M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement, qui concerne la rédaction de l’alinéa 7 de l’article 27 ter AA, a pour objet de faire en sorte que le montant de la pénalité soit affecté non pas à un fonds national de soutien relatif à la pénibilité, mais à la branche accidents du travail - maladies professionnelles, ou branche AT-MP, de la sécurité sociale.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Pourquoi créer un fonds ex nihilo, alors que la branche AT-MP paraît a priori tout indiquée pour recevoir le montant de ces pénalités ?
Et pourquoi nommer ce fonds non pas « fonds de prévention de la pénibilité » mais fonds national de soutien relatif à la pénibilité ? Autant de questions que nous nous posons.
Qui s’agit-il de soutenir ? Les travailleurs victimes de la pénibilité ? Une nouvelle fois, j’en doute. Les employeurs, qui courent un vrai risque, celui de ne pas pouvoir échapper à une pénalité, celui de voir leur responsabilité mise en cause ? Certainement bien plus !
Mes chers collègues, il nous faut anticiper sur le déroulement de notre discussion et nous reporter à l’alinéa 12 de l’article 27 ter A.
On y apprend que le fonds national de soutien relatif à la pénibilité sera destiné à « contribuer aux actions mises en œuvre » par les entreprises couvertes par un accord d’entreprise, mais aussi celles qui sont couvertes par un accord collectif de branche. Il s’agit des entreprises de cinquante salariés et plus qui, en application de la loi, devraient être dotées d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, un CHSCT, mais qui n’en ont pas.
Mais il y a mieux : les recettes du fonds seront constituées par une dotation de l’État, par une dotation de la branche AT-MP et par le produit de la pénalité.
Bien entendu, les proportions respectives de ces dotations ne sont pas précisées, mais on peut aisément présumer, par expérience, que les dotations de l’État et de la sécurité sociale seront très largement majoritaires.
Cette ingénieuse mécanique a été inventée par notre collègue député Pierre Méhaignerie, à qui – nous n’en doutons pas – les organisations patronales ne manqueront pas de rendre hommage.
Il en résulte que les actions de prévention des entreprises, y compris celles qui sont décidées seulement au niveau de la branche, seront en réalité financées par les contribuables,…
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. … via la dotation de l’État, et par la sécurité sociale, via la branche AT-MP, qui est déjà déficitaire.
On demeure admiratif devant une telle ingéniosité. Mais cela ne nous empêche pas de demander que le produit de la pénalité soit affecté en toute transparence à la branche AT-MP de la sécurité sociale.
Mme Annie David. Oui, ce serait une bonne solution !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Dans le cadre des travaux de la commission, j’avais proposé que le produit de la pénalité de 1 % aille vers le fonds national de soutien relatif à la pénibilité plutôt qu’à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV.
Toutefois, mon cher collègue, après vous avoir écouté, je pense que votre proposition est très pertinente, car le fonds est transitoire, créé pour une durée allant jusqu’au mois de décembre 2013. Il me paraît donc intéressant d’affecter directement ce produit à la branche AT-MP.
Par conséquent, la commission a émis un avis de sagesse très favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Il est logique que le produit de cette pénalité soit affecté à la branche AT-MP. Certes, cette proposition peut être débattue dans la mesure où le fonds est lui-même financé par cette branche. Mais je suis d'accord pour que nous allions à la source.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 1054, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Comme cela a déjà été indiqué, l’article 27 ter AA, qui reprend l’article 26 sexies adopté par l’Assemblée nationale, relève plus de l’esbroufe et, pour le moins, de l’effet d’annonce que de la véritable avancée sociale.
Au-delà du fait que, comme nous l’avons plusieurs fois souligné, la conception de la pénibilité retenue par cette réforme relève de la régression sociale, une telle mesure n’aura que peu ou pas de conséquences sur l’amélioration de la prise en compte de la pénibilité par le patronat.
Selon M. le rapporteur, cet article additionnel « a pour objet de mettre en place une pénalité de 1 % de la masse salariale applicable aux entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité. »
Monsieur le ministre, cet article ne concerne que les entreprises de plus de cinquante salariés, ce qui en limite objectivement la portée. De plus, il renvoie à un décret la définition du seuil d’emplois pénibles dans chaque entreprise déclenchant de très éventuelles sanctions.
Ce point est important, car il autorisera que la loi en matière de pénibilité ne soit pas appliquée à des entreprises comprenant aujourd’hui un nombre d’emplois pénibles indéterminés.
Pourquoi fixer un seuil d’emplois pénibles pour la mise en œuvre de sanctions ? Le non-respect vis-à-vis d’un seul salarié ne le justifie-t-il pas ?
L’alinéa 10, que nous vous proposons de supprimer par cet amendement n° 1054, confirme tout le mal que nous pensons de cet article 27 ter AA.
En effet, cet alinéa prévoit que, en l’absence d’accord d’entreprise – ce qui sera fréquent car l’on peut aisément prévoir l’attitude du patronat en la matière –, un simple plan d’action pourra exempter de sanctions les entreprises concernées par l’article.
Une condition est donc rajoutée à celle de l’effectif de salariés exposés à la pénibilité, qui sera – qui peut en douter ? –élevé pour empêcher la mise en œuvre de toute prévention de la pénibilité.
Les pressions du patronat de ces dernières semaines ont donc été efficaces. Chacun le comprendra, sans sanctions réelles, un tel dispositif n’est qu’un vœu pieux.
Il s’agit d’encourager les entreprises, de les orienter, mais certainement pas de les contraindre, sans doute au nom de la compétitivité ou d’autres arguties libérales.
Nous vous proposons donc de supprimer cette disposition, soulignant ainsi que l’article 27 ter AA ne constitue certainement pas un progrès, mais relève plutôt de la mesure d’accompagnement du formidable recul de civilisation que constitue ce projet de casse du droit à la retraite.
M. François Autain. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. À défaut d'accord, nous tenons tout de même au plan d’action. Nous sommes donc défavorables à la suppression de l’alinéa 10.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 452, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. L’alinéa 11, que nous proposons de supprimer, dispose que les entreprises dont l’effectif est égal ou supérieur à 50 salariés et inférieur à 300 salariés ne sont pas soumises à la pénalité lorsqu’elles sont couvertes par un accord de branche étendu.
Il existe plusieurs domaines du droit du travail où l’accord de branche étendu est d’application tout à fait opportune. Tel peut être le cas, par exemple, pour des classifications ou des durées du travail.
Cette commodité de procédure est particulièrement adaptée pour les entreprises de moins de cinquante ou de vingt salariés, qui ne disposent pas, en général, des moyens pour mener à bien des négociations complexes.
Dans le cas présent, cette disposition est au contraire tout à fait inadaptée. Si nous nous référons au code du travail, dans ses articles L. 4611-1 et suivants, non seulement les entreprises, mais les établissements de cinquante salariés et plus doivent avoir un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en leur sein.
Dans les établissements de moins de cinquante salariés, l’inspecteur du travail peut même imposer la création d’un CHSCT lorsqu’il estime cette mesure nécessaire en raison de la nature particulière des travaux ou des locaux. Un autre article du code du travail prévoit aussi que des entreprises de moins de cinquante salariés peuvent se regrouper pour créer un tel comité.
Je vous ferai grâce de la lecture détaillée de tous les articles du code consacrés aux missions du CHSCT. Je vous rappellerai néanmoins que celui-ci a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux qui sont mis à disposition par une entreprise extérieure.
Selon un autre article, le CHSCT procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs de l’établissement, ainsi qu’à celle des conditions de travail.
Nous nous demandons si les inspirateurs du projet de loi veulent une nouvelle fois contourner le code du travail. Aujourd’hui, 17 % des entreprises de plus de cinquante salariés sont dotées d’un CHSCT, ce qui constitue donc une violation de la loi. Quelles mesures sont prises par le Gouvernement et l’administration du travail, qui est sous sa responsabilité, pour les inciter à en créer ? Aucune, apparemment.
Le Gouvernement semble se satisfaire de cette situation. En l’espèce, il donne le signal qu’il laissera faire, puisque des accords de branche suffiront pour être dispensés de cette pénalité, d’ailleurs symbolique.
En revanche, nous voyons fleurir une nouvelle fois des dispositions de contournement des seuils d’effectifs qui, comme chacun le sait, sont un obstacle au développement économique et une source de problèmes et de perte de temps pour les employeurs.
Du point de vue de la santé et de la sécurité des salariés, une telle attitude est purement et simplement inacceptable. Elle est aussi dangereuse.
Rien ne justifie que les salariés des établissements de cinquante salariés et plus ne négocient pas eux-mêmes des accords de prévention de la pénibilité.
Le risque est que les spécificités des établissements ne soient ni analysées ni prises en compte, et que l’on se contente une nouvelle fois d’appliquer des préconisations de portée générale.
Notre position est au contraire de demander la généralisation effective des CHSCT et des accords de prévention de pénibilité par établissement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Dès l’instant où les entreprises sont couvertes par un accord de branche, il est logique qu’elles ne soient pas soumises à la pénalité. L’objectif est bien d’inciter les entreprises, à leur niveau ou à celui de l’accord de branche, à prendre des dispositions en termes de prévention de la pénibilité.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1055, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer la date :
1er janvier 2012
par la date :
30 juin 2011
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Par cet amendement, nous vous proposons d’avancer la date d’application du présent article au 30 juin 2011, et non pas au 1er janvier 2012, comme le texte le prévoit.
Tout au long de l’examen du dispositif de sanctions envisagées à l’encontre des entreprises n’engageant pas de politique de prévention de la pénibilité, nous avons exprimé des doutes importants quant à vos intentions réelles.
En effet, les conditions d’effectifs des entreprises, cinquante salariés au minimum, le renvoi à un décret hypothétique de la fixation d’un seuil d’emplois pénibles à partir duquel l’entreprise sera soumise à sanction et, enfin, la possibilité de se contenter d’un plan d’action aux contours bien vagues en l’absence d’accord d’entreprise limitent considérablement le champ d’application du présent article.
Monsieur le rapporteur, vous évoquez les récentes mesures législatives concernant la pénibilité dont sont victimes les seniors. Vous affichez d’ailleurs une belle satisfaction, alors que vous affirmez vous-même que déjà 250 entreprises ont préféré opter pour des sanctions financières.
Quel pourcentage cela représente-t-il, monsieur le ministre ?
De notre point de vue, et malgré les critiques importantes que nous émettons, quel que soit le nombre d’entreprises s’engageant à établir des plans de prévention de la pénibilité, il est important que leur mise en œuvre soit la plus rapide possible et que, parallèlement, les sanctions susceptibles d’être prises le soient également le plus rapidement possible.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Les auteurs de cet amendement nous demandent de raccourcir le délai prévu à l’alinéa 13, en avançant la date d’entrée en application au 30 juin 2011 – c’est demain ! –, alors que nous proposons le 1er janvier 2012. Laissons tout de même le temps aux partenaires sociaux de négocier !
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l’article.
Mme Raymonde Le Texier. L’article 27 ter AA prévoit une pénalité pour les entreprises de 50 salariés et plus, employant une proportion minimale de salariés exposés aux facteurs de risques professionnels, et qui n'auraient pas signé de plan de prévention de la pénibilité.
Il imite en cela les dispositifs existants pour l’égalité salariale entre les hommes et les femmes ainsi que pour l’emploi des seniors.
Ces dispositifs n’ont guère fait la preuve de leur efficacité. L’écart de salaire de 27 % entre les hommes et les femmes reste inchangé depuis plusieurs années. Quant aux dispositifs en faveur de l’emploi des seniors, vous conviendrez que leurs effets tardent aussi à se concrétiser. Gageons que le présent article n’échappera pas à la règle. Il n’a pas été conçu pour affronter un problème mais pour faire croire que le Gouvernement s’en préoccupe.
Le flou sur le montant de la pénalité – égale au maximum à 1 % des gains et rémunérations de ces salariés – entretient le doute : le montant sera-t-il réellement incitatif, ou le principe sera-t-il appliqué avec tant de tact et de mesure qu'il sera inopérant ?
C’est déjà le cas pour la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU : l’obligation de construire des logements sociaux n’est pas respectée par certaines villes, qui préfèrent s’acquitter d'une amende plutôt que de respecter ce que la loi impose.
Enfin, si l’on ne peut pas se plaindre que des plans ou des accords soient conclus, on peut regretter qu’ils le soient souvent a minima, sans que soit engagée une véritable réflexion sur la santé au travail, les conditions de travail, l’ergonomie des postes ou les rythmes de travail. De telles « signatures » servent de brevet de bonne conduite mais n’engagent jamais vraiment les entreprises à changer leur organisation, voire à mettre en place des objectifs précis en la matière.
Alors que la prévention de la pénibilité devrait faire l’objet d'une véritable politique de santé publique, elle est traitée a minima, sous forme de mesures incitatives, dans un cadre dont les articles précédents ont supprimé tout risque coercitif.
Les médecins du travail étant passés sous la tutelle des patrons et ceux-ci remplissant eux-mêmes les fiches des travailleurs exposés à des risques, il y a fort à parier que la sous-estimation des risques, la neutralisation de la médecine du travail et la mise en place de plans de prévention non coercitifs n’amélioreront pas les conditions de travail des salariés.
On ne saurait s’étonner d’un tel constat, le but du projet de loi n’étant pas de reconnaître la pénibilité mais d'anticiper les désagréments qui peuvent en résulter pour l’employeur. L’article 27 ter AA n'a pas d'autre vocation que celle-là et c’est pourquoi le groupe socialiste votera contre.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. L’article 27 ter AA prévoit que soit mis en place un dispositif expérimental de compensation de la pénibilité.
Ce dispositif conduira, sous certaines conditions, à ce que les entreprises soient pénalisées en cas de non-conclusion, de non-application ou de non-respect de tels accords.
Bien entendu, je pourrais me contenter de dire que nous refusons que les entreprises pénalisées puissent faire valoir quelque argument que ce soit pour échapper à la pénalité.
Au demeurant, avec l’amendement de M. Dominati et le remplissage des fiches d’exposition prévues par l'article 25, il est fort probable que le recours au contentieux de recouvrement soit plus facile que pénible !
Je me permettrai une observation à ce stade. La pénalité ne sera applicable qu’aux entreprises de plus de 50 salariés ou, quand elles en comptent moins, faisant partie d'une entité économique regroupant au moins 50 salariés. De telles dispositions devraient apaiser nos collègues qui ont tenté de nous apitoyer sur le sort des chefs d’entreprises soumis à la « pénibilité administrative » découlant de l’application des dispositions de l’article 25 !
En France, pour qu’une exploitation agricole emploie plus de 50 salariés, il faut être l’un des bénéficiaires principaux des subventions communautaires ! Ce n’est pas le petit fruiticulteur du Lot-et-Garonne qui est concerné, mais bien plutôt le céréalier beauceron ou le betteravier picard !
Cependant, le champ des obligations étant limité aux entreprises de plus de 50 salariés, comment ne pas relever que ce sont des millions de salariés, travaillant dans de petites ou très petites entreprises, notamment dans le secteur de la sous-traitance – sans parler, bien entendu, du nombre croissant de salariés déguisés en auto-entrepreneurs –, qui ne seront pas concernés par les mesures prétendant luttant la pénibilité ?
C'est donc une ergonomie « au petit pied » qui va peut-être se mettre en place.
Réflexion faite, la pénibilité n’étant pas véritablement combattue, il est probable que, plutôt que d’agir sur l’âge du départ à la retraite, on ne se serve bientôt de ce débat pour servir un autre objectif.
Cet objectif, c'est tout bonnement de donner au patronat des armes nouvelles pour que les contentieux juridiques nés de la pénibilité, du harcèlement moral, des accidents du travail ou plus généralement des conditions de travail puissent être éteints. Toutes ces réalités sont plus que jamais présentes dans le monde du travail actuel.
Ainsi, la « lutte contre la pénibilité » ne constituerait pas une avancée sociale mais bel et bien un recul imposé à l’ensemble des salariés.
C’est pourquoi, sans dramatiser la situation, nous invitons nos collègues à ne pas adopter l’article 27 ter AA. C’est aussi pourquoi nous nous y opposerons par scrutin public.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, le groupe UMP soutient naturellement l’article 27 ter AA, mais il souhaite que puisse être introduite, lors de sa mise en œuvre, parmi les critères d’analyse et d’étude, une comparaison internationale ou au moins européenne.
Celle-ci viserait à faire en sorte que, métier par métier et secteur par secteur, nous puissions éclairer le jugement de nos compatriotes, employeurs ou salariés, quant à la situation à l’échelle européenne, afin que nos orientations soient les plus justes possible mais qu’elles tiennent aussi compte des réalités vécues chez nos partenaires.
Un certain nombre d’entre nous se souviennent, par exemple, du débat sur les règles relatives au pilotage des avions Airbus. Notre pays a été l’un des derniers à accepter – au prix de très lourds conflits sociaux – que le nombre légal de pilotes passe de trois, comme il était d’usage en France, à deux, comme c’était le cas pour toutes les autres compagnies aériennes d’Europe et du monde.
Je crois par conséquent qu’il serait utile d’introduire d’emblée une comparaison de la France avec les autres pays développés de l’Union au cœur de l’analyse des situations, catégorie par catégorie, pouvant aboutir à des accords de branche. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président du groupe UMP, j’ai bien noté votre proposition.
Bien sûr, je la juge tout à fait pertinente. Il faut évidemment éviter de mettre à la charge des entreprises, notamment des TPE, des obligations pouvant nuire à leur compétitivité ; il est vrai aussi que de bonnes conditions de travail et la réduction de la pénibilité sont absolument nécessaires aux salariés sans être, tant s’en faut, antiéconomiques pour l’entreprise.
Il est donc vrai que nous devons progressivement réaliser des comparatifs européens.
M. le président. Je mets aux voix l'article 27 ter AA, modifié.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 59 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 183 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Article 27 ter AB (nouveau)
Le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, placé auprès du ministre chargé du travail, participe à l’élaboration de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, ainsi que d’amélioration des conditions de travail.
Le Conseil d’orientation sur les conditions de travail comprend un comité permanent, une commission générale et des commissions spécialisées.
Son comité permanent est assisté d’un observatoire de la pénibilité chargé d’apprécier la nature des activités pénibles dans le secteur public et le secteur privé, et en particulier celles ayant une incidence sur l’espérance de vie. Cet observatoire propose au comité permanent toute mesure de nature à améliorer les conditions de travail des salariés exposés à ces activités.
Un comité scientifique a pour mission d’évaluer les conséquences de l’exposition aux activités identifiées comme pénibles par l’observatoire de la pénibilité sur l’espérance de vie avec et sans incapacité des travailleurs. La composition de ce comité scientifique est fixée par décret.
La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le président, il n’y aura qu’une seule intervention pour le groupe CRC-SPG.
M. Jean Bizet. C’est bien !
Mme Annie David. L’article 27 ter AB vise à créer un comité scientifique œuvrant auprès de l’observatoire de la pénibilité, qui lui-même assiste le comité permanent, lequel siège au sein du Conseil d’orientation sur les conditions de travail.
Ce comité scientifique aura pour mission d’évaluer les conséquences de l’exposition aux activités identifiées comme pénibles par l’observatoire de la pénibilité sur l’espérance de vie avec ou sans incapacité des travailleurs.
Nous nous opposons pourtant au Gouvernement quant à la composition du comité scientifique, fixée par décret.
L'observatoire de la pénibilité identifiera – peut-être – une activité comme pénible et ayant des conséquences sur la santé des travailleurs. Alors, le comité scientifique pourra – peut-être – travailler pour déterminer s’il s’agit effectivement d’une activité ayant des conséquences, même différées, sur la santé !
Nous sommes pour notre part très choqués par cette attitude qui consiste à toujours remettre à plus tard des mesures qu’il faudrait prendre aujourd'hui.
Mettre en place un énième comité scientifique pour prouver ce que chacun sait déjà, c’est presque faire preuve de mépris à l’égard des travailleurs qui, eux, n’ignorent pas que tel travail a des effets très néfastes sur leur santé.
A-t-on besoin d’une nouvelle étude pour prouver que la terre est ronde ? Non, elle l’est ! Il en va de même en matière de pénibilité. Il a déjà été prouvé qu’un travail dur et pénible écourtait la durée de vie, et que la pénibilité avait des effets différés.
En matière de pénibilité et de souffrance au travail, que de temps passé, mes chers collègues, à observer, mais surtout à ne rien faire pour que les choses changent ! Les accords en faveur de la prévention de la pénibilité que vous venez d’adopter ne changeront pas grand-chose pour les salariés des TPE et des PME. On crée des comités, des observatoires, des missions d’évaluation, on édite des rapports et encore des rapports.
Savez-vous que la France est actuellement un des pays au monde où les travaux relatifs aux conséquences de toutes les formes de pénibilité sur la santé des travailleurs – physique et morale – sont les plus nombreux, les plus fiables et les plus diversifiés ?
Oser prétendre que les études scientifiques n’ont pas encore établi qu’un travail pénible peut avoir des conséquences différées sur la santé et qu’elles ne permettent pas de mesurer le seuil à partir duquel la soumission à ces facteurs de risques et de souffrance influe sur l’espérance de vie n’est pas digne, mes chers collègues, de notre société.
Depuis longtemps, nous savons mesurer l’incidence de la pénibilité des conditions de travail sur la santé. C’est d’ailleurs ce qui figure dans les conclusions du rapport de la mission d’information sur le mal-être au travail, présidé par M. Dériot et auquel j’ai participé avec M. Godefroy et d’autres de mes collègues. Personne ne pourra dire qu’on ne le savait pas.
Le seul problème, c’est que vous ne voulez pas agir, car les effets différés de la pénibilité comme les risques psychosociaux sont des épouvantails pour le MEDEF. À l’heure actuelle, il est hors de question que vous avanciez d’un pouce sur ces sujets.
Cela rappelle les affirmations des fabricants de tabac ou d’amiante qui, jusqu’au bout, ont nié que les produits qu’ils fabriquaient et qu’ils faisaient respirer à leurs salariés pouvaient avoir la moindre conséquence néfaste pour la santé.
Il est donc urgent d’attendre, et pour enterrer le problème, vous créez une commission, en l’occurrence, ici, un comité scientifique ! Pis encore, vous prévoyez de laisser passer plusieurs années avant que celui-ci ne puisse intervenir !
Nous espérons que certains scientifiques auront le courage de vous dire que ce comité est un faux-fuyant.
Face à votre proposition, nous avons failli déposer un amendement de suppression. Puis, de manière plus pragmatique, nous avons décidé d’essayer de modifier la composition de ce comité pour le cas où il pourrait avoir une véritable utilité.
Nous interviendrons donc sur la composition de ce comité que vous souhaitez définir par décret, et nous vous proposerons un mode de désignation qui ne sera pas soumis à l’influence politique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 877, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
en bonne santé
La parole est à M. Guy Fischer.