M. René Teulade. Cette mesure est d’autant plus surprenante que, récemment, la HAS a recommandé de procéder à quatre tests par jour.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pour un ancien ministre de la santé, c’est tout de même grave de ne pas faire la différence entre les deux types de diabète !
M. René Teulade. Quelle est donc la portée sociale d’une telle décision ? Décidément, vous cherchez non pas à faire évoluer les comportements, mais à culpabiliser les malades !
En effet, on sait bien que la véritable difficulté est de trouver un équilibre entre prescriptions libérales et prestations socialisées, deux démarches économiquement incompatibles.
M. Gilbert Barbier. Nous y voilà !
M. René Teulade. Nous n’y sommes jamais parvenus. Ce problème de fond ne date pas d’aujourd’hui. En particulier, la liberté des tarifs aboutit à ce que seuls ceux qui en ont les moyens peuvent accéder à des soins de qualité.
La loi HPST, votée en 2009, devait révolutionner l’organisation des soins. À ce jour, ses effets bénéfiques pour les patients se font attendre. Si les ARS, qui ont été mises en place en avril 2010, ont pris contact avec les acteurs locaux de santé pour améliorer la santé de nos concitoyens, la tarification à l’activité est encore en phase de démarrage. Le présent PLFSS prolonge encore la tarification globale, ce qui empêchera le contrôle des dépenses par la sécurité sociale.
Avant de conclure, je voudrais m’interroger sur le retard dans la mise en place concrète de la couverture de la perte d’autonomie et la création d’un cinquième risque, dont la prise en charge devra être financée par la solidarité nationale, et non par le système assurantiel, comme certains le proposent. Si nous voulons que tous les Français soient couverts, nous devons nous appuyer sur les principes fondateurs de la sécurité sociale, en particulier la participation de tous à la couverture de tous.
Je voudrais également évoquer, par parenthèse, le projet de loi de finances, notamment les crédits de la mission « Santé ».
Les députés, avec votre approbation, madame la ministre, ont instauré une franchise de 30 euros pour les bénéficiaires de l’aide médicale d’État. Décidément, vous aimez les franchises ! Vous avez justifié celle-ci en expliquant que cette somme correspondait aux frais d’ouverture du dossier…
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
M. René Teulade. J’espère qu’il ne s’agit pas de constituer un fichier des bénéficiaires de l’AME !
Quoi qu’il en soit, cette mesure aura pour grave conséquence que les bénéficiaires de l’AME les plus démunis renonceront à se soigner. Cela n’est pas anodin : ces personnes sont souvent atteintes de maladies graves et contagieuses.
L’instauration de cette nouvelle franchise me rappelle un combat que j’ai mené en 1979, en tant que président de la Mutualité française, lorsque le gouvernement de M. Barre a institué le ticket modérateur d’ordre public, le fameux TMOP. Il s’agissait déjà de responsabiliser les consommateurs en leur faisant payer une partie des dépenses. Il aura fallu l’envoi de 7 millions de cartes postales au Président de la République, soit la plus grande pétition de tous les temps, pour que cette décision soit remise en cause.
La mise en place de franchises pour l’AME est une mesure injuste. Du reste, aucune étude sérieuse ne prouve que l’instauration d’une franchise responsabilise les assurés sociaux et diminue la consommation dans le domaine de la santé.
Madame la ministre, votre projet de budget se fonde sur des projections selon nous optimistes, qui ne correspondent pas à la réalité économique. Nous espérons cependant qu’un certain nombre de vos prévisions se réaliseront, afin que les déficits de la sécurité sociale puissent être réduits, mais nous en doutons. Nous devrons donc sans doute constater un nouvel approfondissement du « trou ».
Le reproche essentiel que nous faisons à votre projet de budget est qu’il n’est pas juste pour les Français. Il touche les plus faibles et épargne les plus forts. C’est pourquoi nous présenterons des amendements visant à restaurer la solidarité et un peu plus de justice. Si vous n’acceptez pas nos propositions, nous voterons contre ce projet de budget de la sécurité sociale pour 2011. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette année plus encore que les précédentes, la ligne directrice du PLFSS est la réduction des déficits sociaux afin de préserver un système social unique et envié en raison du niveau de protection qu’il assure. C’est dans cet esprit de responsabilité et pour sauvegarder notre système par répartition que nous avons voté la réforme des retraites. Le PLFSS pour 2011 constitue la première étape de la mise en œuvre de cette réforme, qui doit, à l’horizon de 2018, ramener les comptes de l’assurance vieillesse à l’équilibre. Forts de cette volonté qui nous a animés tout au long du débat sur la réforme des retraites, nous poursuivons la même démarche aujourd’hui.
Notre pays vient de traverser une crise financière sans précédent, qui aura des conséquences tant sur nos finances publiques que sur nos finances sociales. Heureusement, notre système de protection sociale a joué un rôle d’amortisseur de crise en faveur des plus fragiles de nos concitoyens. La lutte contre les déficits est donc d’autant plus justifiée qu’elle vise à sauvegarder un système solidaire qui a fait ses preuves dans la tempête.
Après que le Gouvernement eut proposé une réforme courageuse des retraites, la prochaine réforme essentielle devrait être celle de l’assurance maladie. En effet, nous voyons bien les difficultés rencontrées, chaque année, pour limiter l’évolution de l’ONDAM sans toucher le cœur de la solidarité face à la maladie.
La crise économique, chacun le sait, a fortement dégradé les comptes du régime général. La baisse de la masse salariale constatée en 2009, pour la première fois depuis la création de la sécurité sociale, a fait passer le déficit de 10 milliards d’euros en 2008 à 20 milliards d’euros en 2009.
Pour 2011, il nous est proposé de nous prononcer sur une prévision de recettes de 426 milliards d’euros, soit une augmentation de 4,2 % par rapport à 2010, et sur une prévision de dépenses de 448,7 milliards d’euros toutes branches confondues, ce qui témoigne de l’importance accordée par le Gouvernement aux dépenses de santé.
Plus généralement, ce PLFSS s’articule autour de quatre axes : le financement de la réforme des retraites, la reprise de la dette sociale par la CADES, la poursuite de la politique de réduction des niches sociales et la maîtrise des dépenses d’assurance maladie.
Concernant le volet « maladie », l’ONDAM pour 2011, qui prévoit une maîtrise médicalisée des dépenses, laisse selon nous des marges de manœuvre importantes pour faire face à l’évolution des techniques médicales et des soins.
Je souhaite cependant appeler l’attention du Gouvernement sur les points suivants, qui me semblent cruciaux : le transfert à l’assurance maladie de 100 millions d’euros de la sous-enveloppe « personnes âgées » de l’ONDAM qui n’ont pas été consommés l’année dernière ; la limitation des exonérations de contributions pour certains médicaments orphelins ; l’expérimentation des « maisons de naissance » ; la convergence des tarifs entre hôpitaux publics et hôpitaux privés.
Il apparaît tout d’abord que le transfert à l’assurance maladie de 100 millions d’euros de la sous-enveloppe « personnes âgées » de l’ONDAM non consommés en 2010 va à l’encontre de la préconisation de la mission d’information sur les missions et l’action de la CNSA d’éviter tout nouveau débasage de l’ONDAM médicosocial et de dédier un chapitre de la CNSA à l’aide aux investissements assurés par les établissements. En outre, la loi dispose que ces crédits non dépensés ne peuvent être réaffectés et doivent être reportés à l’ONDAM de l’année suivante. Enfin, il semble difficile d’expliquer à nos concitoyens que les crédits prévus ne soient pas utilisés pour l’accueil des personnes âgées, alors qu’il apparaît clairement, sur le terrain, que nous manquons de places.
En dépit du soutien que nous apportons au Gouvernement en matière de respect de l’ONDAM et de maîtrise des déficits, nous souhaiterions que vous nous donniez des assurances, madame la ministre, sur les perspectives de financement du secteur médicosocial pour 2011. Nous partageons en effet les inquiétudes exprimées par Mme Desmarescaux sur ce point.
S’agissant du financement des traitements des maladies orphelines, le débat à l’Assemblée nationale a permis de modifier le projet initial du Gouvernement. L’article 20 vise ainsi à instaurer un plafond de 30 millions à 40 millions d’euros – défini par un accord-cadre entre le Comité économique des produits de santé et l’industrie – pour les exonérations de contributions dont bénéficient les médicaments orphelins. Pourtant, les affections orphelines concernent si peu de patients que la recherche de thérapeutiques adaptées n’enthousiasme guère l’industrie pharmaceutique.
M. Alain Milon. Les dispositions de cet article 20, même avec un seuil ainsi relevé, ne risquent-elles pas de retirer toute motivation à cette industrie et de nuire à l’intérêt des patients, ainsi qu’aux efforts actuellement déployés pour améliorer l’attractivité de notre pays en matière de recherche et de production dans ce domaine ? À cet égard, nous suivrons avec beaucoup d’attention le sort réservé aux amendements présentés par notre collègue Gilbert Barbier.
J’évoquerai maintenant la mise en place de maisons de naissance, prévue par l’article 40 du projet de loi.
Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, madame la ministre, vous avez répondu à une inquiétude légitime sur la sécurité de l’acte d’accouchement, en apportant deux garanties : d’une part, le jumelage de ces maisons de naissance à des maternités ; d’autre part, la limitation de leur champ d’intervention aux grossesses sans risque. Or grossesse sans risque ne veut pas dire accouchement sans risque.
M. Alain Milon. Nous souhaitons donc que soient précisés le statut, l’organisation, les conditions d’implantation et de financement de ces maisons de naissance, afin de pouvoir déterminer notre vote, sachant que la commission des affaires sociales s’est montrée plutôt opposée à ce projet.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Sa majorité !
M. Alain Milon. J’aborderai enfin l’importante question de la convergence des tarifs entre hôpitaux publics et établissements privés. Madame la ministre, vous avez annoncé son report à 2018. Pourtant, sur le terrain, nous pouvons constater qu’elle se pratique.
Vous n’êtes pas sans savoir que la convergence tarifaire pose problème pour certains actes, tels que les accouchements. Des différences existent bel et bien entre les diverses structures, selon qu’elles prodiguent des soins ciblés et répétitifs, qui permettent donc des gains de productivité importants, ou qu’elles mènent une action générale sur l’ensemble de la population. Dans ce cadre, une convergence vers les tarifs les plus bas ne risque-t-elle pas d’avoir des répercussions sur la qualité des soins apportés ?
Je tiens en outre à rappeler que l’évolution de l’allocation de solidarité vieillesse, l’ASV, préoccupe fortement les professionnels de santé, en particulier les nombreux médecins appelés à partir à la retraite dans les prochaines années, l’âge moyen de départ à la retraite étant plus élevé dans cette profession que dans d’autres.
Les médecins ayant cessé leur activité voient le montant de leur ASV se réduire chaque année, ce qui a entraîné une baisse de 50 % de leur pension en quelques années. Les députés ont demandé un rapport au Gouvernement sur le devenir de l’allocation de solidarité vieillesse, mais ce sont des mesures concrètes qu’attendent les professionnels de santé. Pouvez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement en la matière ?
Nous souhaitons également souligner l’exemplarité de notre politique familiale, à laquelle nous consacrons 100 milliards d’euros, soit 5 % de notre PIB. L’Assemblée nationale a supprimé l’harmonisation de la date d’effet de l’allocation de la PAJE avec celle des autres prestations, qui prévoyait son versement à compter du mois suivant la naissance de l’enfant. La faiblesse de l’incidence financière d’une telle disposition, qui pénaliserait les parents de jeunes enfants et créerait des inégalités entre les familles, nous a conduits à maintenir sa suppression.
En tout état de cause, aucune prestation familiale ne sera supprimée et la garde d’enfants se développe : tout cela nous permet d’avoir l’un des meilleurs taux de natalité d’Europe et permet aux mamans de concilier vie familiale et vie professionnelle.
À la lumière de ces évolutions, nous souhaiterions connaître la position du Gouvernement sur l’allongement du congé de maternité souhaité par l’Europe et sur les éventuelles pistes pour son financement.
Par ailleurs, l’ONDAM médico-social, fixé à 3,8 % pour 2011, traduit un effort de solidarité important, d’une part, envers nos concitoyens handicapés, puisqu’il nous permet de nous approcher de l’objectif de création de 38 000 places pour adultes et de 12 000 places pour enfants, d’autre part, envers nos aînés, puisque l’évolution de l’ONDAM consacré aux personnes âgées est, avec un taux de 4,4 %, le sous-objectif qui progresse le plus.
Grâce à ces financements nouveaux, l’année 2011 permettra d’amplifier les efforts déjà entrepris : le plan Solidarité-Grand Âge et la médicalisation des maisons de retraite seront poursuivis, les embauches de personnels soignants auprès des personnes âgées dépendantes se développeront. Nous souhaitons toutefois connaître les mesures envisagées pour développer les services à domicile.
Enfin, le plan Alzheimer prévoit une innovation majeure pour 2011, avec la généralisation des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, les MAIA, dont il faudra clarifier le financement. Pouvez-vous nous préciser les mesures qu’envisage de prendre le Gouvernement dans ce domaine ?
Mes chers collègues, ne l’oublions pas, la sécurité sociale fait partie de notre patrimoine commun depuis la Libération. L’étendue exceptionnelle de ses prestations a contribué à la renommée de la France dans le monde. Nous devons nous montrer dignes de cet héritage, faire preuve de volonté et de créativité pour le préserver et pour le transmettre à notre tour.
Je souhaite ajouter un mot, à titre personnel et en qualité de rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la santé pour 2011. Plusieurs de nos collègues députés se sont émus de ce que l’aide médicale d’État serait devenue un régime plus favorable que celui qui est ouvert aux Français à revenus faibles et aux étrangers en situation régulière. Telle n’est pas mon analyse, mais peut-être faudrait-il, pour lever toute ambiguïté, envisager d’ouvrir l’accès à la CMU ou à la CMUC aux actuels bénéficiaires de l’AME ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du budget.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, nombre d’entre vous l’ont indiqué, s’inscrit dans un contexte de sortie de crise.
Je tiens d’emblée à répondre à M. Cazeau qui a évoqué, avec un sourire malicieux, une crise « alibi ». On peut être atteint à la fois de cécité et d’amnésie, mais c’est dangereux. Cela entache l’analyse que l’on peut faire du passé et la capacité à deviner l’avenir ! Il ne s’agit nullement d’une crise « alibi », puisque c’est autour d’une situation bien réelle que nous nous retrouvons aujourd'hui pour définir un programme en matière de finances publiques et de financement de la sécurité sociale, qui doit nous conduire, au cours des quatre à cinq prochaines années, à réduire les déficits.
Ces déficits proviennent, pour l’essentiel, de l’effondrement des recettes provoqué par la crise. C'est la raison pour laquelle je suis en total désaccord avec les propos de René Teulade, qui a lui-même exercé des responsabilités ministérielles, et qui sait ce que les cicatrices des années 2008-2009 signifient en termes de déficit. J’ai été surpris, pour ne pas dire préoccupé, par la facilité du discours, par des éléments de langage, certes portés avec conviction, mais à l’opposé de l’esprit de responsabilité que l’on est en droit d’attendre de la part d’éminents représentants d’un parti dit « de gouvernement ».
La crise a eu un impact fort, c’est incontestable – les chiffes sont têtus, ils parlent d’eux-mêmes ! –, sur les recettes de la sécurité sociale.
M. François Autain. Il n’y avait pas de déficit avant la crise ?
M. François Baroin, ministre. Comme l’a indiqué à juste titre le rapporteur général de la commission des affaires sociales, M. Alain Vasselle, le déficit de la sécurité sociale a doublé en un an. M. Fischer a quant à lui précisé qu’il n’avait jamais été aussi important.
Cette situation provient du fait que, pour la première fois de son histoire, la sécurité sociale a connu une contraction de la masse salariale. De 700 000 à 800 000 personnes ont perdu leur emploi, provoquant un « effet de ciseaux » entre, d’un coté, une baisse des recettes et, de l’autre côté, une augmentation des dépenses de prestations à l’égard de ceux qui étaient en difficulté du fait de la crise.
Il convient désormais, dans la définition de la trajectoire de retour à l’équilibre, de se garder de solutions de facilité qui auraient pour conséquence de freiner la reprise, aujourd’hui encore fragile. C’est la raison essentielle pour laquelle le Gouvernement ne souhaite pas augmenter les impôts et refuse tout relèvement de la CRDS. Je l’ai dit à l’occasion du débat sur la dette sociale et répété lors du débat sur les prélèvements obligatoires et l’endettement, je le confirme aujourd'hui devant vous : nous ne relèverons pas la CRDS et, d’une manière générale, nous renonçons à toute augmentation des impôts, car nous avons d’abord et avant tout un devoir de maîtrise des dépenses.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, monsieur Barbier, vous qui vous interrogiez sur le niveau de nos ambitions, est placé sous le signe de la préparation de l’avenir.
Je remercie M. About d’avoir salué les éléments structurants du PLFSS. Nous faisons en effet d’importants efforts pour redresser les comptes sociaux. Je rappelle, ce qui me permet de rendre hommage à Éric Woerth, que la représentation nationale vient de voter une réforme structurelle des retraites. Nous proposons que la CADES reprenne 130 milliards d’euros de dette sociale, dont 62 milliards sont des déficits futurs déjà financés par le retour à l’équilibre de notre système par répartition. Nous préconisons de voter un ONDAM fixé à 2,9 %, alors que, dans le même temps, nous respectons pour la première fois, depuis 1997, l’objectif fixé pour l’année en cours. Enfin, nous affectons à la sécurité sociale plus de 8 milliards d’euros de recettes nouvelles.
Je sais bien, cher Serge Dassault, que vous auriez souhaité aller plus loin dans la réforme du financement de la sécurité sociale, vous l’aviez évoqué la semaine dernière devant la commission des affaires sociales présidée par Mme Dini et l’avez rappelé ce soir devant la Haute Assemblée. Je considère que nous sommes déjà très ambitieux. Mais je ne doute pas que la force de vos convictions vous amènera à développer à nouveau les idées auxquelles vous tenez !
Ce PLFSS, vous l’aurez compris, est clairement placé sous le signe de l’équilibre : équilibre entre la nécessité d’engager une trajectoire de réduction des déficits et la vigilance nécessaire pour ne pas affecter la reprise économique.
Je remercie de nouveau M. Vasselle d’avoir considéré qu’un montant de 8 milliards d’euros sur les niches, ce n’était pas rien ! Ce n’est pas rien non plus de consacrer 70 % de l’effort de réduction ou de suppression des niches fiscales ou sociales au remboursement de nos dettes de nature sociale. C’est une priorité affirmée. La politique du Gouvernement se lit à travers son choix d’affecter des recettes au désendettement général et d’accorder la priorité à la réduction des déficits, notamment des déficits sociaux.
Monsieur Cazeau, c’est bien parce que la situation financière de la sécurité sociale est mauvaise que nous faisons un tel effort en matière de recettes. L’urgence, dès à présent, est de garroter l’hémorragie.
MM. Jégou et Teulade s’interrogent sur les hypothèses macroéconomiques que le Gouvernement a retenues. Lorsque l’on élabore des prévisions de croissance, on est dans le domaine de l’incertitude. Nous croyons avec force aux prévisions que nous avançons, parce que nous les avons définies non pas en regardant d’où vient le vent, mais en nous fondant sur une tendance, sur l’addition de nouvelles positives qui attestent que nous allons dans la bonne direction.
Monsieur Jégou, est-il besoin de rappeler que, voilà un an, les prévisionnistes s’accordaient à annoncer une croissance de 0,75 % ? Or nous finissons l’année à 1,6 % ! Est-il besoin de rappeler que le déficit, qui devait tourner autour de 8,5 milliards d’euros, s’établit finalement à 7,7 milliards d’euros ?
L’addition des bonnes nouvelles nous a permis, d’une part, d’éviter de prendre des mesures trop douloureuses et, d’autre part, d’anticiper des rendez-vous que nous avions pris pour réduire le déficit. En la matière, il faut toujours faire plus, mais la tendance est la bonne, y compris sur le plan économique.
L’OCDE, comme le Gouvernement, prévoit pour l’année prochaine un taux de croissance de 2 %. En rythme annualisé, notre économie connaît une croissance de 2,5 %. Le scénario économique de programmation pluriannuelle retient par ailleurs une hypothèse de croissance de 2,5 % par an sur la période 2012-2014. Ce taux, certes légèrement supérieur à celui de la croissance potentielle de notre économie, n’est en rien anormal ; il est simplement l’expression du cycle économique.
Nous aurons naturellement l’occasion de discuter de la dette sociale demain après-midi ou demain soir, lorsque nous aborderons l’examen des articles consacrés à la CADES. M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle, et M. About se sont déjà exprimés à de nombreuses reprises sur ce sujet.
Le schéma de financement, vous l’avez reconnu, est ambitieux. Il vise à financer près de 130 milliards d’euros de dettes. Nous avons la faiblesse de penser que la solution du Gouvernement a le mérite d’être équilibrée, juste, et de s’inscrire dans une approche globale. Toutes les autres solutions présentées ici ou là n’étaient que partielles et n’apportaient que des réponses ponctuelles à l’accumulation de la dette sociale.
Le Gouvernement a une approche globale, équilibrée et responsable. Je n’ignore pas qu’un consensus s’était dégagé, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, autour d’un relèvement du taux de la CRDS. Le Gouvernement s’y est refusé, par cohérence avec les engagements pris par le Président de la République au début de son mandat de ne pas augmenter les impôts, quelles que soient les difficultés liées à la crise. Le Gouvernement assumera donc son choix politique de ne toucher, lors de la discussion du projet de loi de finances, ni à la TVA, ni à l’impôt sur le revenu, ni à l’impôt sur les sociétés, car une augmentation des prélèvements sociaux serait aussi une augmentation additionnelle des prélèvements obligatoires. Or, pour réduire nos déficits, nous entendons d’abord et avant tout agir sur la dépense.
La stratégie de la gestion de la crise s’est faite en deux temps. Nous avons d’abord laissé opérer les stabilisateurs automatiques pour que l’amortisseur social que constitue notre système de protection sociale joue à plein. Il est temps maintenant, vous en conviendrez, d’effacer les stigmates de cette crise, et nous ne pouvons laisser l’Agence des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, financer cette dette à court à terme.
Monsieur Jean-Jacques Jégou, vous qui êtes un excellent spécialiste des questions financières, vous ne pouvez pas nier la spécificité du mécanisme de reprise de la dette. Le schéma de financement qui vous est présenté prépare l’avenir en organisant le financement des déficits futurs de la branche vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse. Concrètement, cela signifie que les soldes du régime général des prochaines années sont déjà financés. Ce sera autant de moins à financer dans les années à venir. Cela démontre, s’il en était besoin, le caractère global de l’approche du Gouvernement.
Nous avons par ailleurs engagé une réforme structurelle des retraites – Alain Vasselle et Dominique Leclerc l’ont souligné – qui vise à équilibrer notre système par répartition à l’horizon, relativement proche, de 2018. Ce PLFSS est donc bien tourné vers l’avenir : c’est là son ambition.
MM. Vasselle, Lardeux, Jégou et About souhaitaient, je le sais, une augmentation de la CRDS. Je suis convaincu que ce souhait n’était inspiré par aucun dogmatisme, qu’il ne faisait que traduire leur volonté de trouver une solution.
M. François Autain. C’est vous qui êtes dogmatique !
M. François Baroin, ministre. Messieurs les sénateurs, je souhaite vous convaincre qu’il est préférable, pendant le temps de la programmation des finances publiques, de ne pas engager de débats autour des prélèvements obligatoires.
La France est le pays dans lequel le taux des dépenses publiques est le plus important par rapport à la richesse nationale – 56 % – et l’un des trois pays où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés.
Il est donc logique, naturel et cohérent que, pendant de nombreuses années, nous agissions avant tout sur la dépense, sans céder à la facilité, c’est-à-dire sans augmenter les impôts et les prélèvements obligatoires. Non seulement cette augmentation altérerait l’évolution de la croissance économique, mais elle ne permettrait pas à notre pays de devenir plus attractif qu’il ne l’est aujourd’hui du fait de son niveau de prélèvements obligatoires rapporté à la richesse nationale.
J’ai bien entendu les craintes de certains d’entre vous quant à une perte de recettes de la branche famille. J’en prends l’engagement, ici, devant vous, au nom du Gouvernement : comme la CADES, la branche famille recevra le produit de la suppression des niches sociales à l’horizon de 2013. Nous poursuivrons nos efforts en ce domaine, pour une simple raison de justice fiscale.
Nous avons les moyens de poursuivre cette politique. Nous avons supprimé, au fil du temps, 75 milliards d’euros de niches fiscales et plus de 45 milliards d’euros de niches sociales, et il est possible d’aller plus loin.
Je tiens également à souligner l’effort très important que l’État va effectuer, notamment en laissant l’excédent du panier de recettes fiscales à la branche famille et à l’ensemble des branches de la sécurité sociale à compter de l’année prochaine. Ce sont plus de 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires qui seront, dans un premier temps, affectés à notre protection sociale, et encore plus de 1,3 milliard d’euros en 2014. Cet effort, important, compense largement les pertes liées au rendement décroissant des recettes initiales prévues pour la CADES.
Sur ce sujet, soyez rassuré, monsieur Jégou, nous avons décidé de mettre fin au principe de compensation afin de clarifier de manière définitive les relations financières entre l’État et la sécurité sociale. Après avoir, pendant des années, déplorer les relations ambiguës de l’État et de la sécurité sociale, dénoncer les facilités de gestion de trésorerie que l’État accordait à la sécurité sociale, on ne peut pas, lorsque la décision tant attendue arrive enfin, ne pas l’accepter, ne pas l’accueillir, sinon avec bonheur, du moins avec bienveillance. Il s’agissait, je le rappelle, de l’un des engagements du Président de la République. Cet engagement est devenu réalité. Il s’agit, n’en doutons pas, d’une évolution significative.
Monsieur Teulade, je laisserai le soin à Mme la ministre de la santé de revenir sur la politique du Gouvernement concernant les différentes branches de la sécurité sociale, la branche maladie en particulier, et sur les engagements que nous envisageons de prendre dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Par ailleurs, Éric Woerth détaillera l’effort fait par la puissance publique en faveur du secteur médico-social. Je puis toutefois vous indiquer que cet effort sera maintenu, en respectant strictement les créations de places prévues dans le cadre des différents plans : Solidarité-Grand Âge, Handicap, Alzheimer.
La conservation par l’assurance maladie est évidemment nécessaire à la maîtrise des dépenses de l’ONDAM, laquelle est constitutive de l’objectif de respecter les dépenses d’assurance maladie. Sans cette restitution, je le rappelle, l’objectif de dépenses pour 2010 aurait déjà été dépassé de 100 millions d’euros. Le respect de l’ONDAM est un marqueur très important dans le champ social de notre volonté de maîtriser la dépense.
Je laisse également à Éric Woerth le soin de préciser la position du Gouvernement sur les retraites.
En revanche, je tiens à clarifier un point important concernant les déficits du Fonds de solidarité vieillesse. Monsieur Jégou, à l’horizon 2018, les comptes du fonds retrouveront l’équilibre, car les mesures d’économies prévues dans le cadre de la réforme des retraites profiteront également au FSV. Par ailleurs, le PLFSS prévoit, d’ici à 2018, la reprise des déficits résiduels du Fonds de solidarité vieillesse dans le cadre de la reprise de dette.
Nous aurons l’occasion, au cours de l’examen des articles, de répondre dans le détail à bien d’autres interrogations, de lever bien d’autres incertitudes ou inquiétudes.
Je ne reviendrai pas sur la situation des mutuelles d’assurance, que j’ai longuement évoquée devant la commission des affaires sociales. Le Gouvernement est assez solide sur ses positions et il les défendra avec conviction pour emporter votre adhésion. Le présent PLFSS fera date dans notre histoire sociale, car il constitue une inflexion durable en matière de maîtrise de nos dépenses de santé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Jean Boyer et Gilbert Barbier applaudissent également.)