M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 23
I. – Le 3° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou » sont supprimés ;
b) Les mots : « chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « cet enfant, interrompu ou réduit son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État et qu’il ait accompli quinze années de services effectifs » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « aux enfants mentionnés » sont remplacés par les mots : « à l’enfant mentionné » ;
3° (nouveau) Au deuxième alinéa, les mots : « ou à la réduction » sont insérés après les mots : « à l’interruption ».
II. – Le 1° bis du II du même article L. 24 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou » sont supprimés ;
b) Les mots : « chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « cet enfant, interrompu ou réduit son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État et qu’il ait accompli quinze années de services effectifs » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « aux enfants mentionnés » sont remplacés par les mots : « à l’enfant mentionné » ;
3° (nouveau) Au deuxième alinéa, les mots : « ou à la réduction » sont insérés après les mots : « à l’interruption ».
III. – Par dérogation à l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le fonctionnaire civil et le militaire ayant accompli quinze années de services civils ou militaires effectifs avant le 1er janvier 2012 et parent à cette date de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, conserve la possibilité de liquider sa pension par anticipation à condition d’avoir, pour chaque enfant, interrompu ou réduit son activité dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État.
Sont assimilées à l’interruption ou à la réduction d’activité mentionnée au premier alinéa du présent III les périodes n’ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par le décret en Conseil d’État mentionné au deuxième alinéa du 3° du I et au 1° bis du II de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi.
Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa du présent III les enfants énumérés au II de l’article L. 18 du même code que l’intéressé a élevés dans les conditions prévues au III de ce même article.
IV. – Pour l’application du VI de l’article 5, dans la rédaction issue de la présente loi, et des II et III de l’article 66 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée aux fonctionnaires civils et militaires mentionnés au III du présent article qui présentent une demande de pension, l’année prise en compte est celle au cours de laquelle ils atteignent l’âge prévu au dernier alinéa du I de l’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée ou, le cas échéant, l’âge prévu au I de l’article 8 de la présente loi. Si cet âge est atteint après 2019, le coefficient de minoration applicable est celui prévu au I de l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Lorsque la durée de services et bonifications correspondant à cette année n’est pas fixée, la durée exigée est celle correspondant à la dernière génération pour laquelle elle a été fixée.
Le précédent alinéa n’est pas applicable :
a) Aux demandes présentées avant le 1er janvier 2011, sous réserve d’une radiation des cadres prenant effet au plus tard le 1er juillet 2011 ;
b) Aux pensions des fonctionnaires civils et des militaires qui, au plus tard le 1er janvier 2011, sont à moins de cinq années ou ont atteint l’âge d’ouverture des droits à pension applicable avant l’entrée en vigueur de la présente loi ou l’âge mentionné à l’article L. 4139-16 du code de la défense dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi.
Les personnels mentionnés aux a et b conservent le bénéfice des dispositions de l’article L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction antérieure à la présente loi.
V. – Les services administratifs compétents informent, avant le 15 décembre 2010, les fonctionnaires civils et les militaires ayant accompli quinze années de services effectifs et parents de trois enfants vivants ou décédés pour faits de guerre du changement des règles de départ anticipé à la retraite.
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, sur l’article.
Mme Samia Ghali. L’article 23 constitue une régression de plus pour les femmes. Il vise, en effet, à supprimer la possibilité de prendre une retraite anticipée pour les fonctionnaires parents de trois enfants ayant effectué quinze années de services. Certes, cette disposition n’existe pas dans le régime général. Peut-on, pour autant, la supprimer au nom de l’équité, de la justice ? Ce n’est pas en limitant des droits que l’on fait œuvre de justice ! Ce gouvernement est le champion de l’injustice, et son entêtement à vouloir conserver le bouclier fiscal en est la preuve !
Avec cet article, vous ajoutez de l’injustice dans la vie déjà difficile de nombre de nos concitoyens. Vous dites que le dispositif en question, qui date de 1924, ne correspond plus aux objectifs visés : cela est vrai. Pour autant, de nombreuses familles ont bâti un projet autour de cette possibilité de départ anticipé à la retraite. Est-il juste, responsable et digne de leur dire, aujourd’hui, que leur projet de vie reposait sur du vent ?
Dans la version première de ce projet de loi, le Gouvernement mettait les fonctionnaires face à un dilemme cruel : partir immédiatement à la retraite pour conserver leurs droits ou différer leur départ en sachant que leur pension serait moindre. L’État, sans sommation préalable, procédait ainsi à une rupture unilatérale et terriblement brutale de contrat.
En présentant cette disposition, fort heureusement pointée rapidement du doigt par les organisations syndicales, notamment la CFDT, le Gouvernement a semé un véritable vent de panique. En trois semaines, les femmes concernées auraient dû faire un choix entre prendre leur retraite avant l’été 2011, en conservant ainsi le droit à une retraite à taux plein, et ne pas utiliser cette possibilité, quitte à voir le montant de leur future pension réduit de 20 % à 40 %. Or ces femmes, ces foyers avaient patiemment bâti un projet de vie intégrant cette possibilité de départ anticipé.
La méthode de travail du Gouvernement, marquée par l’impréparation, la précipitation, l’inconséquence, la brutalité, se trouve ici parfaitement résumée, alors que celui-ci ne cesse de se prévaloir de son sens des responsabilités.
En la matière, le Gouvernement est certes responsable ! Il est le responsable, et même le coupable, du climat anxiogène et conflictuel qu’il fait naître et s’étendre dans notre société.
Sa décision, assortie d’un calendrier sommaire et étroit, revenait à appliquer, dès le 13 juillet, une disposition figurant dans un texte pas encore adopté. C’est une autre spécialité de ce gouvernement ! Faut-il rappeler, à cet instant, les mesures qui ont été adoptées sans l’approbation préalable du Parlement : réduction du taux de TVA pour la restauration, suppression de la publicité sur France Télévisions, loi de programmation militaire ?
Prendre une telle mesure était surtout irresponsable : le Gouvernement n’a pas anticipé le risque, complètement inconsidéré, de faire subir aux effectifs des services publics hospitaliers et de l’éducation une hémorragie catastrophique pour l’ensemble de nos concitoyens. Le message était finalement très clair : mieux vaut partir à la retraite tout de suite que plus tard !
Alors que ce projet de loi vise officiellement à maintenir le plus longtemps possible, et coûte que coûte, les gens en situation d’emploi, le Gouvernement, en l’occurrence, les incite fortement à partir.
De l’avis même de M. Laurent Hénard, rapporteur pour avis de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur ce texte, « toute personne concernée, bien informée et sensée, aura tout intérêt à activer son droit à pension anticipée ». Selon lui, « cela va contre l’esprit d’un texte qui vise à prolonger la durée d’activité ».
Il a fallu plusieurs jours pour que cette « bourde » soit considérée comme telle. Le Gouvernement a introduit des modifications, mais la version remaniée du texte n’est toujours pas satisfaisante. Elle demeure brutale, injuste et illisible.
Pour prendre en compte l’inquiétude de certains services qui risquent de perdre une partie importante de leurs effectifs, et aussi pour répondre à l’angoisse légitime des agents concernés, le Président de la République a voulu que le dispositif soit maintenu pour ceux qui se trouvent à moins de cinq ans de l’âge de la retraite. C’est bien le moins !
Par ailleurs, la date butoir a été repoussée au 31 décembre 2010 pour un départ à la retraite prévu au plus tard le 30 juin suivant. Mais ce calendrier n’est pas plus réaliste que le précédent. Certes, la majorité a imposé que les services administratifs compétents au sein de chaque fonction publique informent personnellement, d’ici au 15 décembre prochain, les fonctionnaires concernés de l’incidence du changement des règles en matière de départ anticipé à la retraite sur le montant de leur pension. Cependant, compte tenu des différents délais, et même si les administrations travaillent sans doute déjà sur ce dossier, le temps de délibération sur un choix majeur qui engage l’avenir d’un foyer est réduit comme peau de chagrin.
Enfin, c’est vraiment faire abus de langage que de présenter la disparition de ce dispositif comme conforme à un principe d’équité. Il est vrai que suivant qu’un fonctionnaire a réuni les deux conditions – avoir eu au moins trois enfants et avoir effectué quinze années de services – avant ou après les lois Fillon de 2003, le calcul de la pension répond à des règles différentes. Vous êtes les artisans de cette injustice, et il est particulièrement pervers, dans ce cas de figure,…
M. le président. Veuillez conclure, s’il vous plaît.
M. Jean-Patrick Courtois. Voilà pourquoi nous demandons des scrutins publics…
Mme Samia Ghali. … de supprimer un dispositif sous prétexte de remédier à une injustice que vous avez vous-même instituée.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, sur l’article.
M. Jacques Mahéas. Je vois que les rangs s’éclaircissent de plus en plus du côté droit de l’hémicycle… Restera-t-il un sénateur de la majorité pour demander un scrutin public ?
M. Jacques Mahéas. S’il n’en reste qu’un, ce sera donc vous, monsieur Courtois !
M. Jean-Patrick Courtois. Non, mais il en restera bien un !
M. Jacques Mahéas. Cette situation est tout de même étonnante, mais revenons-en à l’article 23…
La nouvelle convergence affichée correspond à une nouvelle régression sociale.
Vous avez décidé de clore le dispositif qui permettait aux fonctionnaires ayant eu au moins trois enfants et ayant effectué quinze années de services effectifs de liquider leur pension avant l’âge de droit commun. Le motif invoqué est qu’il serait logique de maintenir les fonctionnaires dans l’emploi dans un contexte de relèvement de l’âge de départ à la retraite.
À la suite de pressions politiques et syndicales, vous avez renoncé au projet de supprimer ce droit dès le 13 juillet, le jour même du dépôt du projet de loi : c’était une véritable provocation ! Lors du conseil des ministres du 8 septembre dernier, le Président de la République a affirmé que « personne ne doit voir ses projets de vie bouleversés. C’est pourquoi nous proposerons que pour tous les agents qui sont à cinq ans de l’âge de la retraite et qui entendaient demander le bénéfice de cette mesure, les conditions de celle-ci demeurent inchangées. » C’est certes là un progrès, mais seulement pour ceux « qui sont à cinq ans de l’âge de la retraite » !
Voilà un bel exercice de rétropédalage, car ce retour partiel au statu quo ante, désormais intégré au texte, s’avère en totale contradiction avec l’esprit général tant de l’article que du projet de loi. Ne nous en plaignons pas, c’est sans doute un moindre mal, même si, pour l’ensemble des fonctionnaires, le compte n’y est toujours pas ! En effet, ce dispositif transitoire est à la fois sélectif et opportuniste.
Il est sélectif, parce qu’il ne préserve pas le droit acquis par des milliers de fonctionnaires parents de trois enfants au moins, ayant effectué quinze années de services effectifs, mais se trouvant à plus de cinq ans de l’âge de la retraite. Lorsqu’ils ont signé un contrat avec l’État, ils savaient à quoi ils s’engageaient, et certains ont créé leur famille en s’inscrivant dans un projet d’avenir aujourd’hui brisé.
Ce dispositif est également opportuniste, parce que vous trouvez là un bon moyen de contenir l’hémorragie de départs qui aurait eu lieu en 2011. Vous avez bien compris que toutes les personnes concernées s’apprêtaient à demander à partir à la retraite avant l’extinction du dispositif. Dans l’enseignement et la fonction publique hospitalière, notamment, on aurait assisté à des départs massifs de personnel, risquant de perturber gravement le fonctionnement de ces services publics.
Monsieur le secrétaire d’État, j’attire tout particulièrement votre attention sur le cas de la fonction publique hospitalière. En effet, nous avons récemment permis aux infirmières d’accéder à la catégorie A, en renonçant au classement en service actif ouvrant droit à un départ à la retraite à 55 ans. Or elles seront de nouveau pénalisées par le report de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans. La porte du dispositif de départ anticipé à la retraite étant encore entrouverte, celles qui ont la possibilité d’en bénéficier risquent de partir en masse, d’autant qu’elles pourront compléter leur pension amoindrie en prenant un emploi à temps partiel, par exemple, dans le secteur privé. Cela aggravera les difficultés déjà existantes dans nos hôpitaux.
Il faut réfléchir à ce risque, car nous avons déjà bien du mal à faire fonctionner nos hôpitaux.
M. Jean-Patrick Courtois. Évidemment, avec les 35 heures…
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l’article.
Mme Odette Terrade. Monsieur le ministre, puisque vous refusez de l’entendre, je vous le répète, comme l’ont fait mes collègues avant moi : votre réforme est injuste pour les femmes.
L’article 23 en fournit malheureusement une parfaite illustration, car il remet en cause le dispositif de départ anticipé à la retraite destiné aux fonctionnaires parents d’au moins trois enfants et ayant effectué quinze années de services.
Il est certain que ce dispositif va à l’encontre de votre volonté de repousser de deux ans l’âge de départ à la retraite. Pourquoi s’embarrasser de cet obstacle à votre entreprise de casse des acquis sociaux, d’autant qu’il s’agit d’un avantage réservé, de fait, aux femmes, fonctionnaires de surcroît !
Après les majorations de durée de cotisation, c’est maintenant le départ anticipé à la retraite : vous n’avez de cesse d’abolir les dispositions sociales tendant à réparer les injustices professionnelles que les femmes subissent tout au long de leur carrière.
Chaque année, 15 000 personnes bénéficiaient de ce dispositif, conçu à l’origine pour favoriser la natalité et que vous souhaitez, selon vos propres propos, supprimer au nom de l’équité. Selon vous, il faut absolument effacer toutes les spécificités ou plutôt, devrais-je dire, les supposés avantages dont bénéficieraient les fonctionnaires.
En revanche, vous avez décidé de geler la contribution de l’État employeur au financement de la retraite de ses agents. Cette mesure montre bien que tous les efforts d’ajustement liés à l’augmentation des dépenses de retraites sont réclamés aux seuls fonctionnaires, notamment aux femmes. Décidément, vous ne respectez rien, et votre volonté de réformer à tour de bras, au profit des plus privilégiés, ne connaît aucune limite.
Par cet article, vous mettez à mal les choix et les projets de vie de milliers de femmes fonctionnaires et mères de famille, déjà pénalisées de facto par les congés parentaux et les temps partiels.
La fixation au 1er janvier 2012 de la date butoir pour la fermeture du droit au départ anticipé à la retraite va encore aggraver la situation des femmes en matière de retraite. Par l’application du principe générationnel, ce dispositif couperet remet brutalement en cause un droit. Cela conduit à calculer les droits en fonction non plus de l’année de leur acquisition, mais de celle où l’assuré atteint sa soixantième année.
Ce dispositif durcit également les conditions de départ à la retraite dans le cadre de la période transitoire.
Ces considérations justifient le rejet d’un article qui entretient l’opposition entre secteur public et secteur privé. En réalité, il va effectivement placer les deux secteurs en situation d’égalité, en ce que les femmes, qu’elles soient fonctionnaires ou non, sont toutes fortement pénalisées par votre réforme. Toutes en sont les victimes ! Il faut vraiment méconnaître la réalité de la situation des femmes dans notre société pour envisager sereinement, comme vous le faites, une telle perspective, et ne pas entendre l’expression du désarroi de toutes ces femmes fonctionnaires.
Vous avez prévu un mécanisme de lissage qui maquille un peu mieux la mesure, sans rien changer au fond.
Si la possibilité de partir de façon anticipée restera ouverte après 2012, les conditions financières de ce départ seront telles, étant donné que le mécanisme de décote réduira d’environ 30 % le montant de la pension, que, pour éviter d’être trop pénalisées, de nombreuses fonctionnaires seront contraintes de partir avant le 1er juillet 2011. L’extinction totale du dispositif est toujours prévue, et les mesures transitoires, très défavorables financièrement, demeurent inchangées.
La suppression de la possibilité de départ anticipé à la retraite va conduire la majeure partie des femmes fonctionnaires à faire des choix difficiles, à renoncer, peut-être, à une carrière. De nombreuses femmes ont fait des choix de vie en essayant de concilier au mieux leur activité professionnelle et leur vie familiale. Elles ont parfois orienté leurs choix en fonction des dispositions relatives aux conditions de départ à la retraite. C’est à toutes ces femmes que vous tournez le dos sans leur donner plus d’explications.
Au nom de toutes ces femmes qui font le choix de travailler et de vivre mieux, qui font le choix de s’opposer à la domination masculine dans notre société et qui, au final, font le choix de plus de liberté et de démocratie, je m’oppose à cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
MM. Guy Fischer et Robert Hue. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, sur l’article.
Mme Marie-Agnès Labarre. À l’occasion de l’examen précipité des articles 5 et 6, nous avons longuement abordé la question fondamentale des inégalités de salaires dont les femmes sont victimes, et qui se répercutent sur le montant de leur retraite.
Vous avez, dans un premier temps, nié ces inégalités, avant d’affirmer que les retraites n’avaient pas vocation à les compenser. Autrement dit, vous avez pris la décision de ne pas agir, quitte à contraindre les salariées à accepter des pensions insuffisantes pour leur permettre de vivre dignement.
C’est donc en raison de la pression des parlementaires de l’opposition et de celle des millions de femmes et d’hommes qui manifestent dans les rues que vous avez consenti à déposer un amendement au dispositif extrêmement restrictif, tant dans ses finalités que dans ses conditions d’application. En effet, celui-ci exclut du champ de la mesure de report à 67 ans de l’âge de départ à la retraite à taux plein les seules femmes nées entre 1951 et 1955, ayant eu au moins trois enfants et ayant validé auparavant un certain nombre de trimestres de cotisation. In fine, cette mesure temporaire, très limitée dans le temps, ne devrait concerner que 25 000 femmes par an, pendant quatre ans et demi.
Cette annonce, très bien orchestrée du point de vue médiatique, vous a permis de donner l’illusion que vous répondiez aux attentes des femmes concernant leurs retraites. Mais vous vous leurrez si vous croyez que le sujet est clos : l’ampleur des manifestations actuelles le prouve.
En effet, celles et ceux qui rejettent votre projet de loi, de même que les 70 % de Français qui apportent leur soutien aux mobilisations, exigent des mesures fortes en faveur de l’ensemble des femmes, notamment en matière d’emploi, que ce soit en termes de qualité, de sécurité ou de rémunération.
Or, par cet article 23, vous faites une nouvelle fois la démonstration que vous vous souciez moins du montant de la retraite des femmes que de celui du déficit public.
Ainsi, vous proposez de mettre fin au dispositif qui permet aux femmes agents de la fonction publique de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite si elles justifient de quinze ans de services et si elles sont mères d’au moins trois enfants. Pourtant, cette disposition garantit à des milliers de femmes une retraite à taux plein malgré une carrière interrompue par les congés de maternité ou parentaux.
Selon l’association Osez le féminisme, « les mêmes causes vont produire les mêmes effets. La réforme proposée s’inscrit dans la suite de celles de 1993 et 2003, qui ont eu comme conséquence non seulement une baisse générale du niveau des pensions mais également un accroissement des inégalités entre les femmes et les hommes. Si l’objectif d’une réforme des retraites est de garantir à toutes et à tous un niveau de retraite décent et d’œuvrer pour l’égalité entre les femmes et les hommes, le Gouvernement a choisi la mauvaise voie. »
Si vous maintenez cet article, vous priverez chaque année près de 14 000 fonctionnaires, dont 99 % de femmes, de la possibilité de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite.
En conséquence, nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, sur l’article.
Mme Maryvonne Blondin. Le dispositif de cet article touche de plein fouet les femmes, déjà pénalisées au moment de la retraite par les congés parentaux et le travail à temps partiel.
En outre, cet article prévoit des règles de calcul de la pension moins favorables pour les parents demandant à bénéficier du dispositif transitoire. J’ai été moi aussi interpellée par de nombreuses femmes, qui m’ont toutes fait part de leur très vive émotion. En effet, la disposition visée leur garantissait une retraite à taux plein ; ce ne sera plus le cas.
Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, lors de la discussion générale, qu’il s’agissait d’une mesure d’équité, tendant à prendre en compte les demandes de la Commission européenne. Il est regrettable de constater que cela se traduit par la suppression des acquis.
Dès l’annonce de la fin du dispositif, en juillet dernier, les syndicats vous ont alerté sur les risques de départs massifs à la retraite dans certains métiers très féminisés.
Aussi le Gouvernement a-t-il fait adopter à l’Assemblée nationale, afin d’atténuer cet effet de masse, un amendement visant à exonérer de l’application des règles nouvelles tous les agents se trouvant à cinq ans de l’âge d’ouverture des droits.
Mais cet amendement, élaboré dans la précipitation, ne résout que très partiellement, pour ne pas dire aucunement, les problèmes soulevés. Les personnes concernées devront très rapidement, c’est-à-dire avant le 30 juin 2011, présenter leur demande pour pouvoir partir à la retraite de manière anticipée.
Un délai aussi bref est inacceptable, car il posera toujours des problèmes d’organisation aux différents services concernés et des difficultés de formation aux personnels amenés à remplacer leurs collègues partis à la retraite. De plus, la décote subsiste.
Dans ce que M. le ministre qualifie de « mesure d’équité », nous voyons un recul incontestable au regard de la situation présente. Les simulations de calcul de pension réalisées par les personnes concernées font apparaître des écarts importants entre le système actuel et celui que vous proposez.
La réalité est dure et brutale pour ces milliers de femmes qui se sentent trahies en tant que fonctionnaires, en tant que mères de famille ayant eu trois enfants ou plus, dans un pays qui s’enorgueillit de son taux de natalité. Elles sont les grandes perdantes de la réforme des retraites.
Pour nous, l’article 23 constitue à la fois un recul incontestable et une nouvelle injustice envers les femmes. C’est pourquoi nous en demandons la suppression. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 30 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 189 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 354 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 30.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les différentes prises de parole sur l’article 23 ont bien mis en exergue le caractère aberrant de celui-ci.
Nous avons qualifié de mensongère la publicité gouvernementale parue dans la presse, puisqu’elle affirmait, à la suite du Président de la République, le souci du Gouvernement de ne pas défavoriser les femmes, voire d’améliorer leur situation.
L’article 23 est emblématique de l’injustice que le présent projet de loi constitue pour les femmes, en particulier pour celles qui sont fonctionnaires. Il tend à mettre fin à la possibilité de départ à la retraite anticipé offerte aux fonctionnaires parents d’au moins trois enfants après quinze années de services.
Depuis 2003, aux pensions servies dans le cadre de ce dispositif était appliquée une décote calculée l’année où le droit était acquis. Avec la modification que tend à introduire l’article 23, la décote sera calculée en fonction des droits définis l’année où le fonctionnaire concerné aura 60 ans. Le taux de décote sera donc plus élevé. Certes, ce dernier ne peut excéder 25 %, mais la pension moyenne dans la fonction publique hospitalière, par exemple, s’élevant à 1 200 euros, sa hausse pourra avoir une incidence très importante sur les pensions des femmes concernées.
De plus, aujourd’hui, si 20 % des mères usant de la faculté de partir à la retraite de façon anticipée dans la fonction publique font jouer leur droit au minimum garanti, ce pourcentage atteint 50 % dans la fonction publique hospitalière et 60 % au sein de la fonction publique territoriale. Compte tenu des modifications d’attribution du minimum garanti dans la fonction publique, qui imposent désormais d’avoir atteint l’âge auquel on peut bénéficier d’une retraite à taux plein, ces femmes ne pourront plus y prétendre, ce qui aura des conséquences dramatiques et imprévues sur le montant de leur pension.