Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. L’amendement n° 841 porte sur un aspect bien particulier, que vous connaissez tous, de la loi TEPA, également appelée « paquet fiscal », texte formalisé à la demande du MEDEF, et qui a démontré toute son efficacité. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Chers collègues de la majorité, les dirigeants de l’organisation patronale ont établi un programme très clair, et ce bien avant sa concrétisation dans un texte de loi. Il est donc normal que nous nous y référions !
M. Christian Cointat. Vous ne faites que cela !
Mme Marie-France Beaufils. Lors de l’examen de ce texte, et à de nombreuses reprises par la suite, nous avions déjà attiré l’attention du Gouvernement sur des mesures parfaitement idéologiques au service du marché, qui n’auraient absolument aucun effet positif ni sur l’emploi ni sur le développement économique, même si « TEPA » signifie travail, emploi et pouvoir d’achat.
La défiscalisation des heures supplémentaires ne réduit pas le chômage. En effet, une entreprise qui voit son activité augmenter a plus facilement recours aux heures supplémentaires qu’à l’embauche, puisque les premières reviennent moins cher que les heures « normales ». Loin de créer des emplois, l’incitation, par la suppression des cotisations sociales, à effectuer des heures supplémentaires a contribué en réalité à augmenter le chômage !
Cette politique a également eu pour conséquence d’aggraver la pénibilité et la souffrance au travail.
En outre, les exonérations fiscales des heures supplémentaires ont une incidence désastreuse sur le déficit des comptes sociaux. Non seulement les salariés n’ont pas gagné plus en travaillant plus, mais ils perdent aussi du pouvoir d’achat collectif, puisque les services publics et les prestations sociales seront moins importants, en raison de la baisse des moyens sociaux. Qu’il s’agisse du présent ou du futur, les heures supplémentaires ne permettent pas d’augmenter le pouvoir d’achat.
En effet, le calcul de la retraite est indexé sur « la base du volume horaire travaillé, hors heures supplémentaires ». Ainsi, les salariés travaillent sans cotiser pour leur retraite.
Le Gouvernement nous répète inlassablement que l’État n’a plus d’argent et qu’il est gravement endetté. Or nous le savons tous, le Gouvernement, en prenant la décision d’alléger les rentrées fiscales, notamment par la mise en place du bouclier fiscal, est lui-même à l’origine d’une telle situation. Pourquoi faire peser sur les comptes sociaux un manque à gagner de 3 milliards d’euros par an ? Nous ne nous résignons pas à ce constat !
Les exonérations fiscales sur les heures supplémentaires, qui n’ont eu aucun effet positif, pèsent sur les déficits abyssaux de notre protection sociale.
La Cour des comptes elle-même, qui s’en est émue, dénonce la surenchère, depuis 2005, des politiques d’allégement de charges, les jugeant très coûteuses, incontrôlées et inefficaces en matière d’emploi.
Si les salariés ont effectué des heures supplémentaires, c’est parce que leur salaire de base est insuffisant pour vivre et faire vivre leur famille correctement. Ils ont fait ce choix au détriment de leur vie personnelle, de leur santé et de leur formation. Par conséquent, les heures supplémentaires accroissent clairement leur taux d’exploitation.
Mais surtout, en encourageant les heures supplémentaires, le Gouvernement a permis aux employeurs de continuer à tirer vers le bas la rémunération réelle des salariés, contribuant ainsi à réduire les contributions sociales. La progression du salaire moyen de base, c’est-à-dire hors heures supplémentaires, primes et gratifications en tous genres, a d’ailleurs décéléré.
Il est clair que toutes ces mesures de défiscalisation sont un jeu de dupes pour les salariés. L’idée selon laquelle il faut permettre aux plus riches de s’enrichir et au capital de grossir, tandis que les autres travaillent encore plus pour augmenter la richesse nationale ne se justifie en rien.
Cet amendement, qui vise à supprimer les exonérations de charges sur les heures supplémentaires, s’inscrit dans notre volonté de faire participer le capital à la sauvegarde de notre système de retraite et de garantir le droit à la retraite à 60 ans à taux plein. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. J’ai moi aussi été frappé tout à l'heure par l’interpellation de notre collègue Jean-Pierre Fourcade, lequel nous a expliqué avec beaucoup de franchise que, en défendant la nécessité de mieux recourir au levier fiscal, nous n’étions pas sérieux. En effet, selon lui, la fiscalité de notre pays étant déjà importante par rapport à la moyenne européenne, nous ne pouvons pas augmenter encore la pression fiscale.
M. Jean-Pierre Fourcade. Eh oui !
M. Alain Anziani. Mais est-ce vrai ?
Mme Nicole Bricq. Non !
M. Alain Anziani. Pour répondre à cette question, je prendrai deux exemples.
J’évoquerai tout d’abord les impôts qui pèsent sur les particuliers. Voilà quelque temps, le magazine L’Expansion, que l’on ne peut qualifier de « gauchiste », s’était penché sur l’imposition des personnes les plus fortunées de France, en prenant l’exemple de Mme Liliane Bettencourt. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Christian Cointat. Encore !
M. Alain Anziani. Ce n’est pas ma faute si ce fantôme vous poursuit ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Christian Cointat. Il ne nous poursuit pas !
M. Alain Anziani. À la lecture de cet article, il apparaît que, grâce aux divers mécanismes d’optimisation fiscale et au bouclier fiscal, Mme Liliane Bettencourt bénéficie d’un taux d’imposition de 9 %. Nous sommes donc bien loin des chiffres qui nous sont indiqués !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est pour investir ! (Sourires.)
M. Alain Anziani. Examinons à présent le taux d’imposition sur les sociétés, officiellement fixé à 33,3 %. Si j’ai bonne mémoire, au mois de mars dernier, Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, dans une interview au journal La Tribune, lequel n’appartient pas non plus à la presse révolutionnaire, affirmait : « Il existe en France un écart significatif entre le taux d’imposition facial des bénéfices des entreprises, qui est de 33,3 %, et le taux réel, qui est de l’ordre de 22 %. »
J’irai un peu plus loin : parmi les entreprises du CAC 40, 1 500 possèdent des filiales à l’étranger. Un certain nombre d’entre elles, y compris des banques aussi prestigieuses que BNP Paribas, pratiquent l’évasion fiscale dans des paradis fiscaux.
En outre, comme le relèvent plusieurs études, les grandes entreprises du CAC 40 paient en réalité un impôt sur les sociétés 2,3 fois inférieur à celui qui pèse sur les petites et moyennes entreprises. (Mme Claire-Lise Campion acquiesce.)
Ce chiffre – il n’a pas été inventé par le parti socialiste ! – me semble tout de même très significatif.
Que pouvons-nous en conclure, mes chers collègues ? En matière de fiscalité des entreprises, sujet sur lequel nous disposons de données chiffrées, l’État se prive de 8 milliards d’euros de revenus par an.
Mme Raymonde Le Texier. Tout à fait !
M. Alain Anziani. Sont bien évidemment en cause l’évasion fiscale, mais aussi les différentes mesures d’exonération dénoncées par Mme Lagarde elle-même.
Là est le cœur du débat ! Sans doute allez-vous nous répondre, par courtoisie, que vous comptez, dans les prochains mois, comme vous l’avez promis, revenir sur ces inégalités fiscales et mettre fin à la distorsion entre taux facial et taux réel.
J’attire toutefois votre attention sur le fait que la première des réformes aurait dû être celle-là, afin de donner à l’État les ressources budgétaires qui lui manquent aujourd’hui. Pourquoi commencer par imposer à l’ensemble des Français, en matière de droits à la retraite, des conditions d’accès particulièrement difficiles ?
Par cette démonstration, je crois avoir montré clairement la différence entre vous et nous : vous refusez de comprendre que votre réforme est mauvaise parce que, justement, elle nie son injustice. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Christian Cointat. C’est vous qui le dites !
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.
M. Ronan Kerdraon. Yves Daudigny et Alain Anziani viennent de démontrer que votre projet de réforme est une imposture, …
M. Christian Cointat. Pas du tout !
M. Ronan Kerdraon. … fondée sur un raisonnement « Canada Dry ». (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Il a en effet la couleur et le goût de la vérité, mais ce n’est pas la vérité ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Bricq. Voilà !
M. Ronan Kerdraon. Votre réforme, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, est une remise en cause du pacte social construit en 1945 ; elle casse les garanties collectives des salariés sans relever les défis qui sont devant nous et elle est injuste sur le plan de l’équité intergénérationnelle.
D’ailleurs, depuis quelques semaines, et encore aujourd’hui, les jeunes sont dans la rue, non pas parce que nous les y invitons, mais parce qu’ils ont perdu confiance en un système qui ne les protégera pas et qui, au contraire, pèsera sur les jeunes générations.
Oui, avec votre réforme, les jeunes cotiseront plus et, avec le recul de l’âge légal de la retraite et la baisse à venir du revenu des pensions, ils percevront moins. De surcroît, ils vont se faire spolier – racketter, diront certains – des 34 milliards d’euros capitalisés au sein du Fonds de réserve pour les retraites et qui leur étaient réservés.
C’est ainsi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que vous sacrifiez les jeunes générations.
La façon dont le Gouvernement malmène l’éducation nationale pousse les jeunes dans la rue. Ce sont 40 000 postes qui ont été supprimés depuis 2008, dont 1 250 postes de conseiller principal d’éducation. Je pourrais continuer de dérouler la liste.
Parallèlement, le taux d’emploi des jeunes se dégrade par rapport à celui du reste de la population active. Je peux le mesurer tous les jours au travers de mes fonctions de président de mission locale pour l’emploi des jeunes.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, face à un monde en pleine mutation, la solidarité intergénérationnelle et l’équité doivent présider à toutes les politiques publiques. Malheureusement, vous n’avez pas fait ce choix, telle n’est pas votre priorité, alors même que ces objectifs apparaissent dans toutes les interventions du Président de la République.
Dès lors, qui croire ? Ne vous étonnez pas si les jeunes manifestent leur inquiétude tous les jours ; ne vous étonnez pas s’ils estiment votre projet injuste et illégitime ; ne vous étonnez pas s’ils vous considèrent comme le ministre de la précarité accrue. Écoutez leur angoisse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voterai, moi aussi, l’amendement n° 841.
Permettez-moi, à présent, de prolonger le propos de M. Anziani.
M. Nicolas About. C’est nécessaire, car son intervention n’était pas complète ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. En effet, monsieur About, elle n’était pas complète, car notre collègue a uniquement évoqué la fiscalité française !
Je suis favorable au financement de la protection sociale et de l’assurance vieillesse par l’impôt, mais il faut désormais se placer dans le cadre de la mondialisation.
M. Nicolas About. Bien sûr !
M. Jean Desessard. Certains sont pour la mondialisation des marchandises, c’est-à-dire favorables aux délocalisations qui permettent de produire moins cher ailleurs et de réaliser ainsi de gros bénéfices.
M. Nicolas About. Oui !
M. Jean Desessard. D’autres sont pour la mondialisation des plus-values, c’est-à-dire qu’ils veulent être libres de s’installer dans les paradis fiscaux. D’autres encore sont pour la mondialisation des exilés fiscaux, ceux-là même qui, exerçant une activité sur le territoire français et y réalisant des bénéfices, ne payent pas d’impôt dans notre pays, car ils se sont exilés dans des pays plus intéressants en la matière. Il n’y pas que Mme Bettencourt !
M. Christian Cointat. Encore ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Cette pratique est également condamnable.
Enfin, d’autres défendent au contraire la libre circulation non pas des capitaux, mais des hommes.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ah !
M. Jean Desessard. Nous sommes donc en présence de deux politiques différentes. Au Parlement européen, où l’on retrouve l’ensemble des sensibilités politiques composant notre hémicycle, quels sont les députés européens qui se battent pour une harmonisation fiscale et une harmonisation sociale ? Ce sont ceux qui représentent ce côté-ci de notre hémicycle ! (M. Jean Desessard désigne la partie gauche de l’hémicycle.)
Vous prétendez, faisant mine de le déplorer, que nous ne sommes pas libres de conduire la politique fiscale de notre choix.
M. Nicolas About. Il y a beaucoup d’Allemands qui ne paient pas d’impôt !
M. Jean Desessard. Mais que votent les députés européens issus de l’UMP à Bruxelles ?
M. Christian Cointat. À Strasbourg !
M. Jean Desessard. Ils se prononcent en faveur de la libre concurrence, du dumping fiscal et du dumping social, au lieu de se battre pour une harmonisation fiscale à l’échelon européen, qui permettrait de mettre fin à l’exil fiscal, à la concurrence fiscale entre les différents pays, chacun d’eux cherchant, par le biais de régimes fiscaux plus favorables, à attirer les entreprises sur son territoire.
La mondialisation pèse aujourd’hui sur l’économie et tend à remettre en cause les garanties sociales dont nous bénéficions. Lorsqu’on siège au Parlement européen, à Bruxelles, il faut être cohérent et défendre l’harmonisation fiscale et sociale et empêcher que s’installe partout en Europe la libre concurrence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote.
M. René-Pierre Signé. Mon propos, plus précis, moins général, contribuera à faire retomber la tension. Je veux en effet aborder un sujet qui intéresse tout un chacun, à savoir l’ultime période de la vie, à laquelle personne ne cesse de penser.
Qui a beaucoup fréquenté les hôpitaux sait, aussi dévoués et compatissants que soient les médecins, que ce n’est pas forcément du traitement médico-chirurgical que se souvient avant tout une personne ayant été hospitalisée, mais plutôt des soins de suite, de la restauration, du confort, de la manière dont elle a été traitée. C’est bien ce qui la marque le plus.
On peut évoquer d’un mot le côté affectif, pour le gommer. Mallarmé disait que la mort est « un petit ruisseau mal famé ». Sans doute n’avait-il pas dû fréquenter beaucoup les mourants. Au contraire, la mort est quelque chose de terrible, d’effrayant, d’angoissant, qu’on aborde seul, même lorsqu’on est entouré.
Les infirmières et les aides-soignantes, qui savent s’imprégner du désarroi du malade, qui se glissent dans ses souffrances, jouent un rôle évidemment capital.
Je n’y insiste pas, car je devrais alors évoquer la pénibilité, sujet que vous ne voulez pas aborder.
M. Nicolas About. Mais si !
M. René-Pierre Signé. J’en veux pour preuve que, à la notion de pénibilité, vous avez substitué celle d’invalidité.
Cette fonction de « consolatrices » qu’exercent les infirmières et les aides-soignantes n’est pas une sinécure et entraîne une perturbation psychologique. Parce qu’elle n’est pas sans effet sur la santé, elle ne saurait être exercée indéfiniment et être considérée différemment en hôpital privé et en hôpital public.
J’insisterai sur les efforts physiques que nécessite l’exercice d’une telle fonction, efforts susceptibles de créer les conditions de l’invalidité. Ces efforts conduisent aux lombalgies traumatiques, aux accidents musculaires, aux hernies discales, aux déformations vertébrales, aux troubles psychiques et psychosociaux, aux stress des sonnettes répétitives toute la nuit, des plaintes, des cris, des draps qu’il faut changer, des malades qui se souillent, qu’il faut tourner, qu’il faut coucher d’un côté ou de l’autre pour leur épargner les escarres, des malades qui chutent, qu’il faut relever, etc. C’est un travail incessant, au milieu du bruit et des plaintes. Un hôpital, surtout un hôpital de long séjour, c’est quelque chose d’horrible. Il faut y avoir travaillé pour en prendre conscience.
Comme l’a dit notre collègue François Autain, il ne faut pas établir une différence de traitement entre le privé et le public. Il est bien normal que les personnels qui exercent de telles fonctions puissent souhaiter se consacrer un peu à eux-mêmes ou à leurs familles sans avoir à supporter la charge trop lourde de la douleur, du malheur, de l’invalidité des autres, sans être obligées de l’intérioriser. Ils aspirent à retourner à une vie plus normale, plus sereine et plus détendue.
C’est pourquoi l’âge de la retraite dans les secteurs public et privé doit être uniformisé et, surtout, les avantages professionnels dont bénéficient les personnels du secteur public doivent être étendus à ceux du secteur public, car la fonction, le travail et les difficultés rencontrées sont les mêmes.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. À la suite de mes collègues, je dirai quelques mots sur la question de la fiscalité, car on touche là au fond d’une logique qui guide votre réforme. Pour notre part, nous ne contestons pas qu’une réforme soit nécessaire, mais nous proposons une autre approche.
Partant du principe qu’il manque 40 à 45 milliards d’euros, vous n’avez pas trouvé mieux pour combler le déficit que de reporter à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite et à 67 ans l’âge permettant de bénéficier d’une pension à taux plein, à défaut de pouvoir demander aux salariés des efforts supplémentaires.
Nous constatons tous les jours, comme tous les Français, au travers de multiples exemples, que vous faites preuve d’une tendresse particulière, voire de laisser-aller, envers les revenus du capital, sans le moindre regard généreux et compréhensif pour nos concitoyens qui doivent lutter contre des difficultés croissantes dans leur vie quotidienne.
C’est bien pour cette raison que, comme certains commencent à le dire ouvertement, vous perdez la bataille de l’opinion, …
M. René-Pierre Signé. Elle est perdue !
M. David Assouline. … et non parce vos propos seraient marqués à tel ou tel endroit par le mensonge.
À l’appui de ma démonstration, j’évoquerai un épisode particulièrement scandaleux, qui n’a guère été relevé.
La Société générale, à défaut d’avoir été reconnue coupable dans l’affaire Jérôme Kerviel, a vu sa responsabilité partiellement mise en cause au motif qu’elle n’avait pas mis en place des mécanismes de surveillance et de contrôle suffisants.
M. Christian Cambon. C’est une décision de justice !
M. David Assouline. Je m’attache à l’aspect non pas judiciaire, mais fiscal du dossier !
Or, en fin de semaine dernière, nous avons appris que la Société générale a bénéficié d’une exonération fiscale d’un montant de 1,7 milliard d’euros à la suite de ses pertes, en dépit, donc, de sa part de responsabilité !
Mme Catherine Dumas. Quel rapport avec le débat ?
M. David Assouline. Cette mesure en faveur de la banque, jamais aucun citoyen, fût-il dans la détresse, n’aurait pu en bénéficier ! Jamais aucun citoyen ne s’est vu accorder un répit quand un huissier frappe à sa porte pour saisir son poste de télévision ! (M. Nicolas About s’exclame.) Y compris dans votre camp, certains considèrent que cette situation est anormale. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
D’ailleurs, l’affaire n’est pas close : alors que nous nous échinons ici à trouver de l’argent pour que le déficit du régime des retraites ne pèse pas sur les salariés, le ministère du budget a décidé, d’un trait de plume, l’exonération de cette somme gigantesque de 1,7 milliard d’euros.
M. Gérard Dériot. Pas du tout !
M. David Assouline. Bien sûr, comme ne manquent pas de le souligner certains, cette exonération est parfaitement légale quand une entreprise dégage une perte exceptionnelle dont elle n’est pas responsable. Dans ce cas, elle peut déduire 33 % de cette somme dans sa déclaration d’impôt sur les sociétés. Sur l’exercice 2008, l’État a donc épongé un tiers de la perte occasionnée par Jérôme Kerviel.
Ce qui est parfaitement scandaleux, c’est que la Société générale demande néanmoins par voie de justice à son ancien salarié de lui rembourser non pas les deux tiers restants, mais la totalité des sommes qu’elle a perdues.
Il s’agit là d’une injustice énorme (Mme Catherine Procaccia proteste), à l’image de celles que nos concitoyens constatent chaque jour pour eux-mêmes et qu’ont rappelées nos collègues. Les Français sont prêts à faire des efforts, mais ils veulent que ceux-ci soient équitablement répartis. Ce n’est pas la voie suivie par votre réforme.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Parmi les orateurs qui viennent de s’exprimer, l’un d’eux a affirmé que le Gouvernement « se réjouissait ». Je lui répondrai que ce dernier fait simplement son devoir en réformant notre système de retraite. C’est déjà beaucoup.
Monsieur Assouline, vous dites que nous perdons la bataille de l’opinion ; mais vous, au parti socialiste, vous perdez la bataille de la responsabilité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Vous perdez également la bataille de l’image, puisque le parti socialiste n’apparaît pas comme un parti de gouvernement. C’est cette bataille que vous perdez en ce moment ! D’ailleurs, M. Valls lui-même a appelé à la prudence en reconnaissant ce matin que cette réforme n’était pas entièrement mauvaise. Il s’est même montré circonspect face à l’appel au référendum de certains. Ses propos vont très loin. De même, M. Ayrault a déclaré que tout n’était pas à jeter et que certains aspects de la réforme devaient être conservés. C’est dire l’extraordinaire fracture qui existe au sein du parti socialiste sur la façon d’aborder cette réforme des retraites !
Il est évident que vous ne pouvez dire non à tout ; vous ne pouvez nous enjoindre de revoir entièrement ce projet de loi, de tels propos sont irresponsables ; vous ne pouvez vous contenter d’encourager les jeunes à manifester dans nos rues, comme l’a fait Mme Royal sur TF1, devant des millions de téléspectateurs.
MM. Christian Cambon et Alain Vasselle. Scandaleux !
M. Éric Woerth, ministre. C’est là un comportement parfaitement irresponsable, que vous paierez un jour. Si les élections à venir constituent votre unique préoccupation (M Yves Daudigny proteste.), laissez-moi vous dire qu’il est dangereux de jouer sur la fibre démagogique comme vous le faites !
Certes, vous formulez des propositions. Mais vous ne disposez d’aucun projet d’ensemble pour les retraites ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Vos propositions sont essentiellement financières.
Vous nous conseillez d’augmenter les impôts ; vous nous indiquez où nous pourrions trouver plus d’argent ; vous évoquez le cas de la Société générale, …
M. David Assouline. Non ! C’est vous qui avez fourni des recettes à la Société générale !
M. Éric Woerth, ministre. … en reconnaissant la légalité de notre action, mais en émettant un jugement négatif. Une chose est certaine, le Président de la République a lancé l’idée d’une réforme de la fiscalité du patrimoine. Voilà qui est bien naturel en période de sortie de crise. Ce débat, nous l’aurons à partir de l’année prochaine. (Mme Raymonde Le Texier s’exclame.)
Dans l’immédiat, il me paraît important de rappeler les propositions du parti socialiste permettant de trouver de nouvelles recettes susceptibles de financer notre système de retraite. Vous entendez ainsi prélever 3 milliards d’euros sur l’intéressement et la participation, ce qui revient à multiplier par cinq la fiscalité actuelle.
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
M. Éric Woerth, ministre. L’intéressement et la participation concernent respectivement 5,4 millions et 4,9 millions de salariés aujourd’hui. C’est donc la France de tous les jours qui sera touchée par votre mesure, non la France des grands investisseurs que vous dénoncez ! C’est la vie quotidienne de millions de salariés qui est concernée ici.
Mme Nicole Bricq. Il faut le dire à M. Carrez, qui prépare un amendement !
M. Éric Woerth, ministre. Vous souhaitez donc multiplier par cinq la fiscalité de la participation et de l’intéressement et augmenter la CSG sur les revenus du capital. Mais vous vous gardez bien de fixer le rendement de telles mesures, qui sont dangereuses, puisqu’elles concernent près de 20 millions de Français ayant souscrit une assurance vie ! Alors, comme vous n’avez pas le courage d’entreprendre des réformes difficiles, vous décidez de taxer les revenus du capital au travers de la CSG. Mais vous ne précisez ni l’assiette, ni le montant, ni les situations donnant lieu à imposition. De même, vous ne dites mot sur l’assurance-vie !
Votre silence ne saurait apporter de nouvelles ressources au régime de retraite ! Vous proposez d’augmenter les cotisations salariales d’un point. C’est une mesure responsable, bien que nous la considérions peu opportune. Elle contribuera en effet à amoindrir le pouvoir d’achat des Français, même si vous mettez une décennie à y parvenir. Ce sont ainsi 4 milliards et demi d’euros que vous souhaitez prélever aujourd’hui aux Français.
Mme Nicole Bricq. Ce que l’on vous propose, vous le rejetez systématiquement. Nous n’avons pas de temps à perdre !
M. Éric Woerth, ministre. Vous proposez d’augmenter la contribution sur la valeur ajoutée, afin de lever près de 7 milliards d’euros supplémentaires. Or cette contribution est issue de la réforme de la taxe professionnelle. Votre proposition revient à en annuler les effets, qui ont pourtant une importance considérable sur la compétitivité de nos entreprises. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
D’ailleurs, lorsque, dans vos départements respectifs, vous entendez des dirigeants de PME se féliciter de la baisse de taxe professionnelle, vous les confortez certainement dans leur satisfaction ! Le contraire m’étonnerait. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. David Assouline. Nous ne visons pas les PME ici !
Mme la présidente. Mes chers collègues, veuillez laisser M. le ministre s’exprimer !
M. Éric Woerth, ministre. Vous êtes proches des entreprises uniquement lorsque la réciproque est vraie ! Je l’ai déjà constaté à plusieurs reprises !
Mme Nicole Bricq. Et c’est vous qui dites cela !
M. Éric Woerth, ministre. Ensuite, fait extraordinaire, vous trouvez des ressources qui n’existent pas !
M. David Assouline. Où sont vos 15 milliards d’euros de déficit, monsieur le ministre ?