M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Cet article prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur la création d’une caisse de retraite des fonctionnaires de l’État.
De prime abord, la création d’une telle caisse pourrait apparaître nécessaire, tant il est vrai qu’il a longtemps été impossible de comparer les régimes respectifs des salariés du secteur privé et des fonctionnaires.
Une comparaison objective entre ces régimes n’est pas une mince affaire. On mesure bien son importance dans ce débat à l’utilisation malhonnête qu’en fait le Gouvernement en voulant faire passer, auprès de l’opinion publique, les fonctionnaires pour des privilégiés, cette vieille obsession du patronat et de la droite française ! Tout cela au nom de l’équité, et pour mieux détourner l’attention sur les vraies injustices de sa réforme.
Toutefois, nous doutons que la création de cette caisse soit vraiment de nature à simplifier les choses et à apporter de la lisibilité face à une question aussi complexe.
Notre éminent collègue Dominique Leclerc a, me semble-t-il, également émis quelques doutes, dans son rapport, sur l’utilité de cette création.
Pour notre part, nous estimons que la création d’une caisse de retraite pour l’employeur unique qu’est l’État ne permettrait pas une plus grande lisibilité ni une plus grande transparence du montant de ses engagements pour ces salariés que sont les fonctionnaires.
En effet, tous les éléments de comparaison sont déjà disponibles : outre le compte d’affectation spéciale et les données détenues par le ministère des finances, il faut compter aussi avec la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.
Non, ce ne sont pas les données en elles-mêmes qui posent problème, c’est l’utilisation qui en est faite par le Gouvernement pour justifier l’injustice de sa réforme.
Dans ces conditions, créer une caisse de retraite dédiée aux fonctionnaires ne réglerait en aucune façon le problème. Nous ne voyons donc pas l’utilité de préparer un rapport sur la création de cette caisse, et nous vous proposons par conséquent, mes chers collègues, de supprimer cet article 21 A. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L'amendement n° 27 a pour objet de supprimer l’article 21 A, qui prévoit un rapport relatif à la création d’une caisse de retraite des fonctionnaires de l’État. Or ce rapport peut cependant être utile pour envisager à terme – je dis bien « à terme » – la création d’une caisse qui pourrait concerner l’ensemble des agents des trois fonctions publiques.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Je voudrais simplement rappeler, puisque j’ai été interpellé sur le sujet, qu’il ne s’agit que d’un rapport et que l’on ne peut nullement en présumer le contenu. A fortiori, cela n’empêchera en aucun cas que des opinions parfaitement argumentées, comme celles que je viens d’entendre, puissent s’exprimer dans le cadre de ce rapport.
Enfin, je souligne, madame Éliane Assassi, et M. Jacques Mahéas l’a lui-même rappelé, que, si j’ai prononcé à l’Assemblée nationale les paroles que vous m’avez prêtées, c’est parce que je les ai entendues de la bouche des représentants syndicaux. Ceux-ci m’ont expliqué qu’ils étaient totalement hostiles à la création de cette caisse et que, dans l’hypothèse où celle-ci serait malgré tout instituée, ils refuseraient d’y siéger. C’est exactement ce que j’ai dit et que je répète ; ce n’est en aucun cas contradictoire.
Pour le reste, un rapport n’est jamais qu’un rapport, et chacun est libre d’y apporter ou non sa contribution.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour explication de vote.
Mme Marie-Agnès Labarre. Si la création d’une caisse de retraite est apparue nécessaire pour gérer les relations avec les 47 000 employeurs territoriaux et hospitaliers de la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la création d’une caisse de retraite pour l’employeur unique qu’est l’État n’a tout simplement pas de sens.
Le système en vigueur actuellement donne toutes les garanties de transparence. En effet, depuis la mise en œuvre de la LOLF en 2006, les cotisations des fonctionnaires sont imputées sur les budgets de chaque ministère et reversées au compte d’affectation spéciale « Pensions ».
Ce CAS est placé sous la surveillance de la Cour des comptes et les fonds inscrits ne servent qu’au paiement des pensions. La gestion de ces pensions est réalisée par le Service des retraites de l’État, qui a compétence nationale.
Le CAS « Pensions » permet de tenir une comptabilité en recettes et en dépenses.
Il est vrai qu’aucune cotisation n’est centralisée, puisqu’il s’agit d’une tenue de compte budgétaire. Il n’en demeure pas moins que les fonctionnaires cotisent, sauf que l’État a historiquement jugé inutile de procéder à des transferts de cotisations de lui-même à lui-même. Il se contente donc de verser aux agents leurs salaires nets et de procéder au paiement des retraites sur son budget général.
Après tout, il s’agit de ses propres agents, et c’est d’ailleurs avec eux qu’il aurait fallu négocier !
Les organisations syndicales ont d’ores et déjà proposé qu’une instance spécialisée du futur conseil supérieur commun aux trois versants de la fonction publique, créé par la loi portant rénovation du dialogue social dans la fonction publique, soit mise en place afin de suivre les problématiques des retraites dans la fonction publique. Elles se sont, en outre, fermement opposées, et d’une seule voix, à la création d’une caisse de retraite.
Si une telle caisse venait à être créée, la retraite des agents ne figurerait plus dans les engagements de l’État. Par ailleurs, ses ressources ne seraient plus garanties, puisqu’elles dépendraient de l’équilibre entre le nombre d’actifs – les cotisants – et le nombre de pensionnés. Or les destructions massives d’emplois publics enclenchées à cause de la révision générale des politiques publiques aggravent depuis plusieurs années ce déséquilibre. Une baisse mécanique des pensions s’ensuivrait, ce que nous refusons.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre l’article 21 A s’il n’est pas supprimé.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27, tendant à la suppression de l’article 21 A.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 43 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 921, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2010, un rapport sur les conditions dans lesquelles peut être envisagée l'intégration de l'ensemble des éléments de rémunération dans le traitement de base servant de référence au calcul du droit à la retraite des agents de la fonction publique.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Par cet amendement, nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre de cette année, un rapport sur les conditions dans lesquelles peut être envisagée l’intégration de l’ensemble des éléments de rémunération dans le traitement de base servant de référence au calcul du droit à la retraite des agents de la fonction publique.
En effet, dès lors que le Gouvernement et sa majorité ont fait le choix de porter atteinte au régime de retraite des fonctionnaires en accroissant la durée de cotisation, alors la justice sociale impose d’intégrer les primes et indemnités de toute nature dans le salaire servant de base au calcul du montant des pensions des agents de la fonction publique.
Je vous rappelle que la rémunération des fonctionnaires se compose d’une rémunération principale et de primes et indemnités. Celles-ci ne sont pas négligeables dans le traitement que reçoivent les fonctionnaires. Prenons le cas d’une directrice d’école : ses primes et indemnités peuvent atteindre le montant de 600 euros par mois, soit sur dix mois 6 000 euros ! Elles se décomposent en indemnités de cantine versées par la mairie, en indemnités relatives aux fonctions particulières de maître formateur, ainsi qu’en indemnités relatives aux fonctions particulières de directrice. Dans ce cas, ces 600 euros par mois ne seraient pas pris en compte au titre du calcul de la pension de retraite, ou seulement à 5 %, comme c’est le cas depuis quelques années.
Le passage à la retraite correspond donc à une perte sèche de pouvoir d’achat, alors même que ces fonctionnaires ont œuvré toute leur vie pour l’intérêt général.
J’ai pris cet exemple, mais ils sont en réalité très nombreux, et les primes et indemnités très nombreuses également. Au titre des primes liées aux fonctions, contraintes ou circonstances particulières de travail peuvent notamment être mentionnées les primes attribuées en cas d’accomplissement d’heures supplémentaires, les indemnités attribuées pour compenser les contraintes subies ou les risques encourus dans l’exercice des fonctions ou indemnités de sujétion – indemnité horaire pour travail de nuit ou travail dominical –, les primes attribuées en reconnaissance d’un niveau de qualification et de technicité exigé pour l’exercice de certaines fonctions, les primes liées à la mobilité, celles qui sont liées à l’exercice ponctuel de certaines missions comme les indemnités d’astreinte.
Nous estimerions à ce titre absolument normal que ces primes soient intégrées dans le traitement de base servant de référence au calcul du droit à la retraite des agents de la fonction publique.
Tel est le sens de cet amendement de justice sociale qui permettrait également de renforcer le pouvoir d’achat des retraités fonctionnaires.
M. le président. L'amendement n° 935, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2010, un rapport sur les conditions dans lesquelles peut être envisagée la mise en œuvre des recommandations formulées par le médiateur de la République concernant les conditions d'attribution de la bonification d'un an accordée aux fonctionnaires parents d'enfants nés avant le 1er janvier 2004.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Notre amendement prévoit une nouvelle rédaction de l’article 21 A. Nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement une étude sur les conditions d’attribution de la bonification d’un an accordée aux fonctionnaires parents d’enfants nés avant le 1er janvier 2004.
En effet, si la réforme des retraites de 2003 prévoyait l’octroi de ce droit à tous les fonctionnaires, hommes et femmes, qui ont interrompu leur activité pendant deux mois consécutifs, la réalité fait que cette extension n’est pas toujours effective, du fait même des conditions de l’attribution de cette bonification. Le Médiateur de la République a mis en évidence l’injustice qui résulte des conditions d’application de cette mesure, à savoir l’interruption d’activité de deux mois.
Si, dans une volonté de s’accorder à la jurisprudence européenne, la réforme de 2003 a étendu le champ d’application de cette bonification aux parents d’enfants nés avant le 1er janvier 2004, en réalité, je cite le Médiateur « Les conditions d’attribution ne sont jamais remplies par les hommes, ni par les enseignantes ayant accouché pendant l’été qui n’ont pas pris de congé maternité, ni par les mères adoptantes qui n’ont pas pu prendre ce congé de deux mois ou dont le congé était d’une durée inférieure ».
Pour faire suite à la demande du Médiateur en date du 8 juillet exigeant le rétablissement des droits à bonification de ces fonctionnaires, nous souhaitons avec cet amendement ouvrir le débat en mettant à l’étude les propositions du Médiateur.
Celles-ci préconisaient un assouplissement des règles conditionnant la bonification, parce que la législation pénalise particulièrement les pères et les mères adoptantes, pour lesquelles le congé d’adoption n’existe que depuis 1978, ou les parents qui, pour ne pas impacter le fonctionnement de leur service, n’ont pas interrompu leur activité.
Aucune raison valable ne saurait justifier que ces personnes qui, comme les autres, sont touchées dans leur carrière et dans leurs disponibilités professionnelles par la naissance d’un enfant, ne bénéficient pas, elles aussi, de cette bonification.
Ces bonifications ont en effet pour but de compenser un retard de carrière en raison d’un éloignement temporaire du travail dû à l’enfant. Or l’éloignement ne se traduit pas toujours par la cessation temporaire de l’activité mais, bien au contraire, par le cumul de la charge de l’enfant et de la charge professionnelle. Il nous paraît donc primordial de revoir les conditions d’attribution de cette bonification.
M. le président. L'amendement n° 353 rectifié, présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, MM. Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Marsin, Milhau, Plancade, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Deuxième phrase
Remplacer les mots :
les conditions d'une participation des partenaires sociaux
par les mots :
les mesures visant à associer les partenaires sociaux
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. S’agissant de la création d’une caisse de retraite, notre groupe partage également le sentiment des auteurs de l’amendement de suppression qui vient d’être rejeté, ne voyant pas en effet la nécessité de la création de cette caisse. Toutefois, l’amendement n° 353 rectifié que nous déposons à titre de repli a pour objet de mieux associer les partenaires sociaux.
Notre groupe a suffisamment le sens des nuances pour établir une différence particulièrement sensible entre la participation, d’une part, l’association, d’autre part. Nous pensons que l’association des partenaires sociaux traduit une volonté plus forte et plus manifeste de les intégrer dans cette future caisse des retraites. Je pense que le rapporteur sera sensible à cette nuance de rédaction et qu’il sera dans ces conditions favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 921 veut faire disparaître l’article 21 A dans sa rédaction actuelle. Nous voulons, nous, la conserver. Donc, nous émettons un avis défavorable.
Notre jugement est identique sur l’amendement n° 935, et l’avis de la commission est donc également défavorable.
L’amendement n° 353 rectifié tend à l’association des partenaires sociaux à une éventuelle caisse de retraites de l’État. Or le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit déjà d’étudier les conditions de leur participation à cette hypothétique caisse. Le dispositif actuel apparaissant satisfaisant, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est également défavorable sur les trois amendements.
Sur les primes, le Gouvernement a choisi de ne pas revenir sur le dispositif des six derniers mois. S’il l’avait fait, on serait rentré dans une logique d’intégration des primes. Je rappelle d’ailleurs qu’au titre du régime additionnel de la fonction publique ces primes sont déjà intégrées à 20 %, mais cela correspond en fait à 70 % des masses de primes. Donc, sur ce point, je crois qu’il est prudent de ne pas aller beaucoup plus loin.
En ce qui concerne le rapport de Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, je tiens à votre disposition la lettre que je lui ai adressée pour répondre précisément aux questions qu’il a posées. L’une de ces questions portait sur la pension de réversion, l’autre sur le statut des enseignants et nous avons répondu très précisément.
Pour ce qui concerne Nicolas Alfonsi j’ai déjà répondu tout à l’heure et je maintiens ma réponse sur le principe. Le rapport prévu est, à mon avis, la bonne formule intermédiaire.
M. le président. Je mets aux voix l'article 21 A.
M. Jean Desessard. Chers collègues, nous sommes maintenant majoritaires dans l’hémicycle !
M. le président. Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 44 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Rappel au règlement
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, ce que nous venons de vivre apporte la démonstration de l’absurdité du vote par scrutin public. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Nous nous préparions à voter à main levée, lorsque notre ami Jean Desessard a signalé aux membres de la majorité qu’ils étaient minoritaires. Et voilà que tombe la feuille verte de demande de scrutin public ! Alors que nous sommes une soixantaine dans l’hémicycle, nous nous retrouvons avec 338 votants !
M. Christian Cambon. Cela ne date pas d’hier !
M. Christian Demuynck. Non, en effet !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 21
(Non modifié)
Le 2° de l’article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce taux prend en considération les taux des cotisations à la charge des assurés sociaux relevant de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés et des institutions de retraite complémentaire visées à l’article L. 922-1 du code de la sécurité sociale pour la partie de leur rémunération inférieure au plafond prévu à l’article L. 241-3 du même code ; ».
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, sur l'article.
M. Jacques Mahéas. Chers collègues de la majorité, le recours au vote par scrutin public ne date certes pas d’hier, mais je trouve que, pour « la » réforme du Président de la République, votre mobilisation est extrêmement médiocre !
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Jacques Mahéas. L’article 21 illustre parfaitement la confusion opérée entre convergence et régression sociale.
Comme tous les Français, les fonctionnaires seront touchés par le relèvement de l’âge d’ouverture des droits à pension et l’augmentation de la durée de cotisation. Cet article prévoit également qu’ils soient « frappés », je ne trouve pas d’autre mot, par le passage de 7,85 % à 10,55 % de leur taux de cotisation d’assurance vieillesse. Bien qu’il soit lissé sur dix ans, le processus se traduira, mécaniquement, par une baisse importante de leur pouvoir d’achat.
Or les fonctionnaires ne sauraient être les dupes de celui qui prétendait devenir « le Président du pouvoir d’achat ».
Depuis quelques années, le point d’indice augmente faiblement, en dessous du rythme de l’inflation. C’est pourtant le seul élément salarial qui bénéficie à tous les agents. Alors que le gel du point d’indice sera inévitablement acté pour trois ans, la hausse du taux de cotisation prévue par l’article 21 ne fera qu’accentuer, dans des proportions inédites, une dégradation salariale déjà inquiétante.
Vous affirmez qu’une augmentation de 0,26 % correspond à une augmentation moyenne de 6 euros par mois, autrement dit une somme qui peut sembler négligeable. Mais c’est arrêter un peu vite le calcul ! Au bout de dix ans, ce seront non plus 6 euros, mais 60 euros par mois, c’est-à-dire, tout de même, 720 euros par an !
Sans compter que cet alignement sur le privé n’est équitable qu’en apparence. La convergence forcée entre les règles applicables aux fonctionnaires et celles qui concernent les salariés du secteur privé n’a aucun sens, si ce n’est de dresser les Français les uns contre les autres, alors que tous subissent la même précarité, connaissent les mêmes inquiétudes pour leur avenir comme pour celui de leurs enfants.
Pourquoi chercher un rapprochement, alors que l’organisation des retraites est entièrement différente ? On ne peut isoler certains éléments du système de la fonction publique sans les rapporter à l’ensemble de l’organisation du régime des fonctionnaires.
La retraite des fonctionnaires est un système à un étage, un étage unique, et est calculée à partir du seul traitement indiciaire. La retraite des salariés du secteur privé est construite sur deux étages – retraite de la sécurité sociale et retraites complémentaires obligatoires, ARRCO et AGIRC – et intègre les primes, les indemnités, les heures supplémentaires.
Du reste, des études parallèles montrent qu’il n’y a pas autant de différence que l’on croit entre la retraite du privé et celle du public, compte tenu du niveau en moyenne plus élevé de formation des fonctionnaires du public. Ce serait donc une imposture de vouloir comparer la pension des fonctionnaires à la seule retraite de base des salariés du privé.
De toute façon, à manier les comparaisons hâtives, on court le risque des discours démagogiques qui désignent trop souvent les fonctionnaires comme des privilégiés. En effet, nous avons tous lu des chiffres qui indiquent des écarts parfois spectaculaires, afin d’illustrer de supposées inégalités en faveur du secteur public. Mais il ne faut pas noyer les différences de niveau de qualification dans des moyennes ! Ainsi, on compte 30 % de cadres dans la fonction publique de l’État, contre seulement 16 % dans le privé.
Nous considérons qu’il est aberrant d’engager ce processus de hausse du taux de cotisation d’assurance vieillesse dans une période où l’économie n’est pas encore véritablement repartie – nous le saurions, sinon ! – et où la consommation a besoin d’être soutenue. Or les fonctionnaires sont l’un des moteurs essentiels de l’économie nationale, grâce à leur niveau de consommation.
Nous refusons cet alignement par le bas répété et nous lui préférons un socle de droits communs aux secteurs public et privé.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L’article 21 vise à « rapprocher » les taux de cotisation. Pour traiter le sujet dans sa globalité, mon groupe avait déposé un amendement visant à intégrer les primes des fonctionnaires dans le calcul de leurs retraites et, par voie de conséquence, de supprimer le régime additionnel de la fonction publique, créé il y a quelques années. Cet amendement a été retoqué au motif de l’application de l’article 40, ce que je regrette.
Contrairement à une idée reçue et véhiculée par les médias, les fonctionnaires ne partent pas avec 75 % de leur dernier salaire. Leur taux de remplacement est considérablement amoindri par la non-prise en compte, dans l’assiette, des primes et indemnités. Or la part des rémunérations accessoires progresse sans discontinuer depuis vingt ans.
À la fin de 2008, dans la fonction publique d’État, la part variable représentait 15,5 % de la rémunération globale, contre 14,6 % en 2006. Même les enseignants ont franchi en 2008 la barre des 10 % de rémunération variable. Dans le secteur privé, la rémunération variable représentait en moyenne 14,3 % de la rémunération globale.
Vous avez fait de la performance le maître mot de votre mode de gestion des services de l’État, monsieur le secrétaire d’État, détruisant ainsi l’essence même du service public tout en dénaturant le sens des prérogatives régaliennes.
Bien que les méthodes de management issues de grandes entreprises du secteur privé s’accordent mal avec les missions de nos services publics, vous avez introduit une part variable dans la rémunération des fonctionnaires à l’image de la PFR, la prime de fonctions et de résultats. En ce sens, la PFR est une démonstration de plus de votre volonté de casser le statut de la fonction publique, qui est fondé sur la rémunération indiciaire.
Soucieux de ne surtout pas augmenter les traitements de l’ensemble des personnels, titulaires ou contractuels, en activité ou en retraite, la droite n’a cessé d’accroître la part indemnitaire des revenus des fonctionnaires. C’est effectivement très pratique dès lors que les seuls critères retenus sont des critères comptables et que le dogme libéral pousse à individualiser les primes, prétendument en fonction des résultats obtenus par chacun des agents.
Pourtant, alors que, face aux suppressions massives d’emplois et à la baisse du pouvoir d’achat, se pose avec force l’exigence de revalorisation du point d’indice et de reconnaissance des qualifications, afin de mettre à niveau les rémunérations des fonctionnaires, la part variable dans la rémunération ne cesse d’augmenter.
Pour les ministères où elle s’applique déjà, le montant de la PFR représente en moyenne 23 % de la rémunération annuelle, primes comprises, pour un cadre C, 24 % pour un cadre B et 26 % pour un cadre A.
Ainsi, en plus de dénaturer les missions de nos services publics, la PFR accélère le processus de banalisation des tâches entre les différentes catégories, sous couvert de promotions. C’est l’instauration de la contractualisation comme dans le privé et le développement de l’arbitraire et des pressions en tous genres sur la vie des agents.
Le déplafonnement de l’assiette éligible à la RAFP, la retraite additionnelle de la fonction publique, ne nous apparaît pas comme une solution profitable pour les cotisants. Plutôt qu’une extension du régime additionnel, il nous paraît essentiel de revendiquer l’intégration des primes et indemnités dans le calcul de la pension.
Mes chers collègues, je tenais à vous donner cet éclairage sur l’importance de plus en plus grande de la part variable dans la rémunération variable des fonctionnaires. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)