M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je viens à cette tribune pour porter un témoignage, pour inscrire cette réforme dans son contexte national et international, et pour apporter mon soutien au chef de l’État, dont la vision du nouvel ordre économique mondial doit nous permettre de jeter les fondations de la société française et de la société européenne des prochaines années.
Tout le reste n’est que blabla...
M. Daniel Raoul. C’est bien parti !
M. Jean-Paul Virapoullé. Le témoignage, tout d’abord.
J’étais plus jeune – cela m’est arrivé -, j’étais un jeune député – j’étais dans l’opposition, vous étiez dans la majorité, chers collègues socialistes -, lorsque, en 1991, Michel Rocard, alors Premier ministre, a proposé la création de la contribution sociale généralisée, la CSG.
Mon groupe, l’Union centriste, m’avait conseillé de voter la censure. Mais, tout en étant fidèle à ma famille politique, j’ai toujours gardé une liberté de parole et d’action. Aussi considérais-je à l’époque, après analyse, que la CSG, qui allait devenir l’une des principales sources de financement de la sécurité sociale, ne pouvait pas être un enjeu politicien, ni faire l’objet d’une guerre de tranchées entre la gauche et la droite.
Il serait bon, pensais-je alors, que la droite et la gauche cessent enfin leur guerre franco-française et que ce pays de 66 millions d’habitants prenne enfin conscience de sa place face aux 6 milliards d’habitants d’une planète où les frontières sont tombées, où l’on échange des biens et des informations d’un océan à l’autre. Pourquoi serions-nous voués à poursuivre la lutte des classes et les guerres de tranchées ?
Je n’ai donc pas voté la censure, et je m’en suis expliqué sur les chaînes de télévision et de radio. Nous étions quatre députés à faire ce choix : le Gouvernement n’a pas été censuré. Lorsque les résultats ont été proclamés, certains collègues à la culture quelque peu limitée se sont répandus contre la CSG aux mots de « Rocard, DOM-TOM, république bananière » !
Vingt ans après, avec le recul, qui peut encore dire que la CSG était une réforme digne d’une république bananière ? Aujourd’hui, elle pèse 87 milliards d’euros ; c’est le principal impôt direct avant l’impôt sur le revenu, l’une des principales sources de financement de la sécurité sociale, de la branche famille, du Fonds de solidarité vieillesse !
Le texte que nous proposent courageusement le ministre du travail, le Président de la République, le Gouvernement et la majorité qui les soutient se situe dans la droite ligne de cette réforme.
Ne soyons pas frileux ! Ne restons pas crispés chacun dans un camp ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Je ne suis pas monté à la tribune pour nourrir cette guerre de la droite contre la gauche. Personne ne détient la vérité ! La vérité n’est d’ailleurs pas immuable, car le monde change plus vite qu’on ne le croit. Nous avons vu des pays sous-développés devenir des pays en voie de développement, puis des pays émergents. Et qui peut dire, aujourd’hui, que la Chine, l’Inde ou le Brésil sont des pays « émergents », alors qu’ils sont déjà sur le podium des premières puissances économiques mondiales ?
Pousser les Français dans la rue et paralyser le pays, c’est jouer contre son pays, c’est jouer contre son propre camp, appauvrir nos entreprises et favoriser la délocalisation !
Nous n’avons pas besoin de cela, alors que la France se vide de son sang industriel, comme l’a si bien dit le Président de la République. Non, nous avons besoin de cohésion nationale ! Et je ne donne de leçon à personne. Simplement, ce que j’ai fait hier, je le fais aujourd’hui !
Mes chers collègues, je suis intimement convaincu que, sans ces réformes aujourd’hui, nous ne pourrons pas demain demander au capital et aux transactions financières de financer la solidarité.
Le Président de la République a demandé hier, à New York, devant les Nations Unies, l’instauration d’une sorte de taxe Tobin.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça pour demander, il a demandé !
M. Jean-Paul Virapoullé. Le prix Nobel d’économie fut en effet l’un des premiers à réclamer une taxation des transactions monétaires internationales.
Aujourd’hui, à Bruxelles, le Président de la République a appelé à l’établissement d’un nouvel ordre économique et monétaire mondial.
Alors, au lieu de faire le procès d’un homme qui met ses mains dans le cambouis et n’a pas peur d’aller au-devant de difficultés incommensurables, je préfère voter cette réforme et, ce faisant, l’assurer de mon soutien !
Évidemment, définir un nouvel ordre économique mondial est une tâche difficile ! Instaurer une gouvernance économique européenne et demander au gouvernement chinois une nouvelle parité du yuan ne sont pas non plus choses aisées !
Mais renoncer à ces combats pour mieux camper chacun dans sa tranchée, c’est appauvrir la France, c’est appauvrir l’Europe, et nous n’avons pas été élus pour cela !
Nous voterons donc votre réforme, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mais écoutez-nous, soyez attentifs à nos amendements, soyez sensibles aux pistes d’amélioration évoquées ce matin, et ce texte juste, mais encore perfectible, nous le perfectionnerons ensemble ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Demain, d’autres réformes viendront et, avec elles, je l’espère, un nouvel ordre économique et financier mondial qui nous permettra au niveau européen, et peut-être même au niveau mondial, puisque le président Obama en est d’accord, de prendre sur le capital pour financer la solidarité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Mayet.
M. Jean-François Mayet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le problème des retraites est aujourd’hui une préoccupation très actuelle pour tous les pays qui ont la chance d’être dotés d’un système de retraite. En fonction de l’histoire, des convictions et des ambitions de chacun d'entre eux, la façon de le traiter peut varier.
En revanche, le résultat dépendra toujours de leur capacité respective à sortir la question du champ idéologique, afin d’assurer une pérennité qui, elle, ne peut être qu'économique. Nous le savons tous et il est malhonnête d'essayer de faire croire autre chose.
M. Roland Courteau. Cela vous va bien !
M. Jean-François Mayet. Comme à son habitude, l’Allemagne…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Trente-cinq ans de cotisations !
M. Jean-François Mayet. … a pris les mesures nécessaires à la sauvegarde de ses différents régimes de retraite. Et sans surenchère politique ou syndicale.
L’Allemagne ne prétend pas donner de leçons à ses voisins ! Elle se contente de réussir, dans le calme et au service des Allemands, lesquels savent parfois dépasser les clivages politiques pourtant très prégnants dans ce pays.
Et nous, qu’avons-nous fait et que faisons-nous à ce sujet ?
Tout provient, excusez-moi de le dire, d’une grossière erreur initiale : avoir avancé l’âge de la retraite de 65 à 60 ans, et ce sans contrepartie financière. (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.) Car c’est essentiellement de là que découle la situation actuelle ! Pourtant, l’évolution de notre pyramide des âges, qui commençait à se dessiner dans les années cinquante, ainsi que l’allongement de la durée de vie, déjà perceptible dans les années soixante et soixante-dix, auraient dû inciter à la prudence et au respect des équilibres. (Mêmes mouvements.)
Nous sommes maintenant dans le mur. Si le pire, c’est-à-dire l’amputation substantielle de toutes les retraites, peut encore être évité, il ne le sera que dans un cadre de rigueur budgétaire garanti par la réforme qui nous est proposée.
Il n’y a aucune autre solution ! Si la solidarité doit bien sûr fonctionner, il est irresponsable d’essayer de persuader les retraités et futurs retraités qu’il faut prendre aux riches pour donner aux autres. Cela ne marche pas, et tout le monde le sait ! Je voterai donc cette réforme, car elle va dans le bon sens. Elle est honnête, courageuse, et elle honore le Gouvernement.
Suffira-t-elle ? Je le souhaite évidemment. Ce succès dépendra de la qualité des projections ayant conduit au projet qui nous est proposé. Je constate cependant que nos voisins européens vont plus loin et plus rapidement.
Nous devons penser aux plus faibles d'entre nous, c'est-à-dire les petits retraités, qui sont les plus nombreux. Leur pouvoir d'achat, évidemment très fragile, dépend du montant de leur retraite mais aussi de ce qui pourrait diminuer en termes de dépenses.
Il faut savoir que le loyer afférent à un logement HLM ou privé représente de 30 % à 40 %, parfois plus, de la ressource globale des retraités. Il est nécessaire, urgent et possible de diminuer cette dépense, en allant jusqu'au bout de l'engagement pris par le Président de la République de faire de la France un pays de propriétaires. Cela vaut bien un complément de retraites !
Ce projet peut et doit concerner toutes les classes de notre société, y compris les plus faibles, qui en ont le plus besoin, financièrement et socialement.
Les mesures qui vont nous être proposées sur l'accession à la propriété sont pertinentes et je les voterai, bien sûr. Mais il va falloir aller plus loin et décider que tout retraité ou futur retraité devra être ou devenir propriétaire de son habitation. C'est la seule solution pour en figer le coût à un niveau supportable pour tous.
Posons-nous, mes chers collègues, deux questions : pourquoi, dans le reste de l'Europe, le taux de propriétaires est-il plus important dans les pays à faible pouvoir d'achat ? Pourquoi, en France, jusqu’en 1950, les familles économiquement les plus faibles étaient-elles très souvent propriétaires ?
C’est dans la réponse précise à ces deux questions que réside l’une des clés du problème. J'ai la conviction que nous devrions rapidement utiliser une partie des 45 milliards d’euros annuels dédiés directement ou indirectement à la location pour aider les Français à faibles ressources à acquérir ou, s’il le faut ensuite, à entretenir leur habitation.
Nous disposons pour ce faire d'un levier formidablement puissant, l'ensemble des bailleurs sociaux : ils ont le savoir-faire et les moyens de lancer et de réussir un mouvement qui peut être historique pour notre pays et de pousser le privé à s’y engager. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé une proposition de résolution que j'espère voir rapidement inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée.
Les professionnels publics du monde HLM, et les professionnels privés, qui travaillent avec moi sur ce sujet depuis deux ans, sont en effet convaincus qu'il serait rapidement moins coûteux pour la collectivité d'aider les Français à acquérir plutôt qu'à louer.
L'intérêt social d'une telle mutation n'est évidemment pas à démontrer et elle constitue manifestement un soutien essentiel au pouvoir d'achat des retraités. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais apporter quelques éléments de réponse aux orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale.
Quelques-uns d’entre vous ont contesté le relèvement de l’âge de la retraite, qui est évidemment au cœur de la réforme. Cependant, j’observe, au fil des débats, sinon évidemment un consensus (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE), du moins un rapprochement certain sur la question du relèvement de l’âge d’ouverture des droits et le seuil de 62 ans.
M. Guy Fischer. Vous prenez vos désirs pour des réalités !
M. Éric Woerth, ministre. Je remarque que, si le seuil de 67 ans suscite quant à lui toujours beaucoup de contestations, à un titre ou à un autre, au fond, on fait preuve de réalisme en ce qui concerne le seuil de 62 ans. En effet, compte tenu de l’allongement de la durée de la vie, repousser de quelques trimestres l'âge d'ouverture des droits, assurant une retraite à taux plein, paraît indispensable.
Rappelons que le taux plein est atteint à 62 ans dans le cadre de cette réforme, et non pas à 67 ans comme certains sénateurs de gauche l'ont prétendu !
Par ailleurs, j’ai apprécié la façon dont Jean Bizet a inscrit notre réforme dans le contexte international et européen. Si l’« exception française » est un concept parfois tentant, il convient d’en définir les limites, notamment lorsque l’on se penche sur des systèmes aussi lourds que celui de nos retraites par répartition.
Comme je l’ai dit dans mon discours introductif et comme l’a répété à l’instant Jean-François Mayet, nous devons nous intéresser aux mesures prises en la matière par nos voisins européens. Je remercie à cet égard Jean-Paul Virapoullé de sa largesse de vue, qui s’étend bien au-delà de l’Europe, et de son soutien, aussi.
En Allemagne,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Trente-cinq ans !
M. Éric Woerth, ministre. … comme l'ont dit Jean Bizet et Jean-François Mayet, l’âge de la retraite sera porté de 65 à 67 ans pour le taux plein. Le seuil allemand de 67 ans correspondra au seuil français de 62 ans ! C’est ainsi que la comparaison doit être faite ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
On entend parfois qu’en Allemagne trente-cinq ans de cotisations suffisent. Mais les Allemands doivent avoir atteint cette durée de cotisation à 63 ans ! Si nous présentions une réforme du même type, je doute fort que les travées de gauche nous applaudiraient ! Au contraire, vous nous diriez que 63 ans est un âge scandaleusement trop élevé, et vous oublieriez bien vite la durée de 35 ans que vous mettez aujourd’hui en avant !
Lorsque l’on parle, dans le cas de l’Allemagne, de 35 ans de cotisations, il faut entendre la condition d’âge - 63 ans -, et ne pas négliger l’importance de la décote associée : elle est de 7,2 %, et pourrait même atteindre 14,6 % !
Alors, trente-cinq ans de cotisations, d’accord, mais quand on compare, il faut comparer l’ensemble et ne pas oublier, en l’occurrence, le seuil de 63 ans et la décote dont je parlais.
À l’invitation de plusieurs d’entre vous, je souhaiterais aussi revenir sur le bouclage financier de la réforme.
Selon Jean-Pierre Plancade, le retour rapide à l'équilibre des régimes de retraite constitue un objectif trop ambitieux. Mais c’est que nous devons aller vite ! Quatre mois par an, c’est effectivement le rythme que nous avons retenu, soit une pente plus rapide que dans plusieurs autres pays.
Mme Christiane Demontès. Vous voulez aller vite !
M. Guy Fischer. C'est brutal !
M. Éric Woerth, ministre. Plus rapide, pas plus brutal ! Cependant, l’objectif final n’est que de 62 ans, donc un âge moins élevé que dans la plupart des autres pays.
En outre, avec notre réforme, l’équilibre financier sera atteint dès 2018. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Christiane Demontès. Non !
M. Guy Fischer. Ce n’est pas vrai !
M. Éric Woerth, ministre. Je sais que vous contestez cette réalité, mais je puis vous assurer que nous serons à l’équilibre en 2018, 2019, 2020…
M. Guy Fischer. Non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. Éric Woerth, ministre. Nous aurons un rendez-vous en 2018, car, comme l’ont dit certains d’entre vous, il ne faut pas hésiter à régulièrement reprendre le dossier.
Cela permet d’ailleurs de dédramatiser le débat, comme c’est généralement le cas à l’étranger. Il faut dédramatiser le débat sur les retraites, qui ne sont que le miroir de la vie,…
M. Guy Fischer. Vous avez fait du catastrophisme !
M. Éric Woerth, ministre. … le miroir de l’espérance de vie et de l’évolution des métiers, le miroir de l’égalité entre hommes et femmes.
Tout cela évolue et, à un moment donné, on doit en trouver la traduction sur les retraites, au nom de la bonne gouvernance de notre pays. Notre système devra donc s’adapter très régulièrement. En aucun cas il ne doit être définitif ou inaltérable. Et heureusement, d’ailleurs, car, si l’on réforme les retraites, c’est bien souvent en raison de bonnes nouvelles, notamment quant à l’espérance de vie !
Jean-Pierre Godefroy a affirmé que la pénibilité n’était absolument pas prise en compte comme elle devrait l’être.
Mme Christiane Demontès. C’est vrai ! Elle n’est pas prise en compte !
M. Éric Woerth, ministre. Certains ont prétendu que nous ne retenions que l’invalidité et l’incapacité, alors que d’autres pays feraient depuis longtemps sa juste place à la pénibilité.
C’est faux ! Les autres pays ne lient pas les taux d’incapacité à la retraite. Ils les lient à des rentes d’invalidité, et non au droit spécifique qu’est la retraite ! La retraite, mesdames, messieurs les sénateurs, n’est pas une prestation sociale, ce n’est pas une prestation compensatoire, ce n’est pas une réparation. La retraite est un droit acquis au fil du temps passé à travailler, le droit à ce que les actifs qui vous succèdent payent votre repos.
Sur le sujet de la pénibilité comme sur tant d’autres, les sénateurs de gauche adoptent une posture à mes yeux défensive. On dirait presque qu’ils sont gênés que, sur la pénibilité, nous ayons mis en place,…
Mme Christiane Demontès. Vous n’avez rien mis en place !
M. Éric Woerth, ministre. … nous ayons inscrit un droit nouveau pour les salariés ! Ils devraient plutôt s’en féliciter, ou éventuellement dire que cela ne va pas assez loin !
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous pourriez reconnaître que nous créons un droit nouveau ! En effet, l’élévation de l’âge de départ à la retraite doit bien prendre en compte la pénibilité des métiers ou des facteurs d’exposition. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Nous ne disons pas que ce dispositif sera gravé dans le marbre pour les quinze ans qui viennent. Nous pensons au contraire que ce droit, que nous inscrivons dans la loi, sera amené à évoluer. Pour ce faire, un comité scientifique, composé de médecins, de sociologues et de thérapeutes, devra travailler sur le lien entre l’exposition à un facteur de pénibilité et son retentissement sur la santé. Si vous ne faites pas ce lien…
M. Jean-Jacques Mirassou. On le fait, le lien !
Mme Christiane Demontès. Vous ne l’avez pas fait vous-même !
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Godefroy, nous aurons un débat, mais vous ne pouvez pas présenter de manière aussi caricaturale la médecine du travail.
Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas nous ! Ce sont les médecins !
M. Éric Woerth, ministre. En fait, vous ne parlez pas du texte que nous vous présentons.
Le projet de loi permettra d’améliorer considérablement la médecine du travail, …
M. Guy Fischer. Sous la tutelle des patrons !
M. Éric Woerth, ministre. … en l’adaptant aux réalités du travail d’aujourd’hui.
Vous ne pouvez pas caricaturer ainsi nos propositions ! Pour engager un débat de cette nature, il faut se mettre au niveau, et vous n’êtes visiblement pas au bon niveau ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Vous nous avez interrogés, monsieur Jégou, sur un autre parti pris : le fait de prendre en compte, en les mettant sur le même plan, l’ensemble des régimes de retraite. C’est également un choix que nous assumons totalement : nous ne pouvons pas parler du seul régime général. Il est indispensable d’intégrer la fonction publique et les régimes de non-salariés. Sinon, on donnerait une vision tronquée, biaisée, de la situation des régimes de retraite.
M. le Président de la République s’y est engagé, nous permettrons aux régimes de retraite dans leur ensemble d’atteindre l’équilibre. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Christiane Demontès. Il s’était également engagé à conserver la retraite à 60 ans !
M. Éric Woerth, ministre. Nous avons d’ailleurs fourni à la commission des finances certains éléments, notamment l’évolution du solde de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, ayant eu l’occasion, au cours des dernières semaines, d’affiner différents chiffres. Nous les évoquerons au cours de la discussion, ce qui sera extrêmement intéressant
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous ne pouvez pas, de la même tribune, vous opposer aux transferts entre les régimes et défendre un régime universel. Vous ne pouvez pas prôner la fusion de l’ensemble des caisses et vous émouvoir d’un éventuel transfert, en 2014, des excédents d’une caisse pour compenser les déficits d’une autre.
Je le rappelle, une situation déficitaire n’est pas forcément due à une mauvaise gestion ; elle peut être liée à des contraintes particulières, comme c’est le cas pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse, qui supporte notamment un certain nombre de politiques ou de dispositifs de solidarité. Nous aurons ce débat.
Monsieur Vasselle, vous nous avez interrogés sur le « swap UNEDIC », c'est-à-dire le transfert de cotisations entre les branches chômage et vieillesse, transfert qui dépendra fortement des hypothèses concernant le marché de l’emploi.
Je rappelle toutefois que nous nous sommes fondés sur l’évaluation moyenne du COR, alors que le projet socialiste s’appuie sur ses hypothèses les plus optimistes. En retenant le chiffre de 3,3 milliards d’euros à l’horizon 2020, ce qui représente un peu plus de 6,5 % de notre bouclage, nous avons travaillé de manière extrêmement prudente.
Mme Christiane Demontès. On en parlera !
M. Éric Woerth, ministre. Les éléments d’actualisation que nous avons transmis la semaine dernière à la commission des finances nous ont permis de confirmer les projections que nous avions retenues en juin dernier, monsieur Jégou. Nous avons même revu légèrement à la hausse les déficits qui avaient été retenus par le COR. En effet, un examen caisse par caisse de la situation, et non pas une vision uniquement macroéconomique, donne des chiffres un peu plus pessimistes, ce qui nous fait apparaître encore plus clairement la nécessité de la réforme.
Nous rééquilibrons les régimes de retraite dès 2018, soit un effort d’ensemble de 43 milliards d’euros. Les mesures d’âge représentent plus de 40 % de ce rééquilibrage, soit 18 milliards d’euros en 2018, et 20 milliards d’euros en 2020.
Mme Christiane Demontès. On en parlera !
M. Éric Woerth, ministre. Le reste du financement vient du « swap UNEDIC » et des mesures de convergence entre secteur public et secteur privé, à hauteur de 4 milliards d’euros, ainsi que des dispositions permettant des recettes supplémentaires. Ces dernières pèseront sur les entreprises et les ménages les plus aisés et rapporteront 4 milliards d’euros.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe m’a posé une question précise concernant le volume financier du relèvement de l’âge d’annulation de la décote, qui passera progressivement, d’ici à 2023, de 65 ans à 67 ans.
Cette mesure représente 2,5 milliards d’euros en 2018, 3,6 milliards d’euros en 2020 et 7 milliards d’euros, soit un tiers des effets de la réforme, en 2025. Elle permettra en effet de réaliser immédiatement des économies, dès que l’âge d’annulation de la décote sera reporté de quatre mois. Il existe aussi des raisons sociologiques : les personnes qui, parce qu’elles ont fait des études longues, sont entrées sur le marché du travail tardivement partiront à la retraite à partir des années 2020 ou 2015. Le poids financier de cette mesure est donc très important, même si, comme nous l’avons dit, nous sommes prêts à la faire évoluer.
Je le redis aux sénateurs et aux sénatrices qui se sont exprimés sur ce sujet, nous devrons peut-être faire bouger les lignes, pour un certain nombre de cas.
Pour parler net, nous prendrons bien en compte la situation des femmes qui ont été pénalisées dans leur carrière, notamment en raison d’interruptions de travail liées à l’éducation des enfants. (M. Jacques Gautier applaudit.) Comme l’a dit Christian Poncelet, il s’agit d’un sujet très important dont nous débattrons au cours de la discussion des articles.
Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas ce qui est écrit aujourd’hui dans Le Monde !
M. Éric Woerth, ministre. La question de la retraite des femmes, qui a été mentionnée dans de nombreuses interventions, préoccupe évidemment un grand nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez.
Cela étant, pour bien penser les effets de la réforme proposée, encore faut-il partir d’une description exacte de la situation présente, ce que n’ont fait ni Mme Pasquet ni Mme Printz.
Mme Christiane Demontès. Ce n’est tout simplement pas la même description que la vôtre !
M. Éric Woerth, ministre. Aujourd’hui, ce ne sont pas 30 %, mais 22 % des femmes qui liquident leur pension à 65 ans. Si le pourcentage de 30 % était vrai voilà dix ans, il ne l’est plus aujourd’hui.
Il n’est pas non plus exact d’affirmer que les femmes qui liquident leur pension à cet âge sont encore en activité. Vous avez envisagé le cas de ces ouvrières ou de ces infirmières qui pourraient travailler jusqu’à 67 ans. C’est faux ! Ces personnes seront parties à la retraite depuis bien longtemps. Elles n’appartiennent absolument pas à la catégorie de celles qui liquident leur pension à 65 ans et qui, demain, le feront à 67 ans.
En moyenne, mesdames, messieurs les sénateurs, les personnes qui liquident leur pension à 65 ans se sont arrêtées de travailler vingt ans auparavant ! Je vous livre là les chiffres de la Caisse nationale d’assurance vieillesse.
Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas vrai !
M. Éric Woerth, ministre. Très sincèrement, mesdames les sénatrices, si la situation des femmes vous importait tant, je me demande pourquoi le parti socialiste n’a rien fait en la matière quand il était au pouvoir. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Vous avez pris le temps – vous nous le dites suffisamment ! – de créer le Conseil d’orientation des retraites et le Fonds de réserve pour les retraites. Mais vous n’avez pas cherché à améliorer la situation des femmes ! Or j’aime autant vous dire que, à l’époque où vous étiez au pouvoir, leur situation était encore plus injuste qu’aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Notre projet de réforme vise donc à s’attaquer aux vraies causes des inégalités de retraite entre hommes et femmes, c’est-à-dire, d’abord, aux inégalités salariales.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est n’importe quoi !