Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Sylvie Desmarescaux, M. François Fortassin.

1. Procès-verbal

2. Réforme des retraites. – Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Rappel au règlement

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le président.

Discussion générale

MM. Dominique Leclerc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

Mmes Christiane Demontès, Françoise Laborde, MM. Guy Fischer, Nicolas About, Alain Vasselle, Jean-Pierre Godefroy, Bernard Vera, Yves Daudigny, Mme Odette Terrade, MM. Jean Desessard, Claude Jeannerot, Jacky Le Menn.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Vote sur l'ensemble

MM. Jean-Pierre Bel, Yvon Collin, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Gérard Longuet, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jean-Pierre Plancade, Guy Fischer, Jean Arthuis, Mme Marie-Christine Blandin, M. Gilbert Barbier, Mmes Marie-Agnès Labarre, Françoise Férat, M. Philippe Adnot.

Adoption, par scrutin public à la tribune, du projet de loi.

M. Guy Fischer.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales ; MM. le ministre, le président.

Suspension et reprise de la séance

3. Questions cribles thématiques

La rentrée scolaire

MM. Robert Tropeano, Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

MM. Jean-Claude Carle, le ministre.

MM. René-Pierre Signé, le ministre.

MM. Ivan Renar, le ministre.

MM. Yves Détraigne, le ministre.

Mme Catherine Troendle, M. le ministre.

MM. Yannick Bodin, le ministre.

MM. Claude Bérit-Débat, le ministre.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

4. Débat préalable au Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010

MM. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes ; Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes ; Robert del Picchia, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.

M. Yves Pozzo di Borgo.

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

MM. Richard Yung, Jean-Pierre Chevènement, Mme Annie David, M. Jacques Blanc.

M. le secrétaire d'État.

Débat interactif et spontané

MM. Michel Magras, le secrétaire d'État.

MM. Aymeri de Montesquiou, le secrétaire d'État.

Mme Nicole Bricq, M. le secrétaire d'État.

MM. Denis Badré, le secrétaire d'État.

MM. Richard Yung, le secrétaire d'État.

MM. Pierre Fauchon, le secrétaire d'État.

MM. Jean-René Lecerf, le secrétaire d'État.

MM. Jean-Pierre Chevènement, le secrétaire d'État.

M. le président de la commission des affaires européennes.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

5. Communication du Conseil constitutionnel

6. Prix du livre numérique. – Adoption d'une proposition de loi (Texte de la commission)

M. le président.

Discussion générale : M. Jacques Legendre, coauteur de la proposition de loi ; Mme Colette Mélot, rapporteur de la commission de la culture ; M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Morin-Desailly, M. David Assouline, Mme Françoise Laborde, MM. Jack Ralite, Jean-Pierre Leleux, Serge Lagauche, Yann Gaillard.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 9 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur, M. David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 2

Amendement n° 6 de M. Jean-Pierre Leleux. – M. Jean-Pierre Leleux, Mme le rapporteur, MM. le ministre, Ivan Renar, Jacques Legendre, président de la commission de la culture ; David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly. – Adoption.

Amendement n° 10 du Gouvernement. – M. le ministre.

Amendement n° 5 de Mme Catherine Morin-Desailly. – Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme le rapporteur. – Adoption de l’amendement no 10, l’amendement no 5 devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Article 3

Amendement n° 7 de M. Jean-Pierre Leleux. – M. Jean-Pierre Leleux, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 4. – Adoption

Article 5

Amendement n° 8 de M. Jean-Pierre Leleux. – M. Jean-Pierre Leleux, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 11 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 5

Amendement n° 2 rectifié de M. David Assouline. – M. David Assouline, Mme le rapporteur, MM. le ministre, le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 1 rectifié de M. David Assouline. – M. David Assouline, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Retrait.

Article 6. – Adoption

Article 7

Amendement n° 12 de la commission. – Mme le rapporteur, MM. le ministre, David Assouline. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 7

Amendement n° 3 rectifié de M. David Assouline. – M. David Assouline, Mme le rapporteur, MM. le ministre, Ivan Renar, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Yann Gaillard, le président de la commission. – Rejet.

Article 8. – Adoption

Adoption de l’ensemble de la proposition de loi.

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Sylvie Desmarescaux,

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Réforme des retraites

Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme des retraites (texte de la commission mixte paritaire n° 60, rapport n° 59).

Rappel au règlement

 
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Discussion générale

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce rappel au règlement porte sur l’organisation de nos travaux.

Je ne reviendrai pas sur la façon dont la discussion de ce projet de loi de réforme des retraites, injuste et impopulaire, a été émaillée de coups de force et de manœuvres destinés à accélérer l’adoption de ce texte.

La procédure accélérée a été engagée et, à l’Assemblée nationale, se sont produits les coups de force que l’on sait. Toutefois, je m’en tiendrai à ce qui s’est passé ici.

Au Sénat, dès le début de nos travaux, la discussion de 300 amendements – ceux qui visaient à présenter les propositions alternatives de l’opposition, notamment du groupe CRC-SPG, sur un autre financement taxant les revenus financiers et particuliers – fut réservée à la fin du débat.

Ensuite, la priorité fut demandée sur les articles 4, 5 et 6 du projet de loi concernant les bornes d’âge et la durée de cotisation, pour tenter de prendre de vitesse le mouvement social, quitte à ôter toute cohérence à la discussion du texte.

Plus tard encore, le vote bloqué, en vertu de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, fut imposé au Sénat pour clore au plus vite le débat, empêchant au passage toute discussion et tout vote sur les propositions précédemment réservées.

Enfin, la majorité sénatoriale, qui n’a pas été très prolixe durant la discussion, est sortie de son mutisme en conférence des présidents – c’était hier – pour violer expressément le règlement afin d’empêcher toute intervention sur les articles du texte issu de la commission mixte paritaire.

Pourtant, l’article 42, alinéa 7, de notre règlement prévoit expressément le droit d’intervention sur article, à quelque stade que ce soit de l’examen d’un projet ou d’une proposition de loi. L’article 42, alinéa 12, derrière lequel la majorité sénatoriale tente de s’abriter, ne concerne que la question du vote, ce dernier étant unique sur le texte issu d’une CMP.

Certes, chers collègues siégeant sur les travées de droite de cet hémicycle, vous êtes majoritaires au sein de la conférence des présidents, mais cela ne vous autorise pas à ne pas respecter les textes que vous avez vous-mêmes validés.

Ce énième coup de force masque mal une volonté de précipiter un débat qui met en mauvaise posture le Président de la République, puisque celui-ci a maintenant l’opinion contre lui.

Avec les membres de mon groupe, je m’oppose donc solennellement à l’autoritarisme du pouvoir exécutif et de sa majorité, qui porte un grave coup à la démocratie parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, avant que nous n’ouvrions la discussion générale, je voudrais apporter quelques précisions.

S’agissant de l’appel des articles lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire, il nous est apparu que la multiplication des paroles sur article serait contraire à l’esprit des dispositions de la Constitution et du règlement du Sénat, dans la mesure où ces interventions pourraient être assimilées à des explications de vote. Je le rappelle, ce sont la discussion générale et les explications de vote qui sont les moments naturels de telles prises de parole.

La logique de la lecture des conclusions de la CMP nous semble donc exclure la parole sur article. Ce principe a été appliqué 55 fois depuis octobre 2008.

Sans décision de la conférence des présidents, le président de séance peut déroger à ce principe en ayant une interprétation libérale de l’article 42, alinéa 8, du règlement du Sénat. Trois dérogations de ce type ont été accordées depuis octobre 2008.

Si une décision de la conférence des présidents confirme le principe que j’ai énoncé à l’instant, il n’y a pas de parole sur article.

L’article 42, alinéa 8, du règlement du Sénat que vous évoquez, madame Borvo Cohen-Seat, doit donc s’interpréter à la lumière de l’article 29, alinéa 4, du même texte. Tel est le sens de la décision qui a été prise hier par la conférence des présidents et qui clarifie les règles applicables dans des circonstances où une interprétation libérale de l’article 48, alinéa 8, ne semble pouvoir être acceptée.

Cet avis a été partagé hier par la conférence des présidents,…

M. Guy Fischer. Par sa majorité !

M. le président. … qui s’est prononcée par un vote, puis par l’assemblée quand celle-ci a été consultée.

Ce choix n’interdit pas pour l’avenir – puisque cette question a été posée –, sauf décision spécifique de la conférence des présidents, des dérogations acceptées par le président de séance au principe de l’exclusion des prises de parole sur article pendant la lecture des conclusions d’une CMP.

Telles sont les précisions que je voulais apporter.

Discussion générale


Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 1er A

M. le président. Nous abordons maintenant l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous allons adopter aujourd’hui une réforme cruciale pour l’avenir de notre pays. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Voilà plus d’un an, le Président de la République décidait d’avancer le rendez-vous quadriennal sur les retraites prévu initialement en 2012, afin de faire face sans attendre aux déficits considérables de nos comptes sociaux, et tout particulièrement de l’assurance vieillesse.

Après plusieurs mois de concertation, pendant lesquels notre assemblée a préparé ce rendez-vous à travers les travaux de la MECSS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, le Gouvernement a présenté un projet de loi pour assurer la pérennité, gravement menacée, de notre système de retraite.

Sans la réforme d’aujourd’hui, le besoin de financement des régimes de retraite, c'est-à-dire les déficits de ces systèmes, aurait été compris entre 38 et 40 milliards d’euros par an dès 2015 et entre 72 et 115 milliards d’euros à l’horizon 2050, en fonction des hypothèses économiques retenues.

Il fallait donc agir. C’est l’honneur du Gouvernement que d’avoir fait face aux difficultés alors que la facilité aurait pu le conduire à se réfugier derrière le calendrier initial de la loi Fillon pour reporter à plus tard des décisions délicates.

Le projet de loi portant réforme des retraites achève aujourd’hui son parcours législatif au Sénat. Nous l’avons examiné de manière très approfondie, à la fois en commission et en séance publique. Notre assemblée lui a apporté de nombreuses améliorations sans remettre en cause ses équilibres essentiels.

Je sais que certains de nos collègues trouvent ces avancées insuffisantes, mais je crois profondément que nous pourrons mesurer avec le temps l’importance des apports du Sénat à cette réforme, notamment en ce qui concerne la préservation des droits des personnes handicapées ou des victimes de l’amiante.

De même, nos propositions relatives à la gouvernance du système de retraite, au droit à l’information ou à la pénibilité auront toute leur importance dans la mise en œuvre du projet de loi.

Lors de son adoption par le conseil des ministres, le projet de loi comportait 33 articles. Il en avait 88 après son examen par l’Assemblée nationale, et 137 articles étaient numérotés dans la version adoptée par le Sénat. C’est dire à quel point ce texte a été modifié depuis qu’il a entamé son parcours législatif !

La commission mixte paritaire s’est réunie hier et elle est parvenue à un accord sur l’ensemble des dispositions restant en discussion. Elle a retenu le texte adopté par le Sénat pour la plupart des articles. Elle a néanmoins adopté une trentaine d’amendements.

La commission mixte paritaire a ainsi prévu que les parlementaires membres du conseil d’orientation des retraites, le COR, appartiendront aussi au comité de pilotage des régimes de retraite. Cette solution, que la commission des affaires sociales avait retenue dans le texte qu’elle a proposé au Sénat, est logique. Elle permettra ainsi aux parlementaires concernés d’être associés à la fois aux débats techniques du COR et à la gouvernance des différents régimes.

La CMP a également apporté quelques clarifications à l’article 3 du projet de loi relatif au droit à l’information. Elle a ainsi précisé que les informations délivrées par les régimes de retraite lors de l’entretien individuel n’engageraient pas la responsabilité de ces derniers. Faute d’une telle précision, on pouvait craindre en effet que les informations ne soient délivrées que de manière parcimonieuse et peu utile pour les assurés. La commission a également supprimé des dispositions superflues.

Bien entendu, la CMP a rétabli dans leur rédaction adoptée par l’Assemblée nationale les articles 4, 13 et 20 bis, qui avaient été supprimés ou modifiés à la suite d’erreurs ou contre l’avis de la majorité du Sénat.

Pour ce qui concerne la médecine du travail, comme la pénibilité, la commission mixte paritaire a retenu l’ensemble des améliorations apportées au projet de loi par le Sénat.

M. Jean-Marc Todeschini. Il n'y a eu aucune amélioration !

M. Guy Fischer. C’est la mainmise du patronat !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Elle a cependant choisi de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale s'agissant de la présidence des services de santé au travail.

La réforme de la médecine du travail inscrite dans ce projet de loi est d’une ampleur considérable, et l’introduction immédiate d’une présidence tournante aurait sûrement constitué un énorme bouleversement du fonctionnement des services de santé au travail.

Je pense cependant qu’il ne s’agit que d’une première étape et que nous aurons à revoir cette question lorsqu’un bilan de la réforme pourra être établi.

Sur toutes les autres dispositions du texte, la commission mixte paritaire n’a adopté que des amendements rédactionnels ou de coordination.

Au moment où s’achève l’examen par notre assemblée de ce projet de loi portant réforme des retraites, je souhaite formuler deux remarques, essentielles à mes yeux.

En premier lieu, l’adoption définitive du projet de loi ne marquera pas la fin de la réforme des retraites. Cette dernière comporte aussi des mesures de recettes indispensables que nous examinerons très prochainement dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. La réforme que nous allons adopter aujourd’hui est vouée à l’échec si elle ne s’accompagne pas de l’attribution à l’assurance vieillesse de ressources pérennes et robustes. Le Sénat se montrera vigilant sur ce point à l’occasion de l’examen des textes financiers.

M. Jean-Louis Carrère. Pas trop d’effets de tribune, monsieur Leclerc !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. En second lieu, je souhaite m’arrêter quelques instants sur la disposition que nous avons adoptée la semaine dernière pour prévoir une réflexion nationale sur une éventuelle réforme systémique. J’ai entendu dire que cet amendement démontrait notre absence de confiance dans la réforme qui nous est soumise aujourd’hui. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. C’est la vérité !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je m’inscris évidemment en faux contre cette analyse. Je suis fier d’avoir cosigné, dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, un rapport intitulé – écoutez bien – Retraites 2010 : régler l’urgence, refonder l’avenir.

Ce que nous faisons aujourd’hui, c’est bien régler l’urgence que constituent les déficits insoutenables des régimes de retraite.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ce que vous voulez faire croire !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Et nous le faisons en intervenant sur les paramètres à notre disposition, à savoir l’âge de cessation d’activité et les recettes du système, tout en refusant la baisse des pensions qui aurait pu également être envisagée.

M. Jacky Le Menn. C’est faux !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je dis bien : « tout en refusant la baisse des pensions » !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Dans le même temps, nous prenons en compte les parcours de chacun à travers les dispositions sur les carrières longues et la pénibilité.

La réforme systémique n’a pas pour objet, quant à elle, de rétablir l’équilibre des comptes.

Mme Nicole Bricq. C’est de la diversion !

M. Guy Fischer. Il nous enfume !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Si nous l’entreprenons un jour, ce sera pour rendre notre assurance vieillesse moins complexe, plus lisible et, surtout, plus équitable. En effet, le déficit n’est pas le seul mal dont souffre notre système. La multiplication des régimes issue de notre histoire est un facteur de complexité et d’injustice qu’illustre la situation des polypensionnés dont nous avons tous parlé au cours de ce débat.

L’empilement des dispositifs de solidarité conduit à des redistributions dont nous sommes aujourd’hui incapables de mesurer les effets. Les disparités entre les régimes et certaines pratiques corporatistes ont perverti les principes mêmes de notre système de retraite et en ont sûrement accentué, au cours de l’histoire, les inégalités.

C’est à ce type de questions qu’une éventuelle réforme systémique doit nous permettre de répondre.

Et c’est pour examiner l’ensemble de ces problématiques que nous avons proposé une réflexion nationale à compter de 2013 sans anticiper dès à présent sur les conclusions de cette réflexion. Celle-ci n’a évidemment pas pour but de nous conduire à copier une réforme étrangère. Si, un jour, nous entreprenons une réforme systémique, elle devra prendre en compte notre histoire et les caractéristiques de notre société. C’est bien pourquoi un tel processus est d’une durée très importante et doit, surtout, être préparé longtemps à l’avance.

Il n’y a donc aucune contradiction à soutenir le projet de loi qui nous est soumis tout en engageant une réflexion de type systémique.

En conclusion, mes chers collègues, je crois profondément que le texte qui nous est soumis pour une approbation définitive est nécessaire à la sauvegarde de nos régimes de retraite, et je vous invite avec force à approuver les conclusions de la commission mixte paritaire en adoptant le projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le président du Sénat, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée s’apprête à voter le projet de loi portant réforme des retraites dans la rédaction issue de la commission mixte paritaire. C’est l’aboutissement d’un processus démocratique qui s’est déroulé étape par étape,…

M. Jean-Louis Carrère. Le processus n’était pas très démocratique !

M. Éric Woerth, ministre. … le point d’arrivée d’un débat qui a duré plus de sept mois, d’avril à octobre, le plus long débat que nous ayons jamais eu sur les retraites. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Louis Carrère. Plus c’est long, plus c’est bon ! Cela ne veut pas dire que c’est démocratique !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas la peine de travestir la réalité !

M. Éric Woerth, ministre. C’est une réforme sans précédent par son ampleur et son importance pour notre protection sociale.

Notre système de retraite prenait l’eau, il fallait le rééquilibrer pour le sauver du naufrage. Sur l’initiative du Président de la République, nous l’avons fait.

Nous avons beaucoup consulté,…

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez surtout consulté l’UMP et Mme Parisot !

M. Éric Woerth, ministre. … nous avons beaucoup écouté, nous avons beaucoup dialogué et, finalement, nous avons décidé. Il y a eu une concertation intense avec les partenaires sociaux, il y a eu l’examen du texte jour et nuit par le Parlement. Il y aura désormais une loi pour garantir l’avenir de notre système de retraite par répartition. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas du tout ! M. Leclerc vient de dire le contraire !

M. Jean-Marc Todeschini. Il n’y a aucune garantie !

M. Jean-Louis Carrère. Votre nez s’allonge comme celui de Pinocchio !

M. Éric Woerth, ministre. La CMP s’est réunie et a fait du très bon travail, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission. Je veux saluer le compromis constructif qui a été trouvé. Les avancées faites à l’Assemblée nationale et au Sénat ont été confirmées,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des avancées pour qui ?

M. Éric Woerth, ministre. … des précisions juridiques ont été apportées sur certains points, et l’équilibre général du texte a été préservé.

Je veux aussi saluer l’excellent travail de la majorité présidentielle tout au long de l’examen du texte.

Mme Catherine Tasca. C’est la grande muette !

M. Éric Woerth, ministre. Parfois même, nous avons pu avoir aussi un débat constructif avec l’opposition, que je remercie également. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Vous voyez, j’équilibre !

M. Éric Woerth, ministre. Je tiens à remercier le rapporteur de la commission des affaires sociales, Dominique Leclerc, ainsi que la présidente de cette dernière, Mme Muguette Dini. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

Je remercie également les présidents de chaque groupe, ainsi que le président du Sénat, Gérard Larcher, et l’ensemble des vice-présidents qui ont, tour à tour, présidé nos débats.

Comme en 1993, comme en 2003, comme en 2007-2008, notre majorité a pris ses responsabilités.

Nous n’avons pas craint de parler de l’âge de la retraite, nous n’avons pas craint de dire qu’il fallait travailler plus longtemps, nous n’avons pas craint de sortir du dogme de la retraite à 60 ans pour assurer la pérennité de notre système de retraite.

M. Jean-Pierre Sueur. La pérennité n’est pas assurée ! La retraite à 60 ans, ce n’est pas un dogme !

M. Éric Woerth, ministre. Il y aura donc un nouvel âge de la retraite, à 62 ans, en 2018.

M. René-Pierre Signé. On vole deux ans aux travailleurs !

M. Éric Woerth, ministre. C’est la réponse logique au défi démographique, c’est la condition incontournable du retour à l’équilibre dès cette date.

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas vrai !

M. Éric Woerth, ministre. C’est le signe de l’esprit de responsabilité qui nous anime.

Je rappelle que le fait d’équilibrer à même hauteur notre système de retraite par la durée de cotisations nous aurait conduits à faire passer à quarante-sept ans la durée de cotisation.

M. Guy Fischer. C’est un scénario catastrophe !

M. Jean-Louis Carrère. Allez, rajoutez-en !

M. Jean-Marc Todeschini. Cinquante ans ?...

Mme Nicole Bricq. On en a assez du scénario catastrophe !

M. Éric Woerth, ministre. Je rappelle qu’équilibrer à même hauteur notre système de retraites par le niveau des pensions nous aurait conduits à baisser les retraites des Français de 15 %.

M. Jean-Marc Todeschini. C’est ce que vous faites !

M. Jean-Louis Carrère. Avec votre budget, vous ne redressez rien !

M. Éric Woerth, ministre. Je rappelle qu’équilibrer à même hauteur notre système de retraites par l’augmentation de la fiscalité nous aurait conduits à augmenter cette fiscalité à l’horizon de 2020 de 40 milliards d’euros. Tout cela est évidemment inacceptable !

La mesure centrale de notre projet, l’augmentation de l’âge de la retraite, a été votée dans les mêmes termes par chacune des deux assemblées. C’est une étape fondamentale pour notre pays.

M. René-Pierre Signé. Vous êtes majoritaires ! Cela ne veut rien dire !

M. Éric Woerth, ministre. Les gouvernements allemands, espagnols, danois, anglais, suédois, ont tous pris leurs responsabilités dans ce domaine.

M. Didier Guillaume. Vous prenez toujours les mêmes comparaisons ! Cela n’a rien à voir !

M. Éric Woerth, ministre. À notre tour, avec cette loi, nous prenons les nôtres !

Nous avons pris nos responsabilités, nous avons aussi pris le temps du débat. Personne ne peut prétendre le contraire. Tout le monde a pris la parole, tous les sénateurs de l’opposition qui le souhaitaient ont pu évidemment s’exprimer,…

M. Jean-Marc Todeschini. Aujourd’hui, on ne peut pas !

M. Éric Woerth, ministre. … et nous les avons écoutés : à titre d’exemple, plus du tiers des amendements adoptés par le Sénat proviennent de propositions de l’opposition. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)

Au fond, cela a été bien plus qu’un débat sur les retraites. Cela a été un débat social global, car nous avons abordé un très grand nombre de sujets qui concernent l’ensemble de notre société : l’emploi des jeunes et l’emploi des seniors, l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (Mme Catherine Tasca s’exclame.), la pénibilité et les carrières longues…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas du tout ! Il n’y a absolument pas eu de débat là-dessus !

M. Éric Woerth, ministre. Ce débat a construit, nourri, enrichi le projet initial du Gouvernement.

Le Sénat a adopté 131 amendements. En définitive, à l’issue de l’examen parlementaire, le texte aura connu une vingtaine d’évolutions notables.

M. Jean-Louis Carrère. Merci l’UMP !

M. Éric Woerth, ministre. Chacune des deux chambres a proposé des avancées pour aboutir à plus de solidarité, plus d’équité, plus de justice, tout en préservant l’équilibre général du texte.

Il y a eu des avancées au Sénat pour tenir compte davantage des plus fragiles. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas vrai ! Nous voulions l’égalité pour les femmes !

M. Éric Woerth, ministre. Pour les travailleurs handicapés, nous avons élargi le droit à la retraite anticipée à 55 ans.

M. René-Pierre Signé. C’est une aumône !

M. Éric Woerth, ministre. Pour les chômeurs proches de la retraite, qui risquaient d’être pénalisés par le report de l’âge légal, nous avons fait en sorte qu’ils puissent conserver le bénéfice de l’allocation équivalent retraite, l’AER, jusqu’à l’âge de leur départ en retraite.

Pour les mères de trois enfants et plus nés avant 1956…

Mme Nicole Bricq. On veut l’égalité !

M. Éric Woerth, ministre. … comme pour les parents d’enfants handicapés, quelle que soit leur année de naissance,…

Mme Nicole Bricq. On ne veut pas la charité ! On veut l’égalité et la solidarité !

M. Éric Woerth, ministre. … des amendements ont été votés pour qu’ils puissent continuer de bénéficier d’une retraite sans décote dès 65 ans.

Et nous n’avons pas fermé le débat, nous l’avons au contraire laissé ouvert pour l’avenir. Nous avons préservé notre système par répartition, conformément à l’engagement pris par le Gouvernement depuis le début.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’est pas préservé ! En tout cas, pas au-delà de 2013 !

M. Jean-Louis Carrère. Le système, vous l’avez mis en danger !

M. Éric Woerth, ministre. Mais nous avons en même temps prévu, notamment sur l’initiative des groupes de la majorité, d’engager en 2013 une réflexion nationale sur une évolution systémique de nos régimes de retraite. Tout cela est complémentaire !

M. Jean-Louis Carrère. Tout ce que vous touchez, vous le cassez !

M. Éric Woerth, ministre. Une fois votée, cette loi va être promulguée,…

M. Éric Woerth, ministre. … et elle sera appliquée.

Je veux rappeler que la démocratie politique, c’est d’abord l’acceptation de nos institutions. (M. David Assouline s’exclame.) La loi peut faire l’objet d’un débat approfondi, et c’est essentiel, mais, à un moment donné, la démocratie doit parler : une fois que la loi est votée, elle est votée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Éric Woerth, ministre. La loi est votée, elle n’est pas dictée, et chacun sait qu’elle est votée par une majorité, et rarement par une minorité ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Bien entendu, sur une réforme de cette ampleur, il est normal qu’il y ait des inquiétudes. Ces inquiétudes, nous les écoutons (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) et nous les respectons. Et en même temps, avec cette loi, nous apportons des réponses, parce que c’est une loi qui permettra de redonner confiance aux Français dans l’avenir de leurs retraites.

Cette loi redonne confiance parce que résoudre les déficits de nos régimes de retraites, c’est ne plus accepter que les retraites des Français soient financées à crédit.

M. Jean-Louis Carrère. Qu’elles ne soient financées que par les salariés, c’est autre chose !

M. Éric Woerth, ministre. C’est répondre à une angoisse profonde de nos concitoyens.

Je pense, en premier lieu, aux jeunes, parce qu’il ne faut pas se tromper de combat : c’est bien sur eux que retombera la charge de nos déficits si nous ne réformons pas.

Cette loi redonne confiance aussi parce que, après cette réforme, notre système de retraite ne sera pas moins solidaire ni moins protecteur. Il restera, bien au contraire, l’un des systèmes de retraite les plus généreux d’Europe. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) En France, quand on est au chômage, quand on est malade, quand on est en congé de maternité, on valide quand même ses droits à la retraite. Cette solidarité est trop rarement soulignée. Cette solidarité, nous l’avons préservée et nous l’avons renforcée.

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas sûr !

M. Éric Woerth, ministre. Je l’ai dit devant vous la semaine dernière, et je le redis, car c’est la conviction profonde de Georges Tron et de moi-même : les grandes dates de notre pacte social, ce sont non pas seulement celles où l’on crée des droits nouveaux, mais aussi celles où l’on se donne les moyens de continuer à les financer.

Aujourd’hui, les vrais défenseurs de notre système social sont ceux qui ont le courage de garantir son avenir.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas le cas !

M. Jean-Louis Carrère. Vous ne l’avez pas, ce courage !

M. Éric Woerth, ministre. À une époque où il y a un consensus en faveur du développement durable, je pense que c’est le développement durable de notre modèle social que nous devons promouvoir en priorité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est mal parti !

M. Éric Woerth, ministre. Cette réforme n’est donc pas la victoire d’un camp, c’est une réforme pour tous les Français. Ce n’est pas une réforme de circonstance, c’est une réforme qui touche à l’essentiel,…

M. Jean-Louis Carrère. Une réforme pour les riches !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une réforme pour combler vos déficits !

M. Éric Woerth, ministre. … parce que c’est une réforme qui prend acte d’une réalité incontestable, celle de l’allongement de la vie.

Quand on regarde ce que sont devenues les précédentes réformes des retraites, qui ne couvraient pas un champ aussi large, on constate qu’elles ont fini par être acceptées, et elles l’ont été parce qu’elles étaient tout simplement nécessaires.

Je suis donc convaincu que cette réforme pourra bientôt nous rassembler au-delà des clivages partisans…

M. Guy Fischer. Bien sûr…

M. Jean-Louis Carrère. Je vous promets que non !

M. Éric Woerth, ministre. … et que, dans quelque temps, beaucoup de nos adversaires d’hier oseront reconnaître qu’elle représente une avancée majeure pour sauvegarder notre modèle social. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, avec le projet de loi portant réforme des retraites, nous avons connu un débat riche qui a permis à chacun d’exprimer ses idées, parfois avec vivacité, mais toujours avec conviction.

La lecture des conclusions de la commission mixte paritaire nous conduit à l’exercice de comparaison entre le texte entré au Parlement en juillet dernier et le texte sorti du Parlement. Pour la fonction publique, cette lecture comparative me conduit à deux conclusions.

Premièrement, l’équilibre du texte, qui repose sur le principe de convergence entre privé et public, est respecté.

M. Guy Fischer. Mieux vaut être sourd que d’entendre ça !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Deuxièmement, le texte a connu des améliorations qui s’appliquent également à la fonction publique.

Le principe de convergence ne nie pas les spécificités de la fonction publique. Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire lors de la discussion sur le projet de loi, Eric Woerth et moi-même avons retenu comme principe fondamental la convergence des règles entre régimes privés et régime de la fonction publique. C’est un thème particulièrement sensible pour nos concitoyens. Leur demande, exprimée auprès des élus ou tout simplement dans les enquêtes d’opinion, c’est l’application de règles identiques, quel que soit le statut ou l’employeur : « à carrière égale, retraite égale ».

Ce principe de convergence a motivé une grande partie de la réforme de 2003. Avec la réforme de 2010, nous franchissons une nouvelle étape.

Je ne rappelle pas l’ensemble des dispositions qui ont été prises, mais vous vous souvenez que l’augmentation de la durée de travail de deux ans concerne la fonction publique au même titre que le secteur privé.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On avait bien compris !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le projet de loi porte l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans en 2018.

Les taux de cotisation acquittés par les fonctionnaires seront alignés sur le taux de cotisation du secteur privé, passant ainsi en dix ans de 7,85 % à 10,55 %.

M. Guy Fischer. 35 % de plus !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le dispositif de départ anticipé sans condition d’âge pour les parents de trois enfants ayant quinze ans de service sera fermé à compter de 2012. Ce dispositif, dont le Conseil d’orientation des retraites avait relevé les imperfections et qui est sans équivalent dans le secteur privé, sera donc supprimé progressivement.

Par ailleurs, la Commission européenne a ouvert une procédure qui concerne, entre autres, ce dispositif. Du fait de la fermeture progressive de ce dernier, les agents disposeront d’un délai suffisant pour arrêter leur choix dans les meilleures conditions.

Dernière mesure de convergence, le minimum garanti sera désormais soumis à la même condition d’activité que dans le secteur privé.

Je tiens d’ailleurs à souligner que nous n’avons pas procédé à une convergence stricte concernant le minimum garanti afin de ne pas en baisser le montant.

M. Guy Fischer. Il va régresser !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le projet de loi, grâce au débat parlementaire, a connu des améliorations qui s’appliquent également à la fonction publique.

À l’issue du débat parlementaire dans les deux chambres, force est de constater que, pour la fonction publique, l’équilibre du projet de loi, qui repose sur le principe de convergence, n’a pas été remis en cause. Les principales mesures ont été maintenues, voire améliorées, et quelques amendements sont venus compléter le texte de la réforme.

M. Jean-Louis Carrère. Pas beaucoup !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Parmi ces améliorations, je citerai les plus importantes.

S’agissant des parents de trois enfants, à la suite du débat en commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement qui exclut des nouvelles règles les personnes qui sont à cinq années de l’âge d’ouverture des droits à la retraite de leur corps. Ainsi, les agents disposeront d’un délai suffisant pour arrêter leur choix dans les meilleures conditions.

M. Guy Fischer. Heureusement !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Sénat a prolongé cette avancée avec une disposition qui maintient à 65 ans l’âge d’annulation de la décote pour les mères de trois enfants nées entre 1951 et 1955 et qui ont interrompu leur activité pour s’occuper d’un de leurs enfants.

M. Guy Fischer. 25 000 femmes par an !

M. René-Pierre Signé. Ce sont des réformes qui ne coûtent pas cher !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Cette mesure concernera les mères tant du secteur privé que du secteur public.

La situation des polypensionnés a donné lieu à des discussions approfondies avec les organisations syndicales puis avec les parlementaires.

Un amendement a été adopté à l’Assemblée nationale et confirmé par le Sénat s’agissant des personnes qui exercent moins de quinze ans dans la fonction publique. Aujourd’hui, ces personnes, lorsqu’elles quittent la fonction publique, sont affiliées rétroactivement au régime général avec, à la clé, une régularisation de cotisations en raison d’une différence d’assiette et de taux. Désormais, dès deux ans de services effectifs, les fonctionnaires civils pourront bénéficier d’une retraite de la fonction publique. Tout le monde est gagnant : l’agent, l’employeur et l’administration.

Ainsi, l’accord du Gouvernement démontre à la fois l’écoute des organisations syndicales et sa volonté d’avancer sur le dossier complexe des polypensionnés qui nécessite par ailleurs un travail approfondi.

Concernant les personnes handicapées, nous avons continué à travailler à une plus grande équité de notre texte. De nombreuses avancées en faveur des personnes handicapées et de leurs aidants ont été réalisées, grâce au travail des parlementaires de la majorité en particulier. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Le Gouvernement a déposé un amendement qui a fait l’objet d’améliorations à la suite du travail des parlementaires. Une mesure pérenne permettra ainsi aux parents d’enfants handicapés qui ont besoin d’une présence auprès d’eux de conserver un âge d’annulation de la décote à 65 ans.

Le dispositif de départ anticipé pour handicap a également été élargi aux assurés qui ont travaillé en bénéficiant de la reconnaissance de travailleur handicapé.

Enfin, une disposition transitoire pour le minimum garanti des militaires a été adoptée. Grâce au travail des sénateurs, le Gouvernement a revu le dispositif du minimum garanti pour les militaires. L’amendement concerne les militaires ayant atteint ou dépassé la durée minimale de quinze ans de service au 1er janvier 2011 : ils conserveront le bénéfice des règles actuelles pour l’obtention du minimum garanti. C’est une mesure d’équité vis-à-vis des fonctionnaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où se clôt ce débat, je voudrais à mon tour, après Eric Woerth, vous remercier toutes et tous pour le travail qui a été accompli au cours de ces trois semaines. Je remercie tout particulièrement la présidente de la commission des affaires sociales, le rapporteur et chacun des groupes.

Je crois que nous avons atteint l’objectif que nous nous étions assignés,…

M. Jean-Marc Todeschini. Eh oui : tuer les retraites !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. …c’est-à-dire que les principes d’équité, que nous avions mis en exergue, soient effectivement respectés. Ils l’ont été grâce à la convergence des régimes du secteur public et du secteur privé. Celle-ci a été abordée avec le souci de préserver les spécificités de la fonction publique, eu égard notamment, je le rappelle, aux durées de référence : 25 ans d’un côté, 6 mois de l’autre.

Comme vous le voyez, aucun dogmatisme n’a inspiré cette réforme. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Celle-ci participera au grand chantier de modernisation de la fonction publique, auquel nous nous sommes attelés et dans lequel cette réforme des retraites prend toute sa place. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde et M. Guy Fischer applaudissent également.)

Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans ce débat qui s’achève, nous avons tous eu au moins un point de convergence : une réforme des retraites est nécessaire.

Pourtant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais citer à votre attention le secrétaire de Diderot, Joseph Joubert, qui écrivait ceci : « la justice est le droit du plus faible ». Quoi de plus vrai ?

Dans le contexte républicain qui est le nôtre, cette phrase renvoie à la mission de l’exécutif : inscrire son action dans une constante recherche de justice. Je l’ai dit lors de la discussion générale. Durant ces semaines d’examen, cet impératif de justice a sans cesse commandé notre travail, nos propositions, nos amendements. Aussi, comment ne pas être choqué par cette décision de vote unique ? Par là même, vous avez empêché sciemment de débattre d’amendements aussi importants que la suppression du bouclier fiscal, de la niche « Copé » sur les successions ou de la taxation des retraites chapeaux.

Pour notre groupe, il ne s’est agi à aucun moment de verser dans la contestation systématique. Il en a d’ailleurs été de même hier à l’occasion de la commission mixte paritaire. Le sujet est bien trop important, et ce parce que les conséquences du texte renvoient à la conception que nous avons, les uns et les autres, de notre société, de son avenir, de la solidarité et de la justice.

Selon l’adage, on ne convoque pas l’effort sans la justice. Or, c’est ce qu’impose ce texte à l’ensemble de nos concitoyens. Ils l’ont bien compris et sont une majorité à le rejeter : 57 % d’entre eux sont contre le report de l’âge de la retraite à 62 ans et 65 % contre le passage à 67 ans pour bénéficier d’une retraite sans décote.

M. Éric Woerth, ministre. Nous n’avons pas les mêmes sondages !

Mme Christiane Demontès. L’inquiétude est telle que la mobilisation touche désormais toutes les générations de notre pays.

Partout en France, depuis des semaines, nos concitoyens manifestent leur opposition à cette nouvelle régression sociale. C’est la France d’aujourd’hui mais aussi celle de demain qui rejettent l’avenir que vous voulez leur imposer.

Dans cette situation, il revenait au Président de la République d’ouvrir enfin le dialogue, car son rôle consiste non pas à engendrer le désordre, mais à harmoniser les inévitables contradictions et à agir pour l’intérêt général.

C’est dans cet état d’esprit que nous avons déposé hier en commission mixte paritaire un amendement visant à ouvrir immédiatement des négociations, amendement que, accompagnés des députés de l’UMP, vous avez balayé d’un revers de main, messieurs les sénateurs de l’UMP !

Les syndicats, que le Gouvernement a jugé bon de ne pas consulter durant les travaux préparatoires et qui ont tout juste été informés des choix gouvernementaux, demandent l’ouverture de négociations depuis des semaines. Le Président de la République et le Premier ministre ont choisi de les ignorer et de passer en force. Par là même, vous avez choisi sciemment de dégrader le climat économique et social de notre pays, de pénaliser « la France qui se lève tôt » et l’ensemble de nos entreprises.

C’est dans ce cadre dégradé – il est la conséquence de votre bilan, car vous êtes au pouvoir depuis plus de huit ans – que vous avez décidé d’imposer cet ajustement paramétrique. Pour notre part, nous estimons que les mots « brutalité », « inefficacité » et « injustice » résument le principal de nos observations.

La brutalité est née du fait que, sur un sujet aussi important, vous n’avez pas travaillé en concertation. Brutalité aussi lorsque je pense à la médecine du travail que vous avez sciemment réduite à presque rien, pour mieux servir les intérêts du MEDEF, mais pas ceux des salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe CRC-SPG. – Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. C’est la vérité !

Mme Christiane Demontès. C’est la vérité ! On l’a bien vu hier en commission mixte paritaire, où vous avez démontré, chers collègues de l’UMP, votre drôle de conception du paritarisme, selon laquelle, dans le roulement et les présidences tournantes, c’est un employeur qui remplace un employeur.

Mme Christiane Demontès. L’inefficacité est d’ores et déjà avérée puisque ce texte n’est même pas bouclé financièrement. Pis, vous videz les fonds de réserve destinés aux jeunes générations. Cette inefficacité, vous la reconnaissez avec cet amendement tardif qui prévoit d’entamer des discussions visant à assurer la pérennité de nos régimes à partir de 2013. Terrible aveu d’échec !

Cette inefficacité se révèle aussi dans votre manière d’appréhender les questions de l’emploi. Vous l’avez dit souvent, monsieur Woerth, dans un système de retraite par répartition, les actifs payent pour les retraités. Mais quand les actifs ne travaillent pas, cela devient compliqué.

Or, du côté tant des seniors que vous voulez faire travailler plus longtemps que des jeunes qui n’accèdent pas à l’emploi, les taux de chômage ne cessent d’augmenter. Le nombre de jeunes au chômage de longue durée –  je l’ai déjà dit mais il faut à mon avis le rappeler – est en constante augmentation. Et je ne parlerai pas – mais les élus locaux le savent bien – des contrats aidés, dont on nous dit qu’ils ne seront plus financés.

Quant à l’injustice, elle constitue le socle de vos mesures. Nous n’acceptons pas, et les Français non plus, que 90 % des mesures soient financées par les revenus du travail quand vous protégez scandaleusement les revenus du capital. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Enfin, je veux parler du sort que vous réservez aux femmes : il est tellement révoltant que vous avez cru bon de procéder à quelques aménagements. Un abus de langage vous a d’ailleurs fait présenter ces dispositions comme des « avancées ». Il n’en est rien, puisque vous dégradez la situation d’une très grande majorité des mères de famille.

Il en va de même pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, mais aussi – et je veux insister sur ce point – pour les fonctionnaires, que vous ne cessez d’assimiler à des charges alors qu’ils sont aussi la richesse de notre République et de ses services publics. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)

Quant aux infirmières – les infirmiers, devrais-je dire – vous êtes revenus hier sur l’amendement que nous avions adopté et qui abrogeait l’article 37 de la loi du 5 juillet 2010.

L’injustice est aussi au rendez-vous quand vous confondez pénibilité et invalidité.

À cette logique de régression sociale, nous opposons une politique alternative fondée sur le partage équitable de l’effort entre les revenus du capital et ceux du travail, une prise en compte des spécificités de chaque parcours professionnel, gage de reconnaissance de la pénibilité.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la retraite n’est pas une aumône ; elle est un droit. Vous venez de gagner la bataille de la légalité – et encore… –, mais pas celle de la légitimité. (Murmures sur plusieurs travées de lUMP.)

Quant à nous, nous saurons répondre aux millions d’hommes et de femmes qui n’ont cessé d’espérer et de vouloir la justice. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC-SPG et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDSE et du groupe socialiste.)

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour commencer, je souhaiterais dénoncer les conditions dans lesquelles notre assemblée a été contrainte de travailler sur un texte aussi important que la réforme des retraites.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Croyez-vous vraiment à ce que vous dites ?

Mme Françoise Laborde. J’y crois !

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce projet de loi, nous privant ainsi d’une possible seconde lecture. Nous avons dû examiner les articles dans le désordre. Vous avez utilisé l’arme constitutionnelle de l’article 44, troisième alinéa, pour esquiver le débat démocratique.

Enfin, à peine ce texte est-il voté par le Sénat que l’on nous demande de nous prononcer sur les conclusions de la commission mixte paritaire, réunie en urgence dès hier matin et dont le texte n’a été disponible qu’hier soir ! Or il ne restait pas moins de quatre-vingt-dix articles en discussion. Je pense principalement à la disposition sur la retraite des infirmières contenue dans la loi relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, que nous avions abrogée en adoptant un amendement du groupe socialiste.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est scandaleux !

M. Guy Fischer. Véritablement scandaleux !

Mme Françoise Laborde. La question des retraites méritait pourtant que l’on s’y attarde et qu’on laisse le Parlement faire son travail. Le président du Sénat n’avait-il pas souhaité que la Haute Assemblée prenne tout le temps nécessaire à un débat serein ?

M. Charles Gautier. C’est fichu !

Mme Françoise Laborde. Non seulement vous méprisez le travail parlementaire, mais, en outre, vous ignorez les millions de Français qui se mobilisent avec force depuis des semaines pour vous manifester leurs craintes quant à l’avenir de leur retraite et leur désaccord avec cette réforme profondément injuste.

M. Jean-Louis Carrère. Ils ne les voient pas, ils ne les entendent pas !

Mme Françoise Laborde. Leurs contestations sont légitimes, car cette réforme pose de nombreux problèmes. Pourtant, ils n’ont pas été entendus. Pas encore !

L’ampleur indéniable de la mobilisation dans les rues prouve, s’il en était besoin, que cette réforme a été imposée au forceps, au mépris des partenaires sociaux, des partis politiques, des parlementaires et des concitoyens de ce pays. Vous avez en effet choisi de passer en force. Pourtant, un texte qui touche au patrimoine commun de tous les Français méritait beaucoup mieux que cela, messieurs les ministres.

La réforme des retraites, parce qu’elle touche à l’un des piliers de notre République, est un enjeu majeur pour notre société et pour les générations à venir.

Mes chers collègues, rares sont nos concitoyens qui ne souhaitent pas réformer les retraites. La situation parle d’elle-même : le vieillissement de la population et l’allongement de l’espérance de vie rendent nécessaire une refonte du système actuel.

Une réforme doit avoir lieu. Mais pas celle-ci. Et surtout pas dans ces conditions ! Pas sans prendre en compte les positions et les propositions des partenaires sociaux, des partis politiques, des groupes parlementaires de tous bords et celles des Français. Cela s’appelle rechercher le consensus et faire vivre une démocratie sociale et politique apaisée.

Le Président de la République a fait un choix, celui de diviser et d’opposer les Français. C’est même devenu sa marque de fabrique ! (Murmures sur plusieurs travées de lUMP.)

Les Français veulent bien d’une réforme si elle est juste et équitable et si les efforts sont partagés.

Selon un récent sondage, 59 % des Français se disent favorables à ce que les syndicats poursuivent leurs appels à des mouvements de grève et à des manifestations après l’adoption du texte par le Parlement. (C’est exactement l’inverse ! au banc du Gouvernement.) Ils souhaitent que le Gouvernement engage une discussion pour élaborer un autre projet de réforme des retraites. Mais le Gouvernement est sourd à l’exigence de justice sociale exprimée par nos concitoyens.

Parce que le Président de la République avait promis qu’il ne toucherait pas à la retraite à 60 ans, faute d’en avoir reçu le mandat du peuple français, et parce que cette réforme, véritable débat de société, aura des conséquences pour l’ensemble de nos concitoyens, elle doit se faire avec eux et non contre eux.

Ce dossier aurait donc mérité un vrai travail en profondeur, davantage de temps et de dialogue. La concertation engagée a été malheureusement très insuffisante. Pourquoi avoir traité un sujet aussi grave selon la procédure accélérée ? Pourquoi craindre les Français ? Pourquoi avoir, dès le début, organisé un simulacre de concertation, à grands renforts de plans de communication payés par le contribuable ? Pourquoi ne pas faire confiance aux partenaires sociaux, aux forces politiques et aux parlementaires de ce pays ? Pourquoi vouloir à tout prix faire cette réforme, préparée et écrite à l’avance ?

Suivant la volonté du chef de l’État, le Gouvernement n’a pas hésité à organiser un Grenelle de l’environnement et un grand débat sur l’identité nationale. Deux sujets, avec des succès très différents ; deux sujets sur lesquels vous avez convié chaque Français à s’exprimer. Cette semaine se tiendront des états généraux... du football ! Et sur le dossier des retraites, rien : pas de grand débat national, surtout pas de Grenelle ou d’états généraux des retraites ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Françoise Laborde. Manifestement, vous ne vous êtes volontairement pas donné les moyens d’associer les Français à votre réforme.

Mme Françoise Laborde. Vous avez refusé d’engager le débat alors que cette réforme touche au patrimoine commun de tous. Comment, aujourd’hui, s’étonner que nos concitoyens descendent par millions dans la rue ? Quelle erreur majeure de gouvernance ! Et surtout, quel gâchis !

Au lieu d’imposer le vote bloqué, qui restera, comme l’a dit Yvon Collin, une faute politique, vous auriez dû accepter de suspendre les travaux et d’organiser des tables rondes avec les partenaires sociaux et les partis politiques ; vous auriez ainsi évité une escalade dans la tension sociale. C’est ce que nous vous demandions très solennellement ici, mercredi dernier, par la voix des présidents du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG et du RDSE.

Je le répète, messieurs les ministres, votre réforme est injuste. Vous prétendez rétablir l’équilibre financier de notre régime de retraite. Mais au terme de quels sacrifices ? Votre réforme frappe d’abord les salariés les plus fragiles : ceux qui ont commencé à travailler très tôt, ceux qui ont eu des emplois pénibles et dont l’espérance de vie est écourtée, ceux qui, enfin, ont eu des emplois précaires.

Je pense aux femmes, grandes perdantes de cette réforme, malgré les quelques avancées que vous avez consenties.

M. Guy Fischer. Une aumône !

Mme Françoise Laborde. Les retraites des femmes sont, encore aujourd’hui, inférieures de 38 % à celles des hommes. Plus de la moitié des femmes touchent une pension inférieure à 900 euros, ce qui est inacceptable.

Mais cette inégalité n’est finalement que la retranscription des inégalités professionnelles qui se cumulent tout au long de la carrière entre les hommes et les femmes : inégalité de salaires, inégalité au niveau des responsabilités, précarité, temps partiel subi. En reculant l’âge légal de la retraite et l’âge d’annulation de la décote, vous condamnez les femmes à une plus grande précarité : elles sont actuellement plus nombreuses à liquider leurs droits à la retraite à 65 ans, faute de n’avoir pu rassembler le nombre de trimestres nécessaires pour toucher une retraite à taux plein.

Or le taux d’emploi des femmes de plus de 60 ans est très faible. Elles sont donc nombreuses à connaître, avant 65 ans, une situation de chômage ou de précarité.

Votre réforme frappe également de plein fouet les seniors. Jusqu’à présent, les seniors étaient de jeunes retraités. Demain, ils deviendront de vieux chômeurs. Messieurs les ministres, laissez-moi vous rappeler qu’aujourd’hui encore près de 70 % des Français qui liquident leur retraite sont sans emploi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui va financer l’assurance chômage ?

M. Guy Fischer. Les travailleurs !

Mme Françoise Laborde. En repoussant l’âge de départ à la retraite, vous risquez d’augmenter le chômage et la précarité et, par conséquent, de diminuer le niveau des pensions. Car encore faut-il pouvoir effectivement travailler jusqu’à 60 ou 62 ans ! En réalité, plus de 50 % des personnes qui touchent leur pension à 60 ans étaient déjà au chômage ou en inactivité. Et ce ne sont pas les salariés eux-mêmes qui décident de quitter leur emploi ; leur employeur le fait souvent pour eux ! Par ailleurs, si la perte du travail a lieu après 50 ans, il est très difficile de retrouver un emploi.

N’oublions pas que, par ailleurs, le chômage des jeunes est particulièrement élevé. Ceux-ci ont bien des difficultés à trouver un emploi stable, enchaînant souvent des contrats précaires.

L’espérance d’activité professionnelle s’élève aujourd’hui à 37 ans, et cette période d’activité comprend non seulement le travail, mais également les périodes de chômage.

En réalité, la réforme aura de graves conséquences pour bon nombre de nos concitoyens : elle devrait participer très certainement à une montée du chômage des jeunes et des seniors au cours des prochaines années et engendrer une diminution des pensions pour de nombreux travailleurs – les plus fragiles –, qui devront passer deux années supplémentaires à attendre pour pouvoir liquider leur retraite.

Votre réforme est vouée à l’échec. Les Français n’y croient pas, les Français n’en veulent pas ! Seul un système juste permettrait de trouver les moyens de son financement. Et ces moyens dépendent notamment du retour à la croissance. C’est avant tout en sortant de la politique d’austérité générale et en activant la croissance que nous pourrons augmenter le nombre d’emplois, et donc celui des cotisants. Or, à aucun moment, votre réforme ne prend en compte ces paramètres. Toute autre solution serait pourtant insuffisante et sans réelle ambition pour sauver le système par répartition.

Messieurs les ministres, chers collègues de la majorité, vous avez refusé d’entendre les millions de Français qui manifestent depuis plusieurs semaines et expriment avec force leurs inquiétudes.

Mme Janine Rozier. Oh là là !

Mme Catherine Tasca. Mme Laborde a raison !

Mme Françoise Laborde. Vous vous éloignez chaque jour un peu plus de nos concitoyens. Vous vous coupez des Français. Votre réforme des retraites est vouée à l’échec. Je l’ai déjà dit, on ne réforme pas contre les Français. Vous n’échapperez pas à cette règle historique.

À mon sens, cette réforme est en sursis, ce gouvernement est en sursis. Le compte à rebours a commencé il y a déjà plusieurs semaines. Ce n’est donc qu’une question de temps ! (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Exclamations sur plusieurs travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Messieurs les ministres, les millions de salariés de notre pays, mobilisés depuis plusieurs mois contre votre réforme des retraites, savent pertinemment qu’ils n’avaient rien à attendre de la réunion de la commission mixte paritaire.

M. Guy Fischer. La preuve en est apportée.

M. René-Pierre Signé. C’est la démocratie…

M. Nicolas About. Vous avez quitté la CMP dès le début. Il fallait rester !

M. Guy Fischer. À l’issue d’un processus législatif marqué par la volonté gouvernementale d’empêcher tout débat et toute contre-proposition, nos concitoyens mesurent combien ce projet de loi constitue une régression sociale sans précédent puisque vous renvoyez les salariés plus de vingt-huit ans en arrière, en les privant du droit à la retraite à 60 ans.

Nous n’avons eu de cesse de le dire, cette réforme est marquée par le même sceau de l’injustice qui a présidé à l’instauration du bouclier fiscal. Elle satisfait uniquement les agences de notation, le MEDEF et la majorité parlementaire.

Si on devait résumer votre projet de loi en deux chiffres, ceux-ci seraient indéniablement 85 et 15.

En effet, 85, c’est le pourcentage du poids économique de la réforme qui sera supporté par les seuls travailleurs, alors que les revenus du capital et les plus riches de nos concitoyens ne contribueront qu’à hauteur de 15 %. Pour vous, ce partage totalement inéquitable serait justifié du seul fait que ce sont les salariés qui bénéficient du droit à la retraite. Je pourrais naturellement ironiser en vous demandant pour combien de temps encore. Car les articles 5 et 6 auront pour effet d’ôter – il n’y a pas d’autre terme – aux travailleurs deux ans d’espérance de vie en bonne santé. Deux ans qui, au lieu et place d’être dédiés aux proches, à la famille, au temps pour soi, seront consacrés au travail et à l’accumulation de richesses dont seule une minorité de privilégiés profitera.

D’ailleurs, suivant votre démonstration, s’il est logique que les salariés soient les seuls à être mis à contribution puisqu’ils profitent de leurs retraites, il serait également logique qu’ils profitent des richesses qu’ils contribuent très largement à créer. Mais cela reviendrait à mettre un terme à toute une conception politique et économique du travail, qui ne cesse de favoriser les actionnaires au travers de versements de dividendes toujours plus importants, au détriment des salaires toujours plus faibles.

Voilà, messieurs les ministres, mes chers collègues, la réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Au final, c’est bien votre refus de mettre en place une meilleure répartition des richesses, plus égalitaire, de nature à renforcer notre système de retraite par répartition, qui vous conduit à imposer une telle réforme, laquelle, nous l’avons dit, sera injuste, inefficace et brutale.

Elle sera brutale, car, en jouant simultanément sur les trois facteurs – le passage de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, à 67 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein et sans décote, et l’augmentation de la durée de cotisation –, vous allez plus loin et plus vite que n’importe lequel des pays d’Europe où a été mise en œuvre une réforme des retraites. Cette réforme brutale s’appliquera dès le 1er juillet 2011.

Elle sera inefficace, car elle n’est pas financée. On sait d’ores et déjà qu’il lui manquera 4 milliards d’euros, dans le meilleur des cas, puisque votre réforme s’appuie sur des hypothèses de non-dégradation de l’économie et de la situation du travail. Ce déficit ne pourra pas être comblé par le Fonds de réserve des retraites, le FRR, puisque vous avez pris la décision de le siphonner pour payer la dette sociale.

Mme Nicole Bricq. C’est une honte !

M. Guy Fischer. C’est une aberration quand on connaît les finalités mêmes du FRR !

Enfin, la réforme sera injuste car ce sont les salariés, les travailleurs qui en supporteront l’essentiel du poids.

Comme toujours, vous n’avez pas hésité, sous prétexte d’équité, à réduire l’ensemble des droits. J’en veux par exemple pour preuve la manière dont vous avez réduit les conditions d’accès au minimum garanti au titre du rapprochement avec le minimum contributif. C’est scandaleux !

Par ailleurs, les salariés qui ont commencé à travailler tôt seront lourdement pénalisés par votre projet de loi. Durant les débats, vous n’avez eu de cesse d’affirmer que la gauche n’avait rien fait pour eux. C’était pour mieux masquer une réalité : vous allez les contraindre à travailler encore plus longtemps que par le passé. Il ne reste décidément plus rien du dispositif « carrières longues » que vous avez progressivement vidé de sa substance.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Mais 700 000 personnes en bénéficient grâce à nous ! Ce n’est pas rien !

M. Guy Fischer. Année après année, les mesures de durcissement se sont multipliées. Il y a eu tout d’abord le durcissement des conditions de rachat de trimestres au titre des années d’études et d’apprentissage, puis le durcissement des conditions d’accès au départ anticipé pour carrière longue et pour les assurés handicapés, la prise en compte des règles en vigueur non pas l’année de la liquidation mais l’année des 60 ans, la tentative d’allongement automatique de la durée de cotisation pour la retraite à taux plein à 60 ans, le passage progressif à 164 trimestres en 2012 avec évolution parallèle de la durée d’assurance requise pour le calcul de la pension, la non-prise en compte pour le départ anticipé pour carrière longue du rachat de trimestres pour études supérieures et années incomplètes et, dernier élément en date, la modification des conditions d’attribution de la majoration de la durée d’assurance pour enfants, la MDA, mesure adoptée en janvier 2010.

Pour les salariés concernés par le dispositif « carrières longues », la décision est des plus injustes car, bien qu’ayant commencé à travailler jeunes, ils devront de toute façon cotiser deux ans de plus. Je pense en particulier aux infirmières et aux travailleurs précaires.

La décision apparaît également injuste pour les jeunes, qui, avec cette mesure, voient les portes de l’emploi se refermer sur eux pour deux années encore, la combinaison des articles 5 et 6 ayant pour effet mécanique de retarder l’accès de près de 1 million de jeunes au premier emploi de qualité. Ainsi les jeunes devront-ils, en raison de l’article 4, réintroduit par la commission mixte paritaire, valider 41,5 annuités pour bénéficier d’une retraite sans décote. Autant dire que c’est quasiment impossible !

La décision est par ailleurs injuste pour les femmes aux carrières morcelées – ma collègue Odette Terrade abordera ce sujet dans quelques instants –, mais aussi pour les personnes en situation de handicap ou les malades atteints d’une affection chronique. Je pense aux victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Pour ces dernières, l’idée d’une carrière complète avec la règle des 40 annuités était déjà illusoire ; elle devient irréaliste si on porte la durée de cotisation à 41,5 annuités.

Pourtant, personne ne peut affirmer qu’il soit légitime de sanctionner financièrement des femmes et des hommes qui, en raison de leur état de santé ou parce que leurs employeurs ne respectent pas leurs obligations d’emploi, ne peuvent jamais atteindre dans les faits le nombre d’annuités nécessaires pour justifier d’une carrière complète.

En réalité, le cumul des articles 4, 5 et 6 constitue une machine infernale, une mécanique irrémédiable destinée à réduire à l’avenir le niveau des pensions des salariés et à allonger la durée de vie au travail de manière inexorable.

Comme ce fut le cas en 1993, en 1995, en 2003, en 2007 et en 2008, les retraités de notre pays verront fondre leurs pouvoirs d’achat et se dégrader considérablement leur qualité de vie. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit.) Cela vous permettra sans doute de justifier une réforme systémique dont la double caractéristique sera la substitution de la capitalisation à la répartition et la suppression totale pour les assurés d’un minimum garanti.

C’est pour toutes ces raisons que le groupe CRC-SPG votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vendredi dernier, lors de mon explication de vote sur l’ensemble du texte, je vous faisais part de la satisfaction de la très large majorité des membres du groupe Union centriste.

En effet, le texte auquel la Haute Assemblée est parvenue porte des avancées majeures en termes d’équité et de solidarité, tout en préservant l’économie générale de cette réforme incontournable.

C’est pourquoi, aujourd’hui, nous ne pouvons que nous féliciter de constater que la commission mixte paritaire a respecté le travail du Sénat, le reprenant très largement dans son texte tout en l’améliorant. En effet, sont corrigées les quelques erreurs que nous avions laissé se glisser – je pense au rétablissement de l’article 4 et à l’article 13 sur la retraite des infirmières. Les travaux de la commission mixte paritaire sont même porteurs d’avancées spécifiques sur la gouvernance de la médecine du travail.

Puisque nous sommes presque arrivés à la fin de notre marathon, j’aimerais conclure en remettant quelque peu la présente réforme en perspective.

La France figurait parmi les rares pays à avoir encore un âge de liquidation des droits fixé à 60 ans malgré l’allongement de l’espérance de vie. Deux autres pays ont aussi conservé cette limite d’âge, mais leur situation est difficilement comparable à celle de la France.

En Belgique, la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein est de 45 ans – aucun d’entre nous, je crois, ne le souhaitait pour les Français – tandis qu’au Japon l’âge moyen du départ effectif à la retraite est le plus élevé du monde. Lorsque notre taux d’emploi des seniors avoisinera celui des Japonais, nous pourrons peut-être y songer…

La présente réforme ne tombe donc pas du ciel. Elle s’inscrit dans l’ordre des choses. Il faut garantir les retraites présentes et à venir et, surtout, mettre un terme à un endettement croissant qui constitue le premier danger, la première menace pour nos enfants qui manifestent aujourd’hui.

M. Nicolas About. Depuis que l’âge limite de 60 ans a été fixé par les ordonnances Auroux comme ouvrant droit à la retraite, l’espérance de vie à 60 ans n’a cessé de croître. Elle a progressé de plus de quatre ans et devrait continuer à le faire.

Alors que nous avons un problème structurel de financement du fait de l’évolution démographique, nous ne pouvons faire autrement que de tenir compte d’une telle progression !

Autrement dit, à problème démographique structurel, solution démographique structurelle. Voilà la réalité de la réforme !

Il s’agit d’une réforme paramétrique d’urgence, indispensable, je le répète, à la fois pour ceux qui vont vers la retraite et pour les jeunes qui hériteront de nos dettes irresponsables. Nous espérons qu’elle sera doublée, dans les années à venir, d’une évolution systémique consistant à remplacer l’annuité par le point ou les comptes notionnels tout en restant fondée sur le respect du principe de répartition.

D’ailleurs, cette réforme, cette évolution systémique que nous appelons de nos vœux n’est pas du tout faite pour régler les problèmes de ceux qui accéderont prochainement à la retraite ou qui y accéderont dans les quinze années à venir. Bien au-delà, il faudra réfléchir sur la convergence des systèmes, à laquelle je comprends bien qu’un certain nombre de parlementaires soient hostiles – à l’instar de vous, monsieur Fischer. Manifestement, c’est le cas également des partenaires sociaux. À cet égard, le débat qui a eu lieu hier soir était tout à fait révélateur.

C’est tout le sens de l’amendement que nous avons fait adopter dans cet hémicycle et en vertu duquel une grande réflexion nationale sera organisée dès le premier semestre 2013, puisqu’il faut quinze ans au minimum pour mettre en place une telle évolution.

Pour conclure, j’insisterai à nouveau sur le fait que la réflexion sur l’impact retardé d’une pénibilité au travail non prise en compte par les employeurs n’a pas été conduite jusqu’à son terme.

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Nicolas About. Les partenaires sociaux, qui n’ont pas su se mettre d’accord hier…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La faute à qui ?

M. Nicolas About. Aux partenaires sociaux, qui ne se sont pas mis d’accord ! Ils doivent se remettre au travail rapidement sur ce thème, comme, d’ailleurs, sur les thèmes de l’emploi des seniors et des jeunes.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien !

M. Nicolas About. La perte d’espérance de vie ou la baisse de la qualité de vie après le travail doit aboutir un jour à une cessation anticipée d’activité financée par ceux qui n’auront pas su répondre à ces conditions de travail hautement nuisibles à leurs salariés. Nous y reviendrons, que personne n’en doute !

Conscients de la nécessité de cette réforme et des propositions diverses qui l’accompagnent, l’immense majorité des membres du groupe Union centriste soutiendra cette réforme.

Nous remercions tous les participants à la commission mixte paritaire, en particulier son rapporteur pour le Sénat, Dominique Leclerc, et la présidente de la commission des affaires sociales, Muguette Dini. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle (Applaudissements sur les travées de lUMP.).

M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après plus de 150 heures de débats, nous voici donc arrivés au terme de l’examen de ce projet de loi fondamental dont l’objectif, je le rappelle, est de préserver notre système de retraites par répartition.

M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n’est pas gagné !

M. Alain Vasselle. L’enjeu le nécessitait.

Si vous le permettez, mes chers collègues, je tiens, au nom du groupe UMP, à remercier chaleureusement le ministre Éric Woerth et le secrétaire d’État Georges Tron pour leur écoute et leur disponibilité. Je leur sais gré d’avoir su, tout au long de l’examen de ce projet de loi, demeurer attentifs et ouverts à toutes propositions tendant à améliorer ce texte, qu’elles soient issues de la majorité ou de l’opposition – nous avons en effet adopté pas moins d’une trentaine d’amendements proposés par le groupe socialiste.

Naturellement, mes remerciements s’adressent également à la présidente de la commission des affaires sociales, Mme Muguette Dini.

Quant au rapporteur, Dominique Leclerc, je le félicite pour la qualité des travaux menés, travaux qui ont permis d’enrichir le projet de loi tout en respectant son nécessaire équilibre. La patience et la sérénité dont il a fait preuve tout au long du débat suscitent notre admiration et mérite que nous le félicitions très chaleureusement. (Applaudissements sur les travées de lUMP ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

Par ses propositions, le rapporteur de la commission des affaires sociales, avec le Gouvernement, a en effet réussi à réformer tout en préservant le contenu solidaire du texte. Nous ne pouvons qu’en être satisfaits.

Contrairement à ce que certains craignaient, la commission mixte paritaire n’a pas durci le projet de loi – Nicolas About en a d’ailleurs apporté le témoignage à l’instant par ses propos. Elle est restée fidèle à l’esprit et à la lettre de la volonté majoritaire du Parlement.

L’état actuel de nos finances rendait une telle réforme impérative. Nos régimes de retraite connaissent en effet des déficits élevés, sans précédent, de surcroît en très forte progression.

Je rappellerai quelques chiffres. En 2010, le déficit de la branche vieillesse est proche de 10 milliards d’euros. Mes chers collègues, si nous n’avions rien fait, ce déficit aurait atteint 45 milliards d’euros en 2020, 70 milliards d’euros en 2030 et plus de 100 milliards d’euros en 2050. Bien entendu, il ne s’agit là que de prévisions.

Aujourd’hui, c’est presque une retraite sur dix qui n’est pas financée. Si nous n’avions rien fait, tel aurait été le cas d’une retraite sur six en 2030.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien !

M. Alain Vasselle. Certes, cette situation déficitaire traduit en partie l’impact de la crise, mais elle a aussi – mes chers collègues, vous le savez très bien – des causes structurelles : l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom, la poursuite des départs anticipés pour carrière longue et l’amélioration de l’espérance de vie.

Comment aurions-nous pu maintenir le système des retraites en l’état ?

La solution choisie pour financer les déficits à l’horizon de 2018 est la plus réaliste.

Mes chers collègues, nous ne pouvions nous enfermer dans le dogme du « taxer toujours plus », du « taxer les riches », du « taxer les banques »… Je l’ai dit et je le répète, ce sont de fausses bonnes idées, et faire croire aux Français que le problème des retraites peut être réglé par une augmentation massive des prélèvements c’est leur mentir. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Il vaut mieux faire payer les pauvres !

M. Jean-François Voguet. Ils sont plus nombreux !

M. Guy Fischer. Il vaut mieux faire payer les salariés !

M. Alain Vasselle. Les propositions du groupe socialiste consistant à taxer les stock-options et les retraites chapeaux ne sont pas à la hauteur des enjeux, comme je l’avais déjà affirmé lors de la discussion générale qui a eu lieu au début de l’examen du projet de loi. Et je le démontrerai à nouveau si c’est nécessaire lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale !

Mme Demontès regrette de n’avoir pu faire valoir les idées du groupe socialiste sur le financement de la réforme des retraites, mais ce n’était pas le moment opportun pour aborder les sujets financiers. Il y a un temps pour tout. Nous pourrons examiner ces propositions lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances.

M. Guy Fischer. Nous aurions pu faire une loi globale !

M. Alain Vasselle. Je me réjouis que notre majorité ait fait le choix de la responsabilité.

Cette responsabilité qui nous incombe, c’est d’assurer une retraite à l’ensemble des Français, sans jamais se résigner à la diminution du montant des pensions. En revanche, votre contre-projet, mes chers collègues, aurait pour conséquence une diminution, à terme, des pensions de retraite des Français. (C’est faux ! sur les travées du groupe CRC-SPG.) Tel n’est pas notre choix !

M. Guy Fischer. C’est vous qui allez les diminuer !

M. Alain Vasselle. Les problèmes démographiques de notre pays sont bien réels, et nous nous devions de maintenir les retraites actuelles tout en garantissant celles des générations futures. C’est pourquoi nous soutenons le choix du Gouvernement d’avoir privilégié le report de l’âge légal de départ à la retraite, plutôt que de recourir à l’augmentation des prélèvements obligatoires.

Nous nous réjouissons, en effet, que notre Haute Assemblée ait maintenu les mesures de rééquilibrage entre-temps de travail et temps de retraite. La limite de 62 ans reste inférieure à ce qu’elle était en 1980. Il n’y a là aucun recul social, comme nous avons pu l’entendre, mais uniquement une prise en compte de l’amélioration, année après année, de l’espérance de vie après la retraite.

Par ailleurs, nous avons voulu, contrairement à ce que vous affirmez sans cesse, que cette réforme soit le plus juste possible, avec une meilleure prise en compte des aléas de la vie.

Ainsi avons-nous adopté au cours de nos débats, en accord avec le Gouvernement, toute une série de mesures de solidarité, comme le maintien du dispositif des carrières longues et, pour la première fois dans notre pays – et même en Europe ! –, la prise en compte de la pénibilité au travail, ce que la gauche n’a jamais fait.

M. Woerth et les orateurs de la majorité l’ont expliqué : cette prise en compte de la pénibilité permettra à ceux qui sont les plus exposés de bénéficier de mesures adaptées à leur situation tant en amont, par des mesures de prévention, qu’en aval lorsque la réduction de l’espérance de vie sera avérée, comme pour les victimes de l’amiante. Celles-ci gardent le bénéfice des mesures en vigueur. Le conseil scientifique créé par la loi sera chargé de faire avancer la réflexion sur ce sujet de manière objective.

Nous avons également pris en compte la situation des chômeurs en fin de droit et reconnu l’ouverture des droits à la retraite des travailleurs handicapés.

Nous avons adopté une disposition spécifique pour les mères de famille ayant élevé plus de trois enfants : pas moins de 130 000 mères pourront ainsi partir à 65 ans, avec une retraite à taux plein. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Catherine Tasca. Cela existait avant !

M. Alain Vasselle. De même, nous avons pris une mesure pour les aidants familiaux et pour les parents d’enfants handicapés.

En définitive, cette réforme a permis de gommer de nombreuses injustices. Elle a conservé le principe fondamental de la solidarité intergénérationnelle. Elle peut être qualifiée d’équitable et juste, comme l’a souligné à plusieurs reprises notre excellent ministre du travail, Éric Woerth.

Nous avons poursuivi la convergence entre les régimes de la fonction publique et le régime général dans un souci d’équité entre les Français, comme l’a rappelé M. Georges Tron.

Il restera à progresser sur les autres régimes spéciaux, même si un bon bout de chemin a été réalisé avec la réforme des retraites, dite « Fillon », et celle de 2008.

Sur la médecine du travail, qui a fait l’objet de nombreuses interventions, le paritarisme a été confirmé, comme l’a rappelé Nicolas About. Les acteurs de la commission ont été rendus opérationnels et responsables. Les conditions ont été mises en place pour développer les actions de prévention des risques de pénibilité, dont les employeurs assumeront la responsabilité.

M. Guy Fischer. C’est assez ! Le paritarisme a été rompu !

M. Alain Vasselle. Grâce à cette réforme, la France gardera un système de retraites parmi les plus avancés socialement de tous les pays européens, dont un certain nombre, comme la Suède et l’Italie, se sont engagés bien avant nous dans une réforme systémique, en y travaillant quinze à vingt ans plus tôt.

C’est pourquoi nous avons posé les jalons d’une réflexion sur une telle réforme, dont l’avenir nous dira si elle s’avère nécessaire au-delà de 2018, en y travaillant dès 2013 dans le cadre d’une réflexion nationale. Le parti socialiste lui-même le souhaitait.

Nous aurons ce débat sur la réforme systémique des retraites en son temps ; l’urgence, c’était de mettre en œuvre la réforme paramétrique, comme vous y avait invités Michel Rocard dans son livre blanc.

Lorsque vous étiez aux affaires, mes chers collègues, vous êtes restés l’arme au pied, sans jamais rien faire, et vous n’avez pas assumé vos responsabilités. Il est facile, aujourd’hui, de dénoncer une réforme que vous n’avez pas eu le courage d’engager ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Je rappelle à Mme Demontès et à ses collègues que l’idée de la réforme systémique était le fruit d’une réflexion que nous avions engagée dans le cadre de la MECSS. Je m’étonne donc, mes chers collègues, de vos tergiversations et de vos contorsions sur ce point.

Cette réforme, nous en assumons le choix et la responsabilité. Savoir gérer, c’est prévoir, c’est savoir se prémunir des risques et anticiper l’avenir.

Je tiens donc à vous faire part, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de notre soutien sans faille à votre projet de loi et, plus généralement, à vous féliciter pour votre volontarisme en vue de faire aboutir cette réforme nécessaire. Je suis persuadé que les Français nous en seront reconnaissants,…

M. Guy Fischer. Vous pouvez toujours compter là-dessus !

M. Alain Vasselle. … même si cela peut leur paraître douloureux pour l’instant. Notre responsabilité, c’est de préparer leur avenir ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malheureusement, comme on pouvait s’y attendre, la commission mixte paritaire n’a pas changé grand-chose au fond de cette réforme, qui est, nous ne le redirons jamais assez, injuste et inéquitable. Les Français l’ont bien compris, qui se mobilisent toujours aussi nombreux. L’opinion publique est toujours aussi massivement contre votre réforme.

Votre réforme est injuste, car elle pénalise les salariés : ceux qui ont commencé à travailler tôt, ceux qui ont travaillé longtemps, mais aussi ceux qui ont alterné périodes de travail et périodes de chômage, voire, comme de nombreuses femmes, périodes de congés et de travail à temps partiel.

Elle est injuste, car elle fait porter l’effort à 85 % sur les salariés et épargne largement, encore et toujours, les revenus du capital.

Elle est injuste, car elle ne tient pas compte de l’espérance de vie et restreint la prise en compte de la pénibilité aux seuls salariés ayant développé une maladie ou un handicap. Sur ce point, la commission mixte paritaire n’a rien apporté de nouveau, tout comme l’Assemblée nationale et le Sénat n’avaient rien apporté de nouveau par rapport au texte du Gouvernement. Moins de 30 000 salariés seront concernés, alors que plus de 2 millions de salariés subissent des conditions de travail pénibles.

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

M. Jean-Pierre Godefroy. Sur cette question comme sur beaucoup d’autres, vous privilégiez une approche individualiste et à courte vue, essentiellement dictée par des contraintes financières. Généralement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, cela ne fait pas bon ménage avec l’équité !

A contrario, nous privilégions une approche plus globale, qui ne définit pas des métiers pénibles, mais des facteurs de pénibilité, et ouvre à tous les salariés concernés le droit à une juste compensation. L’approche collective, comme base, et l’appréhension individuelle doivent être conjuguées, et non pas opposées. J’ai tenté de vous l’expliquer à plusieurs reprises lors des débats.

Ce matin, j’insisterai plus longuement sur la réforme de la médecine du travail. Vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, elle a été vécue comme un mauvais coup par les partenaires sociaux,...

M. Guy Fischer. Une mise à mort !

M. Jean-Pierre Godefroy. ... qui avaient entamé une longue et difficile négociation et qui ont été pris de court par les amendements déposés par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, reprise pure et simple de la position patronale.

Le Sénat avait fait un gros travail sur cette partie du texte, grâce aux efforts coordonnés du rapporteur et de tous les membres de la commission des affaires sociales. Le texte ne réglait pas tous les problèmes, loin s’en faut ! Mais enfin, on avait progressé.

Hier, deux modifications ont été adoptées par la commission mixte paritaire, l’une positive, l’autre totalement négative.

J’évoquerai d’abord le point positif. À l’article 25 undecies, la commission mixte paritaire a supprimé, à la suite de l’amendement que nous avons proposé, la référence au directeur du service de santé au travail comme garant de l’indépendance du médecin du travail.

Vous le savez, cela heurtait profondément les médecins du travail. Ceux-ci nous ont rappelé que leur indépendance, comme celle de tous les autres médecins, était garantie par l’article 95 du code de déontologie médicale et que, par ailleurs, ils étaient des salariés protégés par le code du travail. Ils voyaient d’un très mauvais œil le fait d’être ainsi placés sous la tutelle du directeur du service de santé au travail, alors que le texte les dépossède déjà de leurs missions et de leurs prérogatives, et ne leur confie plus que des fonctions d’exécution.

Le point extrêmement négatif concerne la gouvernance des services de santé au travail et les modifications prévues par la commission mixte paritaire à l’article 25 sexies. Je le dis sans ambages : c’est une véritable régression, je dirais même une trahison, par rapport au texte voté à l’unanimité au Sénat !

Je rappelle que c’était une recommandation de la mission d’information du Sénat sur le mal-être au travail, elle aussi votée à l’unanimité. Je ne doute pas que le patronat a su user de toute son « influence » pour obtenir de la commission mixte paritaire ce retour en arrière.

M. Guy Fischer. Ils ont fait du lobbying !

M. Jean-Pierre Godefroy. J’avais dit, dès la discussion générale, que l’introduction du paritarisme dans la gestion des services de santé au travail était une avancée, à condition qu’il s’agisse d’un véritable paritarisme, à l’instar de ce qui passe dans d’autres organismes.

Le système trouvé par le Sénat était équilibré et permettait d’associer employeurs et salariés à la gestion des services de santé au travail.

A contrario, la rédaction de la commission mixte paritaire crée un faux paritarisme, un paritarisme en trompe-l’œil. En effet, dès lors que le président du conseil d’administration du service de santé au travail est issu automatiquement du même collège, à savoir celui des employeurs, et que sa voix est prépondérante, cela ne changera pas grand-chose par rapport à la situation actuelle ; simplement aura-t-il plus souvent besoin d’utiliser cette prérogative.

La vérité, c’est que les employeurs ont une vision de propriétaire de la médecine du travail. C’est pourquoi ils ne veulent absolument pas que les syndicats de salariés disposent d’un véritable droit de regard sur la manière dont les finances de la médecine du travail sont utilisées.

En proposant un poste de vice-président au collège « salariés », c’est un strapontin que l’on offre aux salariés, en quelque sorte un poste d’observateur, sans pouvoirs. C’est la raison pour laquelle le Sénat avait adopté l’alternance présidence-trésorier, tous les trois ans, pour les deux collèges, ce qui représentait une réelle garantie et garantissait un exercice réel du paritarisme.

Je regrette d’autant plus ce revirement que, lors de cette séance publique, vous ne vous étiez pas opposé, monsieur le ministre, à la rédaction du Sénat.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je crois même que vous aviez même émis un avis favorable sur cet amendement.

Une question, dès lors, se pose. Le Gouvernement était-il informé de cette modification ? À moins qu’il ne soit à l’origine de celle-ci ! (M. le rapporteur s’exclame.) Dans ce cas, nous pourrions estimer, légitimement, avoir été bernés en séance publique.

Cela témoignerait également, une fois de plus, de votre conception totalement biaisée du dialogue social, comme le prouve également ce qui s’est passé tout au long de la préparation et de l’examen de ce projet de loi et qui explique largement son rejet par la population.

Vous avez la possibilité, monsieur le ministre, et vous seul, de rétablir la version votée à l’unanimité par le Sénat en déposant un amendement. C’est à l’aune de cette décision que nous jugerons votre réelle volonté d’établir un vrai paritarisme dans la médecine du travail.

Au-delà de ce texte, qui va donc finir par être voté, c’est un malaise plus général que l’opinion exprime dans la rue et au travers des sondages. Les Français rejettent cette réforme des retraites, car ce que le Gouvernement leur présente comme des « réformes » depuis 2007 – et même bien avant, depuis 2002 ! – conduit à une régression générale des conditions de vie : logement inaccessible, durée de transport allongée, travail sous pression, emplois précaires, accès aux soins de plus en plus coûteux, services publics menacés, supprimés ou privatisés, etc. La liste est tellement longue que je n’ai pas le temps de l’égrener ici ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

La réforme des retraites fonctionne aujourd’hui comme une cristallisation. Trois ans après l’élection du Président de la République, les Français rejettent l’injustice érigée en mode de gestion économique, sociale et politique par celui-là même qui devrait être le garant de la cohésion nationale.

Si l’effort doit être fait par la nation, cet effort doit être réparti. Vous n’entendez pas le cri des travailleurs, mes chers collègues ! Vous êtes sourds à leur appel de justice et de respect. Ils sont la force productive de notre pays, et vous leur tournez délibérément le dos. Je suis persuadé qu’ils sauront, à très brève échéance, vous le faire savoir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec le coup de force visant à faire adopter le texte issu de la commission mixte paritaire sans débat et par vote unique, vous persistez dans des méthodes d’un autre âge, qui ne font pas honneur à notre assemblée et qui couvrent, en matière financière, le montage le plus injuste et le plus inefficace de cette loi de régression sociale que vous osez encore appeler réforme !

Quelles sont les réponses que vous apportez au financement des retraites ? Allongement de la durée de cotisation, report de l’âge de départ en retraite – ce recul social pleinement assumé par Benoist Apparu ! –, recul de l’âge de liquidation sans décote : voilà les seules solutions, pesant uniquement sur les salariés, que vous avez trouvées !

Un an de cotisations en plus pour un smicard, c’est 800 euros de plus sur l’année. Vous pouvez multiplier cette somme par 3 millions pour avoir une idée de ce que cela représente !

Reculer de deux ans l’âge légal de départ et porter à 67 ans l’âge auquel la décote cesse de s’appliquer, voilà le moyen le plus sûr de limiter le niveau des pensions de sortie et de raccourcir la durée de versement.

Au fond, travailler plus et plus longtemps, pour toucher moins et moins longtemps.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Bernard Vera. C’est ce que j’avais appelé la spéculation sur la mort lors des explications de vote de vendredi dernier !

M. Bernard Vera. Penchons-nous maintenant sur la question des prélèvements qui vont être effectués sur les revenus les plus élevés. Dans une logique de pur affichage, le Gouvernement a pensé que cela « ferait bien » de taxer, légèrement, les revenus du capital et du patrimoine.

Mais que pèsent les 180 millions d’euros récupérés cette année sur les plus-values face aux milliards de cotisations, sans droits à pension supplémentaires, que vous allez racketter sur le travail des salariés ?

À la vérité, si l’on avait voulu assurer le financement de nos retraites, il était parfaitement possible de trouver d’autres pistes. Par exemple en se posant cette question simple : ne serait-il pas légitime, normal et tout à fait concevable que la France consacre plus de 13,5 % de la richesse nationale à assurer un revenu de remplacement, une retraite ou une pension à plus de 12 millions de nos compatriotes, c’est-à-dire un Français sur cinq ?

Ce débat financier a-t-il eu lieu ? Évidemment, non.

La meilleure preuve en est que, passé le débat sur les comptes notionnels, la majorité du Sénat a opté pour le blocage de la discussion des amendements de l’opposition sénatoriale susceptibles de montrer que d’autres voies pouvaient être suivies.

Car là est la clé de cette réforme : vous avez opté pour la soumission de la protection sociale aux contraintes des marchés financiers, pour plaire aux agences de notation et réduire les déficits publics par la mise en œuvre d’une politique d’austérité. Pour notre part, nous avons défendu une logique d’insoumission.

Une insoumission qui passe par la majoration de l’impôt de solidarité sur la fortune, par une remise en cause des prélèvements libératoires, par la mise en question des régimes privilégiés qui favorisent aujourd’hui le détournement du produit du travail vers les marchés financiers, vers les gaspillages de la spéculation.

Votre appel catastrophiste sur le thème : « Il faut faire cette réforme sinon qui paiera les retraites ? » ne supporte pas l’analyse.

Quand on consacre 172 milliards d’euros par an à exonérer les entreprises du paiement de leurs impôts et cotisations sociales, comment peut-on dire que les 7 milliards ou 10 milliards d’euros de déficit de trésorerie de l’assurance vieillesse deviendraient insupportables ?

Comment ne pas pointer le fait que votre loi condamne les salariés au régime sec alors que vous étiez prêt, en 2008, à dépenser 360 milliards d’euros pour sauver des banques qui vous ont remercié depuis en privant de crédit des milliers de PME, causant ainsi des liquidations d’activités et d’emplois par centaines de milliers ?

Nos propositions de financement conduisent concrètement à offrir une alternative moderne à la situation dans laquelle vous avez placé, texte après texte, notre système de retraite, une alternative au déclin, qui fait aujourd’hui débattre et réfléchir l’ensemble du corps social de notre pays.

Car, s’il y a bien une chose qui ressort de l’expérience, c’est qu’aucun des reculs que vous avez eu l’occasion de mettre en œuvre depuis 1993 n’a conduit à retrouver l’équilibre du système en général. C’est un peu comme si tout avait été fait pour que la perte de pouvoir d’achat, de substance et de qualité de notre système de retraite ne soit, in fine, que le moyen que vous avez trouvé pour convaincre les Françaises et les Français du bien-fondé du passage à un système de fonds de pension qui irait jouer l’argent des pensions sur les marchés boursiers.

Nous, nous pensons que la solidarité collective est la réponse la plus moderne qui soit aux problèmes de notre temps.

Permettez-moi d’ailleurs un petit rappel historique, en guise de conclusion.

À la Libération, quand la République, rétablie dans ses droits et ses pouvoirs, a créé notre système de retraite par répartition, elle a choisi la modernité évidente de la solidarité interprofessionnelle et intergénérationnelle.

Dans sa grande modernité, ce régime général de retraite a même pris à son compte de solder les retraites créées avant la Seconde Guerre mondiale et qui, pour une bonne partie, étaient fondées sur un principe de capitalisation. Cette capitalisation s’était évidemment effondrée après la tourmente des années de guerre et laissait des pensions d’un niveau ridiculement bas.

Comme nous ne voulons pas soumettre l’avenir de nos retraites aux aléas du marché boursier, que ce soit par capitalisation, par mise en œuvre des retraites par points ou par comptes notionnels, nous ne pouvons opposer que les réponses collectives et solidaires que nous avons préconisées.

Devant cette profonde divergence de vues, nous ne pouvons que vous confirmer notre rejet de votre texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Très bien ! Voilà du sérieux !

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Au pays des sourds, les aveugles sont rois !

Voilà votre gloire, messieurs les ministres, mes chers collègues de la majorité. En braves soldats que vous êtes, vous n’avez pas failli aux ordres. Vous avez su ne pas voir les milliers de manifestants et avez su ignorer la contestation massive. Vous avez su rester courageusement fermés à la négociation, résolument sourds aux alternatives, imperméables aux débats.

Cela méritait d’être salué à l’heure de considérer le travail accompli. Trois évidences sont frappantes. Tout d’abord, la procédure est mise au service d’une stratégie de « cadrage » – dans le temps et sur le fond – du débat parlementaire, qui ne sera bientôt plus, entre vos mains, que l’alibi démocratique de procédés césariens.

Au fond, le texte issu de cette commission mixte paritaire est aujourd’hui pratiquement identique à celui déposé en septembre dernier sur le bureau de l’Assemblée nationale. Rien d’essentiel n’a bougé.

Une trentaine de nos amendements ont certes été adoptés et confirmés ; c’est la reconnaissance du travail auquel notre groupe s’est attaché.

C’est sans compter tous nos amendements tombés sous le feu de l’article 40 et tous les autres rejetés en séance. Le débat était tranché d’avance, preuve en est le rétablissement de l’article 4 – pour lequel vous n’avez pas osé demander une seconde délibération –, ou encore de l’article 13 relatif aux infirmiers et professionnels de santé dans sa rédaction initiale. Aucune des modifications adoptées, de quelque groupe qu’elles émanent d’ailleurs, n’est propre à modifier réellement ce projet, si ce n’est à la marge. Et cette marge était vraisemblablement mesurée dès l’origine par les auteurs même du projet !

Les concessions présentées en cours de débat s’agissant des parents d’enfants handicapés et des parents de trois enfants – aussi attendues étaient-elles, mais aussi limitées sont-elles –, font évidemment partie de cette orchestration et ne font pas illusion, à moins de vous faire crédit d’une subite et tardive prise de conscience de la profonde injustice de cette réforme, ce qui ne semble pas être encore tout à fait exact.

De même étaient prémédités le rythme et le calendrier imposés au parlement : ouverture en session extraordinaire et clôture prématurée du débat à l’Assemblée nationale déjà contrainte par le « temps-guillotine », demande de réserve de tous les amendements portant articles additionnels, demande de priorité sur les deux articles clefs du projet portant recul de l’âge de la retraite et, enfin, vote bloqué au Sénat.

Stratégie également le fait d’avoir présenté un projet de réforme des retraites « en kit » ! Le présent texte ne comporte que les seules mesures d’âge. Une part du financement des retraites se trouve dans le projet de loi de finances à venir. Une autre part de financement viendra dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Une troisième part figure dans le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale qui vient d’être adopté... Vous privez ainsi de manière certaine et déloyale, pourrait-on dire, la représentation nationale des données essentielles et nécessaires à son jugement. Les rapporteurs des commissions, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, qui ont tous deux déploré ne pas disposer de toutes les informations utiles à cet égard, ne me démentiront pas.

Toujours est-il que la raison d’être de ce projet de réforme étant de ramener les comptes de l’assurance vieillesse à l’équilibre, nous nous sommes bien sûr penchés sur les financements prévus à cet effet, si dispersés soient-ils.

Ainsi, la seconde évidence frappante est votre difficulté persistante à l’égard des chiffres. L’objectif d’équilibre du régime est fixé à 2018. Il est malheureusement construit à la fois sur un tour de passe-passe, insuffisant à créer l’illusion d’une ressource, sur des hypothèses de croissance jugées irréalistes et déjà partiellement démenties, enfin, sur l’épuisement prématuré du fonds de réserve pour les retraites, mesure d’imprévision et de mauvaise gestion manifeste.

Il manque en effet déjà plus de 15 milliards dans votre compte, monsieur le ministre, soit plus du tiers des besoins ! Car, même requalifiés « effort net de l’État », ces 15 milliards d’euros ne sont pas financés.

Enfin, les deux tiers du financement total, 18,6 milliards, sont attendus des seules mesures d’âges sur l’hypothèse d’une croissance de 2 %, en réalité fort improbable. J’ajoute qu’en l’état actuel du chômage en France vous omettez d’intégrer à votre compte d’équilibre – qui en porte de moins en moins bien le nom – le coût du transfert sur l’UNEDIC. Celle-ci s’en est préoccupée et l’a évalué entre 440 millions et 530 millions de charges nouvelles. Il faudra également ajouter le coût de ce transfert vers l’assurance maladie et les départements, au titre des allocations d’invalidité et du RSA, que ces derniers devront verser pendant deux années supplémentaires.

Depuis dix ans que vous gouvernez, vous auriez pu développer sur le long terme un projet ambitieux d’emploi des seniors. Vous ne l’avez pas fait, mais vous ne pouvez pas ne pas tenir compte, à court terme, de la réalité qui est que 85 % de ceux qui liquident leur pension au titre de l’âge sont au chômage, parmi lesquels 87 % de femmes sans emploi depuis plus de vingt ans !

Enfin, au prix d’une contre-vérité, d’un argument démographique contradictoire, d’une certaine légèreté à l’égard des règles que vous avez vous-même fixées et d’une gestion inconséquente des deniers publics, le fonds de réserve pour les retraites verra ses actifs et ses ressources transférés à la caisse d’amortissement de la dette sociale pour financer les déficits cumulés du régime des retraites des salariés.

Contre-vérité en effet, lorsque vous affirmez que ce transfert ne fait qu’anticiper l’utilisation du fonds en raison de la crise, alors qu’il est destiné à répondre à des besoins démographiques conjoncturels – le surcroît de dépenses que générera en 2020 l’arrivée à la retraite de la génération du baby-boom – et n’est nullement un instrument de gestion courante des comptes.

Légèreté lorsque vous décidez finalement de vous affranchir des règles posées par la loi organique pourtant écrite par vos soins en 2005.

La troisième évidence correspond à une autre des difficultés vous caractérisant, à l’égard cette fois de la notion de justice.

Vous entendez faire peser 85 % du coût de cette réforme sur les salariés du privé et les fonctionnaires, tandis que les prélèvements nouveaux envisagés par le PLF et le PLFSS pour 2011 – dont la représentation nationale n’a eu connaissance que tout récemment – protègent encore les plus hauts revenus et les entreprises. Nous vous avons proposé de répartir également cet effort par la taxation des revenus du capital, des stock-options, des plus-values de cession de filiales, de la valeur ajoutée des grandes entreprises à hauteur de 28 milliards et une hausse de 0,1 % par an des cotisations sur les revenus du travail à hauteur de 27 milliards. Où est la justice pour les actifs et les retraités d’aujourd’hui ?

La taxation au fil de l’eau des contrats multi-supports d’assurance-vie, comme la taxation de la réserve de capitalisation des sociétés d’assurance ne procurent pas de recettes à long terme, et, je l’ai déjà dit, vider aujourd’hui le fonds de réserve pour les retraites injurie l’avenir. Où est la justice pour les générations futures ?

Cette réforme – ce sera ma conclusion – profondément injuste, déséquilibrée et incohérente puisque inscrivant pour l’immédiat la nécessité d’une autre réforme a été, hier, qualifiée de « fiasco total ». Ce mot serait-il trop fort au regard des réactions de nos concitoyens depuis plusieurs semaines et depuis plusieurs mois ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec un grand désarroi et une vraie colère que nous sommes amenés à prendre la parole aujourd’hui, alors que nous sommes arrivés au terme d’une procédure législative qui, de bout en bout, a été menée à marche forcée.

Force est de constater que, face au rouleau compresseur idéologique et médiatique, il ne reste que très peu de place pour la démocratie. Les principes sont malmenés et, d’ailleurs, la procédure tronquée de la restitution de la commission mixte paritaire de ce jour n’en est que la dernière illustration.

Depuis le mois de juin, le Président de la République et son gouvernement ont décidé de nous imposer un texte sur les retraites, quoi qu’il en coûte à notre pays. Ce texte, principalement destiné aux agences de notation, nos concitoyens n’en veulent pas, ils le disent depuis la communication de votre projet.

Mais le Gouvernement n’en a cure et il s’obstine à faire de la rentrée 2010 une date marquante dans les étapes de la régression sociale qu’il nous impose depuis des années.

Cette fois encore, je le déplore, les victimes de ce texte seront les femmes !

Alors que vous avez à plusieurs reprises dénoncé les inégalités professionnelles entre femmes et hommes comme le « scandale de la République », vous ne faites rien, monsieur le ministre, ici comme ailleurs, pour y remédier.

Vous l’aviez dit, l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes « n’était pas le sujet de ce texte ». Vous avez tenu parole puisque ce dernier n’apporte rien, ou quasiment rien, pour réduire les inégalités salariales subies par les femmes.

Le présent projet de loi constitue un recul pour tous, en particulier pour les femmes. Or vous tentez de le présenter comme une grande progression pour les droits de celles-ci ! Votre objectif était de gagner la bataille de l’opinion – car, vous le savez, un électeur sur deux est une femme – mais, là aussi, vos discours se sont fracassés contre les réalités.

Objectivement, avec ce texte, toutes les conditions sont réunies pour que les inégalités dont sont victimes les femmes en matière de retraite perdurent et s’aggravent. Dans notre système par répartition, le montant des retraites de ces dernières est le double reflet de leur parcours professionnel, en raison tant des petits salaires qu’elles auront perçus que du nombre de trimestres qu’elles n’auront pas pu valider.

La retraite concentre donc des inégalités, car elle arrive en bout de chaîne. La carrière professionnelle des femmes s’articule souvent entre-temps partiel imposé, précarité, discrimination à l’embauche, salaires inférieurs à ceux des hommes, congés de maternité, congé parental... Avec votre réforme, elles devront subir les conséquences des inégalités de notre société, y compris au cours de leur retraite.

En matière de lutte contre les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes, alors que la loi de 2006 n’est toujours pas appliquée, les membres de mon groupe avaient formulé des propositions. Vous avez délibérément refusé d’en débattre, en recourant à la procédure du vote unique et au couperet de l’article 40 de la Constitution.

Aujourd’hui, les femmes peuvent partir à la retraite à 65 ans tout en percevant une pension à taux plein. Avec le texte qui résultera de nos travaux, il leur faudra dorénavant cumuler énormément de conditions pour conserver ce droit : être nées entre 1951 et 1955, avoir élevé au moins trois enfants, avoir interrompu leur activité professionnelle à cette fin et avoir validé au préalable un nombre minimal de trimestres.

Monsieur le ministre, selon vous, 130 000 femmes seraient concernées – vous annoncez fièrement ce chiffre ; or seules 25 000 d’entre elles le seraient selon les syndicats. C’est très peu !

Le dispositif destiné aux mères de famille fonctionnaires qui, selon vous, était un avantage réservé à certaines femmes, m’inquiète également. Vous faites erreur : loin d’être un privilège, ce dispositif permet seulement à des femmes d’effectuer un choix de vie !

Vous affichez un grand satisfecit, estimant réglée pour les nouvelles générations la question de l’égalité. Or vous savez bien qu’il n’en est rien. Aujourd'hui, à trente ans, les femmes salariées totalisent déjà deux trimestres de cotisation de moins que leurs collègues masculins. De surcroît, seul 1 % des pères arrêtent, réduisent ou interrompent leur activité professionnelle après la naissance d’un enfant, contre 35 % des mères.

Monsieur le ministre, puisque vous nous opposez une bataille de chiffres, je tiens de nouveau à vous rappeler que, depuis que votre gouvernement est au pouvoir, notre pays a chuté à la 137e place sur 142 au classement mondial relatif à l’égalité entre les hommes et les femmes. Et vous osez parler de victoire pour les femmes ! Quelle triste victoire !

En réalité, votre texte les condamne une nouvelle fois à la défaite et celle-ci aura pour elles un goût encore plus amer puisqu’elles seront discriminées jusqu’à leur retraite. Il y a une certaine honte à aborder ainsi la question des droits des femmes, un irrespect que vous manipulez avec beaucoup d’efficacité. Je le regrette pour toutes ces femmes qui verront leur retraite rimer avec précarité.

Nous avons tout fait pour nous opposer à cette régression sociale inadmissible. Le texte est passé tout de même et on voit de quelle manière. Quoi qu’il en soit, vous pouvez compter sur la détermination des membres du groupe CRC-SPG pour rester mobilisés, aux côtés de nos concitoyens, jusqu’au retrait de cette réforme injuste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. À l’issue de ces trois semaines de débat sur le projet de loi portant réforme des retraites, il me reste le goût amer d’une occasion ratée, et j’en tire la désagréable impression que notre pays, faute de dialogue social, s’engage dans une crise sociale grave.

La discussion du projet de loi susvisé est donc une occasion ratée, car nous allons à contre-sens de l’Histoire.

Monsieur le ministre, vous partez d’un postulat faux ; vous pensez qu’il faut travailler davantage. Pourtant, dans nos sociétés développées, il est possible d’envisager autrement le travail. Grâce au progrès technologique, à l’augmentation de la productivité, la production des biens nécessaires à la société nécessite un travail d’une durée plus limitée qu’auparavant. De fait, c’est la question de la répartition du temps de travail qui est posée, non celle de son augmentation.

Face à la logique du principe « travailler toujours plus », induisant des heures supplémentaires à n’en plus finir, et à l’objectif de travailler toujours plus longtemps conduisant au report de l’âge de la retraite, nous, écologistes, proposons de travailler mieux, de travailler moins, mais de travailler tous.

L’écologie, est une question non pas subsidiaire, mais centrale. La nécessité de limiter les pollutions, de préserver l’air, les sols et les océans, d’économiser les ressources naturelles nous oblige à penser différemment l’activité humaine et les droits qui y sont associés. Nous pouvons, nous devons limiter la production des biens industriels qui ne sont pas indispensables et privilégier les activités de service, de santé et d’échanges. C’est pourquoi votre loi fait fausse route : oublier les contraintes environnementales, c’est s’assurer que votre projet n’a rien de durable.

Monsieur le ministre, votre réforme est inefficace, car les seniors ne trouveront pas plus d’emplois demain qu’aujourd’hui. En effet, le marché du travail dans notre pays est hyper standardisé ; c’est en France que le taux de productivité horaire est le plus élevé, ce qui signifie une recherche du salarié le plus conforme, le plus performant.

Le report de l’âge minimal de départ à la retraite n’a pas de sens lorsque ne sont pas résolues ni même abordées, les difficultés d’insertion des jeunes dans l’emploi et les départs anticipés des seniors.

Les quelques mesures que vous avez prises ne parviendront pas à enrayer ce processus d’exclusion des plus anciens du monde du travail.

Rien n’a été fait pour les jeunes, qu’ils soient étudiants, apprentis, stagiaires ou à la recherche d’emploi.

Votre politique de destruction des services publics dans les secteurs de l’éducation, de la santé, de la petite enfance, de la dépendance est nuisible pour l’emploi et nous entraîne dans un cercle vicieux... Elle a pour conséquence moins d’actifs. Moins d’actifs, c’est moins de cotisations, et donc cela revient à « plomber » encore plus le système par répartition.

Contrairement à ce que vous affirmez, réformer les retraites sans réformer l’emploi, sans résorber le chômage ne permet pas de garantir la pérennité du système par répartition.

Monsieur le ministre, votre réforme n’est pas seulement de courte vue et inefficace ; elle est aussi injuste.

Si certains de nos concitoyens s’épanouissent au travail, la majeure partie des salariés sont soumis à des critères de rentabilité intenables, à un management qui les pressure toujours plus. Pour la plupart d’entre eux, le travail est aliénant.

Monsieur le ministre, pour comprendre la mobilisation sociale contre votre projet, vous devez vous plonger dans la réalité.

Pensez-vous que dans les raffineries ou sur les chaînes de montage, les ouvriers vont accepter de travailler en 3x8 deux ans de plus ?

Pensez-vous que les couvreurs, les charpentiers, qui grimpent sur les toitures, soient capables de le faire deux ans de plus ?

Pensez-vous que tous ceux qui sont exposés à des substances toxiques ou cancérigènes – ceux qui travaillent dans le secteur du bâtiment, par exemple – puissent continuer à les respirer deux ans de plus ?

M. Jean Desessard. Pensez-vous que les caissières de supermarché puissent réellement poursuivre ce travail à temps partiel subi, en horaires décalés, deux ans de plus, monsieur Longuet ?

Pensez-vous que les infirmières débordées, mille fois sollicitées, obligées de pallier le manque de personnel aient envie de continuer à ce rythme effréné deux ans de plus ?

Vous n’avez pas voulu prendre en compte la pénibilité au travail, et les salariés l’ont bien compris.

En revanche, vous avez pris en compte l’incapacité. Ainsi, il faut être usé, avoir perdu une partie de ses facultés pour partir à la retraite plus tôt. Quel aveu !

Il faut donc « être au bout du rouleau » pour bénéficier du repos.

Mais l’aliénation au travail ne se limite pas à la pénibilité ! Elle résulte aussi du développement du harcèlement moral, d’objectifs irréalisables imposés par une hiérarchie, d’une pression constante. Ce sont également des pratiques commerciales douteuses que l’on demande de mettre en œuvre au détriment de la notion de service public... Je fais bien évidemment référence aux drames que connaissent France Telecom et La Poste.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez réveillé la jeunesse, qui s’est mobilisée contre votre réforme.

Bien sûr, ces jeunes ne sont pas en train de compter leurs points de retraite, mais la jeunesse est solidaire, car elle est généreuse. Elle s’interroge sur le monde de demain que nous dessinons aujourd’hui. Elle ne veut plus entendre parler de chômage de longue durée, de stages sous-payés, de précarité.

Pensez-vous que la jeunesse soit insensible aux questions de société, aux inégalités ?

Monsieur le ministre, votre détermination à imposer cette réforme injuste aux salariés va créer une situation explosive, sans pour autant régler les contradictions économiques et échapper à la crise écologique.

Les écologistes voteront contre votre projet de loi. Et le bon sens voudrait que vous abandonniez incessamment cette réforme.

Nous pouvons éviter le pire, si vous vous décidez enfin à prendre en compte les attentes des Français et non les exigences brutales du patronat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Jeannerot. C’est une évidence pour tous, le projet de loi portant réforme des retraites aborde une question de société majeure puisqu’il touche au pacte républicain. Ce sujet aurait mérité un vaste débat national – c’est une conviction partagée –, qui aurait permis à l’ensemble des forces vives de s’exprimer.

Même, voire surtout, sur un sujet de société difficile, porteur d’enjeux, aucune réforme ne peut être menée sans acceptation de la population. Mes chers collègues, le vrai courage ne réside jamais dans le passage en force !

M. Claude Jeannerot. C’est pourquoi, dès le début de l’examen du projet de loi susvisé, les membres de l’opposition avaient sollicité le recours au referendum. À nos yeux, la démocratie sort toujours renforcée de la consultation du peuple. Au surplus, assurance aurait été donnée que toute la réflexion nécessaire se serait déroulée dans notre pays.

Non seulement, monsieur le ministre, vous avez refusé cette opportunité d’appropriation par nos concitoyens, mais encore vous avez bafoué l’expression de leurs représentants par le passage en force que vous avez provoqué, appliquant l’article 44, alinéa 3, de la Constitution.

Comment comprendre le recours à la procédure du vote unique sur un tel sujet de société, alors que, par ailleurs, la procédure accélérée est de plus en plus systématique ? N’était-il pas impératif, sur cette question plus que sur toute autre, de laisser les débats se dérouler dans la sérénité et le temps nécessaire ?

Au contraire, vous avez voulu en finir au plus vite. Comprenez-le : les conditions de ce débat n’ont pas été à la hauteur de l’enjeu.

Au-delà de ces raisons, en elles-mêmes suffisantes, un autre point, plus décisif encore, motive ma déception. Pour notre part, nous voulions offrir à nos concitoyens une véritable alternative. Celle-ci n’a même pas été examinée.

Je ne reviendrai pas sur chacune de nos propositions, qui, au demeurant, n’ont pas été retenues, qu’il s’agisse du financement, de l’emploi. Aucune des difficultés que nous avons soulevées devant vous, mes chers collègues, n’a été prise en compte. La pénibilité n’a pas obtenu la place majeure qu’elle méritait. Le rendez-vous sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes a été manqué.

Alors, mes chers collègues, si le présent projet de loi est voté, ce qui, en cet instant, ne semble pas improbable (Sourires), nos concitoyens – ne vous y trompez pas ! – conserveront leur perception à son égard. Ce texte est ressenti comme injuste et inefficace, et nous l’avons indiqué à plusieurs reprises. Même si les troubles sociaux s’estompent, des cicatrices douloureuses demeureront.

Certes, les Français connaissent la situation de notre pays. Ils savent qu’une vraie réforme est nécessaire. Ils comprennent notamment que l’allongement de l’espérance de vie au cours de ces dernières années modifie les conditions de l’équilibre du système des retraites.

Néanmoins, ils pressentent que l’effort demandé sera supporté par les plus fragiles d’entre eux. Et ils ne manquent pas d’arguments à vous opposer, arguments que nous n’avons eu de cesse de développer dans cette enceinte tout au long des dernières semaines, y compris un samedi et pendant des nuits.

Ces arguments, vous les avez repoussés d’un revers de main.

D’ailleurs, je vous reconnais, sur le fond comme sur la forme, une sorte de cohérence : il fallait aller vite puisque, de toute façon, pour vous il n’y avait qu’une réponse univoque, la vôtre.

Lorsque vous avez cru engager le dialogue avec les partenaires sociaux, vous n’avez cessé de leur dire : « On discute avec vous ? mais il n’y a qu’une seule voie possible, celle que nous avons définie ! »

Nos concitoyens le savent – et nous n’avons cessé d’insister sur ce point –, la pérennité du système de retraite passe par une politique de l’emploi active et dynamique.

Or ils constatent chaque jour l’augmentation inexorable du chômage. Au mois d’août, je le rappelle, nous avons franchi à nouveau la barre des 10 % de taux de chômage. Un jeune sur quatre est demandeur d’emploi !

Dans ce contexte, que faites-vous ? Vous préparez pour 2011 une diminution drastique des contrats aidés et vous réduisez les moyens alloués à Pôle emploi. Or, la solidarité entre les générations passe d’abord par l’emploi des jeunes.

Quand proposerez-vous un grand plan national ? Je joins ma voix, ce matin, à celle du secrétaire général de la CFDT, qui, hier, vous lançait ce même appel.

Admettez, du moins, que c’est un préalable à tout système de retraite juste socialement et pérenne financièrement.

Je n’oppose pas l’emploi des jeunes à celui des seniors, bien au contraire. Mais, pour faciliter l’emploi des seniors, vous vous contentez de renforcer le tutorat. Nous voulions aller plus loin en proposant un vrai plan d’accompagnement, vous l’avez refusé.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà des dispositions que vous vous apprêtez à faire adopter, il est encore temps, et je vous invite à entendre les forces sociales !

Ce que je vous propose n’est pas sans lien avec notre sujet d’aujourd’hui : je vous invite à ouvrir une vaste négociation dans notre pays sur l’emploi, notamment sur l’emploi des jeunes.

Rappelez-vous, nos concitoyens placent l’emploi au premier rang de leurs préoccupations. Cela mérite d’être entendu ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean Desessard. C’est notre dernière chance ! (Sourires.)

M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je n’attendais pas grand-chose de la commission mixte paritaire à laquelle j’ai assisté hier, et je n’ai pas été déçu… (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

En revanche, j’ai été déçu, tout au long de ces trois semaines, par notre faux débat. Ce matin, j’ai été étonné, lorsque j’ai entendu le rapporteur des affaires sociales, M. Dominique Leclerc, et le rapporteur général de la commission des affaires sociales, M. Alain Vasselle, dire avec emphase – un peu moins que le ministre, d’ailleurs, il faut le reconnaître : « Nous avons, en quelque sorte, accouché d’une très bonne réforme ! ».

Où va se nicher la perversion lorsque l’on essaie de défendre avec mauvaise foi un mauvais texte ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Une bonne réforme – celle-ci n’en est pas une – est une réforme qui est acceptée par ceux auxquels elle s’adresse.

Si l’on gratte un peu, derrière ce satisfecit que se délivrent les orateurs dont je viens de faire état, que voyons-nous ?

On nous a beaucoup parlé, pendant ces trois semaines, d’économie, monsieur le ministre. Mais, sur nos rangs, et j’espère un peu sur les vôtres, on estime que l’économie doit être au service de l’homme et non l’inverse.

Or que constatons-nous ? Dans les entreprises, les gains de productivité et les valeurs ajoutées ne sont pas partagées d’une manière équitable. Là, nous aurions peut-être la possibilité de trouver des ressources sans avoir recours à des expédients, sur lesquels je reviendrai, concernant la démographie.

Ces gains de productivité vont toujours vers les mêmes ! Si encore cela permettait de créer des emplois et de produire des revenus d’une manière indirecte, ce ne serait qu’un moindre mal… Mais cela ne fait qu’encourager la spéculation et l’argent pour faire de l’argent et non l’argent pour créer des emplois ou pour répondre aux maux de notre société.

M. Jean-Louis Carrère. Au Fouquet’s, on s’en moque de tout cela !

M. Jacky Le Menn. Il y a là une injustice !

On a beaucoup parlé d’injustice ce matin et pendant ces trois semaines. Là aussi, une injustice matricielle existe. Au lieu de créer des emplois, on a réussi à créer un formidable « boom » nucléaire de l’économie et de la finance, avec la crise que l’on traîne encore comme un boulet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Cette crise a été créée par les riches, et ce sont les pauvres qui en pâtissent !

Tout cela retentit sur nos retraites.

Selon vous, notre sensibilité politique, la gauche, les socialistes, ne sauraient par résoudre le problème des retraites. Mais, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, on ne peut prendre cette question de manière isolée. Il faut l’enserrer dans un ensemble politique – la politique économique et fiscale, la politique des revenus. C’est un ensemble qui doit être pris en considération.

M. Jacky Le Menn. C’est au niveau de cet ensemble qu’a pris place, dans nos propositions, notre réforme des retraites.

Oui, il faut une réforme des retraites – nous l’avons toujours dit et nous le maintenons – mais pas la vôtre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Votre réforme des retraites laisse sur le bord de la route les plus fragiles d’entre nous, notamment les femmes. (Protestations sur les travées de lUMP.)

S’il vous plaît, écoutez un peu les voix divergentes ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Carle. Nous avons atteint l’overdose !

M. Jean-Louis Carrère. On vous demande d’écouter, pas de comprendre, ce ne serait pas possible !

M. Jacky Le Menn. On compte actuellement 1 million de retraités pauvres ; avec votre réforme, cette cohorte va grossir !

Avec des mesures qui semblent anecdotiques, en « déplaçant les bornes » – comme si l’on était à la campagne, dans un champ ! –, en déplaçant les bornes de deux ans donc, on renverra au chômage ou dans la pauvreté des millions de personnes !

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

M. Jacky Le Menn. Nous ne pouvons pas l’accepter et nous ne l’accepterons pas !

Par ailleurs, vous prétendez prévoir des dispositions en faveur des handicapés. Or hier, en commission mixte paritaire, un amendement tendait à revenir en arrière en renvoyant à un décret. Nous savons bien ce qu’il en est… (C’est fini ! C’est fini ! sur les travées de lUMP.)

Comme je vous l’ai dit plusieurs fois, monsieur le ministre, vous cherchez toujours à prendre des mesures qui s’appliqueraient à la partie la plus restreinte des handicapés et, parmi ceux-ci, aux plus handicapés.

Heureusement, nous veillions et nous avons pu contrer.

M. le président. Il faut conclure, cher collègue.

M. Jacky Le Menn. Pour les infirmières – j’ai développé très longuement cette question –, vous marchandez la pénibilité contre le pouvoir d’achat !

M. Jacky Le Menn. Tout le monde doit pouvoir profiter d’un pouvoir d’achat décent.

M. Gérard Cornu. Temps de parole !

M. Jacky Le Menn. Or, actuellement, les plus pauvres sont encore plus pauvres et ceux qui n’auront pas de retraites le seront encore davantage et continueront à payer les augmentations d’électricité, de gaz et de toutes les matières premières. (Manifestations d’impatience sur les travées de lUMP.)

Mlle Sophie Joissains. Temps de parole dépassé !

M. Jacky Le Menn. Chers collègues, vous qui êtes impatients de vous rendre je ne sais où – peut-être pour manger tout à votre faim ! –, sachez que nous adressons ce message à nos concitoyens : Non, ne désespérez pas ! (Rires sur les travées de lUMP. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.). Rien n’est fini, d’autres solutions existent ! Nous saurons, en leur temps, les mettre en œuvre avec vous ! (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Mesdames et messieurs les sénateurs de gauche, il y a toujours d’autres solutions, mais vous devriez dire lesquelles ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yannick Bodin. Il fallait nous écouter !

M. Éric Woerth, ministre. Les solutions que vous avez mises en avant ne se sont résumées qu’à des augmentations de la fiscalité et des impôts ! (Vives protestations sur les mêmes travées.) Telle est la réalité du projet que vous avez défendu durant ces trois dernières semaines.

À l’issue de ce débat, je voudrais, encore une fois, combattre la campagne (Les protestations s’amplifient.)

Si vous n’acceptez pas la contradiction, je vous renvoie le compliment que vous nous avez adressé tout à l’heure !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. On a écouté M. Le Menn, qu’on écoute le ministre !

M. Éric Woerth, ministre. Je voudrais, disais-je, combattre la campagne de désinformation que vous avez mise en place. (Brouhaha persistant, couvrant la voix de l’orateur.)

M. Yannick Bodin. Essayez d’être un peu dignes !

M. Patrice Gélard. On n’entend plus rien !

M. Éric Woerth, ministre. Premièrement, la réforme que nous vous avons présentée est le fruit d’un long dialogue social.

M. Yannick Bodin. C’est un échec !

M. Éric Woerth, ministre. Elle est le fruit de discussions avec l’ensemble des acteurs de la société française, que ce soit les partis politiques ou les partenaires sociaux. Nous avons pris en compte l’ensemble des propos qui ont été tenus sur la réforme.

Un sénateur du groupe socialiste. L’UMP parle à l’UMP !

M. Éric Woerth, ministre. Deuxièmement, la réforme est efficace. (Vives dénégations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Elle assure le financement de nos régimes de retraite à partir de 2018 et le comblement des déficits jusqu’à 2018. Telle est la réalité !

Mme Catherine Tasca. Vous avez été efficaces pour démolir !

M. Éric Woerth, ministre. Or une réforme qui assure le financement de nos régimes de retraite est juste par nature car la première des injustices est de financer les retraites sur du vent ou sur du sable ! Nous ferons donc une réforme efficace.

M. René-Pierre Signé. Vous avez volé les salariés !

M. Éric Woerth, ministre. Troisièmement, la réforme que nous vous présentons est évidemment juste. (Nouvelles exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. René-Pierre Signé. Elle n’est pas juste !

M. Éric Woerth, ministre. Il ne suffit pas d’avoir ce beau mot à la bouche, il faut le mettre en application. (Hourvari sur les mêmes travées.) C’est ce que nous faisons.

Cette réforme est juste car elle permet à ceux qui ont commencé tôt de partir plus tôt. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous n’avez jamais voté ce type de dispositifs ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Nouvelles protestations véhémentes sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG-SPG.)

M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes un provocateur !

M. Gérard Cornu. Non, il dit la vérité !

M. Éric Woerth, ministre. Cette réforme est juste car elle permet à celles et ceux qui ont eu une carrière pénible de partir plus tôt. Vous n’avez jamais voté un tel dispositif ! (Les protestations se poursuivent crescendo.)

Elle permet aux femmes qui ont interrompu leur vie professionnelle de partir plus tôt et de bénéficier d’une retraite à taux plein plus tôt que les autres salariés. Vous n’avez jamais voté ce type de mesures !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous répétez toujours la même chose !

M. Éric Woerth, ministre. Elle permet aussi aux travailleurs handicapés, comme aux parents de handicapés de partir plus tôt. Vous n’avez jamais, non plus, pris la moindre mesure dans ce domaine ! (Vifs applaudissements sur les travées de lUMP.)

Oui, cette réforme est juste et nous le prouvons ! (Tollé sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Louis Carrère. Juste ! Juste ! Juste ! Comment pouvez-vous dire une chose pareille ?

M. Éric Woerth, ministre. Enfin, quatrièmement, la réforme ne ferme pas le débat. (Brouhaha persistant sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Dominique Leclerc, rapporteur. S’il vous plaît ! Nous avons écouté Jacky Le Menn en silence alors que ses propos ne nous plaisaient pas. Soyez au moins polis ! (Hou ! sur les travées du groupe socialiste.) Écoutez M. le ministre ! Votre conduite est indigne ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Éric Woerth, ministre. Je remarque que, sur les débats importants, la gauche perd toujours son sang-froid ! (Les sénateurs du groupe socialiste protestent en martelant leurs pupitres.)

M. Yannick Bodin. Vous devriez aller vous cacher !

M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît !

M. Éric Woerth, ministre. Je remarque aussi que la gauche est incapable d’accepter la moindre contradiction. Vous êtes toujours favorables au débat, mais vous n’acceptez jamais la contradiction. Il faudra résoudre ce paradoxe ! (La voix de l’orateur est de plus en plus couverte par le tumulte.)

M. le président. Ça suffit !

M. Éric Woerth, ministre. Je le répète, nous n’avons pas fermé le débat. Nous avons dit qu’à partir de 2013 nous pourrions réfléchir à une réforme systémique par points. Je ne sais pas si une telle réforme est opportune ou non. Tout ce que je sais, c’est que cette réflexion ne peut prendre corps que si le régime par répartition actuel est consolidé sur le plan financier. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

L’ensemble de ce que nous faisons aujourd’hui dans la difficulté, contre les forces de conservation qui sont présentes à la gauche de cet hémicycle (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG) constitue un effort majeur, et ce quelles que soient les évolutions du régime dans les dix ou quinze ans qui viennent. Changer l’âge de départ à la retraite, c’est admettre qu’il y a un temps pour la retraite mais aussi un temps pour le travail et que ce temps pour le travail doit évoluer en fonction de l’espérance de vie. Faire en sorte que la pénibilité soit prise en compte est un acquis social majeur. Nous l’avons fait !

Pour ces quatre raisons la réforme que nous vous proposons est moderne, tout en confortant l’un des éléments fondamentaux de notre patrimoine social : le régime de retraite par répartition. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur de nombreuses travées de l’Union centriste. – Mmes et MM. les sénateurs de l’UMP se lèvent pour applaudir pendant que les huées se prolongent sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme des retraites.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

projet de loi portant réforme des retraites

TITRE Ier

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Chapitre Ier

Pilotage des régimes de retraite

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 1er

Article 1er A

(Texte du Sénat)

Au début de la sous-section 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est ajouté un paragraphe 1er A ainsi rédigé :

« Paragraphe 1er A

« Objectifs de l’assurance vieillesse

« Art. L. 161-17 A. – La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations.

« Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu’il a tirés de son activité.

« Les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leur sexe, leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent.

« Le système de retraite par répartition poursuit les objectifs de maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités, de lisibilité, de transparence, d’équité intergénérationnelle, de solidarité intragénérationnelle, de pérennité financière, de progression du taux d’emploi des personnes de plus de cinquante-cinq ans et de réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes. »

Article 1er A
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Article 1er bis A

Article 1er

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

I. – Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section 8 ainsi rédigée :

« Section 8

« Comité de pilotage des régimes de retraite

« Art. L. 114-4-2. – I. – Le Comité de pilotage des régimes de retraite veille au respect des objectifs du système de retraite par répartition définis au dernier alinéa de l’article L. 161-17 A.

« II. – Chaque année, au plus tard le 1er juin, le comité rend au Gouvernement et au Parlement un avis sur la situation financière des régimes de retraite, sur les conditions dans lesquelles s’effectue le retour à l’équilibre du système de retraite à l’horizon 2018 et sur les perspectives financières au-delà de cette date.

« Lorsque le comité considère qu’il existe un risque sérieux que la pérennité financière du système de retraite ne soit pas assurée, il propose au Gouvernement et au Parlement les mesures de redressement qu’il estime nécessaires.

« Art. L. 114-4-3. – Le Comité de pilotage des régimes de retraite est composé de représentants de l’État, des députés et des sénateurs membres du Conseil d’orientation des retraites, de représentants des régimes de retraite légalement obligatoires, de représentants des organisations d’employeurs les plus représentatives au plan national, de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national interprofessionnel et de personnalités qualifiées.

« Un décret définit la composition et les modalités d’organisation de ce comité. Il précise les conditions dans lesquelles sont représentés les régimes de retraite dont le nombre de cotisants est inférieur à un seuil qu’il détermine.

« Le comité s’appuie sur les travaux du Conseil d’orientation des retraites. Les organismes chargés de la gestion d’un régime de retraite légalement obligatoire ou du régime d’assurance chômage communiquent au comité les éléments d’information et les études dont ils disposent et qui sont nécessaires au comité pour l’exercice de ses missions. »

II et III. – (Suppressions maintenues par la commission mixte paritaire)

Article 1er
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Article 1er bis

Article 1er bis A

(Texte du Sénat)

Avant le 31 mars 2018, le Conseil d’orientation des retraites remet au Gouvernement et au Parlement un rapport faisant le point sur la situation financière des régimes de retraite, l’évolution du taux d’activité des personnes de plus de cinquante-cinq ans, l’évolution de la situation de l’emploi, l’évolution des écarts de pension entre hommes et femmes, l’évolution de la situation de l’emploi des handicapés et un examen d’ensemble des paramètres de financement des régimes.

Sur la base de ce rapport, le Gouvernement consulte le Comité de pilotage des régimes de retraite sur un projet de réforme des régimes destiné à maintenir leur équilibre financier au-delà de 2020.

Article 1er bis A
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Article 1er ter

Article 1er bis

(Suppression maintenue par la commission mixte paritaire)

Article 1er bis
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Article 3

Article 1er ter

(Texte du Sénat)

Dans un délai d’un an suivant la promulgation de la présente loi, le Conseil d’orientation des retraites remet au Gouvernement et au Parlement un rapport sur la rénovation des mécanismes de transfert de compensation démographique entre régimes d’assurance vieillesse afin d’assurer la stricte solidarité démographique entre ces régimes.

Sur la base de ce rapport, le Gouvernement consulte la commission de compensation entre régimes de sécurité sociale définie à l’article L. 114-3 du code de la sécurité sociale sur un projet de réforme de ces mécanismes.

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Article 1er ter
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Article 3 ter

Article 3

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

I. – L’article L. 161-17 du même code est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, sont ajoutés cinq alinéas ainsi rédigés :

« Dans l’année qui suit la première année au cours de laquelle il a validé une durée d’assurance d’au moins deux trimestres dans un des régimes de retraite légalement obligatoires, l’assuré bénéficie d’une information générale sur le système de retraite par répartition, notamment sur les règles d’acquisition de droits à pension et l’incidence sur ces derniers des modalités d’exercice de son activité et des événements susceptibles d’affecter sa carrière. Cette information rappelle la possibilité, prévue par l’article L. 241-3-1, en cas d’emploi à temps partiel ou en cas d’emploi dont la rémunération ne peut être déterminée selon un nombre d’heures travaillées, de maintenir à la hauteur du salaire correspondant au même emploi exercé à temps plein l’assiette des cotisations destinées à financer l’assurance vieillesse. Les conditions d’application du présent alinéa sont définies par décret.

« Les assurés, qu’ils résident en France ou à l’étranger, bénéficient à leur demande, à partir de quarante-cinq ans et dans des conditions fixées par décret, d’un entretien portant notamment sur les droits qu’ils se sont constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires, sur les perspectives d’évolution de ces droits, compte tenu des choix et des aléas de carrière éventuels, sur les possibilités de cumuler un emploi et une retraite, tels que des périodes d’étude ou de formation, de chômage, de travail pénible, d’emploi à temps partiel, de maladie, d’accident du travail ou de maladie professionnelle ou de congé maternité, ainsi que sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite.

« Cet entretien s’appuie sur les éléments d’information permettant d’éclairer les conséquences, en matière de retraite, des choix professionnels, en particulier en cas d’expatriation.

« En amont de tout projet d’expatriation, l’assuré bénéficie à sa demande d’une information, par le biais d’un entretien, sur les règles d’acquisition de droits à pension, l’incidence sur ces derniers de l’exercice de son activité à l’étranger et sur les dispositifs lui permettant d’améliorer le montant futur de sa pension de retraite. Une information est également apportée au conjoint du futur expatrié. Les conditions d’application du présent alinéa sont définies par décret.

« Lors de cet entretien, l’assuré se voit communiquer des simulations du montant potentiel de sa future pension, selon qu’il décide de partir en retraite à l’âge d’ouverture du droit à pension de retraite mentionné à l’article L. 161-17-2 ou à l’âge du taux plein mentionné au 1° de l’article L. 351-8. Ces simulations sont réalisées à législation constante et sur la base d’hypothèses économiques et d’évolution salariale fixées chaque année par le groupement d’intérêt public mentionné au neuvième alinéa du présent article. Les informations et données transmises aux assurés lors de l’entretien n’engagent pas la responsabilité des organismes et services en charge de les délivrer. » ;

1° bis (nouveau) La deuxième phrase du premier alinéa est supprimée ;

2° Après la première phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Un relevé actualisé est communiqué à tout moment à l’assuré par voie électronique, lorsque celui-ci en fait la demande. » ;

2° bis Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette estimation indicative globale est accompagnée d’une information sur les dispositifs mentionnés aux articles L. 161-22, L. 351-15 et L. 241-3-1. » ;

2° ter Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette estimation est effectuée quel que soit l’âge de l’assuré si celui-ci est engagé dans une procédure de divorce ou de séparation de corps. » ;

3° À la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « trois premiers alinéas » sont remplacés par les mots : « alinéas précédents » ;

4° À l’avant-dernier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « huit ».

II. – Au huitième alinéa de l’article L. 114-2 du même code, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « huit ».

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Article 3
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Article 3 quinquies

Article 3 ter

(Texte du Sénat)

La première phrase de l’article L. 161-1-6 du même code est ainsi modifiée :

1° Après les mots : « prestations de retraite », sont insérés les mots : «, au maintien des droits » ;

1° bis Après les mots : « mise en œuvre », sont insérés les mots : « de l’article 2 de l’ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse, » ;

2° La référence : « et L. 353-6 » est remplacée par les références : «, L. 353-1, L. 353-6, L. 815-1 et L. 815-24 ».

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Article 3 ter
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Article 3 sexies A

Article 3 quinquies

(Texte du Sénat)

À compter du 1er janvier 2013, tout assuré pensionné d’un régime de retraite de base ou complémentaire versant des prestations par trimestre à échoir peut demander à percevoir sa pension selon une périodicité mensuelle. Cette option ne peut lui être refusée. Une fois exercée, l’option est irrévocable. L’assuré est informé de cette possibilité dans des conditions définies par décret.

Article 3 quinquies
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Article 3 sexies

Article 3 sexies A

(Texte du Sénat)

Les deux dernières phrases du second alinéa de l’article 24 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :

« Les modalités de ces interventions et les conditions de contribution financière par les régimes de retraite sont fixées par des conventions conclues avec les centres de gestion. »

Article 3 sexies A
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Article 3 septies

Article 3 sexies

(Texte du Sénat)

Après l’article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 242-1-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 242-1-3. – Lorsqu’un redressement de cotisations ou de contributions sociales dues par un employeur est opéré par une union de recouvrement ou une caisse générale de sécurité sociale, ledit organisme, après paiement du redressement et transmission par l’employeur des déclarations de rémunérations individuelles auxquelles il est tenu, informe sans délai les caisses mentionnées à l’article L. 215-1 de ce paiement afin que les droits des salariés concernés soient rectifiés. »

Article 3 sexies
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Article 3 octies

Article 3 septies

(Texte du Sénat)

Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 1er janvier 2011, un rapport sur les conditions de mise en œuvre d’un versement des pensions dès le premier de chaque mois.

Article 3 septies
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Article 3 nonies

Article 3 octies

(Texte du Sénat)

Avant le 1er octobre 2011, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport faisant le point sur la situation des assurés ayant relevé de plusieurs régimes d’assurance vieillesse, en indiquant les différences de situation entre les femmes et les hommes.

Article 3 octies
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Article 3 decies

Article 3 nonies

(Texte du Sénat)

I. – Le premier alinéa de l’article L. 766-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Les assurés volontaires relevant des chapitres II, III, IV et V du présent titre sont affiliés à la Caisse des Français de l’étranger. Cette caisse gère les risques maladie, maternité, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles et assure le recouvrement des cotisations afférentes à ces risques. Elle assure les formalités d’adhésion et le recouvrement des cotisations pour les catégories de personnes mentionnées à l’article L. 742-1 qui résident à l’étranger et peuvent s’affilier à l’assurance volontaire au titre du risque vieillesse. »

II. – Le I est applicable aux demandes d’adhésion présentées à compter du 1er mars 2011.

Article 3 nonies
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Article 4

Article 3 decies

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

I. – À compter du premier semestre 2013, le Comité de pilotage des régimes de retraite organise une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.

Parmi les thèmes de cette réflexion, figurent :

1° Les conditions d’une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires ;

2° Les conditions de mise en place d’un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ;

3° Les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d’activité.

II. – En s’appuyant sur un rapport préparé par le Conseil d’orientation des retraites, le Comité de pilotage des régimes de retraite remet au Parlement et au Gouvernement les conclusions de cette réflexion dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d’équité intergénérationnelle et de solidarité intragénérationnelle.

Chapitre II

Durée d’assurance ou de services et bonifications

Article 3 decies
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Article 5 bis A

Article 4

(Texte de l’Assemblée nationale)

L’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est ainsi modifié :

1° Le IV est ainsi rédigé :

« IV. – Pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955, la durée d’assurance ou de services et bonifications permettant d’assurer le respect de la règle énoncée au I est fixée par décret, pris après avis technique du Conseil d’orientation des retraites portant sur l’évolution du rapport entre la durée d’assurance ou la durée de services et bonifications et la durée moyenne de retraite, et publié avant le 31 décembre de l’année au cours de laquelle ces assurés atteignent l’âge mentionné au dernier alinéa du même I, minoré de quatre années.

« Pour les assurés nés en 1953 ou en 1954, la durée d’assurance ou de services et bonifications permettant d’assurer le respect de la règle énoncée au I est fixée par un décret publié avant le 31 décembre 2010. » ;

2° À la fin du premier alinéa du V, les mots : « prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1 du même code » sont remplacés par les mots : « mentionné au troisième alinéa du I du présent article » ;

3° Le VI est ainsi modifié :

a) Après le mot : « âge », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « mentionné au troisième alinéa du I » et la seconde phrase est supprimée ;

b) Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au premier alinéa du présent VI, la durée des services et bonifications exigée des fonctionnaires de l’État et des militaires qui remplissent les conditions de liquidation d’une pension avant l’âge mentionné au troisième alinéa du I est celle exigée des fonctionnaires atteignant l’âge mentionné au même troisième alinéa l’année à compter de laquelle la liquidation peut intervenir.

« Le présent VI s’applique également aux fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et aux ouvriers des établissements industriels de l’État. » ;

4° Le IX est abrogé.

Titre II

DISPOSITIONS APPLICABLES à L’ENSEMBLE DES RÉGIMES

Chapitre Ier

Âge d’ouverture du droit

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Article 4
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Article 5 bis

Article 5 bis A

(Texte du Sénat)

À la première phrase du 1° de l’article 71 du code général des impôts, les mots : « soixante ans » sont remplacés par les mots : « soixante-deux ans ».

Article 5 bis A
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Article 6

Article 5 bis

(Suppression maintenue par la commission mixte paritaire)

Article 5 bis
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Article 6 bis

Article 6

(Texte du Sénat)

I. – Le premier alinéa de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« L’assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l’assuré qui en demande la liquidation à partir de l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2. »

II. – Le 1° de l’article L. 351-8 du même code est remplacé par un 1°, un 1° bis et un 1° ter ainsi rédigés :

« 1° Les assurés qui atteignent l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 augmenté de cinq années ; 

« 1° bis Les assurés ayant interrompu leur activité professionnelle en raison de leur qualité d’aidant familial telle que définie à l’article L. 245-12 du code de l’action sociale et des familles qui atteignent l’âge de soixante-cinq ans dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État ; 

« 1° ter Les assurés handicapés qui atteignent l’âge de soixante-cinq ans ; ».

III. – Par dérogation aux dispositions du II du présent article, l’âge mentionné au 1° de l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés qui bénéficient d’un nombre minimum de trimestres fixé par décret au titre de la majoration de durée d’assurance prévue à l’article L. 351-4-1 du même code et pour les assurés qui, pendant une durée et dans des conditions fixées par décret, ont apporté une aide effective à leur enfant bénéficiaire de l’élément de la prestation relevant du 1° de l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles.

IV. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, l’âge mentionné au 1° dudit article est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 inclus lorsqu’ils remplissent les conditions suivantes :

1° Avoir eu ou élevé, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 351-12 du code de la sécurité sociale, au moins trois enfants ;

2° Avoir interrompu ou réduit leur activité professionnelle, dans des conditions et un délai déterminés suivant la naissance ou l’adoption d’au moins un de ces enfants, pour se consacrer à l’éducation de cet ou de ces enfants ;

3° Avoir validé, avant cette interruption ou réduction de leur activité professionnelle, un nombre de trimestres minimum à raison de l’exercice d’une activité professionnelle, dans un régime de retraite légalement obligatoire d’un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse.

Le présent article est applicable dans tous les régimes obligatoires de retraite auxquels s’appliquent les dispositions de l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale ou des dispositions ayant le même effet.

Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.

Article 6
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Article 7

Article 6 bis

(Suppression maintenue par la commission mixte paritaire)

Article 6 bis
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Article 8

Article 7

(Texte du Sénat)

I. – L’article L. 732-18 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :

« Art. L. 732-18. – L’assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l’assuré qui en demande la liquidation à partir de l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale. »

II. – À la première phrase des articles L. 732-25 et L. 762-30 du même code, les mots : « avant un âge déterminé » sont remplacés par les mots : « avant l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale augmenté de cinq années ».

III. – Par dérogation aux dispositions des articles L. 732-25 et L. 762-30 du code rural et de la pêche maritime, l’âge mentionné auxdits articles est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés qui bénéficient d’un nombre minimum de trimestres fixé par décret au titre de la majoration de durée d’assurance prévue à l’article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale et pour les assurés qui, pendant une durée et dans des conditions fixées par décret, ont apporté une aide effective à leur enfant bénéficiaire de l’élément de la prestation relevant du 1° de l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles.

IV. – Par dérogation aux dispositions des articles L. 732-25 et L. 762-30 du code rural et de la pêche maritime, l’âge mentionné auxdits articles est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 inclus qui remplissent les conditions prévues aux 1° à 3° du IV de l’article 6.

V. – Par dérogation aux dispositions des articles L. 732-25 et L. 762-30 du même code, l’âge mentionné auxdits articles est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés ayant interrompu leur activité professionnelle pour s’occuper d’un membre de leur famille en raison de leur qualité d’aidant familial dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.

VI. – Par dérogation aux dispositions des articles L. 732-25 et L. 762-30 du même code, l’âge mentionné auxdits articles est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés handicapés.

Article 7
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Article 9

Article 8

(Texte du Sénat)

I. – Pour les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dont la pension de retraite peut être liquidée à un âge inférieur à soixante ans en application des dispositions législatives et réglementaires antérieures à l’entrée en vigueur de la présente loi, l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite est fixé :

1° À cinquante-deux ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1966 ;

2° À cinquante-cinq ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante-trois ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1963 ;

3° À cinquante-six ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante-quatre ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1962 ;

4° À cinquante-sept ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante-cinq ans, pour les fonctionnaires nés à compter du 1er janvier 1961.

II. – Cet âge est fixé, par décret, de manière croissante à raison de quatre mois par génération et dans la limite des âges mentionnés au I pour les assurés nés antérieurement aux dates mentionnées au même I.

Article 8
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Article 9 bis

Article 9

(Texte du Sénat)

I. – Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :

1° L’article L. 14 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa du II, le mot : « cinquante-cinq » est remplacé par le mot : « cinquante-sept » et le mot : « cinquante » est remplacé par le mot : « cinquante-deux » ;

b) Aux premier et deuxième alinéas du III, les mots : « l’âge de soixante ans » sont remplacés par les mots : « l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale » ;

2° Le I de l’article L. 24 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa du 1°, les mots : « l’âge de soixante ans » sont remplacés par les mots : « l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale » et le mot : « cinquante-cinq » est remplacé par le mot : « cinquante-sept » ;

b) Le premier alinéa du 5° est ainsi rédigé :

« Un décret fixe les conditions dans lesquelles l’âge d’ouverture du droit à pension est abaissé, par rapport à un âge de référence de soixante ans, pour les fonctionnaires handicapés qui totalisent, alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente d’au moins 80 %, une durée d’assurance au moins égale à une limite fixée par ce décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à versement de retenues pour pensions. » ;

3° L’article L. 25 est ainsi modifié :

a) Au 1°, les mots : « de soixante ans, ou avant l’âge de cinquante-cinq ans » sont remplacés par les mots : « mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, ou avant l’âge de cinquante-sept ans » ;

b) Le 2° est ainsi modifié :

– au début, sont ajoutés les mots : « Par dérogation à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, » ;

– le mot : « cinquante » est remplacé, deux fois, par le mot : « cinquante-deux » ;

c) Le 3° est ainsi modifié :

– au début, sont ajoutés les mots : « Par dérogation à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, » ;

– le mot : « cinquante » est remplacé par le mot : « cinquante-deux » ;

d) Après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Par dérogation à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, pour les non-officiers autres que ceux mentionnés à l’article L. 24, avant l’âge de cinquante-deux ans. » ;

4° Au dernier alinéa de l’article L. 55, les mots : « l’âge de soixante ans » sont remplacés par les mots : « l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale ».

II. – L’évolution des âges mentionnés aux II et III de l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, est fixée par décret dans les conditions définies au II de l’article 8.

III. – Le troisième alinéa du 2° du I de l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraites est complété par les mots : « ainsi qu’aux fonctionnaires âgés d’au moins soixante-cinq ans qui bénéficient d’un nombre minimum de trimestres fixé par décret au titre de la majoration de durée d’assurance prévue à l’article L. 12 ter ou qui, pendant une durée et dans des conditions fixées par décret, ont apporté une aide effective à leur enfant bénéficiaire de l’élément de la prestation relevant du 1° de l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles. »

Article 9
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Article 9 ter

Article 9 bis

(Texte du Sénat)

I. – Les cotisations versées avant le 13 juillet 2010 en application des articles L. 351-14-1, L. 634-2-2, L. 643-2 et L. 723-10-3 du code de la sécurité sociale, de l’article L. 732-27-1 du code rural et de la pêche maritime et de l’article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que celles versées en application des dispositions réglementaires ayant le même objet applicables aux fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et aux ouvriers régis par le régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État, par l’assuré né à compter du 1er juillet 1951 lui sont remboursées sur sa demande à la condition qu’il n’ait fait valoir aucun des droits aux pensions personnelles de retraite auxquels il peut prétendre au titre des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires. Les demandes de remboursement doivent être présentées dans un délai de trois ans suivant la date d’entrée en vigueur de la présente loi. Les assurés concernés, qu’ils résident en France ou hors de France, sont informés de cette possibilité.

Le montant des cotisations à rembourser est calculé en revalorisant les cotisations versées par l’assuré par application chaque année du coefficient annuel de revalorisation mentionné à l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale.

II. – Le I du présent article est applicable aux salariés agricoles mentionnés au premier alinéa de l’article L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime et aux personnes mentionnées à l’article L. 382-29 du code de la sécurité sociale.

Article 9 bis
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Article 9 quater

Article 9 ter

(Texte du Sénat)

Le 4° des articles L. 2321-2 et L. 2572-52 et le 5° des articles L. 3321-1 et L. 4321-1 du code général des collectivités territoriales sont complétés par les mots : «, les contributions et les cotisations sociales afférentes ».

Article 9 ter
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Article 11

Article 9 quater

(Texte du Sénat)

I. – La loi n° 89 1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques est complété par un article 31 ainsi rédigé :

« Art. 31. – I. – Les organismes mentionnés à l’article 1er peuvent répartir les effets de l’article 5 de la loi n° … du … portant réforme des retraites sur le niveau des provisions prévues en application de l’article 7 de la présente loi au titre des contrats, conventions ou bulletins d’adhésion conclus au plus tard à la date de promulgation de la loi n° … du … précitée, sur une période de six ans au plus à compter des comptes établis au titre de l’exercice 2010.

« À la clôture des comptes de l’exercice 2010, le niveau des provisions ne peut être inférieur à celui qui résulterait d’un provisionnement intégral des engagements jusqu’à l’âge mentionné à l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur au 1er janvier 2010, ainsi que, pour les assurés de la génération 1951, d’un provisionnement intégral des engagements correspondants jusqu’à l’âge prévu au même article pour cette génération.

« À compter de la clôture des comptes de l’exercice 2011, le niveau des provisions doit être constitué au moins linéairement.

« En cas de résiliation ou de non renouvellement d’un contrat, d’une convention ou d’un bulletin d’adhésion pendant la période transitoire mentionnée au premier alinéa, l’organisme assureur poursuit le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées au jour de la résiliation ou du non renouvellement ; dans ce cas, une indemnité de résiliation, égale à la différence entre le montant des provisions techniques permettant de couvrir intégralement les engagements en application de l’article 7 et le montant des provisions techniques effectivement constituées en application des trois premiers alinéas du présent I, au titre des incapacités et invalidités en cours à la date de cessation du contrat, de la convention ou du bulletin d’adhésion, est due par le souscripteur.

« Toutefois, cette indemnité n’est pas exigible si l’organisme assureur ne poursuit pas le maintien de cette couverture alors qu’un nouveau contrat, une nouvelle convention ou un nouveau bulletin d’adhésion est souscrit en remplacement du précédent et prévoit la reprise intégrale, par le nouvel organisme assureur, des engagements relatifs au maintien de la garantie incapacité de travail invalidité du contrat, de la convention ou du bulletin d’adhésion initial ; dans ce cas, la contre valeur des provisions effectivement constituées au titre du maintien de cette garantie est transférée au nouvel organisme assureur.

« II. – Les organismes mentionnés à l’article 1er peuvent répartir les effets de l’article 5 de la loi n° … du … précitée sur le niveau des provisions prévues en application de l’article 7-1 de la présente loi, au titre des contrats, conventions ou bulletins d’adhésion conclus au plus tard à la date de promulgation de la loi n° … du … précitée sur une période de six ans au plus à compter des comptes établis au titre de l’exercice 2010.

« À la clôture des comptes de l’exercice 2010, le niveau des provisions ne peut être inférieur à celui qui résulterait d’un provisionnement intégral des engagements jusqu’à l’âge prévu à l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur au 1er janvier 2010, ainsi que, pour les assurés de la génération 1951, d’un provisionnement intégral des engagements correspondants jusqu’à l’âge prévu au même article pour cette génération.

« À compter de la clôture des comptes de l’exercice 2011, le niveau des provisions doit être constitué au moins linéairement.

« En cas de résiliation ou de non renouvellement d’un contrat, d’une convention ou d’un bulletin d’adhésion pendant la période transitoire, l’organisme assureur maintient la couverture décès ; dans ce cas, une indemnité de résiliation, égale à la différence entre le montant des provisions techniques permettant de couvrir intégralement les engagements en application de l’article 7-1 à constituer et le montant de provisions techniques effectivement constituées en application des trois premiers alinéas du présent II, au titre des incapacités et invalidités en cours à la date de cessation du contrat, de la convention ou du bulletin d’adhésion, est due par le souscripteur.

« Toutefois, cette indemnité n’est pas exigible si l’organisme assureur ne poursuit pas le maintien de cette couverture alors qu’un nouveau contrat, une nouvelle convention ou un nouveau bulletin d’adhésion est souscrit en remplacement du précédent et prévoit la reprise intégrale, par le nouvel organisme assureur, des engagements relatifs au maintien de la garantie décès du contrat, de la convention ou du bulletin d’adhésion initial ; dans ce cas, la contre valeur des provisions effectivement constituées au titre du maintien de cette garantie est transférée au nouvel organisme assureur.

« III. – Un arrêté précise en tant que de besoin les modalités d’application du présent article. »

II. – L’article 10 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 10. – Les dispositions des articles 2, 4, 7, 9 et 31 sont des dispositions d’ordre public et s’appliquent quelle que soit la loi régissant le contrat. »

Chapitre II

Limite d’âge et mise à la retraite d’office

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Article 9 quater
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Article 13

Article 11

(Texte du Sénat)

I. – Pour les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée dont la limite d’âge était de soixante-cinq ans en application des dispositions législatives et réglementaires antérieures à l’entrée en vigueur de la présente loi et nés à compter du 1er janvier 1956, la limite d’âge est fixée à soixante-sept ans.

II. - Pour ceux de ces fonctionnaires qui sont nés antérieurement au 1er janvier 1956, cette limite d’âge est fixée par décret, de manière croissante par génération et dans la limite de l’âge fixé au I.

III. – Pour les fonctionnaires nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 dont la limite d’âge était fixée à soixante-cinq ans avant l’entrée en vigueur de la présente loi et qui remplissent les conditions prévues aux 1° à 3° du IV de l’article 6, l’âge auquel s’annule le coefficient de minoration prévu à l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peut être supérieur à soixante-cinq ans, par dérogation au III de l’article 66 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée. Pour l’application aux fonctionnaires du 1° du IV de l’article 6, les enfants sont ceux énumérés au II de l’article L. 18 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

IV. – Pour les fonctionnaires dont la limite d’âge était fixée à soixante-cinq ans avant l’entrée en vigueur de la présente loi et qui ont interrompu leur activité professionnelle pour s’occuper d’un membre de leur famille en raison de leur qualité d’aidant familial dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, l’âge auquel s’annule le coefficient de minoration prévu à l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peut être supérieur à soixante-cinq ans, par dérogation au III de l’article 66 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée.

V. – Pour les fonctionnaires handicapés dont la limite d’âge était fixée à soixante-cinq ans avant l’entrée en vigueur de la présente loi, l’âge auquel s’annule le coefficient de minoration prévu à l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peut être supérieur à soixante-cinq ans, par dérogation au III de l’article 66 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée.

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Article 11
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Article 16

Article 13

(Texte de l’Assemblée nationale)

Le III de l’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’âge d’ouverture du droit à pension applicable aux fonctionnaires mentionnés au présent III est fixé à soixante ans et leur limite d’âge est fixée à soixante-cinq ans. »

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Chapitre III

Limite d’âge et de durée de services des militaires

Article 13
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Article 19 bis

Article 16

(Texte du Sénat)

I. – Pour les militaires dont la limite d’âge est inférieure à soixante-cinq ans, en application de l’article L. 4139-16 du code de la défense, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi, la limite d’âge est fixée, à compter du 1er janvier 2016 :

1° À quarante-sept ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à quarante-cinq ans ;

2° À cinquante-deux ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante ans ;

3° À cinquante-six ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-quatre ans ;

4° À cinquante-huit ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-six ans ;

5° À cinquante-neuf ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-sept ans ;

6° À soixante ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-huit ans ;

7° À soixante-deux ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à soixante ans ;

8° À soixante-six ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à soixante-quatre ans.

Un décret fixe, de manière croissante, les limites d’âge sur la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2015, dans la limite des âges fixés au présent I.

Pour les militaires mentionnés au présent I, l’âge maximal de maintien mentionné au I de l’article L. 4139-16 du code de la défense est relevé de deux années à compter du 1er janvier 2016.

Un décret fixe, de manière croissante, les âges maximaux de maintien des militaires mentionnés au présent I sur la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2015, dans la limite des deux années prévues à l’alinéa précédent.

II. – Pour les militaires sous contrat, les limites de durée de services sont fixées, à compter du 1er janvier 2016 :

1° À dix-sept ans lorsque cette durée était fixée antérieurement à quinze ans ;

2° À vingt-sept ans lorsque cette durée était fixée antérieurement à vingt-cinq ans.

Un décret fixe, de manière croissante, les limites de durée de services sur la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2015, dans la limite des durées fixées aux 1° et 2° du présent II.

III. – L’article 91 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires est abrogé à compter de l’entrée en vigueur du décret mentionné au I du présent article et au plus tard le 1er juillet 2011.

Chapitre IV

Maintien en activité au-delà de la limite d’âge

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Chapitre V

Durées de services

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Article 16
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 20

Article 19 bis

(Texte du Sénat)

Aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 88 du code des pensions civiles et militaires de retraite, la référence : « L. 84 » est remplacée par la référence : « L. 86-1 ».

Chapitre VI

Dispositions relatives à certains statuts particuliers

Article 19 bis
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 20 bis A

Article 20

(Texte du Sénat)

I. – Le premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 précitée est ainsi modifié :

1° Le mot : « vingt-cinq » est remplacé par le mot : « vingt-sept » ;

2° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« Cette limite d’âge évolue conformément au II de l’article 14 de la loi n° … du … portant réforme des retraites. »

bis. – Au troisième alinéa de l’article 1er de la même loi, les mots : « cinquante-cinq ans » sont remplacés par les mots : « cinquante-sept ans ».

II. – La loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 précitée est ainsi modifiée :

1° À l’article 3, le mot : « cinquante-sept » est remplacé par le mot : « cinquante-neuf » ;

2° À l’article 4, le mot : « cinquante » est remplacé par le mot : « cinquante-deux » et les mots : « quinze ans, au moins, de services actifs ou de la catégorie B prévus à » sont remplacés par les mots : « dix-sept ans, au moins, de services effectifs dans des emplois classés dans la catégorie active mentionnés au 1° du I de ».

III. – L’article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 précitée est ainsi modifié :

1° Au I, le mot : « cinquante-cinq » est remplacé par le mot : « cinquante-sept » ;

2° À la première phrase du troisième alinéa du II, le mot : « vingt-cinq » est remplacé par le mot : « vingt-sept ».

III bis. – L’article 93 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003 est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « vingt-cinq ans de services publics effectifs dont quinze ans » sont remplacés par les mots : « vingt-sept ans de services publics effectifs dont dix-sept ans » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « cinquante-huit ans » sont remplacés par les mots : « soixante ans » ;

b) À la deuxième phrase, les mots : « l’âge de soixante ans » sont remplacés par les mots : « l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale » ;

c) À la dernière phrase, les mots : « le jour du soixantième anniversaire » sont remplacés par les mots : « le jour auquel le fonctionnaire atteint l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale » ;

3° Au quatrième alinéa, les mots : « vingt-cinq ans » et « cinquante-huit ans » sont remplacés respectivement par les mots : « vingt-sept ans » et « soixante ans ».

III ter. – Le III de l’article 125 de la loi de finances pour 1984 (n° 83-1179 du 29 décembre 1983) est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « cinquante-cinq ans » sont remplacés par les mots : « cinquante-sept ans » et les mots : « quinze ans de services effectifs » sont remplacés par les mots : « dix-sept ans de services effectifs » ;

2° Le septième alinéa est supprimé.

IV. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 952-10 du code de l’éducation, le mot : « soixante-cinq » est remplacé par le mot : « soixante-sept ».

V. – L’article L. 416-1 du code des communes est ainsi modifié :

a) Les 1° et 2° sont abrogés ;

b) Au 3°, le mot : « cinquante » est remplacé par le mot : « cinquante-deux » et les mots : « dix années dans ces services, dont cinq années consécutives » sont remplacés par les mots : « douze années de services, dont la moitié de cette durée accomplie de manière consécutive ».

VI. – À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 111 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les mots : « quinze ans » sont remplacés par les mots : « dix-sept ans ».

VI bis. – Au i de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les mots : « quinze ans », « cinquante-sept ans » et « l’âge de soixante ans » sont remplacés respectivement par les mots : « dix-sept ans », « cinquante-neuf ans » et « l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale ».

VII. – Le II de l’article 3 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa, le mot : « quinze » est remplacé par les mots : « dix-sept » ;

2° Au quatrième alinéa, le mot : « soixante » est remplacé par le mot : « soixante-deux ».

VIII. – À la première phrase du I de l’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 précitée, le mot : « soixante-cinq » est remplacé par le mot : « soixante-sept ».

VIII bis. – À la première phrase de l’article 78 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, le mot : « soixante » est remplacé par le mot : « soixante-deux ».

IX. – À l’article 20 de la loi n° 47-1465 du 8 août 1947 relative à certaines dispositions d’ordre financier et à l’article L. 422-7 du code des communes, les mots : « soixante-cinq » sont remplacés par les mots : « soixante-sept ».

IX bis. – À la seconde phrase du premier alinéa du III de l’article 76 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, le mot : « soixante » est remplacé par les mots : « mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale ».

IX ter. – À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 17 de la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale et portant modification de certains articles du code des communes, les mots : « service de quinze » sont remplacés par les mots : « services effectifs de dix-sept » et le mot : « cinquante-cinq » est remplacé par le mot : « cinquante-sept ».

IX quater. – Au quatrième alinéa du I de l’article 37 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004, le mot : « cinquante-cinq » est remplacé par le mot : « cinquante-sept » et le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix-sept ».

IX quinquies. – Le code de la justice administrative est ainsi modifié :

1° L’article L. 233-7 est ainsi modifié :

a) À la fin, les mots : « pendant une durée de trois ans non renouvelable » sont remplacés par les mots : « jusqu’à l’âge maximal de maintien mentionné à l’article 1er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d’âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l’État » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Nul ne peut être maintenu en activité dans une juridiction qu’il a présidée au cours de sa carrière. » ;

2° L’article L. 233-9 est abrogé à compter du 1er juillet 2011.

X. – L’âge auquel la pension peut être liquidée par les agents mentionnés aux I à IX quater du présent article évolue dans les conditions fixées par le décret prévu au II de l’article 8. La limite d’âge de ces agents évolue dans les conditions fixées par le décret prévu au II de l’article 11 et au II de l’article 14. Les durées de services effectifs mentionnées dans les mêmes I à IX quater évoluent dans les conditions fixées par le décret prévu au II de l’article 18.

XI. – Avant le 1er janvier 2017, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les mesures de relèvement des âges d’ouverture du droit à pension et des limites d’âge prises, par voie réglementaire, pour les autres régimes spéciaux de retraite.

Article 20
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Article 20 bis

Article 20 bis A

(Texte du Sénat)

I. – L’article L. 4141-4 du code de la défense est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est complété par les mots et la phrase : « jusqu’à l’âge de soixante-sept ans. À compter de cet âge, il perçoit une pension militaire. » ;

2° Au troisième alinéa, après les mots : « de la solde de réserve », sont insérés les mots : « ou de pension militaire ».

II. – Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :

1° Le II de l’article L. 24 est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Pour les officiers généraux placés en deuxième section, conformément aux dispositions de l’article L. 4141-1 du code de la défense, à compter de soixante-sept ans. » ;

2° À l’article L. 51, après les mots : « les officiers généraux », sont insérés les mots : « âgés de moins de soixante-sept ans ».

Article 20 bis A
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Article 23

Article 20 bis

(Texte de l’Assemblée nationale)

L’article L. 4139-16 du code de la défense est ainsi modifié :

1° Le 1° du I est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « soixante-quatre » est remplacé par le mot : « soixante-six » ;

b) Au second alinéa, le mot : « soixante-cinq » est remplacé par le mot : « soixante-sept » ;

2° Le 2° du I est ainsi modifié :

a) Le tableau est ainsi rédigé :

« 

Officiers subalternes ou dénomination correspondante

Commandant ou dénomination correspondante

Lieutenant-colonel ou dénomination correspondante

Colonel ou dénomination correspondante

Âge maximal de maintien en première section des officiers généraux

Officiers des armes de l’armée de terre, officiers de marine, officiers spécialisés de la marine, officiers des bases et officiers mécaniciens de l’air

59

63

Officiers de gendarmerie

59

60

63

Officiers de l’air

52

56

63

Officiers du cadre spécial, commissaires (terre, marine et air), officiers des corps techniques et administratifs, ingénieurs militaires des essences, administrateurs des affaires maritimes

62

64

Médecins, pharmaciens, vétérinaires et chirurgiens-dentistes

62

67

Militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (officiers)

62

-

Ingénieurs de l’armement, ingénieurs des études et techniques de l’armement, ingénieurs des études et techniques des travaux maritimes, professeurs de l’enseignement maritime, ingénieurs militaires d’infrastructure de la défense

66

67

Officiers greffiers, chefs de musique, fonctionnaires détachés au sein de la poste interarmées, fonctionnaires détachés au sein de la trésorerie aux armées, aumôniers militaires

66

-

» ;

b) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « soixante » est remplacé par le mot : « soixante-deux » et le mot : « soixante-cinq » est remplacé par le mot : « soixante-sept » ;

3° Le tableau du 3° du I est ainsi rédigé :

« 

Sergent ou dénomination correspondante

Sergent-chef ou dénomination correspondante

Adjudant ou dénomination correspondante

Adjudant-chef ou dénomination correspondante

Major

Sous-officiers de carrière de l’armée de terre, de la marine ou de l’air (personnel non navigant)

47

52

58

59

Sous-officiers de gendarmerie, sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale

58 (y compris le grade de gendarme)

59

Sous-officiers du personnel navigant de l’armée de l’air

47

52

Militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (sous-officiers), major des ports (marine) et officiers mariniers de carrière des ports (marine)

59

Sous-officiers du service des essences des armées

-

62

Fonctionnaires détachés au sein de la poste interarmées, fonctionnaires détachés au sein de la trésorerie aux armées, majors sous-chefs de musique (trois armées), sous-chefs de musique de carrière (trois armées), maîtres ouvriers (terre), maîtres ouvriers, tailleurs et cordonniers (marine), musicien sous-officier de carrière (air), commis greffiers et huissiers appariteurs

66

» ;

4° Le tableau du II est ainsi modifié :

a) À la troisième ligne de la seconde colonne, le nombre : « 15 » est remplacé par le nombre : « 17 » ;

b) À la quatrième ligne de la seconde colonne, le nombre : « 25 » est remplacé par le nombre : « 27 ».

Titre III

MESURES DE RAPPROCHEMENT ENTRE LES RÉGIMES DE RETRAITE

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Article 20 bis
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Article 24

Article 23

(Texte du Sénat)

I. – Le 3° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou » sont supprimés ;

b) Les mots : « chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « cet enfant, interrompu ou réduit son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État et qu’il ait accompli quinze années de services effectifs » ;

bis Au deuxième alinéa, après les mots : « à l’interruption », sont insérés les mots : « ou à la réduction » ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « aux enfants mentionnés » sont remplacés par les mots : « à l’enfant mentionné » ;

3° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les conditions d’ouverture du droit liées à l’enfant doivent être remplies à la date de la demande de pension. »

II. – Le 1° bis du II du même article L. 24 est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou » sont supprimés ;

b) Les mots : « chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « cet enfant, interrompu ou réduit son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État et qu’il ait accompli quinze années de services effectifs » ;

c) Le mot : « officier » est remplacé par le mot : « militaire » ;

1° bis Au deuxième alinéa, après les mots : « à l’interruption », sont insérés les mots : « ou à la réduction » ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « aux enfants mentionnés » sont remplacés par les mots : « à l’enfant mentionné ».

III. – Par dérogation à l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le fonctionnaire civil et le militaire ayant accompli quinze années de services civils ou militaires effectifs avant le 1er janvier 2012 et parent à cette date de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, conserve la possibilité de liquider sa pension par anticipation à condition d’avoir, pour chaque enfant, interrompu ou réduit son activité dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État.

Sont assimilées à l’interruption ou à la réduction d’activité mentionnée au premier alinéa du présent III les périodes n’ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par le décret en Conseil d’État mentionné au deuxième alinéa du 3° du I et au 1° bis du II de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi.

Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa du présent III les enfants énumérés au II de l’article L. 18 du même code que l’intéressé a élevés dans les conditions prévues au III de ce même article.

IV. – Pour l’application du VI de l’article 5, dans sa rédaction issue de la présente loi, et des II et III de l’article 66 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée aux fonctionnaires civils et militaires mentionnés au III du présent article qui présentent une demande de pension, l’année prise en compte est celle au cours de laquelle ils atteignent l’âge prévu au dernier alinéa du I de l’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée ou, le cas échéant, l’âge prévu au I de l’article 8 de la présente loi. Si cet âge est atteint après 2019, le coefficient de minoration applicable est celui prévu au I de l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Lorsque la durée de services et bonifications correspondant à cette année n’est pas fixée, la durée exigée est celle correspondant à la dernière génération pour laquelle elle a été fixée.

Le premier alinéa du IV n’est pas applicable :

1° Aux demandes présentées avant le 1er janvier 2011, sous réserve d’une radiation des cadres prenant effet au plus tard le 1er juillet 2011 ;

2° Aux pensions des fonctionnaires civils et des militaires qui, au plus tard le 1er janvier 2011, sont à moins de cinq années ou ont atteint l’âge d’ouverture des droits à pension applicable avant l’entrée en vigueur de la présente loi ou l’âge mentionné à l’article L. 4139-16 du code de la défense dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi.

Les personnels mentionnés aux 1° et 2° conservent le bénéfice des dispositions de l’article L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction antérieure à la présente loi.

V. – Les services administratifs compétents informent, avant le 15 décembre 2010, les fonctionnaires civils et les militaires ayant accompli quinze années de services effectifs et parents de trois enfants vivants ou décédés pour faits de guerre du changement des règles de départ anticipé à la retraite.

Article 23
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Article 24 bis AA

Article 24

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

I. – Le premier alinéa de l’article L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigé :

« Si le nombre de trimestres de durée d’assurance, telle que définie à l’article L. 14, est égal au nombre de trimestres nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum de la pension mentionné à l’article L. 13 ou si l’intéressé a atteint l’âge ou la durée de services auxquels s’annule le coefficient de minoration prévu aux I et II de l’article L. 14 ou si la liquidation intervient soit pour les motifs prévus aux 2° à 5° du I de l’article L. 24, soit pour les motifs prévus aux 1° bis et 3° du II du même article, soit pour les motifs d’infirmité prévus aux 1° et 2° du II du même article, le montant de la pension ne peut être inférieur : ».

bis. – L’article L. 17 du même code est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le minimum garanti est versé sous réserve que le montant mensuel total des pensions personnelles de retraite de droit direct, attribuées au titre d’un ou plusieurs régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales, portées le cas échéant au minimum de pension, n’excède pas un montant fixé par décret.

« En cas de dépassement de ce montant, le minimum garanti est réduit à due concurrence du dépassement sans pouvoir être inférieur au montant de la pension civile ou militaire sans application du minimum garanti. Ne peuvent bénéficier du minimum garanti que les agents qui, à la date de liquidation de la pension à laquelle ils ont droit au titre du présent code, ont fait valoir leurs droits aux pensions personnelles de retraite de droit direct auxquels ils peuvent prétendre au titre des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application des deux précédents alinéas. »

ter. – Après l’article L. 173-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 173-2-0-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 173-2-0-1 A. – Un décret détermine les modalités d’application de l’article L. 173-2 du présent code et des sixième et septième alinéas de l’article L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans le cas où ces dispositions sont applicables à l’assuré susceptible de bénéficier du minimum de pension dans plusieurs régimes au titre de l’article L. 351-10 du présent code et de l’article L. 17 susmentionné. »

II. – À titre transitoire, l’âge mentionné au I du présent article, auquel s’annule le coefficient de minoration prévu à l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et au III de l’article 66 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée est minoré pour l’application du présent article d’un nombre de trimestres déterminé par décret en Conseil d’État.

III. – Le I du présent article s’applique aux pensions liquidées à compter du 1er janvier 2011. Toutefois, les fonctionnaires civils et les magistrats qui ont atteint, avant cette date, l’âge de liquidation qui leur est applicable en vertu du 1° du I des articles L. 24 et L. 25 bis et du 1° de l’article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite, des articles L. 416-1 et L. 444-5 du code des communes, de l’article 86 de la loi n° 52-432 du 28 avril 1952 portant statut général du personnel des communes et des établissements publics communaux, de l’article 2 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 précitée, de l’article 4 de la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 précitée et du II de l’article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 précitée, dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi et les militaires non officiers dont la durée de services est, au 1er janvier 2011, au moins égale à celle prévue pour la liquidation de leur pension par le 2° du II de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite conservent le bénéfice des dispositions de l’article L. 17 du même code dans leur rédaction antérieure à la présente loi.

IV. – Les I bis et I ter du présent article sont applicables aux pensions liquidées à compter du 1er juillet 2012.

V. – Le présent article est applicable aux fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ainsi qu’aux ouvriers régis par le régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État, dans des conditions déterminées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d’État.

Article 24
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Article 24 bis AB

Article 24 bis AA

(Texte du Sénat)

I. – Le second alinéa de l’article L. 90 du code des pensions civiles et militaires de retraite est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« La pension ou la rente viagère d’invalidité est due à compter du premier jour du mois suivant la cessation de l’activité. Toutefois, lorsque la liquidation de la pension intervient par limite d’âge ou pour invalidité, elle est due à compter du jour de la cessation de l’activité.

« La rémunération est interrompue à compter du jour de la cessation d’activité.

« La mise en paiement de la pension et de la rente viagère d’invalidité s’effectue à la fin du premier mois suivant le mois de cessation de l’activité. »

II. – À l’article L. 921-4 du code de l’éducation, les mots : « jusqu’à la fin de l’année scolaire » sont remplacés par les mots : « jusqu’au 31 août ».

III. – Les I et II sont applicables aux pensions liquidées à compter du 1er juillet 2011.

Article 24 bis AA
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Article 24 quinquies A

Article 24 bis AB

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

Avant le 1er juillet 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’évaluation de la procédure de reclassement des agents reconnus inaptes à l’exercice de leurs fonctions dans les trois fonctions publiques et sur les voies d’amélioration envisageables.

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Article 24 bis AB
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Article 24 quinquies

Article 24 quinquies A

(Texte du Sénat)

Au b de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, après les mots : « aient interrompu », sont insérés les mots : « ou réduit ».

Article 24 quinquies A
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Article 24 sexies A

Article 24 quinquies

(Texte du Sénat)

I. – Après le mot : « fonctionnaires », la fin du 1° de l’article L. 4 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigée : « après une durée fixée par décret en Conseil d’État ; ».

II. – (Supprimé)

III. – L’article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :

1° Le début de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé : « Pour les fonctionnaires titularisés au plus tard le 1er janvier 2013, peuvent également... (le reste sans changement). » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les services validés au titre des dixième et onzième alinéas ne peuvent être pris en compte pour parfaire la condition prévue au 1° de l’article L. 4. »

IV. – L’article L. 90 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Par dérogation aux dispositions du I, les pensions inférieures à un montant mensuel fixé par décret sont payées, soit sous forme de capital, soit selon une autre périodicité, dans des conditions déterminées par ce même décret. »

V. – L’article L. 12 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les bonifications prévues aux a, c et d du présent article sont prises en compte dès lors que la pension rémunère au moins quinze années de services effectifs. Elles sont prises en compte sans condition de durée pour les fonctionnaires et les militaires radiés des cadres pour invalidité. »

VI. – L’article L. 17 du même code est ainsi modifié :

1° Au c, après le mot : « pension », sont insérés les mots : « liquidée au motif d’invalidité » ;

2° Après le c, il est inséré un d ainsi rédigé : 

« d) Lorsque la pension liquidée pour tout autre motif que celui visé au c rémunère moins de quinze années de services effectifs, à un montant égal, par année de services effectifs, au montant visé au a rapporté à la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d’une pension civile et militaire de retraite visée au premier alinéa de l’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. »

VII. – Les I et IV sont applicables aux fonctionnaires radiés des cadres à compter du 1er janvier 2011.

Article 24 quinquies
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Article 24 sexies

Article 24 sexies A

(Texte du Sénat)

I. – L’ordonnance n° 82-297 du 31 mars 1982 portant modification de certaines dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite et relative à la cessation d’activité des fonctionnaires et des agents de l’État et des établissements publics de l’État à caractère administratif et l’ordonnance n° 82-298 du 31 mars 1982 relative à la cessation progressive d’activité des agents titulaires des collectivités locales et de leurs établissements publics à caractère administratif sont abrogées.

II. – Les personnels admis, avant le 1er janvier 2011, au bénéfice de la cessation anticipée d’activité conservent, à titre personnel, ce dispositif.

III. – Les personnels mentionnés au II peuvent, à tout moment et sous réserve d’un délai de prévenance de trois mois, demander à renoncer au bénéfice de la cessation progressive d’activité.

Article 24 sexies A
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Article 24 septies

Article 24 sexies

(Texte du Sénat)

Après l’article L. 133-6-8-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 133-6-8-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 133-6-8-3. – L’affectation des sommes recouvrées au titre des bénéficiaires du régime mentionné à l’article L. 133-6-8 s’effectue par priorité à l’impôt sur le revenu puis, dans des proportions identiques, aux contributions mentionnées à l’article L. 136-3 du présent code et à l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale. Le solde est affecté aux cotisations de sécurité sociale selon un ordre déterminé par décret. »

Article 24 sexies
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 24 octies

Article 24 septies

(Texte du Sénat)

I. – Le premier alinéa de l’article L. 382-12 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Les personnes affiliées au régime général en application de l’article L. 382-1 relèvent de régimes complémentaires d’assurance vieillesse institués en application de l’article L. 644-1 dont la gestion est assurée par une caisse de retraite complémentaire dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, dans des conditions fixées par décret. »

II. – Au premier alinéa de l’article L. 152-1 du même code, les mots : « et des organismes mentionnés à l’article L. 723-1 du code rural et de la pêche maritime » sont remplacés par les mots : « des organismes mentionnés à l’article L. 723-1 du code rural et de la pêche maritime et de l’organisme mentionné à l’article L. 382-12 du présent code ».

Article 24 septies
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 24 nonies

Article 24 octies

(Texte du Sénat)

I. – Il est créé, à compter du 1er janvier 2013, un régime de retraite complémentaire obligatoire des professions artisanales, industrielles et commerciales reprenant les droits et obligations des régimes mentionnés à l’article L. 635-1 du code de la sécurité sociale, selon des modalités fixées par un règlement établi par le conseil d’administration de la Caisse nationale du régime social des indépendants approuvé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

Ce règlement détermine notamment les modalités selon lesquelles les points acquis au titre des régimes mentionnés à l’article L. 635-1 du code de la sécurité sociale, jusqu’au 31 décembre 2012, sont convertis en points dans le nouveau régime. Les réserves des régimes mentionnés au premier alinéa sont transférées, à compter du 1er janvier 2013, au régime complémentaire obligatoire des professions artisanales, industrielles et commerciales.

II. – À compter du 1er janvier 2013, la section 1 du chapitre V du titre III du livre VI du code de la sécurité sociale est intitulée : « Régime complémentaire d’assurance vieillesse » et est ainsi modifiée :

1° Les articles L. 635-1 et L. 635-2 sont ainsi rédigés :

« Art. L. 635-1. – Toute personne relevant de l’une des organisations mentionnées aux 1° ou 2° de l’article L. 621-3, y compris lorsque l’adhésion s’effectue à titre volontaire ou en vertu du bénéfice d’une pension d’invalidité, bénéficie d’un régime de retraite complémentaire obligatoire auquel elle est d’office affiliée.

« Le régime complémentaire obligatoire d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales assure au bénéfice des personnes affiliées l’acquisition et le versement d’une pension exprimée en points. Le montant annuel de la pension individuelle de droit direct servie par ces régimes est obtenu par le produit du nombre total de points porté au compte de l’intéressé par la valeur de service du point. La valeur de service du point peut être différenciée suivant la date d’acquisition des points et la date de prise d’effet de la pension, ainsi que pour les points attribués antérieurement à la création du régime ou convertis lors de sa transformation. Elle peut également, s’agissant des points issus de la conversion mentionnée au second alinéa du I de l’article 24 octies de la loi n° … du … portant réforme des retraites, être différenciée suivant le régime d’affiliation antérieur.

« La couverture des charges est assurée par des cotisations, dont les taux et tranches de revenus sur lesquelles ceux-ci s’appliquent sont fixés par décret. Ces cotisations sont assises sur le revenu professionnel défini à l’article L. 131-6 et recouvrées dans les mêmes formes et conditions que les cotisations du régime de base.

« L’équilibre financier du régime est assuré par ses seules ressources. Un décret détermine les règles de pilotage du régime, et notamment les conditions dans lesquelles le conseil d’administration de la Caisse nationale du régime social des indépendants formule à échéance régulière, au ministre chargé de la sécurité sociale, des règles d’évolution des paramètres permettant de respecter des critères de solvabilité.

« Art. L. 635-2. – Les possibilités de rachat ouvertes dans le régime de base par l’article L. 634-2-1 sont également ouvertes dans le régime complémentaire obligatoire visé à l’article L. 635-1. Un décret précise ces modalités de rachat. » ;

2° À la première phrase de l’article L. 635-3, les mots : « des régimes complémentaires obligatoires » sont remplacés par les mots : « du régime complémentaire obligatoire ».

Article 24 octies
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Article 24 decies

Article 24 nonies

(Texte du Sénat)

L’article L. 642-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À la demande de l’assuré, l’assiette des cotisations peut être fixée selon les modalités prévues au sixième alinéa de l’article L. 131-6. »

Article 24 nonies
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Article 25

Article 24 decies

(Texte du Sénat)

Après l’article L. 643-2 du même code, il est inséré un article L. 643-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 643-2-1. – I. – Les personnes dont la pension de retraite de base prend effet postérieurement au 1er janvier 2011 peuvent demander la prise en compte, en contrepartie du versement de cotisations, des périodes d’activité ayant donné lieu, avant le 1er janvier 2004, à une exonération de cotisation obligatoire au titre des deux premières années d’exercice de la profession dans le régime d’assurance vieillesse de base des professions libérales.

« Les conditions d’application du présent article et les modalités selon lesquelles s’effectue le versement des cotisations afférentes à ces périodes sont déterminées par décret.

« II. – Le I est applicable jusqu’au 1er janvier 2016. »

TITRE IV

PÉNIBILITÉ DU PARCOURS PROFESSIONNEL

Chapitre Ier

Prévention de la pénibilité

Article 24 decies
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Article 25 quater

Article 25

(Texte du Sénat)

I. – Le chapitre IV du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est complété par un article L. 4624-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 4624-2. – Un dossier médical en santé au travail, constitué par le médecin du travail, retrace dans le respect du secret médical les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis, ainsi que les avis et propositions du médecin du travail, notamment celles formulées en application de l’article L. 4624-1. Ce dossier ne peut être communiqué qu’au médecin de son choix, à la demande de l’intéressé. En cas de risque pour la santé publique ou à sa demande, le médecin du travail le transmet au médecin inspecteur du travail. Ce dossier peut être communiqué à un autre médecin du travail dans la continuité de la prise en charge, sauf refus du travailleur. Le travailleur, ou en cas de décès de celui-ci toute personne autorisée par les articles L. 1110-4 et L. 1111-7 du code de la santé publique, peut demander la communication de ce dossier. »

II. – Après l’article L. 4121-3 du même code, il est inséré un article L. 4121-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4121-3-1. – Pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé, l’employeur consigne dans une fiche, selon des modalités déterminées par décret,  les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé, la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ainsi que les mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période. Cette fiche individuelle est établie en cohérence avec l’évaluation des risques prévue à l’article L. 4121-3. Elle est communiquée au service de santé au travail qui la transmet au médecin du travail. Elle complète le dossier médical en santé au travail de chaque travailleur. Elle précise de manière apparente et claire le droit pour tout salarié de demander la rectification des informations contenues dans ce document. Le modèle de cette fiche est fixé par arrêté du ministre chargé du travail après avis du Conseil d’orientation sur les conditions de travail.

« Une copie de cette fiche est remise au travailleur à son départ de l’établissement, en cas d’arrêt de travail excédant une durée fixée par décret ou de déclaration de maladie professionnelle. Les informations contenues dans ce document sont confidentielles et ne peuvent pas être communiquées à un autre employeur auprès duquel le travailleur sollicite un emploi. En cas de décès du travailleur, ses ayants droit peuvent obtenir cette copie. »

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Article 25
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Article 25 quinquies

Article 25 quater

(Texte du Sénat)

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° Les articles L. 4622-2 et L. 4622-4 sont ainsi rédigés :

« Art. L. 4622-2. – Les services de santé au travail ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. À cette fin, ils :

« 1° Conduisent les actions de santé au travail, dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ;

« 2° Conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels, d’améliorer les conditions de travail, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et de contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs ;

« 3° Assurent la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge ;

« 4° Participent au suivi et contribuent à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire. » ;

« Art. L. 4622-4. – Dans les services de santé au travail d’entreprise, d’établissement, interétablissements ou communs à des entreprises constituant une unité économique et sociale, les missions définies à l’article L. 4622-2 sont exercées par les médecins du travail. Ils agissent en toute indépendance et en coordination avec les employeurs, les membres du comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel et les intervenants en prévention des risques professionnels. » ;

2° (Supprimé)

3° La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie est complétée par trois articles L. 4622-8, L. 4622-9 et L. 4622-10 ainsi rédigés :

« Art. L. 4622-8. – Les missions des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail comprenant des médecins du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers. Ces équipes peuvent être complétées d’assistants des services de santé au travail et de professionnels recrutés après avis des médecins du travail. Les médecins du travail animent l’équipe pluridisciplinaire.

« Art. L. 4622-9. – Les services de santé au travail comprennent un service social du travail ou coordonnent leurs actions avec celles des services sociaux du travail externes.

« Art. L. 4622-10. – Les missions des services de santé au travail sont précisées, sans préjudice des missions générales prévues à l’article L. 4622-2 et en fonction des réalités locales, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens conclu entre le service d’une part, l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents d’autre part, après avis des organisations d’employeurs, des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé.

« Ce contrat fixe également les modalités des actions conjointes ou complémentaires conduites par les services de santé au travail et les services de prévention des risques professionnels des caisses de sécurité sociale dans le respect de leurs missions respectives. à cet effet, ces services échangent toutes informations utiles au succès de ces actions de prévention à l’exclusion des informations personnelles relatives aux salariés, venues à la connaissance des médecins du travail. » ;

3° bis L’article L. 4622-8 devient l’article L. 4622-15 ;

4° L’intitulé du chapitre IV du même titre II est ainsi rédigé : « Actions et moyens des membres des équipes de santé au travail » ;

5° Le même chapitre IV est complété par un article L. 4624-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 4624-3. – Des décrets en Conseil d’État précisent les modalités d’action des personnels concourant aux services de santé au travail ainsi que les conditions d’application de l’article L. 4624-1. » ;

6° Le titre IV du livre VI de la quatrième partie est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV

« Aide à l’employeur pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail

« Art. L. 4644-1. – I. – L’employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise.

« À défaut, si les compétences dans l’entreprise ne permettent pas d’organiser ces activités, l’employeur fait appel, après avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, en son absence, des délégués du personnel, aux intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère ou dûment enregistrés auprès de l’autorité administrative, disposant de compétences dans le domaine de la prévention des risques professionnels et de l’amélioration des conditions de travail et intervenant exclusivement dans ce domaine.

« L’employeur peut aussi faire appel aux services de prévention des caisses de sécurité sociale avec l’appui de l’Institut national de recherche et de sécurité dans le cadre des programmes de prévention mentionnés à l’article L. 422-5 du code de la sécurité sociale, à l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics et à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et son réseau. »

« 1° à 3° (Supprimés)

« Cet appel aux compétences est réalisé dans des conditions garantissant les règles d’indépendance des professions médicales et l’indépendance des personnes et organismes mentionnés ci-dessus. Ces conditions sont déterminées par un décret en Conseil d’État.

« II. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret.

« III. – Le présent article entre en vigueur à la date de publication des décrets prévus au II. »

II. – L’habilitation d’intervenant en prévention des risques professionnels délivrée avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi vaut enregistrement, au sens de l’article L. 4644-1 du code du travail, pendant une durée de trois ans à compter de la date de publication de la présente loi.

III. – À l’issue d’un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, les clauses des accords collectifs comportant des obligations en matière d’examens médicaux réalisés par le médecin du travail différentes de celles prévues par le code du travail ou le code rural et de la pêche maritime sont réputées caduques.

Article 25 quater
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Article 25 sexies A

Article 25 quinquies

(Suppression maintenue par la commission mixte paritaire)

Article 25 quinquies
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Article 25 sexies

Article 25 sexies A

(Texte du Sénat)

Le chapitre IV du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est complété par un article L. 4624-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 4624-4. – Lorsque le médecin du travail constate la présence d’un risque pour la santé des travailleurs, il propose par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver.

« L’employeur prend en considération ces propositions et, en cas de refus, fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.

« Ces préconisations et la réponse de l’employeur sont tenues, à leur demande, à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail, du médecin inspecteur du travail ou des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des organismes mentionnés à l’article L. 4643-1.

« Cette procédure s’applique également aux préconisations du médecin du travail lorsqu’il est saisi par un employeur d’une question relevant de ses missions. »

Article 25 sexies A
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Article 25 septies

Article 25 sexies

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie du même code est complétée par un article L. 4622-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 4622-11. – Le service de santé au travail interentreprises est administré paritairement par un conseil composé, à parts égales :

« 1° De représentants des employeurs, désignés par les entreprises adhérentes, parmi lesquels est élu le président du conseil qui a une voix prépondérante en cas de partage des voix.

« Le président doit être en activité ;

« 2° De représentants des salariés d’entreprises adhérentes désignés par des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel parmi lesquels est élu le vice-président du conseil.

« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret. »

Article 25 sexies
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Article 25 octies A

Article 25 septies

(Texte du Sénat)

La même section 2 est complétée par un article L. 4622-12 ainsi rédigé :

« Art. L. 4622-12. – Le service de santé au travail interentreprises élabore, au sein d’une commission de projet, un projet de service pluriannuel qui définit les priorités d’action du service. Le projet est soumis à l’approbation du conseil d’administration. Le projet s’inscrit dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens prévu à l’article L. 4622-10. »

Article 25 septies
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Article 25 octies

Article 25 octies A

(Texte du Sénat)

L’exercice des missions de la commission de projet mentionnée à l’article L. 4622-12 du code du travail ne fait pas obstacle à l’exercice des missions de la commission médico-technique chargée de formuler des propositions relatives aux priorités du service de santé au travail interentreprises et aux actions à caractère pluridisciplinaire conduites par ses membres.

Article 25 octies A
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Article 25 nonies

Article 25 octies

(Texte du Sénat)

I. – Au chapitre V du titre II du livre VI de la quatrième partie du même code, il est inséré un article L. 4625-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 4625-2. – Un accord collectif de branche étendu peut prévoir des dérogations aux règles relatives à l’organisation et au choix du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé des travailleurs dès lors que ces dérogations n’ont pas pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le présent code.

« Ces dérogations concernent les catégories de travailleurs suivantes :

« 1° Artistes et techniciens intermittents du spectacle ;

« 2° Mannequins ;

« 3° Salariés du particulier employeur ;

« 4° Voyageurs, représentants et placiers.

« L’accord collectif de branche étendu après avis du Conseil national de l’ordre des médecins peut prévoir que le suivi médical des salariés du particulier employeur et des mannequins mineurs soit effectué par des médecins non spécialisés en médecine du travail qui signent un protocole avec un service de santé au travail interentreprises. Ces protocoles prévoient les garanties en termes de formation des médecins non spécialistes, les modalités de leur exercice au sein du service de santé au travail ainsi que l’incompatibilité entre la fonction de médecin de soin du travailleur ou de l’employeur et le suivi médical du travailleur prévu par le protocole. Ces dispositions ne font pas obstacle à l’application de l’article L. 1133-3 relatif aux différences de traitement autorisées en raison de l’état de santé.

« En cas de difficulté ou de désaccord avec les avis délivrés par les médecins mentionnés au septième alinéa du présent article, l’employeur ou le travailleur peut solliciter un examen médical auprès d’un médecin du travail appartenant au service de santé au travail interentreprises ayant signé le protocole.

« En l’absence d’accord étendu, un décret en Conseil d’État pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins détermine les règles applicables à ces catégories de travailleurs. »

II. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’évaluation du recours à des médecins non spécialisés en médecine du travail prévu au huitième alinéa de l’article L. 4625-2 du code du travail, dans un délai de cinq ans après l’entrée en vigueur de la présente loi.

Article 25 octies
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Article 25 decies

Article 25 nonies

(Texte du Sénat)

La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est complétée par un article L. 4622-13 ainsi rédigé :

« Art. L. 4622-13. – Toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre le service de santé au travail et son président, son directeur général, l’un de ses directeurs généraux délégués ou l’un de ses administrateurs doit être soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration.

« Il en est de même des conventions auxquelles une des personnes visées au premier alinéa est indirectement intéressée.

« Sont également soumises à autorisation préalable les conventions intervenant entre le service de santé au travail et une entreprise si le président, le directeur général, l’un des directeurs généraux délégués ou l’un des administrateurs du service de santé au travail est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, membre du conseil de surveillance ou, de façon générale, dirigeant de cette entreprise.

« Toutefois, lorsque les conventions portent sur des opérations courantes ou conclues à des conditions usuelles, elles font uniquement l’objet d’une communication au président et aux membres du conseil d’administration. »

Article 25 nonies
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Article 25 undecies

Article 25 decies

(Texte du Sénat)

L’article L. 4623-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au premier alinéa, un décret fixe les conditions dans lesquelles les services de santé au travail peuvent recruter, après délivrance d’une licence de remplacement et autorisation par les conseils départementaux compétents de l’ordre des médecins, à titre temporaire un interne de la spécialité qui travaillera sous l’autorité d’un médecin du travail du service de santé au travail expérimenté. »

Article 25 decies
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Article 25 duodecies

Article 25 undecies

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie du même code est complétée par un article L. 4622-14 ainsi rédigé :

« Art. L. 4622-14. – Le directeur du service de santé au travail interentreprises met en œuvre, en lien avec l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail et, sous l’autorité du président, les actions approuvées par le conseil d’administration dans le cadre du projet de service pluriannuel. »

Article 25 undecies
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Article 25 terdecies A

Article 25 duodecies

(Texte du Sénat)

Le chapitre V du même titre II est ainsi modifié :

1° Après le mot : « médicale », la fin de l’intitulé est ainsi rédigée : « de catégories particulières de travailleurs » ;

2° Il est inséré un article L. 4625-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4625-1. – Un décret détermine les règles relatives à l’organisation, au choix et au financement du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé des travailleurs applicables aux catégories de travailleurs suivantes :

« 1° Salariés temporaires ;

« 2° Stagiaires de la formation professionnelle ;

« 3° Travailleurs des associations intermédiaires ;

« 4° Travailleurs exécutant habituellement leur contrat de travail dans une entreprise autre que celle de leur employeur ;

« 5° Travailleurs éloignés exécutant habituellement leur contrat de travail dans un département différent de celui où se trouve l’établissement qui les emploie ;

« 6° Travailleurs détachés temporairement par une entreprise non établie en France ;

« 7° Travailleurs saisonniers.

« Ces travailleurs bénéficient d’une protection égale à celle des autres travailleurs.

« Des règles et modalités de surveillance adaptées ne peuvent avoir pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le présent code.

« Pour tenir compte de spécificités locales en matière de recours à des travailleurs saisonniers, l’autorité administrative peut approuver des accords adaptant les modalités définies par décret sous réserve que ces adaptations garantissent un niveau au moins équivalent de protection de la santé aux travailleurs concernés. »

Article 25 duodecies
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Article 25 terdecies B

Article 25 terdecies A

(Texte du Sénat)

I. – Le premier alinéa de l’article L. 717-3 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° La première phrase est complétée par le mot : « interentreprises » ;

2° Après la deuxième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Par exception aux dispositions des articles L. 4622-11 et L. 4622-13 du code du travail, le service de santé au travail interentreprises est administré paritairement selon les modalités prévues à l’article L. 723-35 du présent code. »

II. – L’article L. 717-7 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elles apportent également leur contribution à la prévention de la pénibilité. » ;

2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;

3° Les troisième et dernière phrases du quatrième alinéa sont ainsi rédigées :

« Les membres employeurs bénéficient d’une indemnité forfaitaire représentative du temps passé d’un montant égal à celui prévu par l’article L. 723-37 pour les administrateurs du troisième collège de la caisse de mutualité sociale agricole. Les frais de déplacement exposés par les membres de la commission, les salaires maintenus par les employeurs ainsi que les cotisations sociales y afférentes et les indemnités représentatives du temps passé sont pris en charge par le fonds national de prévention créé en application de l’article L. 751-48 du présent code et, le cas échéant, par le 3° de l’article R. 251-1 du code de la sécurité sociale. » ;

4° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Un décret détermine les conditions d’application du présent article. » ;

5° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités de fonctionnement des commissions peuvent être précisées par un accord collectif national étendu. »

Article 25 terdecies A
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Article 25 terdecies

Article 25 terdecies B

(Texte du Sénat)

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Les articles L. 5132-12 et L. 7214-1 sont abrogés ;

2° Le 5° de l’article L. 7221-2 est ainsi rédigé :

« 5° À la surveillance médicale définie au titre II du livre VI de la quatrième partie. » ;

3° L’article L. 7211-3 est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° À la surveillance médicale définie au titre II du livre VI de la quatrième partie. » ;

4° L’article L. 5132-17 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5132-17. – Un décret détermine la liste des employeurs habilités à mettre en œuvre les ateliers et chantiers d’insertion mentionnée à l’article L. 5132-15. »

Article 25 terdecies B
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Articles 26, 26 bis, 26 ter, 26 quater, 27 et 27 bis A

Article 25 terdecies

(Texte du Sénat)

I A. – L’article L. 4622-9 du code du travail ne s’applique pas aux catégories de travailleurs dont les employeurs sont mentionnés à l’article L. 717-1 du code rural et de la pêche maritime.

I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa de l’article L. 717-2 est ainsi rédigée :

« Des décrets déterminent, en application de l’article L. 4622-15 du code du travail et du présent titre, les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des services de santé au travail en agriculture ainsi que les conditions d’application de l’article L. 4625-1 du code du travail.

« Des décrets en Conseil d’État précisent les modalités d’action des personnels concourant aux services de santé au travail en agriculture et les conditions d’application des articles L. 4624-1 et L. 4622-14 du code du travail.

« Pour la mise en œuvre de la pluridisciplinarité en agriculture, les modalités d’application du chapitre IV du titre IV du livre VI de la quatrième partie du code du travail sont déterminées par décret. » ;

2° Après l’article L. 717-3, il est inséré un article L. 717-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 717-3-1. – Le service de santé au travail en agriculture élabore un projet de service pluriannuel qui définit les priorités d’action du service coordonnées avec celles du service de prévention des risques professionnels et qui s’inscrit dans le cadre du contrat d’objectifs conclu avec l’autorité administrative compétente prévu à l’article L. 4622-10 du code du travail. » ;

3° L’intitulé de la section 2 du chapitre VII du titre Ier du livre VII est ainsi rédigé : « Institutions et organismes concourant à la prévention et à la pluridisciplinarité ».

Article 25 terdecies
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Article 27 ter AA

Articles 26, 26 bis, 26 ter, 26 quater, 27 et 27 bis A

(Suppressions maintenues par la commission mixte paritaire)

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Articles 26, 26 bis, 26 ter, 26 quater, 27 et 27 bis A
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Article 27 ter AB

Article 27 ter AA

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

I. – Le chapitre VIII ter du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Accords en faveur de la prévention de la pénibilité

« Art. L. 138-29. – Pour les salariés exposés aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail, les entreprises employant une proportion minimale fixée par décret de ces salariés, y compris les établissements publics, mentionnées aux articles L. 2211-1 et L. 2233-1 du même code employant au moins cinquante salariés, ou appartenant à un groupe au sens de l’article L. 2331-1 du même code dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés, sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

« Le montant de cette pénalité est fixé à 1 % au maximum des rémunérations ou gains, au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du présent code et du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés concernés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou le plan d’action mentionné au premier alinéa.

« Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité.

« Le produit de cette pénalité est affecté à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale.

« Les articles L. 137-3 et L. 137-4 du présent code sont applicables à cette pénalité.

« Art. L. 138-30. – L’accord d’entreprise ou de groupe portant sur la prévention de la pénibilité mentionné à l’article L. 138-29 est conclu pour une durée maximale de trois ans. Une liste de thèmes obligatoires devant figurer dans ces accords est fixée par décret.

« Art. L. 138-31. – Les entreprises mentionnées au premier alinéa de l’article L. 138-29 ne sont pas soumises à la pénalité lorsque, en l’absence d’accord d’entreprise ou de groupe, elles ont élaboré, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, un plan d’action établi au niveau de l’entreprise ou du groupe relatif à la prévention de la pénibilité dont le contenu est conforme à celui mentionné à l’article L. 138-30. La durée maximale de ce plan d’action est de trois ans. Il fait l’objet d’un dépôt auprès de l’autorité administrative.

« En outre, les entreprises dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés et est inférieur à trois cents salariés ou appartenant à un groupe dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés et est inférieur à trois cents salariés ne sont pas soumises à cette pénalité lorsqu’elles sont couvertes par un accord de branche étendu dont le contenu est conforme au décret mentionné à l’article L. 138-30. »

II. – L’article L. 241-5 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les ressources de la branche accidents du travail et maladies professionnelles sont en outre constituées par le produit de la pénalité prévue à l’article L. 138-29. »

III. – Les I et II sont applicables à compter du 1er janvier 2012.

Article 27 ter AA
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Article 27 ter AC

Article 27 ter AB

(Texte du Sénat)

Le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, placé auprès du ministre chargé du travail, participe à l’élaboration de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, ainsi que d’amélioration des conditions de travail.

Le Conseil d’orientation sur les conditions de travail comprend un comité permanent, une commission générale et des commissions spécialisées.

Son comité permanent est assisté d’un observatoire de la pénibilité chargé d’apprécier la nature des activités pénibles dans le secteur public et le secteur privé, et en particulier celles ayant une incidence sur l’espérance de vie. Cet observatoire propose au comité permanent toute mesure de nature à améliorer les conditions de travail des salariés exposés à ces activités.

L’observatoire de la pénibilité du Conseil d’orientation sur les conditions de travail est composé de représentants de l’État, de représentants des organisations d’employeurs les plus représentatives au plan national, de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national interprofessionnel et de personnalités qualifiées.

Les conclusions de l’observatoire de la pénibilité sont rendues publiques.

Chapitre II

Compensation de la pénibilité

Article 27 ter AB
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Article 27 ter ADA

Article 27 ter AC

(Texte du Sénat)

La section 1 du chapitre Ier du titre V du livre III du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 351-1-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 351-1-4. – I. – La condition d’âge prévue au premier alinéa de l’article L. 351-1 est abaissée, dans des conditions fixées par décret, pour les assurés qui justifient d’une incapacité permanente au sens de l’article L. 434-2 au moins égale à un taux déterminé par décret, lorsque cette incapacité est reconnue au titre d’une maladie professionnelle mentionnée à l’article L. 461-1 ou au titre d’un accident de travail mentionné à l’article L. 411-1 et ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle.

« II. – La pension de retraite liquidée en application du présent article est calculée au taux plein même si l’assuré ne justifie pas de la durée requise d’assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires.

« III. – Les I et II sont également applicables à l’assuré justifiant d’une incapacité permanente d’un taux inférieur à celui mentionné au I, sous réserve :

« a) Que le taux d’incapacité permanente de l’assuré soit au moins égal à un taux déterminé par décret ;

« b) Que l’assuré ait été exposé, pendant un nombre d’années déterminé par décret, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail ;

« c) Qu’il puisse être établi que l’incapacité permanente dont est atteint l’assuré est directement liée à l’exposition à ces facteurs de risques professionnels.

« Une commission pluridisciplinaire dont l’avis s’impose à l’organisme débiteur de la pension de retraite est chargée de valider les modes de preuve apportés par l’assuré et d’apprécier l’effectivité du lien entre l’incapacité permanente et l’exposition aux facteurs de risques professionnels. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de cette commission ainsi que les éléments du dossier au vu desquels elle rend son avis sont fixés par décret. »

Article 27 ter AC
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Article 27 ter AD

Article 27 ter ADA

(Texte du Sénat)

Le Gouvernement dépose au Parlement avant le 1er janvier 2012 un rapport visant à étudier un barème d’attribution des pensions d’invalidité cohérent avec le barème d’attribution de l’allocation aux adultes handicapés et à mieux encadrer la définition de l’inaptitude ; ce rapport propose des indications pertinentes de pratique pour les échelons locaux du service médical de l’assurance maladie en vue d’une réduction de l’hétérogénéité des décisions.

Article 27 ter ADA
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Article 27 ter AE

Article 27 ter AD

(Texte du Sénat)

I. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, après la référence : « L. 135-2, », sont insérés les mots : « par une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l’âge fixé en application de l’article L. 351-1-4, ».

II. – L’article L. 242-5 du même code est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le montant de la contribution mentionnée à l’article L. 241-3 couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l’âge fixé en application de l’article L. 351-1-4 est pris en compte dans les éléments de calcul de la cotisation qui peuvent être modulés par secteur d’activité. Un décret détermine les conditions d’application du présent alinéa.

« Le montant de la contribution mentionnée à l’alinéa précédent est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale. Un rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale évalue le coût réel des dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l’âge prévu à l’article L. 351-1-4 pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. » ;

2° À l’avant-dernier alinéa, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « sixième ».

Article 27 ter AD
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Article 27 ter AF

Article 27 ter AE

(Texte du Sénat)

Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 30 juin 2011, un rapport sur les modalités selon lesquelles le dispositif prévu à l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale peut être adapté pour s’appliquer aux travailleurs non salariés non agricoles.

Article 27 ter AE
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Article 27 ter AG

Article 27 ter AF

(Texte du Sénat)

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 732-18-2, il est inséré un article L. 732-18-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 732-18-3. – I. – La condition d’âge prévue à l’article L. 732-18 est abaissée, dans les conditions fixées par décret, pour les assurés qui justifient d’une incapacité permanente au sens de l’article L. 752-6 au moins égale à un taux déterminé par décret, lorsque cette incapacité est reconnue au titre d’une maladie professionnelle mentionnée au second alinéa de l’article L. 752-2 ou d’un accident du travail mentionné au premier alinéa du même article et ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle.

« II. – La pension de vieillesse liquidée en application du présent article est calculée au taux plein même si l’assuré ne justifie pas de la durée requise d’assurance ou de périodes équivalentes dans le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et un ou plusieurs autres régimes obligatoires.

« III. – Les I et II sont également applicables à l’assuré justifiant d’une incapacité permanente d’un taux inférieur à celui mentionné au I, sous réserve :

« 1° Que le taux d’incapacité permanente de l’assuré soit au moins égal à un taux déterminé par décret ;

« 2° Que l’assuré ait été exposé, pendant un nombre d’années déterminé par décret, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail ;

« 3° Qu’il puisse être établi que l’incapacité permanente dont est atteint l’assuré est directement liée à l’exposition à ces facteurs de risques professionnels.

« Une commission pluridisciplinaire dont l’avis s’impose à l’organisme débiteur de la pension de retraite est chargée de valider les modes de preuve apportés par l’assuré et d’apprécier l’effectivité du lien entre l’incapacité permanente et l’exposition aux facteurs de risques professionnels. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de cette commission ainsi que les éléments du dossier au vu desquels elle rend son avis sont fixés par décret. » ;

2° Après le 7° de l’article L. 731-3, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :

« 7° bis Une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l’âge prévu à l’article L. 732-18-3 ; »

3° L’article L. 752-17 est ainsi modifié :

a) Après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Contribution mentionnée au 7° bis de l’article L. 731-3. » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant de la contribution mentionnée au 7° bis de l’article L. 731-3 est pris en compte dans les éléments de calcul de la cotisation qui peuvent être modulés par secteur d’activité dans des conditions déterminées par décret. »

Article 27 ter AF
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Article 27 ter AH

Article 27 ter AG

(Texte du Sénat)

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le II de l’article L. 741-9 est ainsi rédigé :

« II. – Pour l’assurance vieillesse et veuvage :

« 1° Par une cotisation assise :

« a) Sur les rémunérations ou gains perçus par les assurés dans la limite du plafond défini à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, à la charge des employeurs et des assurés ;

« b) Sur la totalité des rémunérations ou gains perçus par les assurés, à la charge des employeurs et des salariés ;

« 2° Par une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l’âge prévu à l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale. » ;

2° Le 1° de l’article L. 742-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour l’application de l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale, la référence : “l’article L. 411-1” est remplacée par la référence : “au premier alinéa de l’article L. 751-6 du code rural et de la pêche maritime” »;

3° L’article L. 751-12 est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° Le montant de la contribution mentionnée au 2° du II de l’article L. 741-9. » ;

4° Après l’article L. 751-13, il est inséré un article L. 751-13-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 751-13-1. – Le montant de la contribution mentionnée au 2° du II de l’article L. 741-9 est pris en compte dans les éléments de calcul de la cotisation qui peuvent être modulés par secteur d’activité dans des conditions déterminées par décret. »

Article 27 ter AG
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Article 27 ter A

Article 27 ter AH

(Texte du Sénat)

Au premier alinéa de l’article L. 341-14-1 du code de la sécurité sociale, après la référence : « L. 351-1-3, », est insérée la référence : « L. 351-1-4, ».

Article 27 ter AH
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Articles 27 ter, 27 quater et 27 quinquies

Article 27 ter A

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

I. – À titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2013, un accord collectif de branche peut créer un dispositif d’allègement ou de compensation de la charge de travail des salariés occupés à des travaux pénibles.

Les salariés peuvent bénéficier de ce dispositif s’ils ont été exposés pendant une durée minimale définie par l’accord à un des facteurs de pénibilité définis à l’article L. 4121-3-1 du code du travail et ont cumulé pendant une durée définie par le même accord deux de ces facteurs. Ils doivent ne pas remplir les conditions pour liquider leur retraite à taux plein.

L’allègement de la charge de travail peut prendre la forme :

– d’un passage à temps partiel pour toute la durée restant à courir jusqu’à ce que le salarié puisse faire valoir ses droits à retraite, durée pendant laquelle le salarié bénéficie d’une indemnité complémentaire fixée par l’accord ;

– de l’exercice d’une mission de tutorat au sein de l’entreprise du salarié, mission au titre de laquelle le salarié bénéficie d’une indemnité complémentaire fixée par l’accord.

La compensation de la charge de travail peut prendre la forme :

– du versement d’une prime ;

– de l’attribution de journées supplémentaires de repos ou de congés.

Les droits attribués au titre de la compensation de la charge de travail peuvent être versés sous la forme d’un abondement au compte épargne-temps du salarié, dans les conditions prévues à l’article L. 3152-2 du code du travail.

L’accord définit les conditions dans lesquelles il est créé, au sein de la branche concernée, un fonds dédié à la prise en charge des dispositifs d’allègement ou de compensation de la pénibilité. Il fixe aussi les modalités de l’institution, au profit de ce fonds, d’une contribution à la charge des entreprises de la branche et les modalités de la mutualisation du montant de la collecte ainsi réalisée entre les entreprises de la branche. L’accord prévoit, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, une exonération de la contribution à ce fonds pour les entreprises de la branche couvertes par un accord collectif d’entreprise mentionné au II. Les entreprises ainsi exonérées ne peuvent bénéficier de la prise en charge des dispositifs d’allègement ou de compensation de la pénibilité par le fonds dédié de la branche.

L’accord prévoit également les conditions d’application du dispositif d’allègement ou de compensation de la charge de travail des salariés temporaires occupés à des travaux pénibles.

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 septembre 2013, un rapport procédant à l’évaluation de ce dispositif.

II. – Il est créé jusqu’au 31 décembre 2013 auprès de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés un fonds national de soutien relatif à la pénibilité, destiné à contribuer aux actions mises en œuvre par les entreprises couvertes par un accord collectif de branche mentionné au I. Peuvent également bénéficier de l’intervention de ce fonds les entreprises couvertes par un accord collectif d’entreprise créant un dispositif d’allégement ou de compensation de la charge de travail pour les salariés occupés à des travaux pénibles mentionné au I. Les recettes de ce fonds sont constituées par une dotation de l’État et une dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui ne peut être supérieure à celle de l’État.

Les modalités d’application du présent II sont fixées par décret en Conseil d’État.

Article 27 ter A
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Article 27 sexies A

Articles 27 ter, 27 quater et 27 quinquies

(Suppressions maintenues par la commission mixte paritaire)

Articles 27 ter, 27 quater et 27 quinquies
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Article 27 sexies B

Article 27 sexies A

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

L’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa du I est ainsi rédigé :

« 2° Avoir atteint l’âge de soixante ans diminué du tiers de la durée du travail effectué dans les établissements visés au 1°, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans ; »

2° Le septième alinéa du I est ainsi rédigé :

« 2° Avoir atteint l’âge de soixante ans diminué du tiers de la durée du travail effectué dans les ports visés au 1°, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans. » ;

3° Le dernier alinéa du II est ainsi rédigé :

« L’allocation cesse d’être versée lorsque le bénéficiaire remplit les conditions de durée d’assurance requises pour bénéficier d’une pension de vieillesse au taux plein, à condition qu’il soit âgé d’au moins soixante ans. Par dérogation aux dispositions de l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, elle est alors remplacée par la ou les pensions de vieillesse auxquelles l’intéressé peut prétendre. Pour l’appréciation du taux plein, les conditions de durée d’assurance sont réputées remplies au plus tard à l’âge de soixante-cinq ans. »

Article 27 sexies A
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles 27 sexies et 27 septies

Article 27 sexies B

(Texte du Sénat)

Un comité scientifique constitué avant le 31 mars 2011 a pour mission d’évaluer les conséquences de l’exposition aux facteurs de pénibilité sur l’espérance de vie avec et sans incapacité des travailleurs. La composition de ce comité est fixée par décret.

Article 27 sexies B
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Article 27 octies

Articles 27 sexies et 27 septies

(Suppressions maintenues par la commission mixte paritaire)

Chapitre III

Dispositions communes

Articles 27 sexies et 27 septies
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Article 28

Article 27 octies

(Texte du Sénat)

Avant le 1er janvier 2014, le Gouvernement présente au Parlement un rapport établissant un bilan de l’application des dispositions du présent titre.

Sur la base des travaux du comité scientifique mentionné à l’article 27 sexies B, ce rapport formule des propositions en vue de prendre en compte la pénibilité à effets différés.

TITRE V

MESURES DE SOLIDARITÉ

Chapitre Ier

Dispositions applicables au régime des exploitants agricoles

Article 27 octies
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Article 29

Article 28

(Pour coordination)

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° L’article L. 732-56 est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. – Sont affiliées au régime de l’assurance vieillesse complémentaire obligatoire les personnes ayant, à compter du 1er janvier 2011 ou postérieurement à cette date, la qualité d’aide familial telle que définie au 2° de l’article L. 722-10 ou la qualité de collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole telle que définie à l’article L. 321-5. » ;

2° Le deuxième alinéa de l’article L. 732-58 est ainsi rédigé :

« – par le produit des cotisations dues, au titre de ce régime, par les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole pour leurs propres droits et, le cas échéant, pour les droits des bénéficiaires mentionnés au IV de l’article L. 732-56 ; »

3° Après le deuxième alinéa de l’article L. 732-59, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les personnes mentionnées au IV de l’article L. 732-56, l’assiette des cotisations est égale à un montant forfaitaire fixé par décret. » ;

4° Le premier alinéa de l’article L. 732-60 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « personnes affiliées » sont remplacés par les mots : « chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole affiliés » ;

b) Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Les aides familiaux et les collaborateurs d’exploitation ou d’entreprise agricole affiliés au présent régime bénéficient, à compter de la date d’effet de leur retraite mentionnée aux articles L. 732-34 et L. 732-35, et au plus tôt au 1er janvier 2011, d’une retraite exprimée en points de retraite complémentaire. » ;

5° L’article L. 732-62 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de décès d’un aide familial ou d’un collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole après le 31 décembre 2010, son conjoint survivant a droit au plus tôt au 1er janvier 2011 à une pension de réversion du régime complémentaire s’il remplit les conditions personnelles prévues au premier alinéa. Cette pension de réversion est d’un montant égal à 54 % de la pension de retraite complémentaire dont bénéficiait ou aurait bénéficié l’assuré. Toutefois, lorsque la pension de retraite n’a pas été liquidée au jour du décès de l’assuré, cette pension de réversion est versée sans condition d’âge si le conjoint survivant est invalide au moment du décès ou ultérieurement, ou s’il a au moins deux enfants à charge au moment du décès de l’assuré. » ;

6° L’article L. 762-35 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « aux chefs d’exploitation agricole des » sont remplacés par les mots : « dans les » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

7° Dans la première phrase du premier alinéa de l’article L. 762-36, les mots : « par les chefs d’exploitation agricole visés à l’article L. 762-7 » sont remplacés par les mots : « des non-salariés agricoles » ;

8° À l’article L. 762-37, les mots : « des chefs d’exploitation agricole » sont remplacés par les mots : « des non-salariés agricoles ».

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Article 28
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Article 29 bis

Article 29

(Texte du Sénat)

I. – Le troisième alinéa de l’article L. 815-13 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Lorsque la succession du bénéficiaire, en tout ou en partie, comprend un capital d’exploitation agricole, ce dernier ainsi que les bâtiments qui en sont indissociables ne sont pas pris en compte pour l’application du deuxième alinéa. La liste des éléments constitutifs de ce capital et de ces bâtiments est fixée par décret. »

II. – Le I est applicable aux personnes visées à l’article 2 de l’ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse.

Chapitre Ier bis

Dispositions relatives à l’assurance veuvage

Article 29
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Article 29 ter

Article 29 bis

(Texte du Sénat)

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au III de l’article L. 136-2, il est rétabli un 6° ainsi rédigé :

« 6° L’allocation de veuvage visée à l’article L. 356-1 du présent code et à l’article L. 722-16 du code rural et de la pêche maritime ; »

2° Au chapitre III du titre VII du livre Ier, il est rétabli une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Coordination en matière d’assurance veuvage

« Art. L. 173-8. – Dans le cas où l’assuré décédé relevait simultanément de plusieurs régimes de protection sociale, le régime auquel incombe la charge du versement de l’allocation de veuvage est déterminé par décret.

« Art. L. 173-9. – Un décret détermine l’ordre de priorité dans lequel sont versées l’allocation de veuvage et les autres prestations sociales subordonnées à des conditions de ressources. » ;

3° Au 1° de l’article L. 222-1, après le mot : « retraite », sont insérés les mots : « et d’assurance veuvage » ; 

4° Après l’article L. 222-1-1, il est rétabli un article L. 222-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 222-2. – La Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés assure la gestion de l’assurance veuvage.

« Les prestations de l’assurance veuvage sont versées par les organismes qui assurent le service des pensions de vieillesse. » ;

5° À la première phrase des premier et quatrième alinéas de l’article L. 241-3, après les mots : « de l’assurance vieillesse », sont insérés les mots : « et de l’assurance veuvage » ; 

6° Le chapitre VI du titre V du livre III est ainsi rétabli :

« CHAPITRE VI

« Assurance veuvage

« Art. L. 356-1. – L’assurance veuvage garantit au conjoint survivant de l’assuré qui a été affilié, à titre obligatoire ou volontaire, à l’assurance vieillesse du régime général, au cours d’une période de référence et pendant une durée fixées par décret ou qui bénéficiait, en application de l’article L. 311-5, des prestations en nature de l’assurance maladie du régime général, une allocation de veuvage lorsque, résidant en France, il satisfait à des conditions d’âge fixées par décret. L’allocation de veuvage n’est due que si le total de cette allocation et des ressources personnelles du conjoint survivant n’excède pas un plafond fixé par décret ; lorsque le total de l’allocation et des ressources personnelles du conjoint survivant dépasse ce plafond, l’allocation est réduite à due concurrence.

« Un décret détermine les revenus et autres avantages pris en compte pour l’appréciation des ressources du conjoint survivant ainsi que les modalités selon lesquelles les rémunérations tirées d’activités professionnelles ou de stages de formation qui ont commencé au cours de la période de versement de l’allocation peuvent être exclues, en tout ou en partie, du montant des ressources servant au calcul de l’allocation.

« Ce décret détermine aussi le délai dans lequel le conjoint survivant demande l’attribution de cette prestation postérieurement à la date du décès de l’assuré.

« Le conjoint survivant de nationalité étrangère résidant en France doit justifier de la régularité de son séjour par la production d’un titre ou document figurant sur une liste fixée par décret.

« L’allocation de veuvage est également servie, qu’il réside ou non en France, au conjoint survivant de l’assuré qui relevait du régime de l’assurance volontaire vieillesse institué par le chapitre II du titre IV du livre VII, sous réserve qu’il remplisse les conditions d’âge et de ressources mentionnées au premier alinéa.

« Bénéficient également de l’allocation de veuvage les conjoints survivants des adultes handicapés qui percevaient à la date de leur décès l’allocation aux adultes handicapés.

« Art. L. 356-2. – L’allocation de veuvage a un caractère temporaire ; son montant, révisé dans les mêmes conditions que les prestations servies en application des chapitres Ier à IV du titre V du présent livre, est unique.

« Toutefois, des modalités particulières sont appliquées aux conjoints survivants ayant atteint, au moment du décès du conjoint, un âge déterminé.

« Art. L. 356-3. – L’allocation de veuvage n’est pas due ou cesse d’être due lorsque le conjoint survivant :

« 1° Se remarie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage ;

« 2° Ne satisfait plus aux conditions prévues par l’article L. 356-1.

« Art. L. 356-4. – L’organisme débiteur de l’allocation de veuvage reçoit, sur sa demande, communication des informations détenues par les administrations financières, les associations pour l’emploi dans l’industrie et le commerce, les organismes de sécurité sociale et les organismes de retraites complémentaires concernant les ressources dont disposent les bénéficiaires de l’allocation de veuvage et les prestations sociales qui leur sont versées. Les personnels assermentés de cet organisme sont tenus au secret quant aux informations qui leur sont communiquées. » 

« Art. L. 356-5. – Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret. »

II. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le 3° de l’article L. 722-8 est ainsi rédigé :

« 3° L’assurance vieillesse et veuvage ; »

2° L’intitulé du paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre II du livre VII est ainsi rédigé : « Assurance vieillesse et assurance veuvage » ;

3° Le même paragraphe 3 est complété par un article L. 722-16 ainsi rétabli :

« Art. L. 722-16. – En cas de décès d’un assuré relevant de l’assurance vieillesse mentionnée à l’article L. 722-15, le conjoint survivant résidant en France bénéficie d’une assurance veuvage dans les conditions définies à l’article L. 732-54-5. » ;

4° Le 3° de l’article L. 723-3 est ainsi rédigé :

« 3° Assurance vieillesse et assurance veuvage des non salariés ; »

5° Au premier alinéa de l’article L. 725-18, après le mot : « vieillesse », sont insérés les mots : « et à l’assurance veuvage » ;

6° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 731-10, les mots : « maternité et vieillesse » sont remplacés par les mots : « maternité, vieillesse et veuvage » ;

7° L’intitulé du paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre VII est ainsi rédigé : « Assurance vieillesse et assurance veuvage » ;

8° Au premier alinéa de l’article L. 731-42, après le mot : « vieillesse », sont insérés les mots : « et de l’assurance veuvage » ;

9° L’intitulé de la section 3 du chapitre II du titre III du livre VII est ainsi rédigé : « Assurance vieillesse et assurance veuvage » ;

10° Après la sous-section 1 de la même section 3, il est inséré une sous-section 1 bis ainsi rédigée :

« Sous-section 1 bis

« Assurance veuvage

« Art. L. 732-54-5. – Les dispositions relatives à l’assurance veuvage prévues aux articles L. 356-1 à L. 356-4 du code de la sécurité sociale sont applicables au régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles.

« Les prestations de cette assurance sont servies par les caisses de mutualité sociale agricole. » ;

11° (Supprimé)

12° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 742-3, après le mot : « vieillesse », sont insérés les mots : «, de veuvage » ;

13° L’intitulé de la section 4 du chapitre II du titre VI du livre VII est ainsi rédigé : « Assurance vieillesse et assurance veuvage » ;

14° Au premier alinéa de l’article L. 762-26, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 722-16, ».

III. – Avant le 31 décembre 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la prise en charge du veuvage précoce, considérant les voies d’amélioration des conditions d’attribution et de financement de l’allocation de veuvage.

Chapitre Ier ter

Autres mesures de solidarité

Article 29 bis
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Article 29 quinquies

Article 29 ter

(Suppression maintenue par la commission mixte paritaire)

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Article 29 ter
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Article 29 sexies A

Article 29 quinquies

(Texte du Sénat)

Un rapport du Gouvernement est déposé au Parlement, avant le 30 juin 2011, sur les conditions d’introduction dans l’assiette des cotisations sociales de la gratification dont font l’objet les stages en entreprise mentionnés à l’article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, et sur les conditions de prise en compte de ces périodes de stage comme périodes assimilées pour la détermination du droit à pension ou rente lorsqu’elles ont donné lieu au versement d’un minimum de cotisations en application de l’article L. 351-2 du code de la sécurité sociale.

Le Gouvernement remet, au plus tard le 30 juin 2011, aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, un rapport portant sur l’assimilation des périodes de travail en détention à des périodes de cotisations à part entière.

Article 29 quinquies
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Article 29 sexies B

Article 29 sexies A

(Texte du Sénat)

Aux articles L. 643-1-1 et L. 723-10-1-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « à l’article L. 351-4 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 351-4 et L. 351-4-1 ».

Article 29 sexies A
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Article 29 sexies

Article 29 sexies B

(Texte du Sénat)

Au sixième alinéa de l’article L. 381-1 du même code, les mots : « et que cette affiliation ne soit pas acquise à un autre titre, » sont remplacés par les mots : « et qu’elle n’exerce aucune activité professionnelle ou seulement une activité à temps partiel ».

Article 29 sexies B
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Article 31

Article 29 sexies

(Texte du Sénat)

Au premier alinéa de l’article L. 351-1-3 et au III des articles L. 643-3 et L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale et au premier alinéa de l’article L. 732-18-2 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « taux fixé par décret », sont insérés les mots : « ou qu’ils bénéficiaient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé mentionnée à l’article L. 5213-1 du code du travail ».

Titre V bis A

MESURES RELATIVES À L’ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

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Article 29 sexies
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Article 31 bis A

Article 31

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 2242-5, il est inséré un article L. 2242-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-5-1. – Les entreprises d’au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité professionnelle mentionné à l’article L. 2242-5 ou, à défaut d’accord, par les objectifs et les mesures constituant le plan d’action défini dans les rapports prévus aux articles L. 2323-47 et L. 2323-57. Les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l’accord et du plan d’action sont fixées par décret.

« Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou le plan d’action mentionné au même premier alinéa. Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations fixées au premier alinéa.

« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. » ;

2° Après le premier alinéa de l’article L. 2323-47, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Le rapport établit un plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Après avoir évalué les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l’année écoulée, ce plan d’action, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, détermine les objectifs de progression prévus pour l’année à venir, la définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre et l’évaluation de leur coût.

« Ce rapport comporte une analyse permettant d’apprécier, pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise, la situation respective des femmes et des hommes en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale.

« Une synthèse de ce plan d’action, comprenant au minimum des indicateurs et objectifs de progression définis par décret, est portée à la connaissance des salariés par l’employeur, par voie d’affichage sur les lieux de travail et, éventuellement, par tout autre moyen adapté aux conditions d’exercice de l’activité de l’entreprise. Elle est également tenue à la disposition de toute personne qui la demande et publiée sur le site internet de l’entreprise lorsqu’il en existe un. » ;

3° (Suppression maintenue par la commission mixte paritaire)

4° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 2323-57 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Il établit un plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Après avoir évalué les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l’année écoulée, ce plan d’action, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, détermine les objectifs de progression prévus pour l’année à venir, la définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre et l’évaluation de leur coût.

« Une synthèse de ce plan d’action, comprenant au minimum des indicateurs et objectifs de progression définis par décret, est portée à la connaissance des salariés par l’employeur, par voie d’affichage sur les lieux de travail et, éventuellement, par tout autre moyen adapté aux conditions d’exercice de l’activité de l’entreprise. Elle est également tenue à la disposition de toute personne qui la demande et publiée sur le site internet de l’entreprise lorsqu’il en existe un. » ;

4° bis L’article L. 2323-59 est abrogé ;

5° (Suppression maintenue par la commission mixte paritaire)

bis. – À la fin de l’article L. 2241-9 et à la fin du premier alinéa de l’article L. 2242-7 du même code, les mots : « avant le 31 décembre 2010 » sont supprimés.

ter. – Après le 10° de l’article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 11° ainsi rédigé :

« 11° Les sommes versées par les employeurs au titre de l’article L. 2242-5--1 du code du travail. »

II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2012. Pour les entreprises couvertes par un accord ou, à défaut, par un plan d’action tel que défini à l’article L. 2242-5-1 du code du travail, à la date de publication de la présente loi, le I entre en vigueur à l’échéance de l’accord ou, à défaut d’accord, à l’échéance du plan d’action.

Article 31
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Article 31 bis B

Article 31 bis A

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

I. – L’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sont également soumises à cette contribution les sommes correspondant à la prise en charge par l’employeur de la part salariale des cotisations ou contributions destinées au financement des régimes de retraite complémentaire mentionnée au cinquième alinéa de l’article L. 242-1. »

II. – Après l’article L. 241-3-1 du même code, il est inséré un article L. 241-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 241-3-2. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 241-3, en cas de suspension du contrat de travail pour le bénéfice d’un congé parental d’éducation visé à l’article L. 1225-47 du code du travail, d’un congé de solidarité familiale visé à l’article L. 3142-16 du même code, d’un congé de soutien familial visé à l’article L. 3142-22 du même code et d’un congé de présence parentale visé à l’article L. 1225-62 du même code, des cotisations ou contributions destinées à financer les régimes de retraite complémentaire mentionnés au cinquième alinéa de l’article L. 242-1 du présent code peuvent être versées par l’employeur et le salarié dans des conditions déterminées par accord collectif. La part salariale correspondant à ces cotisations ou contributions n’est pas assimilable, en cas de prise en charge par l’employeur, à une rémunération au sens de l’article L. 242-1 pour les six premiers mois de prise en charge à compter du début du congé. »

III. – (Supprimé par la commission mixte paritaire)

Article 31 bis A
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Article 31 bis

Article 31 bis B

(Texte du Sénat)

Le dernier alinéa de l’article 271 du code civil est complété par les mots : « en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa ».

Article 31 bis B
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Article 32

Article 31 bis

(Texte du Sénat)

Le premier alinéa de l’article L. 2242-5 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette négociation porte également sur l’application de l’article L. 241-3-1 du code de la sécurité sociale et sur les conditions dans lesquelles l’employeur peut prendre en charge tout ou partie du supplément de cotisations. »

TITRE V BIS

MESURES RELATIVES À L’EMPLOI DES SENIORS

Article 31 bis
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Article 32 bis AA

Article 32

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

I. – Le chapitre III du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Aide à l’embauche des seniors

« Art. L. 5133-11. – Les employeurs qui se trouvent dans le champ d’éligibilité de la réduction prévue à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale perçoivent sur leur demande une aide à l’embauche, en contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée d’au moins six mois, de demandeurs d’emploi âgés de cinquante-cinq ans ou plus, inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi mentionnée à l’article L. 5411-1 du présent code.

« L’aide ne peut être accordée lorsque l’entreprise a procédé, dans les six mois précédents, à un licenciement économique au sens de l’article L. 1233-3, sur le poste pour lequel est prévue l’embauche, ni lorsque l’entreprise n’est pas à jour de ses obligations déclaratives et de paiement à l’égard des organismes de recouvrement des cotisations et des contributions de sécurité sociale ou d’assurance chômage.

« L’aide, à la charge de l’État, représente, pour une durée déterminée, une fraction du salaire brut versé chaque mois au salarié dans la limite du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions et modalités d’application de l’aide. »

II. – Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 31 décembre 2012, un rapport établissant un bilan détaillé de la mise en œuvre de l’aide à l’embauche des seniors prévue à l’article L. 5133-11 du code du travail.

Article 32
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Article 32 bis A

Article 32 bis AA

(Texte du Sénat)

Peuvent être financées au titre de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue dans le cadre du plan de formation les dépenses correspondant à une part de la rémunération des salariés de cinquante-cinq ans et plus assurant le tutorat de jeunes de moins de vingt-six ans embauchés en contrat de professionnalisation. Un décret détermine les modalités d’application du présent article.

Article 32 bis AA
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Article 32 bis B

Article 32 bis A

(Texte du Sénat)

L’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 351-15. – L’assuré qui exerce une activité à temps partiel au sens de l’article L. 3123-1 du code du travail peut demander la liquidation de sa pension de vieillesse et le service d’une fraction de celle-ci à condition :

« 1° D’avoir atteint l’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1 ;

« 2° De justifier d’une durée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes dans un ou plusieurs des régimes d’assurance vieillesse dont relèvent respectivement les salariés du régime général, les salariés agricoles et les personnes non salariées des professions artisanales, industrielles et commerciales, des professions libérales et des professions agricoles fixée à 150 trimestres.

« Cette demande entraîne la liquidation provisoire et le service de la même fraction de pension dans chacun des régimes mentionnés au 2°.

« La fraction de pension qui est servie varie dans des conditions fixées par voie réglementaire en fonction de la durée du travail à temps partiel ; en cas de modification de son temps de travail, l’assuré peut obtenir la modification de cette fraction de pension au terme d’un délai déterminé.

« L’assuré est informé des conditions d’application de l’article L. 241-3-1. »

Article 32 bis A
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Article 32 bis C

Article 32 bis B

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

Les demandeurs d’emploi qui bénéficient au 31 décembre 2010 de l’allocation équivalent retraite continuent d’en bénéficier jusqu’à l’âge prévu à l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale.

Titre V ter

MESURES RELATIVES À L’ÉPARGNE RETRAITE

Article 32 bis B
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Article 32 bis

Article 32 bis C

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

L’épargne retraite, qui vise à compléter les pensions dues au titre des régimes de retraite par répartition légalement obligatoires, permet de disposer, à partir du départ à la retraite, de ressources provenant d’une épargne constituée individuellement ou collectivement à partir de versements sur une base volontaire ou obligatoire réalisés à titre privé ou lors de l’activité professionnelle.

Article 32 bis C
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Article 32 ter A

Article 32 bis

(Texte du Sénat)

L’article L. 3334-8 du code du travail est complété par les mots et trois alinéas ainsi rédigés : « ou contribuer au financement de prestations de retraite qui revêtent un caractère collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d’une des procédures mentionnées à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale. 

« En l’absence de compte épargne-temps dans l’entreprise, le salarié peut, dans la limite de cinq jours par an, verser les sommes correspondant à des jours de repos non pris sur le plan d’épargne pour la retraite collectif ou faire contribuer ces sommes au financement de prestations de retraite qui revêtent un caractère collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d’une des procédures mentionnées à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale. Le congé annuel ne peut être affecté à l’un de ces dispositifs que pour sa durée excédant vingt-quatre jours ouvrables. 

« Les sommes ainsi épargnées bénéficient de l’exonération prévue à l’article L. 242-4-3 du même code ou aux articles L. 741-4 et L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime en tant qu’ils visent l’article L. 242-4-3 du code de la sécurité sociale.

« Elles bénéficient également, selon le cas, des régimes prévus aux 2° ou 2° 0 bis de l’article 83 du code général des impôts ou de l’exonération prévue au b du 18° de l’article 81 du même code. »

Article 32 bis
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Article 32 ter B

Article 32 ter A

(Suppression maintenue par la commission mixte paritaire)

Article 32 ter A
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Article 32 ter

Article 32 ter B

(Texte du Sénat)

L’article L. 3334-11 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il leur est également proposé une allocation de l’épargne permettant de réduire progressivement les risques financiers dans des conditions fixées par décret. »

Article 32 ter B
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Article 32 quater

Article 32 ter

(Texte du Sénat)

I. – L’article L. 3323-2 du même code est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Tout accord de participation existant à la date de promulgation de la loi n° … du … portant réforme des retraites doit être mis en conformité avec le présent article et l’article L. 3323-3 au plus tard le 1er janvier 2013. »

II et III. – (Supprimés)

IV. – Le premier alinéa de l’article L. 3324-12 du même code est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque le salarié, et le cas échéant le bénéficiaire visé au deuxième alinéa de l’article L. 3323-6 et au troisième alinéa de l’article L. 3324-2, ne demande pas le versement en tout ou partie des sommes qui lui sont attribuées au titre de la participation dans les conditions prévues à l’article L. 3324-10 ou qu’il ne décide pas de les affecter dans l’un des dispositifs prévus par l’article L. 3323-2, sa quote-part de réserve spéciale de participation, dans la limite de celle calculée à l’article L. 3324-1, est affectée, pour moitié, dans un plan d’épargne pour la retraite collectif lorsqu’il a été mis en place dans l’entreprise et, pour moitié, dans les conditions prévues par l’accord mentionné à l’article L. 3323-1. Les modalités d’information du salarié sur cette affectation sont déterminées par décret.

« Les modalités d’affectation de la part des sommes versées aux salariés au titre de la participation aux résultats de l’entreprise supérieure à celle calculée selon les modalités de l’article L. 3324-1 peuvent être fixées par l’accord de participation. »

Article 32 ter
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Article 32 quinquies

Article 32 quater

(Suppression maintenue par la commission mixte paritaire)

Article 32 quater
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Article 32 sexies

Article 32 quinquies

(Texte du Sénat)

I. – Un régime de retraite supplémentaire à prestations définies répondant aux caractéristiques des régimes mentionnés au premier alinéa du I de l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale réservé par l’employeur à une ou certaines catégories de ses salariés ou aux personnes visées au deuxième alinéa de l’article L. 3323-6 et au troisième alinéa de l’article L. 3324-2 du code du travail ne peut être mis en place dans une entreprise que si l’ensemble des salariés bénéficie d’au moins un des dispositifs suivants :

1° Plan d’épargne pour la retraite collectif prévu au chapitre IV du titre III du livre III de la troisième partie du code du travail ;

2° Régime de retraite supplémentaire auquel l’affiliation est obligatoire et mis en place dans les conditions prévues à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale.

3° (Supprimé)

II. – Lorsqu’un régime de retraite supplémentaire mentionné au premier alinéa du I existe dans l’entreprise à la date de promulgation de la présente loi, cette entreprise est tenue de mettre en place, au plus tard le 31 décembre 2012, pour l’ensemble de ses salariés, l’un des dispositifs prévus par les 1° et 2° du même I, sauf si le régime n’accueille plus de nouvelles personnes adhérentes à compter de sa date de fermeture lorsque celle-ci est antérieure à la promulgation de la présente loi.

Article 32 quinquies
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 32 octies A

Article 32 sexies

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

I. – Après le onzième alinéa de l’article L. 132-22 du code des assurances, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les contrats liés à la cessation d’activité professionnelle, l’entreprise d’assurance ou de capitalisation fournit, dans cette communication, une estimation du montant de la rente viagère qui serait versée à l’assuré à partir de ses droits personnels. Elle précise, le cas échéant, les conditions dans lesquelles l’assuré peut demander le transfert de son contrat auprès d’une autre entreprise d’assurance, d’une mutuelle ou d’une institution de prévoyance. Un arrêté précise les conditions d’application du présent alinéa. »

II. – Après le neuvième alinéa de l’article L. 223-21 du code de la mutualité, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les garanties liées à la cessation d’activité professionnelle, la mutuelle ou l’union fournit, dans cette communication, une estimation du montant de la rente viagère qui serait versée au membre adhérent à partir de ses droits personnels. Elle précise, le cas échéant, les conditions dans lesquelles le membre adhérent peut demander le transfert de sa garantie auprès d’une autre mutuelle, d’une entreprise d’assurance ou d’une institution de prévoyance. Un arrêté précise les conditions d’application du présent alinéa. »

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Article 32 sexies
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 32 octies B

Article 32 octies A

(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)

I. – L’article L. 132-23 du code des assurances est ainsi modifié :

1° Le quatrième alinéa est complété par les mots : « ou toute situation justifiant ce rachat selon le président du tribunal de commerce auprès duquel est instituée une procédure de conciliation telle que visée à l’article L. 611-4 du code de commerce, qui en effectue la demande avec l’accord de l’assuré » ;

2° Après le cinquième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« – décès du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ;

« – situation de surendettement de l’assuré définie à l’article L. 330-1 du code de la consommation, sur demande adressée à l’assureur, soit par le président de la commission de surendettement des particuliers, soit par le juge lorsque le déblocage des droits individuels résultant de ces contrats paraît nécessaire à l’apurement du passif de l’intéressé. »

II. – L’article L. 223-22 du code de la mutualité est ainsi modifié :

1° Le quatrième alinéa est complété par les mots : « ou toute situation justifiant ce rachat selon le président du tribunal de commerce auprès duquel est instituée une procédure de conciliation telle que visée à l’article L. 611-4 du code de commerce, qui en effectue la demande avec l’accord du membre adhérent » ;

2° Après le cinquième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« – décès du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ;

« – situation de surendettement de l’adhérent définie à l’article L. 330-1 du code de la consommation, sur demande adressée à l’assureur, soit par le président de la commission de surendettement des particuliers, soit par le juge lorsque le déblocage des droits individuels résultant de ces contrats paraît nécessaire à l’apurement du passif de l’intéressé. »

Article 32 octies A
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Article 32 octies

Article 32 octies B

(Texte du Sénat)

Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 132-23 du code des assurances, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Les contrats qui relèvent du régime de retraite complémentaire institué par la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique peuvent prévoir, à la date de cessation d’activité professionnelle, une possibilité de rachat dans la limite de 20 % de la valeur des droits individuels résultant de ces contrats. »

Article 32 octies B
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 32 nonies

Article 32 octies

(Texte du Sénat)

Le b du 1 du I de l’article 163 quatervicies du code général des impôts est ainsi rédigé :

« b) À titre individuel et facultatif aux contrats souscrits dans le cadre de régimes de retraite supplémentaire, auxquels l’affiliation est obligatoire et mis en place dans les conditions prévues à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, lorsque ces contrats sont souscrits par un employeur ou un groupement d’employeurs ; ».

Article 32 octies
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 33

Article 32 nonies

(Texte du Sénat)

La seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 144-1 du code des assurances est complétée par les mots : « et peut être entièrement cumulé avec une activité professionnelle, dans les conditions prévues à l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale ».

TITRE VI

DISPOSITIONS FINALES

Article 32 nonies
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 33

(Texte du Sénat)

I. – L’article 3 entre en vigueur le 1er janvier 2012.

II. – Les articles 5 à 20 bis, 27 ter AC, 27 ter AF et 27 ter AG sont applicables aux pensions prenant effet à compter du 1er juillet 2011.

III. – L’article 22 entre en vigueur le 1er juillet 2011 et est applicable aux demandes de pension déposées à compter de cette date.

IV. – L’article 25 est applicable aux expositions intervenues à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2012.

IV bis. – L’article 29 bis est applicable aux demandes d’allocation de veuvage déposées à compter du 1er janvier 2011.

V. – L’article 30 est applicable aux indemnités journalières d’assurance maternité versées dans le cadre des congés de maternité débutant à compter du 1er janvier 2012.

VI. – (Supprimé)

VII. – Le IV de l’article 32 ter est applicable aux droits à participation attribués au titre des exercices clos après la promulgation de la présente loi.

M. le président. Sur ces articles, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

Vote sur l'ensemble

Article 33
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le ministre, nous voici arrivés à l’heure du vote solennel sur votre projet de loi relatif aux retraites. Ce sera donc avec solennité, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que je m’adresserai à vous cet après-midi.

Depuis le premier jour, nous n’avons cessé de dénoncer, d’argumenter, de proposer. Aujourd’hui, je m’en tiendrai à l’essentiel : cette loi est injuste ! Elle fait reposer l’effort, tout l’effort, sur celles et ceux qui donnent déjà tant et qui, demain, souffriront plus encore.

Monsieur le ministre, au cours des dernières semaines, votre projet de loi et l’attitude du Gouvernement comme du Président de la République ont fait trois victimes.

La première, c’est la nation, je veux dire par là l’ensemble des Françaises et des Français. Leur mobilisation répétée et massive le démontre : ils ne veulent pas de la réforme que vous leur proposez. Ce sont eux qui vont être touchés par votre projet de loi, qualifié même par un membre du Gouvernement de texte de « régression sociale ». Quel aveu !

M. Jean-Pierre Bel. En procédant ainsi, vous avez fait, au passage, une deuxième victime : depuis 2007, vous avez tué l’idée même de réforme !

Lorsque Nicolas Sarkozy a été élu à la présidence de la République, en 2007, il existait l’idée qu’une réforme a pour objet d’améliorer la vie des gens, la vie de ceux que nous représentons. Mais, depuis, qu’avez-vous fait ? Qu’en est-il de cette idée de progrès ?

Vous avez mis en place le bouclier fiscal, qui protège les amis du Fouquet’s et épargne très largement les hauts revenus, les grandes fortunes et les capitaux spéculatifs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Louis Carrère. C’est bien vrai !

M. Jean-Pierre Bel. Vous avez voté un plan de relance qui injecte de l’argent public dans les banques sans demander le moindre engagement en contrepartie.

Face à votre échec en matière de politique économique et sociale, vous avez identifié des boucs émissaires faciles, en particulier les élus locaux et leurs collectivités, mais surtout les plus fragiles, ceux qui ont du mal à se défendre, en concentrant sur eux la brutalité de vos paroles et de vos actes. Comme si cela apportait la moindre solution concrète aux maux de notre pays ! Comme si c’était là une attitude digne d’une grande République !

Et puis, cerise sur le gâteau, vous avez engagé une réforme des retraites commanditée par le patronat. Hier encore, à la télévision, on a vu Mme Parisot dicter la ligne de conduite à tenir sur les seniors et sur les jeunes, ligne aussitôt approuvée par le ministre présent !

M. Guy Fischer. Scandaleux !

M. Nicolas About. Et par la CFDT !

M. Jean-Louis Carrère. Il y en a qui sortiront au prochain remaniement…

M. Jean-Pierre Bel. Ce faisant, vous avez fait votre troisième victime : vous avez abîmé notre République, abîmé notre démocratie !

Vous vous êtes lancés dans une réforme pour laquelle vous n’aviez pas reçu de mandat : c’est un reniement de la parole d’État, une atteinte inouïe à la conception que nous avons de notre démocratie.

Vous vous êtes privés d’un véritable échange avec les partenaires sociaux : c’est un bien mauvais coup porté à notre démocratie sociale. Tous les syndicats confirmeront qu’aucune négociation collective digne de ce nom n’a eu lieu. Toutes les ouvertures qu’ils ont faites sont restées sans réponse ; toutes les demandes de dialogue social sont restées lettre morte.

Enfin, vous avez engagé la discussion de ce projet de loi en considérant que le Parlement devait se plier à vos impératifs de temps et de calendrier. Ce faisant, vous avez méprisé notre démocratie parlementaire.

Pourtant, les effets d’annonce n’ont pas manqué. Souvenez-vous, mes chers collègues : au début de nos travaux, que n’a-t-on entendu ! Il y aurait du temps pour débattre. Mais les débats ont été interrompus à l’Assemblée nationale, perturbés et censurés au Sénat, où l’ordre du jour a été modifié au gré des desiderata de l’Élysée.

M. Jean-Marc Todeschini. Malgré les promesses du président du Sénat !

M. Jean-Pierre Bel. Nous avons également entendu que le débat serait transparent. Mais vous n’avez eu de cesse de priver nos concitoyens d’un débat clair, en assénant que nous n’avions pas de projet alternatif, et cela au moment même où, notre projet, vous nous empêchiez de le défendre devant notre assemblée, où vous n’aviez de cesse de dénoncer nos propositions. Étrange paradoxe !

Vous nous aviez dit aussi que le Sénat serait respecté. Vous en aviez vous-même pris publiquement l’engagement, monsieur le président. Mais ne nous racontons pas d’histoires : le Sénat a été désavoué tout au long de cette séquence.

À quoi sert notre prétendue indépendance d’esprit si notre ordre du jour est fixé à l’Élysée ? Où est le respect du Sénat lorsque le Gouvernement décrète le recours à l’article 44-3, qui met un terme à nos débats ? Nos travaux doivent-ils être calqués sur la stratégie de communication de l’Élysée et sur les impératifs de calendrier du Président de la République ?

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez cru pouvoir vous exprimer en parlant, à propos de ce texte, du syndrome du dentiste. Mais je vous le dis : ce projet de loi fera du mal et le mal sera durable ! La manière dont le Gouvernement a conduit les débats laissera des traces.

Nous nous sommes employés à faire entendre notre voix et à présenter un autre projet. Pour ce qui nous concerne, nous allons à nouveau nous tourner vers les partenaires sociaux, vers les Français, pour débattre ensemble de nos propositions, sur ce sujet comme sur d’autres.

En effet, il appartient à ceux qui, aujourd’hui, sont opposés à votre funeste politique de construire l’alternative, d’offrir une espérance, de dire à tous qu’il n’y a pas de fatalité à la régression, que le mépris n’aura qu’un temps et qu’ensemble nous nous retrouverons pour tracer un autre chemin.

C’est notre responsabilité, c’est notre fierté, c’est notre honneur ! Oui, mes chers collègues, pour nous, aujourd’hui comme demain, un seul objectif, un seul chemin, un seul cap : rendre l’espoir aux Français ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour explication de vote.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes arrivés au terme d’un débat qui nous aura mobilisés durant trois semaines, y compris, bien souvent, la nuit.

Ces quelque cent quarante heures consacrées à l’examen du projet de loi portant réforme des retraites resteront gravées dans les annales de l’histoire parlementaire. Néanmoins, sur ce sujet majeur, nous aurions davantage débattu si, dans sa dernière ligne droite, le débat n’avait été faussé, pour ne pas dire censuré.

Je vous l’ai dit la semaine dernière, monsieur le ministre, je me permets de vous le répéter,...

M. Claude Domeizel. Il n’écoute pas !

M. Yvon Collin. ... le recours au vote bloqué sur cette réforme est et restera comme une faute politique. (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

De cet épisode parlementaire, nous retiendrons un texte voulu à tout prix par un Gouvernement resté insensible aux attentes de millions de Français qui sont descendus dans la rue pour dénoncer haut et fort l’injustice de cette réforme.

Monsieur le ministre, le Gouvernement commet une grave erreur de gouvernance en s’entêtant à faire passer coûte que coûte une réforme présentée comme arithmétique alors qu’elle est dogmatique, présentée comme négociée alors qu’elle est imposée.

D’ailleurs, bien avant que la rue ne gronde de colère, bien avant que les Français ne manifestent, nous étions nombreux ici à avoir alerté le Gouvernement sur les dangers d’un texte qui ne ferait pas l’objet d’un consensus républicain.

Moi-même, le 19 février dernier, lors des questions d’actualité, j’avais interpellé le M. le Premier ministre pour lui dire que « les réformes ne se font jamais contre les Français, mais avec eux, et que plusieurs de ses prédécesseurs l’avaient appris à leurs dépens ».

M. Yvon Collin. Souvenons-nous aussi qu’à cette époque le Président de la République s’était engagé, à l’issue du sommet social, à refuser tout recours au passage en force.

Gouverner, ce n’est pas pratiquer l’autoritarisme. Diriger, c’est conduire un peuple avec son assentiment. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

Ce texte, et c’est son défaut majeur, est aux antipodes du consensus républicain. Alors que le principe d’une réforme était accepté, admis par la majorité de nos concitoyens, vous avez réussi, par des dispositifs faisant des salariés la seule variable d’ajustement, à déclencher un rejet généralisé.

Quant à la promesse présidentielle du 15 février 2010 de ne pas bloquer les débats, nous nous sommes aperçus depuis qu’elle a volé en éclats, c’est le moins que l’on puisse dire ! Du règlement méprisé à l’Assemblée nationale au vote unique décidé jeudi dernier au Sénat, le passage en force a bel et bien été imposé au Parlement !

Le comble, c’est que l’article 44-3 a été « dégainé » au moment de l’examen des articles additionnels, ceux-là mêmes qui auraient permis à l’opposition de défendre ses propositions, dont vous avez toujours nié l’existence. Et il est certain, monsieur le ministre, que vous avez tout fait pour les étouffer parce que, au fond, vous savez qu’une autre voie est possible !

Si vous nous en aviez donné l’occasion, oui, nous aurions pu faire valoir que d’autres pistes étaient envisageables, des pistes tenant réellement compte des carrières longues, de la pénibilité, de la situation des femmes, du handicap...

Certes, vous avez fait un pas en direction du système de retraite à points, auquel le RDSE et les radicaux sont particulièrement attachés. Cette avancée vous a d’ailleurs fait reconnaître, fût-ce implicitement, qu’il existait bien d’autres solutions que le relèvement de l’âge de la retraite !

Quand il était encore temps de rechercher ce consensus républicain dont je parlais à l’instant, j’ai demandé, avec mes collègues présidents des groupes CRC-SPG et socialiste, une suspension des débats. À quoi vous avez répondu, monsieur le ministre : « Suspendre ? Quelle drôle d’idée ! ». Pourtant, les drôles d’idées, il me semble que c’est plutôt chez vous qu’elles germent…

En effet, n’est-ce pas une drôle d’idée que de reporter l’essentiel du poids de la réforme sur les salariés quand les dividendes progressent toujours plus sans être fiscalement inquiétés ?

Quelle drôle d’idée aussi que de demander à ceux qui ont des métiers pénibles de travailler plus ! Quelle drôle d’idée de récompenser les salariés qui ont commencé tôt en leur demandant de travailler plus longtemps ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Enfin, sur la forme, quelle drôle d’idée que de brandir le vote unique sur un texte dont les enjeux exigeaient le débat le plus démocratique possible !

Vous le voyez bien, monsieur le ministre, c’est votre gouvernement qui a de drôles d’idées, de mauvaises idées. L’opposition vous l’a démontré. Les Français vous l’ont dit. Vous n’avez visiblement pas tout entendu. En conséquence, les radicaux de gauche et la grande majorité du RDSE ne voteront pas cette réforme des retraites ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, vous avez fait preuve d’une remarquable constance. Droit dans vos bottes, vous avez inlassablement répété que votre réforme était la seule possible pour combler le déficit du régime de retraite. C’est un mensonge ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Nous vous avons proposé de faire cotiser les revenus financiers au même taux que les revenus du travail. Vous avez systématiquement refusé le débat.

Vous avez martelé que cette réforme était juste. C’est un mensonge !

Elle repose à 85 % sur les salaires, et surtout sur les plus modestes d’entre eux – ceux qui ont commencé a travaillé tôt et qui vont devoir cotiser durant quarante-quatre ans pour accéder à la retraite –, sur les femmes, qui seront discriminées pendant longtemps encore dans leur carrière professionnelle.

Vous avez martelé que vous preniez en compte la pénibilité. C’est un mensonge ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Nous pouvons en citer neuf !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez refusé tout débat sur la pénibilité des métiers et transformé la pénibilité en invalidité individuelle.

Vous avez martelé que vous aviez sauvé les retraites par répartition. C’est un mensonge !

Rien n’est réglé après 2018, et vous avez d’ailleurs décidé d’envisager une réforme systémique dès 2013.

La vérité a été clairement rétablie par Mme Parisot, hier, à la télévision, où elle est apparue rayonnante. Elle a tenu à dire qu’elle était la marraine de cette réforme. (Exclamations et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Mais nous le savions et l’avions d’ailleurs dit.

En effet, si le Président de la République a renié son engagement de 2007 de ne pas porter atteinte à la retraite à 60 ans, le MEDEF, lui, avait publié dès cette année-là le véritable programme de la droite : en finir avec la retraite à 60 ans et aller vers la retraite par capitalisation.

Mme Parisot se félicite du résultat et elle vous félicite. Il est bien clair que ce gouvernement et cette majorité ne veulent toucher à aucun des privilèges de ceux qui engrangent des dividendes, de ceux qui reçoivent de stock-options, de ceux qui touchent des retraites chapeaux, de ceux qui bénéficient de niches fiscales éhontées, de ceux qui jouissent du bouclier fiscal. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce qui est tout aussi clair, c’est que ce gouvernement et cette majorité veulent maintenant faire payer cette réforme des retraites aux salariés et à eux seuls, eux qui ont déjà payé la crise financière provoquée par ceux que je viens de citer !

Monsieur le ministre, l’immense majorité de nos concitoyens sont contre votre réforme. Ils le sont parce qu’ils ont très bien compris qu’elle était injuste.

Ils savent qu’il est scandaleux de repousser l’âge de la retraite quand des millions de salariés sont écartés, bien avant leur 60e anniversaire, du marché du travail par le patronat.

Ils savent aussi que l’on ne peut pas exercer de métier pénible au-delà de 60 ans, et même avant.

Ils savent que repousser l’âge de la retraite, c’est retarder l’entrée des jeunes sur le marché du travail. La jeunesse l’a bien compris, et vos dénégations sur le sujet n’y changeront rien.

Ils savent enfin que votre politique, c’est toujours plus pour la France d’en haut, toujours moins pour la France d’en bas. (Même mouvement sur les mêmes travées.)

Vous invoquez la légitimité du Parlement. Oui, le Parlement est légitime, et c’est la raison pour laquelle il ne mérite pas d’être malmené comme vous l’avez malmené depuis le début de la discussion parlementaire.

Quand le Gouvernement et sa majorité se trouvent à ce point en décalage avec le peuple, le bon fonctionnement de nos institutions devrait permettre de statuer. Notre système actuel verrouille les institutions, mais les politiques ont toujours la possibilité d’entendre et de prendre des décisions.

Vous devez répondre aux organisations syndicales et à nos concitoyens et accepter d’ouvrir un véritable dialogue sur l’ensemble des paramètres d’une réforme des retraites. Hélas, vous ne voulez rien entendre et vous ne répondez que par la provocation. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Monsieur le ministre, nous voterons contre votre réforme parce que nous voulons la justice sociale, la solidarité nationale, et nous voulons aussi qu’il soit mis fin aux privilèges exorbitants de quelques-uns. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet. (Applaudissements et vivats sur les travées de lUMP. – Huées sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Gérard Longuet. Le groupe UMP, avec conviction, votera les conclusions de la commission mixte paritaire. (Nouveaux applaudissements sur les travées de lUMP.)

Le groupe UMP les votera avec conviction parce que nous avons la certitude, monsieur le ministre, que votre loi est à la fois juste et forte. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

C’est bien entendu à dessein que j’utilise ces deux mots, chers collègues !

Elle est juste parce qu’elle sauve le régime de retraite par répartition. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Elle est forte parce que c’est la seule loi qui sauve effectivement, dans le contexte économique d’aujourd’hui, ce régime juste de retraite par répartition.

Nous ne sommes mus ni par le masochisme – c’est-à-dire le plaisir solitaire de s’opposer à tout le monde – ni même, chers collègues de gauche, par la cruauté, car nous connaissons parfaitement le monde du travail que nous représentons autant que vous. (Protestations sur les mêmes travées. – Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. D’ailleurs, vous le rencontrez régulièrement au Fouquet’s !

M. Gérard Longuet. En revanche, il y a quelque chose que nous avons et qui vous a quelque peu fait défaut par le passé : je veux parler du sens de la responsabilité collective d’élus devant rendre des comptes à 64 millions de Français qui ont le droit de savoir si leur régime de retraite pourra continuer de fonctionner. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Ici, dans cette assemblée, nous avons une compétence forte parce que la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale a présenté, à trois reprises, des rapports de fond qui tiraient le signal d’alarme. Vous apportez une réponse, monsieur le ministre, que vos prédécesseurs de 1982 n’avaient même pas esquissée puisqu’ils avaient refusé au Parlement un débat sur la retraite à 60 ans, de peur de faire apparaître leurs propres contradictions. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.)

M. René-Pierre Signé. Nous avions gagné les élections et appliquions notre programme !

M. Gérard Longuet. Apporter cette réponse est aujourd'hui un devoir absolu, et je reconnais qu’elle n’était pas à l’ordre du jour fixé en 2007. Pourquoi cela ? Parce que nous avions répondu au signal d’alarme justement tiré par Michel Rocard en 1991, et cela dès 1993, avec Édouard Balladur, puis en 2003, avec M. le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et François Fillon. Toutefois, ce qui n’était pas à l’ordre du jour de 2007 s’est imposé avec la crise de 2008. (Brouhaha sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Que vous le vouliez ou non, le premier devoir d’un gouvernement est de faire face aux obstacles que rencontre une communauté. Manifestement, le Gouvernement ne pouvait pas méconnaître cette évidence. La crise économique a accéléré de vingt ans les rendez-vous financiers de notre régime de retraite.

C’est la raison pour laquelle nous avions un devoir absolu d’apporter une réponse. Et, monsieur le ministre, votre loi nous permet d’accomplir ce devoir.

Le travail parlementaire au Sénat a été long ; il a été intéressant ; il a été fructueux ; il a été riche.

M. Jean-Claude Gaudin. Il a surtout été long !

M. Gérard Longuet. Il nous a permis de faire progresser le texte issu de l’Assemblée nationale.

Je constate avec plaisir que la commission mixte paritaire, comme nous nous y étions engagés devant l’ensemble des collègues, a repris l’essentiel des amendements de notre Haute Assemblée pour enrichir ce texte et répondre à des questions précises sur les mères de famille, sur la pénibilité, sur les chômeurs de longue durée, sur les parents handicapés ainsi que sur les travailleurs handicapés. (C’est faux ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Nous avons utilement progressé sur la médecine du travail même si, en définitive, monsieur le rapporteur, votre objectif d’alterner les présidences des services de médecine du travail n’a pas été retenu. (Véhémentes protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous avons été trompés !

M. Gérard Longuet. Nous avons fait un travail utile, qui appuie et conforte le devoir impérieux que vous avez assumé, monsieur le ministre, d’apporter à nos compatriotes une réponse de court terme à cette question simple : le régime de retraite par répartition peut-il fonctionner ces prochaines années ? (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Quel aveu !

M. Charles Gautier. Aveu d’échec !

M. Gérard Longuet. Grâce à vous, monsieur le ministre, la réponse devant l’opinion publique, devant 64 millions de Français concernés, qu’ils soient actifs, retraités ou parents des uns et des autres, est manifestement affirmative.

J’évoquerai, pour terminer, une disposition ajoutée par le Sénat qui revêt à mes yeux une importance fondamentale : je veux parler des trois amendements identiques portant article additionnel qui ont permis de mettre en place le rendez-vous 2013 pour la réforme systémique. (Exclamations sur les mêmes travées.)

Redoutez-vous le débat ? Avez-vous peur d’affronter les réalités ? Méconnaissez-vous les grands systèmes qui commandent les régimes de retraite en Europe et dans le monde ? (Brouhaha sur les mêmes travées.) Pourquoi diable craignez-vous ce rendez-vous ? Nous, nous avons l’ambition, ensemble, d’apporter une réponse durable au régime des retraites par répartition. Et, ce rendez-vous de 2013 est possible parce que, monsieur le ministre, avec nous, vous avez sauvé, dans le moment présent, un régime auquel nos compatriotes sont attachés ! (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées de lUMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.)

M. Roland Povinelli. C’est ça ! Et bientôt vous serez ministre !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au bout d’un débat long et passionné – nous venons encore de le voir –, au cours duquel tout a été dit et redit maintes et maintes fois.

Essayons, pour notre part, d’en faire un rapide bilan.

Depuis la publication du projet de réforme des retraites, le groupe de l’Union centriste a approuvé sa mesure principale : le report de la borne d’âge de 60 ans à 62 ans. Il a approuvé ce report sous réserve qu’il soit aménagé pour les carrières longues et que soient réduites un certain nombre d’injustices et d’inégalités du système.

Ainsi, notre groupe refusait le passage brutal de 65 ans à 67 ans de la retraite sans décote pour les carrières incomplètes, car il pénalisait les plus fragiles. Le Gouvernement a accepté notre amendement visant à maintenir la borne de 65 ans pour les assurés ayant interrompu ou réduit leur carrière en leur qualité d’aidant familial ou pour élever trois enfants. Nous en avons évidemment pris acte avec satisfaction.

Le groupe centriste demandait aussi la prise en compte de la pénibilité à effets différés pour les salariés exposés à des risques professionnels réduisant leur espérance de vie.

Il souhaitait également, autre mesure essentielle à nos yeux, l’égalité de tous devant la retraite par la reconnaissance et la mise en œuvre du système universel par points.

De ces deux propositions, seule cette dernière a été retenue, et une réflexion nationale est envisagée sur la réforme systémique. Elle sera engagée en 2013, ce qui ouvre, avouons-le, un nouvel horizon pour sauver le principe de la répartition.

Sur la pénibilité, les sénateurs centristes ont regretté, monsieur le ministre, que le débat amorcé n’ait pu aller à son terme. Le sujet, d’importance, a été repoussé à 2014. Or, nous vous le rappelons, il est selon nous indispensable que, au regard de la cohésion sociale de notre pays, cette question soit réglée.

Ainsi, à la lumière de ce bilan, nous sommes aujourd’hui devant un dilemme : la bouteille est-elle à moitié pleine ou à moitié vide ?

M. Jean-Louis Carrère. Complètement vide ! Mais elle est consignée !

M. Jean-Marc Todeschini. Bah, elle est cassée !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ce n’est pas mon avis !

Notre groupe est d’accord sur un point incontournable : il fallait agir dans l’urgence pour rétablir l’équilibre des comptes.

La majorité d’entre nous a jugé que cette réforme était nécessaire et que les amendements adoptés par le Parlement valaient approbation du texte.

D’autres, moins nombreux, ont décidé de ne pas empêcher cette réforme, mais de ne pas l’approuver non plus dans sa forme actuelle : ils s’abstiendront, tout en regrettant une certaine rigidité du Gouvernement. Trop préoccupé par l’équilibre financier du système, celui-ci n’a pas suffisamment pris en compte les dimensions sociale et humaine, notamment pour les carrières longues et la pénibilité.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Cela aurait permis de maintenir, pour les assurés concernés, la retraite à 60 ans, ce qui correspond en réalité, si l’on décode bien ce qui s’est passé, à la demande exprimée par la rue.

M. Jean-Marc Todeschini. C’est vrai !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Arrêtons-nous un instant sur la méthode adoptée et rappelons-nous la formule du Michel Crozier, sociologue fort célèbre voilà encore quelques années : « On ne change pas la société par décret. »

Nous regrettons que le dialogue social n’ait pas été poussé à son terme, à savoir la recherche d’un compromis équilibré avec les partenaires.

Au final, je crains que le coût social de cette réforme ne soit supérieur aux économies financières, pourtant indispensables, qu’elle doit engendrer.

On ne sauvera d’ailleurs pas les retraites sans une redéfinition de la valeur travail et une politique plus dynamique de l’emploi, notamment en faveur des jeunes et des seniors. Certes, c’est un autre débat, mais il pèse à tel point sur le sujet des retraites qu’on ne pourra, demain, en faire l’économie. tout le monde le sait, il n’est pas possible de continuer à financer les retraites à crédit, via la CADES, la caisse d’amortissement de la dette sociale.

Je ne voudrais pas terminer ce propos sans remercier chaleureusement Mme la présidente de la commission des affaires sociales, Muguette Dini, mais aussi le rapporteur, Dominique Leclerc, pour son écoute, sa compétence, ses convictions – il en a fallu ! –, bref non seulement pour la qualité de son travail, mais aussi pour sa patience devant tant de passion. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. « La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1945 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance. »

C’est ainsi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’à l’automne 2007, dans le magazine Challenges, Denis Kessler, ancien vice-président du MEDEF et patron des assurances, glorifiait les objectifs du sarkozysme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Si je le cite une nouvelle fois, c’est parce que son programme, force est en effet de le constater, est systématiquement mis en œuvre par ce gouvernement : la réforme des retraites en est une nouvelle illustration.

Sans jamais l’assumer, ce gouvernement aura instrumentalisé toutes les difficultés, prétendant que, pour sauver l’indispensable, il fallait sacrifier l’essentiel. Ce discours n’a pour vocation que d’interdire toute critique et de balayer d’un « nous n’avons pas le choix ! » toute proposition alternative. Aussi pratique pour l’exercice du pouvoir que délétère pour celui de la démocratie !

Dans ce combat que mènent la droite et le patronat contre le programme du Conseil national de la Résistance, c’est tout l’esprit d’un pays qui risque de disparaître. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Mme Raymonde Le Texier. La belle idée de ces hommes et de ces femmes, qui ont risqué leur vie pour que nos lendemains soient libres et pour que les Français ne soient plus jamais dressés les uns contre les autres, fut de créer un pacte social de fraternité et de solidarité. Alors que le pays était exsangue, ravagé par la guerre, alors même qu’il connaissait le rationnement et le dénuement, voici ce qu’a su élaborer le Conseil national de la Résistance : un pacte social ambitieux, solidaire et protecteur.

Votre politique l’a tellement mis à mal que la voie de la réforme est aujourd’hui impossible à suivre : vous avez perdu la confiance des citoyens, trahi les attentes des syndicats et forcé la main des parlementaires. C’est dommage, car notre pays méritait une authentique réforme des retraites, qui réponde aux enjeux financiers, mette l’emploi au cœur des efforts de redressement, lutte contre l’injustice dont sont victimes les jeunes, les seniors et les femmes, assure à notre système de répartition fiabilité et pérennité. Cette réforme-là est toujours devant nous.

Celle que vous avez promue se contente de transformer des retraités potentiels en chômeurs de longue durée. Vous comptez sur la précarité du travail pour que, de carrières incomplètes en contraintes exponentielles, les pensions servies ne soient plus à la hauteur des besoins. Il s’agit d’une régression sans précédent pour notre pays, régression ouvrant toutefois des perspectives aussi lucratives qu’alléchantes aux assurances privées, lesquelles voient dans ce nouveau marché un véritable eldorado.

Tout au long de ce débat, vous nous avez cité l’Allemagne en exemple. Quelle cohérence ! Car c’est bien l’Allemagne que nous rejoignons, mais celle de Bismarck (Rires et exclamations sur les travées de lUMP.), qui, au moment de la création du système des retraites au XIXe siècle, posa la question suivante à son conseiller : « À quel âge faut-il fixer la retraite pour qu’on n’ait jamais à la verser ? » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Nous n’avons cessé de le répéter, une autre réforme est possible. Les Français en ont conscience, les syndicats y sont prêts, la gauche y travaille et le Parti socialiste s’y est attelé. À l’occasion de cette prochaine réforme, portée par la gauche, nous serons animés par la ferveur et l’émotion que nous avons ressenties en écoutant, dans le cadre de nos débats, Pierre Mauroy et Jack Ralite. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Cela vous gêne, n’est-ce pas ?

Mme Raymonde Le Texier. Revenant sur l’abaissement à 60 ans de l’âge du départ à la retraite, ils nous ont raconté leur joie immense de militants qui, devenus ministres, ont changé concrètement la vie. Pour tous ceux qui ne pouvaient plus « arquer », pour tous ceux dont ils avaient entendu la souffrance et parfois partagé la détresse, ils ont changé la donne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Parce que la politique ne consiste pas à utiliser la dureté des temps pour détruire les protections des hommes, leurs voix ont fait entrer dans cet hémicycle un souffle dont la réforme que nous venons de voter est dépourvue.

Nous le savons, certains élus de la majorité ne partagent pas les choix iniques faits par ce gouvernement. À ceux-là nous disons sans détour : à l’heure des bilans, vous en serez aussi comptables.

Sincérité des convictions, volonté de justice et capacité de dialogue sont des ferments indispensables pour faire évoluer les sociétés. Dans cette réforme, on n’en trouve nulle trace. Voilà pourquoi le groupe socialiste votera résolument contre ce texte. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste ainsi que M. Robert Tropeano se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements non moins nourris sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans cet hémicycle passionné, me vient une réflexion que je puis m’empêcher de vous faire partager.

Lorsque j’étais dans la majorité, on me demandait souvent, au nom de la solidarité avec le Gouvernement, soit de retirer un amendement soit de me taire. Aujourd’hui que je suis dans l’opposition, une autre majorité me demande aussi, d’une certaine façon, en utilisant le règlement, de me taire. Je me dis : dans quelle démocratie nous vivons-nous ?

J’en viens à ce qui nous occupe aujourd’hui.

Malgré les modifications importantes apportées par le Sénat, la réforme proposée demeure injuste et désigne clairement les catégories qui vont en payer le prix : ceux qui ont commencé à travailler très tôt, dès l’âge de 16 ans ou juste après le baccalauréat, les femmes, ceux dont les parcours chaotiques sont dus à des périodes de chômage et, de façon plus générale, ceux qui entreront dans la catégorie des travailleurs modestes, voire pauvres.

Ce texte est injuste parce qu’il ne répartit pas équitablement le prix de la solidarité, le faisant peser toujours sur les mêmes, les salariés. Rien pour les revenus du capital ! Rien pour les retraites chapeaux ! Rien sur la fiscalité du patrimoine ! C’est ce déséquilibre qui crée l’injustice, ressentie d’ailleurs d’autant plus vivement que la crise économique pèse de tout son poids.

Pour l’essentiel, cette réforme, qui, sans doute, s’avérera vite insuffisante, n’envisage que l’aspect comptable des retraites, alors qu’elle aurait pu porter sur l’ensemble des paramètres : je pense aux sources de financement, qui sont dans ce texte quasiment unilatérales, aux inégalités entre générations, entre niveaux de pension, entre régimes de base, mais aussi entre hommes et femmes. Je pense également, bien sûr, à la politique de l’emploi. En effet, obliger les gens à travailler plus longtemps sans leur donner du travail après 55 ans, c’est fabriquer des chômeurs et des pauvres. Je crains que, en cette période de crise, en voulant combler le trou des caisses de retraite, on ne creuse surtout celui des caisses d’assurance chômage…

Il fallait au contraire, selon nous, raisonner plus globalement, en termes de politique des revenus, de partage des richesses tout au long de la vie, de répartition de la plus-value créée collectivement et d’équité entre les générations. La retraite n’est qu’un revenu différé, versé à un moment de la vie : elle aurait donc dû être intégrée dans le cadre plus général d’une politique des revenus.

Alors même que tous les Français sont conscients de la nécessité d’une réforme, la vôtre est perçue comme une punition.

M. Jean-Louis Carrère. C’est une punition !

M. Jean-Pierre Plancade. Car, au fond, que dites-vous à nos concitoyens ? « Vous vivez plus longtemps, vous coûtez plus cher, vous devrez donc payer ! » Pourquoi ne pas avoir prévu également une réforme fiscale donnant à chacun la chance de constituer un patrimoine en vue de ses vieux jours ? Même cela, vous ne l’autorisez pas ! Comme me le rappelait à l’instant Jean-Pierre Chevènement, reprenant ainsi la célèbre formule d’un sociologue, la retraite « est le capital de ceux qui n’en ont pas ».

De telles dispositions auraient permis de créer un sentiment de justice, de répartition plus équitable de la charge. C’est tellement vrai que vous-mêmes, chers collègues de la majorité, avez accepté, en adoptant un amendement en ce sens, de remettre à plat le système en 2013. Par ailleurs, au lieu de réformer globalement, vous envisagez d’engager l’année prochaine une réforme fiscale. En somme, on saucissonne les problèmes alors qu’ils sont intimement liés !

Oui, monsieur le ministre, nous voulons réformer nos systèmes de retraite, mais pas au pas de charge et de manière aussi brutale. Nous déplorons sincèrement que vous ayez opté pour une telle démarche, car un consensus national aurait pu et dû être trouvé sur ce dossier.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe du RDSE, et en particulier les radicaux, voteront contre ce projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Que retiendra-t-on de cette réforme ?

M. Jean-Louis Carrère. Son caractère injuste !

M. Guy Fischer. Un mois de débat pour consacrer la plus grande régression sociale de ces dernières décennies ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Rires et exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Joël Billard. Après les 35 heures !

M. Guy Fischer. Je voudrais insister sur deux sujets importants : le démantèlement à terme des trois fonctions publiques et la pénibilité.

En effet, les mesures restrictives concernant les fonctionnaires sont censées permettre d’économiser à elles seules la modique somme de 10 milliards d’euros. Pourtant, ces mesures sont sans effet direct sur le régime d’assurance vieillesse dans la mesure où les retraites des fonctionnaires sont garanties et prises en charge par le budget de l’État. Est-ce à dire que celui-ci se désengagera ? Qu’importe ! Vous justifiez ces mesures au nom de l’équité avec les salariés du privé, comme si l’équité devait être tout le temps et pour toujours synonyme de nivellement par le bas.

Cet argument ne nous convainc pas et nous voyons plus dans ces mesures une conséquence de la révision générale des politiques publiques, le but étant de satisfaire à un seul objectif : répondre aux exigences de l’Union européenne et des agences de notation.

Ainsi, les fonctionnaires paieront le prix fort et verront leurs cotisations sociales passer de 7,85 % à 10,55 %. C’est du jamais vu !

M. Adrien Gouteyron. C’est l’équité !

M. Guy Fischer. Vous n’avez jamais osé augmenter de la sorte les cotisations sociales d’aucune autre catégorie professionnelle. Vous ne le faites qu’avec les fonctionnaires !

À cette hausse proprement scandaleuse, puisqu’elle sera de près 35 % en dix ans, il faut ajouter le gel annoncé des salaires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Au final, du fait de ces deux seules mesures, les fonctionnaires verront à la fois leur salaire baisser notablement dans l’avenir et leur pouvoir d’achat se contracter.

Et puis, il y a aussi le durcissement des conditions d’accès au minimum garanti – preuve que les fonctionnaires ne sont pas les privilégiés que vous prétendez : chez eux aussi, la précarité explose – et la fermeture définitive du dispositif permettant aux assurés justifiant de quinze ans de carrière et parents de trois enfants de bénéficier d’un départ anticipé.

Ce qu’il faudra retenir, c’est que vous avez déjà supprimé 100 000 emplois de fonctionnaire et que vous vous apprêtez à en supprimer à nouveau 100 000 autres d’ici à 2013. Il s’agit là d’une véritable attaque contre les fonctions publiques et l’on assiste ainsi au démantèlement des services publics à la française. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées – M. Robert Tropeano applaudit également.)

Autres motifs de colère : la question de la prise en charge de la pénibilité et celle de la médecine du travail, une médecine du travail que vous avez choisi de livrer pieds et poings liés au MEDEF. Voilà la vérité ! (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

Je regrette d’ailleurs que la commission mixte paritaire ait adopté un amendement visant à supprimer la disposition que nous avions introduite au cours de nos débats et selon laquelle les directeurs des services de santé au travail étaient garants de l’indépendance des médecins du travail. Ils seront placés demain sous l’autorité du président de service, c’est-à-dire, une fois sur deux, sous l’autorité de l’employeur : une décision plus que contestable.

Nous regrettons également que nos travaux n’aient pas débouché sur la constitution d’une véritable agence nationale de santé au travail. J’écourte… (Ah ! sur les travées de lUMP.)

Les négociations entre partenaires sociaux, même si elles ont échoué par ailleurs, s’étaient bel et bien conclues par le droit à une cessation anticipée d’activité pour les salariés qui auraient réuni un certain nombre de critères. Le seul point d’achoppement, qui a conduit à l’arrêt des négociations, portait sur le financement de cette mesure. Autrement dit, c’est bien l’exigence du patronat de ne pas participer financièrement à cette réparation qui vous a conduits à proposer un mécanisme dont tous les professionnels s’accordent à dire qu’il est indigne.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Guy Fischer. Je vais donc conclure, monsieur le président, mais c’est bien pour vous faire plaisir ! (Sourires.)

Ce n’est pas la conception que nous nous faisions de la prise en charge de la pénibilité, qui aurait du reste mérité un traitement législatif particulier.

Pour toutes ces raisons, demeurant attachés à la retraite à 60 ans et restant au côté de notre peuple, nous voterons contre ce projet de loi injuste, brutal, inefficace, qui fera de la France le pays qui aura fait le plus grand pas en arrière en matière de droits sociaux. (Ovation debout de Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC-SPG. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de cette longue discussion, je tiens à remercier tout particulièrement Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, et Dominique Leclerc, son rapporteur. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.) Ils ne se sont jamais départis de leur sérénité et de leur courtoisie et ont tout fait pour faciliter l’expression de chacun d’entre nous. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Puisque nous sommes parvenus au terme de ce débat, monsieur le ministre, je veux vous dire que je voterai ce projet de loi (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP. – Marques de surprise feinte sur les travées du groupe socialiste.), qui, s’il ne constitue pas une injustice, ne règle pas pour autant au fond le problème de l’inégalité de nos concitoyens devant la retraite. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

Jusqu’alors, notre système de retraite souffrait de deux maux qui le condamnaient : en premier lieu, il filait droit vers la cessation de paiement et la faillite ; en second lieu, ses vingt et un régimes de base et ses nombreux régimes complémentaires obligatoires, gagés par l’État, étaient et sont toujours sources de vraies injustices.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien ! Voilà la vérité !

M. Jean Arthuis. J’ai entendu, ici ou là, et plutôt à gauche qu’à droite, des propos en faveur d’un transfert de recettes fiscales vers le financement des retraites.

M. Jean Arthuis. Cependant, mes chers collègues, les recettes fiscales correspondent à un prélèvement qui pèse sur l’ensemble de la collectivité nationale. Ainsi, dès lors que l’État prend en charge au moins en partie le financement du système de retraite, il faut que ce système soit juste. Or tel n’est pas le cas actuellement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Votre réforme, monsieur le ministre, répond au moins à la nécessité d’équilibrer les recettes et les dépenses, même si nous savons que, entre 2012 et 2018, le déficit cumulé de notre système de retraite atteindra au moins 62 milliards d’euros, qu’il va falloir « loger » dans la CADES. Aussi, vous ne vous étonnerez pas si, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous proposons une augmentation de la CRDS, précisément dans le but d’amortir cette dette.

Cette réforme répond au moins en partie à la nécessité d’assurer le financement des retraites, mais elle ne règle pas le problème de l’inégalité de notre système de retraite.

Monsieur le ministre, je suis satisfait que vous ayez réservé une suite favorable à trois amendements identiques tendant à lancer, à compter de 2013, une réflexion sur une réforme systémique, l’idée étant de mettre en place une retraite par points. C’est encourageant et prometteur, mais, puisque tout le monde, semble-t-il, est convaincu qu’une évolution est nécessaire, pourquoi attendre 2013 pour entreprendre cette réflexion ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Pourquoi voter ce texte ?

M. Jean Arthuis. Si le Gouvernement ne s’attelle pas à cette tâche, ce sera le devoir et l’honneur du Parlement d’examiner dès à présent l’opportunité d’une telle réforme, ses avantages et, éventuellement, ses inconvénients. Je fais confiance à la commission des affaires sociales pour conduire cette réflexion, qui a déjà été largement engagée.

Mes chers collègues, en la matière, nous devons faire preuve de pédagogie, même si, au cours de ce débat, tous n’ont pas fait preuve d’une capacité égale à échanger des arguments. Nous avons la nécessité absolue de faire vivre une authentique solidarité entre les générations, exigence qui ne sera satisfaite que par un financement juste et équilibré de notre système de retraite. Il est urgent d’assurer l’égalité des Français devant la retraite, et c’est à cet objectif républicain que répond un projet de réforme systémique.

M. René-Pierre Signé. Il n’est pas dans le texte !

M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre, votre projet de loi apporte une réponse au problème du financement des retraites, et c’est la raison pour laquelle nous le voterons. Maintenant, nous devons les uns et les autres faire preuve d’une grande pédagogie, engager un vrai débat républicain pour que prenne corps l’égalité des Français devant la retraite. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est du temps de la retraite, de la vie presque accomplie, du regard vers ce que l’on a fait, ce que l’on a été, ce que l’on peut encore transmettre, que nous parlons, et ce n’est pas rien !

Monsieur le ministre, vous venez devant le Parlement cueillir les fruits de votre obstination. Ces fruits sont stériles : le système n’est pas durable, même certains de vos collègues le disent. Ces fruits sont vénéneux : ils portent le poison de l’injustice. Ces fruits ont été forcés artificiellement : urgence et fin de maturation raccourcie.

Vous avez plaqué sur la société de 2010 en manque d’emplois, en manque de perspectives pour les jeunes, en dérive financière et économique, un discours sur le retour et la répartition de la croissance, tandis que vos amis, quand ce n’est pas la famille du Président de la République, s’activaient à développer des produits privés de retraite par capitalisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Vous n’avez pris aucune hauteur pour aborder le problème ; les temps utiles à la société, que vous ne récusez pas puisque de l’argent public y est consacré, auraient au moins pu être comptabilisés en annuités : le travail dans l’emploi, certes, mais aussi les études, le travail pendant l’apprentissage, les stages, l’éducation des petits, l’accompagnement des plus fragiles. Encore eût-il fallu dégager des moyens !

Mais vous n’avez eu aucune pudeur pour faire rempart, pour faire en sorte qu’aucune contribution ne soit demandée aux spéculateurs, ceux-là mêmes qui s’enrichissent en détruisant l’emploi.

Vous pouvez dire aux grandes fortunes, à Mme Bettencourt ou à sa fille – peu importe – (Vives exclamations sur les travées de lUMP.),…

M. Jean-Claude Gaudin. Et aussi à quelques socialistes !

Mme Marie-Christine Blandin. … à Gérard Mulliez, à Bernard Arnault, à tous leurs directeurs, qu’ils n’ont aucun souci à se faire.

Mme Marie-Christine Blandin. Dites aussi à Mme Lagarde de nous épargner à l’avenir ses discours sur la moralisation de la finance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Vous n’avez écouté ni les syndicats, ni la rue, ni le Parlement. Or la légitimité d’une majorité ne peut se construire ni dans la négation de l’opposition ni dans celle de l’opinion, une opinion qui a d’ailleurs bien évolué à votre égard.

Vous avez fait de la publicité trompeuse pour l’usager : en vous écoutant, des centaines de milliers de femmes se sont crues concernées ; au bout du compte, elles ne seront que quelques dizaines de milliers à échapper à la régression.

Vous avez laissé stigmatiser les fonctionnaires, comme si ces acteurs du service public dérangeaient dans ce paysage de dérégulation et de privatisation.

Vous avez tenté, en vain, d’opposer les générations, comme si cette réforme était faite pour les jeunes, alors que les modes de calcul les renvoient à des pensions faibles et plus lointaines que jamais. C’est pour eux qu’aucune voix dans cet hémicycle ne doit manquer pour dire non à ce projet.

L’usage du flash-ball contre des jeunes manifestant avec responsabilité leur inquiétude à Montreuil est une violence qui a traduit votre perte de sang-froid. Les séquelles demeureront.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. N’importe quoi !

Mme Marie-Christine Blandin. Gardez-vous de tout triomphalisme : le pays est amer, le pays est en colère et en attente légitime de corrections significatives. Toute surdité prolongée relèverait de la provocation.

C’est de concertation et d’apaisement dont a besoin le pays…

M. Jean-Louis Carrère. Et le Gouvernement, d’un sonotone !

Mme Marie-Christine Blandin. … pour s’inventer un avenir où la coopération l’emportera sur la compétition, où l’emploi sera partagé et les droits, protégés.

Les sénatrices et sénateurs Verts voteront avec indignation contre ce texte inopérant pour l’équilibre durable du système et truffé d’injustices, à commencer par une assiette de cotisation qui épargne les plus nantis. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de ce débat marathon. Chacun appréciera à son aune personnelle la manière dont il s’est déroulé.

Pour ma part, j’ai longuement écouté nos collègues de l’opposition et, malgré les très nombreuses répétitions des mêmes thèmes, en laissant de côté les discours outranciers, je n’ai pas perçu les solutions crédibles et alternatives qui auraient pu conduire à un véritable débat (Bravo ! et applaudissements sur quelques travées de lUMP.), face au défi démographique, à l’allongement de la durée de vie et à la nécessité de maintenir coûte que coûte le niveau des pensions.

Je pense très sincèrement que le projet présenté, même s’il était perfectible, est bien la solution raisonnable pour traiter, dans l’immédiat, la situation ô combien délicate de la branche vieillesse.

Nous avons entendu répéter sans cesse qu’il fallait aussi mettre à contribution le « grand capital », les retraites chapeaux, les stock-options, etc., alors qu’il suffit d’ouvrir le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour y trouver la participation de ce type de revenus à l’effort nécessaire de solidarité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui, parlons-en !

M. Gilbert Barbier. Nous aurons à en discuter très prochainement. Il y aura lieu, d’ailleurs, de voir s’il n’est pas possible d’aller un peu plus loin, tout en sachant que, dans toutes les hypothèses, y compris les plus maximalistes, cela ne peut résoudre le problème du financement des retraites.

La question se posait aussi de savoir s’il fallait agir maintenant, alors que le dialogue social était manifestement au point mort. Il suffit cependant de regarder les chiffres pour être convaincu de l’urgence.

La branche vieillesse de l’ensemble des régimes obligatoires de base a accusé un déficit de 8,9 milliards d’euros en 2009, de 10,5 milliards d’euros en 2010, et une prévision de 8,6 milliards d’euros en 2011. Il n’était pas raisonnable, il n’était pas décent de laisser filer encore le déficit un ou deux ans de plus.

Dans quelques jours, nous fixerons à 68 milliards d’euros la limite de transfert de la dette que nous léguons aux générations suivantes.

Peut-être n’avons-nous pas suffisamment expliqué à tous ces jeunes qui descendent dans la rue que cette réforme était de leur propre intérêt et de celui des actifs d’aujourd’hui, pour leur éviter de connaître des lendemains extrêmement douloureux.

M. David Assouline. Allez le leur dire : ils sont dans la rue, devant le Sénat !

M. Gilbert Barbier. Mais nous sommes rapidement tombés dans l’irrationnel et l’incompréhension de la réalité bien évidente des chiffres.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne soyez donc pas si suffisant !

M. Gilbert Barbier. Le projet tel qu’il nous est arrivé de l’Assemblée nationale a pu être enrichi avec votre accord, monsieur le ministre, sur des points non négligeables, même s’ils ont été taxés ici ou là de « réformettes ».

Avoir exclu de la décote les mères de famille ayant élevé trois enfants,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Seulement quelques-unes d’entre elles !

M. Gilbert Barbier. … les parents d’enfants handicapés, les victimes de l’amiante, les aidants familiaux – avec l’adoption de l’amendement que j’ai présenté –, constitue un pas vers la réduction des inégalités qu’évoquait le président Arthuis, un pas peut-être insuffisant aux yeux de certains, mais un pas significatif dans le contexte financier serré que nous connaissons.

M. Jean-Louis Carrère. Il n’y a pas à dire, vous faites vraiment vibrer le pays !

M. Gilbert Barbier. Cela marque la volonté de cette majorité et de ce gouvernement de réduire progressivement les inégalités de revenu dont pâtissent certaines catégories, des mères de famille en particulier, même si le problème des écarts salariaux ne pouvait être traité dans ce texte.

C’est par ce type d’intervention que l’on parviendra, dans le cadre d’une croissance retrouvée, à réduire les inégalités, en ayant une approche globale qui ne se limite pas à une succession d’actions isolées.

Ce projet, et cela m’apparaît fondamental, ouvre aussi la voie à une réforme plus profonde, avec la réflexion qu’il conviendra d’engager en 2013 sur le système de la retraite en comptes notionnels.

La présente loi va régler les difficultés immédiates. Espérons qu’après autant de déraison notre pays retrouvera calme et sérénité.

Chacun sait ici que nous aurons demain à débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale et ensuite du projet de loi de finances. Il faudra, là aussi, beaucoup de sens pédagogique, monsieur le ministre, pour faire comprendre la situation financière dans laquelle se trouve notre pays, utiliser les bons moyens pour soutenir l’activité économique sans créer de nouveaux handicaps pour la France.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez su porter cette réforme difficile dans un environnement on ne peut plus hostile. Mes collègues et moi-même minoritaires au RDSE vous en remercions et voterons en faveur de ce projet de loi. (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Zéro pointé !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. « C’est en regroupant toutes ses forces autour des aspirations quasi unanimes de la nation que la France retrouvera son équilibre moral et social, et redonnera au monde l’image de sa grandeur. »

Ces mots, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je les emprunte aux fondateurs inspirés du Conseil national de la Résistance, qui ont dessiné pour nous la France dite des « jours heureux ». Soixante-six ans après, le programme du CNR est plus que jamais notre ligne de démarcation.

Ce qu’il est si urgent de « défaire méthodiquement », selon un responsable du MEDEF – qui ajoute, avec la franchise qui ne vous caractérise pas, que « le Gouvernement s’y emploie » –, c’est : une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières , une organisation de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général ; le retour à la nation des grands moyens de production ; la participation des travailleurs à la direction de l’économie ; le droit au travail et le droit au repos ; un réajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ; un plan complet de sécurité sociale ; la sécurité de l’emploi ; l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre ; enfin, « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».

Tout est dit !

Et le CNR de créer, dans la foulée, la retraite universelle par répartition, pas celle du chacun pour soi, mais celle du tous pour chacun !

Ceux qui s’expriment aujourd’hui par ma voix sont les héritiers légitimes de cette feuille de route. Pas vous, qui avez l’audace de revendiquer l’héritage d’un gaullisme que vous foulez aux pieds ! (Protestations vives et prolongées sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Adrien Gouteyron. Propos honteux !

Mme Marie-Agnès Labarre. Vous vous cachez derrière la mondialisation pour imposer la servitude à votre propre peuple, pour lui faire payer vos factures. (Hourvari sur les travées de lUMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

Mme Marie-Agnès Labarre. Vous prétextez l’abolition des frontières : ça marche très bien pour vos capitaux, un peu moins bien pour les délocalisés, les crève-la-faim et les sans-papiers ! (Tumulte prolongé sur les mêmes travées, couvrant presque la voix de l’oratrice.)

Vous vous abritez derrière l’Europe pour mettre la République au supplice. Rien d’étonnant : c’est l’Europe des oligarques que vous avez construite, contre la volonté du peuple, pour lui nouer durablement la corde au cou.

Vous créez l’insécurité sociale, vous provoquez la peur du lendemain après avoir précarisé le travail, organisé la faillite de l’État et des services publics. Vous faites diversion en parlant retraite quand il faudrait parler emploi. Oui, l’emploi, c’est bien là le sujet !

Le matraquage suppléant votre pauvre argumentaire, vous faites donner à pleine puissance le chœur de vos médias.

Aujourd’hui, vous partagez le champagne de Neuilly à Chantilly. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Tohu-bohu sur les travées de lUMP.)

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Oh là là !

Mme Marie-Agnès Labarre. Moi, je partage les larmes de colère et de désolation que je vois couler sur les visages de mes compatriotes. (Hou ! sur les travées de l’UMP.) Notre différence est là ; elle est irréductible.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Quelle honte !

Mme Marie-Agnès Labarre. Warren Buffett affirme aujourd’hui sans la moindre pudeur que « la classe des riches, qui mène cette guerre, est en train de la gagner ». Il oublie, comme vous, que le peuple, devant la multiplication des injustices, finit toujours par laisser éclater sa colère. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations redoublées sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Alain Dufaut. C’est totalement ridicule !

Mme Marie-Agnès Labarre. Cette colère, monsieur le ministre, vous l’alimentez, réforme après réforme, dans les mêmes proportions que vos coffres-forts, et ce n’est pas peu dire ! Vous comptez une fois encore sur le temps pour l’apaiser.

Mais, parce qu’il touche à notre bien commun, votre projet de loi sur les retraites est peut-être la réforme de trop, celle qui aura ouvert les yeux des Français, et même ceux de l’opposition la plus frileuse, sur vos manières brutales et sur vos véritables intentions : prendre votre revanche sur la Nuit du 4 août, sur les conquêtes sociales que la gauche vous a arrachées. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Rires mêlés de véhémentes protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

Ne croyez pas cette bataille gagnée. Le mouvement social continue, et jusque devant nos portes des centaines de jeunes manifestent en ce moment à l’appel de l’UNEF. (Brouhaha persistant sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Il est temps de conclure, ma chère collègue, mais j’invite chacun à vous laisser le faire autant que possible dans le calme.

Mme Marie-Agnès Labarre. Vous ne faites que répéter que nous serions la risée de l’Europe en raison de ces grèves. Bien au contraire, c’est l’Europe populaire qui regarde et soutient le peuple français. Ce sont les travailleurs de tous les pays (Plusieurs sénateurs de l’UMP entonnent le refrain de l’Internationale.), dont les gouvernements conservateurs et sociaux-démocrates se sont soumis au diktat des marchés, qui espèrent que la France, une nouvelle fois, sera à l’avant-garde d’un mouvement plus large, qui inversera le rapport des forces. (Brouhaha.)

Alors, chers collègues de la majorité,…

M. le président. Madame Labarre, Il faut vraiment conclure maintenant !

Mme Marie-Agnès Labarre. Si je le peux !

Chers collègues de la majorité, soyez humbles dans votre vote, car soyez certains que vous n’avez pas encore gagné cette bataille. Et le Front de gauche saura vous le rappeler !

Notre peuple n’oublie pas qu’il a, par son travail, construit une France plus riche que jamais. Il a le droit d’en recevoir sa quote-part. (Huées sur les travées de lUMP.)

M. le président. C’est terminé !

Mme Marie-Agnès Labarre. Quand vous aurez achevé votre basse besogne, nous l’aiderons à récupérer ce qui, tout simplement, lui appartient. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Huées persistantes sur les travées l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, et à elle seule.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la situation économique et démographique de notre pays ne laisse aucun doute sur la nécessité de cette réforme, les conditions de sa mise en œuvre se doivent d’être les plus égalitaires possibles, afin qu’aucune catégorie ne soit lésée.

La situation des femmes, et plus encore celle des personnes handicapées, devait être mieux prise en compte. C’est aujourd’hui chose faite. (Mme Gisèle Gautier applaudit.)

Mme Nicole Bricq et M. David Assouline. Non ! Ce n’est pas vrai !

Mme Françoise Férat. Il en est de même de celle des travailleurs de l’amiante. Il n’était pas concevable, en effet, qu’ils soient défavorisés dans le cadre de cette réforme.

M. Bernard Frimat. Merci Jean-Pierre Godefroy !

Mme Françoise Férat. Je tenais, mes chers collègues, à rappeler aujourd’hui devant vous que certaines des avancées permises par ce texte, dans le domaine social notamment, ont été acquises au Sénat.

M. Jean-Louis Carrère. C’est l’avancée par l’entonnoir, avec un tout petit trou !

Mme Françoise Férat. Le texte de la commission mixte paritaire a respecté ce travail, et je pense, mes chers collègues, que nous pouvons nous en féliciter.

Je souhaite revenir sur l’amélioration de la situation des femmes.

M. David Assouline. Comment pouvez-vous parler d’amélioration ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est honteux !

Mme Françoise Férat. Tout au long des débats, je les ai défendues, avec les membres de la délégation aux droits des femmes, quelle que soit leur appartenance politique, ainsi qu’avec mes collègues Catherine Morin-Desailly et Anne-Marie Payet, dont j’ai soutenu les amendements. (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG - Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Force est en effet de constater que, aujourd’hui encore, de nombreuses inégalités persistent.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elles vont persister longtemps !

Mme Françoise Férat. Il est donc primordial que tout soit mis en œuvre pour y mettre fin.

Nous pouvons nous réjouir de plusieurs avancées réalisées par la présente réforme.

Tout d’abord, l’égalité des genres a été inscrite comme principe solennel de notre régime.

Ensuite, le Sénat a adopté un amendement qui, traduisant les recommandations de la délégation aux droits des femmes, vise à mieux les informer des possibles conséquences que leurs choix de carrière auraient sur leur niveau de pension. Cet amendement permet également de rappeler la possibilité pour les employés à temps partiel – je rappelle que le temps partiel subi concerne majoritairement des femmes – de surcotiser.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut en effet les informer qu’elles vont devoir travailler jusqu’à 67 ans !

Mme Françoise Férat. Enfin, je mentionnerai la réécriture de l’article 31, qui vise à garantir, en termes d’égalité salariale, une obligation de résultat, et pas seulement de moyens, pour les entreprises.

Le projet de loi issu de la commission mixte paritaire a également avalisé le dispositif proposé par le Gouvernement qui maintient à 65 ans la retraite sans décote pour les mères de trois enfants nées entre 1951 et 1955 qui ont interrompu leur activité professionnelle afin d’élever leurs enfants, ainsi que pour les parents d’enfants handicapés. Je tenais également à saluer cette avancée.

Les progrès pour les droits des femmes sont indéniables, même s’il est vrai que l’on aurait pu aller plus loin. Il faut toutefois reconnaître que le problème des pensions ne représente qu’une partie des inégalités dont les femmes peuvent être victimes dans notre société, et ce n’est pas dans le cadre de cette réforme que nous étions susceptibles de toutes les résoudre.

En effet, les femmes touchent aujourd’hui un revenu annuel moyen brut inférieur de 19 % à celui des hommes, quand bien même elles n’ont pas interrompu leur carrière pour des raisons familiales. Cette différence est encore plus marquée pour les femmes cadres, qui perçoivent en moyenne un revenu de 23 % inférieur à celui des hommes. Et, selon une étude récente de l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, 70 % de cet écart salarial n’est pas justifié en ce qu’il ne s’explique pas par des différences de caractéristiques observables.

Il est donc primordial qu’il y ait des avancées sur ce point, et nous y reviendrons très rapidement. Du reste, le groupe centriste a déjà fait des propositions en ce sens.

La réforme actuelle était une réforme d’urgence nécessaire. Mais, à long terme, nous savons qu’une réforme structurelle s’impose.

M. Jean-Louis Carrère. Vous l’avez déjà dit à plusieurs reprises !

Mme Françoise Férat. Il me semble que vous n’avez pas hésité non plus à répéter vos arguments, chers collègues de l’opposition (Sourires sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.), et cela ne m’a pas empêchée de vous écouter sans vous interrompre !

M. Nicolas About. Très bien !

Mme Françoise Férat. C’est pourquoi je me félicite de l’adoption d’un amendement emblématique pour l’avenir des retraites, qui programme un débat national dès 2013 – et j’espère qu’il sera d’une autre tenue que celui-ci ! –, avec la perspective de mettre en place un régime universel de répartition par points, ce que les centristes demandent depuis 2003.

Mme Françoise Laborde. Le RDSE aussi !

Mme Françoise Férat. Pour l’ensemble des raisons que je viens d’évoquer, plus particulièrement pour celles qui ont trait aux droits des femmes, je voterai ce texte.

À cet instant, mes chers collègues, permettez-moi de saluer à mon tour la présidente de la commission des affaires sociales et le rapporteur pour l’excellence et la sérénité de leur travail. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot. (Applaudissements sur quelques travées de lUMP.)

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne ferai pas durer le suspense : comme la majorité de mes collègues, je voterai cette réforme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et sur plusieurs travées de lUnion centriste. – M. le rapporteur applaudit également.)

Sur les sept sénateurs non inscrits, deux s’abstiendront et cinq voteront pour.

Ceux qui l’approuveront sont bien conscients que cette réforme n’est pas parfaite. Nous savons tous que son financement est aléatoire (N’est-ce pas ? sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), et qu’elle n’a pas réglé toutes les difficultés.

Mais nous la voterons parce qu’elle constitue un premier pas vers la reconnaissance d’une réalité brutale : le système actuel nous conduit droit dans le mur !

M. Jean-Louis Carrère. D’où le pas en arrière !

M. Philippe Adnot. En commençant à résoudre les problèmes, elle ouvre la porte à d’autres évolutions que j’appelle de mes vœux : unification des régimes (M. le rapporteur acquiesce.), meilleure appréciation de la pénibilité – ce qui implique d’abord, selon moi, de supprimer les régimes qui reconnaissent aujourd’hui une pénibilité qui n’existe pas, avant de reconnaître les véritables pénibilités –, mise en place d’une retraite par points, qui permettrait d’évacuer l’absurdité des bornes d’âge, qui sont purement comptables.

Bien que cette réforme soit perfectible dans le temps, je ne la considère pas moins comme un progrès : elle est toujours préférable à une situation bloquée, et c’est pourquoi je la voterai. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.

Conformément à la décision de la conférence des présidents, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

J’invite Mme Anne-Marie Payet et M. François Fortassin, secrétaires du Sénat, à superviser les opérations de vote.

Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l’appel nominal.

(Le sort désigne la lettre J.)

M. le président. Le scrutin sera clos après la fin de l’appel nominal.

Le scrutin est ouvert.

Huissiers, veuillez procéder à l’appel nominal.

(L’appel nominal a lieu.)

M. le président. Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel nominal.

(Le nouvel appel nominal a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 89 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l’adoption 177
Contre 151

Le Sénat a adopté. (Mmes et MM. les sénateurs de l’UMP se lèvent et applaudissent longuement.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. M. Jean-Claude Danglot, pour des raisons totalement imprévisibles et indépendantes de sa volonté, n’a pas voté. De plus, il avait le pouvoir de Mme Évelyne Didier. Bien entendu, ces deux collègues du groupe CRC-SPG, s’ils avaient été présents, auraient voté contre. (Exclamations sur certaines travées de lUMP.)

M. Jean Desessard. Cela change tout le résultat ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Je me réjouis que nous arrivions enfin au terme de l’examen de ce texte et je me félicite qu’il ait été voté. J’en suis persuadée, la majorité de notre assemblée a pris là une bonne décision. Nous ouvrons ainsi de nouvelles perspectives vers une réforme systémique.

Je remercie également tous nos collègues sur l’ensemble des travées de leur présence et de leur participation active à nos débats. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, le Sénat vient d’émettre un vote solennel et historique.

En mon nom et en celui de Georges Tron, je veux vous remercier de la façon dont vous avez conduit ces débats. Mes remerciements s’adressent également à tous les vice-présidents qui les ont menés tout au long des heures de discussions.

Je tiens bien sûr à remercier Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, qui a beaucoup fait pour que la commission aille au fond du sujet, ainsi que M. Dominique Leclerc, rapporteur, pour la qualité de ses travaux.

Je remercie également les présidents des différents groupes, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent.

Je remercie les sénateurs de la majorité qui ont fait preuve d’une très grande cohérence, de beaucoup de ténacité, d’une forte combativité et d’une très grande responsabilité.

Je remercie aussi les sénateurs de l’opposition. Ils ont montré que la démocratie peut être vive, ils ont exprimé leurs convictions jusqu’au bout, et je leur en suis reconnaissant. C’est bien le sens de notre démocratie : elle doit être vivante.

Merci donc aux uns et aux autres ! La qualité du débat et votre vote honorent la Haute Assemblée. (Mmes et MM. les sénateurs de l’UMP se lèvent et applaudissent longuement.)

M. le président. Mes chers collègues, après seize jours, soit cent quarante-trois heures de débat, le troisième débat le plus long depuis le début de la Ve République, …

M. Jean Desessard. Il fallait nous laisser battre le record !

M. le président. … je veux remercier de façon toute particulière la commission des affaires sociales, sa présidente et son rapporteur. Je remercie également le Gouvernement et vous tous, mes chers collègues. Mes remerciements s’adressent également aux personnels du Sénat, qui ont assuré le fonctionnement de la démocratie parlementaire pendant ces longues heures, auxquelles il convient d’ajouter les dizaines d’heures de travaux préparatoires très importants réalisés en commission, bien en amont, au travers des rapports de la commission et de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, la MECSS. Merci à tous ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
 

3

Questions cribles thématiques

La rentrée scolaire

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la rentrée scolaire.

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Je rappelle que ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir ou jamais de Frédéric Taddeï.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. à cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été installés à la vue de tous.

La parole est à M. Robert Tropeano.

M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, moins de deux mois se sont écoulés depuis la rentrée scolaire, et un premier bilan s’impose : l’école va mal.

Au cours de ces derniers mois, de nombreux rapports n’ont cessé de le clamer. De la Cour des comptes au Haut Conseil de l’éducation, en passant par les travaux réalisés par plusieurs parlementaires, les plus sérieuses institutions tirent, les unes après les autres, la sonnette d’alarme face à l’échec scolaire.

Pour revenir à une école de la République remplissant pleinement son rôle, la tâche à accomplir est immense. Les sujets d’inquiétude sont nombreux. Les réformes lancées dans l’incompréhension la plus totale ne manquent pas de nous préoccuper encore plus.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger aujourd’hui sur la réforme de la formation initiale des enseignants et sur la politique de suppression de postes que vous conduisez avec une constance remarquable, vastes sujets qui me semblent les plus fondamentaux !

Les effets conjugués de ces deux politiques sont dévastateurs. Dans certaines académies, le premier contingent de jeunes enseignants issus de la nouvelle formation est arrivé sans avoir bénéficié d’aucun stage préalable.

On nous promet une meilleure formation des enseignants via le nouveau pacte de carrière. Mais tout ce que nous voyons, c’est que les stages sont désormais facultatifs et doivent avoir lieu en même temps que la préparation du difficile examen du master. Les jeunes enseignants sont désormais propulsés seuls devant des élèves, et ce dès les vacances de la Toussaint. C’est là un excellent moyen de décourager les futurs enseignants qui n’auront plus aucune opportunité d’apprendre de leurs aînés, ni de tester leurs goûts et leurs capacités avant de se lancer dans une carrière difficile.

Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle intervient sur fond de coupes drastiques dans les moyens de fonctionnement de l’école.

À la lecture de votre projet de budget pour 2011, de nouvelles suppressions de postes sont encore programmées : pas moins de 8 967 postes dans les écoles primaires, 4 800 dans les collèges ou lycées, …

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !

M. Robert Tropeano. … 600 au sein des personnels administratifs et 1 633 dans l’enseignement privé sous contrat ! Où vous arrêterez-vous, monsieur le ministre ?

Comment comptez-vous mettre fin à la spirale infernale de l’échec scolaire avec toujours moins de moyens, moins de professeurs, et des enseignants moins bien formés ?

Monsieur le ministre, quand allez-vous enfin accepter d’entendre ce que vous disent non seulement les enseignants, les élèves et les parents,…

M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue !

M. Robert Tropeano. … mais également les élus locaux quant à l’impérieux besoin d’affecter à l’école les moyens de son ambition, celle de la réussite pour chacun ? Parce qu’elle est l’un des fondements de notre pacte républicain, l’école mérite mieux que ce que vous nous proposez !

M. le président. Mon cher collègue, il ne vous restera malheureusement que vingt secondes de temps de parole pour la réplique.

La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, comme vous venez de le rappeler – et ce sera sans doute notre seul point d’accord –, l’école, qui est l’un des fondements de notre République, reste au cœur de nos valeurs républicaines.

C’est pour cette raison que l’éducation constitue une priorité pour le Gouvernement. Malgré le contexte budgétaire extrêmement contraint, que vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, je souligne que, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, l’éducation nationale restera le premier budget de l’État, en augmentation de 1,6 %. Ainsi, la France continue à investir dans son éducation davantage que bien des pays de l’OCDE.

L’école s’adapte aux enjeux du monde d’aujourd’hui. Si nous voulons que chaque élève quitte le système éducatif avec un diplôme, lequel constitue, notamment en période de crise, la meilleure arme qui soit pour intégrer le marché professionnel, nous devons personnaliser davantage l’enseignement. Tel est d’ailleurs l’esprit de la réforme du lycée que nous avons instaurée lors de la dernière rentrée scolaire, et tel était aussi celui de la réforme du primaire mise en place en 2008, avec la volonté d’avoir des apprentissages concentrés sur les fondamentaux et une aide personnalisée.

Nous faisons confiance aux enseignants, et c’est pourquoi nous avons voulu revoir leur formation. C’est ainsi que nous avons décidé de consacrer une année supplémentaire à leur formation initiale, en portant le niveau requis à celui du master, comme c’est le cas dans la plupart des grands pays développés.

Cette formation, d’abord fondée sur la discipline, prévoit des périodes de stage devant les élèves, en observation ou en situation, à raison de deux fois cent huit heures pendant les deux années de master, puis la mise en situation au cours de la première année des professeurs stagiaires.

M. le président. Je vous demande de conclure, monsieur le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. En cette période difficile pour notre pays, nous envoyons un signal fort aux enseignants : moins d’enseignants, mieux rémunérés. Oui, nous assumons pleinement la politique que nous menons, qui montre que nous croyons plus que jamais en l’avenir de l’école.

M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano, pour la réplique.

M. Robert Tropeano. Je ne vous étonnerai pas, monsieur le ministre, en vous disant que je ne suis pas d’accord avec vous.

En effet, les enseignants eux-mêmes ne sont pas satisfaits de la formation qui est prévue pour eux.

Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, l’école est un pilier de la République ! Nous devons donc faire en sorte qu’elle soit au service de tous et de nos jeunes en particulier ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – Mme Odette Herviaux applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Ma question porte également sur la formation des enseignants. Après tout, la pédagogie, c’est l’art de la répétition ! (Sourires.)

À partir de cette année, la réforme de la mastérisation entre en vigueur. Pour la première fois, les professeurs débutants n’auront pas connu l’année de formation en alternance qui était jusqu’à présent dispensée dans les instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM.

Or cette année se décomposait en 40 % de pratique devant les élèves et 60 % de cours dans les IUFM. On peut donc craindre un manque de préparation des professeurs débutants à la réalité de leur tâche.

À mon avis, il faut recentrer la formation des enseignants sur la pratique de leur métier. Les maquettes des concours sont trop axées sur les connaissances académiques du futur professeur. Maîtriser sa discipline est une condition nécessaire, mais non suffisante, pour l’exercice de la profession, comme il en est d’ailleurs de toute profession. Monsieur le ministre, déciderait-on de placer seul aux commandes d’un avion de ligne un pilote sans expérience ?

Je sais que les nouveaux enseignants devraient être accompagnés par des tuteurs. Mais, d’après les informations que j’ai reçues, il y aurait de grandes difficultés à les recruter.

Par ailleurs, il est prévu qu’un tiers du temps de service des nouveaux professeurs soit consacré à un complément de formation. Or il semble que ces stages soient organisés de façon très différenciée selon les académies, et je m’en inquiète.

Enfin, je tiens à souligner les difficultés de remplacement des professeurs stagiaires partis en formation. Comment comptez-vous assurer ces remplacements ?

Les enquêtes du PISA, le programme international pour le suivi des acquis des élèves, démontrent que, à investissement égal au nôtre, des pays tels que la Finlande, le Canada ou l’Australie enregistrent de meilleurs résultats de leurs élèves du fait d’une meilleure formation des maîtres.

Ceux qui vont former notre jeunesse doivent donc être préparés de la meilleure façon possible à l’exercice de leur métier.

M. Jean-Claude Carle. C’est la raison pour laquelle un premier bilan de la réforme s’impose dès à présent, afin, éventuellement, de mettre en œuvre des mesures adaptées.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, c’est précisément parce que nous avons une haute ambition pour l’école que nous avons choisi d’élever le niveau de formation initial de nos enseignants à celui du master, comme je l’ai indiqué à M. Tropeano.

Je rappelle que cette élévation du niveau de formation s’accompagnera d’un recrutement qui sera effectué sur la base, certes, de connaissances disciplinaires – il est important d’être un bon mathématicien pour enseigner les mathématiques ! –, mais aussi de pratiques pédagogiques en alternance. Dans le cadre de l’apprentissage relevant de la formation initiale, les pratiques seront plus nombreuses que précédemment, avec la possibilité de faire deux fois cent huit heures de stage, en observation pendant l’année M 1 et en mise en responsabilité pendant l’année M 2.

Les épreuves écrites d’admissibilité sanctionneront les compétences sur le plan disciplinaire, tandis que les épreuves d’admission auront pour objectif de valider le complément de la formation, cette formation pratique qui est effectivement importante, comme vous l’avez rappelé.

Une fois leur diplôme obtenu, les professeurs stagiaires bénéficieront d’un accompagnement dans chaque académie. Ils ne seront donc pas abandonnés face à leurs élèves, comme je l’ai entendu dire ici ou là. (M. Claude Bérit-Débat s’exclame.)

Pour la première fois, nous avons organisé dans les académies, cette année, un stage d’accueil de tous les professeurs stagiaires. Nous avons mis en place un tutorat : dans le premier degré, tous les professeurs stagiaires étaient en binômes jusqu’aux vacances de la Toussaint. D’ailleurs, je vous rassure, monsieur le sénateur, les professeurs stagiaires de second degré ont également un tuteur.

Enfin, les professeurs stagiaires bénéficieront d’une formation tout au long de leur année de stage.

Nous avons conçu une réforme axée à la fois sur les compétences disciplinaires et sur la pratique.

Dès le mois de novembre, un premier bilan d’évaluation de cette réforme sera dressé. Nous sommes prêts, si nécessaire, à améliorer le dispositif pour l’année prochaine, cette année étant une année de transition pour nos professeurs stagiaires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour la réplique.

M. Jean-Claude Carle. Je tiens à remercier M. le ministre des précisions qu’il a bien voulu m’apporter, concernant notamment l’évaluation de l’expérimentation, prévue dès le mois de novembre.

Conjuguer formation disciplinaire et formation au métier est indispensable à la bonne transmission, et donc à la bonne acquisition du savoir. De même, il est essentiel de pourvoir au remplacement des professeurs stagiaires et, d’une manière générale, à celui des enseignants absents. Mais, à mon sens, les difficultés tiennent plus à l’organisation du système qu’aux moyens mis en place.

Nous verrons, lors de la discussion budgétaire, que certains crédits ne sont pas totalement consommés. Le Sénat, représentant des territoires et très soucieux de la bonne utilisation des moyens financiers, sera très attentif à ces questions.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, je veux vous interroger sur les zones d’éducation prioritaires, les ZEP, qui ont été créées en 1982 afin d’accorder des moyens éducatifs renforcés aux élèves des secteurs défavorisés. L’objectif était bien de « donner plus à ceux qui ont moins ».

Les ZEP se caractérisent par plus de dotations en heures et en postes d’enseignants, plus de surveillants et d’assistants, une présence adulte plus forte, davantage de crédits pédagogiques et moins d’élèves dans les classes.

Près de trente ans après leur création, elles sont plus que jamais critiquées : les résultats des élèves qui y sont scolarisés – ils sont issus pour la plupart de milieux défavorisés, ce qui n’est pas sans conséquence – ne rattrapent pas le niveau de ceux qui sont enregistrés par l’ensemble des jeunes Français.

Le ministère de l’éducation nationale a lancé à la rentrée 2010 une expérimentation des CLAIR, les programmes « collèges, lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite », annoncée à la fin des états généraux de la sécurité à l’école, menée dans une centaine d’établissements qui ne font pas forcément partie des réseaux ambition réussite, les RAR, mis en place en 2006.

Le ministère entend donc substituer aux dispositifs existant une nouvelle cartographie des établissements concentrant le plus de difficultés en matière de climat et de violence. Or le traitement de ces problèmes ne doit pas prendre le pas sur celui des difficultés scolaires, comme ce sera précisément le cas dans les CLAIR. Avec ces derniers, on est loin des principes présidant aux ZEP, qui, à l’origine, devaient contribuer à corriger l’inégalité sociale entre les élèves en renforçant l’action éducative.

Monsieur le ministre, les restrictions budgétaires responsables de l’arrêt de nombreux projets dans les départements, ainsi que la mise en place des CLAIR dans le second degré, nous conduisent à nous interroger sur l’avenir de l’éducation prioritaire, notamment dans le premier degré.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, l’éducation prioritaire a une trentaine d’années, puisque les ZEP datent des années quatre-vingt. Or je crois qu’il faut veiller à ne pas – passez-moi l’expression – jeter le bébé avec l’eau du bain : ce système fonctionne depuis trente ans et un milliard d'euros sont aujourd'hui investis dans l’éducation prioritaire, afin, comme vous l’avez justement souligné, de donner davantage aux élèves qui ont plus de besoins.

Aujourd'hui, les réseaux ambition réussite rassemblent environ deux cent cinquante collèges de notre pays, qui sont situés dans des zones particulièrement sensibles.

Il est d'ailleurs intéressant de constater que, aux termes de l’évaluation réalisée en 2010, le niveau d’obtention du brevet dans les réseaux ambition réussite a plutôt augmenté par rapport aux données dont nous disposions antérieurement, même si des difficultés subsistent dans ces collèges pour l’apprentissage des fondamentaux, notamment du français.

Comment pouvons-nous faire évoluer ce dispositif ?

Premièrement, il est important, me semble-t-il, que nous développions une vision globale de l’éducation prioritaire, des contrats urbains de cohésion sociale, de la politique de la ville et de la carte scolaire. Ces quatre dispositifs doivent être coordonnés, pour qu’ils puissent avancer de manière globale.

Le Premier ministre a indiqué qu’il décalait à 2011 la révision de la carte de la politique de la ville. Il me semble que l’éducation prioritaire doit être traitée dans le cadre de cette réflexion.

Deuxièmement, comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, nous avons expérimenté lors de la dernière rentrée un nouveau dispositif « collèges, lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite », dit CLAIR, dans cent cinq collèges et lycées. Ce dispositif est destiné aux établissements qui ont à la fois des élèves en difficulté scolaire, un recrutement d’élèves issus de populations défavorisés et, parfois, des problèmes en matière de sécurité. Il s’agit de leur accorder davantage d’autonomie en matière de pédagogie, de recrutement et de vie scolaire.

Ce programme, qui, je le répète, est une expérimentation, n’a pas a priori vocation à se substituer à toute l’éducation prioritaire. Nous en dresserons le bilan, nous l’évaluerons et nous réfléchirons à la façon de coordonner les différents dispositifs qui, à ce stade, méritent d’être clarifiés.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, pour la réplique.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, l’opinion selon laquelle les ZEP sont inefficaces est loin d’être partagée par tous.

Une relance véritable et ambitieuse de l’éducation prioritaire s’impose – je pense que vous partagez ce point de vue – dans l’intérêt des élèves et des personnels, tant dans les zones urbaines sensibles qu’en milieu rural.

La suppression des ZEP accélérera la fermeture des classes et des écoles, particulièrement en milieu rural. Nous avons tout à gagner à renforcer les zones d’éducation prioritaires, à diminuer le nombre d’élèves par classe, à soutenir les familles en difficulté et à assurer davantage de mixité sociale.

Monsieur le ministre, comment peut-on imposer une politique éducative régie par le dogme de la réduction des moyens, qui est inconciliable avec le maintien, pourtant hautement proclamé, d’un véritable service public de l’éducation ?

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, c’est à l’école maternelle et élémentaire que tout commence, mais aussi, trop souvent, que tout finit.

Or, avec une dépense annuelle par élève inférieure de 15 % à la moyenne des pays de l’OCDE, l’école primaire française apparaît de plus en plus fragilisée. À un sous-investissement chronique s’ajoute la réduction des effectifs des enseignants, puisque, à la rentrée prochaine, près de 9 000 postes supplémentaires pourraient à nouveau disparaître.

Monsieur le ministre, la volonté entêtée de ne pas remplacer la moitié des enseignants partant à la retraite, ainsi que la mise en œuvre de la réforme du recrutement des enseignants, n’auraient pas, selon vos déclarations, d’incidence sur le bon fonctionnement des écoles.

La réalité du terrain est tout autre : la qualité du service public de l’éducation tend à se dégrader sérieusement, malgré l’engagement réel et résolu des personnels de l’éducation nationale. La continuité pédagogique se voit ainsi sérieusement remise en cause.

De nombreux brigadistes, souvent néotitulaires et affectés à des remplacements longs, ont appris que, à l’issue des vacances de la Toussaint, ils ne retrouveraient pas leurs postes, ceux-ci devant être occupés par des enseignants stagiaires. Ainsi, pour cette seule année scolaire, les élèves de ces classes connaîtront-ils au minimum trois enseignants, du moins si l’on ne pousse pas ces derniers à la démission !

Face à cette situation, les enseignants, les élus locaux et les parents d’élèves se mobilisent pour exiger le maintien des enseignants en place depuis la rentrée. Il est en effet indispensable pour les élèves de limiter les changements d’équipe pédagogique, surtout pour des classes charnières telles que le cours préparatoire, le CP.

Est-il besoin de souligner à quel point les ruptures de progression pédagogique sont nuisibles à l’apprentissage des enfants ?

Que dire également de la situation des lauréats des concours de 2010, à qui l’on confie des classes à double, voire à triple niveau, et dont la formation professionnelle n’aura duré que quelques semaines ?

Monsieur le ministre, alors que les difficultés scolaires apparaissent dès la maternelle et qu’elles ne sont que rarement résorbées par la suite, qu’entendez-vous faire pour remédier au turn over des enseignants du primaire ? Quelles mesures mettrez-vous en œuvre pour consolider la formation des enseignants stagiaires, lesquels ne peuvent se former seuls sur le terrain, au détriment de leurs élèves ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, depuis 2008, au travers de la réforme du primaire, nous avons voulu mettre l’accent sur les apprentissages fondamentaux au cours de ces années qui, comme vous l’avez rappelé, sont essentielles dans la scolarité.

Nous avons ainsi engagé une réforme des programmes, avec un recentrage sur les enseignements fondamentaux, et institué une aide personnalisée, parce que c’est dès leur plus jeune âge qu’il faut détecter les élèves rencontrant des difficultés. Pour mesurer l’impact de ce soutien individualisé, nous avons mis en place une évaluation, qui est réalisée à deux reprises, en cours élémentaire 1, ou CE1, et en cours moyen 2, ou CM2. Tel est le sens dans lequel nous avons réformé l’école primaire.

Monsieur le sénateur, vous évoquez la question budgétaire. Vous le savez, l’éducation nationale, qui constitue le premier budget de l’État, ne peut pas s’exonérer d’une politique plus globale de respect des contraintes budgétaires, chacun dans cette enceinte les connaît.

Toutefois, nous menons cette politique avec discernement : dans le premier degré, je vous le rappelle, 5 600 professeurs des écoles sont aujourd'hui en sureffectif. Il est donc logique que, l’année prochaine, c’est d’abord en ne renouvelant pas ces postes que nous atteindrons notre objectif de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Je le rappelle également, nous avons veillé tout particulièrement, dans le cadre de la mastérisation que j’évoquais voilà un instant, à ce que les professeurs stagiaires du premier degré soient accueillis par des professeurs des écoles expérimentés, en tutorat pendant deux mois, c'est-à-dire en doublon dans une classe jusqu’à la période de la Toussaint, afin qu’ils ne soient pas abandonnés face aux élèves comme je l’ai entendu dire ici ou là.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous prenons en compte ces différentes spécificités. Nous croyons en l’avenir de l’école primaire. C’est bien pour cela d’ailleurs que, au printemps dernier, j’ai annoncé un plan de lutte contre l’illettrisme, qui sera mis au cœur de l’école primaire. En effet, nous estimons que c’est à cet âge-là que se joue l’apprentissage des fondamentaux, c'est-à-dire des connaissances initiales qui sont indispensables pour la réussite de chaque élève.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour la réplique.

M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, je ne peux pas dire que je suis satisfait de votre réponse.

D'une part, je souscris à la recommandation de la Cour des comptes appelant à « accroître la part des financements allouée à l’école primaire, en privilégiant le traitement de la difficulté scolaire ».

En effet, il est désormais indispensable de dépasser les « choix conjoncturels » et les « solutions provisoires », pour reprendre les termes mêmes des membres de l’Inspection générale de l’éducation nationale. Faut-il rappeler que, dans le rapport sur la préparation de la rentrée scolaire 2010, les inspecteurs généraux relevaient que les choix du ministère, notamment sur le plan budgétaire, n’étaient pas à même de « préparer l’avenir » ?

D'autre part, l’investissement dans la formation et, de façon générale, dans la matière grise ne devrait pas être soumis aux restrictions budgétaires. Cette idée est d’ailleurs partagée par les responsables de l’Allemagne et des États-Unis : bien qu’ayant engagé une réduction des dépenses publiques, ils ont décidé d’augmenter significativement leurs budgets consacrés à l’éducation et à la recherche. Je crois qu’ils ont raison et qu’il nous faudrait prendre ce chemin.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre, la dernière rentrée scolaire a été marquée par de nombreuses fermetures de classes et par une hausse souvent importante des effectifs, tant en maternelle qu’en primaire.

Dans le même temps, les crédits destinés aux emplois vie scolaire, les EVS, qui avaient été créés à l’origine pour épauler les directeurs d’école, ne sont pas renouvelés. La disparition de ces personnels, qui jouent un rôle très utile au sein de l’école, est pénalisante pour de nombreux établissements : vous le savez, les directeurs d’école ont de plus en plus d’obligations et de responsabilités, les classes sont surchargées et le besoin d’encadrement des enfants est d’autant plus fort que le comportement de ceux-ci n’est plus du tout ce qu’il était voilà une vingtaine d’années. Beaucoup d’enseignants et de directeurs risquent donc de se décourager à un moment où, précisément, l’école a un rôle de plus en plus important à jouer.

Conséquence de la fermeture d’un grand nombre de classes, bien des communes doivent désormais gérer la question des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, les ATSEM, qui se retrouvent sans affectation, mais qui, parce qu’ils appartiennent à la fonction publique territoriale, sont toujours pris en charge par leurs collectivités, quand bien même la situation financière de ces dernières est de plus en plus délicate.

Monsieur le ministre, nous sommes donc nombreux à constater sur le terrain les difficultés créées dans les écoles par ces suppressions de postes. Que comptez-vous faire pour aider les communes, qui sont particulièrement démunies en la matière, à y faire face ?

M. Claude Bérit-Débat. Bonne question !

M. Yves Détraigne. Enfin, en tant que co-auteur de la loi du 28 octobre 2009, dite « loi Carle », sur la parité de financement entre les écoles publiques et les écoles privées, je me permets de revenir brièvement sur le projet de décret d’application de ce texte, qui est en cours de publication.

En effet, ce projet va, me semble-t-il, à l’encontre de l’esprit même de la loi, qui ne fait pas de différence entre les divers types de regroupements pédagogiques intercommunaux.

Monsieur le ministre, toutes les associations représentatives d’élus vous ont demandé que la capacité d’accueil des communes participant à un regroupement pédagogique intercommunal soit évaluée à l'échelle de ce dernier, qu’il soit ou non adossé à une intercommunalité.

Ce n’est apparemment pas le choix qui a été retenu, et je crains fort que ce dossier, qui devait enfin être définitivement réglé, ne soit finalement pas solutionné.

Monsieur le ministre, j’aimerais donc vous entendre également à cet égard. Pardonnez-moi d'ailleurs d’avoir évoqué plusieurs sujets dans mon intervention.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, je veux vous rassurer sur deux points.

Tout d’abord, le nombre d’élèves par classe est actuellement, en moyenne sur l’ensemble du territoire, de 22,6 dans le primaire et de 25,5 en maternelle, ce qui correspond aux ratios que nous avons enregistré l’année dernière.

Ensuite, si l’éducation nationale supprime des postes, elle est aussi capable d’en créer. Comme je le soulignais tout à l’heure, nous agissons avec discernement, puisque nous avons, par exemple, créé 2 500 postes cette année dans le premier degré. Le nombre de 16 000 postes en moins est le solde des créations et des suppressions réalisées ici ou là.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où vous réfléchissez à la bonne gestion de nos dépenses publiques, les membres du Gouvernement ont le devoir de veiller à optimiser la ressource dont nous disposons sur l’ensemble du territoire, en tenant compte des priorités qui sont arrêtées sur tel ou tel aspect.

J’en viens au décret d’application de la loi « Carle ». J’avais évoqué cette question dans ici même au Sénat lors de l’examen de cette proposition de loi.

J’ai recueilli l’avis du Conseil d’État en amont de la rédaction du projet de décret. Cette instance estimait que, pour faire une exacte application de la loi et du principe de parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et les écoles privées sous contrat d’association, il convenait d’apprécier les capacités d’accueil de la commune de résidence en considérant ces écoles ou celles du territoire de l’EPCI auquel la commune avait transféré la compétence scolaire.

C’est dans cet esprit que nous avons rédigé le décret que j’avais évoqué devant la Haute Assemblée. Ce texte a été présenté lors de la dernière réunion du Conseil supérieur de l’éducation, qui s’est tenue à la fin du mois de septembre dernier.

Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je tenais à vous apporter.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour la réplique.

M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre, je crains fort que la disparition des emplois vie scolaire ne déclenche une nouvelle grève administrative de la part de nos directeurs d’école. Nous n’en avons pas besoin !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le ministre, tout le monde se félicite de la multiplication des classes bilingues, essentiellement dans les régions frontalières. Ce phénomène contribue néanmoins à inquiéter les maires des communes concernées, qui craignent tout particulièrement les éventuelles fermetures de classes.

Vous en conviendrez, vous n’avez pas les moyens de doter en personnels enseignants les classes bilingues dans toutes les communes. Or, en l’absence d’un tel mode d’enseignement dans une commune, les enfants que les parents ont choisi d’inscrire en classe bilingue ne sont plus comptabilisés dans les effectifs de leur commune de résidence. Cette situation n’est pas acceptable, car il s’ensuivra des fermetures de classes dans certaines communes de résidence.

Monsieur le ministre, comptez-vous prendre des mesures pour faire comptabiliser ces enfants dans les effectifs de leur commune de résidence ? C’est une question d’équité et de justice !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Madame le sénateur, vous avez fait part de votre attachement à ce dispositif, propre à l’académie de Strasbourg, que sont les classes bilingues.

Au moment où nous voulons encourager la pratique des langues vivantes, où nous mettons en place une personnalisation du parcours, où la réforme du lycée porte un accent particulier sur l’enseignement des langues, il est clair que l’enseignement bilingue tel qu’il est pratiqué dans votre région constitue à la fois une référence et une réussite que je veux saluer.

Au regard de la situation particulière de l’Alsace, il est bien naturel que l’État facilite le déploiement de cet enseignement.

Dans l’académie de Strasbourg, les élèves qui suivent un enseignement bilingue sont comptabilisés dans les effectifs de l’école de la commune d’accueil, là où est assuré l’enseignement bilingue, et non dans la commune de résidence.

Il s’agit là, madame le sénateur, de l’application des textes réglementaires. Je pense, en particulier, à l’article L. 212-8 du code de l’éducation, qui définit les règles de répartition des dépenses de fonctionnement entre la commune de résidence et la commune d’accueil.

Il revient donc à l’inspecteur d’académie d’assurer, sous mon autorité et en lien avec les collectivités locales, un maillage précis des sites bilingues de son département en veillant à la cohérence et aux indispensables équilibres territoriaux.

Je rappelle d’ailleurs que cette politique s’inscrit dans le cadre de conventions qui existent entre l’État, la région et les deux départements alsaciens. Ce partenariat vise, en effet, à développer une politique régionale des langues vivantes fondée sur l’apprentissage précoce de la langue régionale. Les élèves apprennent à la fois le dialecte et l’allemand standard.

Cette politique est destinée à équilibrer, sur l’ensemble du territoire, la présence des classes bilingues. Tel est donc l’esprit dans lequel elle est mise en œuvre.

Je veux à nouveau exprimer mon attachement à cet enseignement, particulièrement dans votre région.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour la réplique.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le ministre, je regrette que vous n’ayez nullement répondu à ma question, me laissant démunie face aux interrogations des maires ruraux !

Vous m’avez parlé de réglementation. Or il me semble que toute réglementation est susceptible d’évoluer, et que vous êtes à même de la faire évoluer. C’est la réponse que j’aurais souhaité entendre aujourd’hui !

J’en conviens parfaitement, les classes bilingues contribuent très nettement au développement de l’enseignement des langues régionales et des langues en général. Mais il faut savoir que, dans les classes non bilingues de ma région, il est dispensé trois heures hebdomadaires de cours d’allemand, ce qui est aussi une manière de contribuer au déploiement des langues !

Monsieur le ministre, je suis déçue par votre réponse. J’aimerais que vous réfléchissiez tout de même à une évolution de la réglementation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, le Haut Conseil de l’éducation, le HCE, s’inquiète, dans son récent rapport, du fait que 20 % des élèves sortent du collège avec de graves lacunes en français et en mathématiques.

Je demeure, pour ma part, convaincu que le collège est le maillon faible de notre système éducatif.

Ce triste échec est en grande partie imputable au « vice de forme initial », qui remonte à la création du collège unique. Puisque l’objectif est l’acquisition d’un socle commun de connaissances et de compétences à l’âge de 16 ans, le collège devrait s’organiser comme un prolongement de l’école élémentaire obligatoire.

Or le collège a été construit en reproduisant à l’identique le premier cycle du lycée, lequel avait été conçu pour les élèves, représentant 10 %, puis 30 % d’une classe d’âge, qui étaient assurés de poursuivre des études au-delà du baccalauréat général.

Le choc frontal subi au moment de l’entrée en sixième devient fatalement une cause essentielle du décrochage définitif des élèves les plus fragiles. Toute l’organisation du collège doit, au contraire, être revue en s’appuyant sur le socle commun de connaissances et de compétences.

Un député UMP a récemment préconisé le rétablissement du vieil examen d’entrée en sixième. Pourquoi dresser une barrière supplémentaire entre l’enseignement élémentaire et le collège ? En sixième, on ne rentre pas au lycée, on poursuit son parcours de l’enseignement obligatoire !

Le HCE préconise, lui, une École du socle commun de neuf ans. La loi de 2005 évoque aussi cette nécessité. Mais nous attendons toujours l’action du Gouvernement dont les déclarations vont plutôt à l’encontre de cette recommandation quasi unanime.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelles mesures vous comptez prendre pour que tous les élèves – je dis bien tous ! – possèdent ce socle commun de connaissances et de compétences avant la fin de leur scolarité obligatoire. Comment entendez-vous éviter la néfaste rupture entre l’enseignement élémentaire et le collège, avec les échecs qu’elle entraîne ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, c’est en améliorant la personnalisation du système éducatif et en renforçant l’autonomie de nos établissements que nous pouvons répondre à votre question.

Premier axe, nous avons amélioré la personnalisation du système éducatif avec la réforme du primaire.

Vous évoquiez tout à l’heure les chiffres cités dans le rapport du HCE : si nous voulons diminuer le nombre d’élèves quittant le premier degré avec des connaissances initiales insuffisantes, notamment en lecture et en écriture, nous devons traiter le sujet en amont !

Dans cette perspective, j’ai lancé, au printemps dernier, le plan de lutte contre l’illettrisme, qui s’applique dès la maternelle, avant le cours préparatoire. C’est la raison d’être également du dispositif d’aide personnalisée de deux heures hebdomadaires mis en œuvre en faveur des enfants en difficulté pour leur permettre de savoir correctement lire avant d’entrer au collège.

Second axe, nous devons faire confiance aux établissements et leur donner davantage de marge de manœuvre en renforçant leur autonomie. C’est l’esprit du dispositif expérimental CLAIR que j’ai cité tout à l’heure et qui concerne, notamment, les collèges.

Dans les collèges qui cumulent l’échec scolaire, les difficultés sociales, voire des problèmes de sécurité, il me paraît très important, pour atteindre la réussite scolaire, de faire davantage confiance aux équipes pédagogiques locales avec un projet pédagogique adapté à la situation spécifique de l’établissement. Il importe donc de recruter les professeurs par rapport à ce projet, qui doit être porteur d’une vraie dynamique d’équipe collective.

Il est essentiel de faire plus de place à la vie scolaire. À cet égard, le dispositif CLAIR est exemplaire de la direction dans laquelle nous voulons aller pour donner une marge de manœuvre accrue aux établissements qui rencontrent le plus de difficultés.

Nous nous inscrivons complètement dans cette politique. Les élèves du collège ont besoin d’un accompagnement, qui commence dès le primaire, avec le travail sur les fondamentaux.

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour la réplique.

M. Yannick Bodin. On pourrait dire que votre réponse va dans le bon sens, monsieur le ministre. Cependant, vous ne pouvez, à la fois, développer un tel raisonnement et supprimer des postes ! Vous ne pouvez tenir ce discours sans faire en sorte que les adultes soient en nombre suffisant pour pouvoir travailler ensemble !

Il va de soi que, pour assurer une continuité entre l’école élémentaire et le collège, il faut tout simplement que les enseignants de ces deux niveaux travaillent ensemble.

Cela passe, et votre démonstration à cet égard pourrait être intéressante, par une exigence encore beaucoup plus forte qu’auparavant en ce qui concerne la formation des maîtres. En d’autres termes, ce que vous demandez pour réussir la politique que vous venez de rappeler, c’est une formation renforcée pour l’apprentissage du métier.

Nous pourrions être d’accord sur ce point, mais nous vous attendons, si je puis m’exprimer ainsi, sur ce terrain de la formation des maîtres. Sinon, vous ne dépasserez pas le discours et le collège restera le maillon faible du système éducatif français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le ministre, selon le rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale, le budget de l’éducation prépare « assez peu l’avenir », notamment parce qu’il envisage, cette année encore, de supprimer 16 000 postes.

À l’occasion de cette rentrée, j’ai effectivement constaté dans mon département, la Dordogne, à quel point ce manque de perspectives est patent pour l’école maternelle et élémentaire.

Depuis 2006, un accord avec l’éducation nationale prévoyait des décharges pour les directeurs d’école et, en conséquence, le recrutement d’emplois vie scolaire, EVS.

Aujourd’hui, ces recrutements ne sont plus financés par le ministère. Sur le département, il manque 26 emplois, soit 10 % des EVS administratifs. On crée donc une véritable pénurie de moyens !

La pénurie, on la voit, d’abord, dans le domaine de l’accompagnement des enfants en situation de handicap, où les recrutements sont toujours notoirement insuffisants.

On la voit, ensuite, avec le démantèlement des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED.

On la voit, enfin, devant la réduction du nombre d’intervenants extérieurs, notamment en ce qui concerne l’apprentissage des langues.

C’est encore plus vrai avec les fermetures de classes. À la rentrée, l’éducation nationale a fermé vingt et une classes en maternelle et en cours élémentaire, alors que, en 2009 et 2010, les effectifs de ces niveaux ont augmenté.

Les prévisions budgétaires vont donc à l’encontre de la réalité démographique du département.

Je terminerai, enfin, en évoquant la réforme catastrophique de la non-formation des professeurs stagiaires, qui a déjà conduit certains d’entre eux à renoncer à leur vocation.

Monsieur le ministre, en envisageant la création de masters en alternance, vous reconnaissez implicitement les effets pervers de la mastérisation.

Ma question sur ce dernier point sera donc simple : cette prise de conscience tardive vous conduira-t-elle à convenir enfin de l’utilité et du rôle incontournable des Instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, j’ai du mal à vous suivre. Avec votre groupe, vous demandez régulièrement au Gouvernement de faire des efforts en matière de gestion budgétaire. Pourtant, on a l’impression que les économies budgétaires réclamées sont toujours pour les autres et pour d’autres secteurs que ceux qui vous préoccupent. (MM. Claude Bérit-Débat et Yannick Bodin protestent.)

Lorsque l’on est à la tête du premier budget de l’État, qui emploie la moitié des fonctionnaires, on se doit de participer à un effort collectif de gestion de la dépense publique. Nous nous y employons, mais ce n’est pas au détriment de l’offre éducative.

Je rappelle simplement les chiffres suivants, monsieur le sénateur : on compte aujourd’hui environ 45 000 professeurs de plus qu’il y a vingt ans, c’est-à-dire au début des années 1990, alors que le nombre d’élèves dans le système éducatif a diminué de 600 000.

Dès lors, s’il suffisait de créer des postes de professeurs et d’ajouter des moyens aux moyens existants pour améliorer les résultats en matière éducative, cela se saurait et la France serait depuis longtemps la championne du monde de la réussite scolaire. Elle crèverait les plafonds des tests internationaux, notamment celui du Programme international pour le suivi des acquis des élèves, le PISA. Ce n’est pourtant pas le cas.

C’est la raison pour laquelle nous menons cette politique de gestion budgétaire avec discernement, comme je l’ai indiqué tout à l’heure.

Vous citiez, entre autres, l’accueil des enfants handicapés. Lors de cette rentrée scolaire, le nombre d’enfants handicapés accueillis au sein des établissements scolaires, en France, a encore progressé. Au cours de l’année 2011, ils seront plus de 200 000.

De la même façon, nous avons décidé de créer des postes, notamment dans les zones d’éducation prioritaires que nous évoquions tout à l’heure, pour tenir compte des réalités locales.

En outre, nous mettons en place des internats d’excellence en faveur des élèves qui sont issus de milieux défavorisés et qui réussissent à l’école, mais qui ont besoin d’être pris en charge.

Ainsi, comme vous le voyez, monsieur le sénateur, nous menons une politique réaliste.

L’éducation nationale reste une priorité pour le budget de l’État. Dans le cadre de la discussion budgétaire, intervenant dans un environnement contraint, que vous connaissez, le rôle du ministre de l’éducation nationale est de mener cette politique, je le redis, avec discernement, afin que l’argent soit affecté là où les besoins sont les plus grands pour la réussite de nos élèves. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour la réplique.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le ministre, je ne peux me satisfaire de vos réponses.

Vous n’avez pas répondu à ma question, pas plus d’ailleurs qu’à celle de Yves Détraigne, au sujet des emplois vie scolaire et, notamment, de la très forte demande des directeurs d’école dans ce domaine. Je rejoins les propos tenus par mon collègue : nous allons en arriver à une explosion !

Vous n’avez pas non plus répondu à ma dernière question, la plus importante, sur la formation des professeurs des écoles. Nombre d’entre eux ont renoncé à leur vocation, parce qu’ils n’avaient pas reçu la formation suffisante. Que vont donc devenir les IUFM dans les départements, sachant qu’outre la mission qui leur était dévolue au regard des professeurs des écoles, ils jouaient également un rôle structurant ?

Vous n’avez donc pas du tout répondu à mes questions. Bis repetita, vous ramenez chacune de vos réponses au budget global. Quand j’ai évoqué 16 000 suppressions de postes, je ne visais pas uniquement les postes d’enseignants.

Monsieur le ministre, encore une fois, je ne suis pas satisfait de vos réponses, et je vous donne zéro sur vingt ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Notre rôle n’est pas de noter les ministres, mon cher collègue !

Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques. Je vous remercie, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’y avoir participé.

Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-sept, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Débat préalable au Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010

M. le président. L’ordre du jour appelle un débat préalable au Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010 (demande de la commission des affaires européennes).

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec beaucoup de plaisir que je viens présenter devant la Haute Assemblée les enjeux du prochain Conseil européen, qui se tiendra le jeudi 28 et le vendredi 29 octobre à Bruxelles, et lui rendre compte des derniers travaux préparatoires auxquels j’ai participé.

Je me suis ainsi rendu à Luxembourg dimanche, pour un important dîner réunissant les ministres des affaires européennes autour de M. Van Rompuy, avant d’assister, lundi matin, au Conseil Affaires générales.

Je tiens, au passage, à remercier sincèrement M. Bizet, président de la commission des affaires européennes, d’avoir demandé que ce débat préalable au Conseil européen soit organisé à une heure normale cet après-midi.

M. Jacques Blanc. Cela nous change !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Le Conseil européen de jeudi et vendredi sera fourni. En plus des débats particulièrement importants qui seront consacrés à la gouvernance économique, il traitera de quatre autres sujets : les enjeux du prochain G20, qui se tiendra à Séoul et à l’issue duquel la France assurera la présidence de cette instance pour un an ; la conférence de Cancún sur le climat ; l'organisation, avec nos principaux partenaires stratégiques, des prochains sommets avec l'Union européenne ; enfin, le Conseil devrait, à la suite de la lettre adressée le 30 juin 2010 par le Président de la République au Président de la Commission, et conformément à la procédure fixée par l’article 355 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, adopter la décision transformant le statut de Saint-Barthélemy, qui, de région ultrapériphérique est appelé à devenir un pays et territoire d’outre-mer, un PTOM.

Je n’aborderai ces points que très brièvement, pour concentrer mon propos sur la partie consacrée à la gouvernance économique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, la zone euro a traversé cette année la crise la plus grave depuis la création de la monnaie unique.

Sans m’attarder sur le déroulement de cette crise, que vous connaissez, je tiens à rappeler que c’est sous l’impulsion déterminée du Président de la République et de la Chancelière allemande que l’Union européenne a su répondre à la pression très forte des marchés en construisant les « pare-feux » nécessaires qui ont permis de sauver notre monnaie et de préparer une nouvelle avancée dans la gestion commune de nos économies.

Tout d’abord, a été mis en place un plan de sauvetage spécifique de 110 milliards d'euros pour la Grèce, avec 80 milliards d'euros apportés par les Européens, dont la moitié a été prise en charge par la France et l’Allemagne après un vote de leur Parlement respectif.

Puis, une semaine plus tard, a été adopté un deuxième mécanisme européen de stabilisation financière tout à fait exceptionnel : 500 milliards d’euros mis sur la table par l’Europe, dont la moitié, là encore, apportée par la France et l’Allemagne, sans compter les 250 milliards d’euros du FMI.

Dans cette affaire, la Banque centrale européenne a joué un rôle fondamental : en acceptant, pour la première fois, d’intervenir sur le marché secondaire des dettes souveraines, elle a fait preuve de pragmatisme, et surtout d’une très grande efficacité.

Au final, j’ose le dire, la bataille de la stabilisation de l’euro a été gagnée. Elle a consacré les institutions créées par le traité de Lisbonne, en particulier le Conseil européen. Elle a renforcé la solidité du couple franco-allemand.

Elle a surtout révélé, en creux, le besoin d’une « gouvernance économique européenne », que la France a appelée de ses vœux depuis la négociation du traité de Maastricht et que le Conseil européen de juin dernier a fini par reconnaître.

C’est précisément cette question qui sera au cœur du prochain Conseil. Les chefs d’État et de gouvernement y seront appelés à prendre des décisions qu’il n’est pas exagéré de qualifier d’historiques en tirant, conformément aux conclusions du Conseil de juin, toutes les leçons de la crise la plus grave qu’ait connue la zone euro.

Je le souligne d’emblée, la France et l’Allemagne, en raison non seulement de leur implication depuis le début de la crise, mais aussi de la force et de la pertinence des propositions adoptées le 18 octobre à Deauville par le Président de la République et la Chancelière, jouent, dans ce domaine, un rôle moteur, au service, j’y insiste, de l'Union européenne.

Je rappelle que le Président et la Chancelière ont, dès le 21 juillet, à l’occasion d’une contribution commune, formulé des premières propositions concrètes et opérationnelles, permettant notamment de renforcer « la surveillance budgétaire multilatérale », mais aussi d’assurer une « mise en œuvre efficace de la surveillance économique par le biais de sanctions appropriées ».

Certaines de ces propositions franco-allemandes ont déjà été adoptées : les ministres des finances se sont ainsi accordés, le 7 septembre dernier, sur la mise en place d’un « semestre européen », qui consacre l’examen par l’Union européenne des « programmes de stabilité » nationaux, chaque année, au mois d’avril. Cela commencera en 2011.

S’agissant plus précisément du renforcement du mécanisme de sanctions applicables aux États en cas de non-respect du pacte de stabilité et de croissance, sujet qui était au cœur des débats du groupe présidé par Herman Van Rompuy, les propositions franco-allemandes ont été complétées et précisées dans la très importante déclaration adoptée à Deauville le 18 octobre dernier.

Pour avoir travaillé ces derniers jours très étroitement avec nos partenaires allemands – j’étais encore hier avec Guido Westerwelle –, je peux affirmer que le résultat obtenu est, de l’avis de tous, extrêmement solide, équilibré et pertinent.

Après l’Assemblée nationale, hier, et le Sénat, aujourd'hui, j’aurai d’ailleurs l’occasion de présenter cette déclaration demain devant le Bundestag, à la veille du Conseil européen. J’y serai en effet auditionné conjointement avec mon homologue Werner Hoyer. Il s’agit d’une première pour un ministre français des affaires européennes. Le principe d’une audition conjointe des ministres français et allemand devant les commissions des affaires européennes des deux pays est, je le rappelle, l’une des mesures fortes proposées dans le cadre de l’agenda franco-allemand 2020.

Mais venons-en aux travaux du groupe Van Rompuy et à la déclaration de Deauville.

Tout d’abord, j’observe que la France, mais aussi l’Allemagne soutiennent pleinement les conclusions des travaux du groupe.

Il s’agit d’un ensemble de règles, qui organisent la convergence de nos politiques budgétaires et économiques et qui mettent en place des sanctions efficaces pour le cas où un ou plusieurs États membres s’écarteraient des règles communes.

Les attaques survenues contre notre monnaie en 2010 ont mis en lumière le fait que de nouvelles règles disciplinaires étaient devenues indispensables. Ayons la franchise de le reconnaître, depuis l’entrée en vigueur du traité de Maastricht en 1993, vingt-deux cas d’infraction ont été répertoriés, mais jamais le mécanisme de sanctions prévu dans le traité n’a été mis en place.

Pour la crédibilité de notre zone monétaire, un renforcement de nos disciplines communes est aujourd'hui jugé indispensable, aussi bien par l’Allemagne que par la France. Il y va de l’intérêt national comme de celui de l’Europe.

Je veux dire, ici, la gratitude du Gouvernement français à l’égard de M. Van Rompuy. Mandaté par les chefs d’État et de gouvernement, il a su, en cinq mois à peine, soit deux mois avant la fin du délai imparti, présenter à l’Union un ensemble de règles solides, rigoureuses et politiquement fondées.

Ensuite, j’observe que cet ensemble de règles se distingue des propositions que la Commission avait rendu publiques le 29 septembre dernier, dans lesquelles elle proposait un système différent de sanctions quasi automatiques susceptibles d’être imposées aux États membres et fondées sur des critères purement statistiques.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces propositions posaient à nos yeux une série de problèmes.

En premier lieu, la Commission ne faisait aucune distinction entre le volet préventif et le volet correctif du pacte de stabilité et de croissance, et proposait une application généralisée du nouveau mécanisme automatique de sanctions.

En deuxième lieu, les règles proposées étaient beaucoup trop rigides et condamnaient, par avance, toute autonomie budgétaire des États membres.

Enfin et surtout, en troisième lieu, ces propositions réécrivaient l’équilibre prévu dans le traité, qui faisait du Conseil – il ne faut jamais l’oublier –, certes sur proposition de la Commission, l’organe chargé de décider d’imposer des sanctions. C’est l’actuel article 126 du traité. Dans la version proposée par la Commission, celle-ci devenait à la fois le juge, l’arbitre et l’organe de sanctions.

Dans cette perspective, une sanction d’une sévérité sans précédent – les amendes étaient susceptibles d’atteindre 0,2 % du PNB de l’État membre concerné, soit, excusez du peu, 4 milliards d'euros pour la France ! – pouvait donc être imposée à un pays sans qu’aucune majorité d’États membres ou de population l’ait décidé, sur la base d’une décision de la Commission, qui, dans une hypothèse limite, pouvait n’être soutenue que par une quinzaine de commissaires représentant moins de 14 % de la population européenne.

Cela n’était pas acceptable pour le Gouvernement. C'est la raison pour laquelle nous avons travaillé sur d’autres pistes, à l’instar de la task force Van Rompuy, et nous avons soutenu de façon très étroite les travaux de cette dernière.

Aussi bien la déclaration franco-allemande de Deauville que les conclusions de la task force rétablissent les grands équilibres politiques, tout en renforçant la gamme des sanctions, en ce qui concerne tant le volet préventif que le volet correctif du pacte de stabilité et de croissance.

S’agissant du volet préventif, selon le système proposé à la fois par la France et l’Allemagne et par Herman Van Rompuy, c’est le Conseil, et non la Commission, qui prend la décision d’imposer, à la majorité qualifiée et de manière progressive, des sanctions susceptibles de prendre la forme de dépôts portant intérêt.

S’agissant du volet correctif, la France et l’Allemagne, de même que, là encore, le groupe Van Rompuy, s’accordent sur la nécessité de sanctions systématiques, mais selon une procédure en deux temps : d’abord, le Conseil décide à la majorité qualifiée d’ouvrir une procédure de déficit excessif ; et c’est seulement si l’État n’a pas pris les mesures correctrices nécessaires dans un délai de six mois que la procédure de sanctions est activée.

Le grand apport de la déclaration de Deauville et du groupe Van Rompuy a donc été, je le redis car c’est important, de remettre le Conseil au cœur du processus et d’introduire dans la procédure de sanctions, qu’elle concerne le volet préventif ou le volet correctif, le principe d’une appréciation qui reste fondamentalement politique, tout en élargissant de façon très sérieuse les disciplines et la gamme de sanctions appliquées aux États.

À ces disciplines nouvelles, les dirigeants français et allemand ont ajouté, à Deauville, un autre volet essentiel, qui doit être considéré comme une partie intégrante du paquet proposé, à savoir la révision du traité afin de permettre deux avancées considérables.

Premièrement, nous proposons la pérennisation, dans le traité, du mécanisme européen de stabilisation, embryon du futur « fonds monétaire européen » créé au mois de mai dernier après la crise de l’euro. Je veux rappeler que le mécanisme financier mis en place au printemps dernier avait un caractère transitoire et une durée de trois ans.

Deuxièmement, nous souhaitons une évolution vers des sanctions de nature politique avec la possibilité de suspendre les droits de vote de l’État concerné. Nous pensons en effet que des sanctions efficaces ne doivent pas seulement consister à ajouter des pénalités financières à des États en difficulté de trésorerie ; elles doivent également être de nature politique et susceptibles d’ouvrir un débat entre États membres et au sein de l’État concerné. Nous y voyons le meilleur instrument de dissuasion possible.

Ne nous y trompons pas, ces mécanismes représentent une innovation majeure. Je le répète dans cet hémicycle : ces propositions sont tout sauf un affaiblissement du régime de discipline commune. Il ne s’agit pas non plus d’un accord imposé par les « grands » aux « petits », comme j’ai pu le lire ici ou là, mais bien d’une discipline nécessaire, au service de l’Europe.

On a entendu beaucoup de choses hier, à Luxembourg, après la présentation des dirigeants français et allemand. À ce sujet, permettez-moi de profiter de cette tribune pour ne pas laisser sans réponse un certain nombre de propos déplacés, qui vont paraître demain dans Die Welt, émanant d’une commissaire européenne désormais bien connue en France et qui semble déterminée à poursuivre sa vindicte contre notre pays, en l’élargissant cette fois à l’Allemagne.

M. Jacques Blanc. Toujours la même !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. En effet, monsieur le sénateur ! Lorsque l’on est commissaire européenne et, de surcroît – excusez du peu ! –, vice-présidente de la Commission, est-il vraiment concevable de qualifier d’ « irresponsables » le Président de la République française et la Chancelière d’Allemagne ?

Les termes qu’utilise cette commissaire européenne pour dénigrer les propositions franco-allemandes dont je viens de rappeler la teneur sont franchement inacceptables. Ils sont de la même eau que le langage insultant utilisé cet été contre la France dans la polémique que la commissaire elle-même a alimentée au sujet des Roms, un langage que, pour ma part, je n’oublierai jamais.

M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Ce ne sont pas de tels propos qui peuvent assurer le succès de nos institutions nouvelles, et j’exprime mes plus vives inquiétudes quant à la capacité de cette commissaire à mener à bien sa mission.

M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Sur les points soulevés par la commissaire et compte tenu de ce que j’ai entendu hier, je souhaite apporter plusieurs précisions.

Premièrement, la Commission a travaillé étroitement avec le groupe Van Rompuy, depuis la création de ce dernier par le Conseil européen des 25 et 26 mars 2010. La Commission était d’ailleurs présente, en la personne de son vice-président Maros Sefcovic, lors du dîner des ministres, hier, dans le cadre du débat du Conseil Affaires générales.

Deuxièmement, la révision du traité de Lisbonne, qui est proposée par la Chancelière allemande et le Président de la République française, révision que Mme Reding considère comme « irresponsable », est, que je sache, prévue dans le traité lui-même selon plusieurs formules, y compris par le biais d’une procédure simplifiée. Aucun commissaire ne peut bien sûr l’interdire.

Troisièmement, la France et l’Allemagne, qui ont, depuis le début de la crise, organisé ensemble le sauvetage de la zone euro et qui contribuent à hauteur de 50 % au financement du mécanisme de soutien de la Grèce et du mécanisme européen de stabilisation…

M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères. Oui !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. … sont, me semble-t-il, fondées à formuler, conjointement, des propositions de renforcement des disciplines budgétaire et financière en Europe. Je m’interroge sincèrement : où est la compétence de Mme Reding sur ce sujet ?

Je rappelle clairement que la France s’impose ces disciplines à elle-même, parce qu’elle est totalement engagée dans le processus européen.

J’ai le souvenir que c’est pendant la campagne présidentielle, en 2006, que Nicolas Sarkozy a travaillé à un traité simplifié, alors que la France avait rejeté le traité établissant une Constitution pour l’Europe en 2005.

Depuis son élection et malgré la crise, le Président de la République a fixé un objectif sans précédent de réduction des déficits publics en cohérence avec nos engagements européens : en France, le déficit public va passer de 7,7 % du PIB en 2010 à 6 % en 2011, pour atteindre 3 % en 2013. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Entre 2010 et 2011, le déficit de l’État passera de 152 milliards d’euros à 92 milliards d’euros, ce qui représente une baisse de 40 %.

M. Guy Fischer. On en reparlera !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. On en reparlera sûrement, monsieur le sénateur, car cela fait partie de nos engagements !

Je rappelle également que, lors de la dernière conférence sur les déficits publics, le Président de la République a souhaité qu’une nouvelle gouvernance en matière de finances publiques soit inscrite dans notre Constitution, ce qui mettra pleinement en cohérence les efforts de réduction du déficit mis en œuvre par le Gouvernement et nos engagements européens.

Ces choix ont entraîné, pour la première fois depuis trois décennies, la diminution du nombre d’emplois publics dans notre pays, avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, le plafonnement des dépenses des ministères et, sur le plan social, la réforme des retraites, sur laquelle vous venez de vous prononcer, mesdames, messieurs les sénateurs, et l’Assemblée nationale se prononcera demain.

Je ne reviendrai pas ici – ce n’est pas le sujet – sur le contenu de la réforme. En revanche, je veux insister sur la dimension européenne de l’effort de volonté demandé aux Français.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’âge légal de départ à la retraite dans la majorité des pays européens est aujourd’hui fixé à 65 ans. La plupart d’entre eux, notamment les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont déjà engagé un mouvement visant à le porter à 67 ans.

Mme Annie David. Pour combien d’années de cotisation, monsieur le ministre ? Pour quelle décote et quel taux de remplacement ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. L’âge moyen de sortie du marché du travail, tous régimes confondus, s’élevait en 2008 en France à 59,3 ans, contre 61,4 ans en Grèce, 61,7 ans en Allemagne, 63,1 ans au Royaume-Uni, 63,8 ans en Suède, alors que la France bénéficie de l’espérance de vie moyenne à 65 ans la plus élevée de l’Union.

M. Guy Fischer. Il nous taquine !

Mme Annie David. C’est de la manipulation ! Vous ne donnez pas toutes les informations ! Il faut tout dire, monsieur le ministre !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Tous ces chiffres sont à la disposition du Sénat. Ils ne sont même pas discutables, puisqu’inscrits dans les lois des États membres de l’Union européenne. Je tiens le tableau chiffré à votre disposition, madame la sénatrice !

Mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme de l’ensemble de la gouvernance économique, budgétaire et financière européenne, que la France et l’Allemagne entendent mener avec détermination, n’est pas sans lien avec la persistance d’importants désordres monétaires internationaux, que le Président de la République dénonçait voilà plus d’un an déjà – il était d’ailleurs bien le seul à le faire.

Or on constate aujourd’hui que le prochain G20, qui se tiendra à Séoul les 11 et 12 novembre et qui sera préparé par le Conseil européen ce jeudi, devrait être dominé par les questions monétaires : à la suite de différentes interventions sur les marchés pour faire évoluer les taux de change des monnaies, plusieurs pays, comme le Brésil, ont en effet mis en garde contre le risque d’une « guerre des changes ». Cette question a d’ailleurs dominé l’ordre du jour des assemblées annuelles du Fonds monétaire international, le FMI, et de la Banque mondiale les 8 et 9 octobre dernier.

Lors de ces assemblées, nous avons obtenu que le FMI renforce ses travaux et sa surveillance sur la volatilité des mouvements de capitaux, des taux de change, et l’accumulation des réserves de change.

La réunion des ministres des finances, qui s’est tenue ce week-end en Corée du Sud, a d’ailleurs été largement consacrée à ce sujet : les ministres se sont engagés à ce que les taux de change soient davantage déterminés par le marché et à ne pas effectuer de dévaluations compétitives. Un système de surveillance des grands déséquilibres structurels est mis en place en vue de maintenir les balances courantes à des niveaux soutenables. Enfin, le FMI évaluera désormais, entre autres, les politiques monétaires et de change des pays du G20.

Je rappelle également que le sommet du G20 de Toronto avait donné pour mandat au FMI de trouver un accord sur la réforme des quotas et de sa gouvernance d’ici au sommet de Séoul. C’est chose faite avec l’accord trouvé lors du G20 Finances du week-end dernier, qui reprend très largement la proposition européenne.

Concrètement, l’objectif fixé lors du sommet du G20 de Londres en 2009 d’un transfert de 5 % des quotes-parts du FMI aux pays émergents et aux pays sous-représentés a été largement dépassé, puisque ce transfert sera de plus de 6 %.

De plus, le conseil d’administration du FMI, maintenu sur notre demande à vingt-quatre membres pour permettre aux États émergents d’y avoir toute leur place, sera entièrement élu. L’Europe perdra toutefois deux sièges à la suite de cette réforme, ce qui montre d’ailleurs les nouveaux équilibres mondiaux.

Cet accord sur la gouvernance prévoit également de renforcer les outils du FMI pour faire face à des chocs systémiques. C’est, pour la France, un élément indissociable de la réforme de la gouvernance du FMI.

Enfin, le capital du FMI est doublé, ce qui multipliera d’autant sa capacité d’intervention.

Après la réforme réussie de la Banque mondiale au printemps dernier, cet accord illustre les progrès réalisés en matière de gouvernance mondiale et conforte l’approche française lors de sa présidence du G20, avec les trois grandes priorités présentées par le Président de la République : réforme du système monétaire international, plus que jamais à l’ordre du jour, réponse à la volatilité du prix des matières premières, réforme de la gouvernance mondiale.

Concernant la préparation du sommet de Cancún sur le climat, qui se tiendra du 29 novembre au 10 décembre prochain, je souhaite rappeler quatre messages sur lesquels l’Europe doit travailler.

Premièrement, l’Europe n’a pas à rougir de son bilan carbone. Elle apparaîtra, à Cancún, comme le meilleur élève en termes de résultats d’atténuation des émissions de C02. Ce résultat s’explique pour l’essentiel par les effets positifs du paquet « énergie-climat », adopté durant la présidence française de l’Union européenne.

Deuxièmement, en termes de méthode, l’Union européenne se présentera à Cancún avec une position unifiée, qui a été arrêtée par le Conseil Environnement du 14 octobre dernier.

Troisièmement, sur le fond, il ne faut pas se cacher que l’évolution des négociations est plutôt décevante à ce stade. Tout en continuant à plaider en faveur d’un accord global juridiquement contraignant, l’Union européenne devra avoir pour objectif d’obtenir à Cancún l’adoption d’un premier jeu de décisions permettant d’intégrer dans l’acquis onusien les principaux éléments de l’accord de Copenhague : limitation du réchauffement climatique à 2° C, suivi des engagements pris par les États membres, mécanismes de soutien.

Enfin, quatrièmement, dans ce contexte, l’Europe maintient sur la table le paquet de propositions qu’elle avait formulées : ouverture à un accroissement éventuel au-delà de 20 % de l’effort de réduction d’émissions de C02, mais dans le respect des conditions définies par le Conseil européen, qui imposent notamment des engagements de réduction comparables chez nos grands partenaires émetteurs de C02 ; meilleure prise en compte des risques comme les « fuites de carbone », en cas de renforcement de l’effort de réduction des émissions de C02 consenti par l’Union européenne.

La France est favorable à la poursuite de l’analyse faite par la Commission dans sa communication au printemps dernier, qui reconnaissait, comme l’avait recommandé le Président de la République, que le « mécanisme d’inclusion carbone », la fameuse « taxe carbone aux frontières », était bien une des possibilités pertinentes pour lutter contre les fuites de carbone.

Dernier point à l’ordre du jour, le Conseil européen se penchera sur l’organisation des sommets à venir avec les grands pays partenaires de l’Union européenne, notamment les États-Unis, la Russie, l’Ukraine.

Il s’agit, sur ce point, d’appliquer à tous ces sommets la méthode identifiée dans les conclusions transversales du Conseil européen du 16 septembre dernier, qui préconisaient l’adoption par l’Europe d’une approche véritablement stratégique des relations avec ses grands partenaires.

J’insisterai plus particulièrement sur le sommet tripartite avec la Russie, qui s’est tenu à Deauville – n’en déplaise à Mme Reding – le 19 octobre dernier, à l’invitation du Président de la République, en présence de la Chancelière allemande et du Président russe Dimitri Medvedev. Ce sommet a marqué l’entrée dans une ère nouvelle, celle de l’alliance entre l’Europe et la Russie.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Il est plus que temps aujourd’hui de tirer les conséquences de la fin de la guerre froide : la Russie est désormais notre amie et notre partenaire.

Témoignage de cette évolution historique, le Président Medvedev, qui est à l’origine de l’idée d’un nouveau « traité de sécurité européen », a annoncé à Deauville sa participation au prochain sommet de l’OTAN – elle met ainsi fin à des années de brouille avec l’Alliance atlantique – et la pleine participation de la Russie à un système global de défense antimissiles, ce qui est également une évolution très favorable.

Lors du sommet de Deauville, il a été question aussi de dissuasion nucléaire entre la France et l’Allemagne ; à cette occasion, un certain nombre de malentendus ont été heureusement levés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tel est l’état de la préparation du Conseil européen des 28 et 29 octobre, lequel sera très dense, comme vous le voyez, et particulièrement important pour l’avenir de l’Union européenne et de son économie. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un contexte national qui est marqué, pour reprendre des mots bien connus, par « la hargne, la rogne et la grogne », il n’est pas inutile d’observer que, pendant ce temps, la construction européenne se poursuit, et même s’approfondit.

Il y a désormais un effort unanime de redressement financier. Tous nos pays ont dû laisser se creuser leurs déficits pour lutter contre la crise ; aujourd’hui, on se tourne à nouveau vers l’avenir, et chacun comprend qu’on ne bâtira pas l’avenir de l’Europe sur un monceau de dettes.

Au moment de la crise grecque, puis de la menace de contagion à d’autres États, nos pays se sont engagés dans une forme de mutualisation de leur dette publique. La conséquence est que nous sommes désormais responsables les uns envers les autres de l’état de nos finances publiques. Nous ne pouvons pas être indifférents à ce qui se passe chez nos partenaires, car nous nous sommes portés garants pour eux et, en même temps, nous avons envers eux le devoir de tenir nos engagements.

Cette double exigence de redressement financier et de loyauté entre partenaires européens est au centre de la réforme de la gouvernance économique européenne, qui sera le sujet principal du prochain Conseil européen.

Qu’on le veuille ou non, nous avons franchi une étape dans la construction européenne. L’ère de l’isolement budgétaire est révolue. Bien sûr, en théorie, elle l’était déjà depuis l’adoption du pacte de stabilité et de croissance en 1997. Mais nous savons ce qui s’est produit lorsque l’Allemagne et la France se sont retrouvées, à la fin de 2003, clairement en dehors des critères du pacte de stabilité : le Conseil a décidé d’interpréter le pacte avec, disons, une très grande bienveillance.

Je ne dis pas que, sur le principe, les États membres ont eu tort de s’affranchir d’une conception rigide, mécanique, du pacte de stabilité. Mais, dans le contexte de l’époque, cette évolution a été comprise comme reléguant au second plan l’exigence d’une discipline commune. Puis la crise financière est arrivée, entraînant une véritable déstabilisation des budgets des États membres.

Il faut donc repartir aujourd’hui sur de meilleures bases. Et pour cela, il faut tirer les leçons du passé.

Deux choses ont manqué au pacte de stabilité « ancienne manière ».

La première, c’était que les États prennent toute la mesure de leur interdépendance. C’est seulement la crise grecque qui a fait prendre pleinement conscience de cette interdépendance.

La deuxième chose qui a manqué au pacte, c’était la crédibilité. Le volet préventif, il faut le reconnaître, n’était guère pris au sérieux par les États membres. Quant au volet répressif, il reposait uniquement sur le non-respect de deux critères : le déficit et la dette.

La portée du critère de la dette avait été considérablement atténuée lors de l’entrée de l’Italie et de la Belgique dans la zone euro, car chacun savait qu’une dette à 60 % du PIB ne pouvait être qu’une perspective lointaine pour ces deux États. Tout se ramenait donc au respect du critère de 3 % pour les déficits publics, ce qui ne pouvait manquer d’apparaître simpliste. On traitait les finances des États membres comme s’il s’agissait d’automobilistes passant devant un radar. Il n’est finalement pas très étonnant que les sanctions prévues n’aient jamais joué.

Comme l’ont souligné dans leur rapport commun nos collègues Pierre Bernard-Reymond et Richard Yung, le nouveau dispositif devra reposer sur une approche beaucoup plus globale. Il devra non seulement accorder autant d’importance à la dette qu’au déficit, mais aussi ne pas se limiter aux finances publiques. Il devra comprendre également une surveillance macro-économique, car une trajectoire budgétaire n’est pas séparable d’une politique économique.

C’est pourquoi l’aspect préventif du nouveau pacte sera l’aspect déterminant. À cet égard, la déclaration franco-allemande de Deauville a montré la voie.

Non seulement cette déclaration réclame un renforcement simultané de la surveillance budgétaire et de la coordination des politiques économiques, mais encore elle met l’accent sur le volet préventif du pacte. Les sanctions devront pouvoir désormais s’appliquer au titre de ce volet préventif, et pas uniquement lorsqu’un État se trouvera en situation de déficit excessif. C’est une évolution essentielle, qui va donner enfin une véritable crédibilité au pacte.

Imposer des sanctions financières à un État qui est en train de prendre une mauvaise trajectoire est une démarche crédible, car cet État n’est pas encore en situation de déficit excessif. En revanche, on voit bien que la démarche consistant à appliquer des sanctions financières à un État qui est déjà en grave difficulté n’est pas très convaincante. Ces sanctions seront toujours difficiles à mettre en œuvre. Quand quelqu’un se présente devant une commission de surendettement, on ne commence pas par lui infliger une amende !

C’est donc avant tout le volet préventif qu’il faut renforcer, et je crois que ce serait une erreur de se concentrer à l’excès sur le volet répressif, et notamment sur la suspension éventuelle des droits de vote. Pour cette nouvelle sanction, il faut une révision des traités ; cela prendra du temps, et il faudra un accord unanime.

À supposer que cette sanction soit introduite dans les traités, ce sera de toute manière l’arme atomique : elle sera là pour dissuader, car il faudrait des circonstances extrêmes pour mettre ainsi un pays au ban de l’Europe.

Je crois également qu’il ne faut pas se concentrer trop exclusivement sur la question du caractère plus ou moins automatique des sanctions. Quand on entend certains propos, on a l’impression qu’il faudrait que les sanctions soient parfaitement automatiques pour être crédibles. Heureusement qu’on n’applique pas ce raisonnement à la justice pénale !

Toute règle de droit, nous le savons bien, peut devenir absurde si on l’applique de manière purement mécanique. L’essentiel est de déplacer la contrainte vers le stade préventif du pacte, et de disposer à ce stade d’une large gamme de sanctions, de manière à ne pas avoir le choix entre ne rien faire et prendre une sanction disproportionnée.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le pessimisme est une plante que l’on cultive volontiers dans notre pays. Cela nous rend-il plus lucides ? Ce n’est pas rien qu’il y ait eu un accord franco-allemand sur un sujet aussi essentiel que la gouvernance économique, avec des positions de départ aussi différentes. Et ce n’est pas rien que cet accord prévoie « un mécanisme permanent et robuste pour un traitement ordonné des crises dans le futur ». Cela veut dire que nous nous engageons à remplacer le mécanisme provisoire, mis au point durant la crise grecque, par un mécanisme permanent. C’est un pas en avant vers la solidarité européenne dont il faut mesurer l’importance.

En réalité, à l’occasion de la crise financière, qui était une épreuve de vérité, l’Europe est en train d’avancer. Dans ces temps difficiles, il me semble que nous avons là une grande raison d’espérer.

Remettre le Conseil au centre du processus, c’est revenir à une réelle reprise en main du politique dans la conduite des affaires européennes. Je m’en réjouis ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. Robert del Picchia, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, d’excuser le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Josselin de Rohan, qui effectue actuellement un déplacement au siège de l’Organisation des Nations unies, à New York, et qui m’a demandé de le remplacer aujourd’hui.

L’ordre du jour du Conseil européen des 28 et 29 octobre est particulièrement chargé.

Le président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet, vient d’évoquer la réforme de la gouvernance économique européenne. Comme lui, je me félicite du rôle moteur du couple franco-allemand, qui a ouvert la voie à un renforcement de la gouvernance économique en Europe.

Afin de tirer les leçons de la crise grecque et de prévenir tout risque pour la stabilité de la zone euro, il est indispensable de renforcer la coordination des politiques budgétaires, d’introduire un mécanisme de résolution des crises et d’aller vers une véritable gouvernance économique européenne, que la France appelle de ses vœux depuis déjà plusieurs années. Comme cela a été souligné, il s’agit là de la réforme la plus importante des règles économiques en Europe, depuis la mise en place de l’euro.

On constate, une nouvelle fois, que lorsque l’Europe avance, c’est à la suite d’un accord entre la France et l’Allemagne. Vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État.

Si je me félicite naturellement de ce progrès, j’avoue que je m’interroge sur le calendrier qui sera retenu pour la révision du traité.

Dans leur déclaration commune, le Président de la République et la Chancelière allemande ont proposé une révision du traité de Lisbonne qui serait limitée à ce seul objet et qui pourrait intervenir avant 2013.

Comment une telle révision pourrait-elle intervenir dans un délai qui semble un peu court, compte tenu des procédures de ratification ? Ne serait-il pas plus opportun, par exemple, de procéder à une unique révision des traités, par exemple à l’occasion de l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne ? On pourrait ainsi faire d’une pierre deux coups.

C’est d’ailleurs ce modèle qui a été choisi par les chefs d’État et de gouvernement pour accorder des garanties à l’Irlande lors de la ratification du traité de Lisbonne.

Je voudrais toutefois concentrer mon propos sur les sujets de politique étrangère.

En effet, si l’intégration européenne connaît actuellement d’importantes avancées en matière économique, avec la perspective d’un gouvernement économique européen, et nous nous en félicitons, en revanche, en matière de politique étrangère et de défense, les choses progressent assez lentement.

Le Conseil européen devrait, d’abord, définir la position de l’Union européenne en vue du prochain sommet du G20, qui se tiendra à Séoul les 11 et 12 novembre prochain.

Il devrait, ensuite, arrêter une position commune sur le changement climatique, en vue de la réunion de Cancún.

Enfin, le Conseil européen devrait également évoquer les relations avec les États-Unis, à l’approche du sommet de Lisbonne du 20 novembre.

Les relations entre l’Union européenne et ses partenaires stratégiques figuraient à l’ordre du dernier Conseil européen de septembre.

On peut regretter que des questions majeures, comme les relations de l’Union européenne avec les États-Unis, la Russie, la Chine et les autres pays émergents, aient été un peu éclipsées par la polémique sur les Roms. Heureusement, cette polémique a pris fin ; du moins, l’espérons-nous : c’est en tout cas ce que vous avez affirmé au journal Die Welt, monsieur le secrétaire d’État.

D’ici une vingtaine d’années, l’Europe ne représentera que 6 % des habitants de la planète. Elle risque d’être marginalisée sur la scène internationale, face aux États-Unis, à la Chine et aux autres puissances émergentes. L’Union européenne ne parviendra à faire entendre sa voix, à être une puissance dans la mondialisation, que s’il existe une réelle unité entre les Européens, condition première d’une politique étrangère commune.

Cela m’amène à évoquer le rôle de l’Union européenne au Proche-Orient.

Nous avons été nombreux à regretter l’absence de l’Union européenne lors de la rencontre consacrée à la relance du processus de paix, qui s’est déroulée à Washington le 2 septembre dernier.

Alors que l’Union européenne constitue, et de loin, le premier donateur dans la région et le premier partenaire commercial d’Israël, elle peine encore à devenir un acteur politique. Comment faire en sorte, monsieur le secrétaire d’État, qu’elle soit plus présente et plus active ?

Certes, les ministres français et espagnol des affaires étrangères ont effectué récemment une tournée dans la région. La France a également suggéré à ses partenaires d’organiser un sommet sur le Proche-Orient, qui devait se tenir à Paris le 21 octobre, et d’utiliser l’Union pour la Méditerranée pour la relance du processus de paix. Toutefois, il semblerait que ces initiatives soient compromises en raison de la décision du gouvernement israélien de relancer, notamment, la colonisation à Jérusalem-Est.

Je souhaiterais savoir, monsieur le secrétaire d’État, si le sommet de l’Union pour la Méditerranée, qui avait déjà été reporté en juin dernier, aura bien lieu en novembre, à Barcelone, et s’il pourra se traduire par de nouvelles initiatives en faveur du processus de paix.

Avec le traité de Lisbonne, l’Union européenne dispose certes de nouveaux instruments, en particulier le poste de Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et le Service européen pour l’action extérieure.

Alors que le processus législatif européen vient de s’achever avec l’adoption du règlement financier et du règlement sur le statut des fonctionnaires de ce service, je souhaiterais savoir si le résultat des négociations répond aux préoccupations françaises, malgré les concessions faites au Parlement européen pour parvenir à un accord.

Je pense, en particulier, à la représentation des diplomates nationaux au sein du Service européen pour l’action extérieure. Je me félicite, à cet égard, de la nomination de M. Pierre Vimont au poste de secrétaire général exécutif.

Je pense également au droit de regard du Parlement européen en matière budgétaire ou de nomination des chefs de délégation, ou encore à la place des Français et de la langue française au sein de ce service.

Mes chers collègues, l’Union européenne vient également de subir un sérieux revers devant l’Assemblée générale des Nations unies, puisqu’elle s’est vue refuser, le 14 septembre dernier, la possibilité, pourtant prévue par le traité de Lisbonne, que des représentants de l’Union européenne puissent s’exprimer dans cette enceinte, comme le faisaient jusqu’à présent les représentants de la présidence semestrielle. Or cela aurait permis de renforcer la visibilité politique et l’efficacité de l’Union européenne au sein des Nations unies.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les raisons de cet échec et quelle stratégie les États membres entendent-ils suivre pour renforcer la position de l’Union européenne au sein de l’ONU ?

Enfin, avec la crise économique, on constate que la réduction des budgets de défense en Europe s’accentue, ce qui est en total décalage avec les évolutions observées partout ailleurs dans le monde, notamment en Asie et au Moyen-Orient.

L’effort de défense fait partie intégrante de la stratégie de puissance des grands pays émergents. Dans ce contexte, l’Europe ne risque-t-elle pas de perdre progressivement tout moyen de peser sur la scène internationale ? Lorsque l’Europe intervient sur la scène internationale, sur le plan de la défense, et même sur le plan militaire quand cela est nécessaire, pour trouver des solutions à certaines crises, c’est toujours très positif pour son image.

Monsieur le secrétaire d’État, comme beaucoup d'entre nous, j'ai la conviction que la politique étrangère et la politique de défense sont des domaines dans lesquels il est désormais impératif d'avancer. Les citoyens attendent une affirmation de l'Europe dans ces domaines, et nous pensons que cette affirmation est nécessaire à l'équilibre du monde multipolaire dans lequel nous nous trouvons.

Je vous remercie des réponses que vous pourrez apporter à ces questions, monsieur le secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 1976, dans ses Mémoires, Jean Monnet nous enseignait que « les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité, et ils ne voient la nécessité que dans la crise ».

Avec lucidité, ce père fondateur de l’Europe avait compris que c’est dans l’adversité que l’Union avance. L’ordre du jour du Conseil européen des 28 et 29 octobre démontrera – je l’espère – qu’il avait raison.

Assurément, il voyait juste en affirmant que nous ne voyons la nécessité que dans la crise.

La gouvernance économique et budgétaire de l’Union était insuffisante, nous le savions. Depuis plusieurs années déjà, nous savions que le seuil de 3 % de déficit public fixé par le pacte de stabilité et de croissance était trop rigide pour s’adapter à la diversité des situations économiques des États membres.

Nous savions que la surveillance prévue par le pacte se focalisait sur les seuls comptes publics – tout particulièrement sur le niveau des déficits. Elle n’accordait pas assez d’attention aux autres risques majeurs liés notamment aux écarts de compétitivité des États membres, à l’endettement privé ou aux bulles de prix d’actifs.

Nous savions que l’absence de toute incitation en haut du cycle économique incitait au laxisme budgétaire dans les périodes de croissance.

Nous savions également que l’application du pacte était défaillante.

Mais il a fallu la crise grecque, comme le disait le président Bizet, et la menace d’un éclatement de la zone euro pour voir réellement la nécessité d’améliorer la gouvernance économique de l’Union.

La nécessité, nous la voyons désormais : il s’agit d’un vrai régime de gouvernance économique, adaptée aux périodes de prospérité comme aux périodes de crise. C’est la condition indispensable à la solidarité communautaire, à la cohésion de la zone euro et à la crédibilité de la monnaie unique.

Aujourd’hui, pour assainir les finances publiques des États membres et protéger la cohésion communautaire, il faut repenser les règles, les pratiques et les mentalités.

Je tiens à saluer la force d’initiative dont le Gouvernement français a fait preuve aux côtés de nos partenaires allemands. Les propositions opérationnelles qui ont été formulées conjointement par le président Sarkozy et Mme Merkel vont dans le bon sens. Elles ont utilement pesé sur les propositions qui seront soumises aux chefs d’État ou de gouvernement lors du prochain Conseil européen.

Je salue notamment les propositions franco-allemandes relatives aux sanctions. Premièrement, par nature, la décision d’imposer des sanctions doit rester intergouvernementale. Il faut soutenir la capacité d’initiative de la Commission, mais certaines décisions relèvent des États. En l’affirmant sans détour, on ne porte pas atteinte à l’esprit des pères fondateurs de l’Europe, bien au contraire.

Deuxièmement, la perspective d’une modification du traité de Lisbonne pour autoriser l’imposition de sanctions politiques est intéressante. Cette modification pourrait offrir l’occasion de faciliter les coopérations volontaires afin que les États les plus vertueux puissent s’imposer des règles plus strictes avec ceux qui en sont d’accord, sans que d’autres puissent s’y opposer par leur droit de veto. Les pistes dégagées par notre collègue Pierre Fauchon en mars 2009 dans un rapport fait au nom de la commission des affaires européennes et intitulé Les coopérations spécialisées : une voie de progrès de la construction européenne pourraient utilement inspirer ces évolutions.

J’aimerais attirer votre attention, mes chers collègues, sur deux problématiques d’avenir dont l’Union ne pourra pas faire l’économie si elle veut être une puissance mondiale.

La première, c’est la convergence économique des États membres de l’Union et, en tout premier lieu, des économies française et allemande. Cela fait des années que nous appelons cette convergence de nos vœux.

En décembre dernier, je vous interpellais, monsieur le secrétaire d’État, sur la nécessité pour la France de parvenir à mettre en place une impulsion économique commune avec l’Allemagne.

Dans cette affaire, la responsabilité de notre pays me semble aujourd’hui déterminante. La France est en retard par rapport à son voisin d’outre-Rhin. L’Allemagne a initié bien avant nous son ajustement économique.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. C’est vrai !

M. Yves Pozzo di Borgo. Faute pour notre pays de procéder aux ajustements structurels qui s’imposent, le couple franco-allemand demeurera un « attelage bancal », pour reprendre une expression de Christian Saint-Etienne que j’ai déjà employée.

C’est la France que le couple franco-allemand attend pour repartir !

Le Président de la République semble en avoir pleinement conscience, comme en témoigne l’effort de réflexion sur la convergence fiscale qu’il a confié au Premier président de la Cour des comptes. Tout simplement, notre vote d’il y a quelques instants sur le projet de loi portant réforme des retraites montre aussi que nous sommes dans cet état d’esprit.

La seconde problématique d’avenir sur laquelle j’aimerais insister concerne les conditions de la croissance de demain, tout simplement parce qu’il serait vain de vouloir instaurer une véritable gouvernance économique et budgétaire européenne sans réunir les conditions de la croissance.

La première de ces conditions, mes chers collègues, c’est la recherche scientifique et technologique. On sait que le savoir est le principal moteur de l’économie. Sans recherche scientifique et technologique, il ne peut y avoir ni innovation, ni investissement, ni croissance. En ne finançant pas assez la recherche publique, en n’encourageant pas assez la recherche privée, la France s’affaiblit depuis une quinzaine d’années.

Le résultat de cette situation est la baisse de notre compétitivité et le déséquilibre de notre balance commerciale. En dix années, entre 1998 et 2008, la France a perdu un tiers de ses parts de marché à l’export.

Une simple comparaison résume le retard que la France accuse : selon l’OCDE, en 2009, notre pays consacrait 42 milliards à la recherche et développement, secteur public et secteur privé confondus, alors que l’Allemagne y investissait 76 milliards et les Etats-Unis, près de 400 milliards.

Je prendrai un seul exemple pour illustrer l’importance stratégique du financement de la recherche. Il s’agit de l’exploration spatiale. J’en parle car je me trouvais hier à Bucarest avec l’ensemble des parlementaires européens et M. Dordain, directeur général de l’ESA, l’Agence spatiale européenne.

Ma question est simple : sommes-nous prêts à mobiliser les ressources nécessaires pour relever ce défi ?

Le 27 octobre dernier, lorsque je vous ai interpellé une première fois sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, vous avez reconnu que le budget de l’Union européenne pour la recherche spatiale représentait le quart du budget américain dans ce domaine.

Mais vous aviez jugé que tout allait pour le mieux en vantant le succès du programme Galileo et en assurant au Sénat que les moyens nécessaires étaient mobilisés.

Un an après, et compte tenu de l’information que j’ai obtenue hier, je soulève de nouveau la question, monsieur le secrétaire d’État, car, premièrement, il n’est pas question de Galileo – l’un des quatre systèmes mondiaux avec le chinois, le russe et l’américain – et, deuxièmement, les moyens nécessaires ne sont pas mobilisés pour l’instant.

Galileo est un projet européen de positionnement par satellites. J’évoque pour ma part l’importance stratégique non pas du positionnement, mais de l’exploration spatiale. En effet, cette dernière a des incidences sur tout notre quotidien.

Par ailleurs, à propos des moyens, il manque aujourd’hui 5 milliards pour financer la poursuite des projets engagés dans ce domaine. Je sais que la situation des finances publiques impose de réduire les dépenses, mais ce serait une erreur très grave de sacrifier l’avenir.

J’aimerais souligner à quel point ce domaine de recherche est stratégique. À propos du climat par exemple, puisqu’il en sera question lors du Conseil européen, nous avons besoin d’un système d’exploration spatiale pour être en pointe sur le sujet.

Savez-vous que c’est en explorant l’atmosphère de Vénus que l’on a pu comprendre l’effet de serre ? Savez-vous également que c’est en explorant l’atmosphère de Mars que l’on pourra comprendre et maîtriser les conséquences du réchauffement climatique, que nous ne maîtrisons pas encore ? Mars est la planète dont l’environnement est le moins différent de celui de notre planète, et, avant d’être désertique, elle a connu dans le passé des conditions en surface assez proches des nôtres. C’est en sachant ce qui s’est passé sur Mars que nous pourrons savoir ce qui se passera dans le monde. Ne sous-estimons pas l’importance des découvertes que nous y ferons quand nous nous en donnerons les moyens !

Je crains que, par manque de culture scientifique et par manque de scientifiques dans des positions de décideurs en France et en Europe, nous ne passions à côté d’un rendez-vous absolument essentiel pour l’avenir. C’est vrai pour l’espace, c’est vrai aussi pour d’autres domaines scientifiques et technologiques.

Je souhaite donc que la France porte le projet spatial européen et soit une force d’impulsion dans ce domaine.

Le constat de Jean Monnet était d’une grande lucidité, mais il n’est pas une fatalité. N’attendons pas la prochaine crise pour agir et pour préparer l’avenir !

Pour terminer, monsieur le secrétaire d’État, je tiens à dire que j’ai été très heureux de cette rencontre à Deauville entre le président français, la chancelière allemande et le président russe. J’ai moi-même rédigé il y a trois ans, à la Commission européenne, un rapport sur la nécessité de l’existence de relations entre l’Union européenne et la Russie. Il s’agit d’un élément fondamental pour l’Europe. Alors que le président russe était au Sénat, il disait d’ailleurs au président Larcher qu’il était nécessaire de relancer les relations entre la Russie et l’Union européenne par le biais de la France et de l’Allemagne. La réunion de Deauville constitue un élément fondamental et je souhaite qu’elle éveille plein d’espoir. Merci encore pour votre action, monsieur le secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

(M. Guy Fischer remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviendrai aujourd’hui sur ce qui apparaît comme la question la plus importante du prochain Conseil européen, à savoir la gouvernance économique européenne. La crise financière puis la crise économique ont projeté cette question à l’avant-garde de l’actualité. Nous en étions conscients depuis longtemps, mais nos concitoyens ont touché ici du doigt le fait qu’il était impossible de disposer d’un marché unique et d’une monnaie unique sans politique économique coordonnée.

M. Yvon Collin. Ça fait longtemps que nous le disons !

M. Richard Yung. Ce point est suffisamment important pour que la commission des affaires européennes ait demandé à notre collègue Pierre Bernard-Reymond et à moi-même de rédiger un rapport, qui vient d’être publié et qui, je l’espère, nourrira les réflexions du Gouvernement.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Si vous me l’envoyez, oui ! (M. le président de la commission des affaires européennes remet un exemplaire de ce rapport à M le secrétaire d’État.)

M. Richard Yung. S’agissant de ces questions, il est difficile de s’y retrouver. Trois séries de propositions sont sur la table.

Tout d’abord, vient une série de propositions faites de façon anticipée par la Commission. Cinq projets de textes législatifs sont sur la table, la Commission les a publiés de façon anticipée avant la sortie du rapport Van Rompuy. Ensuite, nous disposons du rapport Van Rompuy lui-même. Enfin, vient la déclaration de Deauville.

Comment s’y retrouver ?

Ma première question est la suivante, monsieur le secrétaire d’État : considère-t-on que les propositions de la Commission ont vocation à être classées verticalement, à disparaître de nos « écrans radars » ? C’est l’impression que donne la situation actuelle. On ne parle en effet aujourd’hui que de l’accord de Deauville.

S’agissant du rapport Van Rompuy, ce dernier a proposé une prise en considération de la dette dans le mécanisme de surveillance budgétaire, et nous nous en réjouissons puisque cela signifie que les critères pris en compte sont élargis. Cela relève du bon sens et aurait dû être fait bien plus tôt.

Monsieur le secrétaire d’État, je profite de ce sujet pour évoquer le problème des déficits, que vous avez vous-même abordé. Je ne prends pas part à la nouvelle adoration du « veau d’or ». La pensée est en effet aujourd’hui unique, la seule chose ayant de l’importance en économie étant la ligne des 3 % du déficit budgétaire. Il n’y a plus rien d’autre ! Bien entendu, personne ne pense qu’il soit bon que nous connaissions des déficits trop importants. Il faut bien sûr les réduire. Mais nous devons aussi prendre en compte d’autres éléments dans la conduite des affaires, en particulier le problème de l’emploi et le problème de l’investissement dans la recherche et l’innovation – excellemment abordé par notre collègue Pozzo di Borgo –, les investissements schumpetériens, ceux qui préparent l’avenir. Il existe de bons déficits comme il en existe de mauvais. En investissant dans la recherche, vous faites un bon déficit, qui vous sera rendu plus tard, pour prendre une image biblique.

Dans l’état actuel des choses, comme les rats de la légende, nous suivons le joueur de flûte de 3 % et nous courons nous jeter dans la mer de la déflation. Or, la déflation existe déjà au Japon, elle menace aux États-Unis. La France, pour sa part, danse sur le volcan ! Je veux donc relativiser l’approche des déficits budgétaires.

Par ailleurs, nous considérons que le pacte de stabilité et de croissance devrait prendre en compte un certain nombre de critères économiques, notamment la politique d’investissement dans la recherche et le niveau de l’emploi, pour ne citer que les deux plus importants.

La politique économique est un ensemble, et rien n’est plus essentiel que la croissance et la création d’emplois. Nous devons aussi distinguer les différents types de déficits.

La task force de M. Van Rompuy n’a pas fixé d’objectifs chiffrés pour évaluer la trajectoire de réduction de la dette, mais a seulement fait référence à des critères quantitatifs et à des dispositions méthodologiques. Monsieur le secrétaire d’État, la France proposera-t-elle de prendre en considération certains autres éléments, par exemple le niveau de la dette privée ainsi que l’impact de la réforme des retraites sur les finances publiques ?

Quant aux sanctions financières et politiques, je partage les propos de M. Bizet : l’accent est trop mis sur l’aspect « sanction » et pas assez sur l’aspect « prévention ».

La palette des sanctions est essentiellement de nature financière : dépôt sur un compte bloqué rémunéré – très faiblement –, puis non rémunéré – cette dernière mesure devient douloureuse, surtout si sont concernés 3 milliards d’euros, comme cela a été dit – avant une amende. Pour ma part, j’estime qu’il sera très difficile de mettre ces dispositions en œuvre. Un accord devra être passé autour d’une table. Or nous savons à quel point les États sont timorés lorsqu’il s’agit d’infliger une amende à un autre État en raison de son mauvais comportement. Dans un tel cas de figure, nous nous cachons derrière notre petit doigt…

Par ailleurs, la task force propose de frapper au portefeuille, en quelque sorte. Cette politique semble surtout d’affichage. La politique agricole commune est intouchable. Elle ne se prête pas à ce type d’exercice. Reste alors les fonds structurels. Mais réduire les fonds accordés dans ce cadre à des pays déjà en difficulté est tout de même paradoxal. Il s’agit plutôt de mesures déclaratives.

J’en viens à la déclaration de Deauville, qui m’inspire une réaction ambivalente. Certes, je me réjouis qu’un accord soit intervenu entre la France et l’Allemagne, le moteur franco-allemand…

Mme Nicole Bricq. Le moteur a des ratés !

M. Richard Yung. Par expérience, nous savons que si un tel accord n’est pas trouvé, rien n’avance. Mais la forme, plus que contestable, a suscité des réactions, notamment dans les pays nordiques. Le Luxembourg, si j’ai bien compris, devient, pour sa part, un ennemi de la France. Faut-il envisager le pire ?...

En Belgique, M. Verhofstadt a qualifié la déclaration susvisée de « compromis de casino ». Visait-il l’utilisation d’une martingale ou simplement la présence d’un casino à Deauville ? Je n’ai pas très bien compris.

Quoi qu’il en soit, on constate que les autres pays trouvent la pilule un peu amère. Sans doute acceptent-ils, par nécessité, un accord entre la France et l’Allemagne qui permette d’avancer, mais ils voudraient qu’un tel accord soit un peu plus entouré de précautions et qu’eux-mêmes soient préalablement consultés.

J’en viens au problème des sanctions politiques, qui a été abordé. Mais on est en plein rêve ! Comment allons-nous pouvoir modifier les traités ? Monsieur le secrétaire d’État, vous nous présentez cela comme une chose acquise. Or, pendant dix ans, nous avons tous vécu la longue bataille de Lisbonne ! Vous savez très bien qu’un certain nombre de pays ne seront pas d’accord sur les sanctions. Quel que soit le véhicule utilisé – traité d’adhésion avec la Croatie ou autre –, on se heurtera à l’opposition de certains pays, à l’organisation nécessaire d’un référendum en Irlande, ce qui n’est pas une tâche facile, comme vous le savez. Croyez-vous que les Tchèques nous ouvriront les bras et voteront les yeux fermés ? Non, ce ne sera pas le cas !

Il ne faudrait pas, de surcroît, rater l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, en mêlant ce sujet à d’autres questions.

En réalité, il est peu envisageable que les États réunis autour d’une table suspendent les droits de vote, donc les droits politiques, d’un État. Cette sanction est tellement lourde, tellement forte. Elle constitue une telle claque politique. C’est l’arme nucléaire ! Elle ne sera par conséquent pas utilisée.

M. le président. Vous avez épuisé le temps de parole qui vous était imparti, mon cher collègue.

M. Richard Yung. Le temps de parole dont je disposais étant épuisé, eu égard aux nécessités du travail parlementaire, et bien que j’eusse aimé évoquer d’autres sujets, je m’arrêterai là. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur plusieurs travées de l’Union centriste et de l’UMP. – M. le président de la commission des affaires européennes applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai écouté votre intervention avec attention, mais je n’y ai pas trouvé la réponse claire que j’attendais aux questions que je me pose.

J’aborderai deux sujets essentiels : d’abord la politique économique, puis les questions monétaires.

Sur ces deux points, je ne vois aucun signe d’embellie : d’un côté, le renforcement de la rigueur, réclamée par la Commission européenne, soutenue par l’Allemagne ; de l’autre, la poursuite de la glissade du dollar, même après les déclarations de Mme Lagarde, qui aboutit à la revalorisation de l’euro. L’Europe est menacée par un retour de la récession.

M. Richard Yung. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Chevènement. M. Yung a évoqué le joueur de flûte de la bonne ville de Hameln, mais nous courons derrière, avec les rats. Nous allons nous jeter dans le précipice.

M. Jean-Pierre Chevènement. Ce serait se tromper lourdement de ne pas faire le lien entre ces perspectives, peu réjouissantes, et le mécontentement social qui s’exprime dans le pays et qui dépasse le problème des retraites. La France est un pays très politique.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement. Elle comprend intuitivement l’impasse dans laquelle elle est engagée.

On peut reculer l’âge de la retraite et augmenter le nombre d’annuités de cotisations, mais si l’offre de travail, si la croissance économique ne sont pas au rendez-vous, le problème des retraites ne sera pas résolu.

M. Yvon Collin. Absolument !

Mme Annie David. Exactement !

M. Jean-Pierre Chevènement. La langueur de l’économie surdétermine le reste. La zone euro est la lanterne rouge de la croissance à l’échelle mondiale. Et le choix de la monnaie unique, fait voilà plus de deux décennies, a mis la France sur une mauvaise route, il faut le dire : l’euro, dans la guerre des monnaies, apparaît comme une simple variable d’ajustement. La monnaie unique creuse les différences entre les économies industrielles à forte intensité technologique – tel est le cas de l’Allemagne – et les pays dont les exportations sont plus sensibles à l’élasticité prix, c’est-à-dire à la concurrence par les prix, comme la France ou les pays méditerranéens.

Cela, le pays le sent et, croyez-le bien, je ne m’en réjouis pas du tout, car cette impasse à quelque chose de tragique.

Les initiatives du Président de la République sont souvent pertinentes. Le discours de Davos, par exemple, est remarquable. Encore faut-il que de telles interventions soient suivies d’effets. Est-ce le cas ?

Prenons la politique économique.

La Commission européenne a formulé des propositions de nature législative mais celles-ci ont un caractère surréaliste.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Qu’ai-je dit tout à l’heure ?

M. Jean-Pierre Chevènement. Elles ne comportent rien sur la relance de la demande intérieure, rien sur l’augmentation des salaires, rien sur un emprunt européen qui pourrait servir à financer un plan d’infrastructures ou le développement de la recherche.

Le plan de rigueur européen est totalement contraire à la politique américaine de relance de l’économie ou même au soutien de la demande intérieure que semble instaurer la Chine. La politique européenne est à contre-courant, si l’on raisonne à l’échelle mondiale.

La Commission européenne propose de durcir le pacte de stabilité. Sur ce point, je ne suis pas tout à fait d’accord avec Richard Yung. Il me semble que la réduction à 60 % de la dette – pour arriver à cette norme de dette, cela signifie clairement un excédent annuel de 1,25 % du PIB pour la France pendant vingt ans –, considérée ainsi à égalité avec le plafonnement du déficit budgétaire à 3 % du PIB, est une pénitence beaucoup trop dure que notre pays s’infligerait à lui-même. Je vous demande d’y réfléchir.

Inacceptable, et même franchement ubuesque, est la taxation des pays en difficulté : les États les plus prospères se partageraient le montant des amendes fixé à 0,2 % du PIB des pays concernés ainsi que le produit des intérêts des sommes mises en dépôt imposés à ces derniers. On croit rêver !

Je m’interroge sur la proposition de la Commission de faire voter le Conseil « à la majorité inversée » pour l’application des sanctions – vous n’avez pas évoqué ce point, monsieur le secrétaire d’État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Si, je l’ai évoqué !

M. Jean-Pierre Chevènement. Dans ce cas de figure, 35 % des voix au Conseil et l’accord de 45 % des États suffiraient. Mais le traité de Lisbonne prévoit l’accord de 55 % des États et 65 % des voix au Conseil. Si un vote par consensus peut survenir, c’est parfait ! Mais le traité est ce qu’il est. Vous savez très bien que je n’ai pas voté le traité de Lisbonne qui reprend le texte de la Constitution européenne, rejetée par le peuple français. Néanmoins, ce traité pose des règles qui doivent être appliquées. Il n’est pas possible d’agir autrement. Je reviendrai sur ce sujet dans quelques instants.

La Commission formule d’autres propositions qui peuvent s’avérer dangereuses, voire attentatoires et contraires à la démocratie : ainsi en est-il de la prise en compte des exigences du pacte de stabilité à travers les règles d’élaboration des budgets nationaux. C’est ce que M. Trichet appelle le « fédéralisme budgétaire », c’est-à-dire le retrait aux Parlements nationaux du soin d’approuver le budget. La légitimité démocratique des institutions européennes en prend un coup.

Plus raisonnable est la procédure d’évaluation des risques de déséquilibres macroéconomiques ex ante, comme M. Yung l’a rappelé tout à l’heure.

J’en viens à l’accord franco-allemand. Je vous ai écouté, monsieur le secrétaire d’État, mais je ne vous ai pas bien compris. Expliquez-nous ce qui s’est passé à Deauville le 18 octobre dernier.

Les termes de l’accord franco-allemand sont très ambigus : les sanctions devraient être « plus automatiques ». Que signifie cette expression ? Soit les sanctions sont automatiques, soit elles ne le sont pas.

Mme Nicole Bricq. Cette formulation est idiote !

M. Jean-Pierre Chevènement. Et l’accord poursuit ainsi : « tout en respectant le rôle des différentes institutions et l’équilibre institutionnel ». Ce dernier était-il menacé et par qui ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Vous venez de le dire, monsieur le sénateur.

M. Jean-Pierre Chevènement. Oui ! Par conséquent, vous m’avez compris, monsieur le secrétaire d’État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. On s’est compris !

M. Jean-Pierre Chevènement. Quoi qu’il en soit, vous nous avez insuffisamment précisé le sens de toutes ces formulations, qu’il s’agisse du volet préventif, qui devrait être privilégié, comme l’ont dit MM. Bizet et Yung, par rapport au volet coercitif.

La déclaration franco-allemande souhaite réviser les traités sur deux points : d’abord l’implication du secteur privé dans la résolution des crises et la pérennisation du mécanisme de stabilité financière. Mais il s’agit de deux notions contradictoires. Dans quelle mesure les banques seront-elles amenées à renoncer à leurs créances ?

D’autre part, vous nous proposez une révision du traité, tendant à suspendre les droits de vote d’un État qui aurait violé les principes de base de l’Union.

En quoi cette procédure très grave se différencie-t-elle fondamentalement de la proposition d’exclusion d’un pays de la zone euro faite par Mme Angela Merkel, au printemps dernier ? Imagine-t-on un pays, tant soit peu soucieux de sa dignité, acceptant de faire partie d’une Union européenne qui lui aurait retiré voix au chapitre ?

Cette proposition est irresponsable ! Je prends, sans doute dans un sens différent, l’adjectif employé par Mme Viviane Reding, avec laquelle je ne me solidarise pas outre mesure. Cet adjectif qualifie bien la proposition d’exclusion d’un pays de l’Union européenne dont je viens de parler.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je vous répondrai !

M. Jean-Pierre Chevènement. Je ne sais pas si je donne raison à Mme Viviane Reding – je ne le pense pas – (M. le secrétaire d’État s’exclame.), mais le qualificatif n’est pas mal choisi.

Tout cela est très dangereux, monsieur le secrétaire d’État. M. Jean-Claude Trichet dénonce l’insuffisante rigueur du dispositif annoncé : il est dans son rôle de pape de l’orthodoxie néolibérale.

Le Conseil européen traitera d’autres points, notamment les hedge funds et les passeports européens. Pourra-t-on contrôler l’origine des fonds dès lors que ces passeports seront délivrés par des autorités nationales, britanniques, par exemple ?

M. Jean-Pierre Chevènement. On sait pourtant que la majorité des transactions sont le fait des hedge funds.

Que signifiera le pouvoir d’injonction de l’autorité européenne des marchés auquel Mme Christine Lagarde a fait allusion ? Il faut, selon elle, concilier la protection des investisseurs et la mobilité des capitaux. Ne serait-il pas plus opportun de freiner celle-ci, par l’imposition d’une taxe sur les transactions financières, que nous avons proposée ? (M. Yvon Collin hoche la tête.) Je vois le président Collin opiner.

Mes dernières observations portent sur les questions monétaires.

Je ne crois pas du tout Mme Christine Lagarde quand elle affirme que la guerre des changes n’aura pas lieu. C’est comme la guerre de Troie selon Giraudoux en 1939 !

Mme Nicole Bricq. Mme Lagarde n’est pas Hélène ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Chevènement. J’ai beaucoup de respect pour Mme Lagarde mais son optimisme est un optimisme de commande. Le Président de la République a insisté sur les réformes qu’il fallait faire pour mettre un terme au « non-système monétaire international » : mobilité des capitaux, domination d’une seule monnaie et une meilleure coordination des politiques économiques et monétaires. Je ne vois rien de tout cela.

Après la réunion qui s’est tenue en Corée du Sud, je constate que les Américains ont demandé une bande de fluctuation de plus 4 % et moins 4% du PIB des pays concernés pour leurs excédents ou leurs déficits commerciaux. Cela vise d’abord la Chine et l’Allemagne.

L’Allemagne a riposté. M. Rainer Brüderle, ministre de l’économie, a déclaré qu’une manipulation excessive des liquidités constituait une manipulation indirecte du taux de change. C’est d’ailleurs évident, il a raison !

Vous avez accepté, monsieur le secrétaire d’État, une réforme de la gouvernance du FMI en donnant 6 % des quotes-parts et des droits de vote aux pays émergeants, aux dépens de l’Europe.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Non, pas aux dépens de l’Europe, mais de l’ensemble des pays !

M. Jean-Pierre Chevènement. Il aurait été préférable de le faire dans le cadre d’un accord global.

On ne peut qu’être inquiet de l’affaiblissement du dollar, qui se poursuit et qui sapera inévitablement la compétitivité des produits européens, je pense particulièrement à Airbus, à nos industries de défense, aux fabricants d’hélicoptères et à notre industrie automobile.

Ce sera un puissant encouragement à la poursuite des délocalisations industrielles et au redéploiement de nos grands groupes vers les pays émergents ou à monnaie faible.

La revalorisation du yuan, parlons-en ! Elle a été de 2,7 % depuis qu’en juin les autorités chinoises ont affirmé le principe de la réévaluation de cette monnaie. (M. le secrétaire d’État opine.)

La guerre des monnaies peut susciter un retour du protectionnisme, c’est l’évidence. Je vous demande de ne pas accepter – et à travers vous, monsieur le secrétaire d’État, ma demande s’adresse au Président de la République –, à Bruxelles, l’automaticité des sanctions à l’égard des pays qui ne peuvent réduire rapidement leurs déficits, de préserver la place et le rôle du politique dans les institutions européennes, de refuser la dérive technocratique et disciplinaire qui se pare du masque d’un pseudo-fédéralisme, en réalité anti-démocratique.

Je vous demande d’essayer de convaincre l’Allemagne qu’elle a tout à gagner à défendre, au-delà de ses intérêts propres, les intérêts de l’Europe tout entière ! Encouragez la Banque centrale européenne à pratiquer une politique de détente monétaire plus forte pour éviter la déflation.

Ne donnez pas carte blanche à M. Axel Weber ! Introduisez quelques grains de sable dans le fonctionnement des marchés financiers. Défendez les intérêts de l’Europe face au G2, cette alliance conflictuelle des États-Unis et de la Chine.

Et surtout, défendez les intérêts de la France dont personne ne se souciera, monsieur le secrétaire d’État, si vous les oubliez.

Votre tâche est difficile. Guillaume d’Orange disait : « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ». Il ajoutait : « ni de réussir pour persévérer »…

Il y a cependant des limites à l’échec d’une politique. Quand une politique échoue depuis trop longtemps, comme c’est le cas du choix de la monnaie unique fait à Maastricht, le courage, l’audace, le souci de la France et des générations futures peuvent commander d’en changer !

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement. Soit vous changez les règles du jeu, en accord avec nos partenaires, mais dans le sens de la relance, bien évidemment ; soit vous changez de jeu, en jouant, rudement s’il le faut, le seul jeu de la France ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. – M. le président de la commission des affaires européennes applaudit également.)

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Bravo ! Nous sommes d’accord sur de nombreux points !

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez présenté les grandes lignes des positions que la France défendra par la voix du Président de la République lors du prochain Conseil européen, et vous souhaitez recueillir, ce soir, l’avis des groupes de notre assemblée.

Je regrette, encore une fois, monsieur le président Bizet, que nous ne soyons pas plus nombreux.

M. Jacques Blanc. Ce n’est pas la faute du président Bizet !

M. Pierre Fauchon. Les meilleurs sont là !

Mme Annie David. Nous avons pourtant changé l’heure du débat… (Sourires.)

Cet exercice tout à fait formel, puisque vous ne tenez, en général, aucun compte de nos remarques, nous donne malgré tout l’occasion de nous exprimer. C’est non pas une critique, mais un simple constat, monsieur le secrétaire d’État.

Une nouvelle fois, l’ordre du jour du Conseil européen sera composé de sujets d’importance variable. En effet, il doit en priorité examiner les conclusions du rapport sur le renforcement de la gouvernance économique pour préserver la stabilité de la zone euro. Ce rapport a été commandé au président permanent de l’Europe, M. Herman Van Rompuy, à la suite de la crise financière et économique qui, comme chacun le sait, après avoir touché la Grèce, a affecté l’ensemble de la zone euro.

Cette réunion devrait également permettre de déterminer une position européenne en vue du prochain sommet du G20, que présidera la France. Elle devra également élaborer des propositions à présenter au sommet de Cancún sur le changement climatique, ou bien encore réfléchir à la relation transatlantique.

Mais, comme à l’accoutumée, une seule grande question retiendra vraisemblablement l’attention des médias, et peut-être des opinions publiques – l’ensemble des intervenants se sont d’ailleurs principalement exprimés sur ce sujet, tout comme vous, monsieur le secrétaire d’État –, il s’agit de ce qu’il est convenu d’appeler « la gouvernance économique », dans le langage politiquement correct européen.

Les débats entre les représentants des pays européens qui auront lieu à la fin de la semaine seront dominés par la proposition, issue d’un compromis entre notre pays et l’Allemagne, de réformer le pacte de stabilité et de croissance et de réviser le traité de Lisbonne d’ici à 2013, en instaurant un régime de sanctions politiques à l’égard des États membres dont les finances publiques s’écarteraient de l’orthodoxie budgétaire communautaire européenne.

À nos yeux, l’idée même de cette révision du traité est bien le signe que celui-ci fonctionne mal, sur ce point comme sur d’autres.

Vous avez dit tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, que cette révision se fera dans l’intérêt de l’Europe. J’ajouterai qu’elle se fera dans l’intérêt de l’Europe libérale que vous souhaitez. Or, nous, nous voulons une Europe solidaire, une Europe des peuples.

C’est pourquoi notre groupe est en totale opposition avec le Président de la République sur son analyse des raisons de ce dysfonctionnement et sur les solutions qu’il proposera à Bruxelles.

Cette surveillance économique renforcée, avec la mise sous tutelle des budgets nationaux par la Commission, et la coordination des politiques économiques, nous est présentée comme la seule réponse aux effets dévastateurs de la crise financière.

De la même manière, votre collègue M. Éric Woerth nous a présenté sa réforme comme la seule possible. Mais là n’est pas le sujet…

Certes, la France a évité que les sanctions ne soient automatiques. Mais en préconisant de créer un mécanisme permanent de gestion des crises et d’adopter le principe de sanctions politiques, qui iraient jusqu’à la suspension des droits de vote des pays ne contrôlant pas leurs déficits et à l’introduction de nouvelles règles, en l’occurrence la majorité inversée, les propositions du Président de la République et de la Chancelière allemande franchissent, selon nous, une nouvelle et dangereuse étape.

En prévoyant de remplacer en 2013 le fonds européen de stabilité financière par un tel régime de sanctions, vous faites un pas supplémentaire dans l’abandon de compétences nationales au profit de la Commission.

La mise en œuvre de sanctions à l’égard d’un pays qui serait en déficit excessif pendant six mois est donc devenue un véritable dogme qui ne souffrirait pas de contestation.

Ainsi, la France et l’Allemagne, à quelques nuances près sur les modalités d’application, persistent sur la dangereuse voie de la réduction à tout prix des déficits publics.

Vous avez d’ailleurs insisté, monsieur le secrétaire d’État, sur cette réduction des déficits publics en France mais sans la mettre en rapport avec les suppressions d’emplois qu’elle a impliqué dans la fonction publique. On peut le regretter.

Pourtant, la douloureuse expérience du plan de sauvetage de la Grèce, les risques de débâcle économique qui menacent toujours l’Espagne, le Portugal et l’Irlande, malgré les mesures drastiques prises par ces pays, auraient dû vous servir de leçon !

D’autant que ces mesures – nous ne le répéterons jamais assez – ne s’attaquent pas à la racine du mal. Elles sont inadaptées à la gravité de la situation et sont contre-productives. Elles ne sont que l’émanation de votre idéologie libérale, conforme à l’orthodoxie budgétaire économique incarnée par le pacte de stabilité que vous souhaitez voir appliqué tant en France qu’en Europe !

Cette politique est appliquée de manière uniforme pour séduire les marchés financiers et conserver coûte que coûte les « 3 A » des agences de notation.

Partout en Europe, ce sont les mêmes recettes néfastes pour les salariés qui sont appliquées afin de faire des économies et de réduire les déficits publics.

Mais ce sont toujours les budgets sociaux, les aides aux plus démunis, aux chômeurs, les aides au logement, mais aussi les investissements publics, l’éducation, la santé, la recherche, qui sont les premiers sacrifiés, jamais le capital ou les revenus financiers !

Le dernier exemple en date, peut-être le plus brutal et le plus caricatural, est celui du Royaume-Uni.

On trouve là tous les ingrédients des vieilles recettes, pourtant éculées, de l’ultra-libéralisme.

Tous les budgets sociaux y passent : les allocations chômage, les allocations logement ou les aides aux personnes handicapées seront sérieusement réduites. Les allocations familiales seront gelées pendant trois ans et soumises à conditions de ressources. Quant aux impôts locaux, ils seront fortement augmentés et la TVA passera de 17,5 % à 20 %.

Bien évidemment, la fonction publique est sévèrement touchée, avec la suppression de près de 500 000 emplois ! (M. Gérard Bailly s’exclame.)

Enfin, l’âge de la retraite, déjà tardif, puisqu’il est fixé à 65 ans, sera différé d’un an.

S’il est vrai, monsieur le secrétaire d’État, que le tableau que vous nous avez présenté tout à l’heure est tout à fait exact, il n’en est pas moins vrai que pour présenter toute la vérité, il faut parler également du nombre d’années de cotisation, du taux de remplacement, de la décote et, surtout, de la possibilité, pour les salariés, de partir malgré tout avant 65 ans, avec l’ensemble de ces autres mesures, et de conserver une pension de retraite digne.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Avec une énorme décote mensuelle !

Mme Annie David. Cet exemple britannique montre d’ailleurs indirectement le manque de crédibilité de votre argumentation sur la nécessité de relever, en France, l’âge légal de la retraite pour être dans la norme européenne.

À ce compte-là, nous serons perpétuellement en course pour rattraper nos voisins !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Oui !

Mme Annie David. Décidemment, tous ces plans d’austérité budgétaire, loin de ramener l’endettement public à un niveau estimé acceptable par les marchés, risquent, au contraire, d’asphyxier les économies, en appauvrissant le plus grand nombre de nos concitoyennes et concitoyens.

De fait, le risque d’entrer dans une période de grave récession et de chômage massif se fait de plus en plus pesant, avec, en prime, moins de recettes fiscales et plus d’endettement public.

C’est à cette situation que mènera inéluctablement l’obstination du Président de la République et de la Chancelière allemande, mais aussi de l’ensemble des dirigeants européens, à vouloir coûte que coûte lutter contre les déficits en renforçant la discipline budgétaire des États membres.

Je vous rappellerai, à ce sujet, les propos tenus par l’économiste Michel Aglietta, qu’on soupçonnerait difficilement de gauchisme : dans la zone euro, « la nécessaire solidarité » est remplacée par « une règle uniforme de restriction budgétaire, le fameux pacte de stabilité, qui est arbitraire et insensible au contexte économique », a-t-il déclaré dans un entretien paru dans le journal Le Monde du 18 mai 2010.

En outre, la position tenue en matière de gouvernance économique nous confirme que les objectifs de la stratégie de l’Union européenne pour 2020 resteront lettre morte. Le Parlement européen ne s’y est pas trompé puisque, face à une proposition de budget sous-financée et médiocre au regard des enjeux à venir, il a menacé de ne pas voter le budget 2011 !

Enfin, l’autre grand point de l’ordre du jour consistera à arrêter la position de l’Union européenne à la veille du sommet du G20 que présidera notre pays. Ne serait-ce pas là l’occasion pour le Président de la République de faire valoir d’autres orientations ?

Pour notre part, nous ne nous satisfaisons pas de l’accord conclu en cette fin de semaine par les ministres des finances du G20 sur une réforme de la gouvernance du Fonds monétaire international, ou FMI, qui augmente le capital de l’institution et le nombre de sièges de grands pays émergents dans son conseil d’administration.

C’est une étape qu’il ne faut pas sous-estimer. Cependant, ces mesures s’accompagnent, là aussi, d’un dangereux élargissement des attributions du FMI en matière de surveillance des politiques économiques des États.

Comme il sait si bien le faire dans les instances internationales, le Président de la République serait bien inspiré – et je vous invite à lui communiquer cette inspiration, monsieur le secrétaire d’État – de saisir, jeudi et vendredi prochains à Bruxelles, l’occasion offerte par sa future présidence du G20 pour inciter dès maintenant l’Union européenne à poser la question de la nécessité d’un nouvel ordre économique et monétaire international.

Appuyons-nous, par exemple, sur la proposition de la Chine visant à créer une monnaie commune internationale pour les échanges afin d’apaiser la guerre des monnaies. Par ailleurs, pourquoi n’instaurerions-nous pas en Europe, à l’instar du Brésil, une taxation limitée des devises afin de commencer à réduire les tensions monétaires ?

Telles sont, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les remarques et les suggestions dont nous souhaitions vous faire part à la veille de la réunion de cet important Conseil européen.

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de me réjouir que ce débat ait lieu à une heure correcte…

M. Richard Yung. Ça, c’est vrai !

M. Jacques Blanc. … dans une organisation quelque peu nouvelle, et nous donne l’occasion à la fois de réfléchir ensemble au programme du Conseil et de poser des questions sur les problèmes européens qui nous préoccupent.

Il n’y a peut-être pas foule dans cet hémicycle, mais la qualité est au rendez-vous, comme l’ont montré les différentes interventions, quelle que soit leur tonalité. D’ailleurs, c’est justement dans ces différentes tonalités que l’on peut trouver des éléments susceptibles d’apporter une contribution au débat.

Je voudrais commencer par vous remercier, monsieur le secrétaire d’État. Vous nous avez permis – et c’est l’intérêt de ce débat – de mieux sentir les choses, notamment en nous ouvrant les yeux sur le problème qui s’est posé au sujet des Roms – problème qui a pris, du fait de l’attitude de certains commissaires, une ampleur qui me paraît difficilement acceptable.

Il ne s’agit pas d’un problème entre la France et le Luxembourg, mais entre le comportement d’un commissaire et une vie politique européenne qui ne doit pas donner lieu à des prises de position aussi extrêmes. Aussi, il me paraît important que, tous ensemble, nous nous accordions à ne pas laisser dire n’importe quoi, même si les analyses peuvent diverger sur telle ou telle proposition. En tous les cas, apparaît peut-être ce nouvel équilibre que beaucoup réclamaient, dans lequel le Conseil réaffirme son pouvoir face à la Commission.

Pour ma part, je le vois aux avancées que vous avez indiquées au sujet de la gouvernance économique, qui a été demandée par tout le monde. Même après l’intervention brillante de notre collègue M. Chevènement, je souhaiterais que nous réfléchissions un instant à ce qu’aurait été la situation du franc si nous n’avions pas adopté la monnaie unique. Selon moi, compte tenu du poids du déficit et de la crise financière mondiale, nous avons eu la chance d’avoir cette monnaie unique, bien que tout ne soit pas parfait et qu’il faille aujourd’hui améliorer notre capacité de maîtriser les choses par le biais d’une nouvelle gouvernance économique.

Nous assistons actuellement, avec la démarche franco-allemande, à un renforcement de cette capacité dont on ne peut que se féliciter. D’ailleurs, ce n’est pas une insulte pour d’autres pays que de voir deux moteurs de l’Europe agir de concert : j’étais, quant à moi, de ceux qui s’inquiétaient parfois de sentir certaines divergences !

D’aucuns ont souri lorsque le nom du président européen, M. Van Rompuy, a été évoqué. Pourtant, il a sans doute contribué à ce que l’Europe, en cette période de crise, sache trouver des réponses efficaces, notamment grâce à la contribution incontestable du Président de la République, qui a même entraîné Mme Merkel, au départ moins encline à s’engager dans cette voie.

L’Europe a tout de même permis à la Grèce d’éviter la catastrophe ! Or, quand un pays est dans une situation catastrophique, cela a des répercussions sur l’ensemble des autres pays européens. Il n’y a pas que des solidarités théoriques ; il y a aussi des solidarités de fait. Il était donc indispensable, dans cette terrible crise, que l’Europe soit capable d’abord de mobiliser des crédits, puis de créer ce fonds européen de stabilité financière qui n’était pas prévu par le traité.

Nous nous demandons d’ailleurs comment ce fonds sera pérennisé, puisque chacun sent bien qu’il constitue un outil efficace dont la pérennité est souhaitable pour parer à de futures crises. Il est vrai que les révisions constitutionnelles sont complexes, même si on adopte des solutions simplifiées ; cependant, il y a quand même des biais pour maintenir ce fonds jusqu’au jour où interviendra une reconnaissance officielle. En tout cas, je me permets de vous demander si ce ne serait pas une voie à emprunter pour assurer le maintien de cette capacité d’intervention en cas de crise.

Ce dispositif est important, parce qu’il a aussi un rôle préventif. Si les spéculateurs financiers, ceux qui manipulent les marchés, ceux qui espèrent gagner du fric – passez-moi l’expression – savent que cette possibilité d’intervention existe, ils seront moins tentés par des paris qui pourraient se révéler extrêmement difficiles. Les cotations ont aussi une incidence, notamment sur la charge de la dette dans les différents pays. Alors, n’y a-t-il pas de moyen pour pérenniser ce fonds avant même une modification constitutionnelle ?

Par ailleurs, chacun sent bien que – même si cela ne met pas en cause, comme le précisent les textes, les responsabilités budgétaires des États, qui restent souverains – le fait qu’il y ait une analyse des propositions budgétaires au mois de mars ou avril, en fonction des évolutions pouvant être prévues ensemble, peut aussi prévenir les risques que certains dérapages que nous avons connus ne se répètent. Il s’agit là d’une approche positive.

En ce qui concerne les sanctions, je craignais qu’un problème très difficile ne se pose entre la France et l’Allemagne, qui ne tablait pas au départ sur la même hypothèse d’automaticité. La Commission, de son côté, voulait revenir dans le jeu et réduire un peu les prérogatives du Conseil.

Or, en rappelant que c’est le Conseil qui peut proposer les sanctions et accorder un délai de six mois, c’est aux politiques, pas aux technocrates, que nous donnons toute leur place. Ce n’est pas la Commission qui décide ! Cette évolution politique est heureuse, en tout cas au sens où nous l’entendons, en vue de renforcer le poids politique de la gouvernance européenne.

J’ajouterai juste un mot pour souligner la cohérence qui caractérise l’action développée par la France tant au niveau européen qu’au niveau mondial. Bien sûr, on ne peut que soutenir les efforts du Président de la République pour tenter de déboucher sur un nouvel ordre monétaire mondial ; mais on ne peut pas penser que tout sera réglé du jour au lendemain ! Un pas a été franchi par les ministres à Séoul, comme vous l’avez dit ; il faut sans doute aller plus loin, et ce sera le jeu du Président de la République.

Enfin, selon moi, le fait que l’Europe parle d’une même voix à Cancún est aussi une avancée. C’est, en quelque sorte, ce qui avait manqué à Copenhague.

Cela dit, permettez-moi tout de même de vous interroger sur deux points que vous n’avez pas abordés. Premièrement, quid de la réunion euro-méditerranéenne ? Je suis personnellement un ardent défenseur de cette démarche lancée par le Président de la République, qui me paraît apporter une véritable contribution à l’organisation de la vie du monde.

Malgré les difficultés, malgré Gaza, et bien qu’elle ne puisse avancer aussi vite que prévu, cette politique euro-méditerranéenne doit se poursuivre, car elle permet tout de même d’avancer sur un certain nombre de dossiers. Il ne faut pas abandonner cette ambition. Aussi, j’aimerais connaître votre opinion sur ce point. Pour ma part, je souhaite que la France reste très mobilisée pour que se crée enfin une nouvelle démarche euro-méditerranéenne. Si un processus de paix entre Israël et la Palestine reprenait, cela donnerait peut-être un élan nouveau à cette politique.

Deuxièmement, pour rejoindre ce que j’ai dit sur l’accord entre la France et l’Allemagne, je souhaiterais rappeler que Berlin et Paris ont fait une importante déclaration conjointe sur la politique agricole commune ; il y a eu des prises de position très fortes à ce sujet.

Quels que soient les besoins en matière de politiques publiques – notre collègue Pozzo di Borgo a évoqué la recherche et l’exploration de l’espace –, nous ne devons pas abandonner ce qui est un élément important d’une vraie politique européenne, ce qui a sauvé l’agriculture française et européenne, ce qui permet de répondre aux préoccupations liées à l’alimentation dans tous les pays du monde ainsi qu’à la qualité et à la sécurité dans les pays européens, ce qui permet aussi un aménagement harmonieux et équilibré de notre territoire !

Le traité de Lisbonne a introduit la cohésion territoriale parmi les objectifs des politiques européennes ; là encore, je souhaiterais attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur la nécessité de maintenir une politique régionale capable d’assurer cet aménagement équilibré et harmonieux du territoire. C’est cela, le développement durable ! Car il n’y aura pas de développement durable s’il n’y a pas d’agriculteurs et s’il n’y a pas de vie sur l’ensemble de notre territoire.

Tout cela, c’est une chance pour la France et pour l’Europe ! Voilà pourquoi nous restons très préoccupés par ces évolutions. Je vous remercie néanmoins de ce que vous faites. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai écouté chacun d’entre vous ; j’essaierai donc de ne pas commettre d’injustice dans ma réponse, sans pour autant être trop long, car je sais que votre programme est chargé et que vous voudrez sans doute poser d’autres questions.

Je commencerai par faire respectueusement observer à M. Bizet et à ceux d’entre vous qui ont évoqué ce point, parfois en des termes quelque peu excessifs – l’un d’entre vous a parlé de « rêve », et j’ai même entendu M. Chevènement créer un inquiétant axe Chevènement-Reding en qualifiant d’ « irréaliste » la décision sur les sanctions politiques ! –, que les sanctions politiques sont déjà prévues dans le traité, à l’article 7.

Lorsqu’un État manque aux obligations fondamentales définies à l’article 2, c'est-à-dire qu’il se trouve en situation de manquement vis-à-vis des droits, alors des sanctions politiques s’appliquent, et il est privé de droit de vote. Ce qui existe pour le cap politique, et qui engage les droits, doit pouvoir exister lorsqu’il s’agit d’une caution.

Car il s’agit bien, ici, de se porter caution des autres ! La discipline commune doit être partagée par tous ; faute de quoi, le système ne fonctionne pas. Dans ce cas-là, une autre logique, que je respecte aussi, entrerait en action : celle des « nonistes » et de M. Chevènement, qui refusent toute monnaie unique.

Cependant, dès lors que nous sommes dans une zone monétaire et que nous en acceptons l’idée, comme l’a fait M. Yung tout à l’heure – ce qui illustre bien le consensus bipartisan qui existe à ce sujet dans votre assemblée –, la rupture de la discipline commune doit entraîner des conséquences.

On ne peut pas dire, comme je l’ai entendu, que les sanctions financières sont inappropriées parce qu’elles viendraient aggraver la situation d’un État en difficulté, et soutenir en même temps que les sanctions politiques sont inopérantes. Si vous écartez les unes et les autres, que vous reste-t-il pour faire en sorte que la discipline soit observée ?

Je souhaite redire très clairement que ce que nous avons fait, en phase avec le groupe Van Rompuy, revient à nous assurer que le politique, qui est dans le traité à l’article 126, soit bien au cœur de la décision. Quand un pays prendra une trajectoire dangereuse pour la pérennité de l’ensemble, il sera prévenu, disposera d’un délai et se verra infliger des sanctions qui, il est vrai, seront automatiques.

Le délai de six mois et la décision politique me paraissent sages, tout comme me paraît sage et, franchement, extrêmement utile – je veux insister sur ce point – le second volet, à savoir le volet franco-allemand de Deauville, l’objectif étant de pérenniser la garantie financière qui, au printemps dernier, a été mise sur pied pour trois ans. Il s’agit vraiment d’une formidable avancée franco-allemande. Je le dirai aussi demain devant le Bundestag !

Souvenez-vous d’où viennent les Allemands ! À Maastricht – qu’on ait été favorable ou non au traité, c’est une autre histoire ! –, les Allemands ne voulaient pas de la moindre garantie accordée à quelqu’un d’autre. Dans le traité figure même explicitement une obligation de non-renflouement. « Si tu es endetté, ta dette est ta dette. Je ne donne pas ma carte de crédit, et encore moins mon code secret ! ». C’est cette logique qui a été changée de façon temporaire au printemps dernier.

Aujourd’hui, les Allemands sont face à un problème juridique : celui de pérenniser ce système contraire au traité ; ils ont une Cour constitutionnelle. Mais ils sont prêts à faire ce geste européen. C’est là qu’est l’évolution et, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à le dire – car c’est aussi mon rôle de secrétaire d'État chargé des affaires européennes – à tous ceux qui, en France où ailleurs, glosent sur le fait que l’Allemagne serait de nouveau en proie à ses démons nationalistes, qu’il y aurait de moins en moins d’Européens en Allemagne car les Allemands croiraient de moins en moins en l’Europe, etc. Que n’ai-je effectivement lu et entendu ces derniers temps sur ce sujet !

Mais vous avez là une preuve tangible de l’axe franco-allemand et du travail du Président de la République et de la Chancelière : l’Allemagne, pour qui ce système a été très difficile à accepter et à mettre en place en pleine crise, est maintenant prête à le pérenniser. Naturellement, cela implique une évolution des règles, car c’est l’inverse qui figure dans le traité.

Ce mécanisme sera l’embryon d’un futur fonds monétaire européen, d’un fonds de garantie européen, et il est extrêmement important que la France et l’Allemagne en soient le cœur !

Quelle a été l’évolution du côté français ? Elle a été considérable aussi. Pardon, monsieur Yung, cela ne s’adresse pas qu’à vous. Nous en étions à dire que le principe était très bien, mais que nous ne voulions pas des sanctions, que cela coûte trop cher, que c’est trop difficile à appliquer et que cela ne fonctionne pas sur le plan politique...

Aujourd’hui, nous sommes prêts à jouer la discipline, car nous avons pris conscience, nous Français, qu’il fallait mettre de l’ordre dans nos finances. Nous nous engageons donc à respecter un certain nombre de règles. Dans un pays qui n’a pas présenté un budget en équilibre depuis trois décennies, c’est une vraie révolution politique !

Pourquoi nous livrons-nous à cet exercice de réduction des emplois publics ? Pourquoi demandons-nous aux Français de travailler davantage ? Croyez-vous qu’à un an et demi des élections les « sarkozystes », le Gouvernement, le Président de la République et les parlementaires de la majorité agiraient brutalement par masochisme politique ? Non ! Nous le faisons parce que c’est notre devoir. Si nous voulons que l’économie redémarre, que notre pays joue sa place en Europe et ne décroche pas par rapport à notre principal partenaire, nous devons « coller » aux recettes qui ont permis à l’Allemagne d’avoir 3,5 % de croissance cette année.

Je reviens à l’histoire du joueur de flûte et des rats. La comparaison est très jolie. Mais la question est de savoir qui tient la flûte.

Avec la mondialisation, les forces économiques des pays émergents, tels que la Chine, l’Inde, le Brésil et d’autres, pèsent de façon considérable. Ils ont plus faim que nous et travaillent plus que nous. Les équilibres anciens ont effectivement été rompus. La multipolarité sur laquelle nous, Français, glosions tant est là.

Une chose est sûre : nous devons faire des efforts. Mais qui tient la flûte ? La Commission ? Selon nous c’est le Conseil. Monsieur Chevènement, nous essayons de bâtir une politique économique européenne et ce n’est pas simple !

Conseil après Conseil, nous tentons d’introduire les mots « réciprocité », « politique industrielle », « politique énergétique ». Cette dernière notion ne figurait même pas dans l’Agenda. C’est quand même la France qui fait tout ce travail !

Certes, cela ne va pas assez vite et ce n’est jamais assez ! Je comprends toutes ces frustrations. Mais, que voulez-vous, les 500 millions d’Européens ne sont pas tous des Français ! Même des Luxembourgeois ne sont pas d’accord avec nous et nous critiquent ! C’est embêtant... Ne parlons pas des Suédois et de quelques autres qui ne partagent pas du tout ces vues sur la politique industrielle. Mais, petit à petit, elles font leur chemin !

Alors un joueur de flûte qui attire les rats pour faire quoi ? Ignorer la réalité du monde et finir affamés ou faire des efforts pour sauver leur économie ?

Pourquoi croyez-vous que l’Allemagne a une croissance de 3,5 % tirée par les marchés émergents ? (M. Aymeri de Montesquiou s’exclame.) Parce que ce pays a su faire, voilà dix ans, des réformes de fond – industrie, coût du travail, temps de travail –, avec un gouvernement socialiste d’ailleurs !

Ce sont ces réformes, qui manquent à la France aujourd’hui, que nous entreprenons et qui se traduisent dans notre pays, certes par une croissance plus lente de 1,6 %, mais par la création de soixante mille emplois au premier semestre et, je l’espère, cinquante mille autres au second. Voilà ce que je souhaiterais voir relayé par tout le monde !

Aux orateurs de gauche, notamment, qui se sont exprimés, je veux dire que le gouvernement français ne fait preuve d’aucune soumission brutale à un modèle que nous avons critiqué. Vous avez eu, monsieur Chevènement, la bonté de rappeler le discours de Davos. Nous ne sommes nullement agenouillés devant le veau d’or néolibéral et si nous faisons des coupes dans les dépenses publiques, c’est non pas par plaisir, mais parce qu’il n’est pas sain pour notre compétitivité, et donc pour nos enfants, de trimballer une dette de 1 600 milliards d’euros ! (Mme Annie David s’exclame.)

Par conséquent, il faut trouver un juste équilibre entre une remise en ordre de nos finances publiques et une relance des outils nécessaires à notre démarrage, la recherche et le développement notamment.

Tels sont les deux points sur lesquels je voulais insister, car ils me paraissent absolument importants.

Monsieur Pozzo di Borgo, j’ai beaucoup apprécié vos remarques, particulièrement sur la politique spatiale européenne. Ce soir, je manque de temps pour vous répondre, mais j’espère que nous aurons un débat. Il s’agit, là encore, d’une politique entièrement franco-allemande. Sans la France et l’Allemagne, il n’y aurait pas du tout de politique spatiale européenne !

J’ai essayé de vous répondre, monsieur Yung. Je ne dirai pas que les propositions de la Commission vont subir un classement vertical...

M. Richard Yung. Vous le pensez !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. … mais je le pense très fort, et pour les raisons explicitées tant par vous-même que par MM. Chevènement et Bizet. Nous, nous soutenons le rapport.

Hier, j’ai utilisé devant le Conseil l’image du flash du radar sur l’autoroute, car nous ne sommes pas sur la nationale 118 ! Quelque chose sur la route vous oblige brutalement à vous déporter ou à accélérer. Flash du radar ! Vous aurez un PV. La sanction est tombée brutalement.

Que deviennent nos parlements nationaux, nos politiques économiques en cas d’obstacle s’il est nécessaire d’accélérer ? Allez-vous décélérer, vendre la voiture, pour être dans d’autres clous ? C’est absurde ! Voilà pourquoi nous sommes tous d’accord avec votre formule de tout à l’heure.

Je vous ai répondu sur les sanctions et le veau d’or.

J’ai aussi répondu en grande partie à M. Chevènement.

J’ai vraiment apprécié la qualité de vos interventions. Sans forcer le trait, il me semble qu’il y a quand même un vrai consensus entre nous sur l’ensemble de ces points, en particulier sur la nécessité de mettre en place des cautions qui fonctionnent, afin de ne pas avoir à donner sa carte de crédit !

Mme Annie David. Il n’y a pas de consensus sur les réductions budgétaires !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Madame David, je respecte les positions qui sont les vôtres.

Je reviendrai sur deux points.

Concernant la pérennité du mécanisme de crise, contrairement à ce que vous avez dit, il ne s’agit nullement d’un abandon à la Commission. C’est, au contraire, le moyen de faire fonctionner cette caution entre les États.

Quant au comparatif sur les retraites, je le tiens à votre disposition. Le voici. (M. le secrétaire d'État fait passer le document à Mme Annie David.)

Mme Annie David. Je vous remercie.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je vous en prie, madame, je suis là pour le bonheur des peuples ! (Sourires.)

Ce n’est pas du tout un document politique ; il est fait à partir de nos postes.

Certains pays prévoient effectivement des départs anticipés...

Mme Annie David. Avec des décotes !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. ... avec des décotes absolument considérables. Mais nous n’allons pas rouvrir le débat…

M. Yvon Collin. Nous n’allons pas refaire le match !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. … et en effet refaire le match. (Mme Annie David s’exclame.)

Cependant, si l’idée est de garder la limite de 60 ans pour que les gens partent pauvres, alors il faut faire comme les Suédois ou d’autres ! Tous les éléments figurent dans le document que je viens de vous faire passer.

Monsieur Jacques Blanc, je suis en parfait accord sur beaucoup des points que vous avez évoqués.

S’agissant de l’Union pour la Méditerranée – j’y reviendrai en répondant à M. Robert del Picchia –, naturellement, nous allons tout faire pour maintenir la réunion prévue le 21 novembre. Nous avions envisagé un sommet intermédiaire à Paris à la fin du mois d’octobre, mais nous avons malheureusement dû y renoncer à la suite de la position des Israéliens, qui ont refusé d’arrêter les constructions d’habitations et donc de participer à l’exercice.

En réalité, les négociations reprises à Washington voilà un mois sont déjà mort-nées et la responsabilité en revient au gouvernement israélien, qui a persisté dans la volonté de poursuivre les constructions dans les territoires palestiniens. La partie arabe ne pouvant continuer à négocier dans ces conditions-là, le processus était dans l’impasse !

C’est précisément parce que les négociations directes étaient dans l’impasse que le Président de la République a cherché à trouver un autre vecteur d’accompagnement. Il a essayé de reprendre le dialogue en ne le focalisant pas sur le gel total des implantations. Pour y parvenir, il voulait utiliser l’Union pour la Méditerranée, mais le sommet intermédiaire à la fin du mois d’octobre n’a pu avoir lieu. Maintenant, nous faisons notre possible pour que celui qui est prévu fin novembre soit maintenu.

J’en viens à la politique agricole commune, point sur lequel vous m’avez également interrogé.

Dans notre travail au Conseil, dans la préparation des perspectives financières, la politique agricole commune est absolument prioritaire, et M. Jean Bizet le sait bien. Mon collègue Bruno Le Maire y travaille. Nous avons formé une équipe européenne qui comporte vingt-deux pays.

Mais, il ne faut pas se le cacher, un certain nombre de pays refusent de continuer à financer l’agriculture. L’exercice consistant à dresser les nouvelles perspectives budgétaires post-2013 pour l’Union va, selon moi, être très difficile !

MM. Chirac et Jospin ont, à l’époque, arraché un compromis aux autres Européens pour maintenir la politique agricole commune en l’état jusqu’en 2013. Mais, après, les choses vont se compliquer, puisqu’un certain nombre de pays ne veulent pas poursuivre cette politique. Je pense en particulier à la République tchèque dans laquelle je me suis rendu récemment. Ne souhaitant pas augmenter le budget de l’Union, ils considèrent que le peu d’argent européen doit être utilisé pour la recherche, par exemple, ou encore pour la relance dans certains domaines industriels, mais certainement pas dans l’agriculture.

Nous allons avoir une explication de texte très difficile. Je veux que vous le sachiez : avec le Président de la République, nous nous sommes beaucoup battus pour que le mot « agriculture » figure dans la Stratégie Europe 2020, car c’est un outil industriel majeur de rayonnement de l’Europe.

Je fais partie de ceux qui considèrent que la bataille sera extrêmement rude. En effet, alors que la contribution de la France au budget européen correspond à un point de PIB, c’est-à-dire pas loin de 20 milliards d’euros, nous ne recevons que 12,5 milliards d’euros au titre de la PAC et 1,5 milliard d’euros au titre des fonds structurels, soit 14 milliards d’euros, le déficit annuel est de 6 milliards d’euros.

Nous sommes devenus des contributeurs nets à moins 6 milliards d’euros, tout en retirant 12,5 milliards d’euros de l’agriculture. Il est bien évident que si la part agricole baisse, les équilibres globaux vont être de plus en plus compliqués pour nous.

Pourquoi payons-nous davantage ? Parce que l’Europe s’est élargie et que nous sommes riches par rapport aux nouveaux venus.

M. Jean-Pierre Chevènement. Nous sommes de moins en moins riches !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Certes, de moins en moins, surtout quand l’argent destiné aux plus pauvres n’est pas transféré. Vous comprendrez mon exaspération par rapport à certains propos de la fameuse commissaire sur le problème des Roms, quand on constate que l’argent ne va pas aux Roms. En revanche, il faut que les Français accueillent les Roms. Accueillez-les et payez pour leur insertion, alors que cette insertion ne se fait pas ! Le système ne fonctionne pas. Mon rôle est aussi de dire la vérité sur ces points.

J’en viens aux propos de M. del Picchia. Comment procède-t-on pour réviser le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ? Je pense que les chefs d’État et de gouvernement vont demander à M. Van Rompuy de regarder cela dans le détail au cours des semaines qui viennent.

Il ne m’appartient pas de vous dire comment il faut faire. Il existe plusieurs hypothèses dans le traité pour le réviser. Un commissaire ne peut pas dire aux États : « vous ne révisez pas ». Pour réviser le traité, plusieurs formules sont possibles, dont une procédure simplifiée qui est régie par l’article 48, paragraphe 6. La révision serait possible sans convoquer de conférences ou conventions.

Sur le Service européen d’action extérieure, je me réjouis, bien sûr, de voir la mise en place de notre ami Pierre Vimont, notre ambassadeur à Washington, dans un poste parfaitement stratégique, puisqu’il est le secrétaire général du service européen d’action extérieure européen, et ce dans une équipe de quatre personnes. Il est le primus inter pares, à côté de Mme Ashton.

Il y aurait beaucoup à dire, et l’heure est tardive. Vous demandiez si nous sommes satisfaits de tout cela ? Oui, et nous y travaillons. Il faut faire en sorte que ce service soit un plus pour la politique étrangère de la France et des États sur les sujets que nous considérons comme clés.

Il y a des domaines sur lesquels nous avançons, comme sur les sanctions à l’encontre de l’Iran : l’Europe est capable de prendre des décisions, ensemble et en européens.

Sommes-nous satisfaits de la place des Français dans le dispositif ? Je dispose de chiffres. Au terme de la première série de recrutement menée dans le Service européen d’action extérieure, douze délégations de l’Union européenne sont dirigées par des Français à partir de cet automne, contre dix-sept jusqu’à présent. Mais il faut relever qu’il s’agit de Français qui sont en poste à la Commission européenne.

Dans les mois à venir, nos efforts devront davantage se porter sur les candidats issus de nos services diplomatiques. Il est à noter que ni la France ni le Royaume-Uni, qui ont pourtant les deux plus importants services diplomatiques de l’Union européenne, n’ont obtenu des postes d’ambassadeur. Peut-être faut-il que l’on regarde cette situation de très près.

Enfin, je tiens à évoquer ce qui s’est produit aux Nations unies, et que M. del Picchia a souligné. Cela m’a frappé et est très peu sorti dans la presse française. L’Union européenne a souhaité être représentée de façon digne à l’Assemblée générale des Nations unies.

Tel n’est pas le cas aujourd’hui puisque les nouveaux représentants de l’Union européenne, le président du Conseil européen, le Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité‎, la Commission européenne et les délégations de l’Union européenne sont considérés comme les représentants d’une organisation internationale. Ils n’ont donc qu’un statut d’observateur ; ils n’ont pas le droit de participer aux débats et de prendre la parole.

Une résolution visait à donner à l’Union européenne une place, en tant que personne morale, au sein de l’Assemblée générale de l’ONU. Or, le 14 septembre 2010 – cela a été passé sous silence, en tout cas dans les presses française et européenne –, la résolution visant à corriger cette anomalie a été ajournée. Cet ajournement s’est produit à l’initiative, tenez-vous bien, des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. La majeure partie des ACP, la Chine et la Russie ont voté cette motion de procédure. Des pays proches, comme le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, se sont abstenus.

Voilà qui en dit long lorsque nous, européens, continuons de nous considérer comme le centre du monde et faisons des discours que je trouve, parfois, exagérément empreints d’autosatisfaction. J’ai eu l’occasion de le dire hier au représentant de la Commission qui expliquait que tout allait bien et que l’Europe rayonnait dans le monde.

L’Europe ne parvient pas à se faire admettre à l’assemblée générale des Nations unies, alors qu’elle dispose de la personnalité morale, qu’elle a un président stable, qu’elle a des choses à dire et que, surtout, elle distribue 60 % de l’aide mondiale au développement, soit presque 60 milliards de dollars par an. Lorsque l’Europe subit – il n’y a pas d’autre mot – un affront de cette ampleur, je crois que cela donne à méditer.

Je travaille activement, avec mes collègues, à la mise en œuvre d’un service d’action extérieure européen efficace. Je vous le dis franchement : nous avons aujourd’hui un service, mais pas encore de politique étrangère, et encore moins le respect, qu’il nous reste à construire et à mériter, des grands acteurs du monde de demain. Quand nous n’obtenons pas l’accès à l’Assemblée générale de l’ONU, il nous reste à obtenir le respect de la Chine et des autres. C’est cela la réalité de l’Europe, et non pas les grands discours.

Pour reprendre un propos du général de Gaulle, je ne suis pas là pour sauter comme un cabri en disant : l’Europe, l’Europe, l’Europe, tout va bien ! Nous avançons – c’est difficile. Il faut maintenir cette volonté en permanence. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)

Débat interactif et spontané

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum. S’ils sont sollicités, la commission des affaires européennes ou le Gouvernement pourront répondre.

La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé du dernier point de l’ordre du jour où le Conseil européen est appelé à se prononcer sur l’évolution de Saint-Barthélemy, qui a demandé à passer du statut de Région ultrapériphérique, ou RUP, à celui de Pays et territoires d’outre-mer, PTOM.

Le temps imparti ne me permet pas d’entrer dans les détails. Toutefois, je tiens à remercier le président Bizet de m’avoir donné l’occasion d’intervenir longuement devant la commission. Pour les collègues présents, je tiens à souligner qu’il s’agit avant tout pour la collectivité de faire correspondre le régime juridique de spécialité législative qui régit Saint-Barthélemy en droit national avec le régime en droit européen.

En effet, en demeurant RUP, Saint-Barthélemy serait soumise au droit commun européen, même dans les matières où elle ne l’est plus en droit national, en raison de son statut de collectivité d’outre-mer.

Ainsi, le statut de PTOM permettra à Saint-Barthélemy de rester fidèle aux principes fondateurs de l’Union européenne, tels que la citoyenneté et la monnaie, auxquelles la population est particulièrement attachée, mais dans un cadre juridique un peu moins contraignant que celui de RUP, qui se révèle souvent exorbitant pour une île si petite, 24 kilomètres carrés, et si éloignée de l’Europe.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, dans la perspective de l’examen du changement de statut de Saint-Barthélemy lors du prochain Conseil européen, pourriez-vous m’apporter quelques indications complémentaires ?

La Commission européenne s’étant en effet prononcée favorablement le 18 octobre dernier, pouvons-nous raisonnablement attendre une décision du Conseil européen allant dans le même sens ? C’est une manière de vous demander, monsieur le secrétaire d’État, si le Gouvernement s’est assuré de tous les soutiens nécessaires.

Par ailleurs, si elle était adoptée, la modification de statut devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2012. Pouvez-vous d’ores et déjà m’indiquer, dans les grandes lignes, cela s’entend, puisque ce n’est pas l’objet du débat actuel, quelles seront les étapes qui suivront la décision du Conseil européen ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Premièrement, nous n’avons aucune inquiétude sur la décision que prendra le Conseil européen à l’unanimité, jeudi et vendredi, de transformer le statut de Saint-Barthélemy de RUP en PTOM. C’est une transformation nécessaire, que le Président de la République a demandée le 30 juin 2010, par lettre à José Manuel Barroso, je l’ai rappelé.

Deuxièmement, avec la décision du Conseil européen, la procédure sera achevée sur le plan européen. La France aura rempli l’ensemble des conditions prévues à l’article 355 du traité. Voilà qui répond exactement à votre question.

Troisièmement, comme nous l’avons demandé, une période d’adaptation s’ouvrira, dès que la décision du Conseil européen aura été prise. Cette période durera un an : Saint-Barthélemy deviendra un PTOM le 1er janvier 2012.

Quatrièmement, enfin, pendant cette période d’adaptation, la ministre chargée de l’outre-mer, Marie-Luce Penchard, passera en revue, avec les autorités locales, la législation de Saint-Barthélemy pour examiner ce que la collectivité gardera du droit européen, dans le domaine de compétences qui lui est propre. L’examen portera, à titre d’exemple, sur l’environnement, les déchets et la fiscalité.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Conseil européen doit définir les principaux messages politiques de l’Union en vue du sommet Union européenne–États-Unis, qui se tiendra à Lisbonne, le 20 novembre, en marge du sommet de l’OTAN.

Le retour dans l’OTAN fut à la fois source d’inquiétude et d’espoir. Certains craignaient que cela ne rende impossible l’autonomie dans la solidarité de la diplomatie française. D’autres espéraient que cette intégration facilite la constitution d’une défense européenne partenaire de l’OTAN.

Face à des tensions internationales croissantes, il faut incontestablement redynamiser le dialogue transatlantique, qui est aujourd’hui bien atone.

Les Etats-Unis ont du mal à voir dans l’Europe un acteur stratégique et un partenaire crédible. Comment pourrait-il en être autrement alors que nous n’avons pas une véritable politique de sécurité et de défense commune, alors que notre effort de défense, aujourd’hui en réduction et dispersé, est en décalage manifeste avec celui qui est fait par nos alliés américains ?

Soyons lucides et modestes, les opérations actuellement menées par l’Union européenne sont le plus souvent à dominante civile et de faible ampleur et, lorsqu’elles sont militaires, dictées dans la majorité des cas par les Américains.

Si l’Europe a l’ambition d’être un véritable partenaire des États-Unis, elle doit fixer clairement ses priorités et ses objectifs stratégiques. Elle doit se doter d’un budget à la hauteur de ses ambitions par une contribution de tous. Enfin, elle doit avoir une industrie d’armement non éclatée et coordonnée.

L’Europe de la défense ne se fera pas sans une base industrielle et technologique solide et compétitive. C’est une nécessité stratégique. C’est aussi une exigence économique, renforcée par un souci de rationalité et par la contraction des budgets nationaux de défense.

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous éclairer sur les perspectives à venir, notamment en ce qui concerne l’agence européenne de défense, attendue depuis tant d’années ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Deux minutes ne suffiront pas à rendre justice à une question aussi fondamentale.

D’abord, l’une des raisons pour lesquelles la France est revenue pleinement dans l’OTAN était d’éviter que l’argument de sa non-participation à l’Alliance ne soit en permanence utilisé par tous ceux qui ne voulaient pas avancer sur la voie de la défense européenne, c’est-à-dire dépenser davantage et s’organiser mieux.

De ce point de vue, l’honnêteté m’oblige à vous le dire, la démonstration est faite que si l’Europe de la défense n’avance pas, ce n’est pas à cause de la France et de son lien avec l’OTAN, c’est parce qu’il n’y a pas la volonté politique chez un certain nombre d’États européens de dépenser ne serait-ce qu’un peu d’argent dans ce domaine.

Par conséquent, l’écart continue malheureusement de se creuser entre les États-Unis et une Europe où 40 % des dépenses militaires sont désormais engagées par la France et la Grande-Bretagne, sans parler du fait que, en matière de recherche et développement, presque 90 % des dépenses sont d’origine française ou britannique.

M. Jean-Pierre Chevènement. Vous avez été naïfs !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Non, ce n’est pas une question de naïveté ! Aujourd’hui, l’argument politique qui était en permanence avancé contre la défense européenne n’est plus valable.

En vérité, monsieur Chevènement, la volonté d’avancer n’existe pas, que ce soit en faveur de l’Alliance atlantique ou de l’Europe. Des pays européens sont en train de sortir de l’histoire géopolitique, considérant que les questions stratégiques ne les concernent plus. Ce n’est pas parce qu’ils sont tellement atlantistes, comme pendant la guerre froide, qu’il refuse l’Europe de la défense. Ils refusent les deux à la fois !

Le meilleur exemple en est d’ailleurs ce débat surréaliste sur la disparition du nucléaire. Aujourd’hui, des députés européens de différents pays, y compris en Allemagne, sont des militants antinucléaires, qui considèrent que le moment est venu d’entrer dans une phase postnucléaire, postdissuasion, postdéfense (M. Jean-Pierre Chevènement s’exclame.), l’Europe n’ayant plus besoin, au fond, de tout cela.

Évidemment, pour en revenir au sommet avec les États-Unis et à l’avenir de l’OTAN, c’est problématique du point de vue américain. Bien sûr, les institutions sont complexes. Cependant, j’entends dire en coulisse, ce qui n’est pas très agréable, que l’administration Obama ne fait pas preuve d’une grande patience pour savoir qui préside quoi. Du côté américain, on s’interroge également sur le poids géopolitique de l’Europe en cas de crise. Quel est l’apport de l’Europe, hormis les contingents isolés fournis par les Français, les Britanniques et quelques autres ?

Pour l’instant, nous sommes en train de bâtir, comme je l’ai dit, un service diplomatique. Aucun instrument de défense digne de ce nom n’est encore prévu, ce qui constitue, vous avez raison de le souligner, monsieur Aymeri de Montesquiou, un véritable problème.

Pour conclure, je dirai que l’Europe ne peut pas simplement s’installer dans le rôle de banquier du Proche-Orient, de « voyeur » de crise et, au mieux, d’ONG humanitaire qui dit le droit et distribue de l’argent. Si tel est le devenir stratégique de l’Europe, les historiens seront extrêmement sévères sur les gouvernants européens qui auront laissé s’installer une telle évolution.

Pour cette raison, il est, selon moi, de notre devoir, en tant que Français, de porter sans cesse le flambeau d’une Europe capable de défendre ses intérêts. C’est ce que nous faisons, c’est ce que nous n’avons cessé de faire sous tous les gouvernements depuis l’impulsion donnée par le général de Gaulle, et c’est ce que nous continuerons à faire.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le secrétaire d’État, le sommet européen s’inscrit dans un contexte connu : la crise économique, qui sévit de part et d’autre de l’Atlantique ; par ailleurs, en vertu du calendrier prévu, le Président de la République française prendra la présidence du G20 lors du sommet mondial de Séoul.

Le Président de la République a défini quatre priorités pour son mandat, parmi lesquelles le système monétaire européen et la gouvernance mondiale, deux sujets qui sont bien sûr liés.

Les ministres de l’économie et des finances se sont réunis en Corée du Sud. Prenant conscience, semble-t-il, dans leur déclaration finale, du risque des dévaluations compétitives, ils souhaitent prévenir une guerre des monnaies.

Toutefois, – c’est sur ce point que je souhaite insister – il existe à cet égard une responsabilité proprement européenne, puisque l’austérité générale a été déclarée au sein de l’Union. Ce faisant, l’Union compte sur les autres, et notamment les pays émergents, pour assurer la reprise, tout en misant sur le modèle allemand, qui consiste à privilégier l’exportation. Or celui-ci n’est pas forcément durable et ne correspond pas au schéma économique de la France.

Les politiques budgétaires restrictives menées en Europe, et singulièrement avalisées par les conclusions du groupe Van Rompuy, ouvrent, il ne faut pas craindre de le dire, une guerre des monnaies, celle-là même que l’on prétend prévenir, d’autant plus que, chacun le sait, le différentiel entre le taux de croissance de l’économie européenne et la politique de taux d’intérêt mené par la Banque centrale européenne est facteur de déflation, cette dernière étant le véritable risque que nous courons.

Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d’État, qu’un tel contexte risque de compliquer singulièrement l’une des priorités que veut mettre à l’ordre du jour le président français du G20 au cours de l’année 2011 ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Il s’agit également d’un débat de fond auquel je ne pourrai rendre justice en deux minutes.

Selon vous, madame Bricq, l’Europe fabriquerait, comme le disaient tout à l’heure MM. Yung et Chevènement, de la déflation, aggravant ainsi la crise. C’est exactement ce que dit le gouvernement américain,…

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. … qui dénonce un risque de double dip

Mme Nicole Bricq. C’est de la déflation à la japonaise, au moins !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Il est tout de même paradoxal que la gauche européenne dise la même chose que les autorités américaines, lesquelles laissent filer leur monnaie afin de pouvoir mener une politique fondée sur l’exportation concernant les parts de marché conquises grâce à ce dispositif. (Mme Bricq s’exclame.) En Europe, au contraire, nous avons une banque centrale indépendante, qui ne conduit pas la même politique.

Mais il est également paradoxal, le dernier sommet l’a montré, que la Chine n’ait pas été franchement convaincue par les Européens de réévaluer sa monnaie.

Au demeurant, pour confronter nos points de vue sur un tel sujet, il ne convient pas de nous envoyer des slogans à la figure ! (Mme Bricq s’exclame de nouveau.) Nous ne fabriquons pas la déflation. La vérité, c’est que l’Europe est devenue une zone de dépression démographique, de vieillissement de population, mais aussi de déperdition de compétitivité à l’échelle mondiale.

Dans ces conditions, comment fabriquer de la compétitivité ? Certains, comme les Américains, le font en laissant filer leur monnaie, tout en comptant sur les activités de recherche et le rebond de la société. Les autres, comme les Européens, doivent à la fois mettre en œuvre une politique industrielle et remettre de l’ordre dans leurs dépenses publiques.

Très honnêtement, je ne pense pas que l’on puisse qualifier les politiques de la France et de l’Allemagne de déflationnistes.

Mme Nicole Bricq. Je le souhaite !

M. le président. La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Ma question concerne l’élaboration en cours du budget européen.

Traditionnellement, les deux codécideurs en cette matière adoptent des postures divergentes : le Parlement européen demande plus d’Europe, tandis que le Conseil européen exige plus de rigueur.

La difficulté des temps et l’ampleur des déficits publics pourraient exacerber les tensions entre ces deux autorités. Or, le Parlement européen semble avoir été plutôt impressionné par la situation. Il a ainsi adopté, la semaine dernière, une position relativement modérée, tout en demandant la réouverture de négociations sur la création de ressources propres pour alimenter le budget européen.

Monsieur le secrétaire d’État, quelle position entendez-vous prendre face à cette demande ? Vous sentez-vous prêt à y répondre, à entrer dans le débat ? Attendez-vous, sur ce sujet, quelque chose de la part des parlementaires français ?

À l’heure où nous nous exprimons, le Parlement européen et le Conseil n’ont toujours pas trouvé d’accord. Dans ce contexte, la nouvelle procédure budgétaire prévoit la mise en place d’un comité de conciliation, qui va entamer ses travaux.

Avez-vous l’intention de faire des propositions pour favoriser l’émergence rapide d’un consensus ? La mise en place du Service européen d’action extérieure pourrait-elle souffrir de ce contexte ? Je rappelle qu’il s’agit d’une procédure nouvelle. Dès lors, que se passera-t-il si le comité de conciliation ne réussit pas à concilier les uns et les autres ? Quelle attitude adopterez-vous pour éviter une crise, qui serait très mal venue par les temps qui courent ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. N’étant pas Madame Soleil (Sourires.), je me contenterai de vous décrire la situation actuelle. Demain commence la procédure de conciliation sur le prochain budget, dans le cadre d’une nouvelle procédure, qui, vous l’avez justement rappelé, donne des pouvoirs importants au Parlement européen.

Allons-nous vers la reconduction du budget antérieur en cas de blocage ? À cet égard, les articles 314 et 315 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne sont clairs : en cas de rejet du budget, la commission serait appelée à présenter un nouveau projet. Dans l’attente, l’Union fonctionnerait sur la base des douzièmes provisoires, c’est-à-dire un douzième du budget ouvert l’année précédente. On ne peut bien évidemment exclure un tel cas de désaccord.

Cette situation ne perturberait pas le fonctionnement de l’Union, puisque le système des douzièmes provisoires permet d’éviter tout blocage. Pourrait-elle gêner la mise en œuvre d’un nouvel instrument comme le Service européen d’action extérieure ? S’agissant du rythme de recrutement, on observe pour le moment une montée en puissance.

Quoi qu’il en soit, les différents États ont demandé aux institutions européennes de « calmer » le rythme de leurs dépenses. En effet, ceux qui demandent aux États de faire des efforts d’économies ne peuvent ensuite réclamer 6 % d’augmentation pour leurs propres dépenses ! Une telle remarque vaut également pour le Parlement européen, lequel, au motif qu’il se considère comme étant un parlement très important, aurait à couvrir des dépenses supplémentaires elles-mêmes très importantes. Quand on demande au peuple de faire des efforts, les institutions européennes, aussi respectables soient-elles, doivent agir dans le même sens. (Très bien ! au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d’État, je vous poserai deux questions.

Tout d’abord, comment comptez-vous présenter l’accord de Deauville aux Britanniques, qui doivent se sentir un peu amers de ne pas être de la danse ? Certes, ils ne participent jamais pleinement aux institutions, mais cela ne les empêche pas de critiquer.

J’imagine qu’ils sont aujourd’hui partagés. D’un côté, le terme de « gouvernance économique européenne » doit les révulser, leur nouveau gouvernement ayant répété à de nombreuses reprises qu’il n’y aurait aucun transfert vers Bruxelles. De l’autre, ils veulent se présenter comme très vertueux.

Quoi qu’il en soit, nous avons besoin de trouver un modus vivendi avec la zone sterling et la place financière de Londres. Comment, d’un point de vue politique, envisagez-vous cet aspect ? Il faut en outre espérer que Mme Merkel trouve une majorité pour faire adopter les mesures prévues par cet accord, ce qui n’est pas tout à fait assuré.

J’en viens à ma seconde question. Nous avons évoqué tout à l’heure des sanctions financières et politiques, à croire que la gouvernance économique ne se rapporte qu’à cela. Mais aucune mesure positive n’est prévue. Par exemple, avez-vous envisagé, à un moment ou à un autre, de travailler sur une convergence progressive en matière fiscale, sur un « tunnel de rapprochement » de certains de nos impôts ? Je pense notamment au taux et à l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Monsieur Yung, je commencerai par répondre à votre deuxième question. Oui, nous sommes en train d’organiser la convergence fiscale, car nous sommes convaincus que la gouvernance passe aussi par là. Dans ce but, nous avons demandé à M. Didier Migaud de faire des propositions. Une telle évolution pourra-t-elle concerner les Vingt-Sept ? C’est une autre histoire ! Pour le moment, une « mise en sympathie », si j’ose dire, de nos systèmes avec notre principal partenaire ne serait déjà pas si mal.

J’en viens à votre première question. Nous avons rencontré les Britanniques dimanche soir, puis lundi matin à Luxembourg. Par ailleurs, le sommet franco-britannique du 2 novembre prochain est activement préparé, notamment par Jean-David Levitte, qui était aujourd’hui à Londres.

Très franchement, concernant l’accord de Deauville, peut-on vraiment parler d’amertume en ce qui les concerne ? Certes, ils sont dans une situation inconfortable, dans laquelle ils se sont mis eux-mêmes. C’est toujours la même histoire du monsieur qui a un pied dedans et un pied dehors ! Ils ne veulent absolument pas être concernés par les disciplines de la zone monétaire, alors qu’ils adoptent pourtant les mêmes analyses !

Il est d’ailleurs assez drôle d’entendre un certain nombre de mes amis conservateurs britanniques : je crois entendre Jean-Pierre Chevènement et des « nonistes » français. Pour eux, pas question d’accepter les disciplines communes : ils préfèrent conserver leur livre sterling et rester à l’extérieur !

En même temps, les Britanniques savent bien qu’ils ont un pied dans la zone euro. Ils le reconnaissent même publiquement et officiellement : il n’est qu’à lire leurs déclarations ministérielles ! Ils ont conscience que leurs intérêts nationaux sont liés aux décisions que nous sommes appelés à prendre et sur lesquelles, d’ailleurs, ils ne manquent pas de nous interroger.

Cela étant, au printemps dernier, les Britanniques ont refusé d’adhérer au dispositif de garantie de la zone euro et de se plier aux disciplines y afférentes. Certes, il appartiendra au peuple britannique de se prononcer sur ce choix, mais, honnêtement, je ne peux m’empêcher de considérer que cette attitude « à la fin de la journée », comme on dit là-bas, est probablement la pire des solutions : ne disposant ni d’une souveraineté totale ni des moyens de peser sur les événements afin d’en éviter les conséquences, les Britanniques risquent bien d’être les grands perdants.

Le Royaume-Uni n’est pas la Norvège, laquelle, en raison de sa taille, de sa position géographique excentrée et de ses immenses réserves de gaz, peut parvenir à un équilibre différent. Si nos voisins britanniques, dont l’économie est très imbriquée à celle du continent, veulent que leur pays reste au cœur des marchés financiers, leur position deviendra vite difficilement tenable.

Encore une fois, il ne m’appartient pas de dire à nos amis d’outre-Manche ce qu’ils doivent faire. Je constate simplement que leur positionnement les exclut de facto du bénéfice des décisions que viennent de prendre la France et l’Allemagne.

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Monsieur le secrétaire d'État, plutôt que de vous interroger, je me contenterai de vous faire part de deux réflexions. Si la première paraîtra pessimiste et désabusée, la seconde sera teintée de plus d’optimisme. (Sourires.)

Parler de « gouvernance économique », c’est se gargariser de mots : nous en sommes extrêmement loin ! Tout juste parvient-on, tant bien que mal, à adopter des mesures pour faire face aux problèmes financiers auxquels nous sommes confrontés. Comme vous le rappeliez tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État, une gouvernance économique impliquerait à tout le moins des politiques fiscales communes et la gestion en commun d’un certain nombre de dossiers, par exemple les approvisionnements énergétiques ou bien nos relations avec la Chine, auprès de laquelle nous sommes incapables de faire valoir le moindre point de vue, situation passablement ridicule.

Je pourrais ainsi continuer d’égrener les actions qui devraient être menées dans le cadre d’une réelle politique économique européenne, mais le temps me manquerait.

Et que dire des autres politiques ? Au gré de notre débat ont été évoquées différentes questions, notamment celle de la défense européenne. Il est effarant de constater que, face à une mondialisation galopante, à des réalités extrêmement mouvantes et à des enjeux complètement nouveaux, les Européens ont le plus grand mal à être à la hauteur.

J’en suis un peu le témoin : notre pauvre Europe, celle des États-nations chère à notre ami Jean-Pierre Chevènement, après s’être joyeusement suicidée à deux reprises à l’occasion des deux conflits mondiaux qui ont marqué son histoire et avoir ainsi montré à quoi conduisait le nationalisme, aurait pu ressusciter à travers une union réellement dynamique et créative. Or, si celle-ci a pu être telle à certains moments dans le passé, l’Europe paraît terriblement enlisée à ce jour.

Mes propos ne doivent en aucun cas être interprétés comme une critique à l’égard du Gouvernement. J’admire ce qui s’est passé à Deauville : alors que l’on avait depuis quelques mois le sentiment que la situation était bloquée et que les difficultés entre l’Allemagne et la France ne semblaient pas aisément surmontables, il semble que ces dernières aient été aplanies. Certes, elles ne l’ont été que partiellement, mais il faut savoir l’apprécier et se départir d’un certain pessimisme. C’est pourquoi, outre le Gouvernement, je félicite le Président de la République de la part qu’il a prise dans la conclusion de cet accord de Deauville, qui est évidemment une très bonne nouvelle.

J’en viens maintenant à ma seconde réflexion.

Je suis de ceux qui envisagent avec confiance le projet d’accord particulier au sein du traité de Lisbonne, accord aux termes duquel les États volontaires accepteraient de se soumettre à un mécanisme de sanctions consistant notamment en la suppression du droit de vote.

L’idée que l’on puisse retirer son droit de vote à un État associé ne m’effraie pas. Pour autant, je suis bien conscient qu’une telle mesure dérogerait aux règles démocratiques : dans un système démocratique, il paraît difficilement envisageable d’être partie prenante à une association et de perdre son droit de vote. J’objecterai que notre système juridique est en phase de transition entre les structures cohérentes qui demeurent celles des États-nations et une structure européenne en voie de constitution et qui n’a pas encore atteint une telle cohérence. Aussi, dans une telle période, il n’est pas illégitime d’imaginer des solutions surprenantes, sans caractère définitif.

Une solution souple pourrait consister à maintenir à l’État concerné son droit de vote, sans que ce dernier soit pris en considération dans le décompte des voix. Ce faisant, il conserverait le droit de s’exprimer. Il existe donc différentes solutions raisonnables et nuancées, dès lors que, par définition, ceux qui se plieront à l’une ou à l’autre d’entre elles en auront pleinement accepté les termes par un accord particulier. C’est sur un tel accord que doit travailler M. Van Rompuy et que la France et l’Allemagne se sont accordé un délai : cette démarche me paraît excellente.

Yves Pozzo di Borgo a raison d’affirmer que la seule manière de faire sortir l’Europe des Vingt-Sept de l’ornière dans laquelle elle se trouve consiste à développer à quelques-uns, c’est-à-dire entre les États les plus résolus, des coopérations renforcées – appelons-les comme on voudra –, qui soient réellement opérationnelles. J’en suis moi aussi convaincu, et c’est le point de vue que tente de faire valoir la commission des affaires européennes du Sénat. Monsieur le secrétaire d’État, si, à travers cette démarche, vous parvenez à rendre effective cette collaboration, nous ne pourrons que nous en féliciter, car c’est à mon sens le seul moyen pour l’Europe d’échapper à la situation assez pitoyable qui est la sienne.

Je constate donc, pour m’en réjouir, qu’il reste une petite flamme d’espoir. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de contribuer à l’entretenir : je sais que votre action est loin d’être vaine et que nous partageons les mêmes préoccupations.

Je le répète, mes propos ne se veulent nullement critiques : je dresse un simple constat. Monsieur le secrétaire d’Etat, je forme le vœu que votre démarche aboutisse et que, lors des réunions à venir, vous parveniez à raviver cette flamme si fragile qui est la flamme de l’espérance.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Monsieur Fauchon, je vous remercie de vos propos, qui n’appellent pas, de la part du Gouvernement, de commentaires particuliers. Votre constat, loin d’être simple, est brillant. Sachez que je porte moi aussi cette flamme de l’espérance.

M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans le débat souvent vif sur la situation des Roms dans l’Union européenne, les différences d’appréciation entre la Commission européenne et le Gouvernement français se sont plus particulièrement focalisées sur la transposition en droit français de la directive de 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.

C’est pourquoi, sur l’initiative de son président, Jean Bizet, la commission des affaires européennes a étudié cette question sous l’angle juridique. Avec mon collègue Richard Yung, nous sommes allés à Bruxelles pour recueillir les observations juridiques de la Commission européenne. Nous avons également entendu les services du Premier ministre et ceux des ministères compétents.

La Commission européenne considérait que la France n’avait pas transposé la directive de manière à rendre les droits prévus par celle-ci « complètement efficaces et transparents ». Selon elle, les garanties prévues par la directive pour encadrer la réserve de l’ordre public au droit au séjour et les mesures d’éloignement devaient faire l’objet d’une transposition expresse.

Le Gouvernement, quant à lui, faisait valoir que ces garanties étaient toutes prévues dans le droit français. Certaines ne résultaient pas de normes spécifiques au droit des étrangers et avaient été dégagées, notamment par la jurisprudence administrative, bien avant la transposition de la directive.

Nous ne pouvons qu’être attentifs au souci de sécurité juridique pour permettre à chacun d’identifier ses droits de manière claire. Dès lors, la commission des affaires européennes a considéré qu’il n’y aurait probablement pas d’inconvénient à inscrire dans notre loi nationale un certain nombre de garanties prévues par la directive qui n’y figureraient pas encore expressément.

Une telle démarche serait concevable sans mettre en cause l’équilibre de notre ordre juridique. Elle pourrait être envisagée lors de l’examen par le Sénat du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

C’est pourquoi nous avons accueilli avec satisfaction la décision du Gouvernement de proposer au Parlement de compléter le droit national pour y inscrire les garanties prévues par la directive. Cette décision a d’ailleurs conduit la Commission européenne à renoncer à mettre en œuvre contre la France une procédure d’infraction, comme elle l’avait envisagé le 29 septembre dernier. À titre personnel, je m’en félicite.

Ces réflexions me conduisent à vous poser deux questions, monsieur le secrétaire d'État. En premier lieu, pouvez-vous indiquer précisément au Sénat quelles modifications seront soumises au Parlement ? En second lieu, dans quel délai ces modifications pourraient-elles lui être présentées ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, la France, dans la réponse qu’elle a adressée à la Commission européenne le 15 octobre dernier, a annoncé qu’elle était prête à compléter la transposition de la fameuse directive de 2004 sur la liberté de circulation et de séjour en intégrant dans son droit positif national certains des principes généraux contenus notamment aux articles 27 et 28 de cette dernière.

Les garanties prévues à ces articles étaient déjà inscrites dans nos principes généraux du droit dégagés par la jurisprudence, reconnus et appliqués par tous les tribunaux français. C’est ce qu’Éric Besson et moi-même avons déclaré à Mme Reding et à Mme Malmström, lorsque nous avons été reçus par la Commission européenne, avant l’incident provoqué par la diffusion de cette fameuse circulaire interne au ministère de l’intérieur. À vous dire le vrai, il nous avait alors semblé que certains arguments avaient été entendus.

Cela dit, dans les circonstances présentes, nous avons décidé, à l’issue du dialogue approfondi que nous avons conduit avec les techniciens de la Commission européenne, d’inscrire dans la loi ces garanties, qui existaient déjà.

Sur le fond, ces articles 27 et 28 apportent aux citoyens européens un certain nombre de garanties, s’agissant de la limitation du droit d’entrée et de séjour pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique et de protection contre l’éloignement. Ils prévoient par exemple de tenir compte, dans les procédures d’éloignement, de l’ensemble des circonstances relatives à la situation des individus, « notamment le degré d’intégration sociale et culturelle ».

Je me tiens à votre disposition pour vous transmettre toutes les précisions nécessaires sur les garanties apportées par ces articles et leur transcription concrète en droit français. Je peux toutefois vous indiquer que le Gouvernement vous proposera de les intégrer dans le droit national, selon le calendrier suivant : les articles 27 – sauf le paragraphe 3 – et 28 seront introduits dans le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité que le Sénat examinera au mois de janvier prochain. Le Gouvernement présentera alors un ou plusieurs amendements à cette fin. La loi devrait, après saisine éventuelle du Conseil constitutionnel, être promulguée au printemps 2011.

Le paragraphe 3 de l’article 27, qui porte sur les conditions dans lesquelles l’État membre d’accueil peut obtenir des informations de l’État d’origine sur les antécédents judiciaires d’un citoyen européen, sera transposé par un décret d’application de la loi, une fois celle-ci adoptée.

Naturellement, les circulaires administratives seront adaptées pour tenir compte des modifications de la loi française et en informer toutes les autorités administratives concernées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez souligné l’avancée que constituait la pérennisation du mécanisme de stabilisation financière pour venir au secours de pays qui pourraient faire défaut. Vous n’ignorez pas que, dans une telle hypothèse, chaque pays prêteur devra emprunter à son propre taux. Par conséquent, la solidarité financière, dans le mécanisme en question, présente des limites évidentes.

Je poserai deux questions techniques.

Monsieur le secrétaire d’État, avez-vous envisagé l’émission de bons européens, qui seraient garantis par l’Allemagne et la France et placés sur le marché au même taux ? Voilà qui serait le signe d’une réelle avancée de la solidarité européenne, à laquelle je ne suis pas hostile, contrairement à ce que croit M. Fauchon, qui confond – mais il n’est pas le seul – nation et nationalisme. Cela dit, je ne me lancerai pas aujourd’hui dans des développements philosophiques.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas répondu à la question concernant l’implication du secteur privé à la demande de l’Allemagne. Jusqu’où ira-t-elle ? Demandera-t-on aux banques de renoncer à une partie de leurs créances au cas où un pays viendrait à faire défaut ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, ces deux questions sont tout à fait pertinentes, mais, ne disposant pas de tous les éléments me permettant d’y répondre, je préfère ne pas le faire avant le Conseil européen.

Pour en avoir discuté en privé avec mes collègues allemands, je suis en mesure de vous dire – mais ces propos n’engagent que moi, car engager mes interlocuteurs risquerait de les mettre en difficulté – que ceux qui sont à l’origine de ce désastre financier, qui ont prêté ou acheté des dettes souveraines en sachant que les obligations étaient plus ou moins fiables ont pris des risques et en ont fait courir à tout le monde.

Pourquoi ces opérateurs privés l’ont-ils fait ? Parce qu’ils savaient que, au bout du chemin, en cas de malheur, l’État français, l’État allemand seraient là pour acheter. Et c’est précisément ce qui s’est passé !

Rappelez-vous, le printemps dernier n’a pas été une période facile. Des discussions ont eu lieu entre l’Allemagne et la Grèce et des tensions intérieures se sont fait sentir en Allemagne.

La France a été un peu épargnée. Il est vrai que nous sommes un pays curieux : quand il s’est agi de voter 20 milliards d’euros pour la Grèce, puis 111 milliards d’euros pour la zone euro, une unanimité s’est dégagée, toutes tendances confondues, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, à l’exception de quelques rares voix dissidentes. En revanche, sur la question des retraites, le consensus n’a pas été aussi évident.

Étonnamment, en Allemagne, le débat sur la question « est-ce que je donne ma carte de crédit à la Grèce ou à d’autres pays ? » a été très âpre. Les Allemands ont été très divisés, mais, au final, le Bundestag et le Bundesrat – comme l’Assemblée nationale et le Sénat en France – ont voté ces crédits. C’est ce qui a permis de sauver la zone euro.

Les opérateurs privés peuvent-ils continuer à spéculer et à jouer sur les dettes souveraines des États membres et l’hétérogénéité de la zone euro en étant sûrs que quelqu’un paiera ? Quelle contribution faut-il leur demander ? Ce sont de vraies questions, qui se posent tant en Allemagne qu’en France.

Monsieur le sénateur, à votre première question sur les obligations communes que nous pourrions faire circuler entre la France et l’Allemagne, je dépasserais de très loin mes connaissances et mes attributions ministérielles en y répondant ce soir. Je vous recommande donc de patienter quelque peu ou de vous entretenir par exemple avec Christine Lagarde pour connaître notre orientation future dans ce domaine. Je ne peux vous apporter de réponse aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Je tiens tout d’abord à remercier M. le secrétaire d’État de la qualité de ses réponses et de son engagement, que chacun connaît ici. Le débat qui vient d’avoir lieu fut intéressant.

Je remercierai ensuite l’ensemble de nos collègues, notamment les membres de la commission des affaires européennes, qui ont participé à ce débat.

Je me réjouis des dernières avancées en matière de gouvernance économique de l’Union européenne, qu’il s’agisse du « semestre européen », que chacun a désormais bien à l’esprit au niveau des différents parlements, ainsi que de l’accord franco-allemand qui est intervenu à Deauville. On n’en mesure pas encore toutes les implications, mais cette notion d’interdépendance et de réciprocité entre les États est très importante.

Enfin, je salue le fait qu’au travers de cet accord franco-allemand le Conseil, c’est-à-dire les politiques, ait repris la main de la gouvernance économique de l’Union européenne. Nous analyserons avec beaucoup d’intérêt les travaux qui se dérouleront lors du prochain Conseil européen. (Applaudissements.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat préalable au Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinquante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures cinquante, sous la présidence de M. Roger Romani.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 26 octobre 2010, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-89 QPC).

Le texte de la décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi relative au prix du livre numérique
Discussion générale (suite)

Prix du livre numérique

Adoption d'une proposition de loi

(Texte de la commission)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au prix du livre numérique
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au prix du livre numérique, présentée par Mme Catherine Dumas et M. Jacques Legendre (proposition n° 695 [2009-2010], texte de la commission n° 51, rapport n° 50).

Mes chers collègues, nous avons vécu trois semaines de travail intense, au cours desquelles nous avons siégé de longues journées et de longues nuits. Nous envisagions de commencer l’examen de ce texte à vingt et une heures trente, mais nous avons pris beaucoup de retard. Je vous invite donc, avec l’accord de M. le président de la commission, à faire preuve, dans toute la mesure du possible, de concision dans vos interventions. Il nous faut penser au personnel du Sénat, en particulier à celui du service de la séance, qui a beaucoup œuvré.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Legendre, coauteur de la proposition de loi.

M. Jacques Legendre, coauteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les conditions d’accès à l’art et à la culture ont profondément évolué ces dernières années, sous les effets conjugués de la dématérialisation des contenus, de la généralisation de l’internet à haut débit et des progrès considérables de l’équipement des ménages en ordinateurs, consoles de jeux, téléphones multimédias et, depuis peu, tablettes de lecture. Ces dernières se diversifient d’ailleurs, le premier libraire national ayant annoncé le lancement, au début du mois de novembre prochain, d’une « liseuse » pouvant stocker de 2 000 à 11 000 ouvrages, auquel les grands éditeurs français se sont associés, permettant ainsi l’accès à 80 000 titres.

L’offre légale se développe donc rapidement et, après la musique, le cinéma et l’audiovisuel, la révolution numérique concerne désormais pleinement le secteur du livre.

Ces dernières années, les travaux sur le sujet, nombreux et constructifs, ont dévoilé un paysage très évolutif et éclairé un avenir incertain. Je pense notamment aux rapports de M. Bruno Patino, de Mme Sophie Barluet ou de notre collègue député Hervé Gaymard. Je pense aussi au rapport de MM. Zelnik, Toubon et Cerutti, ou encore à ceux de M. Marc Tessier et de Mme Christine Albanel, sans oublier celui de notre collègue Yann Gaillard

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication s’est également saisie de ce sujet, en organisant notamment une table ronde le 28 avril 2010, dont l’un des thèmes portait sur la question du prix du livre numérique. Ce temps d’échange a permis de mesurer l’impact de l’essor de la culture numérique sur les différents acteurs de la chaîne du livre, notamment les libraires, et d’appréhender les éventuelles évolutions législatives que cette mutation rend nécessaires.

Parmi ces évolutions législatives figurent, d’une part, l’alignement du taux de TVA du livre numérique sur celui du livre imprimé, disposition que la commission défendra dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, et, d’autre part, un texte sur le prix du livre numérique, afin de traduire dans ce nouvel univers l’esprit de la loi de 1981 relative au prix du livre.

Notre collègue Catherine Dumas et moi-même avons déposé une proposition de loi dans ce but le 8 septembre 2010 et avons demandé son inscription dès que possible à l’ordre du jour des travaux du Sénat. Nous nous réjouissons d’avoir obtenu satisfaction.

Certes, dans son avis du 18 décembre 2009, l’Autorité de la concurrence a estimé qu’une période d’observation d’un an ou de deux ans pourrait être respectée avant l’adoption d’un dispositif spécifique pour le livre numérique. Mais nous savons tous que le législateur est souvent à la traîne des évolutions technologiques et peine à les anticiper. Et lorsqu’il décide de légiférer, les données du marché et les usages sont parfois déjà tellement installés que son souhait de régulation intervient bien tardivement.

Cette fois, nous vous proposons de légiférer à l’occasion de l’émergence d’un nouveau marché. Certes, le terrain est évolutif, mais il est aussi partiellement balisé, dans la mesure où nous disposons du bilan très positif de la loi de 1981 relative au prix du livre.

Avec ce texte, nous souhaitons accompagner les mutations en cours du marché du livre numérique, non pour les freiner, mais pour les réguler.

Je vous rappelle cette citation merveilleuse de Montesquieu : « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé. » Je crois qu’elle conserve toute sa vérité, même si, bien entendu, les pratiques culturelles des Français ont évolué.

En 2008, le ministère de la culture et de la communication a réalisé une enquête sur les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique, alors que plus de la moitié d’entre eux disposaient d’une connexion à haut débit et que plus d’un tiers utilisaient l’internet quotidiennement à des fins personnelles, chiffres qui ont encore augmenté depuis. Cette étude est venue confirmer un mouvement de long terme : depuis plusieurs décennies, chaque nouvelle génération arrive à l’âge adulte avec un niveau d’engagement à l’égard de la lecture inférieur à la précédente, si bien que nous constatons à la fois une érosion des gros et moyens lecteurs de livres et un vieillissement du lectorat.

Je forme avec force le vœu que le nouvel accès aux livres, que permet l’arrivée sur le marché des tablettes de lecture et des œuvres numériques, suscitera chez les jeunes un appétit renouvelé pour l’écrit. Je pense à l’écrit sous toutes ses formes, d’une part, parce que la presse est également concernée, d’autre part, parce que ces nouvelles technologies vont susciter une création foisonnante. En outre, il ne faut pas exclure que l’accès à ces livres numériques donnera aussi le goût du livre papier, car l’effet de « cannibalisation » de l’un par l’autre ne sera sans doute que partiel.

Nous avons souhaité, au travers de la présente proposition de loi, accompagner l’émergence de ces nouveaux biens culturels et réguler le marché, au moins dans un premier temps, pour ce que l’on appelle les livres homothétiques.

Je laisse à notre rapporteur, Mme Colette Mélot, le soin de vous expliciter les objectifs et les termes de ce texte. Je la remercie de son investissement très important sur cet important dossier. Je précise que la commission l’a suivie dans ses conclusions et ses propositions.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je conclus en ne résistant pas au plaisir de partager avec vous cette citation de Jules Renard, dans laquelle se reconnaît le lecteur avide que je suis : « Quand je pense à tous les livres qu’il me reste à lire, j’ai la certitude d’être encore heureux. » (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. David Assouline applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Colette Mélot, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en avons tous conscience, avec l’émergence du livre numérique, le monde du livre connaît sa plus importante révolution depuis Gutenberg. Celle-ci est sans doute plus tardive et moins brutale que celle qu’ont connue d’autres secteurs culturels, notamment celui de la musique, les évolutions technologiques n’ayant pas, pour l’instant, bouleversé les usages.

La mutation est cependant en cours et elle devrait s’accélérer sous l’effet conjugué de la multiplication des tablettes de lecture et, par conséquent, de l’évolution des offres et des usages, comme l’a indiqué M. Jacques Legendre et comme je l’ai constaté lors des vingt-huit auditions réalisées par la commission.

Le marché du livre numérique est certes encore embryonnaire, en tout cas dans notre pays, où il ne représente que 1,5 % du chiffre d’affaires des éditeurs, mais il n’était que de 0,1 % en 2008. Sa progression est donc spectaculaire, même si les ventes sont aujourd’hui assez concentrées sur les éditions scientifiques et la bande dessinée.

En outre, l’exemple américain montre que l’évolution peut être rapide : le livre numérique représente déjà près de 10 % du marché du livre. Toutefois, cette situation a surtout profité aux nouveaux acteurs, d’autant plus qu’Amazon, dans un premier temps, avant l’entrée sur le marché d’Apple et de Google s’est trouvé en situation monopolistique. Nous avons eu écho des réactions des éditeurs américains et des nombreuses fermetures de librairies dans ce pays…

Les éditeurs américains ont réagi et ils négocient désormais des contrats d’agence, qui leur permettent de mieux contrôler les prix afin de préserver la chaîne de valeur, mais les librairies ne ressusciteront sans doute pas pour autant...

Les contrats de mandat, qui régissent les relations commerciales entre éditeurs français et détaillants, sont aujourd’hui proches de ce modèle. Mais donner valeur législative au rôle central des éditeurs dans la détermination des prix sera plus sécurisant pour l’ensemble des acteurs de la filière, des auteurs aux éditeurs en passant par les libraires. Or nous souhaitons tous le maintien du maillage culturel de notre territoire, auquel contribuent les libraires, même si cela suppose qu’ils s’adaptent, eux aussi, à l’ère numérique.

Nos objectifs de respect de la propriété intellectuelle, de diversité de la production et de la diffusion de livres, de densité du tissu culturel ont été jusqu’ici atteints en grande partie grâce à la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, dite « loi Lang ». En effet, plusieurs rapports, notamment celui d’Hervé Gaymard en 2009, ont établi le bilan positif de cette loi.

J’en rappelle les grandes lignes.

Le réseau des librairies s’est maintenu tout en se modernisant. On compte 25 000 points de vente : de 2 000 à 2 500 d’entre eux exercent la vente de livres à titre principal ou significatif et rendent des services de qualité à la fois aux lecteurs et aux éditeurs, dont ils assurent l’exposition de la production. En effet, l’offre éditoriale est très riche : 600 000 titres environ sont disponibles et près de 60 000 titres paraissent chaque année.

La loi n’a pas eu d’effet inflationniste sur le prix du livre. Celui-ci suit depuis de nombreuses années l’évolution de l’indice général des prix à la consommation ou lui est inférieur.

La concentration de l’édition et des circuits de diffusion du livre n’empêche pas la très grande vitalité du secteur.

Comment la proposition de loi prévoit-elle d’atteindre le même type d’objectifs dans l’univers numérique ?

Je dois avouer, mais vous le savez bien, que la tâche du législateur est aujourd’hui compliquée. Il doit lui aussi s’adapter à l’univers numérique !

Si elle s’inspire des grands principes de la loi de 1981 relative au prix du livre, cette proposition de loi ne pouvait pas en être une simple transposition, plusieurs dispositions n’étant pas adaptées à l’univers numérique.

J’ai proposé à la commission, qui l’a accepté, quelques modifications de nature à lever certaines ambigüités du texte, à répondre au mieux à ses différents objectifs et à donner au législateur les moyens d’assurer un suivi annuel de ce secteur en mutation.

Plus précisément, le texte adopté par la commission comporte huit articles que je vous présente brièvement. Il s’inscrit en outre dans le respect de l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence au mois de décembre 2009.

L’article 1er définit le périmètre de la loi et, par conséquent, le livre numérique. La loi s’appliquera donc aux « œuvres de l’esprit » répondant à un principe de réversibilité, à savoir celles qui sont soit déjà imprimées soit imprimables sans perte significative d’information. Un décret définira les « éléments accessoires » propres à l’édition numérique, afin de préciser ce champ d’application.

Il ne s’agit pas de réguler des biens d’une autre nature, tels que des œuvres multimédias par exemple. Néanmoins, il me semble que la définition du livre numérique doit être suffisamment souple pour englober, par exemple, le cas d’un livre numérique assorti d’une courte interview de son auteur.

La commission a levé toute ambigüité sur le fait que le texte vise le livre sous sa forme électronique et non pas le commerce électronique de livres. Elle a aussi supprimé toute notion d’éventuelle chronologie entre l’édition sous forme imprimée et l’édition numérique, dans le cas où une œuvre fait l’objet des deux types d’édition.

L’article 2 est au cœur du dispositif, puisqu’il pose l’obligation pour l’éditeur de fixer un prix de vente pour chaque offre commerciale concernant un livre numérique. La commission a précisé que ce principe s’applique « pour tout type d’offre à l’unité ou groupée ».

Les trois critères permettant de fixer des prix différents pour un même livre sont les suivants.

Le premier critère porte sur le contenu de l’offre. Un livre n’aura pas le même prix s’il est proposé au sein d’une offre réunissant d’autres livres ou s’il est vendu isolément.

Le deuxième critère concerne les modalités d’accès à l’offre. Le prix peut différer suivant que le livre est accessible et consultable en ligne sur identification ou qu’il est téléchargé sur le disque dur de l’acheteur pour pouvoir être consulté hors ligne.

Le troisième critère a trait aux modalités d’usage de l’offre. Le prix peut différer en fonction des usages plus ou moins grands permis par les mesures techniques de protection, notamment le nombre de copies privées que l’utilisateur peut réaliser à partir d’un fichier.

Seraient cependant exclus de ce dispositif certains types d’offres. Il s’agit notamment de ne pas interférer avec le modèle économique des éditeurs scientifiques et techniques, qui proposent de longue date des produits spécifiques à un public professionnel, des bibliothèques universitaires par exemple.

Deux critères devraient être observés simultanément pour bénéficier de cette dérogation.

Le premier critère se rapporte au contenu de l’offre et comporte lui-même une alternative : l’offre doit soit concerner une « licence d’accès aux bases de données », soit être « composite ».

Le second critère concerne la finalité de l’offre : elle doit être proposée à des fins « d’usage collectif ou professionnel ».

Je me suis longuement interrogée sur cette disposition, dont l’interprétation peut être très large et qui peut donner lieu à des ambigüités. Mais, à défaut de trouver un consensus interprofessionnel sur une autre rédaction, la commission a renvoyé à un décret l’application de cette disposition, afin que ces notions soient définies et interprétées en cohérence avec les objectifs visés par la proposition de loi.

L’article 3 pose l’obligation, pour toutes les personnes qui exercent une activité de vente de livres numériques, de respecter le prix fixé par l’éditeur. Une même offre sera donc vendue au même prix, quel que soit le canal de vente utilisé.

Les articles 2 et 3 précisent que le texte s’appliquera aux éditeurs et détaillants établis en France. Je me suis aussi beaucoup interrogée sur cette limitation, mais elle s’inscrit dans le respect du droit communautaire, notamment de la directive Services et de la directive sur le commerce électronique. Nous avons donc opté pour la sécurité juridique, après avoir hésité à faire valoir, pour la première fois, la clause de diversité culturelle, qui aurait peut-être permis de déroger à ce principe d’établissement en France.

En vertu de ce principe, le texte limite son application aux seuls opérateurs établis sur le territoire français, les relations entre éditeurs et opérateurs hors de nos frontières étant laissées au contrat d’agence, qui permet lui aussi à l’éditeur de fixer le prix du livre. L’homogénéité des conditions commerciales doit donc être assurée par les éditeurs eux-mêmes.

L’article 4 concerne la vente à primes, sachant que cette dernière concerne la vente au consommateur final.

L’article 5 vise les relations commerciales entre éditeurs et détaillants et oblige l’éditeur à rémunérer la qualité des services de ces derniers, à l’instar des usages respectés dans le domaine du livre papier.

La commission a souhaité mieux qualifier la nature des services que l’éditeur sera ainsi tenu de prendre en compte pour définir la remise commerciale sur les prix publics qu’il accorde aux détaillants. Il s’agit des services qualitatifs essentiels qu’exercent nombre de libraires, notamment en termes d’animation, de médiation et de conseils aux lecteurs.

L’article 6 prévoit des sanctions pénales en cas de non-respect des dispositions du présent texte. Il renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des peines d’amendes contraventionnelles alors applicables, à l’instar des sanctions appliquées en cas de violation de la loi de 1981.

L’article 7 instaure une clause de rendez-vous que nous souhaitons annuel. Cela est indispensable compte tenu des évolutions très rapides du marché du livre numérique. Il serait utile que ce rapport comprenne une étude d’impact économique concernant l’ensemble de la filière.

L’article 8 rend les dispositions de la présente proposition de loi applicables à la Nouvelle-Calédonie.

En créant ainsi un cadre législatif sécurisant pour les acteurs de la filière, en permettant aux éditeurs de conserver la maîtrise de la fixation du prix de vente du livre au public tout en l’adaptant à la diversité des offres et des usages, il s’agit d’accompagner les professionnels, notamment les éditeurs et les libraires, dans leur adaptation aux mutations en cours. La proposition de loi leur donne l’opportunité, dans un contexte de nécessaire solidarité interprofessionnelle, d’occuper toute leur place sur ce nouveau marché. Il leur appartient de développer une offre légale attractive et accessible. Les acteurs de la filière s’y emploient d’ailleurs activement. Il s’agit là d’une priorité absolue.

En effet, l’offre légale de livres numériques atteindra 80 000 titres avant la fin de l’année 2010, soit plus de 13 % de l’offre globale payante et ce chiffre progressera rapidement, compte tenu des plateformes professionnelles lancées ou en voie de l’être. Je vous précise que les éditeurs se sont organisés autour de trois plateformes à destination des détaillants et que les libraires indépendants lanceront dans les prochains jours la leur sous le nom « 1001libraires.com », des grandes surfaces spécialisées ayant aussi développé leur propre site.

Il s’agit ainsi de répondre dès que possible et dans les meilleures conditions aux nouvelles attentes des lecteurs. C’est d’ailleurs la meilleure façon de lutter contre le piratage. Dans le domaine du livre numérique, il est certes limité à moins de 1 % des titres disponibles à la vente en format papier, dont une grande majorité de bandes dessinées, mais il est toujours plus facile de prévenir que de guérir, selon notre sage adage.

La question du coût réel du livre numérique et des économies que ce nouveau format du livre pourrait permettre de réaliser est à la fois délicate et essentielle, et ce pour l’ensemble des acteurs de la filière et pour les lecteurs eux-mêmes, puisqu’elle conditionne à la fois la rémunération des premiers et le prix appliqué aux achats des seconds.

Il semble néanmoins très difficile, à l’heure actuelle, d’évaluer l’existence et, surtout, le niveau des économies que l’édition numérique pourrait permettre de réaliser.

La régulation du marché prévue dans ce texte doit être susceptible d’assurer une rémunération équitable de tous les acteurs et le développement de l’offre légale doit s’exercer dans le respect des droits des auteurs. Ces deux aspects sont essentiels.

Des négociations sont en cours entre les représentants des éditeurs et ceux des auteurs afin d’aboutir à un accord interprofessionnel de nature à fixer un cadre respectueux des droits des auteurs.

Parmi les sujets de discussion figurent l’idée d’une révision, tous les trois à cinq ans, de la clause relative aux exploitations numériques du livre et la création d’une instance de liaison juridique permanente entre les représentants des éditeurs et ceux des auteurs, afin de suivre l’évolution des pratiques dans l’univers numérique.

La commission de la culture fait confiance aux professionnels pour que les négociations engagées aboutissent, dans un délai assez proche, à un résultat satisfaisant pour tous. Le rapport annuel d’application de la loi devra aussi permettre un suivi de la situation dans ce domaine.

Ce texte constitue, me semble-t-il, un volet essentiel d’un projet plus global en vue d’inciter au développement harmonieux et équitable du secteur du livre numérique.

Les autres réformes à conduire dans les meilleurs délais concernent l’harmonisation des taux de TVA, ainsi que Jacques Legendre vient de l’évoquer, et l’adoption de dispositions législatives de nature à favoriser la numérisation des œuvres existantes. Cela vise à la fois les œuvres dites « orphelines », c’est-à-dire celles dont le ou les ayants droit ne peuvent être retrouvés, et les œuvres épuisées.

Mes chers collègues, je vous remercie de bien vouloir adopter cette proposition de loi, qui est très attendue par l’ensemble des acteurs de la filière.

Je conclurai moi aussi sur une citation : « Ce qui importe ce n’est pas de lire mais de relire », a écrit Jorge Luis Borges. La lecture et la relecture seront désormais facilitées, avec, au choix, le plaisir du livre papier ou celui d’un support plus nomade, selon les circonstances. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – MM. David Assouline et Ivan Renar applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la constitution d’une offre légale de livres numériques attractive et diversifiée constitue un enjeu majeur de la politique du livre conduite par le Gouvernement. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de souligner en quoi le livre numérique représentait la « nouvelle frontière » du monde de l’édition.

Pour atteindre l’objectif d’une offre légale abondante et pluraliste, il est nécessaire de créer les conditions permettant aux éditeurs de s’engager dans un environnement stable, en bénéficiant notamment d’un cadre juridique qui garantisse aux titulaires des droits la maîtrise de la chaîne de valeur.

À ce titre, je tiens à féliciter Catherine Dumas et Jacques Legendre d’avoir pris l’initiative de présenter cette proposition de loi, qui répond effectivement à ce besoin d’encadrement.

Cette initiative s’inscrit pleinement dans la ligne des exigences formulées par plusieurs rapports importants, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur Legendre : le rapport Patino remis à Christine Albanel au mois de juin 2008 ; le rapport de la mission « Création et internet » composée de MM. Zelnik, Toubon et Cerutti, qui m’a été remis au mois de décembre 2009 et, enfin, le rapport de Christine Albanel sur le livre numérique, remis au Premier ministre au mois d’avril 2010.

J’ajoute que le Président de la République, lors de ses vœux au monde de la culture le 7 janvier dernier, a indiqué son souhait qu’une telle loi puisse être adoptée rapidement pour le livre numérique homothétique, c’est-à-dire la version numérique du livre papier, qui peut éventuellement comporter des éléments accessoires propres à l’édition numérique.

La plupart des objectifs de la loi Lang de 1981 relative au prix du livre demeurent pertinents dans l’univers numérique. La préservation d’un réseau diversifié de détaillants en fait partie. Il faut avant tout que le développement du marché du livre numérique ne se produise au détriment des libraires physiques. La plupart des études nous indiquent que, à court et à moyen terme, l’essentiel de la valeur produite par la filière concernera encore la vente de livres papier, pour laquelle le réseau de libraires joue un rôle premier.

À titre de comparaison, je rappelle que les états généraux de la presse avaient préconisé une densification du réseau des kiosques à journaux, afin d’enrayer la baisse des ventes. Les librairies, surtout, jouent le rôle déterminant que nous leur connaissons dans l’animation culturelle des territoires et constituent un lien social entre les citoyens ; votre assemblée, qui représente les collectivités territoriales, ne peut qu’être sensible à cet argument.

Par ailleurs, s’en remettre à la seule voie contractuelle n’est pas une solution satisfaisante, même en procédant à des aménagements.

Le contrat d’agence, qui est largement utilisé aux États-Unis, est certes préférable à la totale liberté des prix, mais il comporte des inconvénients sérieux. En effet, il est conclu au détriment de l’autonomie du détaillant, qui devient ainsi le mandataire de l’éditeur, payé à la commission, en perdant au passage sa valeur ajoutée de libraire professionnel.

Le texte qui est examiné ce soir a pour vocation de prévenir une concurrence par les prix, dont les conséquences ne peuvent être que néfastes pour l’ensemble des détaillants, qu’ils soient physiques ou en ligne. La concentration du secteur autour de quelques acteurs mondiaux disposant de pouvoirs de marché excessifs produirait des effets très négatifs sur la concurrence et finirait par appauvrir inexorablement la création éditoriale.

Ce texte a donc pour objet de favoriser la diversité des circuits de vente dans l’univers numérique. L’offre légale abondante, dont cette diversité est le gage, est aussi le meilleur rempart contre le piratage.

Ce texte permettra également de garantir une assiette stable pour la rémunération des auteurs, condition essentielle pour préserver la diversité de notre création éditoriale et littéraire, à laquelle, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis extrêmement attaché.

L’objectif d’une loi sur le prix unique du livre numérique n’est pas de maintenir en l’état la chaîne du livre. Il ne s’agit pas de figer les positions acquises ni les intérêts établis. Toute innovation technique transforme les conditions dans lesquelles l’économie d’une filière se développe et il est probable que l’arrivée du numérique s’accompagnera de transferts de valeur en faveur de nouveaux acteurs.

Si cette transformation devait n’aboutir qu’à un simple transfert de valeur de certains acteurs vers d’autres, voire à une baisse de la valeur produite, comme cela a été le cas dans le secteur de la musique, alors le libre jeu de la concurrence se révélerait contreproductif d’un point de vue économique, social et culturel.

Le numérique doit être une chance pour le lecteur, mais les évolutions ne doivent pas se réaliser au détriment de la rémunération des créateurs. C’est pourquoi l’accompagnement de la transition numérique, par une régulation simple et souple, est nécessaire, non pas pour maintenir à toute force la place des acteurs traditionnels, mais bien pour permettre à ces derniers d’accéder à ces nouveaux marchés et d’y jouer pleinement leur carte. La loi doit ainsi donner un cadre souple pour permettre au marché de se développer de manière équilibrée.

Je ne souhaite pas que nous connaissions en France ce qui s’est produit dans d’autres pays, où des détaillants en position dominante ont imposé des conditions de vente défavorables à l’ensemble de la chaîne du livre, en faisant ainsi peser de sérieuses menaces sur la vitalité de la création. Ce texte est donc nécessaire pour sécuriser le marché. Il est, par ailleurs, conforme aux préconisations de l’Autorité de la concurrence, comme cela a été rappelé.

Cette institution a préconisé, dans l’avis qui m’a été rendu au mois de décembre 2009, un cadre souple limité au livre homothétique. Tel est précisément l’objet de cette proposition de loi. Il est probable que ce marché concernera, pour l’essentiel, le livre homothétique pour les quatre à cinq années à venir. C’est bien l’horizon temporel du présent texte ; celui-ci n’a pas pour ambition de réguler le marché sur le très long terme. Il reste centré sur les évolutions à court terme, afin de créer des conditions de stabilité pour l’ensemble de la filière. J’ajoute que cette proposition de loi prévoit une clause annuelle de revoyure, qui permettra au Gouvernement d’informer le Parlement sur son application.

Enfin, si l’on peut raisonnablement estimer que le marché restera focalisé, au cours des quatre ou cinq prochaines années, sur les ventes à l’unité, le texte n’exclut pas pour autant les bouquets et les abonnements, dès lors qu’est conclu un accord entre les éditeurs et les vendeurs sur les conditions commerciales.

Je tiens à préciser que cette proposition de loi prend son sens dans une stratégie globale sur le livre numérique que j’ai souhaité mettre en œuvre et dont je tiens à vous rappeler brièvement les lignes de force.

La question du taux de TVA qui s’applique au livre numérique fait partie des sujets que je souhaite faire avancer au plus vite. Nous savons, au travers de plusieurs études, que le niveau du prix de vente sera un élément déterminant du succès du livre numérique. Pour l’heure, ce dernier est considéré par Bruxelles comme un service de téléchargement et non comme la vente d’un bien, avec un taux normal de TVA. Pour ma part, j’estime que la baisse de la TVA s’impose : ce n’est pas le support qui compte, c’est bel et bien le contenu. Un taux réduit permettrait de faire baisser le prix de manière significative.

Par ailleurs, j’ai voulu que la numérisation des livres s’inscrive dans les investissements d’avenir.

J’ai proposé aux éditeurs un projet de numérisation des œuvres indisponibles du xxsiècle, qui n’a pas son équivalent en Europe.

Dans une logique de « longue traîne » totalement adaptée aux usages de l’internet et du numérique, ce projet permettra de donner une nouvelle vie à un corpus de 400 000 ouvrages sous droits couvrant l’ensemble des champs de l’édition : littérature, sciences et sciences humaines, essais et documents. Ce sera une importante contribution à l’émergence de l’offre légale que nous appelons tous de nos vœux.

Ce projet pourra s’appuyer sur une innovation juridique. La gestion collective, en permettant la numérisation en masse d’œuvres sous droits, permettra d’adapter le droit d’auteur à l’univers numérique. Ce chantier exemplaire que nous avons mené de concert avec les auteurs et les éditeurs est d’ailleurs suivi de très près par la Commission européenne.

Pour sa part, le Centre national du livre, le CNL, accompagne les éditeurs dans la numérisation de leurs livres sous droits, c’est-à-dire de leurs catalogues « vivants ». L’enveloppe dédiée sera accrue : elle passera de 2,5 millions d’euros en 2010 à 4 millions d’euros en 2011 ; elle fera en outre l’objet d’un nouveau dispositif, qui permettra notamment de mieux soutenir les éditeurs de petite ou moyenne taille dans leurs investissements en faveur du numérique.

En France, la numérisation des œuvres du domaine public fait l’objet d’une politique active unique en Europe, avec un système de financement ambitieux porté, là encore, par le Centre national du livre, ce qui permet, depuis 2007, de consacrer 10 millions d’euros par an à la numérisation. Cette politique a donné lieu à la numérisation de plus de 300 000 ouvrages patrimoniaux de la Bibliothèque nationale de France.

Ce schéma mixte d’aides patrimoniales et d’aides au secteur marchand constitue une véritable originalité enviée par les acteurs étrangers.

Enfin, il va de soi que je souhaite aussi soutenir la librairie traditionnelle dans son adaptation au numérique.

Dans un univers en ligne où règne une profusion de l’offre, le conseil du libraire demeure plus que jamais précieux pour l’acheteur.

À cet égard, j’ai souhaité soutenir, par le biais d’un prêt d’un montant de 500 000 euros via le CNL, le projet de portail des libraires indépendants baptisé « 1001libraires.com », qui verra le jour prochainement. J’espère que ce projet pourra être examiné dans le cadre des investissements d’avenir.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et des principaux axes de ma politique en faveur du numérique, vous aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, que je suis extrêmement favorable à cette proposition de loi. En effet, celle-ci constituera un accompagnement efficace des acteurs vers le numérique. Elle créera les conditions d’une évolution équilibrée de l’ensemble de la filière, notamment au bénéfice des lecteurs. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la conjugaison de l’ordinateur, qui permet la numérisation des informations, et d’internet, qui rend possible leur mise en réseau à l’échelle planétaire, induit une véritable révolution, avec, à la clef, un brusque changement de l’ordre économique, moral et culturel.

Nous le mesurons un peu plus chaque jour, alors que tous les secteurs de notre vie quotidienne se trouvent tour à tour concernés : il s’agit non pas d’une simple rupture technologique, mais d’une véritable révolution anthropologique, comme l’a été l’apparition de l’imprimerie – Mme le rapporteur l’a rappelé – ou encore, bien plus tôt, celle de l’écriture.

Cette révolution est telle qu’elle engendre une nouvelle manière de communiquer, de s’informer, de travailler, de se cultiver, bref, de vivre ensemble, bouleversant nos organisations traditionnelles.

À cet égard, il est particulièrement étonnant de constater à quel point le champ culturel a été chamboulé dans les années qui viennent de s’écouler. Après la musique, le cinéma et l’audiovisuel, c’est le livre et l’avenir de sa filière qui sont touchés par les possibilités de numérisation et de téléchargement des œuvres.

Même si, en France, ce marché reste embryonnaire, en comparaison avec les États-Unis où il s’est fortement développé, l’arrivée des nouveaux supports – l’iPad avant l’été et, plus récemment, la tablette de la FNAC – accélérera, de fait, le tempo.

Après le temps des rapports, voici donc venue l’occasion de tenter de définir des modèles économiques. Contrairement à ce qui s’est passé dans la filière de la musique, les professionnels du livre se sont depuis longtemps mobilisés sur cette question. Aussi est-ce l’honneur de la Haute Assemblée de formuler des suggestions pour ce secteur si crucial de la culture, tout comme nous avions su proposer, sur l’initiative de Jack Ralite, un débat sur la numérisation des fonds de la BNF et organiser, à l’instigation de la commission de la culture, une table ronde sur la question du livre au mois d’avril dernier.

L’enjeu est ici de taille car, comme l’a souligné notre collègue député Hervé Gaymard, le livre « est le fruit, d’un combat pour la liberté de l’esprit, d’une prouesse technique et d’une chaîne complexe qui va de l’écrivain au lecteur ».

Il s’agit donc d’aboutir à des modèles qui soient par définition économiques, comme l’a rappelé Jacques Toubon lors de notre table ronde, c’est-à-dire qui comportent en eux-mêmes leur propre équilibre, à travers le marché et pour le consommateur. En même temps, il faut que la chaîne de valeurs soit tout au long équitable à la fois pour les auteurs, pour les éditeurs, pour ceux que l’on appelle désormais les « e-libraires » et pour les diffuseurs. Il est nécessaire que tous soient rémunérés de telle sorte que soit préservé ce qui est fondamental, c'est-à-dire la liberté et l’indépendance de la création et de tous ceux qui concourent à l’œuvre artistique.

Il s’agit d’éviter que ne se reproduise ce qui s’est passé dans le secteur de la musique, à savoir une espèce d’alliance économique et financière entre, d’un côté, les quatre majors et, de l’autre, iTunes.

Cette proposition de loi répond donc à une demande forte de régulation de la part du secteur, en conférant à l’éditeur, comme dans la loi de 1981, la maîtrise du prix de vente des livres homothétiques. Elle établit que le prix fixé s’impose à tous les revendeurs, fermant ainsi la porte aux politiques de dumping qui ont pour principal effet d’exclure du marché les acteurs les plus faibles et de priver les ayants droit de leur juste rémunération.

Comme l’a rappelé Mme le rapporteur, cette proposition de loi repose sur une définition du livre numérique restreinte et excluant les produits multimédias.

En d’autres termes, mes chers collègues, nous devons avoir conscience que, au train où vont les choses, nous ne réglerons pas tous les problèmes. Très vite, les technologies de pointe, telles que la réalité augmentée, permettront au livre papier, que l’on devra toujours à un auteur, de se transformer en livre vivant et tridimensionnel et de proposer des contenus multimédias. Je crois d’ailleurs que ce sont ces livres différents qui feront décoller le marché du livre numérique.

Par exemple, dans la version e-book, les notes de bas de page seront transformées en liens, dirigeant soit vers un site internet, soit vers un contenu téléchargé en même temps que le reste. Ce genre de livres, aux formidables possibilités, sera l’avenir de l’histoire, de la musique, des savoirs, des ouvrages de voyage.

Il est certain que, à l’avenir, nous devrons intervenir de manière anticipée sur toutes les déclinaisons du livre numérique. Nous risquons sinon de nous retrouver dans un système où la régulation sera réalisée par une alliance entre les vendeurs de terminaux, les opérateurs et un nombre limité de grandes maisons. Or au nom de quoi priverait-on les auteurs des revenus de leur travail ?

Ces remarques faites, je formulerai un regret et évoquerai quelques enjeux.

Alors que le marché du livre numérique est naissant, il faudrait lui donner une impulsion réelle, en décidant pour lui d’un taux de TVA équivalant à celui qui s’applique au livre papier. L’un des enjeux de cette question est de permettre, comme pour la musique, une offre légale attractive. En effet, ne nous leurrons pas : ce que veut l’internaute, à défaut de disposer d’un bien gratuitement, c’est une offre à moindre coût. Dans ce contexte, appliquer une TVA à 19,6 % et non à 5,5 % est absurde à l’heure où il faut mettre en place un véritable levier de développement pour ce marché émergent. Le prochain projet de loi de finances sera l’occasion de rectifier cette incohérence.

Il faut également que tous aient accès dans les mêmes conditions au livre numérique. Cela suppose égalité du prix, égalité des outils, égalité de tous quant à l’accès à la culture pour assurer cette diversité.

La protection du consommateur face à la guerre des formats est donc primordiale. Si j’achète aujourd’hui un livre numérique sous tel ou tel format, pourrai-je le lire demain, dans six mois, dans deux ans, dans cinq ans, avec une nouvelle tablette ? Si tel n’est pas le cas, j’aurai investi à perte par rapport à l’achat d’un livre papier que je peux, sauf s’il se détériore bien sûr, conserver.

Il est donc fondamental que celui qui rémunère toute la filière du livre numérique, c'est-à-dire l’acheteur, ne fasse pas les frais d’une guerre de formats ni de systèmes fermés, dont on peut craindre, en effet, qu’un certain nombre ne voient le jour.

Or il faut un système ouvert dans lequel toute la filière puisse se retrouver, qu’il s’agisse d’abord des auteurs, dont la création sera diffusée très largement, ensuite des éditeurs qui, dans un système ouvert de prix fixes, auront toujours la possibilité d’établir ces derniers et de négocier les droits numériques vis-à-vis des auteurs, enfin des librairies, parce que le pari est que chacun d’entre eux, quelle que soit sa taille ou sa capacité d’investissement, puisse revendre la version numérique du livre, avec un catalogue allant au-delà du stock physique dont il dispose dans sa librairie.

Aussi, nous ne saurions retrouver dans le secteur du livre les verrous que – je le rappelle, mes chers collègues – nous avons réussi à faire sauter pour la musique, à travers la loi Hadopi I, me semble-t-il.

Si les éditeurs ne veulent pas s’interdire des DRM, digital rights management, il faut que ces protections soient interopérables et permettent de larges usages. Elles ne sauraient imposer des contraintes techniques excessives aux lecteurs, et ce de manière définitive.

Un autre enjeu majeur aujourd’hui, comme l’a préconisé le rapport Tessier et comme l’a également souligné notre collègue Yann Gaillard, qui évoquera certainement ce point tout à l'heure, est la mise en place d’une plateforme permettant aux lecteurs d’accéder à la quasi-totalité de l’offre littéraire. Les grands opérateurs aujourd’hui sont étrangers ; il faut donc que nous puissions avoir une offre française et européenne. Or, aujourd’hui, du point de vue du lecteur, l’offre paraît éclatée et assez peu accessible.

Il faut aussi réfléchir à la manière dont les différentes plateformes pourront converger en une seule entité, qui serait centrale. À cet égard, les régions, dont le soutien aux éditeurs a été l’un des axes forts des politiques culturelles, doivent aujourd’hui inciter éditeurs et libraires à rejoindre une telle structure. En effet, en dehors des imprimeries, les librairies constituent l’élément le plus vulnérable de la chaîne du livre.

Pour l’heure, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, la librairie indépendante est très active. Elle a créé un site, « 1001libraires.com ». Ces libraires ont investi ensemble, avec l’aide du Centre national du livre, des pouvoirs publics et de l’interprofession.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Catherine Morin-Desailly. Cet effort est important, car l’enjeu reste le même que le livre soit numérique ou papier. Le travail de médiation exercé par les libraires doit se poursuivre.

Pour conclure, il faut aussi prendre en compte le risque lié au caractère national et territorial de la proposition de loi dont nous débattons. En effet, un grand nombre d’acteurs d’internet se sont installés sur le territoire français, où la pression fiscale était moindre. Dès lors que les fichiers seront sur les serveurs Apple et Amazon, comment imposera-t-on à ces acteurs de respecter une loi sur le prix unique du livre qui est d’application française ? Cette question nous semble essentielle.

En tout cas, nous pensons que, demain, nous bénéficierons d’une offre double et complémentaire, comprenant le livre papier et le livre numérique, dont j’ai évoqué les différentes déclinaisons et les formidables potentialités.

M. le président. Il faut vraiment conclure, ma chère collègue ! Vous avez largement dépassé votre temps de parole.

Mme Catherine Morin-Desailly. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, fort de cette analyse et en dépit des quelques remarques que j’ai évoquées, le groupe de l’Union centriste votera cette proposition de loi. Nous félicitons d'ailleurs Jacques Legendre et Catherine Dumas, à qui nous devons cette initiative. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons un sujet sur lequel il est agréable de discuter et de réfléchir, parce qu’il constitue un défi pour notre avenir et est a priori moins conflictuel que le débat que nous avons achevé voilà quelques heures.

Je commencerai par féliciter M. le président de la commission de la culture, les auteurs de la proposition de loi et Mme le rapporteur d’avoir pris une telle initiative : il était temps d’offrir un cadre légal au livre numérique. Toutefois, je le dis très franchement, nous devrons nous revoir souvent si nous voulons être à la hauteur du big bang qui, selon moi, ne manquera pas de s’opérer dès l’année prochaine dans ce secteur.

Nous avons la chance de légiférer à un moment où ce secteur ne concerne qu’un très faible pourcentage du marché du livre. Néanmoins, l’essor du numérique dans ce domaine ne sera pas lent et progressif. Nous assisterons à son explosion brutale, comme en ont connu d’autres pays, et nous devons d’ores et déjà nous y préparer.

C’est d'ailleurs ce que nous nous efforçons de faire : il nous faut maîtriser les conséquences de l’apparition de ces nouvelles technologies, contrairement à ce qui s’est passé pour la musique ou pour le cinéma où nous avions toujours un coup de retard. En effet, nous avions beau nous insurger contre le piratage, les industriels n’avaient encore fourni aucune offre commerciale attractive digne de la démocratisation que la numérisation permettait. Ils ont préféré écouler leurs stocks et privilégier leurs intérêts à court terme au lieu de se projeter dans l’avenir et d’être à la hauteur des défis auxquels ils étaient confrontés.

Pour le secteur du livre, les éditeurs semblent avoir adopté le bon tempo. Pour ce qui concerne le livre électronique, notre chance est que le rythme des changements ne se soit pas accéléré plus tôt, comme ce fut le cas dans le domaine de la musique. Toutefois, nous assisterons inévitablement à un bond en avant quand les supports seront facilement accessibles au plus grand nombre, ce qui, pour l’instant, n’est pas le cas sur le marché français.

Le secteur de la presse en a conscience également. Il propose déjà une offre importante, mais ses responsables soulignent que c’est le jour où tout le monde pourra s’acheter facilement une tablette et où la démocratisation de ce produit aura eu lieu que les potentialités du livre numérique apparaîtront véritablement.

Comme tout le monde l’a souligné – mais il était important de le faire dans cette enceinte –, la révolution numérique est un défi. Elle est en marche, elle est inévitable. Il ne sert à rien, aujourd’hui, de pleurer le temps où cette technologie n’existait pas, où le livre papier que l’on manipulait était l’unique moyen de lecture. Dans cet hémicycle en particulier, il n’était pas évident de faire partager ce point de vue, de convaincre que ce phénomène devait être abordé avec optimisme, volontarisme et esprit d’ouverture.

En effet, la révolution numérique permet, dans tous les domaines, une réelle démocratisation de la culture par l’accès au plus grand nombre, par la diversité de l’offre proposée et par l’interactivité qui est son fondement même. Tout cela, il faut l’apprécier !

Je vous relaterai une anecdote qui permet de prendre pleinement la mesure des enjeux qui nous attendent. C’est dans un avion des lignes intérieures américaines, dans le cadre d’une mission en Amérique du Nord organisée par la commission de la culture sur le sujet qui nous occupe, que j’ai pris encore plus fortement conscience de la réalité du phénomène auquel nous sommes confrontés et dont je tiens à vous faire part. Observant les personnes qui m’entouraient, j’ai constaté que, si le président Jacques Legendre lisait un livre papier – « un livre », faudrait-il dire ! – consacré à Napoléon, sur les dix autres passagers, tous Américains, huit avaient choisi le support tablette.

J’ai alors compris que cette évolution était inéluctable. Pourtant, nombreux étaient ceux qui ne croyaient pas au succès de la numérisation dans le domaine du livre : jamais le grand public n’irait vers le téléchargement tant le livre papier paraissait l’outil auquel il était attaché et ne manquerait pas de le rester !

Accompagner cette révolution ne remet nullement en cause la nécessité de continuer à faire vivre le livre papier et de faire en sorte de le protéger par la législation.

Cette révolution, je le répète, il faut donc l’apprécier, la prendre à bras-le-corps et permettre le développement de toutes ses potentialités pour la faire avancer dans le sens du progrès. Ce n’est pas automatique ! En effet, on le sait bien, un progrès ne peut vraiment en être un que s’il est à la portée de tous et partagé. Il doit amplifier la diversité culturelle et non se réduire à une offre uniforme, ainsi que l’envisagent certaines grandes plateformes dont je ne citerai pas les noms.

Ce progrès ne doit pas non plus oublier tous les acteurs de la chaîne du livre : l’auteur, l’éditeur, l’imprimeur et le distributeur chargé de la distribution logistique du livre et, en bout de chaîne, avant même le lecteur, le libraire qui fait découvrir les œuvres nouvelles, maintient un fonds varié et conseille les passionnés. Il faut préserver cette chaîne sur laquelle repose tout le marché du livre. Il faut éviter qu’elle ne se rompe par cette révolution numérique dont chacun mesure l’ampleur. Il ne faut pas que les premiers maillons de cette chaîne préfèrent laisser Amazon, Google, Apple – ils ont leur place, mais il ne doit pas y avoir de place que pour eux ! – affirmer que ce progrès n’appartient qu’à eux seuls. Et c’est tout l’enjeu.

Pour l’instant, cela a été rappelé, cette révolution ne concerne qu’à peine 0,1 % du marché français, soit 18 000 livres numérisés. Le dernier prix Goncourt, Trois Femmes puissantes de Marie Ndiaye, s’est vendu à 200 exemplaires en version numérique, contre près de 500 000 en version papier.

Il ne faut pas s’en tenir à ce chiffre pour considérer que nous avons le temps. Au contraire, cela nous montre où nous en sommes ! L’accélération va se produire et je pense qu’elle surviendra cette année. C’est la raison pour laquelle j’apprécie que la proposition de loi instaure une clause de rendez-vous via un rapport qui sera présenté un an après l’entrée en vigueur du texte. En effet, il faudra, à mon avis procéder à des ajustements, à des adaptations et apporter des réponses sur des points que nous ne sommes encore à même d’imaginer aujourd’hui.

Le basculement dans le numérique se perçoit sans cesse davantage. Le répit dont bénéficie le marché du livre sera de courte durée. Il faut agir avant qu’il ne soit trop tard, avant que quelques acteurs ne gèlent l’évolution des techniques, ne s’approprient la valeur ou n’interdisent l’avancée du progrès au point que le livre ne puisse demeurer ce qu’il est depuis des siècles : d’abord, l’outil d’un échange ouvert, sans exclusive, où se côtoient création et patrimoine, groupes industrialisés et maisons artisanales, création et commerce, dans un monde où la pluralité va de soi. C’est cela, le monde du livre et c’est ainsi qu’il doit rester.

Dès lors, l’objectif doit être le même qu’il y a trente ans quand les socialistes, avec la loi Lang, ont voulu préserver la création et protéger les marges des éditeurs afin de rémunérer les auteurs et d’assurer la diversité de l’offre éditoriale.

C’est pourquoi, globalement, cette proposition de loi est tout à fait louable. Nous avons collectivement conscience que son champ d’application reste limité, notamment à la version homothétique. Je pense que c’est l’une de ses faiblesses. Je me demande si un tel périmètre ne pourra pas être le cheval de Troie par lequel l’ensemble du dispositif que nous mettons en place pourra être détourné. L’offre numérique étant appelée à se diversifier rapidement, comme c’est déjà le cas à l’étranger, une définition trop restreinte ne risque-t-elle pas d’exclure les produits multimédias, par exemple ? Et si le texte ne prévoit pas de faire entrer ces derniers dans sa définition du livre numérique, nous risquons d’ouvrir une brèche menaçant la pérennité de notre action, sans que nous ayons la capacité de réagir. Il nous faudra donc très vite apporter les précisions qui s’imposent.

Je constate que j’ai dépassé mon temps de parole. Comme il s’écoule vite ! Avant de conclure, je souhaite insister sur un point. Une fois cette loi adoptée, ce à quoi nous sommes favorables, il faudra absolument se préoccuper des bénéfices résultant de la baisse des coûts à terme. Tel est l’objet de certains de nos amendements. Et que l’on ne vienne pas me dire que les gains doivent être réinvestis et qu’il n’y a donc pas réellement de profit ! Je suis allé voir ce qu’il en était au Japon : aujourd’hui, la baisse du prix de revient atteint, en gros, 40 %. Et ce sont les éditeurs qui l’empochent !

Il faudrait que cette manne puisse bénéficier à l’ensemble de la chaîne, notamment aux petites librairies qui maillent le territoire. Il faut les aider à jouer un rôle d’animateur dans les villes ou villages privés de leurs services publics où elles sont implantées et à s’équiper pour le numérique.

Les auteurs aussi doivent bénéficier du surplus qui sera généré.

Je conclurai en évoquant un point sans rapport direct avec ce qui précède. Quand une révolution industrielle a lieu, on ne peut pas accepter qu’il y ait des laissés-pour-compte. Je pense, en l’occurrence, aux imprimeurs dont les affaires vont couler un peu partout. Il faut aider cette profession à se reconvertir au cours de la phase de transition qu’elle va traverser. Il faut faire en sorte de redistribuer la valeur dégagée sur un mode assez équitable.

Vous retrouverez ces idées lorsque nos amendements viendront en discussion.

Il faut absolument que les engagements soient tenus et que nous puissions plaider auprès de l’Europe l’alignement du taux de la TVA du livre numérique sur celui du livre papier. Dans le cas contraire, l’offre ne sera pas attractive et, à terme, nous assisterons aux mêmes dérives que pour la musique ou le cinéma ! (Applaudissements.)

M. le président. Mes chers collègues, avant que nous n’entamions l’examen de ce texte, je vous ai invités à la concision, car la conférence des présidents avait initialement prévu que nous siégions uniquement le soir, et non la nuit.

Aujourd’hui, nous avons consacré beaucoup de temps à un texte important. J’ai obtenu une dérogation pour que la séance se prolonge jusqu’à une heure du matin, mais je vous demande de respecter scrupuleusement le temps de parole qui vous est imparti.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à féliciter et à remercier Jacques Legendre et Catherine Dumas de leur initiative, sans oublier notre rapporteur, Colette Mélot. La proposition de loi que nous examinons ce soir est bien le fruit de longues réflexions, de concertations ainsi que de nombreux rapports.

Le marché du livre numérique est, certes, encore balbutiant en France. Mais la politique de numérisation des bibliothèques à grande échelle, la multiplication des liseuses numériques sur le marché, tout comme la forte progression des ventes de livres numériques ces derniers mois, ne laissent pas de place au doute sur l’avenir de ce marché, en France, à l’image du marché américain.

Cette évolution constitue avant tout un grand progrès. La diversité culturelle et l’accès du plus grand nombre à la lecture devraient s’en trouver considérablement enrichis. Cette perspective, aussi exaltante soit-elle, ne doit pas nous faire oublier les risques inhérents à un tel bouleversement de l’univers du livre. Il est inconcevable de laisser se développer ce pan entier de l’économie du numérique sans une régulation adaptée. Le risque est trop grand de connaître les mêmes déboires que pour la musique et le cinéma, déboires que nous avons encore du mal à effacer aujourd’hui, faute d’en avoir suffisamment anticipé les effets.

Nous le savons, une offre légale de qualité est la condition sine qua non d’un développement harmonieux du marché du livre numérique. Les acteurs du secteur doivent pouvoir le maîtriser sans se laisser déborder par le piratage. C’est un premier point.

La nécessité de développer d’urgence un cadre législatif pour l’exploitation du livre numérique constitue un autre élément de préoccupation pour les membres du groupe du RDSE. C’est d’ailleurs une attente unanime de tout le secteur. Il est important de fixer un cadre légal suffisamment souple pour accompagner l’évolution technologique dans le plus grand respect, non seulement du patrimoine et de sa diversité, mais aussi des droits d’auteurs.

En prenant exemple sur la réussite de la loi dite « Lang », la proposition de loi dont nous débattons repose sur une définition du livre numérique cantonnée au livre imprimé ou imprimable. Sont ainsi exclus les produits multimédias hybrides qui, à ce jour, sont encore moins développés.

L’éditeur conservera la maîtrise du prix de vente des livres numériques, tout comme il la détient sur le livre papier. Ce prix, imposé aux revendeurs, empêchera toute politique de dumping qui exclurait du marché les acteurs les plus faibles. Il permettra, par ailleurs, aux auteurs de mieux contrôler la perception de leurs droits et, ainsi, de maintenir la richesse et la diversité des publications.

Si un large consensus se dégage sur la nécessité de fixer un prix unique pour le livre numérique, de nombreuses inquiétudes subsistent, néanmoins, quant aux conséquences du développement de ce livre dématérialisé.

Avec le numérique, le marché du livre doit s’adapter à de nouvelles contraintes. Il tente peu à peu de se structurer. Les éditeurs, les bibliothécaires et les libraires investissent et expérimentent de nouveaux modèles économiques. Malheureusement, c’est toute la chaîne de production qui est déstabilisée, voire en grand danger : l’imprimerie, mais aussi la filière papier.

Par ailleurs, la dématérialisation des livres, ainsi que celle des relations commerciales, est dramatique pour le maillage culturel de notre territoire. Certaines petites librairies souffraient déjà de la concurrence des grandes enseignes. Elles doivent désormais compter avec la concurrence impitoyable d’internet et des éditeurs installés à l’étranger, qui proposent des livres français à portée de clic de leurs lecteurs.

À ce sujet, je regrette que le texte que nous examinons aujourd’hui ne nous permette pas de nous attaquer à cette concurrence dont souffrent déjà les professionnels de la librairie de la part d’opérateurs établis hors de notre territoire. Des amendements ont été déposés et feront tout à l’heure l’objet d’un débat qui, je l’espère, permettra de trouver un accord sur ce sujet délicat. L’exception culturelle française est toujours au cœur de nos préoccupations.

L’existence, en France, d’un vaste réseau de librairies indépendantes est déterminante pour la diversité et la qualité de la production éditoriale. Sans un tel réseau de libraires, qui défendent et prescrivent des livres exigeants, ces ouvrages plus confidentiels ne pourraient plus trouver d’éditeurs. Je m’inquiète aussi de savoir quel sera, pour ces libraires indépendants, le coût réel de leur adhésion au « portail internet des libraires ».

L’objectif de ce portail est d’accompagner les librairies dans le monde du numérique. C’est pourquoi il référencera, dès son lancement, toute l’offre numérique de l’édition française, avec la possibilité de choisir entre l’achat de livres physiques ou numériques, dans un même panier. Cet outil sera le bienvenu, mais nous espérons surtout qu’il sera adapté, je le répète, aux petites librairies indépendantes.

Par ailleurs, je suis déçue que la commission de la culture ait supprimé tout délai entre la parution d’un livre numérique et sa distribution, dans le cadre d’une offre groupée.

L’instauration d’une chronologie est certes complexe, mais n’est-elle pas essentielle pour la protection de certains livres, notamment ceux qui reçoivent des prix littéraires et font l’objet d’un succès particulier auprès du public ?

Je m’interroge par ailleurs sur la façon dont pourraient être utilisés et redistribués les bénéfices supplémentaires engendrés par la vente des livres numériques. Il est évident que des frais d’équipement seront nécessaires pour que les professionnels s’adaptent à cette nouvelle ère.

Cependant, une fois cette phase d’adaptation passée et malgré la différence de prix avec le livre physique, le livre numérique sera lucratif. Ne pourrait-on pas alors dégager une source de financement pour la création ?

Enfin, j’attends que soit adopté le principe d’une TVA à taux réduit sur le livre numérique, comme pour le livre papier et le livre audio. Le maintien d’une fiscalité différente entre livre physique et livre numérique paraît désormais économiquement et politiquement incohérent.

Le texte que nous nous apprêtons à voter, en rassurant les différents acteurs du marché, donnera peut-être un coup d’accélérateur au développement du livre numérique.

Sans doute verrons-nous ainsi fleurir de nombreuses tablettes de lecture au pied des sapins de Noël. J’ai personnellement l’espoir que les livres numériques redonneront le goût de la lecture à beaucoup de nos enfants qui, trop souvent, délaissent les livres au profit des écrans.

Du fait de l’activité débordante du Sénat ces derniers jours, j’ai disposé de très peu de temps pour examiner les amendements déposés sur ce texte. Toutefois, ceux-ci me semblent aller dans le sens des ajustements que nous attendions et nous en débattrons dans quelques instants.

La clause de revoyure contenue à l’article 7 nous laisse croire que le débat sur le livre numérique est loin d’être clos et que la loi pourra évoluer en fonction des observations et des besoins. Animés de cet espoir, les membres du groupe du RDSE voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – M. David Assouline applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre discussion s’oriente aujourd’hui autour d’un objectif louable et nécessaire.

Il s’agit de réglementer le secteur du livre numérique, en lui transposant pour partie les dispositions de la loi Lang de 1981 relative au prix du livre. Cette loi a permis à l’éditeur de fixer un prix unique s’imposant à tous les libraires, interdisant aux grands diffuseurs commerciaux de brader ce bien culturel précieux qu’est le livre pour n’en faire qu’un bien commercial ordinaire. Cette loi a eu de grandes vertus pour la diversité de l’édition, la qualité de son offre ainsi que pour la formation d’un réseau dense de libraires de toutes tailles, créant sur la totalité du territoire un maillage essentiel.

On comprend l’intérêt d’appliquer cette loi vertueuse au nouveau marché du livre numérique, afin d’empêcher les géants commerciaux d’internet – Google, Microsoft, Apple et Amazon – de s’emparer de cette nouvelle offre dans l’unique objectif de dégager des profits, avec le risque réel d’une réduction de la qualité et de la diversité de l’offre culturelle numérique.

Ainsi, le législateur joue son rôle : faire que le droit définisse la concurrence, placer la loi au niveau de l’intérêt général, s’interposant là où l’intérêt financier des grandes entreprises abolit toutes les barrières.

Plus exactement, le législateur tente de le faire, car même si cette loi est nécessaire, il faut que son adoption ait lieu non pas dans un enthousiasme candide, mais plutôt avec une lucidité clairvoyante.

Cette proposition de loi soulève des interrogations qui sont le fait non pas de ses auteurs, mais de l’objet même qu’elle tente de saisir. Évoquons-les par des questionnements critiques, pour que l’entrée en vigueur de la loi ne crée pas de grandes illusions et d’encore plus grandes désillusions.

Le livre numérique est un objet naissant que l’on peine à saisir dans ses fonctionnalités et usages. Les tablettes de lecture numérique ont vu le jour ces derniers mois. En 2008, le marché du livre numérique représentait 0,1 % du marché du livre. S’il est en augmentation – 1,5 % aujourd’hui –, il représente un marché à peine émergent, ce qui ne permet pas d’envisager aisément toutes les potentialités et les fonctionnalités du livre numérique qui présente pourtant un intérêt en tant que tel.

Il en découle un flou certain et des incertitudes sur les champs d’application de la loi, comme l’indiquent les multiples renvois à des décrets. Ainsi, l’article 1er prévoit : « Un décret précise les caractéristiques des livres entrant dans le champ de la présente loi. » Pourtant, le pouvoir réglementaire ne pourra pas plus que le législateur résoudre ces questions. Il ne s’agit pas d’un problème de niveau de compétence : la difficulté tient à un objet que la pratique n’a pas encore permis de bien cerner.

Ce texte fait en quelque sorte l’aveu d’une certaine ignorance, puisqu’il vise le livre numérique homothétique, soit l’équivalent du livre papier sous un autre format. Or l’intérêt même du livre digital réside dans l’ajout de fonctionnalités propres au numérique.

Les spécificités de la création et de l’exploitation numériques sont par ailleurs ignorées. Comment envisager au sein de ce texte la création libre reposant sur une éventuelle commercialisation dont le prix et la diffusion ne sont pas limités quantitativement et peuvent être effectués par tout acquéreur ? En ce sens, la création ne peut s’accommoder d’un prix unique du livre numérique.

Le prix unique du livre numérique ne peut également s’appliquer qu’à des objets identiques. L’article 2 mentionne que ce prix « peut différer en fonction du contenu de l’offre, des ses modalités d’accès ou d’usage ». Or on peut raisonnablement imaginer que le livre numérique, pour un même contenu textuel, peut trouver une grande diversité d’applications, ce qui impliquera une multitude de prix et un dédale de tarifs dans lequel le lecteur risque fort de se perdre, ces différences étant difficiles à saisir.

L’absence de délai de ce prix unique est également étonnante. Il n’est pas fixé de période au-delà de laquelle un autre prix peut être fixé, comme c’est le cas dans la loi de 1981 pour le livre papier. Est-ce à dire qu’il est souhaitable de créer un prix perpétuel pour le livre numérique ? En effet, rien n’est prévu pour qu’existe une sorte de marché de « seconde main » du livre numérique, comme pour le livre papier qui peut être acheté d’occasion et moins cher.

Enfin, malgré ses bonnes intentions, la loi se fait rattraper et c’est, alors que cela ne devrait jamais être le cas, la concurrence qui définit le droit.

Le prix du livre numérique ne s’applique ainsi qu’aux seules personnes établies en France, ce qui limite son application, d’autant que, pour le numérique, les frontières physiques ont peu d’importance. Plus précisément, les frontières comptent plus en termes de fiscalité qu’en termes de rayonnement. Les grandes entreprises du numérique l’ont compris. Google a ainsi établi son siège social en Irlande. Hier, le journal les Échos révélait que Google ne payait que 2,6 % de taxes en Europe.

J’ai attiré à plusieurs reprises l’attention sur les velléités d’appropriation commerciale – que je qualifie de scélérate – de ce monopole sur le livre numérique, d’abord le 19 novembre 2009 à l’occasion d’une question orale avec débat sur la numérisation des bibliothèques, puis le 7 février 2010 dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, en proposant une « taxe Google », dont la majorité reconnaissait la nécessité pour mieux la refuser.

L’un des paradoxes de ce texte réside dans le fait qu’il échappe à son objet même, pourtant louable et souhaitable.

Cette proposition de loi, si elle vise à limiter l’impact des grands commerçants s’emparant du marché du livre numérique afin qu’ils ne puissent pas réduire l’offre culturelle à la vente exclusive de best-sellers rentables, ne touchera cependant aucun des quatre géants qui s’emparent de ce marché naissant : Amazon, Google, Apple et Microsoft. En effet, aucun d’eux n’est établi en France et, quand bien même ce serait le cas, rien ne les empêcherait de se délocaliser pour échapper à cette contrainte.

La raison de cette réglementation partielle trouve son fondement dans le droit communautaire, notamment dans la directive Services et dans la directive de 2000 sur le commerce électronique. La législation européenne semble avoir, en tout lieu et pour toute chose, cédé aux lois du marché. Elle semble même avoir été créée pour mieux le faire fonctionner.

Tels sont les sujets qui suscitent nos interrogations, bien que nous préférions les imperfections liées à la volonté de proposer une réglementation au démantèlement de ce bien culturel d’exception qu’est le livre par le marché tout puissant.

C’est pourquoi nous voterons cette proposition de loi en continuant à penser qu’elle est non pas prématurée, comme le fait croire l’Autorité de la concurrence dont la finalité n’est ni plus ni moins que de favoriser les puissances du marché, mais malheureusement très limitée par ces lois de la concurrence.

J’en appelle à une réflexion européenne sur ce prix unique du livre numérique. Je plaide aussi pour un taux de TVA réduit de ce dernier, à l’instar du livre papier, tant ce qui importe réside non pas dans le support, mais dans la création, l’œuvre de l’esprit, quelle que soit sa forme, ce dont ne se soucient guère les géants commerciaux du web. Ces derniers n’ont qu’un rapport marchand au livre, ne les considérant, selon les termes du directeur de la bibliothèque de Harvard, grand et fin connaisseur de notre xviiie siècle, M. Darnton, que comme « un gisement de contenus à exploiter à ciel ouvert ». Pour nous, c’est un lieu de savoir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est désormais un lieu commun : l’évolution technologique que nous connaissons depuis une quinzaine d’années, avec le développement des applications du numérique et du web, constitue une véritable lame de fond qui bouleverse notre société.

Chaque jour amène son lot de nouvelles découvertes, de nouvelles applications, de nouvelles guerres concurrentielles entre les acteurs industriels et, cela n’échappe à aucun de nos concitoyens, une modification, progressive mais profonde, de nos comportements quotidiens.

Ce qui nous frappe, c’est l’accélération et l’ampleur de ces phénomènes. Nous nous interrogeons sur notre capacité à les accompagner, à les épouser dans le respect de notre nature humaine, de notre métabolisme, de notre culture et de nos libertés bien comprises.

Google n’a que douze ans et, déjà, les adolescents d’aujourd’hui ont du mal à imaginer que nous ayons pu nous en passer !

Facebook n’a que six ans, et ce sont plusieurs milliards d’échanges quotidiens qui traversent son réseau, rompant ainsi brutalement avec notre conception verticale et descendante des messages collectifs.

Youtube célèbre cette année son cinquième anniversaire et annonce que 2 milliards de vidéos sont consultés sur son site et que, chaque minute, son stock de vidéos s’enrichit de vingt-quatre heures d’images animées.

Devant cette accélération, l’esprit scientifique s’émerveille de la fuite en avant des innovations technologiques et techniques que nous proposent les acteurs sur les marchés, dans une compétition sans merci.

Le sociologue, quant à lui, s’interroge, à juste titre, devant la mutation des esprits, des comportements, des liens et des équilibres sociaux. Il alerte parfois sur les dérives possibles, mais il souligne aussi les heureuses perspectives potentielles sociales, culturelles et démocratiques qui s’offrent à nous pour la société de demain.

Si la génération que nous représentons ici – en moyenne, bien sûr ! – s’interroge sur les menaces qui pèsent sur nos habitudes ancestrales ou sur les modèles économiques que nous pratiquons depuis toujours, voire s’en inquiète, notre jeunesse semble moins réticente à plonger sans retenue dans cette lame de fond pleine de risques et d’inconnues qui, quant à nous, semble nous submerger.

S’il est clair que notre société connaît de profondes mutations, que le scientifique s’émerveille, que le sociologue s’interroge et commente, le législateur a le devoir de s’emparer du sujet, avec le souci de mettre en place les barrières face aux dérives possibles, en matière tant de morale que d’équité économique et sociale.

Nous devons le faire en suivant la voie du juste milieu, animés, d’une part, du souci de ne pas brider l’innovation porteuse de progrès et, d’autre part, de la volonté d’empêcher que ne s’installent dans nos mœurs, au cœur de la tourmente, des comportements condamnables sur le plan des valeurs fortement ancrées dans notre patrimoine républicain.

C’est ce que nous avons déjà fait récemment en adoptant différents textes, tels que la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet ou la loi relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques.

C’est ce que nous allons de nouveau faire aujourd’hui en traitant de l’adaptation de l’un des véhicules culturels les plus anciens, les plus traditionnels, les plus familiers, sans doute le plus riche que nous connaissons depuis des générations : le livre.

La réflexion sur ce sujet est engagée depuis des mois. Les nombreux rapports, qui ont déjà été cités par les orateurs précédents, ont jeté les bases du texte d’aujourd’hui.

Certes, le livre numérique ne représente en France que 0,1 % du marché global du livre en 2008 et de l’ordre de 1 % à 2 % du chiffre d’affaires des éditeurs en 2010. Si 600 000 titres sont proposés en format papier, seuls 70 000 le sont en support numérique.

Au-delà de ces chiffres, caractéristiques d’un marché naissant, la croissance de ce secteur économique pourrait bien se révéler très rapide, peut-être même exponentielle, sans doute explosive, dès lors qu’une offre légale structurée et qu’une tablette numérique adaptée et acceptée seront disponibles sur notre marché national et européen.

C’est en tout cas ce que l’on peut légitimement penser au vu de l’évolution rapide du marché américain. Au mois de juin 2010, Amazon a vendu près de deux fois plus de livres numériques que de livres imprimés. Depuis deux ans, son lecteur numérique, Kindle, est l’article le plus vendu du groupe. Toujours au mois de juin dernier, nous pouvions trouver sur la boutique 630 000 livres numérisés, dont 80 % vendus à moins de dix dollars l’unité.

À mon sens, cette évolution atteindra très vite l’Europe. La proposition de loi présentée par Jacques Legendre et Catherine Dumas nous y prépare. Elle intervient à temps et nous permettra d’éviter ce que nous avons connu par le passé en matière de contenus culturels ; je pense particulièrement à la musique et à la vidéo.

Madame le rapporteur, vous avez excellemment rappelé tous les objectifs visés par le texte et les moyens que celui-ci se donne. Faute de temps, je n’entrerai pas dans le détail.

Une fois la proposition de loi adoptée, il conviendra d’en observer l’application. Tel sera l’objet du rapport annuel prévu à l'article 7.

D’ores et déjà, j’attire l’attention sur deux sujets « suspendus » aux règles communautaires applicables en matière de livre numérique.

Le premier, évoqué à de nombreuses reprises, concerne le taux de TVA applicable : il est de 19,6 % pour le livre numérique, alors que le livre papier se trouve, lui, assujetti au taux réduit de 5,5 %. La commission de la culture s’est déclarée favorable à une harmonisation au profit du taux réduit. Si je comprends très bien qu’une telle mesure doive être traitée dans le cadre du projet de la loi de finances, il faudra cependant évaluer au préalable tous ses effets.

Le second sujet, qui est à mon avis encore plus important sur le plan des principes, concerne le champ d’application territorial du texte.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Leleux. Vous l’avez rappelé, madame le rapporteur, la commission s’est longuement interrogée sur les règles communautaires applicables en matière de livre numérique, lesquelles conditionnent le périmètre de cette loi. Faut-il retenir le principe d’établissement en France des acteurs, comme le prévoit le texte, ou est-il envisageable de viser l’ensemble des éditeurs et détaillants exerçant leur activité sur le territoire national ?

J’ai bien compris que la proposition de loi s’inscrivait dans le cadre du droit communautaire aujourd’hui appliqué. Le texte que nous adopterons devra bien sûr être soumis à l’avis de la Commission européenne. Devant le risque d’une interprétation défavorable de celle-ci au regard des directives concernées, nous avons fait le choix de la sécurité juridique.

Je regrette néanmoins que l’on ne saisisse pas l’opportunité d’un tel texte pour tenter une percée juridique que les directives communautaires semblent pourtant permettre avec la clause de diversité culturelle et linguistique.

En effet, monsieur le ministre, la France s’est battue pour que le droit communautaire prévoie certaines dérogations nécessaires en vue d’atteindre l’objectif de promotion de la diversité culturelle et linguistique. Elle y est arrivée, non sans peine. De même, elle a défendu avec acharnement, et Jacques Legendre y a contribué, la convention de l’UNESCO sur ce sujet.

Le secteur du livre, déjà régulé par la loi de 1981, me paraît entrer dans ce cas de figure et permettre l’application de telles clauses. Nous serions ainsi enfin en mesure de savoir dans quelles conditions et circonstances ces dernières peuvent s’appliquer, ce qui pourrait aussi être utile pour d’autres filières culturelles.

En outre, la proposition de loi ne présente pas un caractère d’urgence tel que nous ne puissions saisir les institutions européennes et prendre éventuellement quelques semaines ou mois supplémentaires avant son adoption définitive.

En ce qui me concerne, je pense que l’enjeu le mérite. D’ailleurs, un certain nombre d’acteurs français de la filière demandent que la proposition de loi soit également appliquée à leurs concurrents étrangers.

Certes, le contrat de mandat ou d’agence, qui continuera à régir les relations entre éditeurs et opérateurs hors de nos frontières, permet lui aussi aux éditeurs de fixer le prix du livre. Mais ces derniers pourront-ils toujours garantir l’harmonisation de leur politique tarifaire en France et à l’étranger ?

Enfin, il me semble plus facile de légiférer en amont sur ces sujets que d’y revenir quand le marché sera mature ou qu’une évolution des forces en présence nous fera, le cas échéant, regretter notre timidité actuelle.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les amendements que je présenterai, à titre personnel, lors de la discussion des articles ont vocation à ouvrir ce débat essentiel pour l’avenir du marché du livre numérique. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, près de trente ans après son adoption, la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre reste pertinente, y compris à l’ère d’internet. C’est l’une des conclusions fortes du rapport rendu le 10 mars 2009 par le groupe de travail présidé par notre collègue député, M. Hervé Gaymard, dans le cadre du Conseil du livre, groupe de travail au sein duquel, avec notre rapporteur, Mme Colette Mélot, j’ai eu l’honneur de représenter notre assemblée.

Selon les termes de ce rapport, la loi Lang est une « loi de développement, à la fois durable, culturelle, économique et territoriale, dont le bilan est positif ».

Grâce à cette loi, formidable outil de régulation publique du secteur et instrument majeur de la politique du livre, la France jouit désormais d’un réseau de diffusion et de distribution des livres diversifié sur l’ensemble du territoire.

Cette diversité des diffuseurs du livre, cet écosystème vertueux pour la multiplicité de l’offre, nous le devons à la volonté politique culturelle dont le prix unique du livre est l’un des éléments de la richesse littéraire.

La détermination par l’éditeur d’un prix fixe pour une œuvre donnée a été bénéfique non seulement pour le secteur de la diffusion, mais également pour celui de l’édition. C’est là un point essentiel pour le sujet qui nous réunit aujourd’hui.

Comment, dans ces conditions, s’assurer que la liberté et l’indépendance de tous ceux qui concourent à la création et à la diffusion de l’œuvre littéraire seront préservées dans l’environnement numérique ?

Souvenons-nous que le droit d’auteur, dans l’univers patrimonial comme dans l’univers numérique, est le garant de la liberté de création et de l’indépendance matérielle et financière des auteurs.

Souvenons-nous également que le disque, à la fin des années quatre-vingt-dix, a vécu, avec l’apparition des fichiers MP3, une véritable explosion numérique, qui, en l’absence d’une réponse rapide et adaptée en termes d’offre légale riche et diversifiée, a eu des conséquences économiques désastreuses pour le secteur. Le piratage des œuvres phonographiques s’est banalisé, une culture du « prétendument gratuit » s’est installée et les ventes se sont effondrées de plus de 50 % en cinq ans, en valeur et en volume.

Après que l’offre illégale de musique a été considérée comme un produit d’appel pour certains fournisseurs d’accès à internet, l’offre légale s’est ensuite vu captée par une alliance économique et financière entre les quatre majors du disque et le fabricant américain Apple via son site iTunes Store. Aujourd’hui, la firme à la pomme absorbe une large part du marché de la musique en ligne : 70 % aux États-Unis, 60 % au Japon et 40 % en France.

Le risque de concentration du secteur du livre numérique est donc réel et la régulation de son système de diffusion doit être encadrée par les pouvoirs publics.

L’exemple de la numérisation du patrimoine littéraire par le géant californien Google est particulièrement révélateur des dangers que recèle, pour notre mémoire et notre diversité littéraire, la prise de contrôle du secteur du livre numérique par quelques grands groupes privés.

Sur l’initiative de notre collègue M. Jack Ralite, nous avons eu l’occasion de dénoncer dans cet hémicycle les méthodes et les exclusivités utilisées par le plus grand moteur de recherche au monde pour numériser des œuvres, y compris sous droits.

S’agissant du marché du livre numérique, il est encore embryonnaire, cela a été dit à plusieurs reprises. Le livre numérique existe, certes, depuis plus de dix ans, mais le marché ne commence à se développer que depuis trois ans, pour ne représenter aujourd’hui que moins de 1 % du marché du livre en France.

Pendant plusieurs années, considérant comme inacceptables les conditions tarifaires qui leur étaient imposées, les éditeurs français ont pratiqué une résistance combative dans l’ouverture de leurs catalogues aux grandes multinationales de la diffusion du livre numérique. Ce front commun a permis aux éditeurs de généraliser peu à peu la pratique du contrat de mandat, contrat qui leur permet d’imposer aux distributeurs le prix de vente du livre numérique.

Le retard maîtrisé du marché du livre digital ne doit cependant pas faire perdre de vue que le basculement, quand il a lieu, est extrêmement brutal dans l’environnement numérique.

Or tout porte à croire que le marché du livre numérique est en passe de se développer. L’acteur dominant, Amazon, n’est plus seul sur le marché. Des concurrents sont apparus, développant chacun leur offre ; c’est le cas d’Apple et de Sony, et, prochainement, de Google.

La plupart des grandes maisons d’édition françaises s’organisent et développent chacune à leur tour une offre de livres numériques sous droits. Or, comme l’a parfaitement indiqué Mme le rapporteur, la pratique du contrat de mandat n’est pas satisfaisante en ce qu’elle retire au distributeur ou au libraire en ligne toute latitude sur le choix et la présentation des produits.

La présente proposition de loi, qui met en place, comme dans l’univers physique, un système de prix fixe déterminé par l’éditeur pour chaque livre numérique homothétique, était donc très attendue par l’ensemble des professionnels du livre.

Cependant, la numérisation des livres aura sans doute des effets sur les intermédiaires de la chaîne du livre, notamment sur les imprimeurs et les libraires. À l’instar des projectionnistes des salles de cinéma, eux aussi confrontés à une évolution de leur métier du fait de l’avènement du cinéma numérique, il y a fort à croire que les métiers de l’imprimerie et de la librairie devront évoluer avec le développement du livre digital.

Au final, en donnant aux éditeurs le pouvoir de maîtriser le prix de vente des livres numériques homothétiques, la proposition de loi s’inscrit parfaitement dans le prolongement des recommandations formulées dans le cadre des conclusions des rapports de M. Patino, de M. Gaymard, de Mme Albanel ou encore du rapport de la mission « Création et internet », remis par MM. Zelnick, Toubon et Cerruti.

Cette proposition de loi intervient-elle à temps ? Le marché du livre numérique va se développer considérablement, c’est une quasi-certitude. La multiplication des tablettes de lecture en est le marqueur le plus sensible.

Pour autant, une loi, aussi bonne soit-elle, ne peut pas tout. Elle devra être accompagnée par des pratiques professionnelles respectueuses de la chaîne de valeur du livre.

Les grands distributeurs anglo-saxons ont voulu empêcher les libraires de garder sur le marché numérique la place qu’ils ont sur le marché physique. C’est la raison pour laquelle trente-cinq librairies, sous l’égide du Syndicat de la librairie française, ont d’ores et déjà investi pour financer le développement d’une plateforme de vente commune. Il s’agit là d’une formidable initiative pour inciter les lecteurs à acheter des livres numériques sur le site de leur libraire plutôt que chez un distributeur anglo-saxon.

De la même manière, les éditeurs devront continuer à respecter la chaîne du livre et ne pas décider brutalement de se passer des libraires pour vendre directement aux lecteurs leurs ouvrages numériques, faute de quoi il s’ensuivrait une dangereuse intégration verticale accompagnée d’une désintermédiation tout à fait préjudiciable à l’ensemble de la chaîne du livre.

Il conviendra également de normaliser les spécificités techniques des fichiers numériques. Il y a là un impératif d’interopérabilité tout à fait essentiel pour lutter contre le piratage des livres numériques.

Enfin, pour assurer son développement et éviter le piratage, les éditeurs reconnaissent tous que le prix du livre numérique devra être moins élevé que celui du livre physique. Pour cela, l’uniformisation des taux de TVA applicables est nécessaire.

En l’absence d’harmonisation communautaire sur cette question fiscale, il incombe à la France de prendre position et de jouer un rôle moteur au sein de l’Union européenne. Le marché du livre numérique est, certes, balbutiant, mais il est en pleine croissance. Or un modèle économique fondé pour le livre numérique à la fois sur un taux de TVA à 19,6 % et sur un prix inférieur de 20 % à celui du livre papier représente, au final, une diminution effective du chiffre d’affaires de 29 %.

Les éditeurs sont donc légitimement en droit d’obtenir une harmonisation à 5,5 % du taux de TVA pour le livre physique et numérique ; nous proposerons d’ailleurs un amendement en ce sens. Il s’agit, dans le prolongement des préconisations du rapport de MM. Zelnick, Toubon et Cerutti, d’envoyer un signal politique fort et immédiat à l’Union européenne, au sein de laquelle la France doit remettre en cause l’assimilation du livre numérique aux « services en ligne », notamment d’un point de vue fiscal.

On imagine mal les pays francophones de l’Union européenne contraints de pratiquer une politique fiscale distincte à l’égard du livre numérique. Il y aurait là une forme de concurrence déloyale intracommunautaire, tout à fait préjudiciable à la chaîne de valeur du livre et à la diversité culturelle.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Serge Lagauche. Monsieur le ministre, mes chers collègues, dans une lettre adressée à Léon Daudet le 26 avril 1931, le poète Antonin Artaud écrivait : « L’esprit a tendance à se délivrer du palpable pour arriver à ses fins. » Laissons donc à l’écrit la possibilité de se délivrer du papier, mais faisons-le dans le respect de la tradition de notre droit d’auteur, qui est le garant de la liberté de créer et de l’expression de la diversité culturelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi qu’au banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a les qualités d’un texte fondateur. La première, c’est la brièveté : huit articles. De cette brièveté découle la seconde : la clarté. Dans le magma des discussions sur le livre papier et le livre numérique, elle se présente avec la simplicité lumineuse d’une éclaircie en forêt. (Exclamations admiratives sur un grand nombre de travées.) Elle répond, en peu de mots, à trois questions fondamentales.

Premièrement, le livre numérique est-il un livre, ou plutôt qu’est-ce qui mérite le nom de livre dans le foisonnement du numérique ? La réponse se trouve à l’article 1er.

Deuxièmement, qui est le maître de ce livre numérique ? Qui a le pouvoir d’en fixer le prix ? Je vous renvoie à l’article 2 : la fonction de l’éditeur est au centre de cette construction, comme le libraire est au centre de la loi Lang.

Troisièmement, comment stabiliser les relations commerciales entre l’éditeur et toute la chaîne des détaillants potentiels ? Une telle interrogation nourrira bien entendu les débats futurs. À juste titre, cette tâche complexe est renvoyée aux décrets à venir, qui devront sans doute faire l’objet d’une convention entre les professionnels concernés et l’État.

Depuis l’apparition du numérique au-dessus de nos têtes et dans les cieux intellectuels, avec l’accumulation des rapports – de celui de M. Patino jusqu’à celui de la commission des finances du Sénat – nous n’étions pas totalement à l’aise face à ces questions lancinantes : le livre numérique est-il bien un livre ? Peut-il être considéré comme la troisième étape de cette voie royale qui va du volumen antique au codex du manuscrit et de l’imprimerie ? Peut-il être le digne réceptacle électronique de la création littéraire, juridique et scientifique ? Oui, bien entendu, mais nous n’en étions pas tout à fait sûrs.

L’article 1er de la proposition de loi de Mme Catherine Dumas et de M. Jacques Legendre a pour objectif affirmé de définir le périmètre du livre numérique, puisqu’il est bien évident que dans le numérique, je le répète, tout n’est pas livre.

La réponse de la commission de la culture est ferme ; elle tient en deux idées : existence d’un contenu intellectuel et principe de réversibilité. Il revient désormais au pouvoir réglementaire de travailler à partir de cette intuition fondamentale.

La créativité est la même dans l’article 2, qui définit l’éditeur d’un tel livre comme toute personne fixant un prix de vente au public.

Le plus dur étant fait, il ne reste plus, aux articles 4 et 5, qu’à s’appuyer sur les principes du droit commercial ordinaire – conditions de vente, qualité des services – pour faire entrer le livre numérique dans la vie courante.

Il me semble cependant que la présente proposition de loi doit être considérée non pas comme un aboutissement mais comme un premier pas.

En effet, selon les règles du droit communautaire de la concurrence, elle ne pourra s’appliquer qu’aux livres vendus par des libraires électroniques implantés en France. Amazon, société implantée au Luxembourg, échappera donc au champ d’application de ce texte. Pour qu’un éditeur français obtienne de cette société qu’elle vende ses livres au prix souhaité, il faut qu’il conclue avec elle un « contrat de mandat », comme l’Autorité de la concurrence et notre collègue Colette Mélot le soulignent.

Cependant, la signature d’un tel contrat suppose que les rapports de forces soient favorables aux éditeurs français, ce qui ne va pas de soi. Il me semble donc essentiel que les éditeurs ou les pouvoirs publics – M. le ministre vient de nous annoncer qu’il allait se pencher sur la question – parviennent à mettre rapidement en place un portail permettant à l’acheteur de livres numériques d’accéder simultanément à l’ensemble de l’offre.

À défaut, les acheteurs de livres numériques n’auraient d’autre choix que de passer par un « grand » acteur tel qu’Amazon, lequel, en situation de quasi-monopole, pourrait imposer ses conditions aux éditeurs sans que la présente proposition de loi trouve à s’appliquer, ce qui serait tout à fait regrettable. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative au prix du livre numérique
Article 2

Article 1er

La présente loi s’applique au livre numérique consistant en une œuvre de l’esprit créée par un ou plusieurs auteurs, commercialisé sous sa forme numérique et étant publié sous forme imprimée ou étant, par son contenu et sa composition – nonobstant des éléments accessoires propres à l’édition numérique –, susceptible de l’être.

Un décret précise les caractéristiques des livres entrant dans le champ d’application de la présente loi.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

La présente loi s'applique au livre numérique lorsqu'il est une œuvre de l'esprit créée par un ou plusieurs auteurs et qu'il est à la fois commercialisé sous sa forme numérique et publié sous forme imprimée ou qu'il est, par son contenu et sa composition, susceptible de l'être, nonobstant les éléments accessoires propres à l'édition numérique.

La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Dans sa rédaction actuelle, l’article 1er de la proposition de loi définit le livre numérique de manière générale.

Or la régulation du prix du livre numérique ne doit porter que sur un segment bien délimité de ce produit culturel, le livre dit « homothétique ».

C’est le sens de l’avis rendu en janvier 2010 par l’Autorité de la concurrence ; c’est également la préconisation du rapport de la mission « Création et internet ».

Il convient donc de préciser, dès le premier article du texte, que cette loi ne s’applique au livre numérique que dans le cas où celui-ci est homothétique ; d’où la proposition du Gouvernement d’en modifier la rédaction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Mélot, rapporteur. La rédaction actuelle de l’article 1er définit le livre numérique dit « homothétique » pour fixer le champ d’application de la proposition de loi. La rédaction qui est proposée par le Gouvernement précise ce champ d’application sans donner de définition du livre numérique – c’est en tout cas ce qu’il a semblé aux membres de la commission – afin que cette dernière ne soit pas limitée au périmètre de la loi.

La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Nous souhaitions obtenir des explications complémentaires et vous les avez fournies, monsieur le ministre.

Il est vrai que la rédaction du Gouvernement n’est pas très éloignée de celle de la commission.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Il me semble qu’il y a ici matière à débat, au-delà de l’explication de vote.

La commission s’en remet à la sagesse du Sénat surtout parce que ses membres ne comprennent pas tout à fait l’intention du Gouvernement, et ils souhaiteraient très sincèrement la comprendre. J’aimerais donc que vous me répondiez lorsque j’aurai formulé ma question, monsieur le ministre.

J’ai bien compris que la volonté du Gouvernement est d’énoncer clairement que la présente proposition de loi ne doit concerner que le livre homothétique dans un premier temps.

Dans le texte de la commission, la définition est plus large et ouvre au-delà du livre homothétique puisqu’elle comprendrait également les produits adaptés au numérique qui peut-être intégreront, à la marge, un contenu multimédia, par exemple. Le Gouvernement ne souhaite apparemment pas envisager cette possibilité. Je peux le comprendre, puisque c’est la volonté des éditeurs.

Cependant, j’ai souligné dans mon intervention il y a quelques instants que, si la proposition de loi vise à réguler le marché du livre numérique dans un premier temps, elle peut aussi permettre de donner un cadre légal à l’offre qui se développera massivement.

En effet, puisque le support numérique offre des possibilités que le support papier ne permet pas, l’offre numérique va forcément très vite s’accompagner de « bonus » attractifs qui justifieront la place propre du numérique par rapport au livre papier.

Si ce type d’offres n’est pas encadré, le marché correspondant pourra se développer de façon complètement sauvage. Ceux qui ne seront pas sur le territoire national et qui auront les moyens d’investir lourdement pour échapper à la présente loi viendront capter une grande partie du marché dans un laps de temps réduit.

La rédaction de la commission me semblait satisfaisante de ce point de vue, car, en élargissant quelque peu la définition du livre numérique, elle donnait la possibilité aux éditeurs pour le cas des livres principalement homothétiques de garder la maîtrise du prix du livre.

A contrario, dans la rédaction proposée par le Gouvernement, une telle maîtrise ne serait conservée que pour le livre strictement homothétique, ce qui reviendrait à fermer les yeux sur la réalité à laquelle nous devrons faire face demain.

À l’avenir, les livres numériques ne seront pas homothétiques et ce sera un argument de vente important. Nous ne savons pas encore comment le client réagira à ce type d’offre. D’ailleurs, dans d’autres pays, au Canada, par exemple, les éditeurs proposent d’ores et déjà des offres multimédias pour justifier l’offre numérique par rapport à l’offre papier. En France, nous n’avons pas encore de cadre légal pour ce type d’offre.

Je souhaitais donc interroger M. le ministre sur ce point pour obtenir des éclaircissements.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur Assouline, le livre homothétique est un sous-ensemble du livre numérique.

Vous avez tout à fait raison lorsque vous évoquez le risque que, très vite – en temps que lecteur, je trouve ce « risque » plutôt intéressant – on nous propose un produit qui, outre le roman d’un auteur contemporain, comprendra un extrait de l’émission de Pivot enregistrée en 1958 (Sourires), un entretien avec un grand critique qui se sera exprimé sur le livre, et des extraits d’une adaptation pour la télévision et le cinéma. Très vite, nous aurons sur le marché ce type de produits.

C’est pourquoi il est nécessaire de bien préciser le cadre dans lequel s’applique la proposition de loi et de dire qu’il s’agit du livre homothétique, qui est un sous-ensemble du livre numérique.

Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison de dire que le marché s’étendra certainement, car nous sommes dans un domaine en pleine évolution. Néanmoins, je pense que nous avons raison de vouloir préciser d’une manière plus claire encore que le texte concernera uniquement, pour le moment, le livre homothétique.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Compte tenu de ces explications, il me semble que nous comprenons désormais mieux l’amendement du Gouvernement.

La seule question que nous souhaiterions poser à M. le ministre – elle a fait l’objet d’un débat en commission cet après-midi – concerne la réécriture de la première ligne de cet alinéa, qui prévoit que la loi s’applique au livre numérique « lorsqu’il est une œuvre de l’esprit ». Or, au sein de la commission, il nous semblait que, de toute façon, un livre était une œuvre de l’esprit. Une telle réécriture nous paraissait donc superflue.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. Ivan Renar. Sagesse positive ! (Sourires.)

M. Frédéric Mitterrand, ministre. La sagesse peut-elle être négative ?

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative au prix du livre numérique
Article 3

Article 2

Toute personne établie en France qui édite un livre numérique dans le but de sa diffusion commerciale est tenue de fixer un prix de vente au public pour tout type d’offre à l’unité ou groupée. Ce prix est porté à la connaissance du public.

Ce prix peut différer en fonction du contenu de l’offre, de ses modalités d’accès ou d’usage.

Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas aux licences d’accès aux bases de données ou aux offres associant des livres numériques à des contenus d’une autre nature ou à des services et proposées à des fins d’usage collectif ou professionnel.

Un décret fixe les conditions et modalités d’application du présent article.

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Leleux, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

I. - Supprimer les mots :

établie en France

II. - Après les mots :

diffusion commerciale

insérer les mots :

en France

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, que j’invite à la concision, étant rappelé que nous devons avoir achevé nos travaux à une heure.

M. Jean-Pierre Leleux. Cet amendement est important, monsieur le président, car il vise à étendre le champ d'application de la proposition de loi aux éditeurs établis hors de France mais exerçant leur activité d'édition de livres numériques en vue de leur commercialisation sur le territoire national.

Il se fonde sur l'objectif de promotion de la diversité culturelle et linguistique prévu par le droit communautaire. J’évoquerai les deux directives concernées : la directive sur le commerce électronique et la directive « Services ».

Aux termes de la première : « La présente directive ne porte pas atteinte aux mesures prises au niveau communautaire ou au niveau national, dans le respect du droit communautaire, pour promouvoir la diversité culturelle et linguistique et assurer la défense du pluralisme. »

La seconde directive énonce le même objectif dans des termes quasi identiques.

Ces deux directives doivent se lire en combinaison avec l'article 167 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux termes duquel : « L'Union contribue à l'épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l'héritage culturel commun. L'action de l'Union vise à encourager la coopération entre États membres et, si nécessaire, à appuyer et compléter leur action dans les domaines suivants : […] la création artistique et littéraire, y compris dans le secteur de l'audiovisuel. […] L'Union tient compte des aspects culturels dans son action au titre d'autres dispositions des traités, afin notamment de respecter et de promouvoir la diversité de ses cultures. »

Au nom des différents principes évoqués dans les textes que je viens de citer, nous pouvons demander la suppression des mots : « établie en France » et insérer, après les mots « diffusion commerciale », les mots : « en France ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Mélot, rapporteur. Je comprends la démarche de notre collègue Jean-Pierre Leleux, puisque je m’étais moi-même posé la question de l’application des textes communautaires avant d’opter pour la stricte sécurité juridique.

Mon cher collègue, les trois amendements que vous proposez sur cette proposition de loi, qui concernent l’extension du champ d’application de la loi à l’ensemble des acteurs français et étrangers, ont le mérite de nous permettre de débattre de ce sujet, y compris avec les institutions européennes.

Ils impliquent que le Gouvernement sollicite la Commission européenne afin que celle-ci précise son interprétation de la clause de diversité culturelle qui figure dans les directives européennes concernées.

La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement est extrêmement sensible aux arguments qui ont été mis en avant par M. Leleux, et je vous le dis en toute sincérité. Je partage tout à fait l’esprit qui anime ses propositions et je mesure leur très fort enjeu politique, que reflètent les discussions importantes qui ont eu lieu. Malgré les incertitudes juridiques qui peuvent peser sur l’avenir du présent amendement, je considère qu’il constitue un signe politique fort adressé aux autorités européennes.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

Mme Colette Mélot, rapporteur. Merci, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. Comme l’a exposé Jack Ralite dans la discussion générale, une des limites fondamentales de ce texte réside dans le fait qu’il exclut les opérateurs établis hors de France.

Sous prétexte de conformité à la réglementation européenne, cette proposition de loi se limite donc elle-même. Elle se donne un objectif de régulation des pratiques des grands commerçants du web, en permettant à l’éditeur de fixer un prix du livre numérique. Mais, en même temps, dès lors qu’elle s’applique aux seuls opérateurs dont le siège social se situe sur le territoire national, elle manque son objet même.

De ce fait, elle ne touche pas plus Google, Microsoft qu’Apple ou Amazon, qui se livrent pourtant une guerre commerciale dont la visée est bel et bien de s’emparer du marché du livre numérique et de s’accaparer les profits que celui-ci ne manquera pas de dégager, au mépris de la diversité et de la qualité de l’offre numérique, que nous défendons.

C’est pourquoi nous proposons d’adopter cet amendement qui, en lieu et place d’une loi restreinte aux seuls opérateurs établis en France, élargit son champ d’application de manière pertinente en visant tous les éditeurs, même ceux qui sont établis hors de France, du moment qu’ils commercialisent des livres numériques sur le territoire français.

L’amendement de M. Leleux se réfère, à juste titre, à une disposition européenne spécifique de la directive sur le commerce électronique : la possibilité de dérogation pour « promouvoir la diversité culturelle et linguistique et assurer la défense du pluralisme ».

Nous considérons que le législateur ne doit pas s’autocensurer en présupposant un rejet européen et la non-conformité à des directives, dont l’interprétation, on le voit ici, n’est pas si claire que l’on voudrait nous le faire croire.

Dans le doute, nous préconisons la protection maximale, et non le minimalisme précautionneux de la loi, qui doit toujours viser l’intérêt général.

Je suis heureux que Mme Mélot ait émis un avis favorable, et M. le ministre un avis de sagesse.

Interprétant cette sagesse dans un sens favorable, nous voterons cet amendement, ainsi que tous les amendements qui, déposés sur d’autres articles, ont le même objet.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Je souhaite ajouter quelques mots, en ma double qualité de coauteur de cette proposition de loi et de président de la commission de la culture.

Il est vrai que, dans un premier mouvement, nous avons opté pour une rédaction prudente. Mais il est bon, de temps à autre, de faire préciser par la Commission européenne son interprétation de la clause de la diversité culturelle.

Comme l’a rappelé M. Leleux, je me suis battu, avec l’Assemblée parlementaire de la francophonie, pour soutenir, devant l’Assemblée générale de l’UNESCO, l’adoption de la convention sur la diversité culturelle. Il m’importe désormais que cette convention, adoptée à la quasi-unanimité, trouve sa traduction dans notre législation nationale et dans la législation européenne.

Je souhaite donc que nous adoptions cet amendement et que nous puissions vérifier, sur ce point, que la Commission européenne fait bien de cette clause de la diversité culturelle l’interprétation positive que la totalité des États, ou presque, ont souhaitée.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je le dis brièvement et sans ambiguïté : si M. Leleux n’avait pas pris l’initiative de déposer cet amendement, nous l’aurions fait, car il concerne un problème essentiel.

Sans vouloir polémiquer, j’ajoute que nous devrions adopter plus souvent ce type de position, et ne pas rendre les armes avant même d’avoir engagé le combat et poser le problème. C’est en procédant ainsi que l’on pourra faire bouger les lignes et obliger la Commission européenne à conduire une réflexion visant à traduire en droit communautaire des interprétations, chartes et autres textes, sur lesquels les pays européens, en particulier la France, ont tendance à s’autocensurer.

Je me félicite de notre unanimité sur ce sujet, et de l’audace dont a fait preuve le ministre, en émettant un avis de sagesse : ce n’est pas une position facile ! En effet, on sait comment passent les directives, la plupart du temps sans discussion, ce qui nous contraint à chaque fois à baisser pavillon.

Le numérique est un sujet vraiment important, et même essentiel.

On sait qu’il n’y a pas de frontières avec le numérique ! Cela permet à ceux qui s’installent hors de France, que ce soit aux frontières du pays ou à l’autre bout du monde – la notion de distance n’a aucun sens avec le numérique –, de détruire complètement le cadre juridique visant à protéger la diversité culturelle et à instaurer une régulation, et ce au détriment de ceux qui, demeurant sur le territoire national, vont s’y conformer. Les uns seront enfermés dans un véritable carcan législatif, tandis que les autres jouiront d’une liberté absolue !

Je sais que la solution n’est pas aisée à trouver : il ne s’agit pas d’un simple problème d’interprétation juridique car, encore une fois, la technologie du numérique elle-même ne connaît pas de frontières.

Cela étant, la régulation que nous tentons de mettre en place ne pourra pas trouver de traduction suffisante au travers de la seule interprétation de la notion de diversité culturelle ; une harmonisation internationale sera nécessaire, et tous les acteurs du secteur devront tirer dans le même sens, qu’ils soient installés en France, aux États-Unis, en Chine ou en Suède. Seul un cadre juridique harmonisé permettra d’éviter d’éventuels détournements.

C’est le monde rêvé, me direz-vous ! Certes, mais, pour l’atteindre, nous devons nous battre et ne pas baisser les bras ! Commençons par contraindre la Commission européenne à clarifier son interprétation de la diversité culturelle !

Nous sommes totalement favorables à cet amendement, qui sera certainement adopté.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je souhaite féliciter l’auteur de cet amendement, Jean-Pierre Leleux. Les centristes, que je représente ce soir aux côtés de Françoise Férat, n’ont pas besoin de faire de longs discours pour apporter leur soutien à cette belle initiative.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. La proposition de loi ne doit, en aucun cas, affecter négativement un domaine de l’édition où l’économie numérique est déjà largement développée, jusqu’à représenter parfois la majeure partie de la valeur produite : les secteurs des sciences, des techniques, du droit et de la médecine.

Les éditeurs de ces secteurs vendent des accès à des bases de données extrêmement riches composées de toutes sortes de documents et de services. Ils établissent le prix de vente de ces accès par un dialogue avec leurs clients institutionnels et professionnels. Leur prestation étant en quelque sorte « personnalisée », le prix de vente varie évidemment d’un client à l’autre.

Le troisième alinéa vise à exclure ces modèles du champ de la loi, mais sa rédaction est beaucoup trop large et pourrait s’appliquer à de nombreux autres produits.

En outre, le modèle commercial des éditeurs concernés peut tout à fait s’accommoder des dispositions générales de la proposition de loi et ne nécessite pas une exclusion. La combinaison des articles 1er et 2 permet de préserver les spécificités de ce modèle.

D’une part, la régulation ne porte que sur les offres de livres dits « homothétiques », ce qui exclut de fait la très grande majorité des produits complexes. C’est l’article 1er.

D’autre part, quand bien même les éditeurs ne proposeraient que des offres de livres entrant dans le champ de la loi, puisque le prix peut « différer en fonction du contenu de l’offre, de ses modalités d’accès ou d’usage », le dialogue individualisé avec leurs clients peut perdurer. C’est le deuxième alinéa de l’article 2.

Le Gouvernement propose donc de supprimer le troisième alinéa, qui est à la fois superflu et potentiellement trop large par rapport à son objet.

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

, ou à toute diffusion commerciale autorisant, sans limitation quantitative, la copie et la redistribution du livre par tout acquéreur

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Sans remettre en cause le modèle d’exploitation traditionnel que la proposition de loi vise à protéger, il s’agit d’exempter du système de prix unique les nouveaux modèles de création issus du numérique, notamment la pratique des logiciels libres.

Ces modèles de création, qui produisent des livres numériques homothétiques, sont disponibles sous une licence connue : ce sont les creative commons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Mélot, rapporteur. La rédaction proposée par l’amendement n° 10 ne me satisfaisait pas complètement. À défaut de trouver un consensus interprofessionnel sur une autre rédaction, nous avions renvoyé à un décret l’application de cette disposition, afin que les notions évoquées dans cet alinéa soient définies et interprétées en cohérence avec les objectifs visés par la proposition de loi.

La commission émet un avis favorable.

Si cet amendement était adopté, l’amendement n° 5 deviendrait sans objet.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 5 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(L’article 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

Le prix de vente, fixé dans les conditions déterminées à l’article 2, s’impose aux personnes établies en France proposant des offres de livres numériques au public.

M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Leleux, est ainsi libellé :

I.- Supprimer les mots :

établies en France

II. - Remplacer les mots :

au public

par les mots :

aux acheteurs situés en France

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

M. Jean-Pierre Leleux. Il s’agit d’un amendement de coordination. Il vise, comme l’amendement n° 6 à l’article 2, à étendre l’application de la proposition de loi à toutes les personnes, y compris celles qui sont établies hors de France, qui exercent une activité de commercialisation des livres numériques à destination d’acheteurs situés sur le territoire national.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Mélot, rapporteur. Il est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(L’article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

Les ventes à primes de livres numériques ne sont autorisées, sous réserve des dispositions de l’article L. 121-35 du code de la consommation, que si elles sont proposées par l’éditeur, tel que défini à l’article 2, simultanément et dans les mêmes conditions à l’ensemble des personnes mentionnées à l’article 3. – (Adopté.)

Article 4
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Articles additionnels après l'article 5

Article 5

Pour définir la remise commerciale sur les prix publics qu’il accorde aux personnes établies en France proposant des offres de livres numériques au public, l’éditeur, tel que défini à l’article 2, doit tenir compte, dans ses conditions de vente, de l’importance des services qualificatifs rendus par ces derniers en faveur de la promotion et de la diffusion du livre numérique par des actions d’animation, de médiation et de conseil auprès du public. Les critères permettant de juger la qualité de ces services sont définis contractuellement entre les organisations représentatives des professions concernées.

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Leleux, est ainsi libellé :

Première phrase

I. - Supprimer les mots :

établies en France

II. - Remplacer les mots :

au public

par les mots :

aux acheteurs situés en France

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

M. Jean-Pierre Leleux. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Mélot, rapporteur. Il est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dernière phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. La présente proposition de loi pose un principe important : la prise en compte de la qualité du service rendu par les détaillants dans le cadre d’une régulation de prix unique.

Il semble cependant imprudent de préciser dans le texte la manière dont ce service va être pris en considération pour l’établissement de la remise, et ce pour plusieurs raisons.

D’une part, les organisations professionnelles des acteurs concernés ne sont pas toutes constituées ; je pense, en particulier, à la représentation des détaillants qui n’opéreraient qu’en ligne.

D’autre part, les services qui peuvent être rendus en faveur de la diffusion évoluent chaque jour grâce aux avancées technologiques et à l’inventivité des acteurs. Fixer des critères de manière conventionnelle pourrait avoir un effet de frein à l’innovation. Le cas échéant, il appartiendra aux acteurs concernés de définir des bonnes pratiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Mélot, rapporteur. La commission émet un avis favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5
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Article 6

Articles additionnels après l'article 5

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Bourzai, MM. Dauge, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 132-5 du code de la propriété intellectuelle est complété par une phrase ainsi rédigée :

Lorsqu'une œuvre étant publiée sous forme imprimée est commercialisée sous forme numérique, la rémunération de l'auteur au titre de l'exploitation numérique est fixée en tenant compte de l'économie générée, pour l'éditeur, par le recours à l'édition numérique.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement tend à garantir aux auteurs une rémunération juste et équitable dans le cadre de l’exploitation de leur œuvre sur support numérique.

La question de l’établissement du prix du livre numérique est abordée ce soir sous tous les angles, afin de tenter de ménager l’ensemble de la filière du marché actuel du livre imprimé, dont les acteurs, nombreux, vont du libraire à l’imprimeur ou même au fabricant de papier.

Les grands oubliés de ce débat semblent être les auteurs. Pourtant, sans auteurs, point d’œuvre : ils sont à l’origine de la chaîne !

Dans son avis du 18 décembre 2009 portant sur le livre numérique et rendu à la suite d’une demande du ministre de la culture et de la communication, l’Autorité de la concurrence estimait que, pendant la période de un ou deux ans durant laquelle il convenait de ne pas figer le marché et de légiférer a minima sur la question du prix du livre numérique, la question du mode de rémunération des auteurs dans le monde numérique pourrait être réglée.

Si un dispositif ad hoc devait être ultérieurement envisagé pour assurer la rémunération juste et équitable des auteurs dans le cadre du numérique, rien ne nous empêche, dès maintenant, d’apporter à ces derniers quelques garanties en la matière.

On sait que, pour les éditeurs, les économies de coût engendrées par l’édition numérique seront de l’ordre de 40 %. Il convient de s’assurer que les auteurs bénéficieront de la manne au titre de leur cession de droits aux éditeurs.

L’amendement n° 2 rectifié tend donc à modifier le code de la propriété intellectuelle dans ce sens, afin d’indiquer que le contrat de cession de droits passé entre un auteur et un éditeur doit prévoir, dans le cas d’une exploitation numérique d’un livre à imprimer, une rémunération tenant compte de la marge réalisée par l’éditeur.

Depuis une dizaine d’années, certains contrats visent déjà la cession des droits pour une exploitation numérique. D’autres ont inclus une clause d’avenir envisageant une cession sur tout support technologique futur. Mais certains contrats n’ont rien prévu du tout. Il convient donc d’insérer dans le code de la propriété intellectuelle une disposition faisant obligation aux contrats anciens affectés d’un vide juridique de comporter un avenant et à tout contrat passé à l’avenir de prévoir les modalités de rémunération des auteurs en cas d’exploitation numérique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Mélot, rapporteur. L’amendement n° 2 rectifié tend à poser un principe de rémunération équitable dans les cas où l’édition d’un livre numérique permettrait à l’éditeur de réaliser une économie. Partageant la préoccupation ainsi exprimée, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur Assouline, on peut en effet légitimement s’interroger. Effectivement, une amélioration importante des marges est prévisible. Cependant, si l’économie générée par le recours à l’édition numérique doit être répercutée sur le prix de vente des livres numériques, il s’agit d’un prérequis nécessaire au développement d’une économie légale du livre numérique et, partant, à la lutte contre le développement du piratage.

Les auteurs et les éditeurs viennent d’ouvrir un espace régulier de discussion pour l’élaboration d’un code des usages relatif à l’édition numérique.

Le Conseil permanent des écrivains, très conscient des enjeux de l’édition numérique, veillera, dans son dialogue avec le Syndicat national de l’édition, à ce que ce code des usages garantisse à l’auteur une rémunération juste et équitable.

Il me semble qu’il n’appartient pas au législateur de déterminer les conditions de rémunération des acteurs privés de la chaîne du livre, qui sont au demeurant convenus d’en discuter dans un cadre contractuel, ce que vous avez rappelé, monsieur le sénateur.

Ayant le désir de ne pas intervenir dans ce domaine, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 2 rectifié.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Monsieur le ministre, je comprends fort bien vos propos. Certes, les marges ne seront pas forcément immédiates en raison d’un nécessaire investissement, qui risque, dans un premier temps, d’annuler tout bénéfice supplémentaire.

Quoi qu’il en soit, à terme, les marges seront énormes. Je l’ai constaté dans les pays où le livre numérique s’est d’ores et déjà développé, notamment lors d’un déplacement récent au Japon ; les personnes interrogées se sont montrées très franches quand on leur a posé la question : elles ont reconnu des marges atteignant 40 %, tout simplement. Quant à savoir si les auteurs en bénéficiaient…Je me suis rendu compte à cette occasion que, apparemment, dans la négociation, les éditeurs avaient en réalité capté l’essentiel de la manne.

Je sais qu’en France des négociations sont en cours.

Aujourd'hui, alors que le législateur pose un acte fondateur dans le domaine du prix du livre numérique, certains d’entre nous peuvent avoir la volonté d’aider les auteurs, y compris dans ces négociations, mais sans fixer d’autorité quoi que ce soit, qu’il s’agisse du montant de la marge, de la redistribution ou de la façon de procéder. Par le biais de l’amendement n° 2 rectifié, nous voulons simplement avoir une pensée pour les auteurs et leur assurer une rémunération juste et équitable.

À un moment donné, les marges dégagées vont permettre de baisser les coûts – le piratage est un des enjeux, comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre – et elles seront telles que tous les acteurs de la filière devront pouvoir en bénéficier. Elles permettront d’aider également la création, les auteurs, les libraires.

La commission, en s’en remettant à la sagesse du Sénat, traduit son souci que la future loi n’oublie personne et que cela figure dans le débat. Les auteurs n’étant pas forcément ceux qui ont le meilleur rapport de force dans les négociations, il s’agit de les aider. Comment le Gouvernement pourrait-il y être complètement opposé ? Si cet amendement détruisait l’équilibre juridique du texte, je comprendrais que le Gouvernement y soit défavorable, mais ce n’est pas le cas ici, et ma proposition ne gêne en rien le cadre contractuel ni les négociations entre les auteurs et les éditeurs dont vous nous avez dit qu’elles se déroulaient de manière assez satisfaisante.

Je souhaite tout simplement aider la création. Par conséquent, je maintiens l’amendement n° 2 rectifié.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. L’esprit de la présente proposition de loi est de faire bénéficier d’une évolution technologique considérable l’ensemble des intervenants, qu’il s’agisse des auteurs, des éditeurs ou des lecteurs.

L’amendement n° 2 rectifié ne contraint pas, ne fixe pas un pourcentage, n’intervient pas dans le champ des négociations. Son adoption marquerait la volonté de la représentation nationale de faire en sorte que la présente proposition de loi profite, de manière équilibrée, à tous ceux qui sont concernés.

Pour ce qui me concerne, cette intention me paraît parfaitement normale et compréhensible. C’est pourquoi je voterai le présent amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 5.

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Bourzai, MM. Dauge, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un an après la publication de la présente loi, le Gouvernement dépose, sur le bureau de chacune des deux assemblées, un rapport étudiant les modalités d'affectation aux secteurs de l'imprimerie et de l'industrie du papier d'une compensation financière liée à la baisse d'activité engendrée par l'essor du livre numérique.

Ce rapport fait l'objet d'un débat dans les commissions en charge de la culture de chaque assemblée.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Nous l’avons déjà dit, le développement du livre numérique va bouleverser d’ici à quelques années toute la chaîne du marché de l’édition, au sens large. Il est à craindre que certains secteurs n’en souffrent. Nous avons abordé le problème spécifique des librairies indépendantes, dont certaines risquent de voir leur chiffre d’affaires substantiellement diminuer.

De la même façon, le secteur de l’imprimerie et celui du papier en général risquent aussi de souffrir beaucoup. Le transfert d’une partie du commerce de livres imprimés vers la transaction sous forme numérique va affecter de plein fouet ces industries, qui subissent déjà les conséquences du développement de la presse numérique. Il en résultera inévitablement des plans sociaux.

La maîtrise du prix du livre numérique permettra sans doute d’éviter des situations comme celles qui existent outre-Atlantique, où quelques opérateurs dont l’édition n’est pas le métier se positionnent désormais sur le marché en situation monopolistique, voire oligopolistique, et commercialisent comme produits d’appel des livres numériques à prix cassés, afin de mieux vendre d’autres services qui constituent le cœur de leur métier.

Ces pratiques, comme l’a justement indiqué Mme Mélot dans son rapport, mettent en péril la rémunération de l’ensemble des acteurs de la filière.

Nous sommes tous d’accord aujourd’hui pour tenter de trouver une solution afin de préserver l’ensemble de la filière. Aussi souhaitons-nous que le Gouvernement présente au Parlement un rapport d’information qui fasse l’objet de débats au sein respectivement de la de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat et de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale.

Ainsi pourront être mesurées les conséquences du développement du livre numérique pour l’ensemble de la chaîne du livre papier.

Surtout, pourra être examinée la façon dont les baisses de coût pour les éditeurs – nous venons de les évoquer –, estimées dans certains pays en avance sur la France à 40 %, peuvent aussi bénéficier aux différents acteurs de cette filière, qu’il s’agisse de ceux de l’imprimerie ou de l’industrie papier.

Loin de moi l’idée de faire une analogie facile, mais un grand nombre de secteurs de l’industrie, notamment dans les années quatre-vingt, ont subi des reconversions massives en raison de la robotisation, de l’informatisation : on les a regardés mourir. On aurait pu anticiper en octroyant des aides à la reconversion pour que les entreprises concernées ne soient pas laissées au bord du chemin.

En l’espèce, je propose d’anticiper. Grâce à l’élaboration du rapport que je préconise, la situation pourrait être appréciée et le développement du livre numérique pourrait être vécu comme un bonheur, un progrès, même par ceux qui en subiront les conséquences, notamment le secteur l’imprimerie, qui tient une place importante dans nombre de nos régions, mes chers collègues…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Mélot, rapporteur. Je rappelle que la commission propose de modifier l’article 7 pour demander un rapport annuel qui devra comporter une étude d’impact économique.

Monsieur Assouline, la commission vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 1 rectifié. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Cet amendement est fondé sur l’hypothèse, loin d’être démontrée à ce jour, de la substitution mécanique et intégrale du marché du livre numérique à celui du livre imprimé.

Par ailleurs, le Gouvernement estime qu’une pareille compensation aurait des effets pervers, en faisant peser des frais supplémentaires sur l’édition numérique.

Elle entraînerait certainement un renchérissement du prix du livre numérique et ferait donc porter finalement la charge aux consommateurs.

En maintenant des prix élevés pour ces produits immatériels, elle contribuerait au développement du piratage. Elle handicaperait, enfin, le développement du livre numérique.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Assouline, l'amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?

M. David Assouline. Nous ne nous sommes pas compris !

Il s’agit ici d’un rapport permettant d’apprécier les conditions d’une éventuelle solidarité. Vous reprenez, monsieur le ministre, certes, d’une manière moins catégorique, l’argument que vous avez avancé tout à l’heure.

En aucun cas les gains supplémentaires pour l’édition du livre numérique ne doivent se fondre dans une kyrielle d’aides qui empêcheraient de baisser les prix pour le client.

Ce n’est pas l’esprit de cet amendement.

Il s’agit plutôt de demander un rapport pour que cette révolution se fasse en pleine conscience des conséquences qu’elle emporte, de sorte que l’on puisse savoir dans quelle mesure une solidarité peut s’opérer et dans quelle mesure des aides à la reconversion, notamment, peuvent être apportées.

Bien entendu, si cela doit empêcher le développement du livre numérique et le maintenir à un prix élevé, le législateur et le Gouvernement ne prendront jamais des décisions en ce sens.

Il faut cependant que l’on ait les yeux ouverts pour rester solidaires. Avec les yeux fermés, on laisse parfois mourir des secteurs dans l’indifférence générale : c’est ce qu’il peut y avoir de pire !

Tout le monde doit pouvoir dire : « Vive le livre numérique ! ». Personne ne doit penser que le livre numérique est un malheur qui le frappe.

Au moment où l’on se dirige franchement vers le livre numérique, je voudrais que l’on garde les yeux ouverts sur l’ensemble de la chaîne et que l’on manifeste cette exigence dans la loi.

Je vais retirer cet amendement, non pas en raison des explications de M. le ministre mais parce que, si Mme le rapporteur intègre dans son propre amendement cette préoccupation, en faisant porter le rapport qu’elle demande sur l’ensemble de la chaîne – imprimeurs compris –je serai satisfait et je le voterai.

Je retire donc cet amendement, en attendant celui de Mme le rapporteur, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.

Articles additionnels après l'article 5
Dossier législatif : proposition de loi relative au prix du livre numérique
Article 7

Article 6

(Non modifié)

Un décret en Conseil d’État détermine les peines d’amendes contraventionnelles applicables en cas d’infraction aux dispositions de la présente loi. – (Adopté.)

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi relative au prix du livre numérique
Article additionnel après l'article 7

Article 7

Le Gouvernement présente au Parlement un rapport annuel sur l’application de la présente loi au vu de l’évolution du marché du livre numérique.

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par Mme Mélot, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

, comportant une étude d'impact économique sur l'ensemble de la filière

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Colette Mélot, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que le rapport devra comporter une étude d'impact économique, afin que soient évaluées les conséquences de la loi sur l'ensemble des acteurs – auteurs, éditeurs, libraires, imprimeurs, industrie du papier, mais il peut y en avoir beaucoup d’autres –, et pourra donner lieu, le cas échéant, à des préconisations.

Nous aurons ainsi couvert l’ensemble de la filière.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame le rapporteur, voici donc la réponse à la question qui nous occupe : je suis favorable à votre proposition.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je souhaite rapidement rétablir la genèse de cet amendement, pour éviter toute contradiction.

Le groupe socialiste est en quelque sorte à l’initiative de cette mesure, mais, comme nous ne pouvions pas déposer nous-mêmes d’amendement sur un article adopté par la commission – seul le rapporteur en avait la possibilité -, Mme le rapporteur a bien voulu intégrer les éléments de notre amendement dans le sien, qui répond ainsi à nos préoccupations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
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Article 8 (début)

Article additionnel après l'article 7

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Bourzai, MM. Dauge, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au dernier alinéa (6°) de l'article 278 bis du code général des impôts, après le mot : « Livres », sont insérés les mots : « sur tout type de support physique ».

II. - La perte de recettes pour l'État résultant de l'application du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement tend à étendre le taux réduit de TVA aujourd’hui applicable aux seuls livres imprimés, en vertu de l’article 278 bis du code général des impôts, à l’ensemble des livres disponibles par le biais d’un support physique.

Ainsi pourront être concernés des livres accessibles par le biais d’un CD-ROM, des livres téléchargeables sur une clé USB ou sur un ordinateur, ces différents vecteurs de communication étant considérés comme des supports physiques.

Le livre numérique se verrait alors appliquer un taux de TVA réduit.

Je rappelle que la directive 2009/47/CE du 5 mai 2009 a étendu la possibilité de faire bénéficier du taux de TVA réduit aux livres téléchargés sur un support physique, ce qui a déjà permis d’appliquer ce taux réduit aux livres audio en France.

Certes, cette dernière directive entre en contradiction avec une directive plus ancienne, 2006/112/CE du 28 novembre 2006, relative au système commun de la TVA. Je rappelle cependant que la France a très souvent joué, au sein de l’Europe, un rôle moteur et incitatif dans le domaine culturel. L’exception culturelle à la française en constitue la meilleure preuve. Je vous renvoie au débat précédent, qui nous a rassemblés.

Rien n’empêche la France, de concert avec l’Espagne, qui souhaite également mettre en place un taux de TVA réduit sur la vente des livres numériques, d’inciter les autres États européens à agir de la sorte.

Il est, pour l’heure, difficile d’estimer quel sera le succès du livre numérique en France, et dans quels délais il interviendra. Ce secteur balbutiant ne représente actuellement que 0,1 % du marché, selon les chiffres du rapport Zelnik.

Si l’on veut favoriser l’essor de ce type de livres et éviter de reproduire les erreurs passées, constatées par les industries musicale et cinématographique notamment avec les pratiques de piratage, il convient de favoriser la vente du livre numérique à un prix attractif.

Or un différentiel de quatorze points de TVA avec le livre papier ne permettra pas aux éditeurs de livres numériques de vendre à un prix attractif.

C’est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir adopter notre amendement, qui tend à abaisser le taux de TVA applicable au livre numérique à 5,5 %.

Je crois avoir décelé dans l’intervention de M. le ministre une certaine sympathie pour cette idée. Depuis le début des débats, malgré, parfois, des incertitudes quant à la réaction de la Commission européenne, nous avons choisi de prendre les devants pour poser les problèmes et dire ce que nous pensons. Je demande que l’on adopte la même attitude sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Mélot, rapporteur. Toutes les interventions, ce soir, ont mentionné le sujet de la TVA sur le livre numérique.

Mme Colette Mélot, rapporteur. Nous sommes tous du même avis. Mais, comme je l’ai indiqué, notre commission s’en préoccupera à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, seul texte pouvant accueillir ce type d’amendement.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Nous sommes tous d’accord, mais ce n’est pas l’objet de ce texte, monsieur Assouline.

Cet amendement n’a pas à figurer dans la proposition de loi discutée aujourd’hui. Il relève de la discussion du projet de loi de finances.

En conséquence, le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Je veux bien prendre des risques, mais je ne veux pas être téméraire… (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

Cher collègue, je vous prie d’être bref, car le personnel, je vous le rappelle, vient de suivre plus de cent quarante heures de débats.

M. David Assouline. Je répondrai à votre remarque, monsieur le président !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Renar.

M. Ivan Renar. Je suis attristé par la déclaration de notre rapporteur et du ministre.

Nous voterons, pour notre part, cet amendement, qui est une sorte de pétition de principe qu’il faut affirmer.

Cet amendement vise à étendre au livre numérique le taux de TVA réduit appliqué aujourd’hui au livre papier.

En effet, ce taux de TVA réduit résulte de la reconnaissance de l’œuvre de l’esprit, quel que soit son support.

Le livre numérique est, avant d’être numérique, un livre, une création. La question de son support et de sa forme est certes importante, mais elle ne le définit pas à elle seule. Elle définit son mode de circulation, son commerce, sa circulation, mais pas son contenu.

Si des spécificités peuvent et pourront être développées, via le mode numérique, le livre ne devient pas pour autant un simple logiciel électronique ou un simple service numérique. Il conserve toutes ses spécificités en tant qu’œuvre et cela même justifie que le livre numérique bénéficie d’un taux de TVA à 5,5 %.

Cela est d’autant plus important que ce taux de TVA conditionne le prix de vente au public, un prix que les consommateurs estiment actuellement trop élevé par rapport au prix du livre papier.

On sait en effet, même si l’on peut le déplorer, que le consentement à payer est bien inférieur quand il s’agit d’un format numérique et que les prix actuels, de 15 % à 20 % moins élevés que ceux du livre papier, ne sont pas jugés assez attractifs.

Ainsi, un taux de TVA réduit impliquerait, outre la reconnaissance d’une exception culturelle, une diminution du prix de vente et permettrait aux éditeurs de pratiquer une politique de prix incitant au développement de l’achat de livres numériques.

C’est à la seule condition de l’application d’un taux de TVA réduit que la circulation de ces œuvres de l’esprit, que l’État souhaite favoriser, sera rendue possible et que le secteur du livre numérique pourra constituer une offre légale suffisamment attractive pour se développer.

Il ne faut pas, là encore, prendre le prétexte européen pour ne pas aller jusqu’au bout des intentions que se donnent les promoteurs de cette proposition de loi.

Nous voterons cet amendement parce que nous pensons que la France doit être à l’initiative de ce taux de TVA réduit en Europe, comme elle a su être force d’impulsion, pour beaucoup de pays européens, avec la loi Lang de 1981 relative au prix du livre, qui nous inspire toujours.

Il s’agit d’une pétition de principe. C’est pourquoi il serait intéressant de l’inscrire dans la loi, sous réserve d’une traduction, ensuite, dans le projet de loi de finances.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Même si cela nous fait perdre quelques minutes de plus, je tiens à ajouter une précision.

Monsieur le président, vous êtes dans la même situation que moi, qui ai passé trois semaines, nuit et jour, dans cet hémicycle.

Je ne voulais vraiment pas passer une nuit de plus ici, même pour examiner cette proposition de loi sur le prix du livre numérique, mais je fais mon travail de sénateur.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Nous aussi !

M. le président. Monsieur le sénateur, je fais, quant à moi, mon travail de président. Je vous ai laissé dépasser votre temps de parole de deux minutes dans la discussion générale.

Comme je l’ai dit, nous devons tenir compte de la fatigue, non pas des sénateurs – nous n’avons pas le droit d’être fatigués –, mais au moins du personnel.

M. David Assouline. Bien sûr !

M. le président. Je tenais à vous le dire gentiment et calmement.

M. David Assouline. C’est ainsi que j’ai reçu vos propos, monsieur le président.

Je pense, moi aussi, au personnel. Ce n’est pas moi qui organise les débats ainsi, et ce n’est pas, à mon sens, de cette manière que l’on doit procéder.

Caser ce débat après le dîner en nous disant d’aller vite parce qu’il faut avoir fini à minuit, ce n’est pas respecter le travail du personnel, du rapporteur, de ceux qui ont déposé des amendements et qui souhaitent les défendre.

En d’autres termes, nous sommes dans la même galère !

J’en reviens maintenant à l’amendement.

Monsieur le ministre, nous sommes tous d’accord, dites-vous. Je vous prends au mot et je vais jusqu’au bout du raisonnement : si cet amendement doit être discuté à l’occasion de l’examen non pas de cette proposition de loi mais du projet de loi de finances, cela signifie que l’ensemble des groupes politiques et le Gouvernement proposeront cette mesure dans le projet de loi de finances…Dans ce cas, je retire tout de suite mon amendement !

En revanche, si, demain, lors de la discussion du projet de loi de finances, nous sommes les seuls à défendre cette proposition et si le Gouvernement prétend encore que ce n’est pas le moment, alors, cela signifiera que nous ne sommes pas d’accord !

Monsieur le ministre, je pense que, sincèrement, vous êtes d’accord, mais je vous pose la question : puisque l’examen du projet de loi de finances commence dans quelques jours, le Gouvernement s’engage-t-il à y inscrire cette proposition ?

Si ce n’est pas le cas, votre argument ne sert qu’à faire diversion. Certes, vous ne voulez pas être téméraire, mais dites-nous au moins ce qu’il adviendra de cette question dans le projet de loi de finances !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Les débats éclairent toujours la loi. L’intention est présente et a été exprimée lors de la discussion générale pratiquement par l’ensemble des groupes politiques.

Nous sommes favorables à la mise en adéquation de la TVA, pour le livre papier comme pour le livre numérique. L’intention a été affirmée et réaffirmée. Le président de notre commission l’a lui-même évoquée dans la discussion générale.

Prenons le rendez-vous qui convient, celui de la discussion du projet de loi de finances, et nous pourrons dans quelques jours déposer cet amendement qui revient pour l’heure aux sénateurs.

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.

M. Yann Gaillard. Je regrette, monsieur Assouline, mais ce n’est pas le lieu de prendre une disposition fiscale ! Je suis membre de la commission des finances, et je ne peux pas laisser passer cela !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Je souhaiterais faire deux remarques de nature différente.

Sur la forme, la conférence des présidents avait prévu que l’examen de cette proposition de loi débuterait aujourd’hui à la fin de l’après-midi. Ce n’est ni la faute de la conférence des présidents, ni celle du ministre ou de cette commission, si nous avons entamé cette discussion à vingt-deux heures cinquante !

Cela dit, je regrette moi aussi que, du fait des débats précédents, qui ont largement dépassé le temps imparti, la discussion d’un texte important commence à cette heure avancée.

Le cœur de métier du Sénat, c’est le débat de textes de loi. Je crois qu’il faudra peut-être le rappeler à la conférence des présidents, pour que priorité soit donnée dans notre ordre du jour à l’examen des textes législatifs plutôt qu’à des séances de questions cribles ou autres qui n’aboutissent pas à grand-chose, je le dis comme je le pense. Si j’en ai l’occasion, je poserai cette question-là où il faut la poser : à la conférence des présidents !

Sur le fond, je voudrais à mon tour dire très simplement, en cette fin de débat, que nous sommes tous demandeurs d’une TVA à 5,5 %, comme nous l’avons dit dans nos interventions. Nous savons bien cependant que ce n’est pas dans le cadre de la discussion de cette proposition de loi que nous pourrons en décider. Alors, que les choses soient actées et restent à l’esprit de tous : chacun d’entre nous fera tout son possible pour se faire entendre, avec les moyens qui sont ceux du Parlement, lors de l’examen du projet de loi de finances, voilà tout.

Nous nous accordons tous pour souhaiter que le livre papier et le livre numérique soient assujettis à la même fiscalité, et que cette fiscalité permette à un maximum de personnes d’accéder à ces sources de culture. Je n’allongerai pas le débat, car les choses sont claires : ce n’est pas le monopole d’un groupe, c’est un vœu général !

M. David Assouline. M. le ministre ne me répond pas ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur Assouline, c’est comme en amour : on est tous d’accord, mais pas pour conclure au même moment ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 7
Dossier législatif : proposition de loi relative au prix du livre numérique
Article 8 (fin)

Article 8

La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie. – (Adopté.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

M. Ivan Renar. Embrassons-nous, Folleville !

Article 8 (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au prix du livre numérique
 

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 27 octobre 2010, à quatorze heures trente :

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle (n° 223, 2009-2010) et proposition de loi relative aux règles de cumul et d’incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance (n° 291, 2009-2010).

Rapport de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, fait au nom de la commission des lois (n° 38, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 39, 2010-2011).

Rapport d’information de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (n° 45, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 27 octobre 2010, à une heure trente-cinq.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART