Mme Annie David. Bien sûr !
M. Éric Woerth, ministre. À cet égard, les propositions du Gouvernement me paraissent meilleures. Pourquoi se limiter à la mégisserie, aux métiers de charcutier ou de marin-pêcheur ? Il n’y a pas de raison particulière de se cantonner aux conventions collectives qui régissent ces professions, alors qu’il en existe dix fois plus.
Mme Annie David. C’est 60 ans pour tous !
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement prévoit des mesures en faveur de la pénibilité pour tous !
Mme Annie David. Tous les métiers pénibles ?
M. Éric Woerth, ministre. Pour tous les métiers ! Tous les métiers peuvent être exposés, à un moment ou à un autre, à des facteurs de pénibilité. Par le biais de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, …
Mme Annie David. C’est le contraire de ce que vous proposez, monsieur le ministre !
M. Éric Woerth, ministre. … les personnes concernées bénéficieront d’un taux d’incapacité. Or un seuil d’incapacité de 10 % déclenche la retraite à 60 ans.
Mme Annie David. Chiche, monsieur le ministre ! Faites ce que vous dites !
M. Éric Woerth, ministre. La même logique doit prévaloir pour tous, c’est une question de justice.
Si l’on octroie un droit supplémentaire, il faut bien que ce soit prouvable à un moment donné : on réclame aux personnes qui ont commencé à travailler plus tôt une traçabilité de la carrière, en leur demandant des preuves. En effet, une personne pourrait très bien arguer qu’elle a commencé à travailler tôt et bénéficier injustement d’un droit.
De la même façon, il doit y avoir traçabilité de la pénibilité…
Mme Annie David. Vous vous contredisez, monsieur le ministre ! Vous venez de parler des métiers pénibles !
M. Éric Woerth, ministre. … tant que nous n’aurons pas, en liaison avec la médecine du travail et la branche AT-MP, les outils de mesure nécessaires.
Mais le comité scientifique est là pour cela, et nous aurons l’occasion d’en reparler au cours de la discussion.
Le Gouvernement ne ferme évidemment pas la porte à la pénibilité différée. Mais nous voulons examiner cette question dans des conditions scientifiques et de preuves suffisantes, car nous ne saurions accepter des dérives. Quand il y a des dérives dans un système de retraite, ce sont tous les salariés qui les paient ! Voilà pourquoi nous devons naturellement nous montrer très vigilants.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable aux amendements présentés sur l’article 5.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. En ce qui me concerne, je répondrai à la question qui m’a été posée par Mme Josiane Mathon-Poinat, au travers de l’amendement n° 918, à propos des ouvriers des parcs et ateliers.
Vous le savez, madame la sénatrice, ces ouvriers relèvent du régime de retraite des ouvriers de l’État et sont, à ce titre, dans une position qualifiée de « quasi-statutaire ». Ils relèvent donc de la réforme des retraites de 2003, et non pas de celle des régimes spéciaux de 2007.
Très clairement, si nous leur appliquions aujourd'hui la montée en puissance du régime de 2007, ils seraient en décalage par rapport à la loi dont ils relèvent comme agents publics.
C'est la raison pour laquelle je confirme l’avis défavorable du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l’amendement n° 835.
M. Guy Fischer. Le groupe CRC-SPG demandera un scrutin public sur cet amendement, car nous sommes très attachés à un certain nombre de points, qui motiveront d’ailleurs plusieurs demandes de scrutin public.
Je rappelle que cet amendement tend à abroger deux dispositions, inadmissibles à nos yeux, du code général des impôts, dispositions qui, au regard de cette réforme, nous semblent encore plus particulièrement injustes.
L’article du code que nous visons prévoit, en effet, que les contributions dues au titre de la CSG et de la CRDS sont prises en compte dans le calcul des revenus entrant dans le champ d’application du bouclier fiscal. Vous le savez, c’est l’un des points fondamentaux sur lesquels nous sommes en désaccord avec vous.
Nous considérons que cette mesure est particulièrement injuste sachant que, rappelons-le, la CSG et la CRDS sont destinées à alimenter le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES. Toutes deux contribuent ainsi au financement de la sécurité sociale, financement dont on ne cesse de nous rappeler la nécessité pour mieux justifier toutes les atteintes et les régressions du droit à la retraite que contient cette réforme.
La CSG et la CRDS sont des contributions et des impôts de solidarité, qui permettent le maintien du régime de retraite par répartition. Il est normal, et même indispensable, que chacun y participe, en proportion de ses revenus, qu’il s’agisse d’un revenu d’activité, de remplacement, d’un revenu issu du patrimoine ou de produits de placement.
Nous le répétons une fois de plus, le bouclier fiscal est une mesure révoltante, qui vise à protéger les plus riches de nos concitoyens. Il n’est pas acceptable que les citoyens les plus fortunés de France reçoivent des chèques de remboursement des caisses de l’État, au motif d’un plafonnement de l’impôt.
Selon l’économiste Thomas Piketty, « le bouclier fiscal institué par le pouvoir en place fonctionne de facto comme une machine à subventionner les rentiers » ; j’aime cette expression ! Il est donc d’autant plus révoltant que la contribution solidaire de ces personnes au financement des retraites fasse partie des impôts pris en compte dans le calcul !
Alors que l’on ne cesse de diminuer le nombre d’emplois publics au nom de la RGPP et de la réduction des dépenses de l’État – on nous dit pourtant que les caisses sont vides ! –, on rend de l’argent à ceux qui en ont le moins besoin ! Apparemment, les caisses ne sont vides que lorsqu’elles entravent la réalisation d’un projet idéologique de la droite !
Le Figaro nous a ainsi révélé que Liliane Bettencourt (Exclamations sur les travées de l’UMP.) – mes chers collègues, nous n’avons pas abusé ! (Sourires.) – avait reçu, en mars 2008, un chèque de l’État d’un montant de 30 millions d’euros. Jean-François Kahn nous a également révélé que cette dernière acquitte moins de 10 % d’impôt sur le revenu en alliant bouclier fiscal et jeu subtil sur les niches fiscales.
Mes chers collègues, je vous demande donc d’adopter cet amendement pour donner un semblant d’équité à cette réforme qui, comme l’ensemble de la politique du Gouvernement, « clive » les Français en deux catégories traitées distinctement et favorise ceux qui, à notre sens, en ont le moins besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je serai bref, monsieur le président, parce qu’il nous faut avancer le plus rapidement possible dans l’examen de ce texte ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Jean Desessard. Nous n’allons tout de même pas être encore à y travailler samedi, dimanche, la semaine prochaine, à la fin du mois d’octobre et même début novembre !
Mme Jacqueline Panis. À la Toussaint !
M. Jean Desessard. Monsieur Fischer, vous êtes naïf ! Vous nous avez bien parlé des cotisations de solidarité ? Et vous voulez que les riches paient pour la solidarité ? Mon cher collègue, ce n’est pas logique ! (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Raymonde Le Texier. Il ne faut pas exagérer ! Cela n’a pas de sens ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous poser une question concernant le bouclier fiscal.
Certes, ce n’est pas vous qui l’avez défendu dans cet hémicycle, mais vous êtes un habile orateur.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un prestidigitateur !
M. Jean Desessard. Je ne vous connaissais pas, mais j’ai pu remarquer que vous faisiez des déclarations publiques très concrètes au moment opportun, que vous abordiez le débat politique.
Pour que nous partions sur de bonnes bases et que notre assemblée puisse juger objectivement des effets du bouclier fiscal, le temps est venu de dresser un bilan.
Le bouclier fiscal a été mis en place pour dissuader les riches d’aller s’installer en Suisse – je cite ce pays parce que je pense à certaines personnes, mais je pourrais tout autant évoquer d’autres lieux – pour payer moins d’impôts.
Il a également été instauré pour…
Mme Annie David. Pour garder les riches !
M. Jean Desessard. … les faire revenir afin qu’ils aillent chez l’épicier du coin, consommer ici ou là et, donc, créer des richesses !
Le bouclier fiscal a eu cette utilité, n’est-ce pas ? Autrement, on ne comprendrait pas sa raison d’être ! Voilà donc pourquoi vous vouliez absolument mettre en place le bouclier fiscal.
Monsieur le ministre, faisons maintenant le bilan. Je sais bien que vous ne côtoyez pas ces gens-là, mais sans doute disposez-vous d’informations les concernant. Dès lors, pouvez-vous nous dire combien de riches exilés fiscaux sont revenus grâce à la mesure instaurant le bouclier fiscal ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Oui, combien ?
M. Jean Desessard. Pouvons-nous avoir cette information ?
M. Christian Cambon. Et combien ne sont pas partis ?
M. Robert del Picchia. On parle ici des retraites !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. À l’occasion de l’examen de cet amendement, nous revenons sur certaines questions. Mais je ne comprends pas pourquoi M. le ministre ne veut jamais nous répondre de façon précise !
M. Jean Desessard. Il n’a pas les réponses !
M. David Assouline. Nous avons tous fait le même constat : il faut pérenniser le système de retraite par répartition. Vous et nous pensons qu’il faut le réformer, parce que nous ne pouvons laisser s’aggraver le déficit financier qui, à terme, ferait exploser le système.
Vous avez choisi de financer la réforme en augmentant exclusivement ou, en tout cas, principalement, l’âge légal de la retraite, c'est-à-dire en faisant porter essentiellement l’effort sur les salariés.
Je vous l’ai répété à plusieurs reprises, le fait d’augmenter l’âge légal ne contribuera à la pérennité du système que pour un tiers ! Ce n’est pas moi qui l’ai inventé, c’est le Conseil d’orientation des retraites qui l’a écrit dans un document qui vous était destiné pour vous aider dans vos choix !
J’ai traduit cela autrement ce matin en vous disant qu’avec ce seul critère, il faudrait augmenter non pas de deux ans, mais de six ans l’âge légal ! Par conséquent, votre mesure garantira peut-être une stabilité sur quelques années, mais il ne s’agit nullement, comme vous le laissiez entendre à l’origine, d’une réforme systémique assurant la pérennité jusqu’en 2025 !
Pour régler ce problème, nous, socialistes, proposons d’aller chercher 45 milliards d’euros d’ici à 2025 de la façon suivante :
D’abord, 2 milliards d’euros grâce à la majoration des prélèvements sociaux sur les bonus et les stock-options de 5 % à 38 %, comme le propose la Cour des comptes.
Ensuite, 3 milliards d’euros grâce au relèvement du « forfait social » appliqué à l’intéressement et à la participation de 4 % à 20 %.
Par ailleurs, 7 milliards d’euros grâce à l’application de la CSG sur les revenus du capital actuellement exonérés, en maintenant l’exonération sur les livrets d’épargne et les plus-values sur la résidence principale, afin que vous ne fassiez pas de fausses accusations, et la remise en cause de la défiscalisation des plus-values sur les cessions de filiales. Vous savez de quoi je parle, c’est la niche Copé !
Enfin, 7 milliards d’euros grâce à l’augmentation de la contribution sur la valeur ajoutée, instaurée à la suite de la suppression de la taxe professionnelle de 1,5 % à 2,2 %, en exonérant les petites entreprises, car nous voulons qu’aucune de nos mesures ne nuise à la croissance.
Ces quatre mesures permettraient de mobiliser 19 milliards d’euros en 2010, ce qui, compte tenu d’une croissance, même minime, représenterait, pour 2025, environ 25 milliards d’euros.
Telles sont les mesures que vous qualifiez de « bombardement fiscal ». Mais je veux entendre, une fois, une critique précise, et non une communication destinée à affoler le peuple !
En quoi ces mesures constituent-elles un bombardement fiscal pour les Français alors qu’elles ne portent que sur les revenus du capital ? Nous ne proposons aucune autre taxation ni impôt. Rien ! Mais il est vrai que certains, parmi les plus aisés, seraient davantage taxés, alors que, pour vous, le seul financement possible repose sur les revenus du salariat !
Pour résoudre le grand problème qui se pose à la nation, celui du sauvetage du système par répartition, et pour trouver les 45 milliards d’euros qui manquent, vous voulez, dites-vous, mettre en place une réforme systémique destinée à assurer la pérennité du système pour les nouvelles générations. Je vous prends au mot !
Commencez par écouter les propositions des syndicats. Ils ne sont pas bêtes : ils ne nient pas le problème et ne vous répondent pas non plus que les caisses sont pleines !
Écoutez aussi l’opposition ! Nous sommes nombreux, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, et les Français nous font plutôt confiance à l’occasion des élections que, depuis quelques années, nous gagnons : élections municipales, régionales. Les résultats des cantonales ne vont pas être mauvais non plus !
Cela permettrait de trouver un consensus national, si tant est que l’unique point de mire est la façon de trouver les 45 milliards d’euros qui manquent sans mesures injustes, et grâce à des efforts partagés.
Voilà ce à quoi tendent nos propositions, car nous en avons ! Nous ne vous laisserons pas affirmer le contraire tout au long des débats. Non, l’opposition ne se contente pas de dire : demain, on rase gratis !
M. Jean Desessard. Eh oui, il n’y a pas de bombardement fiscal !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 835.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 8 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 840.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote sur l'amendement n° 845.
Mme Isabelle Pasquet. Alors que vous demandez à nos concitoyens de se serrer la ceinture, de travailler et de cotiser plus pour profiter de la retraite moins longtemps, comment pouvez-vous laisser les plus fortunés s’engraisser toujours plus, et ce en toute impunité ? Comment pouvez-vous fermer les yeux devant ces inégalités sociales insupportables ?
En élargissant les sources de financement de notre système de retraite, il serait largement possible de le conserver en l’état. Malheureusement, vous faites de cette réforme un combat idéologique. Vous gagez notre système de retraite sur une surenchère d’antidépenses publiques pour plaire aux marchés financiers, aux spéculateurs.
Pourtant, le financement existe, et vous le savez ! Il faudrait simplement toucher au « grisbi », mais vous vous y refusez !
Vous videz les caisses de l’État, le mettez en déficit ; vous cassez les services publics et les acquis sociaux pour vendre l’État providence au secteur privé et aux marchés financiers. Mais la ficelle est un peu grosse !
Les trois millions de Français qui ont défilé dans les rues voilà quelques jours ont compris ce qui les attendait. Vous leur demandez de payer pour un système de retraites que vous avez vous-même dégradé. Vous leur demandez de payer la quasi-totalité de la réforme, refusant de mettre le capital à contribution.
Monsieur le ministre, vous avez fait allusion à une éventuelle possibilité de porter respectivement de 10 % à 14 % et de 2,5 % à 8 % les taux des contributions patronales et salariales sur les attributions de stock-options. Avec ce type d’effet d’annonce, vous tentez vainement de faire croire que vous allez demander aux plus fortunés de mettre la main à la poche. Mais, bien sûr, il n’en est rien ! Pis, même dans le cadre d’une taxation éventuelle des stock-options, la part contributive salariale serait plus importante que la contribution patronale !
Il est évident que le système est conçu pour faire systématiquement peser le coût des réformes sur les salariés et pour exclure consciencieusement du partage de l’effort national le capital, même lorsque celui-ci est responsable d’une crise économique désastreuse.
Les stock-options, qui sont utilisées comme des rémunérations différées pour ne pas toucher au levier des salaires, ne doivent pas échapper à la taxation normale. Comment tolérer que les revenus du travail soient taxés à 40 %, alors que les stock-options ne le sont qu’à 10 % ? Il y a là une injustice insupportable à laquelle il faut mettre fin.
Enfin, les stock-options doivent participer au financement de l’assurance vieillesse en plus de l’assurance maladie, afin de garantir notre système de retraite et les droits qui y sont rattachés.
Avec cet amendement, nous replaçons les choses dans le bon sens, puisque nous mettons le capital à contribution. Il est plus que temps de contraindre le capital à participer au financement dont nous avons besoin pour sauvegarder notre régime de retraite et de protection sociale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 839.
Mme Annie David. Tous les amendements ayant été présentés en même temps avant la suspension du déjeuner, permettez-moi de rappeler l’objet de cet amendement n° 839. Il concerne les rémunérations sous forme de stock-options et de retraites chapeaux dont venez de nous parler, monsieur le ministre.
Il est vrai, et vous nous l’avez rappelé, que des dispositions existent concernant la taxation de ces rémunérations. Mais, nous, nous souhaitons qu’elles soient taxées davantage. En effet, si les mesures prévues pour moraliser de telles pratiques existent depuis longtemps, elles n’ont pas donné les résultats escomptés, et vous le savez bien. Voilà pourquoi nous voulons non pas moraliser, mais, grâce à la loi, corriger ces injustices sur le plan du droit, afin de garantir l’égalité des droits.
Un changement majeur est intervenu à la faveur de la crise économique que nous vivons : le discours de justification idéologique du capitalisme et du libéralisme triomphants est bel et bien en lambeaux, et il vous sera difficile de le pérenniser.
Les parachutes dorés, qui demeurent inchangés dans les entreprises sauvées par le contribuable – je vous le rappelle, mes chers collègues –, les retraites chapeaux pour les dirigeants d’entreprise à l’heure où l’on demande au peuple d’accepter de reculer l’âge légal de la retraite par esprit de solidarité, tout cela ne prend pas ! On ne peut pas toujours tout demander aux mêmes, sans jamais en prendre un petit peu dans la poche des autres.
Grâce à ces sommes exorbitantes, les chefs d’entreprise sont à l’abri pour leurs vieux jours, c’est le moins que l’on puisse dire, contrairement à un grand nombre de retraités. Je vous rappelle en effet qu’un million de retraités vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Ce n’est pas le cas, par exemple, de Lindsay Owen-Jones, l’ancien PDG de L’Oréal, qui reçoit, lui, une pension annuelle de 3,4 millions d’euros, soit quatre cents fois le minimum vieillesse. Deuxième sur le podium de ces retraites – que l’on ne peut même plus qualifier de dorées –, l’ancien PDG de Vinci, Antoine Zacharias, perçoit 2,2 millions d’euros.
Mme Nicole Bricq. Le pauvre !
Mme Annie David. D’ailleurs, je ne sais pas si le bouclier fiscal a permis de le rendre fidèle à notre pays.
M. Guy Fischer. Il est en Suisse !
Mme Annie David. Pour justifier ces pensions, l’argument patronal est toujours le même : il faut fidéliser les dirigeants en intégrant ces retraites chapeaux dans leur contrat et les protéger d’une chute brutale de revenus lors de leur départ en retraite. Tant pis si les retraités, autres que ces managers ayant droit à des retraites chapeaux, voient leurs revenus diminuer de moitié.
En tout cas, les entreprises auront fidélisé leurs managers, un peu comme votre bouclier fiscal, monsieur le ministre, qui aurait pour but de fidéliser les riches. Nous venons d’en parler.
Cette justification concernant ces rémunérations ne tient pas un instant lorsqu’on connaît les différentes et colossales rémunérations de ces dirigeants. La rémunération annuelle brute globale des patrons du CAC 40 atteignait, avant la crise, 2,2 millions d’euros, en moyenne, je le souligne.
Mais le MEDEF, par l’intermédiaire de la voix de Laurence Parisot, nous dit qu’il n’est pas question d’augmenter les cotisations patronales pour financer le régime des retraites, au motif fallacieux que cela handicaperait la compétitivité des entreprises. Bizarrement, nous n’entendons plus Mme Parisot « monter au créneau » pour défendre la compétitivité des entreprises menacées par les retraites chapeaux.
Vous parlez de moralisation. Plutôt que de faire usage de mots qui n’ont jamais eu cours en économie, car c’est quelque peu contradictoire – vous en conviendrez –, parlons de la réforme de la fiscalité avec un seul objectif, celui de redistribuer les fruits de la croissance au profit d’une plus grande justice sociale.
Telles sont les explications que je souhaitais ajouter pour essayer de vous convaincre, mes chers collègues, de voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour explication de vote sur l’amendement n° 849.
Mme Marie-Agnès Labarre. De 1993 à 2009, le volume des cotisations sociales a augmenté de 19 %, pendant que le produit intérieur brut du pays s’est accru de 33 % et que les revenus financiers ont explosé de 125 %.
Cet amendement permet, en prenant en compte l’augmentation de la richesse du pays, de moduler la part patronale des cotisations sociales qui n’ont pas augmenté d’un iota depuis 1979.
Ce refus de taxer les cotisations sociales, notamment lors de la précédente réforme des retraites, a entraîné de facto le transfert de la dette sociale vers les générations futures et a contribué à mettre de plus en plus dans le rouge les comptes sociaux.
Pour nous, cette augmentation nécessaire de la part des cotisations patronales va de pair avec une remise à plat des exonérations sociales, qui pèsent 30 milliards d’euros pour la seule année 2009. Elle doit aussi se conjuguer avec la nécessaire modulation des cotisations patronales en fonction de la masse salariale et des richesses produites.
Concrètement, les entreprises qui favorisent la financiarisation de l’économie, au détriment de l’emploi et des salaires, verraient augmenter leurs cotisations sociales. Celles qui développent l’emploi et augmentent les salaires auraient des diminutions de cotisations. En effet, plus d’emplois et de meilleurs salaires, ce sont davantage de cotisations sociales et, finalement, un financement assuré de nos retraites en contribuant à désintoxiquer notre économie du virus de la financiarisation.
Ces mesures étaient au cœur de notre proposition de loi garantissant le financement de la retraite à 60 ans pour lutter contre la place prise par la finance internationale dans notre pays.
En effet, le volume des cotisations sociales ne représente plus aujourd’hui que 15 % de la valeur ajoutée des entreprises, alors que la part des prélèvements dédiés à la finance atteint, quant à elle, 29 %.
Pour opérer ce rééquilibrage de la répartition des richesses et pour faire face à l’augmentation du nombre de retraités, qui est passé de 7 à 15 millions en 30 ans, une véritable politique industrielle et de l’emploi doit accompagner l’augmentation du taux de cotisation patronale que nous appelons de nos vœux par cet amendement.
Ce serait un juste retour des choses face à un projet de réforme du Gouvernement, qui pèse sur le dos des salariés et qui prévoit comme seule hausse de cotisations, celle des cotisations salariales des fonctionnaires.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l’amendement n° 843.
Mme Odette Terrade. Au travers de cette réforme phare du Président de la République, il y a la volonté de la majorité UMP d’effacer la notion même de droits sociaux au profit de vos règles libérales et du tout financier, au risque de rendre la vie des salariés modestes de plus en plus difficile.
Le droit à la retraite, au temps libre et au repos est une grande conquête sociale et ne saurait être soumis à vos dogmes financiers. Vous voulez effacer la notion de droit au profit de vos règles libérales, quitte à développer des arguments mensongers. Les premiers d’entre eux sont les contraintes économiques, le déficit et la crise.
En réalité, tout se passe comme si vous instauriez un règlement intérieur, dont les dispositions seraient les suivantes : « Europe libérale », « pas touche au capital », « servir avant tout les amis de la bande du Fouquet’s », pour nous expliquer, ensuite, que tous les droits acquis par nos concitoyens doivent être soumis à ce règlement intérieur.
Les sénateurs du groupe CRC-SPG, accompagnés de milliers de manifestants, disent non à ce règlement intérieur.
Nous proposons une autre répartition des richesses pour assurer le droit à la retraite à 60 ans à taux plein, sans allongement de la durée des cotisations.
Les moyens existent pour le faire. Nous avons déposé une proposition de loi qui explique très clairement la manière de dégager les milliards d’euros nécessaires pour financer cette retraite à 60 ans sans allongement de la durée de cotisation.
Il s’agit, d’abord, de faire cotiser les revenus financiers à hauteur de 9,9 %, ce qui rapporterait l’équivalent du déficit de la caisse des retraites, soit plus de 30 milliards d’euros.
Il s’agit, ensuite, de proposer, pour inciter au développement de l’emploi stable et bien rémunéré, une modulation des cotisations patronales.
Il s’agit, enfin, de mener une véritable bataille pour l’emploi, en particulier dans le domaine industriel.
C’est cette possibilité de mettre en place une réforme, alternative et garantissant le droit à la retraite, qui justifie la détermination des sénateurs du groupe CRC-SPG à s’opposer à votre réforme régressive et à être aux côtés des salariés en lutte pour défendre nos propositions alternatives.
Pour ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter pour cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.