M. Dominique Leclerc, rapporteur. Et c’est très bien !
M. Guy Fischer. Le problème étant désormais de savoir si la marge en question existe puisque notre collègue Longuet, si j’en crois ses affirmations de ce matin, semble en douter.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas son genre !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est bouclé !
M. Guy Fischer. Tout serait bouclé, décidé, et rien ne bougerait plus sur les points essentiels de cette réforme !
L’objet de l’amendement centriste est de moduler quelque peu le processus de relèvement de deux ans de l’âge de départ à la retraite sans décote et de répartir non plus sur six mais sur douze ans les deux années complémentaires que l’on va demander à certains pour y avoir droit.
Une telle initiative serait motivée, selon l’exposé des motifs, par le fait que nombre des personnes validant leurs trimestres de retraite après l’âge légal de départ en retraite sont, au moment de la liquidation, déjà largement en dehors de toute activité professionnelle. Cela, nous le savons tous !
Pour un certain nombre, ils ont même connu de longues périodes de chômage et peuvent se trouver dans la longue liste des dispensés de recherche d’emploi, qu’on connaît parfaitement à Pôle emploi et dont le nombre important est mis de côté pour masquer la réalité d’un chômage de masse.
À la vérité, nous pensons que, dans quelques années, le processus sera quelque peu différent. Dissuadées de licencier les salariés les plus âgés, les entreprises vont également se trouver confrontées à une population salariée ayant un niveau de qualification initiale plus important et une expérience professionnelle sans doute assez nettement différente de celle des actuelles générations de retraités.
Avoir 60 ans en 2010, c’est-à-dire 20 ans en 1970, à une époque où la France comptait 250 000 étudiants et moins d’un demi-million de chômeurs, ce n’est pas pareil qu’avoir 60 ans en 2025, c’est-à-dire souvent avoir eu un cursus universitaire relativement important et, pour les femmes, une carrière autrement plus remplie. En 1980 ou 1985, la France comptait, en effet, plus d’un million d’étudiants et le nombre de ceux-ci n’a cessé, depuis, de progresser, de même que celui des diplômés de l’enseignement du second degré.
Ce que nous risquons de trouver dans les années 2020 à 2030, ce sont donc plutôt des salariés âgés qui n’auront pas le compte d’annuités nécessaires pour avoir une retraite à taux plein et, surtout, qui ne les auront pas avant l’âge de 62 ans, au motif que leur intégration professionnelle aura commencé bien plus tardivement que celle de leurs parents ou des générations précédentes. C’est évident !
Nous savons que la question du rachat des années d’études est en filigrane dans ce débat et qu’elle est loin d’être tranchée, mais ce dispositif coûte très cher, il est peu efficace et touche un nombre très limité de personnes.
Il va falloir de même se demander comment prendre en compte ces années d’études. On pourrait fort bien prévoir pour celles-ci une participation au sein des droits d’inscription versés à chaque rentrée universitaire ; ce serait le signe que la préparation d’un diplôme de l’enseignement supérieur serait comme un rattachement de l’étudiant à la collectivité, que l’étudiant serait un travailleur en formation.
Pour l’heure, l’amendement de nos collègues est celui du moindre mal. En effet, il ne s’agit pas d’une véritable avancée, puisque ce dernier ne vise qu’à mettre un peu de pommade sur le recul social imposé. C’est la raison pour laquelle nous ne pourrons pas le voter.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Cet amendement, qui vise à atténuer en fait la brutalité d’application de la réforme, nous renvoie au débat sur lequel il y a eu des instrumentalisations et des faux procès. Je voudrais y revenir.
Tout d’abord, le FMI, bien entendu, n’a pas à dicter les débats du Sénat français. Mais quand on veut faire référence à un rapport dans lequel il est précisé qu’il ne peut en aucun cas être imputé à l’institution elle-même – c’est l’un des multiples rapports émanant des analyses de tel ou tel département du FMI –, alors on le fait jusqu’au bout, ne serait-ce que pour ne pas figurer dans les « bobards » que dénonçait Libération ce matin.
En lisant le rapport jusqu’au bout, on pouvait lire que la mesure de recul de l’âge ouvrant droit au taux plein était envisageable, mais pour les deux décennies à venir. Or cette mesure d’âge est mise en application avec brutalité, entre 2011 et 2016, autrement dit tout de suite ! Ce n’est pas la même chose ! L’amendement de M. About mettait donc le doigt sur cette brutalité qui n’existe nulle part ailleurs.
On nous donne en exemple l’Allemagne, mais, dans ce pays, l’échéance est pour 2027. Dans les deux décennies à venir, cela nous mène à 2030 : pourquoi choisir 2016 pour l’application de cette mesure d’âge ?
Tout l’esprit de la réforme se trouve dans cette brutalité : il n’y a pas de négociation, l’application est précipitée, la recherche de financements, que l’on ne trouve pas, se fait également dans la brutalité et la précipitation !
Monsieur Woerth, comme je suis têtu, je remarque qu’à ma question de tout à l’heure, posée un certain nombre de fois dans cet hémicycle, vous n’avez toujours pas répondu : à quoi correspondent les 15 milliards d’euros que vous ne trouvez pas et qui sont appelés « contributions de l’État » dans le tableau de financement diffusé à la conférence de presse que vous avez organisée pour présenter votre projet de loi ?
Vous allez puiser cette somme dans le fonds de réserve des retraites, mais je ne comprends pas ce que vous ferez ensuite, à partir de 2012. Si vous ne voulez pas répondre, ce n’est forcément pas un oubli, c’est que vous cachez quelque chose aux Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. M. Fischer m’a mis à nu. Effectivement, nous avons une habitude – c’est peut-être un réflexe médical – qui est d’abord de se demander comment ne pas nuire, comment essayer d’amortir la situation pour les plus fragiles.
Lorsque nous avons conçu ces amendements à l’article 6, nous ne sommes pas partis du principe que le Gouvernement retiendrait nos amendements concernant les parents qui s’arrêtent pour élever leurs enfants ou pour s’occuper d’un enfant handicapé.
Certains m’ont raillé en disant que j’avais copié le Gouvernement, mais j’étais loin d’en être sûr à ce moment-là. Le Gouvernement ayant accepté l’amendement concernant les enfants handicapés majeurs, nous avons considéré que nous avions obtenu ce que nous souhaitions dans un premier temps. Par ailleurs, la mesure dont nous parlons maintenant entrant en application en 2017, si des distorsions condamnables apparaissent d’ici là, nous pourrons y revenir. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Pour l’heure, considérant que nous avons obtenu ce que nous souhaitions, nous n’avons pas de raison de maintenir des amendements de repli. Dans ces conditions, j’ai retiré ces deux amendements et nous voterons contre leur adoption. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Marc Daunis. Ce n’est plus un repli, c’est une retraite ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Soutenir cet amendement, c’est vouloir essayer de réduire les effets néfastes d’une réforme, en particulier chez ceux de nos concitoyens qui sont les plus humbles et les plus fragiles.
Avec cette réforme, le Gouvernement arrive en quelque sorte « au bout du rouleau » sur le terrain social. C’est un peu comme si tout ce qu’il touchait était marqué du sceau de l’injustice.
En effet, nous l’avons dit et il faut le répéter, il faut dire la vérité aux Français : les bons petits soldats de la réduction du déficit seront bien les salariés qui travaillent depuis longtemps, ceux qui ont commencé à travailler dès leur plus jeune âge, avant vingt ans, ceux qui souvent sont les moins qualifiés et qui occupent les métiers les plus pénibles. Ils apporteront 20 milliards d’euros à la réforme. Dans le même temps, 1 % des ménages les plus aisés, ceux qui acquittent la tranche d’impôt à 40 %, seront imposés à 41 % et apporteront 230 millions d’euros.
Comment peut-on supporter l’idée que, pour combler un déficit créé à 50 % par la crise, 85 % des efforts soient fournis par les salariés ?
Votre réforme crée des oppositions entre les riches et les pauvres, entre les salariés et les détenteurs du capital, et même entre les travailleurs d’un même âge, ainsi qu’entre les différentes générations !
Si l’on voulait reprendre un slogan parmi ceux qui ont été scandés pendant les manifestations en le modifiant quelque peu, on dirait : « Cette retraite, c’est la Rolex à 50 ans, l’injustice à 62 ans et le couperet à 67 ans » ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 592 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote sur l'amendement n° 37.
Mme Michelle Demessine. J’aimerais insister tout particulièrement sur cet amendement qui a été défendu vendredi, car il est très important pour les travailleurs handicapés.
Si la possibilité d’obtenir une retraite anticipée à 55 ans a été élargie à tous les travailleurs handicapés alors qu’elle ne concernait auparavant que ceux qui bénéficiaient d’une incapacité permanente au moins égale à 80 %, il n’en demeure pas moins que, pour en bénéficier, ces derniers devront avoir cotisé au moins vingt-six années.
Or, on le sait, ce sera difficile pour un grand nombre de travailleurs handicapés, qui ont souvent des carrières morcelées.
L’article 6 reculant de deux années l’âge ouvrant droit à la retraite à taux plein, il pénalise déjà un grand nombre de futurs retraités ; c’est le débat que nous avons sur cet article depuis vendredi. Or, cette disposition sera encore plus cruelle pour les salariés handicapés qui, en travaillant, ont manifesté leur volonté de ne pas être à la charge de la société.
Par cet amendement, nous souhaitons donc que soit prise en compte cette injustice supplémentaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 38.
Mme Odette Terrade. Vous l’aurez compris, cet amendement qui concerne les aidants familiaux prévoit que l’on gèle pour eux la législation et qu’ils puissent disposer du droit à la retraite sans décote à 65 ans, au lieu de 67 ans comme vous le proposez.
Les aidants familiaux, dont le nombre est estimé à 300 000, jouent un rôle important, puisqu’ils sont les personnes qui viennent en aide, à titre non professionnel, en partie ou totalement, à des personnes âgées ou en situation de handicap.
Lors de la réunion de la commission des affaires sociales, un sénateur de la majorité, qui se réjouissait de l’adoption de la « mesurette » concernant les femmes, affirmait à raison : « il faudrait également que l’on prenne en compte les personnes qui accompagnent les personnes âgées ».
C’est précisément l’objet de cet amendement, qui concerne à la fois celles et ceux qui aident au quotidien les personnes en situation de handicap ou dépendantes en raison de leur âge ou des maladies liées au vieillissement de la population.
Les aidants familiaux, qui sont souvent des femmes, contraints d’arrêter ou de réduire leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs proches, notamment en raison du manque criant d’établissements d’accueil, se retrouvent avec des carrières morcelées qui dégradent considérablement le montant de leur retraite.
Rien ne serait donc plus légitime que d’accorder aux personnes qui ont consacré une partie de leur temps à aider leurs proches des éléments de sécurisation sociale comparables à ceux qu’ils auraient eus s’ils ou elles avaient poursuivi leur activité professionnelle. Cela est d’autant plus vrai que, selon une étude de l’INSEE, le temps que les aidants consacrent à leurs proches est deux fois supérieur à celui des intervenants professionnels.
Cette action au service des proches, qui vient souvent en substitution de structures n’existant pas ou n’ayant plus de capacité d’accueil, entraîne des difficultés financières qui se répercutent par la suite.
Aussi proposons-nous avec cet amendement de permettre aux aidants familiaux de ne pas subir les effets du report de l’âge légal ouvrant droit à une retraite sans décote.
C’est en tout cas le sens de l’amendement de notre groupe, qui est suffisamment important pour justifier un vote par scrutin public que je vous demande, monsieur le président, de bien vouloir organiser.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, nous allons voter cet amendement mais je voudrais insister sur ce que disaient Mmes Terrade et Tasca tout à l’heure.
En effet, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, cet amendement vise essentiellement les aidants familiaux, ou plutôt les aidantes familiales. Ainsi que l’affirmait Mme Tasca il y a quelques instants, les femmes sont bien le pilier de la solidarité dans notre pays aujourd’hui.
Elles font des enfants, elles s’en occupent lorsqu’ils sont petits, lorsqu’ils vont à l’école puis quand ils sont grands. Elles s’occupent ensuite des enfants de leurs enfants, de leurs vieux parents et, en général, des parents de leur conjoint.
M. Jean-Claude Gaudin. Ça, c’est moins sûr !
Mme Christiane Demontès. Dans la mesure où les aidants familiaux sont des femmes, il conviendrait donc, j’y insiste, de revenir à la limite d’âge de 65 ans pour celles-ci, et éventuellement pour les quelques hommes qui sont dans la même situation – ne soyons pas sexistes !
Il est donc extrêmement important de voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. J’ai déposé un amendement n° 248 rectifié visant à laisser la possibilité de déterminer par décret en Conseil d’État l’âge ouvrant droit au taux plein pour les aidants familiaux, lesquels rencontreront des difficultés si une décote est appliquée avant 67 ans.
Nous avons accepté avec beaucoup d’intérêt l’amélioration consentie aux mères de famille de trois enfants et plus et aux parents d’enfants lourdement handicapés, mais il me semble que les aidants familiaux constituent une nouvelle catégorie de personnes pour lesquelles la décote dès l’âge de 65 ans poserait problème.
Plutôt que d’agir brutalement, un décret en Conseil d’État permettrait d’affiner cette proposition qui a été discutée en commission.
Je souhaite donc déposer un sous-amendement à l’amendement n° 38 afin de compléter l’alinéa 3 par les mots : « dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État ».
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Le sujet des aidants familiaux est l’une de nos préoccupations principales. Les arguments développés par Christiane Demontès ainsi que la panoplie des emplois qu’ils couvrent le démontrent.
D’une certaine façon, poser ce problème aujourd’hui, c’est anticiper la loi sur la dépendance. L’aide à la personne est, à l’heure actuelle, un des principaux gisements d’emplois et mérite à ce titre d’être inventoriée et explorée. À travers cet amendement, nous avons souhaité prendre en compte cette réalité en nous appuyant sur notre expérience. Les conseillers généraux, en particulier, savent tout le champ que revêtent ces emplois-là, qui sont bien souvent des emplois hachés, précaires, assurés par des associations.
Les associations du secteur connaissent d’ailleurs de plus en plus de difficultés de financement et ont lancé un appel au secours. Or ce sont elles qui, bien souvent, assument la responsabilité de la gestion de cette aide à la personne à la place des conseils généraux. Aujourd’hui, elles sont de plus en plus asphyxiées, garrotées. C’est un véritable problème dont on entendra de nouveau parler : nous devons en avoir conscience. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Je voudrais indiquer que l'amendement n° 38, tel que modifié par notre collègue Gilbert Barbier, correspond à l’esprit de ce que nous avons défendu concernant l’arrêt d’activité en faveur d’un enfant handicapé, mineur ou majeur.
Nous considérons que, chaque fois que c’est un membre de la famille qui remplit ces missions d’aidant familial, il y a lieu d’en tenir compte si cette situation est de nature à perturber profondément sa carrière. Dans ces conditions et dans cet esprit, en sachant bien entendu qu’il appartiendra au décret de rendre cohérent ce dispositif avec celui que nous avons adopté pour les parents de trois enfants et d’enfants handicapés mineurs ou majeurs, je voterai assurément cet amendement modifié.
M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 1201, présenté par M. Barbier, et ainsi libellé :
Alinéa 3 de l'amendement n° 38
Compléter cet alinéa par les mots :
dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État
Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je ne dispose pas d’éléments chiffrés sur le sujet. Nous avons évidemment étudié des situations, notamment sur les aidants, mais nous sommes plus proches du sujet de la dépendance, prochain projet du Gouvernement.
Par conséquent, le Gouvernement s’en remet également à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je voudrais plaider pour l’amendement n° 38, éventuellement sous-amendé, et interpeller le Gouvernement au nom de la cohérence. Il nous a tant vendu le vieillissement de la population qu’il faut aujourd’hui en tirer les conséquences.
Nous mesurons tous combien la dégénérescence et les maladies qui y sont associées vont croissant et à quel point les solutions ne sont pas adaptées.
Bien sûr, il y a celle des institutions privées. Dans ma région, d’ailleurs, elles sont transfrontalières : les gens s’en vont en Belgique placer les personnes qu’ils n’ont pas les moyens de faire accompagner dans notre région et en France. Quoi qu’il en soit, ces institutions privées sont coûteuses, elles ne répondent pas à nos envies de solidarité et, surtout, ne sont pas à la portée de tous.
Je voudrais défendre la cause de ces femmes ou de ces hommes qui sont accompagnants en raison de la complexité et de la dureté de leur tâche. On leur demande de l’empathie et des compétences sanitaires – y compris le respect des critères européens de « marche en avant » en faisant la cuisine, en épluchant des légumes…
Leur tâche est ingrate car les personnes qu’ils soignent sont parfois agressives ou taiseuses à cause de certaines maladies neurologiques et que l’on ne connaît pas toujours leurs besoins. Leur tâche est pénible car elle peut impliquer du portage ou encore parce qu’elle renvoie à l’intime dans le cas de la toilette.
En conséquence, je pense que cet amendement est tout à fait fondé. S’il y a une population qui mérite bien d’avoir une mesure dérogatoire sur cette loi, que nous considérons néanmoins injuste, c’est bien celle-là ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 248 rectifié n’a plus d’objet.
La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote sur l'amendement n° 285.
M. Jacky Le Menn. Cet amendement vise à maintenir l’âge de départ à la retraite sans décote pour les personnes handicapées, et il n’est nul besoin de renvoyer à un décret en Conseil d’État.
Nous avons tous rencontré dans nos permanences, quels que soient nos étiquettes politiques et nos mandats, des handicapés qui cherchent du travail, bien souvent accompagnés de leur famille.
Leur carrière est non seulement en « dents de scie », mais également « en dentelle ». La plupart sont malades, connaissent des rechutes. Reconnaissons-le, il existe une attitude de méfiance et de ségrégation par rapport au monde du handicap. Il ne faut pas avoir peur de le dire ! C’est pour cela que nous la combattons et qu’une loi sur le handicap a été votée en février 2005.
Ils doivent donc être protégés, et c’est aux élus de le faire. Quand on a la malchance d’être une femme relativement âgée – mais pas encore arrivée à 65 ans – et d’être handicapée, c’est la galère ! Vous le savez, mes chers collègues, car vous en avez tous rencontré.
Ce n’est pas une question politique, c’est une histoire humaine ! Nous sommes non pas dans l’ordre du compassionnel, mais dans la solidarité dure. C’est en tant qu’élu de base de la cité corsaire malouine que je m’exprime, mes chers collègues ; je suppose que l’ancien maire de Neuilly, devenu Président de la République, ou que l’actuel maire de Chantilly ont rencontré et rencontrent encore ces personnes qui ont de grandes difficultés. Elles sont au chômage parce que l’on se méfie toujours un peu de la personne handicapée, qui ne sera peut-être pas aussi rentable.
C’est une réalité, à tel point que beaucoup d’entreprises préfèrent payer une amende plutôt que de les embaucher ! C’est d'ailleurs la raison d’être de l’association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés. Les administrations font la même chose et nous avons été obligés de créer un fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique afin d’inciter cette dernière à les recruter. Les handicapés ne font pas l’aumône, ils demandent simplement de pouvoir travailler.
Je voudrais tout de même rappeler qu’il s’agit de pensions modestes, bien loin de celles que toucheront vraisemblablement les conseillers techniques de certains cabinets ministériels ! Leur pension se situe en moyenne largement en dessous du seuil de pauvreté, et c’est à ces gens-là que l’on va appliquer une décote de 5 % s’ils partent à la retraite à 65 ans ? Là, je ne comprends plus ! Va-t-on les obliger à être au chômage jusqu’à l’âge de 67 ans ? Ce n’est ni admissible, ni humain ! Ils comptent sur les élus : nous devrions porter cet amendement tous ensemble, et non pas renvoyer à un décret.
À propos d’autres amendements relatifs au handicap, une distinction était opérée entre ceux qui étaient considérés comme lourdement handicapés et ceux qui ne l’étaient pas ! Il est inutile de faire encore appel à un décret, arrêtons un peu ! Je crois qu’il faut d’une manière claire et franche dire que tous les travailleurs handicapés pourront percevoir à 65 ans une retraite sans décote. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 285.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'article 6.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme cela a déjà été dit, cet article tend à relever de deux années l’âge permettant de bénéficier d’une pension de retraite à taux plein, quelle que soit la durée de cotisation atteinte.
Avec cet article, la retraite sans décote des Françaises et des Français recule de deux années et passe de 65 à 67 ans. Mais modifier ce seul paramètre n’est pas tenable quand tous les autres restent inchangés.
D’une manière autoritaire et sans fonder votre décision sur les réalités du monde du travail, vous avez décidé de relever ce curseur de la retraite sans décote.
C’est un pas de plus vers l’érosion de tous les droits sociaux qui ont été conquis au cours du XXe siècle.
Les idées libérales que vous défendez, dans votre vie de ministre comme dans votre carrière privée, sont pour vous les seules valables, votre totem en quelque sorte. En revanche, la solidarité, la retraite par répartition, la sécurité sociale, le service public et toutes les formes de redistribution ont vécu.
Avec vous, les riches sont plus riches et les pauvres sont plus pauvres. Avec votre politique, les inégalités se creusent chaque jour davantage.
Le président actuel figurera dans les livres d’histoire comme le président des riches ; dès à présent, c’est certain ! Quant à votre gouvernement, on s’en souviendra comme celui du recul des acquis sociaux, de la politique de classe et du repli sécuritaire et xénophobe.
Nous connaissons vos formules creuses, comme celle de l’« immobilisme » que vous nous avez servie, aujourd’hui encore. Selon vous, nous serions pour l’immobilisme parce que nous voulons que nos concitoyens conservent des droits. Nous serions pour l’immobilisme simplement parce que nous voulons que les travailleurs puissent profiter de quelques années de vie sans travail. Nous serions pour l’immobilisme, parce que nous voulons qu’ils puissent, eux aussi, profiter un peu des fruits de l’amélioration de la qualité de la vie et de la productivité.
Non, monsieur le ministre, ce n’est pas de l’immobilisme ! C’est une vision de la vie différente de la vôtre.
Pour nous, l’argent est un outil absolument nécessaire pour vivre, un « valet », pourrions-nous dire, mais il ne sera jamais notre maître.
Sans entrer dans un profond débat philosophique, je dirai que le but de la vie, pour nous, est simplement de vivre. Le travail est un moyen de gagner sa vie, mais ce n’est pas le but de la vie. La plupart des Françaises et des Français, surtout les plus pauvres d’entre eux, aspirent avant tout à vivre dignement.
Nous n’avons pas à avoir honte, après 40 années de travail, de vouloir arrêter de travailler. Le droit à la retraite est un droit fondamental ; si cet objectif, pour vous aussi, était prioritaire, il pourrait être largement financé. Tout est question de choix !
En 2007, le seul objectif de vie que vous proposiez aux Français était le travail. Le slogan de M. Sarkozy, lors de son élection à la présidence de la République, était alors : « Travailler plus pour gagner plus ». Or cette promesse, qui conduit à une double impasse, a été doublement trahie.
Première impasse : le travail n’a jamais été aussi malade et insuffisant dans notre pays. Le travail, qui peut être une source d’épanouissement, devient de plus en plus une machine à broyer les salariés, qui sont pressés, puis jetés. Par ailleurs, le travail devient de plus en plus rare. Le chômage est désormais systémique, et cela ne va pas s’arranger. Il n’y a pas de travail pour tous, et celui qui existe est dégradé. Et tout cela pourquoi ? Pour que le capitalisme boursier dégage encore plus de profit à court terme !
Deuxième impasse : les Françaises et les Français n’ont pas vu la couleur de la deuxième partie du slogan, car ils n’ont jamais gagné plus. En France, les salaires sont beaucoup trop bas au regard du coût de la vie, et sont restés bloqués depuis des années. Pourquoi ? Pour que le capitalisme boursier engrange encore plus de profits à court terme !
Les richesses produites augmentent, mais nos concitoyens s’appauvrissent. Au profit de qui cet argent est-il détourné ?
Votre texte va dans le même sens. L’abaissement des retraites participe de cette idée que prône le FMI et que vous appliquez, selon laquelle il faut taxer le travail, plutôt que le capital. Mais le relèvement des bornes auquel vous procédez se traduira par une casse sociale, dont les effets n’ont pas fini de se faire sentir.
Pensez-vous vraiment que les entreprises vont tout d’un coup, comme par magie, et pour respecter la lettre de votre texte, se mettre à embaucher et à garder dans leurs murs des salariés de plus de 55 ans ? Pensez-vous vraiment qu’elles se mettront du jour au lendemain, pour vous être agréables, à embaucher des jeunes afin qu’ils puissent commencer, plus tôt qu’aujourd’hui, à engranger les années de cotisation nécessaires ? Nous savons bien que non !
Nous voterons donc contre cet article 6. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)