M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer le taux de pénalité de 10 % qui semble excessif. Bien sûr, obligation sera faite de publier, par voie d’affichage ou autres, les synthèses du plan d’action. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.
Mme Gisèle Printz. Les inégalités salariales expliquent en partie l’écart des pensions de retraite entre les hommes et les femmes. Mais d’autres obstacles existent sur le marché du travail, notamment le travail précaire. Actuellement, 70 % des emplois précaires et 82 % des emplois à temps partiel subi sont occupés par des femmes. En raison de l’exercice d’un travail à temps partiel, les carrières des personnes concernées sont hachées, entrecoupées et ne permettent pas d’obtenir une pension de retraite d’un montant satisfaisant.
Il est regrettable que le présent projet de loi soit muet sur cette question du travail à temps partiel, alors que des mesures auraient pu être prises dans le cadre d’une réforme des retraites, comme l’imposition de sur-cotisations imposées aux employeurs ayant tendance à multiplier le recours au temps partiel. (M. Jean-Pierre Bel applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 375 rectifié, présenté par Mme Laborde, M. Collin, Mme Escoffier et MM. Mézard, Milhau, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article L. 2323-57, il est inséré un article L. 2323-57-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2323-57-1. - Le comité d'entreprise peut, de droit, recourir à un expert technique, dans les conditions prévues à l'article L. 2325-38, pour obtenir une contre-expertise au rapport prévu à l'article L. 2323-57. » ;
...° L'article L. 2325-35 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° En vue de l'examen du rapport prévu à l'article L. 2323-57. » ;
...° Après la référence : « L. 2323-13 », la fin du premier alinéa de l'article L. 2325-38 est ainsi rédigée : « L. 2323-14 et L. 2323-57-1. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, si vous me le permettez, par souci de cohérence, je présenterai en même temps cet amendement et les amendements nos 377 rectifié, 378 rectifié et 379 rectifié.
M. le président. J’appelle donc en discussion les amendements nos 377 rectifié, 378 rectifié et 379 rectifié.
L'amendement n° 377 rectifié, présenté par Mme Laborde, M. Collin, Mme Escoffier et MM. Mézard, Milhau, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 16
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article L. 2241-9, il est inséré un article L. 2241-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2241-9-1. - L'employeur qui n'a pas mené au 31 décembre 2011 sérieusement et loyalement les négociations visées à l'article L. 2241-9 verse une somme dont le montant est égal à 1 % de la masse salariale brute. Cette somme sera affectée à la lutte contre les inégalités professionnelles. »
L'amendement n° 378 rectifié, présenté par Mme Laborde, M. Collin, Mme Escoffier et MM. Mézard, Milhau, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 16
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L. 2325-35 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° En vue de l'examen du rapport prévu à l'article L. 2323-57. »
L'amendement n° 379 rectifié, présenté par Mme Laborde, M. Collin, Mme Escoffier et MM. Mézard, Milhau, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Après la référence : « L. 2323-13 », la fin du premier alinéa de l'article L. 2325-38 est ainsi rédigée : «, L. 2323-14 et L. 2323-57-1. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Françoise Laborde. Comme nous l’avons rappelé à plusieurs reprises, les femmes perçoivent, au moment de leur départ à la retraite, une pension inférieure en moyenne de 44 % à celle des hommes et plus de la moitié des retraitées touche une pension inférieure à 900 euros.
L’une des principales raisons de ces écarts injustifiés réside dans le fait que les femmes sont généralement moins rémunérées que les hommes.
L’amendement n° 375 rectifié vise donc à garantir une présentation sincère de la situation de l’égalité professionnelle dans l’entreprise. Pour cela, il est proposé de renforcer le rôle du comité d’entreprise en instaurant un droit à la contre-expertise sur le rapport présenté par l’employeur.
L’amendement n° 377 rectifié a pour objet de permettre l’engagement loyal et sérieux des négociations. Celui-ci est défini dans la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes de la façon suivante : il « implique que la partie patronale ait communiqué aux organisations syndicales les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et ait répondu de manière motivée aux éventuelles propositions des organisations syndicales. »
Mais les négociations prévues par cette loi n’ont que rarement abouti à des accords. Nous proposons donc d’imposer aux employeurs n’ayant pas mené des négociations sur l’égalité professionnelle de façon loyale et sincère des sanctions financières.
Enfin, les amendements nos 378 rectifié et 379 rectifié sont des amendements de coordination avec l’amendement n° 375 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je rappelle, tout d’abord, que la commission a prévu que les entreprises de plus de 50 salariés devront élaborer une synthèse du plan d’action comprenant au minimum les indicateurs et objectifs fixés par décret. Cette information est destinée à être publiée largement et mise à disposition de toute personne qui le demande.
L’amendement n° 375 rectifié tend à instituer une contre-expertise, qui ne paraît pas nécessaire à la commission. C’est pourquoi elle émet un avis défavorable.
L’amendement n° 377 rectifié comporte une mesure redondante avec la pénalité qui est déjà prévue. Il est inutile de surcharger les entreprises. La commission émet également un avis défavorable.
L’amendement n° 378 rectifié a pour objet de faire intervenir un expert-comptable au titre de l’évaluation. Mais que va faire ce professionnel en la matière ? La commission émet de nouveau un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 379 rectifié vise des références présentes dans le texte initial mais qui ont été supprimées par l’Assemblée nationale. Ma chère collègue, vous ne pouvez donc pas raccrocher votre proposition à des dispositions qui ont disparu. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet, pour les mêmes raisons, un avis défavorable sur chacun des quatre amendements.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Ces amendements sont intéressants parce que, justement, ils donnent au comité d’entreprise un rôle que ne vise pas le présent projet de loi.
M. le rapporteur n’a pas jugé nécessaire l’instauration d’un droit à la contre-expertise. Or, malgré toutes les belles déclarations qui ont été faites depuis des années, malgré l’adoption de multiples textes, force est de constater que, aujourd'hui, les entreprises ne prennent pas les dispositions permettant de respecter l’égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail.
Les conséquences sur les retraites sont très lourdes, comme nous l’avons vu tout à l’heure. On ne cesse de relever que l’allongement de la durée de la vie – par conséquent la retraite – est plus important pour les femmes que pour les hommes. Or les femmes percevront une pension de retraite encore plus faible. Les déclarations faites dans cette enceinte comportent vraiment des incohérences. C’est pourquoi il me semble au contraire très opportun de voter les amendements proposés par Mme Laborde.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Les membres du groupe socialiste soutiendront les amendements présentés par Mme Laborde.
Voilà peu de temps, lors des débats relatifs au projet de loi de régulation bancaire et financière, l’un de nos collègues de la majorité – et pas le moindre puisqu’il s’agissait du rapporteur général du budget – m’a indiqué qu’il ne savait pas ce qu’étaient les parties prenantes !
La série d’amendements que nous examinons en cet instant tend à instaurer de nouveaux droits de regard d’une partie prenante – les représentants des salariés – au travers de leurs organisations et du comité d’entreprise.
Chaque fois que nous pouvons faire progresser le droit de regard des organisations représentatives, nous devons le faire, particulièrement sur le sujet dont nous traitons actuellement, à savoir le droit des femmes et l’égalité salariale entre les femmes et les hommes dans l’entreprise.
J’invite nos collègues de la majorité à soutenir ces amendements, afin de faire preuve de bonne volonté à l’égard du dialogue social auquel ils se prétendent favorables, certes dans l’absolu mais jamais dans la réalité. Ils montreraient ainsi qu’ils peuvent infirmer l’impression générale des personnes qui manifestent aujourd’hui dans la rue, autrement dit qu’ils n’ont pas écouté les parties prenantes, les organisations syndicales.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Pour justifier mon soutien à ces amendements, je voudrais vous faire part, mes chers collègues de la citation suivante : « En ces temps de crise, les femmes cadres sont dans des situations de fragilité économique qui fait qu’elles ont peur de perdre leur emploi si elles se plaignent. Pour celles qui sont dans des emplois précaires, souvent à temps partiel puisque deux tiers des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes, la situation est tout aussi difficile. Elles ont intériorisé les discriminations dont elles peuvent faire l’objet. Les inégalités qu’elles subissent ont fini par leur sembler normales. Mais elles existent bel et bien, et ce dès l’entrée dans la vie active, voire dès l’obtention des premiers stages. Un tiers des femmes par exemple sont interrogées sur le projet parental lors de leur entretien d’embauche, c’est inadmissible. […]
« Elles travaillent de plus en plus en temps partiel subi et avec des horaires de plus en plus réduits. Elles acceptent aussi de se déqualifier pour conserver un travail, notamment les femmes seules qui ont besoin de travailler, ce que les hommes font beaucoup moins. Enfin, on observe une augmentation des licenciements sans faute réelle et sérieuse pour les femmes. » Ces propos sont de Mme Jeannette Bougrab, présidente de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, dans un entretien paru dans le journal Les Échos en date du 8 juillet 2010. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Le comité d’entreprise peut bien entendu recourir à une expertise. Libre à lui de le faire s’il le souhaite.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 378 rectifié et 379 rectifié n’ont plus d’objet.
L'amendement n° 460 rectifié, présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny, Kerdraon et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau et Jeannerot, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 16
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'inspection du travail procède annuellement au contrôle de l'application de l'accord ou du plan d'action dans l'entreprise.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que les précédents, puisqu’il vise à s’assurer que l’accord ou le plan d’action reçoive bien une application concrète dans l’entreprise. Pour l’instant, rien ne le garantit.
La rédaction actuelle de l’article 31 impose, certes, une obligation de moyens, mais absolument pas une obligation de résultat. Conclure un accord, c’est faire un pas en avant, mais ce n’est pas nécessairement arriver au bout du chemin.
Comme le rappelait Brigitte Grésy dans son rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, toute l’efficacité du dispositif repose sur la définition de critères précis pour permettre de mesurer la réalité et l’efficacité des « efforts » de l’entreprise en matière d’égalité professionnelle.
L’article 31 du présent projet de loi dispose que les indicateurs et objectifs de progression seront définis par décret. Nous considérons, pour notre part, qu’il faut également envisager un contrôle. C’est pourquoi, nous prévoyons l’intervention de l’inspection du travail, qui aura ainsi la possibilité de vérifier la bonne application de l’accord.
On ne peut obtenir de résultats que par la voie réglementaire. L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est un motif sans faille. Il nous faut donc agir dans cette direction en exigeant des résultats, une retraite décente pour toutes celles qui subissent ces inégalités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Comme cela a été rappelé tout à l’heure, le présent projet de loi conforte l’implication de l’inspecteur du travail dans l’évaluation des plans d’action. L’amendement n° 460 rectifié tend à assurer l’application de l’accord ou du plan d’action. Il comporte un ajout redondant. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1091, présenté par Mmes Terrade, Schurch, David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Nous refusons que la date initialement prévue dans le code du travail pour définir et programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes soit repoussée d’une année, car la tâche à accomplir en matière d’égalité salariale et professionnelle est immense.
Un tel report signifierait que les négociations annuelle et quinquennale ne visent plus à définir et à programmer les mesures susvisées avant le 31 décembre 2010.
Cela signifierait aussi que la négociation sur les salaires effectifs que l’employeur est tenu d’engager chaque année ne tend plus à définir et à programmer les mêmes mesures, toujours avant le 31 décembre 2010.
Supprimer un repère de date, même s’il est en effet très proche, signe un aveu d’échec, une acceptation de l’échec de la lutte contre la discrimination liée aux rémunérations des femmes.
Pourtant, les juridictions, notamment la Cour de cassation, font de plus en plus part de cette exigence, affinent leur jurisprudence pour la rendre plus favorable aux femmes.
Il faut reconnaître que la situation reste préoccupante, comme le note très bien le rapport selon lequel « l’inégalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes, qui reste une donnée indéniable, risque de continuer à peser négativement ». En 2008, selon l’INSEE, le salaire net annuel moyen des femmes est inférieur à celui des hommes dans le secteur privé et semi-public. En se concentrant sur la classe d’âge de 25 à 55 ans, on constate que l’écart de revenu salarial entre hommes et femmes était de 21,2 % en 2007, pour l’ensemble du secteur privé et de la fonction publique d’État.
Nous sommes surpris de trouver au sein de l’article 31, globalement positif, une disposition si contradictoire avec les objectifs affichés. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’alinéa 17.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La date du 31 décembre 2010 prévue dans le code du travail nous laisse un délai bien trop court. Elle est irréaliste et c’est pourquoi la commission est défavorable à l’amendement n° 1091.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Notre dispositif est permanent. Il n’y a donc pas de date butoir. Il faut conclure des accords et, s’ils ne sont pas respectés, appliquer des sanctions.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous nous opposez que les accords doivent être permanents. Mais pour être permanents, encore faut-il qu’ils entrent en vigueur, d’autant que vous prévoyez une pénalité dans l’hypothèse où ils ne seraient pas respectés.
À moins qu’il ne faille comprendre que dès demain, c’est-à-dire dès que le présent texte sera voté – non pas demain, mais dans quelques jours –, ou plus exactement dès que les décrets d’application de la future loi seront publiés, les entreprises dans lesquelles il n’y a pas d’accord seront passibles d’une pénalité ? Si tel est le cas, je vous dis « banco ! »
Mais je ne crois qu’il en ira ainsi ; en fait, vous repoussez la conclusion de ces accords.
Je rappelle que ce dispositif ne vise que les entreprises de plus de 50 salariés. Mais celles de moins de 50 salariés – petites et moyennes entreprises ou très petites entreprises –, emploient 4 millions de salariés. Et parmi ces salariés, il y a des femmes, même si elles ne représentent sans doute pas la moitié des effectifs, car la parité n’est pas parfaite dans ces entreprises. Or ces femmes ne bénéficieront pas des accords prévus au présent article.
Dans les faits, non seulement certaines entreprises ne seront pas soumises aux accords, mais encore vous différez l’entrée en vigueur de ces accords dans les entreprises concernées.
Monsieur le ministre, vous comprendrez que je ne puisse que m’opposer à l’alinéa 17 de l’article 31, à moins que vous me donniez la garantie que les entreprises seront passibles d’une pénalité dès la publication des décrets d’application de la future loi.
Vous faites preuve de célérité lorsqu’il s’agit de lutter et de détruire des droits acquis par les femmes. Ainsi, voilà quelques mois, lorsque la Cour de justice de l’Union européenne a relevé une inégalité entre les hommes et les femmes en matière de majoration de durée d’assurance, ou MDA, vous vous êtes empressé de répondre à son injonction. Mais lorsque la même Cour souligne la mauvaise posture de la France en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, vous prenez votre temps avant d’agir.
M. Roland Courteau a rappelé tout à l’heure le classement actuel de notre pays en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. À votre place, je ne serais pas très fier d’être le ministre qui, au cours de ses fonctions ministérielles, a vu la France perdre autant de places dans un tel classement… (Hou ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
En fait, c’est toujours la même chose : lorsqu’il s’agit d’instituer des droits nouveaux pour les femmes, de se rapprocher de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, vous n’êtes pas pressé, vous prenez le temps de la réflexion ; en revanche, comme le rappelait tout à l’heure Michelle Demessine, dès qu’il s’agit de faire « sauter » des avantages acquis, notamment par les femmes dans la fonction publique, vous agissez rapidement, sans autre forme de procès.
Nous ne pouvons donc pas vous suivre sur cette voie, monsieur le ministre. Votre explication n’est pas à la hauteur ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Dominique Braye. La vôtre non plus !
M. Alain Vasselle. Arrêtez de faire de la provocation, madame David !
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Les membres du groupe socialiste voteront l’amendement n° 1091 présenté par Mme Terrade. J’ajouterai un argument à l’appui de ce vote.
Aujourd’hui, dans les entreprises, la question de l’égalité professionnelle et salariale a été rangée au fond des tiroirs. Je considère que maintenir la date du 1er janvier 2011 permettrait de les inciter à engager leur plan d’action et à dresser un diagnostic sans délai. En optant pour le 1er janvier 2012, les entreprises pourront mettre un an, dix-huit mois, deux voire trois ans pour établir le diagnostic. C’est pour moi une raison supplémentaire de maintenir la date du 1er janvier 2011. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je déduis de notre discussion que vous soutenez la mesure du Gouvernement. (Sourires sur les travées de l’UMP.) Vous en contestez le taux, la date d’application, mais il s’agit simplement là de la gestion de cette disposition, et non d’une question de fond.
Doit-on laisser un peu de temps aux entreprises ? J’admets qu’on leur en a déjà laissé beaucoup. De nombreux textes ont d’ores et déjà été adoptés sur ce sujet, nul ne peut prétendre le contraire. Mais cette fois-ci, nous prévoyons une sanction forte, alors il faut laisser aux entreprises le temps de se mettre « d’équerre ». À quoi servirait d’instituer une sanction sans laisser aux entreprises le temps de se mettre en conformité avec la loi ? Ne pas appliquer la sanction prévue serait la pire des choses !
Madame David, vous dites que je suis le ministre qui a vu la France perdre le plus de places dans le classement des pays en matière d’égalité professionnelle. Je prends en compte la solidarité gouvernementale, mais je n’étais pas ministre au moment où certaines mesures ont été décidées. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Vous le reconnaissez !
Mme Nicole Bricq. Il y a huit ans que vous êtes au pouvoir. On peut en faire des choses, en huit ans !
Mme Raymonde Le Texier. En défaire aussi, d’ailleurs !
M. le président. L'amendement n° 376 rectifié bis, présenté par Mme Laborde, MM. Collin et Detcheverry, Mme Escoffier et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Rédiger ainsi cet alinéa :
...° Après la référence : « L. 2241-7 », la fin de l'article L. 2241-9 est ainsi rédigée : « aboutissent à un accord qui fixe les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2011. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, c’est garantir à tous les salariés, quel que soit leur sexe, les mêmes conditions et traitements lors de l’embauche et pendant toute la durée de leur contrat de travail.
La loi du 23 mars 2006 prévoit de réduire les écarts de rémunération, notamment par la négociation collective. Malheureusement, très peu de négociations ont abouti. Cet amendement vise donc à imposer une prescription d’accord.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’indiquer, l’accord n’est pas la solution la plus pertinente. Les autres mesures proposées dans le projet de loi, à savoir les plans d’action, les synthèses définies a minima par décret et la publicité qui en est faite, semblent plus efficaces.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 376 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1092, présenté par Mmes Terrade, Schurch, David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. - Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2011. Pour les entreprises couvertes par un accord tel que défini à l'article L. 2242-5-1 du code du travail, à la date de publication de la présente loi, le I entre en vigueur à l'échéance de l'accord.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je serai brève, parce que cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent.
Nous souhaitons que les dispositions prévues par l’article 31 entrent en vigueur au plus tôt, afin d’atteindre et de garantir les objectifs fixés en termes d’égalité salariale, objectifs qui font l’objet d’un consensus politique.
Nous proposons donc de retenir la date du 1er janvier 2011 pour la mise en œuvre du I du présent article.
Sur le fond, nous sommes satisfaits de la prise de conscience du fait que toute obligation qui ne serait pas soumise à sanction serait par nature inefficace. Nous prenons acte de l’évolution ainsi permise par cet article.
En effet, l’égalité entre les hommes et les femmes est un domaine où la loi doit être particulièrement ferme et ambitieuse – cela a déjà été indiqué – si nous voulons que les pratiques évoluent.
Nous demandons donc, par le biais de cet amendement, que la mise en œuvre du dispositif prévu à l’article 31 soit accélérée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Après tous les propos qui ont été tenus sur la date du 1er janvier 2011, vous comprendrez que la commission émette un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Finalement, nous discutons d’une négociation qui est en cours depuis le mois de juillet 1983, date de la première loi sur l’égalité professionnelle, dite « loi Roudy ».
Si les entreprises n’ont pas eu le temps de négocier en vingt-huit ans, c’est grave ! Je me demande quand ces négociations pourront aboutir…
Il est vrai que l’article 31 comporte une nouveauté : la pénalité minimaliste de 1 % de la masse salariale. Cela dit, je vous rappelle que, dans la dernière loi, une pénalité, certes de nature différente, avait déjà été adoptée, puisque le non-respect des mesures visées était sanctionné d’un an d’emprisonnement.
Je vous ai demandé hier ce que devenait cette disposition ; allait-elle s’ajouter ou se substituer à la nouvelle pénalité ? Il faudrait peut-être examiner la façon dont les diverses mesures s’imbriqueront les unes dans les autres dans le code du travail.
J’en viens au présent amendement. Nous refusons que la date d’entrée en vigueur du I de l’article 31 soit reportée d’une année.
Nous demandons aussi que les entreprises aboutissent à un accord. Je ne me suis pas encore exprimée au cours de la discussion sur la signification de ce mot, mais un accord, mes chers collègues, ce n’est pas la même chose qu’un plan d’action ou que toute autre décision prise arbitrairement par une entreprise.
Un accord, c’est le résultat de négociations entre les partenaires sociaux sur un sujet bien particulier. À partir du moment où un tel accord est signé, il doit être respecté, aux termes du droit du travail.
Malheureusement, bien souvent, dans les entreprises, les négociations sur l’égalité salariale n’aboutissent à aucun accord, en raison de la mésentente entre les employeurs et les représentants du personnel.
Cela étant, je vous rappelle, mes chers collègues, que l’article L. 2242-5 du code du travail prévoit déjà l’engagement d’une négociation annuelle sur les objectifs d’égalité professionnelle.
Le Gouvernement, par le biais du présent projet de loi, ajoute seulement la pénalité de 1 %, mais les négociations sont normalement déjà en cours, puisqu’elles doivent avoir lieu tous les ans. Nous demandons simplement que ces négociations aboutissent à un accord.
Or le Gouvernement repousse encore d’une année cet accord, et instaure une pénalité aléatoire, puisque c’est l’autorité administrative qui décidera si, en fonction de l’évolution des négociations, cette pénalité doit être appliquée ou pas.
Nous savons tous qu’il est très facile d’ouvrir des négociations – je vous renvoie aux négociations annuelles obligatoires –, mais il est très rare d’aboutir à un accord ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)