et financière est passée par là,...
M. Guy Fischer. Nous sommes honnêtes, nous le reconnaissons !
Mme Isabelle Pasquet. ... mais le déficit de la sécurité sociale est avant tout dû à une insuffisance chronique des ressources.
De l’argent, il y en a ; il suffit d’aller le chercher là où il est ! Mais vous refusez toujours à toucher les plus riches. Et lorsque, enfin, vous commencez à faire appel à certains revenus du capital – stock-options et retraites chapeaux –, c’est de manière si faible que le compte n’y est pas. Il s’agit uniquement d’un effet d’affichage ! Cela laisse à penser que les déficits sont organisés. Et maintenant, ils vont se creuser encore du fait des coupes claires qui vont être effectuées dans les prestations afin de réaliser encore des économies au détriment de la santé de nos concitoyens.
Nous considérons que les dépenses de santé doivent être sanctuarisées. Nos concitoyens ne doivent pas être contraints de renoncer à bien se soigner pour des raisons financières.
L’austérité que le Gouvernement met en place va se faire au détriment de nos politiques de santé publique. Nos hôpitaux publics ont du mal à faire face aux besoins de soins des populations et leurs personnels hospitaliers sont soumis à des conditions de travail toujours plus rudes, notamment à cause du manque d’effectifs provoqué par les réductions budgétaires.
M. Guy Fischer. J’en citerai quelques exemples !
Mme Isabelle Pasquet. En outre, ces structures publiques, qui n’ont pas, selon vous, leur place dans le système néolibéral, sont toujours montrées du doigt comme les mauvais élèves. Nous avons atteint, et même dépassé, les limites du volontarisme. Il est faux de prétendre que l’on peut toujours faire mieux avec moins !
Les politiques de santé que le Gouvernement met en place depuis quelques années ont des effets négatifs au sein de notre population.
Oui, l’espérance de vie a augmenté, ces dernières années, dans la plupart des pays occidentaux, et nous ne pouvons que nous en réjouir. Cependant, des études scientifiques sérieuses montrent qu’avec cette politique de réduction des coûts de la santé, l’espérance de vie va stagner, puis amorcer une diminution.
Si le nombre des maladies infectieuses diminue, les maladies chroniques dues aux nouvelles habitudes de vie se développent, notamment l’obésité, le diabète, les affections liées aux expositions aux produits chimiques, aux OGM, le stress chronique.
Par ailleurs, l’INSEE nous indique que la mortalité infantile, qui était jusqu’à maintenant en constante baisse, commence malheureusement à remonter, ce qui est très préoccupant. Après avoir fermé des maternités jugées « non rentables » ou « non sûres »,…
Mme Isabelle Pasquet. … le Gouvernement veut mettre en place des maisons de naissance. Nous y sommes fermement opposés. Ce n’est pas le moment de relâcher nos efforts dans ce domaine.
Les femmes accouchent, en moyenne, à un âge de plus en plus élevé, donc les risques changent. Démédicaliser cet acte, même si c’est le souhait de certaines femmes, serait dangereux, car il n’existe pas d’accouchement sans aucun risque.
Il nous semble très choquant de vouloir mettre en place, pour réaliser d’éventuelles économies, une expérimentation sans garde-fou ? C’est sans doute cette absence de garde-fou qui a incité le Gouvernement à présenter des amendements sur ce sujet. C’est bien parce qu’il a été permis aux femmes d’accoucher dans un milieu sûr, en étant entourées d’une équipe médicale dûment formée, que l’on a pu faire baisser la mortalité infantile.
Mme Annie David. Exactement !
Mme Isabelle Pasquet. Autre illustration de cette logique de marchandisation de la santé : un amendement tend à introduire une mesure favorisant le développement, de manière expérimentale, des « centres autonomes » pour la chirurgie ambulatoire, notamment pour le traitement la cataracte. Pour des raisons financières, nous devrions accepter que la médecine soit pratiquée hors des structures médicales. C’est totalement illogique !
Enfin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 fait courir un grand risque au régime des affections de longue durée, les ALD, qui ne seront plus systématiquement prises en charge, à moins que la vie du patient ne soit menacée.
M. Guy Fischer. C’est un revirement fondamental ! C’est la première fois que l’on s’attaque aux personnes âgées !
Mme Isabelle Pasquet. C’est un grave recul que vous amorcez là.
Nous voulons souligner que, contrairement à ce qui a été avancé par certains collègues en commission, la plupart des assurés pris en charge au titre d’une ALD ne cherchent pas à frauder la sécurité sociale ; ils souffrent réellement d’une affection dont le traitement est coûteux. Cessons donc ces caricatures et cette politique du bouc émissaire !
La pérennité de notre système de sécurité sociale passe par des mesures à la hauteur des besoins. Il faut sans conteste une augmentation importante des recettes. Or, contre toute logique et par pure idéologie, vous vous obstinez à ne pas vouloir puiser dans de nouvelles sources de financement, et lorsque vous le faites, c’est avec une grande modération.
Malgré les grandes annonces ouvrant la traque aux niches sociales, vous refusez de revenir sur certains allégements de charges sociales accordés aux entreprises. En dépit de vos annonces, les stock-options et les retraites chapeaux seront à peine écornées.
Mme Annie David. C’est sûr ! On n’y touche pas !
Mme Isabelle Pasquet. En revanche, les déremboursements qui seront décidés seront d’application immédiate.
Voilà ce que contient votre projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Et ce n’est pas tout : comme chaque année, nous pouvons craindre que d’autres mauvaises mesures n’arrivent en cours d’année par voie de décret, comme ce fut le cas au mois de décembre 2009, avec la diminution des sommes versées aux victimes de l’amiante percevant une allocation de cessation anticipée d’activité.
Aujourd’hui, avec un semblable projet de loi de financement de la sécurité sociale, c’est le droit même à l’accès à la santé qui est remis en question. Le choix de société que vous nous proposez est celui où tout le service public se privatise peu à peu, qu’il s’agisse des systèmes de soins, des hôpitaux, de la retraite, des écoles, de la dépendance,… C’est une société où la santé est de moins en moins l’affaire de l’État et des services publics, et de plus en plus celle des assurances et des compagnies privées. Pour vous, tout est marché, tout est monnayable !
Et vous mettez en place tous ces dispositifs sans tenir compte du fait que votre politique ne recueille pas l’adhésion du plus grand nombre. Vous ne pouvez pas vous appuyer indéfiniment sur le fait majoritaire.
Vous décidez de rendre impossible le maintien de la sécurité sociale telle qu’elle est et vous transférez insidieusement la protection sociale vers les assureurs privés. Cette remise en question de l’égalité d’accès à la santé et à la sécurité sociale viole notre Constitution.
Tout comme vous, nous recevons quotidiennement dans nos permanences des personnes qui renoncent à se soigner ou reportent une intervention chirurgicale faute de moyens financiers. D’autres n’ont pas ou plus de mutuelle, car ils ont dû y renoncer, faute d’argent. Nous refusons d’admettre cette réalité.
Mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 risque de nuire gravement à la santé de nos concitoyens. Il pourrait aggraver les inégalités face au droit constitutionnel de se soigner. C’est pour ces raisons que nous vous proposons de voter pour cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il me semble que nos collègues du groupe CRC-SPG n’ont pas lu attentivement le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
M. Guy Fischer. On peut recommencer !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. S’ils l’avaient fait, ils ne se seraient probablement pas livrés au développement qu’ils nous ont asséné pendant quinze minutes. En effet, tout, dans le texte, prend le contre-pied de l’argumentation qui nous a été présentée.
Les deux arguments principaux qui ont été avancés sont le recul du droit à la santé et l’absence…
Mme Annie David. De recettes !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … de sincérité des comptes. Ces arguments sont à l’opposé des objectifs recherchés et des mesures contenues non seulement dans le présent projet de loi de financement, mais également dans les lois de financement antérieures.
M. Guy Fischer. On n’a pas vu cela, nous !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur Fischer, si vous n’avez pas vu cela, je vous invite à relire attentivement le texte, quitte à y passer la nuit.
M. Guy Fischer. Cette nuit !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si vous le faites, j’ai la conviction que, demain, vous aurez changé d’avis et vous donnerez raison au Gouvernement.
M. François Autain. Tiens donc !