M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Christian Cambon. Combien reste-t-il d’intervenants ?
M. Jacky Le Menn. J’ai l’impression d’être dans un magasin de farces et attrapes ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
La farce, c’est votre arrivée solennelle ce matin, monsieur le ministre, avant que vous ne preniez immédiatement la parole, comme si vous alliez faire de grandes annonces. Or ceux qui, comme la plupart d’entre nous, lisent attentivement la presse savaient depuis plusieurs jours que, dans le droit fil de sa stratégie de communication, le Gouvernement procéderait de la sorte.
L’attrape – en l’occurrence, il conviendrait plutôt de parler d’attrape-nigaud, les nigauds étant les sénateurs, plus particulièrement ceux de l’opposition –, c’est de faire apparaître comme une grande avancée ce qui, en substance, n’est jamais qu’une stratégie de jeu de go, conforme aux principes de Sun Tse, qui consiste à opérer un petit recul stratégique destiné à masquer les réelles ambitions, à savoir le grand recul organisé sur l’ensemble du système de retraites, pour des raisons financières et comptables.
Bien sûr, après ce petit recul, on crie victoire, et nos collègues centristes applaudissent des deux mains, en dignes troupes supplétives !
Vous n’avez eu guère de mal à trouver ce matin quelques milliards d’euros pour financer vos annonces. Pourtant, si vous aviez consulté les programmes de la gauche, vous auriez trouvé bien des ressources à mobiliser. Nous nous usons à vous le répéter depuis des semaines !
Lors de la discussion du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, nous avons eu l’occasion de dire qu’il existait d’autres modes de financement, mais nous n’avons pas été entendus. De même, s’agissant des retraites, nous sommes confrontés à un problème essentiellement comptable, pour lequel nous avons des solutions, solutions que vous ne voulez pas regarder en face.
Ce que vous proposez est certes bon à prendre pour les femmes nées entre 1951 et 1955. Il s’agit toutefois non pas d’une avancée, mais simplement d’un retour au point de départ. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. En effet, le débat n’avance pas !
M. Jacky Le Menn. Des millions de femmes continueront d’être dramatiquement pénalisées ! (Mmes Christiane Demontès et Bariza Khiari applaudissent.)
Il en est de même des personnes handicapées.
À notre demande, après un travail de fond conduit par notre groupe, un débat sur le handicap s’est tenu dans la petite salle cachée, au sous-sol du Sénat. L’ensemble des associations que nous avions reçues à cette occasion nous avaient fait part de leur opposition à toute régression en matière de retraites. Elles souhaitaient au contraire aller de l’avant, aussi bien pour les familles que pour les travailleurs handicapés eux-mêmes.
Après avoir voulu enfermer l’ensemble du monde du handicap dans cette réforme, vous vous rendez compte subitement de l’iniquité de cette mesure. Il vous en faut du temps pour réfléchir ! (Rires et marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.) Il était pourtant de notoriété publique que le monde du handicap était vent debout contre cette proposition.
Cessons de jouer, monsieur le ministre !
Deux points sont essentiels à nos yeux. Le premier, c’est le maintien de l’âge légal de la retraite à 60 ans.
M. Christian Cambon. Ce n’est pas ce que dit Strauss-Kahn ! (Plusieurs sénateurs de l’UMP renchérissent.)
M. Jacky Le Menn. Je ne suis pas Strauss-Kahn, je suis Le Menn ! Lui, c’est lui ; moi, c’est moi !
Le second point essentiel à nos yeux, c’est le maintien de la retraite sans décote à 65 ans pour l’ensemble des travailleurs de notre pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Christian Cambon. Vous devriez écouter Boutih, Collomb ou Aubry, ainsi que Strauss-Kahn, votre champion !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Au cours de son intervention, M. About nous a renvoyés à l’amendement que le groupe de l’Union centriste avait déposé sur la question du handicap.
Nous sommes dans une situation surréaliste puisque nous ne disposons toujours pas des amendements du Gouvernement, ce qui est particulièrement inacceptable. C’est la raison pour laquelle je réitère la demande de suspension de séance formulée voilà quelques instants, au nom de notre groupe, par Mme David.
Le Gouvernement et sa majorité, dans leurs interventions, utilisent les mots « lourdement handicapé ». Mes chers collègues, cette notion ne peut demeurer approximative et il conviendrait donc de la préciser si l’on veut éviter d’en réduire considérablement le bénéfice au seul profit d’une minorité de parents.
M. Nicolas About. N’anticipez pas !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est peut-être le but visé…
Pour notre part, nous avions déposé un amendement n° 36 qui avait le mérite d’être clair. Celui-ci prévoyait que « les assurés ayant interrompu leur activité professionnelle pour assumer la charge d’un enfant handicapé qui atteignent l’âge de 65 ans » ne sont pas concernés par le report de l’âge de départ à la retraite sans décote à 67 ans.
Nous n’avons pas attendu que les débats commencent pour déposer cet amendement. Nous avons joué la carte de la transparence, sans doute parce que nous considérions que la question du handicap et de sa compensation ne devait pas faire l’objet d’une manipulation médiatique. Si vous vouliez réellement aider les parents qui ont fait le choix de réduire ou d’arrêter leur activité pour s’occuper de leur enfant handicapé, il fallait alors le faire au moment du passage de ce texte devant l’Assemblée nationale, ce dont vous vous êtes bien gardés.
Ces deux « mesurettes », ces deux annonces, sont, en raison de la procédure que vous avez utilisée, des effets de manches qui ne sont pas dignes – je le dis avec solennité – de notre démocratie et des enjeux pour les parents d’enfants handicapés.
Encore une fois, notre groupe demande une suspension de séance et nous attendons que l’on nous réponde.
M. le président. Comme vous êtes nombreux à vouloir vous exprimer, je suspendrai la séance quand il me plaira. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Cela fait des heures et des heures que nos collègues de l’opposition nous font la leçon…
M. René-Pierre Signé. Vous en avez besoin !
Mme Annie David. Cela change un peu !
M. Philippe Dallier. … et, en l’occurrence, il est vrai qu’ils sont excellents ! Tout ce que nous leur souhaitons, c’est de rester longtemps dans l’opposition afin de pouvoir effectivement continuer à progresser dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. On en reparlera !
M. Alain Fauconnier. Oui, on en reparlera aux cantonales !
M. Philippe Dallier. La vérité sur ce dossier est simple et elle est bien connue : vous n’avez jamais – je dis bien « jamais » – osé proposer la moindre modification du régime des retraites lorsque vous étiez aux affaires ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. C’est votre seule réponse !
M. Philippe Dallier. Michel Rocard, qui avait effectivement travaillé sur ce dossier, avait préféré le repousser, l’estimant trop compliqué.
M. Roland Courteau. C’est faux !
M. Philippe Dallier. Lorsque vous étiez aux affaires, voilà une dizaine d’années, vous aviez créé le fonds de réserve pour les retraites, dont on sait ce qu’il en est aujourd’hui… (Protestations indignées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Vous le pillez !
M. Philippe Dallier. Il devait, en 2020, disposer de 150 milliards d’euros.
M. Guy Fischer. Qui le siphonne ?
M. Philippe Dallier. Mais, parce que la crise est passée par là, il ne disposera au mieux que de 70 milliards d’euros. Vous le savez bien !
Alors que vous n’avez presque jamais agi,…
Mme Bariza Khiari. Quelle honte !
M. Philippe Dallier. … vous expliquez aujourd’hui aux Français – c’est le plus grave – qu’il n’est pas nécessaire de faire quoi que ce soit…
M. Martial Bourquin. C’est faux !
M. Philippe Dallier. … et, surtout, que l’on pourrait ne pas toucher à l’âge de départ à la retraite. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Le véritable débat se situe entre, d’une part, ceux qui ont le courage de dire aux Français que nous avons collectivement, depuis trente ans, accumulé 1 500 milliards d’euros de dettes, que notre système de retraite est déséquilibré et que, si nous ne faisons rien, nous finirons comme l’Irlande, la Grèce ou l’Espagne, et, d’autre part, vous, qui n’avez pas ce courage. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Vous voulez leur faire croire, en toute irresponsabilité, messieurs les donneurs de leçons,…
Mme Raymonde Le Texier. C’est vous qui donnez des leçons !
M. Philippe Dallier. … que nous pourrions sans cesse augmenter les prélèvements pour garantir ce système. Vous savez que ce n’est pas possible et, pourtant, vous soutenez le contraire !
Alors, messieurs, nous en avons marre de vos leçons ! (Vociférations sur les travées du groupe socialiste.) Venons-en au fond, discutons des propositions du Gouvernement : elles sont intéressantes ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, la France nous regarde ; nous sommes le Sénat, nous ne sommes pas l’Assemblée nationale. Permettez à un sénateur qui a trente-trois ans de maison et qui parle d’expérience de vous inviter à vous respecter les uns les autres et à savoir raison garder dans ce débat aussi important. Ce sera plus agréable pour tout le monde. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur Dallier, ce n’est pas en haussant le ton que l’on donne de la force à ses arguments !
M. Jean Desessard. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Sans verser dans la tautologie – mais, puisqu’il ne semble pas nous entendre, il faut bien lui répéter les choses et enfoncer le clou –, je voudrais redire à M. le ministre que sa réforme est injuste et que les Français ne l’acceptent pas, car elle est inacceptable.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. René-Pierre Signé. Il ne peut en douter, parce qu’il voit forcément la masse des manifestants dans les rues.
M. About voudrait nous faire croire que nos propos d’aujourd’hui sont contradictoires avec la demande que nous avons faite hier de soumettre ce projet de loi à référendum.
M. Nicolas About. Ah oui !
M. René-Pierre Signé. Si nous avons été obligés de déposer cette motion, c’est parce que vous ne voulez pas écouter le Parlement !
M. Nicolas About. Ah bon ? Vous écoutez le Parlement, vous ?
M. René-Pierre Signé. Si vous écoutez le Parlement, vous écoutez le peuple !
M. Nicolas About. Hier, vous ne vouliez pas écouter le Parlement !
M. René-Pierre Signé. Monsieur Dallier, c’est nous qui avons fixé l’âge de la retraite à 60 ans, ce que vous avez toujours refusé ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Eh oui!
M. Nicolas About. Non, ce n’est pas le Parlement !
M. René-Pierre Signé. Cette réforme a été approuvée. Aussi, pourquoi ne pas organiser un référendum pour demander aux Français s’ils souhaitent la conserver ?
M. Jean Desessard. Oui !
M. Christian Cambon. Ben voyons !
M. Nicolas About. Vous voulez demander aux Français s’ils veulent la retraite à 55 ans ?
M. René-Pierre Signé. Ne caricaturez pas nos propos !
Monsieur le ministre, comme l’ont expliqué très brillamment les orateurs de mon groupe et ceux du groupe CRC-SPG, nous ne sommes d’accord ni sur le financement, bien entendu, ni sur l’âge de départ à la retraite, ni sur la question de la pénibilité, ni sur l’avenir réservé aux jeunes, aux plus âgés et aux femmes, puisque c’est de cela qu’il est question en cet instant.
Faire reculer l’âge de la retraite, aujourd’hui fixé à 60 ans, revient à pénaliser plus longtemps ceux qui ne sont plus en activité avant 60 ans, souvent des femmes. Celles-ci auraient été les oubliées de ce projet de réforme si nous n’avions pas stigmatisé votre volonté de les mettre à l’écart ; elles auraient été les victimes de vos agissements.
Faut-il rappeler que l’augmentation du taux d’emploi des plus de 50 ans conditionne la viabilité de toute politique en matière de retraite ?
En fin de compte, monsieur le ministre, votre projet instaure une redistribution à l’envers : ce sont les ouvriers et les employés, des femmes surtout, qui devront payer pour que les cadres puissent continuer à prendre leur retraite comme précédemment. De plus, nous ne pouvons ignorer que certaines personnes atteignant l’âge de 60 ans sans avoir une durée de cotisation suffisante préféreront partir à la retraite avec une décote, car elles seront épuisées par le travail. Là encore, ce seront surtout des femmes.
Monsieur le ministre, votre projet, nous l’avons dit, est profondément injuste puisque les plus modestes, voire les plus méritants, qui devraient bénéficier d’une plus grande protection, devront en fait payer pour ceux qui ont eu des carrières plus faciles. Peut-on appeler cela la solidarité ?
M. René-Pierre Signé. N’est-il pas particulièrement cynique de miser sur le fait que certaines personnes partiront plus tôt qu’à l’âge légal, donc avec une décote et une pension encore plus faible que celle qu’elles peuvent percevoir actuellement, afin de réduire en partie les problèmes financiers de notre système de retraite ?
Votre projet, outre qu’il est scandaleux, indécent et socialement inacceptable, est une nouvelle illustration des mensonges du Président de la République, qui avait promis de ne pas toucher à l’acquis de la retraite à 60 ans.
Le mépris et l’hypocrisie dominent votre politique, et c’est ce que nous combattons au nom de tous ceux que vous lésez chaque jour davantage. Nous ne sommes pas seuls à combattre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. À ceux de nos collègues qui, dans cet hémicycle, croient encore que ce sont les parlementaires qui font la loi, je ne saurais trop leur conseiller de consulter le site nouvelobs.com, sur lequel on peut lire le titre de cette dépêche, tombée à dix heures vingt et une : « Les préavis de grève illimitée se multiplient. » Puis, dernière minute : « Nicolas Sarkozy demande un amendement en faveur de certains parents. » CQFD ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Où est Nicolas Sarkozy ? (Sourires.)
Mme Raymonde Le Texier. Tout a été dit, et tout mérite d’être entendu ; aussi, je ne prolongerai pas le débat. (Marques de satisfaction sur plusieurs travées de l’UMP.) Mais présenter comme une véritable avancée et comme un scoop les deux amendements que vient de nous présenter M. le ministre est un peu méprisant pour nous et pour les Français, car ces mesures étaient sous le coude, annoncées largement par la presse depuis des semaines.
M. Jean-Jacques Mirassou. Bien sûr !
Mme Raymonde Le Texier. Ce n’est donc pas une surprise.
Ainsi, devant la multiplication des préavis de grève, Nicolas Sarkozy demande que soient déposés des amendements en faveur de certaines catégories de personnes. Finalement, si le Gouvernement entendait enfin ce qui se passe dans la rue, s’il entendait la colère des Français, ce serait plutôt bien ; mais il se trompe en pensant que les Français se contenteront de ces fausses mesurettes, de ces mesurettes placebos, alors qu’ils vous demandent de mettre fin à cette politique injuste qui consiste à toujours faire payer les mêmes, avec leurs deniers, mais aussi avec leur force de travail, quitte à y laisser leur santé physique et psychologique. Les Français ont le sentiment de ne pas exister pour ce gouvernement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Philippe Dallier. Non, c’est vous qui nous la faites !
M. Charles Revet. C’est en effet l’inverse !
M. Christian Cambon. Il n’y a que vous qui faites la leçon !
M. Claude Bérit-Débat. Il nous fait même une leçon de morale en nous reprochant de n’avoir rien fait jusqu’à présent et en nous demandant quelles sont nos propositions.
M. Gérard Longuet. Ce n’est pas une explication de vote !
M. Claude Bérit-Débat. Il faut dire que, dans la mesure où vous n’êtes que trois ou quatre à intervenir, on ne vous entend pas beaucoup, mais tout le monde aura compris que nous sommes dans le registre de la comédie la plus totale,…
MM. François-Noël Buffet et François Trucy. Ah oui !
M. Claude Bérit-Débat. … de la communication et de la réclame – et le mot est faible.
De fait, on est en droit de se poser quelques questions. M. le ministre nous annonce ce matin que le Gouvernement dépose deux amendements, qui seront examinés tout à l’heure par la commission des affaires sociales. Autrement dit, il prend tout d’un coup conscience que les mesures contenues dans son projet de loi sont injustes, pour reprendre les propres termes de M. le ministre, à la fois pour les femmes qui ont eu au moins trois enfants – mais il ne vise que les femmes nées entre 1951 et 1955 – et pour les parents d’enfants lourdement handicapés – mais il ne précise pas le type de handicap concerné par la disposition qu’il propose.
Or, comme l’a dit Jacky Le Menn, nombre d’associations représentant le monde du handicap, que nous avons reçues au Sénat et que nous recevons régulièrement dans nos permanences, attirent notre attention, au-delà du problème des retraites, sur la situation dramatique des personnes handicapées et de leurs familles. Je le répète, nous sommes dans le registre de la communication.
Incontestablement, cette annonce n’est pas étrangère à la montée en puissance de la contestation sociale, dont se font l’écho un certain nombre de médias.
Jusqu’à présent, vous êtes demeurés insensibles, aveugles et sourds à ces millions de personnes, à la fois des travailleurs, des jeunes, des mères de famille…
M. Jean-Jacques Mirassou. Des retraités !
M. Claude Bérit-Débat. … et même des retraités, qui, en posant la question des retraites d’une façon tout à fait différente, souhaitent ouvrir les yeux du Gouvernement.
Par ailleurs, la caricature que vous dressez de l’opposition est vraiment inacceptable. Vous prétendez que celle-ci n’a rien fait dans ce domaine et qu’elle ne formule pas la moindre proposition. Je ne reviendrai pas sur les avancées qui peuvent être mises à notre actif, mais permettez-moi de vous rappeler la plus importante, que René-Pierre Signé a d’ailleurs évoquée : la retraite à 60 ans ! Nous sommes fiers d’avoir soutenu et obtenu, grâce à François Mitterrand, cette avancée essentielle. (M. Jacques Gautier s’exclame.)
Quant à nos propositions actuelles, elles ont été développées, au cours de la discussion générale, par nos collègues Christiane Demontès et Jean-Louis Carrère. Voilà qui montre bien que nous voulons réformer le système des retraites, mais surtout pas en adoptant vos propositions !
D’abord, il est injuste – nous le répéterons tout au long des débats – de faire supporter 85 % du financement de cette réforme aux salariés, sans toucher aux revenus du capital et du patrimoine.
Si vous prenez le temps de prendre connaissance de nos propositions, vous verrez que le financement que nous proposons est équilibré…
M. Jean-Jacques Mirassou. Et pérenne !
M. Christian Cambon. Lequel ?
M. Claude Bérit-Débat. … dans la mesure où il repose sur trois piliers. Je ne m’étendrai pas davantage ici, car nous aurons l’occasion d’y revenir.
Ensuite, contrairement à la nôtre, la réforme que vous proposez n’est pas pérenne et nécessitera un nouvel examen après 2018.
Enfin, et moi-même et mes collègues le répéterons tout au long de ce débat, cette réforme est injuste, car vous faites fi non seulement des femmes, qui en sont les laissées-pour-compte, mais également des travailleurs ayant des carrières longues ou exerçant leur activité dans des conditions pénibles.
La majorité ferait bien de nous écouter, car nous sommes là pour proposer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Nous allons certes continuer à discuter du fond de cette réforme,…
M. Christian Cambon. Vous ne voulez pas discuter !
M. David Assouline. … mais permettez-moi de m’attarder de manière un peu solennelle sur la forme, et ce par respect pour notre fonction, qui est la même, que l’on appartienne à la majorité ou à l’opposition.
On voudrait nous habituer à certaines pratiques, mais je rappelle aux plus anciens d’entre nous – moi, je ne siège dans cette enceinte que depuis quelques années – qu’il n’est pas normal, dans une démocratie parlementaire, d’apprendre un matin, à dix heures cinq, en plein débat, au travers d’une dépêche de l’AFP en provenance de l’Élysée, et alors que le Parlement est en session plénière, alors que la commission saisie au fond a travaillé sur ce projet de loi et que nos concitoyens sont, eu égard à l’importance de la réforme, plus attentifs encore à nos débats, que Nicolas Sarkozy a demandé que soient déposés deux amendements, l’un en faveur des mères de trois enfants ou plus, l’autre au profit des mères d’enfants handicapés ! Cette information nous provient directement de l’Élysée, qui n’a même pas fait semblant de passer par d’autres canaux !
Un sénateur du groupe socialiste. Les ministères !
M. Jean-Pierre Godefroy. Et le Premier ministre ? À quoi sert-il ?
M. Roland Courteau. C’est la débandade !
M. Christian Cambon. Vous devriez être contents de cette annonce !
M. David Assouline. Et seulement quelques minutes plus tard, une seconde dépêche nous parvient ! Voilà une manière bien cavalière de traiter la représentation nationale ! M. Woerth est devant le Sénat pour discuter de ce projet de loi et c’est l’Élysée qui nous propose deux amendements !
M. Jean-Jacques Mirassou. Il faut réunir la commission !
M. David Assouline. C’est du jamais vu !
Mme Isabelle Debré. Qu’est-ce que cela peut vous faire ? Cela ne vous empêche pas de voter ?
M. David Assouline. Mes chers collègues, consultez les annales du Parlement pour savoir si l’Élysée a jamais agi avec une telle outrance !
Sérieusement, ces mesures coûtent de l’argent. L’article 40 de la Constitution sera-t-il opposé à ces amendements comme il l’est chaque fois aux propositions que fait la gauche ?
M. François Marc. Eh oui !
M. François Trucy. Vous ne comprenez rien !
M. David Assouline. La seconde dépêche de l’AFP en provenance de l’Élysée…
M. Christian Cambon. Vous l’avez déjà dit !
M. David Assouline. … nous apprend que ces mesures seront financées par de nouvelles recettes à hauteur de 3,4 milliards d’euros, grâce à une augmentation de 0,2 % des prélèvements sociaux sur les revenus du capital et à un alignement du taux des prélèvements forfaitaires sur les plus-values immobilières des résidences secondaires sur celui des prélèvements applicables aux autres revenus du capital.
Les salariés qui se sont mobilisés ne manqueront pas d’entendre ce message, et nous les appelons vivement à l’entendre : puisque vous êtes parvenus à trouver 3,4 milliards d’euros, pourquoi donc ne serait-il pas possible de dégager des moyens supplémentaires en taxant les revenus du capital pour maintenir l’âge légal de la retraite à 60 ans ?
Mme Brigitte Bout. Oh !
M. David Assouline. Certes, cette annonce procède d’une manœuvre, mais elle constitue aussi un encouragement.
M. Alain Fauconnier. Bravo !
M. David Assouline. Quand les Français manifestent, on trouve, en une nuit, 3,4 milliards d’euros ! C’est donc qu’il vous est possible de trouver plus encore pour des catégories autres que les mères de famille ou d’enfants handicapés, et ce par souci de justice ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)
Je pense notamment à tous les salariés ayant commencé à travailler à 18 ans, qui, bien qu’ils totalisent 41,5 annuités de cotisation, devront néanmoins travailler 44 ans, puisque vous leur « volez » la surcote dont ils auraient pu bénéficier ! Voici ce que nous voulons : le droit !
Par ailleurs, je veux dire à notre collègue Philippe Dallier qu’il n’est pas convenable de nous parler avec autant de violence ! (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Dallier. Écoutez-vous !
M. le président. Je vous en supplie, mes chers collègues, ne vous interpellez pas !
Monsieur Assouline, le temps de parole qui vous a été imparti est presque épuisé. Je vous demande de conclure.
M. David Assouline. Monsieur le président, j’ai été souvent interrompu ! Je resterai respectueux tant que l’on me respectera !
Monsieur Dallier, dans le débat relatif au Grand Paris, je vous ai entendu vous révolter quand l’exécutif niait la liberté des parlementaires.
M. René Beaumont. Votre temps de parole est épuisé !
M. David Assouline. Or, du fait de votre appartenance à la majorité, vous êtes plus écouté que nous, monsieur Dallier !
M. le président. Concluez, mon cher collègue !
M. David Assouline. Je termine, monsieur le président.
M. René Beaumont. C’est fini !
M. David Assouline. Pourtant, vous vous êtes révolté ! (M. Jacques Gautier martèle son pupitre.)
Aussi, nous appelons l’ensemble des sénateurs à refuser une telle situation et réclamons une suspension de séance, car il y va de l’honneur du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Notre collègue David Assouline applique ce vieux principe de l’art oratoire des préaux : plus le message est creux, plus la voix est forte ! (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. C’est minable ! Vous allez m’entendre aujourd'hui !
M. Gérard Longuet. La vérité, c’est que nous sommes au cœur de la vie parlementaire, et, avec un peu d’effort, nous pourrions débattre de manière utile et apaisée.
L’annonce qui vient d’être faite ce matin prouve que notre discussion générale a été suivie d’effet. Quel sénateur pourrait regretter de ne pas avoir été entendu par l’exécutif ?
Mme Isabelle Debré. Absolument !
M. Gérard Longuet. Dans quelle démocratie parlementaire les lois ne s’élaborent-elles pas grâce à une entente entre l’exécutif et le législatif ? (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
M. David Assouline. Quelle entente ? Les ordres ?
M. Gérard Longuet. Une dépêche indique que l’exécutif a travaillé avec sa majorité. Mais c’est ainsi que fonctionnent toutes les démocraties européennes ! Vous vous en étonnez ! Cet étonnement nous étonne de la part d’une majorité qui, en décembre 1981, a imposé la retraite à 60 ans en privant le Parlement de tout débat (Non ! sur les travées du groupe socialiste.)…