M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 713.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
M. Marc Daunis. Ce n’est pas nous qui faisons de l’obstruction !
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission comme du Gouvernement est défavorable
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 15 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 714.
M. Guy Fischer. Cet amendement a pour objet de jeter un coup de projecteur sur les salariés au sol des entreprises de transport aérien, qui sont, comme chacun sait, les chevilles ouvrières des aéroports. Sans eux, aucun avion ne peut décoller dans de bonnes conditions.
Reporter à 67 ans la possibilité de partir à la retraite tout en percevant une pension à taux plein pour cette catégorie de personnel revient à accroître les facteurs de risques pour le matériel comme pour les hommes, dont les responsabilités sont très importantes.
La reconnaissance de la pénibilité au travail ne se limite pas à accorder des avantages spéciaux aux salariés exposés à des conditions de travail pénibles et condamnés, de fait, à une retraite moins longue en raison d’une espérance de vie plus faible.
Reconnaître le droit de partir à la retraite à 60 ans consiste aussi à octroyer des avantages aux salariés dont l’état de santé est plus dégradé au moment où ils prennent leur retraite.
Or la pénibilité physique du travail du personnel au sol dans les aéroports est bien réelle. Elle résulte de l’intensification et de l’augmentation de la charge de travail dues au manque d’effectifs, de l’accélération des cadences, des horaires décalés – le travail de nuit ou le dimanche – perturbant la vie personnelle, du travail posté, des horaires alternés, de l’intégration au sein d’une grande équipe, de repos différés voire supprimés. À cette liste déjà longue s’ajoutent un environnement sonore bruyant, le port de charges lourdes, la manipulation de produits toxiques et l’exposition à des substances toxiques émises par les moteurs d’avions.
À eux seuls, ces aspects physiques justifient le droit de ces salariés à ne pas être concernés par les dispositions de l’article 6 du présent projet de loi. La remise en cause de ce droit et le déni de leur vie quotidienne professionnelle peut, à terme, avoir de graves conséquences sur la prise en charge des avions, porter préjudice à la sécurité dans l’ensemble de ce secteur d’activité et, enfin, décourager le travail en équipe.
Le relèvement de l’âge de départ à la retraite sans décote pour ces personnels au sol cristallise, selon nous, l’injustice de ce projet de loi, qui ne tient aucun compte de la réalité du travail dans notre pays.
Pour ces raisons et afin de sauvegarder le droit de chacun à la retraite à 60 ans, je vous invite, mes chers collègues, à voter l’amendement n° 714.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 715.
Mme Odette Terrade. Nous souhaitons que le report à 67 ans de l’âge auquel les salariés pourront percevoir une pension de retraite sans décote ne s’applique pas aux personnels de manutention et de nettoyage des aéroports ouverts à la circulation du public et qui dépendent de la convention collective du 1er octobre 1985.
L’atteinte aux droits de ces salariés est constante. Pour l’illustrer, mes chers collègues, je souhaite vous faire part d’une anecdote édifiante et symbolique.
Au mois de mars dernier, le groupe Aéroports de Paris – ADP – avait demandé l’expulsion des locaux jusqu’alors occupés gratuitement par les syndicats de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, et ce depuis 25 ans. Alors que 90 000 salariés travaillent sur ce site, les unions locales sont appelées à jouer un rôle grandissant dans l’organisation des travailleurs, la formation syndicale, le conseil des salariés et les luttes à venir. L’émiettement des salariés entre des centaines d’entreprises sous-traitantes rend d’autant plus nécessaire l’existence de structures syndicales interprofessionnelles.
Les dirigeants d’ADP sont les principaux responsables de la précarisation des travailleurs de Roissy. Ils encouragent le recours à la sous-traitance et multiplient les « marchés ». Comme vous, ils veulent faire payer la crise du capitalisme aux salariés, en dégradant leurs conditions de travail et en revenant sur tous les acquis sociaux. L’union locale de la CGT les gênait donc tout particulièrement, puisqu’elle compte plus de 5 000 adhérents. Généreusement, ils lui ont proposé un relogement pour un loyer prohibitif de 5 000 euros mensuels, sans prendre en considération les frais de stationnement.
Le militantisme syndical fait l’objet de nombreux actes de répression dans les entreprises et les tribunaux, ce qui témoigne d’un durcissement sans précédent de la lutte des classes dont le présent projet de loi est l’écho.
Par ailleurs, les activités de nettoyage correspondent à des métiers à forte composante féminine.
Rappelons que, en 2004, seulement 44 % des femmes retraitées avaient validé une carrière complète, contre 86 % des hommes ; en 2005, le montant de leur pension de base était inférieur de 23 % à celui des hommes. Par ailleurs, 60 % des allocataires du minimum vieillesse sont des femmes.
Malheureusement, la réforme que nous examinons sera une régression supplémentaire pour les retraites des femmes, qui ont déjà subi celle de 1993 instituant le calcul sur les vingt-cinq, et non plus dix, meilleures années, ainsi que l’indexation sur les prix, et non plus sur les salaires, qui touche particulièrement les femmes qui cumulent bas salaire, chômage et temps partiel subi.
La réforme de 2003 a amplifié le phénomène en accroissant le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir une pension de retraite à taux plein. Elle a instauré dans le public et a maintenu dans le privé un système de décote qui pénalise de manière disproportionnée les carrières incomplètes.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé que, aujourd’hui, les femmes valident au moins autant de trimestres que les hommes et que la durée d’assurance des femmes est supérieure à celle des hommes de dix-sept trimestres en moyenne pour les générations récentes, tout en précisant que ces données figurent dans le rapport du COR, le Conseil d’orientation des retraites. Seulement, cette affirmation est fausse.
En effet, les rapports du COR comportent des indications très différentes. Certes, les écarts entre les durées validées par les hommes et les femmes se réduisent lentement au fil des générations, mais on est loin d’atteindre, aujourd’hui comme dans un futur proche, des durées équivalentes. À l’heure actuelle, à 30 ans, les hommes ont déjà validé deux trimestres supplémentaires par rapport aux femmes.
En 2004, les femmes parties à la retraite totalisaient toujours vingt trimestres – c’est-à-dire cinq annuités – de moins que les hommes. Rappelons que cinq annuités manquantes entraînent une décote de 25 % sur une pension déjà plus faible puisqu’elle est proratisée. Une telle discrimination est inadmissible.
Nous vous demandons donc, mes chers collègues, de prendre en compte ces inégalités et de voter l’amendement n° 715.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur l'amendement n° 719.
M. Jean-Claude Danglot. La question de la retraite des ouvriers et salariés de l’industrie cimentière pourrait, évidemment, être appréhendée par une lecture précise des dispositions de la convention collective de la profession.
Mais je voudrais, à ce stade du débat, expliquer mon vote en rappelant une situation particulière, celle de M. Antoine Zacharias, ex-PDG du groupe Vinci, qui s’y connaît en matière de matériaux de construction et de bâtiment.
Il y a des gens qui n’ont pas à gagner leur retraite à la sueur de leur front et à qui suffit une résolution d’une assemblée générale d’actionnaires, voire parfois, une fois que les règles de fonctionnement en ont été fixées par cette même instance, une simple décision d’un conseil d’administration.
En effet, ces brillants aréopages décident d’accorder à quelques-uns de nos « grands patrons » méritants ce que l’on appelle une retraite chapeau, c'est-à-dire une pension supplémentaire d’un niveau très supérieur à la normale.
Ces golden parachutes, ou parachutes dorés, ne visent, au demeurant, que deux objectifs. Le premier est de permettre au PDG salarié confronté au départ à la retraite de surmonter le choc – le traumatisme, devrais-je dire – de la cessation de fonction, et partant, de l’inactivité. Comme le dit si bien la sagesse populaire, partir, c’est mourir un peu ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.) Que voulez-vous, mes chers collègues, on ne peut pas toujours parler de ceux qui font un travail de misère !
Le second objectif est de faire face à la chute de revenus qui résulte de la retraite. Quand on se nourrit à longueur d’année de notes de frais, d’avantages en nature, de chauffeurs de fonction, de stock-options et de plus-values diverses, le choc est rude au moment où s’éloignent tous ces bonheurs, toutes ces marques de l’estime des autres, et où, l’âge venant, il faut commencer de penser à faire autre chose.
Nous comprenons donc fort bien que le pouvoir des actionnaires puisse être ainsi détourné, comme il l’a souvent été par le passé, pour assurer à quelques-uns d’être délivrés du traumatisme de l’inactivité ! (Mêmes mouvements.)
Antoine Zacharias est l’un des bons exemples de la manière dont ce traumatisme a été soigné. Et si, force est de le constater, il fut facile pour lui de quitter Vinci avec la retraite chapeau qui lui avait été accordée, pour les salariés des filiales du groupe qui ont fait sa fortune, la retraite ne fut pas un long chemin de roses.
Ce fut le cas, notamment, pour ces maçons morts avant 65 ans d’avoir respiré toute leur foutue vie professionnelle les poussières de chemin et contracté ainsi un cancer du poumon ; pour ces peintres en bâtiment atteints du même mal pour avoir peint les murs dressés par les premiers ; pour ces chauffagistes frappés par l’asbestose ; sans parler des survivants, vous savez, monsieur le ministre, ces chibanis, des ouvriers venus de leurs montagnes qui, après des années de pelletées, de truelles, de bétonneuses, de sable, de chaux et de sang, se retrouvent aujourd’hui à vivre dans les douze mètres carrés de la chambre d’un foyer de travailleurs migrants devenu, par la force des choses, une maison de retraite !
Ceux-ci ne vont pas, comme en son temps Antoine Zacharias, alimenter la chronique judiciaire, et leur retraite ne soulèvera aucunement la réprobation collective, ou, si tel est le cas, ce sera uniquement parce qu’elle est souvent indigne des efforts consentis pendant toute leur vie professionnelle et parce que ces salariés ont été victimes, notamment, de l’absence de prise en compte de leur qualification acquise.
Seulement voilà : ils ont toujours payé toutes les cotisations sociales qui figuraient sur leur fiche de paie – sauf celles que leur employeur a pu négliger de verser à l’URSSAF –, ce qui n’est pas le cas des retraites chapeaux, dont celle qui permet à Antoine Zacharias, malgré quelques incidents, de vivre paisiblement à l’ombre des montagnes suisses, où il semble oublier avec dédain ses ennuis juridiques.
C’est dire qu’il est temps de faire droit aux attentes et aux droits réels des salariés, et de choisir notre camp. Laissons donc les ouvriers cimentiers partir un peu plus tôt à la retraite, y compris avant 60 ans, et faisons un peu payer les Zacharias, les Proglio, j’en passe et des meilleurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote sur l'amendement n° 120.
Mme Christiane Demontès. Cet amendement tend à remplacer dans le code de la sécurité sociale les mots : « d’un âge déterminé » par les mots : « de l’âge de 60 ans ».
Vous le savez, mes chers collègues, cet article fait passer la retraite à taux plein sans décote à 67 ans, mais en se fondant sur l’âge légal qui, de par l’article 5, est reculé de 60 à 62 ans.
Nous le répétons ici : le maintien de l’âge légal de départ à 60 ans constitue une garantie pour ceux qui ont atteint leur durée de cotisation ; c’est une protection pour les salariés usés par le travail – je ne reviendrai pas sur la série d’amendements qui ont été présentés par nos collègues du groupe CRC-SPG – et qui souhaitent partir, ce qui doit être une liberté laissée à tous les Français. Sa remise en cause est donc une très grande injustice.
Nous l’avons déjà dit, mais il est manifestement nécessaire de le répéter, à 60 ans, un ouvrier et un cadre ont une différence d’espérance de vie de sept ans. L’âge légal de départ en retraite est celui auquel les salariés peuvent faire valoir leurs droits et liquider leur pension en fonction de ces derniers.
À 60 ans, 72 % des hommes et 60 % des femmes peuvent liquider leur retraite à taux plein. Les salariés ayant commencé à travailler jeunes arrivent à l’âge de 60 ans en disposant souvent de droits acquis supérieurs à ceux qui sont nécessaires : le dispositif « carrières longues », la seule avancée de la loi de 2003, a été considérablement restreint depuis lors.
Le maintien de l’âge légal qui ouvre droit à la retraite à 60 ans constitue, pour les socialistes, une exigence.
Relever cet âge de départ à la retraite constituerait une double injustice. Une telle mesure reviendrait, en effet, à faire payer la retraite des cadres par les ouvriers – j’y insiste –, puisque, pour ceux qui ont commencé à travailler tard et qui sont diplômés, ce que nous ne leur reprochons pas d'ailleurs, le relèvement de l’âge légal n’aura aucun impact, alors que, pour les autres, il impliquera des années de travail supplémentaires.
Par ailleurs, je le répète, cette mesure reviendrait à faire abstraction de l’inégalité d’espérance de vie à 60 ans entre les ouvriers et les cadres.
Les socialistes proposent, sur la base de droits garantis pour tous, dont participe le maintien à 60 ans de l’âge légal de départ à la retraite, d’aller vers une retraite choisie, adaptée aux besoins et aux souhaits de chacun.
La création d’un compte-temps pour les nouvelles générations permettra de décloisonner les trois périodes de la vie : le temps de la formation, celui du travail et celui de la retraite. Je le répète, le temps de la formation se mélange parfois avec celui du travail. Ce dernier doit comporter des moments de formation. Quant à la retraite, elle est non pas une période où l’on ne fait rien, comme je l’ai déjà souligné lors d’une précédente intervention, mais un temps où l’on s’investit au service des autres.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
Mme Christiane Demontès. Mes chers collègues, observez le travail des bénévoles dans nos associations !
Grâce à ce compte-temps, chacun pourra choisir de prendre une année sabbatique pour un engagement associatif ou pour s’occuper d’un parent, ou encore de reprendre des études ou de réduire progressivement son temps de travail au lieu de subir le couperet de la retraite.
Cet amendement vise donc à maintenir à 60 ans l’âge légal de départ à la retraite, qui constitue une garantie et une borne indispensable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, il faut parfois faire attention quand on communique ! Certains dans la majorité ont affirmé dès vendredi dernier que l’examen de ce projet de loi était terminé, que l’article 5 avait été voté, etc. Or, si cet amendement était adopté, il remettrait en cause le vote de l’article 5. Il faut donc que vous preniez garde à la manière dont vous communiquez !
Pour toutes ces raisons, je vous demande de revenir sur cet article 5 et d’accepter le débat que nous vous avons proposé à de nombreuses reprises, c’est-à-dire celui du financement des retraites, car tel est le véritable problème auquel nous sommes confrontés ici. Si nous éprouvons autant de difficultés à traiter cette question que vous le dites, monsieur le ministre, il sera toujours temps de le constater, mais je ne crois pas que ce sera le cas, car nous vous faisons des propositions sérieuses en la matière.
Monsieur le ministre, j’espère donc que le Gouvernement donnera un avis favorable à cet amendement et que nous pourrons poursuivre tranquillement nos débats.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Cet amendement est important. Nos collègues Jean-Louis Carrère et Christiane Demontès l’ont rappelé.
Monsieur le ministre, je voudrais profiter de cette explication de vote pour faire quelques commentaires sur la réponse que vous nous avez donnée tout à l’heure.
Je passerai sur l’aspect quelque peu pathétique de cette intervention très provocatrice, où la même argumentation a été répétée à satiété…
M. Marc Daunis. … avec la même raideur et le même refus de reconnaître l’évidence. Nous avons eu quasiment des éléments de langage ! Je m’en tiendrai néanmoins au fond plutôt qu’à la forme caricaturale de votre intervention.
Mon premier point portera sur la retraite par répartition. En reprenant les différentes interventions qui ont été prononcées, y compris celle de M. Longuet, je crois y déceler une erreur fondamentale de raisonnement : la capitalisation est une démarche individuelle ; en revanche, la retraite par répartition, elle, s’appuie sur une démarche collective !
Pour justifier cette réforme, vous ne pouvez pas vous contenter d’affirmer que le nombre des actifs diminue par rapport à celui des retraités. Il faut introduire d’autres éléments, prendre en compte la richesse qui est créée collectivement aujourd’hui par les actifs et se demander si elle est susceptible de financer les pensions de retraite correspondantes.
Vous faites preuve, en ce qui concerne le mode de production, d’un archaïsme étonnant : vous n’introduisez pas dans votre raisonnement la mécanisation, l’augmentation de la productivité individuelle, ce qui fait que vous ne prenez pas en compte la richesse globale créée par les salariés, que ce soit dans une ponction du capital ou ailleurs.
À ce propos, je n’évoquerai pas uniquement les salaires. Mon deuxième point portera sur la répartition capital-travail, qui était un élément important de l’argumentaire que vous avez développé tout à l’heure.
Il est vrai que ce débat n’est pas tranché entre les économistes. Néanmoins, tous s’accordent pour considérer que le rapport de la masse salariale à la plus-value est tendanciellement en baisse depuis vingt à trente ans. D’ailleurs, ce qui nous intéresse, c’est l’évolution de la part des salaires dans la richesse nationale.
Monsieur le ministre, pouvez-vous me dire si les chiffres que je vais énoncer sont vrais ou faux ? En 1982, la part des salaires dans la richesse nationale représentait 66,5 %. En 2002, elle n’est plus que de 57,2 %.
Mieux, la Commission européenne, une instance que l’on ne peut pas qualifier d’ultragauchiste sur ces questions (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), relève que, entre 2000 et 2007, donc au cours d’une période significative et récente par rapport à nos débats, quelque 174 milliards d’euros – soit 1,6 % du produit intérieur brut européen – ont été soustraits à la rémunération du travail pour abonder et améliorer celle du capital (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)…
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Marc Daunis. … dans l’Union européenne des Vingt-Cinq !
Monsieur le ministre, ces chiffres-là sont-ils corrects ou incorrects ?
M. Marc Daunis. Et ne faites pas remonter la comparaison jusqu’aux années cinquante, puisque je vous ai déjà exposé mes arguments au sujet de la productivité et des salaires !
Enfin, je partage en partie les propos de Jacqueline Panis quant à la question du travail. J’ai moi-même très mal vécu les déclarations du candidat Nicolas Sarkozy, qui prétendait « remettre la France au travail », et laissait ainsi supposer que nous étions un peuple de fainéants ! Ma collègue a raison : ces déclarations sont inacceptables.
Jean-Pierre Bel a d’ailleurs suscité un débat mouvementé en évoquant la France du travail, dans laquelle le groupe socialiste se reconnaît. Nous pensons certes que le travail peut être épanouissant, mais aussi aliénant : preuve en est que vous êtes contraints d’intégrer à notre débat la question de la pénibilité du travail – non sans difficultés, d'ailleurs, puisque vous l’appréhendez sous l’angle du handicap. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous débattons de l’article 6 et non plus de l’article 5…
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, bien que nous n’en soyons qu’à la discussion des propositions relatives à l’article 6, Christiane Demontès a très justement rappelé, dans la présentation de son amendement, que la partie durerait jusqu’au coup de sifflet final. Et il semble que cette dernière connaisse actuellement un regain d’intérêt, grâce notamment aux amendements déposés par le groupe CRC-SPG.
Tous les arguments qui ont été avancés ne sauraient en effet passer par pertes et profits ! Le dernier exemple évoqué me semble particulièrement convaincant : les travailleurs du secteur du ciment sont bien placés pour savoir que leurs pathologies spécifiques sont connues depuis longtemps ! Il me semble dès lors scandaleux de leur demander d’inhaler de la poussière de ciment pendant deux ans de plus, ceci au mépris de leur date d’arrivée sur le marché du travail et de leur nombre d’annuités.
Mme Annie David. Exactement !
M. Jean-Jacques Mirassou. Ainsi sommes-nous revenus au cœur du débat, dont il est bon de rappeler quelques fondamentaux.
À des jeunes diplômés à « bac + 5 » affrontant d’immenses difficultés pour accéder au marché du travail et à des travailleurs âgés de 56 ou 57 ans que le patronat déclare disqualifiés, le projet de loi gouvernemental va donc expliquer qu’il faudrait travailler a minima deux ans de plus.
Nous avons l’opportunité à travers cet amendement de redire au Gouvernement, comme l’a fait tout à l’heure Jean-Louis Carrère, que tant que la loi n’est pas entièrement votée, tout peut être remis en cause, a fortiori du fait des mouvements sociaux de demain, que je vous invite à entendre.
C’est donc bien entendu avec force que nous voterons en faveur de cet amendement, qui offre l’opportunité de revenir au cœur d’un sujet sur lequel, sachez-le, nous œuvrerons sans relâche jusqu’à l’adoption définitive de ce projet de loi ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Dans le prolongement des propos convaincants de Christiane Demontès, je justifierai mon vote en répétant les arguments que nous exposons depuis déjà plusieurs jours. Notons au passage que M. le ministre ne se prive pas de toujours répéter les mêmes choses, sans jamais pourtant répondre de façon précise à nos arguments ni même à nos questions. Le débat parlementaire pourrait pourtant servir à éclairer les Français quant à la réforme qu’on leur prépare, par des réponses précises sur des points qui ne figurent pas forcément de manière explicite dans le projet de loi.
Il y a en effet un point sur lequel le Gouvernement ne s’est à aucun moment exprimé, et qui est pourtant très important pour les Français. Messieurs les ministres, vous justifiez votre projet de loi par le déficit de notre système de retraites et vous reconnaissez que la réforme ne sera pas équitable.
Ainsi, vous proposez des aménagements visant les mères de trois enfants afin de rendre plus juste votre réforme, mais vous ne niez pas que d’autres Français puissent subir des injustices ! Vous vous contentez de dire que l’on ne peut pas trouver de l’argent pour tout le monde.
Ce faisant, vous admettez que le manque de ressources constitue le problème principal du moment. Vous vous appuyez sur les recommandations du COR, qui évalue à 45 milliards d’euros d’ici à 2025 les besoins financiers permettant de pérenniser notre régime de retraites par répartition.
À vous entendre, votre projet de réforme est le seul moyen de préserver notre système actuel pour les jeunes générations, aujourd’hui inquiètes. Ce serait aussi la seule façon d’éviter la fuite de l’épargne des Français vers les sociétés d’assurance privées.
Vous prétendez donc être en mesure de mobiliser 45 milliards d’euros en actionnant le levier du report de l’âge légal du départ à la retraite, qui passerait de 60 à 62 ans, et celui de l’âge du départ sans décote, qui passerait de 65 à 67 ans et justifierait l’article 6. Mais vous n’avez à aucun moment expliqué comment vous comptiez mobiliser en deux ans les 45 milliards d’euros nécessaires !
Tous les économistes s’accordent sur le fait que seul un report de huit ans – et non pas de deux ans seulement – permettrait de mobiliser cette somme : j’ai même vu M. Gérard Longuet acquiescer lorsque je vous ai interpellé sur ce point ! J’en déduis que vous mentez aux Français quand vous leur dites que ce report permettra de pérenniser le système par répartition.
En réalité, votre seul cap est celui des élections présidentielles de 2012, que vous comptez passer en pillant le fonds de réserve des retraites, parce qu’il vous manque 15 milliards d’euros chaque année ! En prélevant deux fois 15 milliards d’euros au FRR, vous allez réussir à liquider d’ici à 2012 la quasi-totalité des 35 milliards d’euros qu’il détient, alors même que les gouvernements de droite ne l’ont jamais alimenté, contrairement aux socialistes.