M. le président. La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Ce débat est parfaitement surréaliste. Je voudrais tout d’abord remercier M. le ministre de ce qu’il a annoncé voilà quelques instants. Ce n’est pas une « mesurette », puisque, chers collègues siégeant sur les travées de gauche, vous considériez hier que c’était essentiel ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David. C’est faux !
M. André Lardeux. Après l’annonce de ce matin, ce n’est plus essentiel… C’est tout de même assez curieux… Ayez alors le courage de voter contre, et les choses seront claires. (Voilà ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Les Français sauront ceux qui sont pour l’amélioration, pour un peu plus de justice, et ceux qui n’en veulent pas, parce que cela ne les arrange pas ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Ce sont des mesures homéopathiques !
M. André Lardeux. Vos interventions de tout à l’heure montrent à quel point vous êtes embarrassés dans cette affaire. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Vous ne savez plus comment vous y prendre.
Par ailleurs, je voudrais faire remarquer que, à l’extérieur, on nous observe. Le spectacle que vous donnez…
M. Alain Gournac. Un spectacle nul !
M. André Lardeux. … en retardant le débat sans arrêt est assez pitoyable et dévalorise considérablement le Parlement.
Mme Évelyne Didier. C’est vous qui dévalorisez le Parlement !
M. André Lardeux. Enfin, je dirai un mot, qui a déjà été prononcé il y a très longtemps : c’est un grand avantage de n’avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser… (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali.
Mme Samia Ghali. Monsieur le ministre, vous ne comprenez pas les femmes ni ne savez leur parler. On parle aujourd’hui d’avancées. En réalité, croyez-moi, c’est un recul.
Les femmes, pour certaines d’entre elles, sont obligées de rester à la maison pour garder leurs enfants. Elles le font parce qu’il n’y a jamais de place en crèche et que les autres modes de garde sont insuffisants. Ce n’est pas toujours un choix ; cette situation, qui leur est malheureusement imposée, est accentuée en raison des politiques que vous menez parallèlement.
Je voudrais évoquer les femmes qui choisissent de garder un enfant handicapé. À cet égard, je partage totalement les propos de Mme David : à quel niveau situe-t-on le handicap ? Il existe, par exemple, plusieurs degrés de trisomie. Comment décide-t-on qu’un enfant peut se débrouiller seul ou pas ? Là aussi, il y a matière à réfléchir.
J’aborderai maintenant le problème des personnes âgées. Les femmes qui ont élevé leurs enfants, qui se sont parfois occupées d’un enfant handicapé, doivent aussi veiller sur leurs parents. Ces femmes n’ont pas choisi toutes ces contraintes.
Je ne pense pas à celles qui choisissent d’élever leurs enfants à la maison et qui, une fois ces derniers emmenés à l’école, ont du temps pour aller faire du sport ou une manucure, tout cela parce que leur mari perçoit un gros salaire. Je pense à la majorité des femmes françaises qui ont du mal à arrondir les fins de mois, qui ont besoin de travailler et qui n’ont malheureusement la possibilité de faire garder ni leurs parents, ni leurs enfants, ni éventuellement leur enfant handicapé. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Mon propos sera bref.
Monsieur le ministre, je pense, comme mon collègue Jean-Louis Carrère, que vous axez tout sur la communication. Je dirai même que vous êtes le ministre de la réclame : ce matin, en effet, vous nous avez fait un spot publicitaire pour les ménagères de 55 à 59 ans ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Je demande la parole.
M. le président. Monsieur Fischer, vous êtes déjà intervenu. Je vous donnerai la parole pour un rappel au règlement.
La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le ministre, j’ai le sentiment que, depuis hier, vous avez commencé à dresser un décor, une forme de mise en scène. En même temps, vous avez voulu que l’ambiance soit un peu différente dans cet hémicycle.
Nous étions entrés dans ce débat pour parler du fond,…
M. Alain Gournac. Avec les banderoles !
M. Jean-Pierre Bel. … pour essayer d’apprécier tous les aspects de la réforme que vous nous proposez. Or, nous avons très vite compris, en particulier hier soir à l’occasion de la conférence des présidents, que votre vision était un peu différente et que vous vouliez passer en force, au galop, sur un texte qui est essentiel pour la vie quotidienne des Françaises et des Français et qui mérite qu’on y passe le temps qu’il faut.
J’entends à l’instant l’un de nos collègues de la majorité nous expliquer que ce débat est surréaliste et que nous donnons aux Français un spectacle affligeant.
Les Français ne sont pas dupes ; ils ont très bien compris ce que vous étiez en train de faire. Vous essayez de nous faire croire, aujourd’hui, que le Gouvernement a avancé par rapport à ce texte. En réalité, comme vient de le dire Christiane Demontès, vous essayez de nous présenter comme une avancée le fait pour vous d’éviter juste la régression que vous vouliez imposer à l’ensemble des Françaises et des Français, notamment aux mères de famille.
Nous traitons de la question des retraites, nous ne discutons pas des aspects particuliers de la politique familiale. La façon que vous avez de préparer et de présenter les amendements, de mettre en scène, de théâtraliser les débats au Sénat, en privant l’opposition de la capacité d’apprécier vos propositions, m’amène à me joindre à la demande d’Annie David pour solliciter une suspension de séance.
M. Alain Gournac. C’est de l’obstruction !
M. Jean-Pierre Bel. Il est important que nous puissions nous-mêmes examiner ces amendements que vous avez débattus dans de petits cercles ce matin et les jours précédents. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le ministre, voilà quelques jours, en commission, vous avez soutenu, au détour d’un amendement ressemblant à celui que vous proposez aujourd’hui concernant les femmes, qu’il n’était pas raisonnable d’adopter des mesures spécifiques en faveur de ces dernières compte tenu du risque de nous voir sanctionnés par la Cour de justice des communautés européennes pour non-respect de l’égalité entre les hommes et les femmes. Vous avez également affirmé que nous prenions le risque de remettre en cause toutes les majorations tendant à réduire ces inégalités.
Mais n’est-ce pas votre but ? Ne voulez-vous pas, en fait, remettre en cause toutes les majorations tendant à réduire ces inégalités ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Votre déclaration vient au lendemain de l’annonce par de nombreuses organisations syndicales et fédérations d’un arrêt de travail long. Y a-t-il un lien de cause à effet ?
Par ailleurs, nous demandons depuis le début que ce débat soit serein. Je remarque pourtant que le Gouvernement et la majorité ne cessent de jeter de l’huile sur le feu. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Les propositions de M. le ministre sont intéressantes et méritent d’être examinées. Toutefois, elles ne supprimeront aucunement les inégalités salariales entre les hommes et les femmes, ni les inégalités entre les hommes et les femmes face à l’emploi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Je suis un peu effarée de ce que j’entends. (Très bien ! sur certaines travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Aujourd’hui, nous travaillons dans le but de sauvegarder notre système de retraite par répartition. (Non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Nous travaillons…
M. Jean-Louis Carrère. Vous travaillez, vous ?
Mme Isabelle Debré. … pour nos enfants et nos petits-enfants. J’estime que nous devons aujourd’hui faire preuve de responsabilité.
Hier, j’ai entendu sur les ondes quelqu’un qui ne me semble pas véritablement appartenir à mon parti politique : il s’agit de M. Jean Peyrelevade.
M. Jean-Louis Carrère. Il est au MoDem !
Mme Isabelle Debré. Une question lui a été posée en ces termes : vous étiez, à l’époque, plutôt du côté de l’opposition actuelle, et vous avez fait passer la retraite à 60 ans, n’est-ce pas ? M. Jean Peyrelevade a répondu que c’était exact. Il lui a alors été demandé s’il trouvait anormal que l’on recule l’âge de départ à la retraite à 62 ans et à 67 ans. Sa réponse a été claire, nette et précise. Il a dit qu’il trouvait cela normal. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. René-Pierre Signé. Qu’est-ce que ça prouve ?
M. Guy Fischer. C’est son truc à lui !
Mme Isabelle Debré. Aujourd’hui, ce clivage gauche-droite est, à l’évidence, irresponsable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, qui couvrent la voix de l’oratrice.) Nous devons travailler ensemble. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je tiens à remercier M. le ministre des deux propositions qu’il nous apporte aujourd’hui. Il est vrai que la commission des affaires sociales se doit d’en débattre, pour adopter ou non ces amendements.
À titre personnel – je ne parle pas pour mes collègues, bien que je sache qu’ils feront la même chose que moi –, je voterai ces deux amendements. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) C’est justement à l’honneur du Sénat d’avoir travaillé, d’avoir proposé ces deux amendements et su convaincre le ministre du bien fondé de ces derniers.
M. Jean-Louis Carrère. Droite-droite ! Droite-droite ! Droite-droite !
Mme Isabelle Debré. Aujourd’hui, monsieur le ministre, nous tenons à vous remercier. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux que le Gouvernement annonce retenir les propositions du groupe de l’Union centriste (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)...
M. René-Pierre Signé. C’est le début du ralliement !
M. Nicolas About. Si le Gouvernement se rallie au groupe de l’Union centriste, j’en suis content !
Je suis très heureux, disais-je, que l’on prenne en compte la situation particulière des parents qui, ayant interrompu leur activité pour élever leurs enfants, se retrouvent avec un très grand décalage en termes de droits à la retraite. Toute une génération est dans ce cas. Je remercie le Gouvernement de nous avoir entendus.
Je le remercie également d’avoir entendu, de façon définitive, notre appel afin que les parents qui s’arrêtent pour s’occuper d’un enfant lourdement handicapé ne soient pas pénalisés par la décote étendue. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. René-Pierre Signé. C’est normal !
M. Nicolas About. Je remercie le Gouvernement.
M. Jean-Louis Carrère. Quelle mise en scène ! C’est un mauvais scénario !
M. Nicolas About. Par ailleurs, je voudrais indiquer à notre collègue qui a semblé être surprise que le ministre ait évoqué tout à l’heure l’idée que la mesure concerne les femmes que, bien entendu, cela porte sur les femmes. Mais je suppose que, compétent comme il est, le ministre fera référence dans son amendement…
M. Guy Fischer. Où est-il ?
Mme Annie David. Nous aimerions le voir !
M. Nicolas About. Il n’y aura qu’à reprendre le nôtre, qui a été déposé il y a une semaine ! C’est le même !
… je suppose, disais-je, que le ministre fera référence au « parent qui », comme nous l’imposent le droit européen et la Constitution. Chacun sait néanmoins, bien entendu, à qui nous pensons alors, puisque, lorsque l’on évoque un parent qui interrompt son activité pour s’occuper de son enfant, c’est quasiment toujours la mère qui est concernée. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. On a parlé tout à l’heure du spectacle que donne le Parlement, le Sénat en particulier.
Devrions-nous être coupables de défendre des acquis sociaux mis en cause par cette loi ? Est-ce donner une mauvaise image du Parlement, pour des parlementaires, que de défendre pied à pied ce que des millions de femmes et d’hommes ont gagné au fil de l’Histoire ?
Je pense que vous avez du Parlement une idée complètement différente de la nôtre.
Depuis deux ans que je suis dans cet hémicycle, je vois les lois passer à toute vitesse. Nous avons parfois un temps réduit pour prendre position sur ces textes. Nous sommes en permanence en flux tendu.
Ce gouvernement, depuis qu’il est en place, donne à mon avis du Parlement une image catastrophique !
Mme Annie David. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Je tiens à dire à ma collègue que l’image du Parlement est rehaussée lorsque les parlementaires discutent, lorsqu’ils donnent et défendent des arguments.
M. Nicolas About. Vous vouliez un référendum, hier ! Vous vous moquez du monde !
M. Martial Bourquin. À tout moment, sur des questions comme celle-là, nous nous faisons honneur en défendant ce que pense la majorité des Français.
J’ai entendu M. About à l’instant. Je vois bien quelle stratégie se met en place. Au Sénat, il y aurait une ouverture concernant les femmes...
M. Nicolas About. Pas seulement !
M. Martial Bourquin. Nous aurions un peu « sauvé les meubles » s’agissant de la retraite à 60 ans. Se moque-t-on du monde dans cette salle ?
Mme Annie David. Bien sûr !
M. Nicolas About. Cela n’a rien à voir avec la retraite à 60 ans !
M. Martial Bourquin. Pensez-vous un seul instant que ces trois millions de personnes dans la rue – ainsi que ceux qui n’y étaient pas mais qui pensent comme elles – et que plus de 60 % de Français de tous bords veulent cela ? Ils veulent que nous rediscutions la réforme des retraites de fond en comble. Cela doit être fait à partir de l’idée de justice, de l’idée de solidarité. (Oh ! sur les travées de l’UMP.)
Comment est-il possible, dans un pays comme le nôtre, qu’il y ait, d’un côté, ce bouclier fiscal et ces stock-options et que, d’un autre côté, l’on pousse le cynisme à proposer que des gens qui travaillent très dur, qui parfois font les 3x8 et ont des métiers difficiles, aient une carte d’invalidité ? Alors que l’on sait très bien qu’existent des métiers difficiles par essence, et qui devraient être reconnus comme tels !
M. Nicolas About. Ils le sont !
M. Martial Bourquin. Sur cette question des retraites, le Gouvernement met vraiment en relief son esprit complètement antisocial.
Je suis convaincu qu’il est encore temps de rediscuter de fond en comble cette réforme. Il est temps, enfin, d’aborder la question du financement des retraites autrement que par un allongement de la durée de cotisation. (Protestations sur certaines travées de l’UMP.)
Je suis originaire d’un grand bassin d’emploi industriel, et je vois des personnes qui travaillent très dur. Nous savons parfaitement que ces personnes ont une espérance de vie moins longue que les individus appartenant à certaines couches sociales. Pour ces gens, apprendre qu’ils vont travailler deux années de plus est un drame !
Mme Annie David. Absolument !
M. Nicolas About. Vous n’avez pas le monopole du cœur !
M. Martial Bourquin. Ce sont deux bonnes années de retraite dont ils ne profiteront pas. Ces deux années leur apparaissent comme un spectre.
Je souhaiterais que nous ne caricaturions pas le débat. Ce qui est en cause aujourd’hui, ce n’est pas la volonté de certains de mener une réforme des retraites alors que d’autres s’y opposent. Ce que nous voulons, c’est une autre réforme des retraites ! Une réforme qui soit juste, solidaire, et qui touche vraiment, enfin, aux véritables leviers de financement. Il n’est pas possible qu’une réforme soit financée à 85 % par les salariés !
Il y a un an et demi, tout le monde voulait taxer les banques ; or cela n’est toujours pas fait. Tout le monde voulait taxer les bonus, les stock-options et les retraites chapeaux ; or cela n’est toujours pas fait !
Va-t-on enfin traiter ces vrais problèmes ? Pourquoi ne sont-ils pas abordés ? Tout simplement parce que ce gouvernement a décidé d’être le gouvernement des possédants (Rires au banc des commissions.),...
Mme Annie David. Bien sûr ! Ça vous embête !
M. Martial Bourquin. ... et jamais celui du peuple, de ceux qui travaillent dur, qui souffrent au travail et veulent une retraite bien méritée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Avant d’entrer au Sénat voilà quelques mois, je me faisais – sans doute à tort – une certaine image des relations entre le Parlement et le Gouvernement. Je pensais que la Haute Assemblée était un lieu de débat et d’avancée démocratique.
Alors que j’enseignais l’éducation civique, j’apprenais à mes élèves le rôle de l’Assemblée nationale et du Sénat. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Ronan Kerdraon. Malheureusement, il y a loin de la théorie à la réalité. Je découvre aujourd’hui le mépris clairement affiché avec lequel vous traitez les élus de l’opposition. On parlait tout à l’heure de surréalisme ; pour ma part, je parle de stupéfaction : vous n’avez qu’une volonté, abaisser le Parlement et priver l’opposition de ses moyens d’expression !
M. Christian Cambon. Il n’y a que vous qui parlez !
Mme Annie David. Levez la main, prenez le micro !
M. Ronan Kerdraon. Que dire quand nous découvrons en séance ces prétendues avancées, qui ne sont, finalement, que la non-suppression de droits acquis ?
Oui, il faut réformer notre système de retraite, mais certainement pas de cette façon. La réforme de notre système de retraite fait partie de ces sujets qui nécessitent un consensus national. En effet, une telle réforme engage sur le long terme et implique par conséquent un temps long de concertation avec les syndicats et le Parlement. Il ne s’agit pas simplement de jouer le « télégraphiste de l’Élysée ».
Il faut arriver à un diagnostic partagé, à des compromis collectifs ! Négocier, monsieur le ministre, n’est synonyme ni de consulter, ni d’informer, ni d’imposer.
Vous n’avez pas fait un tel choix. Vous avez escamoté le débat avec les partenaires sociaux et tronqué ce même débat à l’Assemblée nationale. Vous vous lancez ici dans la même opération. Nous dénonçons cette posture !
Sans doute, de l’échec ou de la réussite de votre stratégie dépendront peut-être la fin du quinquennat, voire la candidature ou la réélection de Nicolas Sarkozy. Voilà la raison pour laquelle depuis plusieurs mois, le gouvernement auquel vous appartenez met toutes ses forces dans la bataille médiatique. Journaux, télévision et radio nous livrent un message unique. (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)
La réforme est un passage obligé pour sauver notre régime par répartition. Elle n’a qu’un postulat : puisque l’on vit plus longtemps, il est normal de travailler plus longtemps. C’est scandaleux !
À l’heure où le chômage des jeunes explose et où les seniors sont remerciés bien avant l’âge de 60 ans, nous voyons bien que l’enjeu n’est pas là. Où est-il alors ?
Ne cherchons pas trop longtemps. Le Gouvernement et le MEDEF s’entendent comme larrons en foire pour favoriser un régime par capitalisation favorable aux assurances.
D’autres solutions existent. Jean-Pierre Bel l’a dit hier, Christiane Demontès l’a très bien exprimé l’autre jour.
Si vous nous en laissez le temps, nous vous expliquerons, pendant ce débat, comment il est possible de conserver et de financer notre système de retraite par répartition. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le ministre, n’imaginez pas que les mesures que vous venez de nous annoncer permettront de régler le problème des femmes de notre pays !
Les femmes de France qui ont interrompu leur carrière professionnelle pour élever leurs enfants ne sont pas 130 000 et ne sont pas toutes nées au cours des années visées par votre amendement ; les femmes de ce pays qui recherchent une place d’accueil pour leur enfant sont bien plus nombreuses que les 130 000 concernées par cette annonce !
Mme Annie David. Bien évidemment !
Mme Claire-Lise Campion. Nous savons tous ici quelle est la situation de ces femmes qui, faute de trouver un mode de garde à la veille de reprendre leur activité professionnelle, doivent se résoudre à rester à la maison, n’ayant d’autre choix possible. Aussi, monsieur le ministre, donnons véritablement les moyens aux familles de notre pays de trouver des solutions pour concilier vie familiale et vie professionnelle.
Comment pouvez-vous vous imaginer que nous pourrions nous contenter de cette annonce, ou, plus exactement, de cette « réclame » de dernière minute ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
M. Jean-Pierre Caffet. Franchement, monsieur le ministre, le moins qu’on puisse dire, c’est que vous engagez bien mal la discussion de ce texte devant le Sénat si l’on en juge tant par le comportement que vous avez adopté depuis le début de nos débats que par les « révélations » que vous faites ce matin.
M. Jean Desessard. Une annonce publicitaire !
M. Jean-Pierre Caffet. Je ne reviendrai pas sur la provocation de la conférence des présidents, qui a causé l’incident d’hier soir. En revanche, l’absence de toute réponse de votre part à l’opposition me semble révélatrice à plusieurs égards.
Mme Gisèle Printz. Absolument !
M. Jean-Pierre Caffet. D’abord, alors que nous avons été nombreux à nous exprimer sur l’article 1er,…
M. René-Pierre Signé. Il n’écoute même pas !
M. Jean-Pierre Caffet. … souvent par des interventions de fond, vous n’avez pas daigné revenir sur nos propos, ni même nous répondre, encore moins exprimer votre avis sur les amendements que nous avions présentés.
Ensuite, vous persistez aujourd’hui dans ce mépris de l’opposition par vos déclarations et vos annonces. Celles-ci sont révélatrices de votre peur, monsieur le ministre : vous avez peur du mouvement social, vous avez peur de son ampleur, vous avez peur de sa durée et, le cas échéant, de sa radicalisation ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, la méthode purement comptable et financière que vous avez employée, dès le départ, pour engager cette réforme des retraites est un troisième révélateur. En réalité, vous avez les yeux rivés sur la chronique des déficits publics, et la seule question qui vous importe est de savoir comment vous pourriez les combler,…
M. Christian Cambon. Cela, ce n’est pas votre souci !
M. Jean-Pierre Caffet. … sans toucher, bien évidemment, aux revenus du capital ou du patrimoine.
Cette méthode transparaît clairement à travers les annonces que vous avez faites ce matin. Depuis le début, vous suivez une logique comptable et financière et, parce que vous commencez à avoir peur du mouvement social, il semble que vous vous demandiez ce que vous pourriez bien bricoler avec quelques millions ou quelques milliards d’euros. C’est ainsi que vous sortez de votre chapeau quelques mesurettes qui ne règlent en rien le problème de fond de cette réforme, à savoir son injustice, et même son iniquité.
Ce n’est pas en procédant à du bricolage permanent pour tenter de calmer le mouvement social que vous vous en sortirez, monsieur le ministre !
Soyez rassuré : nous serons présents jusqu’à la fin de ce débat, qui s’annonce long, pour défendre nos propositions et vous rappeler quelle serait la bonne réforme à mener. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Comme Jean-Pierre Caffet vient de le souligner, vous ne comprenez finalement qu’un seul langage, monsieur le ministre : celui du rapport de force ! C’est l’annonce par les organisations syndicales d’un blocage possible du pays qui vous fait réagir.
Vous nous présentez les mesurettes que vous venez de nous annoncer comme des avancées. C’est faux ! D’une part, elles ne concerneront que certaines femmes ; d’autre part, elles visent simplement à maintenir l’existant. En réalité, il s’agit là d’un recul, voire d’une régression pour l’ensemble des femmes de notre pays. Par cet écran de fumée, vous pensez leur faire oublier les seuils de 62 et 67 ans : les mères de famille ne seront pas dupes !
Pour notre part, nous disons qu’une vraie réforme, justement financée, est possible. Mais, vous qui êtes les théologiens du marché et les mandants de vos amis du Fouquet’s (Marques d’approbation sur les travées socialistes. – Protestations sur les travées de l’UMP.),…
M. Jean-Jacques Mirassou. Elle a raison !
Mme Bariza Khiari. … vous ne pouvez même pas imaginer qu’une retraite justement financée est possible.
M. François Trucy. Changez de disque !
Mme Bariza Khiari. Ce sont encore les mêmes qui vont trinquer !
Votre projet n’est qu’une somme d’ajustements comptables et paramétriques. Votre prétendue réforme est brutale, inefficace et injuste.
Nous prenons maintenant à témoin les Français, et ils savent que nous avons une conception bien différente de la justice sociale et de ce qu’est une réforme juste.
Nous continuerons, au cours du débat, à leur dire qu’une autre réforme, justement financée, est possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Ce matin, Christiane Demontès et plusieurs de nos collègues se sont exprimés avec force et précision sur le fond.
Pour ma part, je voudrais insister sur la forme que prennent nos débats.
La démocratie reconnaît à chacun le droit d’avoir ses propres opinions. Elle ne peut fonctionner si la majorité, qui aura de toute façon toujours le dernier mot, ne respecte pas l’opposition.
Nous n’acceptons pas le mépris de la majorité pour l’opposition – l’intervention de M. Lardeux en constitue une parfaite illustration –, le mépris de la droite pour les propositions du parti socialiste – vous les tournez en dérision alors qu’il s’agit de solutions concrètes, qui ne font pas l’impasse sur le financement –, le mépris du Gouvernement pour le Parlement.
Les méthodes du Gouvernement sont grossières, invraisemblables, exclusivement fondées sur des stratégies électorales. Elles sont le fait d’un pouvoir concentré entre les mains de quelques-uns, en un seul lieu, qui n’écoute que ses amis de la haute finance, d’un pouvoir où les limites de l’exécutif, du législatif et même du judiciaire deviennent de plus en plus floues, d’un pouvoir qui a réduit le rôle du Premier ministre à celui d’un collaborateur et qui souhaiterait bien faire du Parlement une simple chambre d’enregistrement.
Nous ne nous laisserons pas faire et nous défendrons ici les droits de la démocratie. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)