M. Jacques Blanc. Nous aussi !
M. Simon Sutour. Cependant, des incertitudes lourdes de conséquences demeurent. Elles concernent la répartition des aides, le verdissement de la PAC, les nouvelles conditionnalités, ainsi que les mesures de marché et de lutte contre la volatilité des prix des denrées alimentaires.
En 2009, la crise agricole actuelle s’est traduite par une chute de plus de 30 % des revenus des agriculteurs français.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Simon Sutour. Et bien davantage dans certaines régions,...
M. Roland Courteau. Oh oui !
M. Simon Sutour. … n’est-ce pas, mon cher collègue Roland Courteau ? Nous savons ce que cela signifie en Languedoc-Roussillon, en particulier pour la viticulture. (Mme Bernadette Bourzai s’exclame.)
M. Roland Courteau. C’est une catastrophe !
M. Simon Sutour. Une telle chute des revenus a montré combien les dernières réformes de la PAC visant à démanteler les outils de régulation de marché ont été hasardeuses.
La fin des quotas laitiers en est le symbole. Aujourd’hui, la Commission européenne comme la France prétendent vouloir instaurer « un filet de sécurité » pour les agriculteurs. Mais qu’en est-il concrètement ? À cet égard, le papier de position franco-allemand ne peut pas nous rassurer, et je le regrette.
Pour notre part, nos propositions sont claires. Nous demandons la réintroduction de mesures de gestion des marchés, la coordination des objectifs de production, un plafonnement des aides ou encore des mécanismes de stockage privé et public.
Nous proposons également une remise à plat de l’architecture de la PAC avec des aides réparties en fonction de l’emploi créé et de la formation, de la qualité des productions, du service rendu à l’écologie et à la gestion des territoires, de la compensation des handicaps naturels.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Simon Sutour. En définitive, nous avons la vision d’une politique agricole commune ambitieuse et renouvelée, axée sur l’emploi, l’environnement et l’alimentation.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Simon Sutour. Monsieur le ministre, à mes yeux, un certain nombre de principes doivent être fermement défendus dans les prochains mois par la France : la solidarité, le refus de toute renationalisation de politiques européennes, une vision ambitieuse et non restreinte de l’utilité de l’Union et, enfin, un niveau de ressources à la hauteur des ambitions européennes. Il y va de l’avenir de la construction européenne, de l’efficacité de ses politiques et de sa légitimité auprès des citoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le vote sur la participation de la France au budget de l’Union européenne pour plus de 18 milliards d’euros intervient dans le contexte dense du sommet de Deauville – qui marquera, je l’espère, une nouvelle ère dans les relations entre l’Union et la Russie – et du Conseil européen de jeudi et vendredi derniers, qui a pris d'importantes décisions.
Parmi elles, l’instauration d'un « fonds permanent de stabilité financière » dont la première ébauche a été improvisée dans l’urgence au printemps dernier du fait de la crise européenne. Ce fut décisif car l’enjeu était sans doute plus que la stabilité de la zone euro, peut-être sa survie.
Il ne faudrait pas laisser croire aux citoyens et aux gouvernements de la zone euro, comme aux prêteurs sur les marchés financiers, que tout endettement est dorénavant permis, puisqu’il y aurait un payeur en dernier ressort.
Il semble que la clause interdisant le renflouement d'un État restera dans le traité européen. La non-assistance est le principe, le sauvetage l’exception. Mais comment, dans la pratique, opérer ce sauvetage ? À quelles conditions, avec quelles ressources ? Monsieur le secrétaire d’État, ne craignez-vous pas qu’une nouvelle révision du traité ne conduise à ouvrir la boîte de Pandore ?
S’agissant des sanctions financières à l'encontre d'un État excessivement déficitaire, la France a obtenu qu’elles ne soient pas automatiquement déclenchées, comme le proposait la Commission, appuyée par Jean-Claude Trichet. L’étendue des sanctions a-t-elle été discutée au Conseil européen ?
L’Europe a su faire face et réagir à la crise financière et économique, parfois dans l'improvisation et de manière imparfaite, mais elle a évité la faillite de son système bancaire. Après le temps de l'urgence, vient donc celui de la reconstruction. Les avancées sur la surveillance des politiques économiques nationales et la coordination des budgets nationaux sont autant de nouveaux chapitres de la « gouvernance économique » qui pourront être écrits dans les mois à venir.
Toutefois, l’Europe ne doit pas seulement surveiller et sanctionner ; elle doit aussi relancer et promouvoir ! Or, l’Europe piétine sur une stratégie de croissance. La stratégie de Lisbonne a été globalement décevante. La nouvelle stratégie Europe 2020 propose des objectifs communs, recentrés et clairement évalués. Mais, soyons réalistes, elle ressemble plus à un catalogue de bonnes intentions…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est vrai !
M. Aymeri de Montesquiou. … qu’à une volonté commune.
M. Jacques Blanc. Il a raison !
M. Aymeri de Montesquiou. De plus, elle ne tire pas les leçons du passé.
M. Roland Courteau. Bien vu !
M. Aymeri de Montesquiou. Même s'il est prévu de donner un rôle moteur au Conseil européen, la stratégie Europe 2020 continue de reposer essentiellement sur les actions des États membres.
Quant à la question capitale des financements, elle est éludée.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. Il est nécessaire, dans le cadre d'une stratégie de croissance, d’avoir une politique ambitieuse d'investissement public. Or, le budget européen, qui repose sur des contributions nationales, donc limité, n’est pas susceptible de financer à lui seul les grands projets d'avenir envisagés. Il n’est qu'à voir les exemples des projets ITER et Galileo, qui connaissent de considérables difficultés de financement.
Certains estiment qu’il faudrait porter le budget européen à 2 % voire 3 % du PNB communautaire. Je serais tenté de me rallier à cette opinion, d’autant que le traité de Lisbonne a considérablement étendu le rôle et les missions de l’Union. Mais il est vrai que, dans le contexte de déficit actuel, ce n'est pas envisageable.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. On a parlé à un moment d'un « grand emprunt européen ». Cette idée soulève évidemment des interrogations et des espoirs mais est-elle d'actualité ?
Reste donc à dépenser mieux. Il y a là incontestablement des marges de manœuvre car le budget européen laisse aujourd'hui le sentiment d'un saupoudrage de moyens sans réelle adéquation avec les besoins, d’un gaspillage dans des procédures reconduites mécaniquement et souvent complexes, coûteuses et inefficaces.
Les négociations à venir sur les perspectives financières de l’après-2013 doivent être l’occasion de repenser complètement la structure du budget européen.
En matière de dépenses, il nous faut appliquer le critère de la valeur ajoutée que propose la Commission, c’est-à-dire déterminer quand un euro dépensé au niveau européen est plus utile qu’un euro dépensé à l’échelon national. Cela devrait être une interrogation constante. Il y a tellement de redondances entre budgets européen et nationaux !
Il faut tendre à une mutualisation des efforts nationaux sur de grands projets dans les domaines de la recherche, de l’innovation, de l'énergie, des transports et de la défense. C’est le seul moyen d'atteindre une masse critique, gage d'efficacité et donc de croissance et d'emplois. Les réformes proposées en la matière ne vont pas, hélas ! aussi loin.
Cette exigence de clarification sur les dépenses s’applique bien entendu au volet des recettes. Le système actuel exacerbe les égoïsmes budgétaires nationaux, amenant chacun à faire le détestable calcul coût-bénéfice de sa participation. Ces concurrences étriquées entre États nous affaiblissent et nous dispersent face à la compétition exacerbée qui nous oppose aux géants de demain. Il est temps de donner à l’Europe des recettes claires et stables, en retrouvant l’esprit des pères fondateurs et de leurs émules, qui croyaient en une Europe politique.
La Commission a proposé plusieurs pistes : taxe sur les transactions financières, impôt sur les sociétés, taxe énergétique, TVA européenne. Quelle piste privilégie la France ? Pour ma part, j'ai toujours été favorable à la mise en place d’un véritable impôt citoyen à l'échelle européenne mais je conçois qu’elle soit aujourd'hui difficile en raison, notamment, du contexte de crise.
La réflexion sur les recettes devra prendre en compte la multiplicité des défis qui se présentent à l'Europe. Celle-ci veut apparaître comme un véritable acteur global. À terme, les chantiers que sont la lutte contre le changement climatique, la sécurisation des approvisionnements énergétiques ou encore le renforcement de sa compétitivité économique nécessiteront immanquablement une très nette montée en puissance du budget communautaire.
L'année 2011 sera, à n'en pas douter, une année importante. Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour être particulièrement vigilant afin que la PAC ne fasse pas les frais de la réforme à venir.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. À ceux qui pensent que l'agriculture appartient au passé et que l’Union doit se concentrer sur autre chose, nous répondons que la PAC, c’est la souveraineté alimentaire, la préservation de nos territoires, mais que cette politique est aussi, à ce jour, la politique communautaire qui a le mieux rempli ses objectifs avec les fonds structurels.
M. Jacques Blanc. Oui !
M. Aymeri de Montesquiou. L’année 2013 devra être l’année de la refondation de la PAC, en aucun cas celle de son démantèlement.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Notre participation au budget européen nous permet de proposer une réflexion sur sa structure et son ampleur et de peser sur les choix politiques de l’Union. Je rejoins Pierre Messmer qui estimait que « les esprits et les cœurs [des Européens] ne seront gagnés, mobilisés que par des projets concrets et ambitieux ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. J’espère que cet esprit de solidarité inspirera le prochain budget, et nous permettra de penser que l’Union européenne a un avenir. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’intérêt d’un débat est toujours de permettre l’expression de ce que l’on appelle aujourd’hui des « sensibilités différentes ». Peut-être mon propos en exprimera-t-il une qui s’éloigne sensiblement des opinions précédemment exposées.
Nous sommes appelés à nous prononcer, comme chaque année, sur le montant du prélèvement opéré sur les recettes du budget de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne.
Nous le ferons, comme tous les ans, avec une certaine marge d’incertitude – comme l’a signalé notre excellent rapporteur – puisque le montant de ce « prélèvement européen » est seulement une évaluation de ce que sera la contribution française, et pour cause. Le budget 2011 de l’Union est en effet en cours de discussion, entre la proposition initiale, ambitieuse, de la Commission, la contre-proposition plus raisonnable du Conseil, et l'intervention du Parlement européen, avant que Conseil et Parlement parviennent à un compromis d’ici à quelques semaines. J’ajoute que les nouvelles règles du traité de Lisbonne s’appliquent pour la première fois cette année, ajoutant à l’incertitude. Le Parlement et le Conseil sont désormais sur un pied d’égalité.
Enfin, la négociation du budget annuel se trouve imbriquée dans un chantier plus vaste, celui de la réforme d’ensemble du système budgétaire communautaire, chantier qui sera lui-même immédiatement suivi par l'ouverture des négociations sur les montants du cadre financier pluriannuel post-2013.
Faute d'accord sur le budget, la période de conciliation se déroule de la fin octobre à la fin novembre afin d’aboutir à un compromis… j’espère que cela ne sera pas un fiasco ! Les débats risquent donc d'être particulièrement vifs, en particulier entre le Parlement et le Conseil.
Ce qui est certain, c’est que la préparation du budget pour 2011 a révélé un accroissement des dissensions sur le niveau global des dépenses notamment au sein des vingt-sept États membres. La position du Conseil des ministres du mois d’août dernier repose non pas sur une unanimité traditionnelle – notre rapporteur l’a relevé tout à l’heure –, mais sur un compromis forcément fragile. On peut noter – pour s’en réjouir – la position commune de la France et de l’Allemagne : elle a permis qu’une majorité se dégage sur la position du Conseil, limitant à 2,9 % la hausse des paiements par rapport à l’année précédente. Sept États membres traditionnellement défenseurs du « juste retour » des montants qu’ils investissent dans le budget européen ont voté contre la proposition du Conseil, qui, selon eux, ne va pas assez loin dans les réductions.
La position du Parlement européen est quant à elle différente, dans la mesure où le projet de budget prévoit 4 milliards d’euros de crédits de paiement de plus par rapport au Conseil et une hausse de 6,2 % des paiements par rapport à 2010. Cette position, évidemment décalée par rapport à la réalité économique, s’est parfois accompagnée de quelques déclarations pour le moins tonitruantes.
Ainsi s’affirme le nouveau pouvoir du Parlement européen, qui est désormais en mesure de refuser le budget. C’est un peu grisant, mais cela aura des conséquences très directes. Privée de budget 2011, l’Union se financerait par le système des douzièmes provisoires : on reviendrait ainsi aux crédits décidés en 2010, très inférieurs à ceux qui ont été proposés par le Conseil. Concrètement, ce choix impliquerait par exemple le quasi-abandon du service diplomatique de l’Union européenne. Cela aussi a été signalé par le président de la commission. Et je ne parle pas des fonds de cohésion, dont on a parlé à très juste titre, et des fonds agricoles. Autant éviter l'impasse !
Il faut évidemment que le Parlement européen prenne en compte les difficultés des États en matière budgétaire. Les efforts doivent être partagés équitablement par tout le monde. Il n’est pas admissible et il ne serait pas admissible que l’on donne le sentiment de dépenser à Bruxelles alors que les États se serrent la ceinture. Le contexte économique rend l’exigence de discipline budgétaire encore plus impérative que les années précédentes.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Adrien Gouteyron. À cet égard, le dernier Conseil européen a estimé qu’ « il est essentiel que le budget 2011 tienne compte des efforts d’assainissement déployés par les États membres ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent !
M. Adrien Gouteyron. Cela nous paraît une évidence, mais encore fallait-il le dire !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
M. Adrien Gouteyron. L’objectif de la France dans cette négociation doit être clair : limiter la hausse globale du budget de l’Union et rechercher les possibilités d’économies dans chaque rubrique, en veillant à ce que l'essentiel des coupes ne porte pas sur les dépenses de la PAC. Monsieur le secrétaire d’État, confirmez-vous que nous avons obtenu satisfaction sur ces points ?
Mais au-delà, c’est déjà le sujet autrement plus délicat des prochaines perspectives financières pour l’après-2013 qui se profile. Et le dialogue franco-allemand sera évidemment crucial pour forger un compromis inévitablement douloureux.
Pourquoi douloureux ? Parce que l’écart risque d’être plus grand que jamais, pour les États comme la France et l’Allemagne, entre le souhaitable et le possible, entre l’appel à une plus grande efficacité du budget communautaire pour investir dans la recherche et l’innovation, pour déployer une réelle politique étrangère, pour combattre la piraterie, pour réinsérer les Roms, pour soutenir la relance ou pour stabiliser l’euro et la nécessité pour chacun de limiter sa contribution nationale.
Pour notre pays, l’enjeu est de taille. Il faut absolument s’impliquer activement sur deux sujets clés du prochain cadre financier pluriannuel. Je pense au rabais britannique, dont la fin est souhaitable, et à la politique agricole commune, qu’il importe de pérenniser.
Disons-le tout net : le rabais britannique qui date de 1984 n’a absolument plus aucune pertinence aujourd’hui. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le principal financeur de ce rabais est la France puisque nous assurons presque un tiers de son montant. Cela représentait, en 2009, une dépense de 1,4 milliard d’euros sur un total de 5,6 milliards d’euros. J’espère que les prochaines perspectives financières marqueront la disparition de cette anomalie.
Monsieur le secrétaire d'État, s’il ne fallait retenir, pour la France, qu’un sujet à défendre à l’occasion des négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel – je veux ajouter ma petite musique à celle qui a déjà été jouée par de nombreux orateurs avant moi –, ce serait celui de l’avenir de la PAC.
Comme le Président de la République l’a dit et affirmé, nous sommes viscéralement attachés à cette politique, qui n’a rien perdu de sa pertinence, bien au contraire !
M. Jacques Blanc. Tout à fait !
M. Adrien Gouteyron. Il n’est pas question pour la France d’abandonner cette politique. Il faut au contraire continuer à se battre pour obtenir les aides dont nos agriculteurs ont besoin. Nous avons des intérêts communs avec l’Allemagne et la position franco-allemande du 14 septembre dernier est un document majeur sur lequel nous devons nous appuyer. Il faut renouveler une PAC forte au-delà de 2013, adaptée au nouveau contexte mondial et répondant mieux aux attentes et aux besoins des citoyens européens. Les agriculteurs ont besoin de stabilité et de visibilité pour investir. La PAC est un élément fondamental de notre engagement européen, et elle doit être préservée. C’est pour ces raisons que nous devons disposer de ressources à la hauteur de nos ambitions.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Adrien Gouteyron. En ce qui concerne notre contribution au budget européen, je tiens à préciser certaines choses. En 2011, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est évalué à 18,2 milliards d’euros, soit 7,2 % des recettes fiscales nettes françaises.
D’abord, il faut rappeler, M. le rapporteur spécial de la commission des finances l’a très bien souligné tout à l’heure, avec toutes les atténuations nécessaires, que la France figure parmi les tout premiers contributeurs au budget de l’Union européenne. Ensuite, le solde net déficitaire de la France, qui s’élève en 2009 à près de 5 milliards d’euros par an ne va cesser de croître jusqu’à la fin des actuelles perspectives financières, c’est-à-dire environ jusqu’en 2013. La contribution française devrait ainsi connaître une progression moyenne de 600 millions d’euros par an, pour atteindre un solde net déficitaire de près de 7,3 milliards d’euros en 2013.
Comme vous l’avez rappelé, ce prélèvement est inclus dans la norme dite « zéro valeur », c’est-à-dire qu’il faut financer sur les autres budgets ces 500 millions d’euros de plus chaque année, dont les 300 millions d’euros pour l’année 2011.
Cette détérioration du solde net français est inéluctable et ne doit pas être ignorée à l’heure où la crise plombe gravement nos comptes publics. L’esprit européen de solidarité ne doit pas nous exonérer de cette lucidité.
Cela exige une grande rigueur de notre part, mais aussi de la part de la Commission de Bruxelles. Il serait nécessaire que les efforts de réduction des dépenses auxquels nous, les États, nous soumettons soient également partagés par les institutions européennes. Personne ne comprendrait qu’il n’en soit pas ainsi.
La contribution de la France au budget européen nous rappelle une réalité qu’il ne faut pas nous cacher : la construction européenne a un coût dont la collectivité nationale doit prendre toute la mesure. C’est le prix à payer pour que l’Europe reste un espace commun d’avenir et de développement. C’est le prix que nous devons payer pour que les grands projets technologiques de l’avenir voient le jour. Je pense à Galileo, aux réseaux transeuropéens de transport ou à ITER, dont nous avons parlé tout à l’heure. Il est vrai que ces projets sont en train de prendre un retard inquiétant. Je lisais il y a peu de temps dans la presse que Galileo risquait d’être devancé par un projet chinois. Cela nous donne la mesure de la difficulté. C’est également le prix à payer pour que nos politiques communes – agricole, industrielle ou énergétique – soient pérennisées. Mais ce prix à payer doit être équitablement partagé et chacun doit prendre sa juste part de l’effort.
Dans ce contexte, il est nécessaire d’engager la réflexion sur les ressources propres. Je dirai ici, sans doute brièvement et brutalement, que nous devons éviter de faire dériver ce débat – c’est pour moi une position définitive – vers la création d’un impôt européen. Ressources propres, peut-être, mais pas d’impôt européen : personne ne le comprendrait et aucun de nos concitoyens ne l’admettrait.
M. Yves Pozzo di Borgo. Ce n’est pas vrai !
M. Adrien Gouteyron. Je tenais à profiter de ce débat pour l’affirmer.
Un budget alimenté par les États, mes chers collègues, n’est-ce pas le moyen le plus sûr d’éviter les dérapages, à condition que les choses soient claires et que l’on se garde précisément des anomalies comme le chèque britannique ou la litanie des rabais en tout genre. Le système actuel, certes, est opaque et inéquitable. Sur ce point, le consensus est général en Europe.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au-delà de la contribution française au budget de l’Union européenne, je suis convaincu que nous devons mettre tout en œuvre pour aborder la prochaine négociation du cadre financier pluriannuel de l’Union, à partir du printemps 2011, avec une extrême détermination.
L’exercice est très difficile dans une Europe à vingt-sept, touchée par la crise ; mais il est tout simplement vital, à la fois compte tenu de l’état de nos finances publiques et pour la poursuite de l’adhésion des Français à l’idéal européen.
Dans ce cadre, la consolidation du moteur franco-allemand de l’Union est une absolue nécessité. Ne nous voilons pas la face : en matière de finances communautaires comme en matière de gouvernance économique, il y aura un compromis franco-allemand ou il n’y aura rien. Essayons, monsieur le secrétaire d'État, de ne pas l’oublier ! (MM. Jacques Blanc, Jacques Mézard et Aymeri de Montesquiou applaudissent.)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la participation française au budget de l’Union européenne proposée s’élève pour 2011 à 18,2 milliards d’euros, soit 7,2 % des recettes fiscales nettes de la France. Ce prélèvement est loin d’être négligeable et il devra continuer d’augmenter dans les années à venir.
D’un montant atteignant péniblement les 141 milliards d’euros, le budget communautaire, pour sa part, reste cependant très insuffisant au regard des richesses créées dans l’espace européen et ne paraît pas en mesure de faire face aux défis sociaux, économiques et environnementaux qui se posent à l’Union.
Concernant les recettes, qui ont été évoquées par l’orateur précédent, la part des ressources propres traditionnelles et de la TVA ne cesse de diminuer au profit de la contribution des États selon le revenu national brut. En effet, alors que les traités fondateurs prévoyaient la possibilité d’asseoir le budget européen sur la base de ressources propres et non sur des contributions prélevées sur les budgets nationaux, cette dernière ressource représente presque les trois quarts des participations des États membres au budget communautaire.
Malgré les grands discours et les propositions de débat réitérés sur une réforme des ressources propres, il semble qu’il n’y ait aucune réelle volonté de la part des institutions européennes pour trouver de nouvelles ressources budgétaires.
Pourtant, le Parlement européen, en contrepartie d’une hausse limitée du budget de 2011, a exigé du Conseil européen « l’ouverture d’un débat institutionnel dès l’année prochaine sur la réforme des ressources propres, notamment sur la création de nouvelles sources de financement ». Nous ne pouvons qu’approuver l’ouverture d’un tel débat.
Dans sa communication sur le réexamen du budget communautaire, reprise dans son rapport, notre collègue Denis Badré indique que « la Commission européenne suggère de réduire les contributions des États membres en abandonnant la ressource propre liée à la TVA et de la remplacer progressivement par une ou plusieurs nouvelles ressources propres ». Parmi les pistes envisagées figure, notamment, la taxation des transactions financières. (M. le président de la commission des finances s’exclame.)
Maintes fois évoquée, particulièrement par le gouvernement autrichien, la taxation des transactions financières constitue une piste particulièrement intéressante tout comme celle d’une taxe bancaire, car il s’agit de secteurs économiques qui, aujourd'hui, ne souffrent pas d’un excès de prélèvements. Elle reste cependant à être concrétisée par les instances européennes. La France, selon moi, s’honorerait à jouer un rôle moteur en ce domaine.
Concernant le projet de budget général de l’Union, il est, comme tous les budgets des États membres, soumis à un seul mot d’ordre, l’austérité, et assorti de mesures particulièrement coercitives qui pèseront sur les budgets nationaux des pays constituant l’Union, et donc directement sur les populations pourtant déjà très malmenées.
Ainsi, avec des crédits quasiment stables, la rubrique « croissance durable », incluant les actions en matière d’emploi, révèle qu’aucune stratégie n’est réellement mise en œuvre pour sortir de la crise. Comme toujours, les dirigeants européens préfèrent abandonner les outils publics et laisser le marché régler les questions d’emploi et de dynamisme économique.
Le développement de l’emploi et la sauvegarde des droits sociaux devraient être une priorité de l’Union pour 2011 et pour les années qui viendront. Les crédits attribués au financement des systèmes de protection sociale, de lutte contre les délocalisations et le dumping social, fiscal et environnemental devraient être adaptés aux réels besoins. Malheureusement, le budget alloué à l’Agenda pour la politique sociale de l’Union est en diminution de plus de 10 %.
S’agissant des dépenses en faveur de la politique de cohésion, il semble qu’elles soient remises en question, la Commission européenne recommandant de mieux soutenir les grandes priorités communes à toute l’Europe au lieu de se concentrer sur la réduction des disparités entre régions. Nous regrettons ces orientations. La politique de cohésion, bien au contraire, devrait être, selon nous, au cœur de toutes les actions européennes.
Les politiques en matière de liberté, sécurité et justice verront, pour leur part, leurs crédits d’engagement croître de 12,8 % et leurs crédits de paiement de 15,4 %.
Comme chaque année, les crédits de cette rubrique augmentent de manière spectaculaire. À défaut d’engager de véritables actions de coopération et d’intégration des populations migrantes, les politiques sécuritaires semblent être confortées. J’en veux d’ailleurs pour preuve l’augmentation de 22 % des crédits attribués au Fonds européen pour les frontières extérieures ainsi que l’augmentation de 29 % des crédits alloués au Fonds européen pour le retour.
Ces augmentations, ajoutées au peu de cas accordé au budget octroyé aux actions extérieures, démontrent une fois de plus l’absence de volonté de l’Union pour s’imposer sur la scène internationale comme un acteur important.
Pourtant, les priorités devraient se situer dans le respect des droits des migrants et de leur dignité. La réaction de la Commission européenne contre la situation faite aux populations Roms en France doit être saluée. Mais les éléments du budget semblent en contradiction avec le discours tenu. Nous le regrettons profondément.
Je dirai un mot sur l’avenir de la politique agricole commune.
Dans le budget communautaire de 2011, les crédits proposés pour les dépenses relatives aux marchés agricoles et aux aides directes sont en recul de 73 millions d’euros. Pourtant, la volatilité des marchés, l’instabilité des prix et la survenue de crises, comme celle du lait il y a quelques mois encore, démontrent la nécessité de réguler les marchés pour mettre fin à la spéculation et à la baisse des prix.
Dans l’optique de la réforme de la PAC, les rapports se multiplient. Nombre d’entre eux prônent des logiques libérales de dérégulation et de productivisme alors qu’il est urgent d’engager une véritable politique de prix rémunérateurs pour les agriculteurs et favorisant le maintien d’exploitations à dimension humaine.
En définitive, cette année encore, le budget communautaire ne semble pas en phase avec la réalité que vivent les Européens, qui manifestent par millions dans les rues en France, mais aussi en Grèce, en Espagne ou en Pologne.
L’Union européenne, avec ce budget, ne s’est toujours pas dotée des moyens lui permettant de financer les politiques solidaires ambitieuses dont nous aurions pourtant besoin.
Les membres du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche contestent les orientations de ce projet de budget communautaire ainsi que le montant et la destination de la contribution française, et appellent de leurs vœux la construction d’une autre Europe, fondée sur le progrès social. (M. André Vantomme applaudit.)