Article 27 ter AA (nouveau)
I. – Au chapitre VIII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est ajouté une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Accords en faveur de la prévention de la pénibilité
« Art. L. 138-29. – Pour les salariés exposés aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail, les entreprises employant une proportion minimale fixée par décret de ces salariés, y compris les établissements publics, mentionnées aux articles L. 2211-1 et L. 2233-1 du même code employant au moins cinquante salariés, ou appartenant à un groupe au sens de l’article L. 2331-1 du même code dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés, sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.
« Le montant de cette pénalité est fixé à 1 % au maximum des rémunérations ou gains, au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du présent code et du deuxième alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés concernés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou le plan d’action mentionné au précédent alinéa.
« Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité.
« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds national de soutien relatif à la pénibilité.
« Les articles L. 137-3 et L. 137-4 du présent code sont applicables à cette pénalité.
« Art. L. 138-30. – L’accord d’entreprise ou de groupe portant sur la prévention de la pénibilité mentionné à l’article L. 138-29 est conclu pour une durée maximale de trois ans. Une liste de thèmes obligatoires devant figurer dans ces accords est fixée par décret.
« Art. L. 138-31. – Les entreprises mentionnées au premier alinéa de l’article L. 138-29 ne sont pas soumises à la pénalité lorsque, en l’absence d’accord d’entreprise ou de groupe, elles ont élaboré, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, un plan d’action établi au niveau de l’entreprise ou du groupe relatif à la prévention de la pénibilité dont le contenu est conforme à celui mentionné à l’article L. 138-30. La durée maximale de ce plan d’action est de trois ans. Il fait l’objet d’un dépôt auprès de l’autorité administrative.
« En outre, les entreprises dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés et est inférieur à trois cents salariés ou appartenant à un groupe dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés et est inférieur à trois cents salariés ne sont pas soumises à cette pénalité lorsqu’elles sont couvertes par un accord de branche étendu dont le contenu est conforme au décret mentionné à l’article L. 138-30. »
II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 241-3 du même code, les mots : « par la pénalité prévue à l’article L. 138-24 » sont remplacés par les mots : « par les pénalités prévues aux articles L. 138-24 et L. 138-29 ».
III. – Les I et II sont applicables à compter du 1er janvier 2012.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet article vise à inciter les entreprises à développer une politique de prévention de la pénibilité du travail, sous peine d’être soumises à une pénalité financière. Ce dispositif n’est pas inintéressant, bien au contraire, mais je m’interroge sur son efficacité réelle.
D’abord, son champ d’application me semble limité. En effet, il ne concerne que les entreprises de plus de cinquante salariés alors que, dans notre pays, la majorité des salariés travaillent dans des PME d’une taille inférieure. Qui plus est, il faut que ces entreprises emploient une proportion minimale, qui sera fixée par décret, de salariés exposés à des facteurs de risques professionnels. Cette condition restreint la portée de la disposition.
Ensuite, le montant de la pénalité – 1 % au maximum des rémunérations ou gains versés aux salariés pour lesquels l’entreprise n’est pas couverte pas un accord – me semble bien faible pour être réellement dissuasif. De plus, ce montant pourra être modulé en fonction des efforts faits par l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité. Autant dire que la sanction risque d’être plus symbolique que réellement pénalisante !
Je regrette également que l’article fixe une obligation de moyens, mais pas de résultat. En effet, une entreprise peut très bien instituer un plan de prévention de la pénibilité ou signer un accord de réduction de la pénibilité, mais l’important est de savoir si ce plan ou cet accord est appliqué, selon quelles modalités et s’il conduit effectivement à une réduction de la pénibilité. De plus, ce document pourra être signé à l’échelon soit de l’entreprise, soit de la branche : dans ce dernier cas, le contrôle sera encore plus restreint.
Enfin, on nous dit que cet article s’inspire du dispositif similaire mis en place en 2009 pour encourager le maintien des seniors dans l’emploi, lequel serait un succès puisque, nous dit-on, la grande majorité des entreprises concernées ont conclu un accord ou développé un plan d’action en faveur de l’emploi des seniors, seules 250 d’entre elles ayant préféré s’acquitter d’une pénalité. Si mes informations sont exactes, 80 accords de branche et 10 000 accords d’entreprise pour l’emploi des seniors ont ainsi été élaborés et près de 3,3 millions de salariés seraient désormais couverts par de tels accords.
Monsieur le ministre, un tel résultat est a priori formidable ! On pourrait espérer en trouver la traduction dans les chiffres du chômage. Le nombre de seniors demandeurs d’emploi ne devrait-il pas s’être réduit ou, au moins, stabilisé ? Eh bien non ! Si l’on se réfère aux chiffres publiés par l’UNEDIC le 24 septembre dernier, entre août 2009 et août 2010, le nombre de demandeurs d’emploi de plus de 50 ans s’est accru de 16,6 %. Votre collègue Laurent Wauquiez déclarait sans rire, il y a quelques mois, que « l’emploi des seniors n’a jamais autant progressé »… Qu’est-ce que cela serait sinon, si le Gouvernement n’avait pas mis en place un plan en faveur des seniors ! Selon vous, « le premier bilan de la pénalité “seniors” montre que cet outil est efficacement dissuasif » ! J’imagine que vous escomptez le même succès s’agissant de la pénibilité. Il y a donc de quoi être dubitatif quant à l’intérêt réel du dispositif, surtout si l’on en attend des effets concrets.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Mon collègue Guy Fischer ne pourra s’exprimer sur cet article, comme il le souhaitait, car la conférence des présidents se poursuit, malheureusement, alors que nos travaux ont repris. Je tenais à le souligner, car M. Fischer participe très activement à ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Sans doute interviendra-t-il sur cet article lors des explications de vote.
M. le président. Madame David, rassurez-vous, je lui accorderai un petit temps de parole supplémentaire !
Mme Annie David. Je partage l’opinion de M. Godefroy sur le dispositif de l’article 27 ter AA, qui vise à « mettre en musique » l’article 25, relatif à la pénibilité, en instaurant une pénalité financière en cas de non-respect par l’employeur de ses obligations.
Or l’article 25 est injuste, car il est exclusivement fondé sur la notion d’incapacité physique de travail, ce qui écarte du champ du dispositif les salariés qui ont été exposés à des produits cancérigènes et dont l’espérance de vie est de fait réduite, sans qu’ils portent aucune marque physique visible de cette atteinte.
Monsieur le ministre, vous ne prenez pas en compte la pénibilité différée, comme vous le demandaient pourtant les partenaires sociaux, hormis bien entendu le MEDEF.
Le dispositif est également injuste en ce qu’il exclut une majorité de victimes du travail pour lesquelles il n’existe pas de tableau de maladie professionnelle ou qui ne seront pas parvenus à obtenir une reconnaissance de maladie professionnelle. Ainsi, les troubles psychosociaux, pourtant en grande augmentation, ne seront pas reconnus au titre de la pénibilité.
Enfin, le dispositif est injuste en ce qu’il ne s’appliquera que de manière individualisée, en excluant l’établissement de listes de métiers ou de classifications professionnelles réputés pénibles.
Quant à l’article 27 ter AA lui-même, nous ne pouvons que constater la faiblesse de son contenu. En effet, il exclut au moins les 4 millions de salariés des TPE et PME, que vous aviez déjà placés hors du champ du dialogue social, monsieur le ministre. Le Gouvernement les considère manifestement comme des salariés de seconde zone, puisque !es accords sur la prévention de la pénibilité ne concerneront que les entreprises de cinquante salariés au moins.
En outre, vous entendez mettre en place une pénalité équivalente à 1 % au maximum des rémunérations ou gains versés aux salariés, pénalité qui pourra d’ailleurs être modulée en fonction des efforts consentis par l’entreprise pour prévenir la pénibilité. Il est en effet prévu que « le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité ». Ainsi, même si aucun accord n’a été réellement conclu ni aucun plan d’action défini, le simple constat d’« efforts » suffira peut-être pour que l’entreprise échappe à la pénalité.
Par ailleurs, vous prévoyez de permettre aux entreprises de préférer un plan d’action à un accord sur la prévention de la pénibilité. Or, dans une entreprise, c’est très souvent lorsque les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à un accord que la direction décide, de façon arbitraire, un plan d’action. Vous le savez pertinemment ! En l’occurrence, ce plan d’action ne sera d’ailleurs assorti d’aucune obligation de résultat. Il suffira à l’entreprise de faire des efforts pour être exonérée de la pénalité.
Enfin, les salariés qui ont été exposés à l’amiante sont très en colère. En effet, une exposition à l’amiante engendre un taux d’invalidité inférieur à 10 %. Si vous laissez les choses en l’état, l’ensemble des salariés aujourd’hui confrontés à l’amiante seront donc exclus du champ de tout accord sur la pénibilité.
Mme Annie David. Peut-être reviendrez-vous sur ce point, monsieur le ministre, mais, pour l’heure, le taux d’invalidité lié à une exposition à l’amiante serait inférieur à 10 %, seuil retenu pour l’entrée dans le champ d’un accord sur la prévention de la pénibilité.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons résolument à cet article 27 ter AA. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.
M. Michel Teston. Selon le Petit Robert, est pénible ce qui donne de la peine, de la fatigue, ce qui se fait avec difficulté ou encore ce qui est difficile moralement. Toujours d’après ce dictionnaire, est invalide celui qui n’est plus en état de mener une vie active, de travailler, du fait de sa mauvaise santé ou de ses blessures. Ces définitions marquent clairement la différence entre la pénibilité et l’invalidité.
Résumer la définition d’un travail pénible à un taux d’invalidité constaté, comme le fait le projet de loi, est très loin de permettre de prendre en compte la pénibilité du travail. Les partenaires sociaux, pour leur part, proposent la définition suivante de celle-ci : « La pénibilité au travail résulte de sollicitations physiques ou psychiques de certaines formes d’activité professionnelle qui laissent des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé des salariés et qui sont susceptibles d’influer sur l’espérance de vie. »
L’Institut national des études démographiques, l’INED, a consacré le numéro de janvier 2008 de sa publication Population et société au thème suivant : « La double peine des ouvriers : plus d’années d’incapacité au sein d’une vie plus courte ». Ce titre même est éloquent. Selon l’INED, à 35 ans, un cadre supérieur peut espérer vivre encore quarante-sept années, dont trente-quatre années indemnes de toute incapacité, même très mineure, contre quarante et une années pour un ouvrier, dont seulement vingt-quatre années sans incapacité. Au total, l’espérance de vie des ouvriers est plus faible que celle des cadres supérieurs et comporte des périodes plus longues au cours desquelles ils devront affronter des difficultés dans leur vie quotidienne, pouvant aller jusqu’à l’incapacité totale d’effectuer certains actes ou gestes essentiels de la vie quotidienne. Il existe donc une réelle inégalité entre catégories socioprofessionnelles, qui doit être prise en compte.
Or, que prévoit le texte du Gouvernement ? Il comporte un dispositif fondé sur l’invalidité, avec un taux minimal fixé à 10 %, c’est-à-dire précisément le niveau d’incapacité permanente qui ouvre droit à une rente viagère à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Le texte du Gouvernement propose donc d’indemniser un dommage, comme cela est déjà le cas. En l’occurrence, il ne s’agit absolument pas de prendre en compte le vécu de la personne concernée pour lui permettre de faire valoir ses droits à la retraite de manière anticipée.
En 2003, l’enquête SUMER de surveillance médicale des risques professionnels faisait apparaître que 56 % des salariés, en France, étaient exposés à au moins une source de pénibilité. Cela signifie qu’un grand nombre de personnes subissent de difficiles conditions de travail susceptibles d’influer sur leur état de santé physique et moral, sans pour autant créer d’invalidité.
Il est donc faux de prétendre, comme le fait le Gouvernement, que ce texte prend en compte la réalité des métiers pénibles. Pour notre part, nous sommes convaincus qu’il est absolument nécessaire d’avoir une action beaucoup plus volontariste en la matière, en proposant notamment aux salariés concernés des majorations d’annuités calculées en fonction de critères comme le travail de nuit, le travail posté ou encore le port régulier de charges lourdes.
C’est la raison pour laquelle nous proposons depuis le début de l’examen du titre IV un certain nombre d’amendements de nature à assurer la prise en compte correcte des situations des personnes soumises à des conditions de travail pénibles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 1048, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
du même code employant au moins
remplacer les mots :
cinquante salariés
par les mots :
onze salariés
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Lors de l’assemblée plénière de 2005 du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, les représentants de la CGT ont rappelé que 80 % du personnel des établissements comptant moins de dix salariés – qui représentent 64 % du total des entreprises – est exposé aux risques professionnels.
Devant ce constat, les pouvoirs publics ne semblent guère mobilisés pour garantir l’efficacité de la prévention dans les PME et les TPE. Cette question est pourtant essentielle. D’ailleurs, une mission d’information sur la pénibilité du travail dans les petites entreprises a été créée à l’Assemblée nationale. Ses travaux ne sont pas achevés. Par conséquent, ses conclusions ne sont pas encore disponibles, ce qui est bien dommage.
Cependant, il suffit de consulter le rapport d’information relatif à la pénibilité au travail du 27 mai 2008 rédigé par le député Poisson pour constater que la prévention de la pénibilité dans les PME et les TPE n’est pas suffisamment prise en compte.
Ce rapport souligne la spécificité de ces structures en la matière : « Les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises posent un problème particulier : sauf rares exceptions, la prévention et le traitement de la pénibilité y sont insuffisamment pris en compte, le plus souvent faute d’interlocuteurs, de moyens et d’information, donc de prise de conscience des enjeux du problème. »
En outre, le rapport relève que les petites entreprises interviennent souvent dans des secteurs d’activité où les conditions de travail sont très difficiles.
Par ailleurs, d’après le rapport, « il ressort des auditions que si des progrès certains ont été réalisés depuis de nombreuses années dans le BTP, la réduction de la pénibilité n’a avant tout été très significative que dans les grandes entreprises. Or, les petites entreprises sont très nombreuses dans le bâtiment (90 % des effectifs sont employés dans des entreprises de moins de dix salariés), contrairement à l’activité de travaux publics. »
Par notre amendement, sans qu’il soit besoin d’attendre des confirmations qui ne manqueront pas de venir, nous proposons que les petites et moyennes entreprises employant entre onze et quarante-neuf salariés soient également soumises à l’obligation de négocier et de conclure un accord en faveur de la prévention de la pénibilité.
Aux termes du code du travail, le seuil légal pour la désignation d’un représentant du personnel et la création d’une section syndicale se situe à onze salariés. À partir de ce seuil, un accord en faveur de la prévention de la pénibilité devrait donc pouvoir être négocié et conclu entre l’employeur et le représentant des salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je voudrais tout d’abord rappeler tout l’intérêt que la commission porte à cette démarche de prévention des situations de travail pénibles, visant en particulier à inciter les entreprises à négocier sur ce sujet. La prévention de la pénibilité passe en effet par une réflexion sur les conditions de travail et surtout sur l’organisation de celui-ci.
Certaines entreprises ont déjà pris des initiatives dans ce domaine, mais d’autres sont encore à la traîne. La procédure prévue à l’article 27 ter AA devrait inciter ces dernières à agir.
Le contenu de cet article peut être rapproché du dispositif destiné à encourager le maintien des seniors dans l’emploi. Dans ce cas, l’instauration d’une pénalité s’est révélée efficace et dissuasive. La grande majorité des entreprises ont en effet conclu un accord ou un plan d’action en faveur de l’emploi des seniors. Un très petit nombre d’entre elles seulement ont préféré s’acquitter d’une pénalité.
La commission insiste fortement sur la nécessité de veiller au contenu et à la bonne application des futurs accords en faveur de la prévention de la pénibilité.
J’en viens maintenant à l’amendement n° 1048, qui vise à étendre le dispositif de la pénalité en cas d’absence d’un accord relatif à la prévention de la pénibilité aux entreprises comptant entre onze et quarante-neuf salariés.
La commission est convaincue qu’une telle mesure n’est pas du tout réaliste. C’est pourquoi elle a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je regrette que vous soyez si laconique, monsieur le ministre, alors qu’il s’agit tout de même de 4 millions de salariés travaillant dans les TPE et les PME ! Voilà quelques semaines, vous vous étiez déjà opposé, lors de l’examen du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social, à l’adoption de mesures qui auraient permis la mise en place dans les TPE et les PME de commissions paritaires à même d’élaborer et de conclure des accords concernant la pénibilité. Ces propositions ont été balayées d’un revers de main ! Que représentent, finalement, 4 millions de salariés…
Les salariés de ces entreprises artisanales sont souvent ceux qui ont les conditions de travail les plus dures, mais ils ne pourront donc pas bénéficier d’un accord en faveur de la prévention de la pénibilité. Je ne comprends pas votre position, monsieur le ministre ! Vous prétendez vouloir faire de la santé au travail une priorité, réduire la pénibilité et favoriser la prévention en la matière, mais quand nous vous demandons de prendre en considération la situation de 4 millions de salariés –excusez du peu ! –, vous ne prenez même pas la peine de nous répondre !
Il est vrai que nous avons déjà pu constater, à l’occasion de l’examen de précédents articles, que cela ne vous dérange pas qu’un maçon soit amené à travailler deux ans de plus, jusqu’à 62 ans s’il justifie à cet âge du nombre de trimestres de cotisation requis ou jusqu’à 67 ans sinon ! En tout cas, moi, cela me dérange !
Ici, s’agissant d’accords en faveur de la prévention de la pénibilité, ce sont encore une fois les plus fragiles d’entre les salariés, ceux qui n’ont pas de représentants syndicaux ni de délégué du personnel pour défendre leurs droits, que vous excluez.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne donnez pas une belle image du Parlement. Que l’on puisse tenir ainsi 4 millions de salariés pour quantité négligeable me met très en colère ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Ne vous mettez pas en colère, madame la sénatrice. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.) J’ai bien compris votre point de vue, mais telle n’est pas la réalité des choses.
Il est assez rare qu’un maçon prenne sa retraite à 65 ans aujourd’hui. En général, ceux qui exercent ce métier ont commencé jeunes et justifient donc de tous les trimestres de cotisation requis une fois parvenus à l’âge légal de départ à la retraite. Ce ne sont pas ces salariés qui prendront demain leur retraite à 67 ans, d’autant qu’ils sont souvent concernés par le dispositif des carrières longues.
Mme Annie David. C’est ce que vous pensez !
M. Éric Woerth, ministre. Ce n’est pas moi qui le pense, c’est la CNAVTS qui l’indique. Vous êtes d’ailleurs suffisamment renseignée pour le savoir. Il ne faut donc pas susciter des craintes infondées : un maçon prendra demain sa retraite à 62 ans au plus tard en général, voire plus tôt grâce au dispositif des carrières longues. Telle est la réalité ! Ce sont les salariés qui n’auront pas un nombre suffisant de trimestres de cotisation qui prendront leur retraite à 67 ans s’ils veulent bénéficier du taux plein. C’est la retraite à la carte.
Mme Annie David. Dans ces métiers-là, beaucoup de travailleurs sont étrangers et n’ont pas toujours travaillé en France !
M. Éric Woerth, ministre. Par ailleurs, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, il n’y a pas de délégué du personnel. La culture des accords d’entreprise y est moins développée. Commençons donc par les entreprises de plus de cinquante salariés, et nous verrons ensuite pour les autres. Dans les toutes petites entreprises, la situation est un peu différente. Nous l’avons bien vu lors de l’examen du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social : un dispositif adapté aux TPE a été mis en place. Voilà pourquoi nous maintenons ce seuil de cinquante salariés dans le présent texte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, j’admire avec quelle aisance vous nous exposez qu’un maçon prendra demain sa retraite à 62 ans, soit deux ans plus tard qu’aujourd’hui, même s’il a toutes les annuités de cotisation requises ! Vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux, en vous référant tantôt à l’âge de 60 ans, tantôt à celui de 62 ans, comme cela vous arrange.
Mme Raymonde Le Texier. C’est ce qu’il fait !
M. Jean-Jacques Mirassou. Par ailleurs, contrairement à la commission, je trouve que l’amendement n° 1048 est tout à fait réaliste. En effet, tout le monde le sait, dans les très petites entreprises, l’application du code du travail est parfois approximative, surtout quand il s’agit des dispositions concernant les conditions de travail et la prévention de la pénibilité.
Par conséquent, ne nous proposez pas de commencer par nous intéresser à ceux qui sont a priori déjà les mieux protégés par le droit du travail, en renvoyant à plus tard l’examen de la situation des salariés les plus fragiles, car ce sont précisément ceux-ci qui ont le plus besoin que la loi prévoie en leur faveur des mesures de prévention de la pénibilité du travail.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il est tout de même très dommage que vous refusiez d’abaisser le seuil à onze salariés, monsieur le ministre, car dans certains secteurs où les salariés sont souvent exposés à des conditions de travail ou à des matières dangereuses, par exemple la construction navale ou le nucléaire, on fait désormais largement appel à des entreprises sous-traitantes qui comptent en général moins de cinquante salariés. Nombre de ces travailleurs vont donc se trouver exclus du champ du dispositif.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Je rappelle que les accords de branche s’appliquent aussi aux petites entreprises, et nous incitons à la signature de tels accords.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. François Autain. Ne vous méprenez pas, mes chers collègues ! Je voulais simplement indiquer que je renonce à mon temps de parole, afin de ne pas ralentir le débat. (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. François Trucy. Merci !
M. le président. L'amendement n° 1049, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
dont l'effectif comprend au moins
remplacer les mots :
cinquante salariés
par les mots :
onze salariés
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Notre amendement précédent visait à élargir aux petites et moyennes entreprises employant entre onze et quarante-neuf salariés l’obligation de négocier et de conclure un accord ou un plan d’action en faveur de la prévention de la pénibilité. Par cohérence, nous proposons de retenir le même seuil pour les groupes d’entreprises.
Les facteurs de risques professionnels n’ont pas de lien avec le nombre de salariés de l’entreprise ou du groupe d’entreprises. Ils peuvent exister dans tous les cas de figure.
Dans mon département, par exemple, un sous-traitant de Metaleurop, entreprise bien connue, a exposé ses vingt-sept salariés à un taux de dioxine considérable pendant de nombreuses années. En conséquence, les éminents professeurs du centre hospitalier régional universitaire de Lille ont recensé une concentration de nombreux cancers de la thyroïde dans la zone où cette entreprise exerçait son activité. Une PME peut donc aussi menacer la santé de la population environnante.
Dans ces conditions, nous ne voyons pas pourquoi certaines entreprises ou groupes d’entreprises pourraient s’exonérer d’une part de leurs obligations en matière de prévention.
Par ailleurs, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peuvent être constitués que dans les établissements employant au moins cinquante salariés. Les personnels des entreprises ou des groupes de taille moindre ne bénéficient donc pas de leur intervention en matière de protection de la santé et de la sécurité ainsi que d’amélioration des conditions de travail. En outre, nous savons que des entreprises demeurent délibérément sous le seuil de cinquante salariés précisément pour échapper à l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise et un CHSCT, au détriment des salariés. La prévention de la pénibilité doit être une priorité partout.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a émis là aussi un avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous avez indiqué que les accords devaient être conclus entre partenaires sociaux, ce qui est difficile à l’échelon d’une petite entreprise. Certes, mais je ne vous apprendrai rien en vous disant que des personnes peuvent être désignées pour mener les négociations. Ainsi, il existe des « conseillers des salariés », qui se rendent à cette fin dans les entreprises dépourvues de délégué du personnel. Je tiens d’ailleurs à leur rendre hommage, car ils accomplissent un travail remarquable auprès des salariés, notamment ceux des TPE et des PME, qui sont les plus malmenés. À cet instant, que l’on me permette d’adresser un hommage particulier à mon mari, qui est conseiller des salariés ! (Exclamations amusées et applaudissements.)
Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, je tenais à souligner que la présence de représentants élus des salariés n’était pas nécessaire pour conclure des accords ; des personnes peuvent être désignées uniquement pour les négocier.
M. le président. L'amendement n° 1050, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
couvertes par un accord
supprimer les mots :
ou un plan d'action
La parole est à M. Michel Billout.