Mme Brigitte Bout. C’est le cas !
M. Guy Fischer. … se traduisant par un accroissement des droits et par un financement pérenne, et non pas, comme c’est toujours le cas avec vous, chers collègues de la majorité, par une importante régression sociale. C’est l’exact opposé de ce que vous proposez, puisque, en 2011, avec votre réforme, il manquera toujours 25 milliards d’euros.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Guy Fischer. Et l’équilibre que vous nous promettez pour 2018 n’est qu’illusion.
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. Vous affirmiez pourtant que cette réforme permettrait de couvrir l’intégralité des déficits de nos régimes de retraite, tels qu’ils sont prévus aujourd’hui pour 2020, et qu’elle est donc financée à 100 %. Nous savons qu’il n’en est rien ! D’ailleurs, un certain nombre d’orateurs, dont M. Vasselle et M. le rapporteur, ont déjà annoncé que 4 milliards d’euros manqueront encore après la réforme. Telle est la réalité !
L’allongement de la durée de cotisation aura immanquablement pour effet de rendre impossible l’accès à la retraite à 60 ans pour les femmes travaillant aujourd’hui à temps partiel subi, les femmes qui « galèrent », les femmes aux carrières incomplètes, les salariés âgés « virés » des entreprises, les salariés aux métiers pénibles, les chômeurs, les personnes en situation de handicap et les plus précaires.
Quant aux jeunes, ils subiront une double peine : une augmentation de la durée de leurs études et des difficultés croissantes pour obtenir un premier emploi à temps plein. Tout cela conduira à réduire le nombre de trimestres dont ils disposeront. Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, le nombre d’annuités validées avant l’âge de 30 ans ne cesse de diminuer au fil des générations. De 11,2 pour la génération qui est née en 1950, il tombe à 7,7 pour celle qui est née en 1974 !
Cette jeunesse, monsieur le ministre, contrairement à ce que vous ne cessez de dire, aura à supporter le poids de vos choix idéologiques. En effet, votre refus de taxer les revenus issus du capital et de créer une meilleure répartition des richesses entraînera de facto le transfert de la dette sociale vers les générations futures, sans oublier que celles-ci devront, en outre, supporter la dette contractée par leurs aînés pour financer leurs dépenses de santé.
C’est d’ailleurs ce que vous avez fait en décidant de détourner les ressources du Fonds de réserve des retraites. Jusqu’à il y a peu, vous nous répétiez pourtant que les ressources du FRR devaient servir à assumer les dépenses de retraites résultant du pic démographique, initialement présenté comme la justification de votre réforme.
Or, avec ce pillage organisé, ce véritable siphonage (Exclamations sur les travées de l’UMP.), vous voudriez nous faire croire que, en 2020, il n’y aura pas de hausse du nombre de salariés demandant l’ouverture de leurs droits ? Les discours changent selon les circonstances, mais, d’une manière ou d’une autre, vous augmenterez la fiscalité, notamment la CRDS.
Il y a pourtant une réalité qu’il faut prendre en compte : en trente ans, le nombre de retraités est progressivement passé de 7 millions à 15 millions, presque sans augmentation des cotisations sociales, singulièrement patronales, qui sont restées figées depuis la fin des années soixante-dix.
Plus encore, si notre protection sociale a pu assumer cette augmentation du nombre de retraités, c’est grâce aux deux millions d’emplois créés lors des dix dernières années. C’est donc bien de cela que nous avons aujourd’hui cruellement besoin : d’une véritable politique industrielle, salariale et de l’emploi, qui mette fin aux exonérations et cadeaux en tout genre !
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Roland Courteau. Voilà !
M. Guy Fischer. Bien au contraire, la seule hausse de cotisations prévue par votre projet de loi concerne les cotisations sociales supportées par les fonctionnaires.
Actuellement, le taux de cotisation des agents de la fonction publique est fixé à 7,85 %. Le Gouvernement, qui n’est pas à une contre-vérité près et qui excelle dans l’art d’opposer les citoyens entre eux, tente de faire croire que le taux de cotisation des fonctionnaires serait inférieur à celui qui est appliqué aux salariés du privé.
Or, dans les faits, le taux de cotisation des salariés du privé est de 6,65 % au titre de la cotisation salariale d’assurance vieillesse plafonnée, auxquels il faut ajouter 0,10 % au titre de la cotisation salariale d’assurance vieillesse déplafonnée, soit 6,75 %, un taux légèrement inférieur à celui des cotisations qui sont appliquées aux fonctionnaires.
Monsieur le ministre, vous justifiez l’accélération brutale de votre politique en matière de retraites par un autre argument : la crise ! Effectivement, en moins de deux ans, la sécurité sociale a subi un manque à gagner de 34 milliards d’euros. Il s’agit de pertes colossales, toutes imputables à la spéculation et à la financiarisation de notre économie : ces 34 milliards d’euros évaporés dans la nature manqueront indirectement aux salariés, aux précaires et aux retraités de notre pays.
Si notre système social s’est révélé un excellent amortisseur de la crise, votre politique, quant à elle, en est un accélérateur. À titre d’exemple, chacun s’accorde à dire que l’un des enjeux du débat sur les retraites réside dans l’emploi des salariés de plus de 50 ans. Pleinement conscient de cette situation, vous avez pourtant instauré en 2008 les ruptures conventionnelles du contrat de travail.
Or les statistiques de l’UNEDIC montrent que la part des seniors dans les entrées au chômage, au premier trimestre 2010, à la suite d’une rupture conventionnelle, dépasse de très loin celle des autres tranches d’âge : de 9,7 % en moyenne, elle grimpe à 11,8 % pour les plus de 50 ans. Dès lors, votre proposition d’encourager leur maintien dans l’emploi en échange d’exonérations de cotisations sociales supplémentaires est plus que sujette à caution.
En outre, vous ne prévoyez aucune sanction à l’égard des entreprises qui persistent à se débarrasser des salariés qu’elles jugent trop vieux.
M. Gérard Longuet. Votre temps de parole est dépassé !
M. Guy Fischer. De la même manière, c’est bien votre politique d’exonérations de cotisations sociales sur les salaires peu élevés qui conduit les entreprises à multiplier les contrats atypiques, aux horaires décalés, à temps partiel et peu rémunérateurs.
Tout le monde s’accorde à dire, y compris les magistrats de la Cour des comptes, que cette politique est génératrice de trappes à bas salaires et pèse ainsi lourdement sur les comptes sociaux, sur les conditions de vie des salariés comme sur le montant des pensions.
M. Bernard Vera. Absolument !
M. Guy Fischer. D’ailleurs, les femmes sont les principales victimes de cette situation, car elles pâtissent de carrières plus morcelées et de contrats moins protecteurs et moins rémunérateurs. Pourtant, vous poursuivez dans la même direction…
M. Roland Courteau. Ils persistent dans l’erreur !
M. Guy Fischer. … et continuez, année après année, à subventionner l’emploi précaire. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collège !
M. Guy Fischer. Je termine, monsieur le président. (Marques de satisfaction sur les travées de l’UMP.)
Monsieur le ministre, nous vous demandons le retrait de votre réforme. Et c’est non pas seulement ce projet de loi qu’il convient de revoir, mais toute votre politique fiscale, sociale et de l’emploi. (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Rien que cela !
M. Guy Fischer. Il est grand temps d’insuffler à nouveau ce vent de solidarité qui a conduit les membres du CNR, le Conseil national de la Résistance, à l’élaboration de notre système de protection sociale, riche de son idéal de solidarité et de partage. Il est de notre responsabilité de tout mettre en œuvre pour que les générations futures, comme celles qui nous ont précédés, puissent profiter de cet élément émancipateur qu’est le droit à la retraite pour tous !
La retraite doit être non pas seulement un temps de vie après le travail, mais également un temps de vie en bonne santé, qui participe pleinement à l’épanouissement des femmes et des hommes.
C’est pourquoi nous combattrons pied à pied cette réforme qui se situe aux antipodes des aspirations légitimes des femmes et des hommes de notre pays. La retraite à 60 ans demeure l’exigence légitime des Françaises et des Français. Nous réitérons notre demande de retrait de ce projet de loi ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Jean Milhau applaudit également.)
M. Pierre Mauroy. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Nicolas About. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Nicolas About. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans l’ordre du jour du Parlement, il est peu de sujets qui touchent autant que celui des retraites à l’idée que chacun se fait du travail et du temps libre, à la confiance que les citoyens placent dans l’État, à ce que doivent être la solidarité entre les générations et l’équité entre jeunes et vieux, malades et bien portants, cadres et ouvriers, femmes et hommes.
Traiter des retraites, c’est évoquer, bien au-delà des millions d’euros, des annuités et des trimestres, le travail, la vie et la mort.
M. Jean-Louis Carrère. Et l’amour !
M. Nicolas About. Face à un tel enjeu (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.),…
M. David Assouline. Nous y voilà !
M. Nicolas About. … la réponse des parlementaires et du Gouvernement doit être à la hauteur. Nul dans cet hémicycle, ni même dans les cortèges de manifestants, ne conteste la nécessité d’une réforme, même ceux qui réclament le retrait de celle-ci.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Guy Fischer. Nous visons le même objectif,… (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Pour notre part, nous voulons une réforme juste !
M. Nicolas About. … à savoir assurer la pérennité de notre système de retraites par répartition, dont la finalité lors de sa création était – on l’oublie souvent – de permettre au niveau de vie des plus âgés de rejoindre celui des actifs.
Or, nous le savons tous, et M. le rapporteur l’a rappelé,…
M. Roland Courteau. Quel rapporteur ? Nous en avons plusieurs !
M. Nicolas About. … notre système de retraite par répartition accuse un déficit important et croissant.
Mes chers collègues, vous connaissez les deux données du problème : le déséquilibre des caisses de retraite et les évolutions démographiques.
J’aborderai dans un premier temps la question du déficit. Dans un système par répartition, les dépenses du présent doivent être financées par les recettes du présent. Notre système de retraite connaît depuis quelques années un déséquilibre financier, considérablement creusé, depuis 2008, par la crise, qui a accéléré l’augmentation des pertes de nos régimes de retraite et nous a en quelque sorte projetés vingt ans en avant.
Le déficit atteint aujourd’hui plus de 30 milliards d’euros, ce qui représente près de 1,6 % du PIB. Le Conseil d’orientation des retraites prévoit même que, si nous ne faisons rien, les montants assez surréalistes de 45 milliards d’euros à l’horizon 2030 et de 100 milliards d’euros en 2050 seront atteints.
J’en viens aux évolutions démographiques, le second élément que je souhaite aborder.
L’arrivée à la retraite des baby-boomers, qui a déjà commencé et va se poursuivre jusqu’en 2030, dégradera structurellement l’équilibre démographique sur lequel se trouve fondé tout système par répartition.
Évidemment, si la nécessité d’assurer la pérennité du régime par répartition fait consensus, les mesures proposées divergent. Il faut distinguer deux temps : l’immédiat et le long terme. Pour ce qui est du court terme, les dispositions de ce projet de loi nous paraissent insuffisantes en matière de financement, ainsi que, pour certains d’entre nous, en termes d’équité.
Le Gouvernement a proclamé son ambition de ramener le système à l’équilibre. Les mesures proposées répondent-elles pleinement à cet objectif ? Je l’ignore. Toutefois, ne nous leurrons pas : des demi-mesures ne feraient que ralentir la dégradation des finances sociales, sans la combattre, et nous reporterions sur nos enfants la charge de notre incurie actuelle. « Après moi le déluge » : cette maxime était presque acceptable dans le cadre d’une monarchie,…
M. Guy Fischer. Notez que nous y sommes presque !
M. Nicolas About. … mais les Français sont en droit d’attendre des dirigeants d’une démocratie – et d’une République – le sens des responsabilités et le courage.
L’enjeu est tout d’abord d’adapter notre système de retraite, qui demeure fondé sur des équilibres datant des lendemains de la Seconde Guerre mondiale, à la situation économique et démographique actuelle. Nous sommes en effet passés d’une période d’expansion économique et démographique – les Trente Glorieuses – à une ère où l’espérance de vie s’allonge mais où la croissance ralentit.
Il n’existe pas de solution miracle. Si nous ne voulons ni baisser le niveau des pensions ni augmenter fortement les impôts de tous les Français, il faut toucher à l’âge de départ en retraite. Quant à agir sur la durée de cotisation, chacun sait qu’il faudrait, pour équilibrer le système par cette seule mesure, porter cette période à 47 ans. Restons sérieux ! Fixer à 62 ans l’âge du départ en retraite et à 67 ans l’âge de l’annulation de la décote est indispensable. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. Non !
M. Roland Courteau. Nous ne sommes pas d’accord !
M. Nicolas About. Je comprends bien la révolution mentale que cette réforme implique.
M. Didier Guillaume. Vous ne proposez pas une révolution, mais une régression sociale !
M. Nicolas About. Ce n’est pas évident, mais vous y arriverez, chers collègues de l’opposition. C’est surtout difficile pour ceux qui s’accrochent à des acquis datant d’un autre temps et qui restent attachés à d’anciennes conditions de vie et de travail ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. La droite parle !
M. Guy Fischer. Vous apparaissez enfin sous votre vrai jour !
M. Nicolas About. Tout à fait, monsieur Fischer ! Pardonnez-moi d’avoir oublié mon écharpe tricolore : je l’ai laissée à la maison ! (Sourires sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Roland Courteau s’exclame également.)
Deux idées fausses demeurent ancrées dans de nombreuses têtes : retirer les seniors du marché du travail permettrait de réduire le chômage des jeunes,…
M. Didier Guillaume. Ils sont déjà au chômage, les jeunes !
M. Nicolas About. … et le progrès social consisterait à s’arrêter de travailler de plus en plus tôt.
M. David Assouline. Le progrès, c’est l’avenir !
M. Nicolas About. C’est d’ailleurs ce même présupposé qui est à l’origine de l’idée selon laquelle le progrès social consisterait à réduire le temps de travail hebdomadaire. N’est-il pas temps, au XXIe siècle, de rompre avec la conception antique du travail comme esclavage ? Aujourd’hui, nous avons la chance merveilleuse de vivre plus longtemps et en bonne santé. Cette bonne nouvelle implique que nous travaillions un peu plus.
M. David Assouline. Tout le monde ne vit pas plus longtemps et en bonne santé !
M. Nicolas About. Quand j’observe ces travées, il me semble que c’est le cas de beaucoup, cher collègue ! (Sourires.)
Responsabilité, justice, équité, solidarité : voilà l’esprit des amendements que nous avons déposés. Concernant la pénibilité, il faut manifestement trouver une solution plus satisfaisante que la référence à un taux d’invalidité.
M. Roland Courteau. Tout de même !
M. Nicolas About. C’est pourquoi nous proposons de créer une allocation de retraite anticipée pour des travailleurs qui, sans présenter un taux d’incapacité à proprement parler, ont une espérance de vie diminuée en raison de la pénibilité de leur activité professionnelle.
M. Roland Courteau. Ça, c’est vrai !
M. Nicolas About. Cette mesure permettrait de tenir compte de la pénibilité à effet différé.
M. David Assouline. Merci de reprendre une proposition socialiste !
M. Nicolas About. Merci de vous associer à la nôtre, cher collègue !
Par ailleurs, la création d’un « fonds de pénibilité », sur le modèle de celui qui existe pour l’amiante, permettrait de financer les départs anticipés liés à une pénibilité non compensée tout au long de la vie du travailleur, entraînant une baisse anormale de son espérance de vie. Ce fonds serait alimenté par les branches professionnelles qui exposent le plus leurs salariés à la pénibilité comme par celles qui ne respectent pas – ou ne parviennent pas à respecter – les directives relatives à la santé au travail.
Nous proposons également de faire diminuer en douceur le taux de décote entre 65 ans et 67 ans, de manière à faciliter le départ à la retraite même si le taux plein n’est pas atteint, afin que la réforme n’ait pas un effet couperet. Les dispositions de cet amendement présenteraient aussi l’avantage de répondre au problème des femmes, donc de remédier à l’injustice de cette réforme, qui pénalise, peut-être, ceux qui gagnent le moins.
Concernant l’annulation de la décote, nous demandons également l’ouverture de la retraite à taux plein à 65 ans aux assurés ayant eu trois enfants ou plus et ayant interrompu leur activité professionnelle pendant un temps jugé suffisamment long – celui-ci pourrait être défini par décret, et j’ai proposé pour ma part une durée de trois ans –, au titre du congé parental d’éducation, ainsi qu’aux personnes s’étant consacrées, pour une période d’une durée identique, à aider une personne handicapée.
Par ailleurs, afin de prendre en compte la situation des femmes, nous souhaitons que les travailleurs effectuant moins de 200 heures de travail par trimestre puissent, sous certaines conditions, valider des trimestres d’assurance vieillesse. Enfin, le principe d’équité impose, pour le moins, que les rentes versées au titre des retraites chapeaux soient soumises aux charges sociales de droit commun.
Voilà ce que nous proposons à court terme. Toutefois, le rôle des hommes politiques est aussi de regarder plus loin et de trouver des solutions durables. Le manque d’ambition n’est-il pas la pire des imprudences ? « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », écrivait Corneille. De même, à réformer à trop courte vue, on n’obtient qu’un faible bénéfice politique et on ne règle pas durablement les problèmes.
Mes chers collègues, les membres du groupe centriste veulent vous inviter à revoir vos ambitions à la hausse et à mener ces politiques de long terme dont le pays a besoin.
Régis Debray écrit justement dans Le Plan vermeil : « La vieillesse en Europe est une idée neuve, et le déclin de l’esprit prospectif dans nos pays a de quoi inquiéter. Quand le long terme disparaît sous l’urgence, le civisme aussi, sous le despotisme douceâtre des bons sentiments. »
À l’évidence, ce projet de loi, qui se contente de faire évoluer certains paramètres, comme si l’architecture d’ensemble du système était satisfaisante, et qui s’est fixé pour horizon financier l’année 2020, ne peut constituer qu’une première étape, certes importante, sur le chemin d’une réforme plus globale, ne serait-ce que parce qu’il se fonde sur l’hypothèse d’un retour du taux de chômage à 4,5 % d’ici à 2018, une situation que nous n’avons pas connue depuis plus de trente ans.
Il nous faudra donc discuter de nouveau, un jour, de l’équilibre financier du régime des retraites et réfléchir à remplacer le système d’annuités par un régime unique par points ou en comptes notionnels. Ce ne serait pas complètement un saut dans l’inconnu, puisque bon nombre de Français relèvent déjà d’un système de retraite par points à travers les régimes complémentaires.
Le système par points est beaucoup plus adapté que les annuités au fonctionnement d’une répartition moderne, et il n’est pas moins solidaire : la valeur du point constitue une variable de commande, qui permet de ne pas distribuer aux retraités plus d’argent que les cotisations des actifs n’en font rentrer dans les caisses, sans avoir à augmenter indéfiniment les cotisations ou à recourir à l’emprunt ; ainsi, le système apparaît constamment équilibré. Les assurés pourraient liquider leurs pensions quand ils le souhaitent, en quelque sorte à la carte, avec des coefficients qui leur feraient peser le pour et le contre. Chacun pourrait retarder la liquidation de sa pension de façon à bénéficier d’un coefficient plus élevé.
Ce sera, le jour venu, un système plus juste, plus souple et plus simple, qui assurera une véritable équité entre les générations et rendra justice aux carrières longues. Ce sera aussi un régime unique en lieu et place de la quarantaine que nous connaissons aujourd’hui.
Voilà donc une solution novatrice et simple, susceptible de modifier le système en profondeur. Les auteurs du septième rapport du Conseil d’orientation des retraites ont d’ailleurs montré, en janvier 2010, qu’il était possible de passer des annuités aux points. Plusieurs pays l’ont fait, d’ores et déjà : ainsi, l’Allemagne, la Suède et les États-Unis disposent d’un tel système.
Chacun le sait : ce projet de loi ne permet pas d’assurer définitivement la pérennité de notre régime de retraites.
M. Roland Courteau. Ça, c’est certain !
M. Nicolas About. D’ailleurs, à mon avis, cela n’arrivera jamais, et il est fort à parier que la réforme des retraites figurera au programme des prochaines élections présidentielles ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Claude Bébéar concluait ainsi son ouvrage Le Courage de reformer, en 2002 : « Pour réformer, il faut du courage et de l’adresse. Le courage repose d’abord sur une liberté de pensée, émancipée des modes et des schémas convenus et affranchie de la domination du tout médiatique […]. De telle sorte que chaque décision politique soit véritablement l’expression de la volonté générale et aille dans le sens de l’intérêt collectif. »
Mes chers collègues, la responsabilité de chacun d’entre nous est que cette réforme des retraites soit effectivement courageuse et conforme à l’intérêt général, au bénéfice de tous les Français. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales et M. Gilbert Barbier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le rapporteur et M. Jean Boyer applaudissent également.)
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour nous, sénateurs, ce débat n’est pas une surprise. Grâce aux excellents travaux – je cite seulement les plus récents – menés par Dominique Leclerc en 2006, avec le concours de M. Domeizel puis de Mme Demontès, ainsi qu’en 2010, mais aussi par le rapporteur général Alain Vasselle, en 2007, et par M. Cazeau, nous avons acquis une maîtrise collective du sujet qui nous occupe aujourd’hui.
Pour le groupe UMP, ce débat est l’occasion d’affirmer avec force qu’il aurait été irresponsable de différer ce rendez-vous majeur.
Notre engagement dans cette discussion sera donc total, monsieur le ministre. Nous sommes attentifs à vos propositions et – ce n’est vraiment une surprise – nous les soutenons totalement.
Toutefois, je contribuerai sans doute davantage au travail collectif en affirmant qu’aucune des propositions qui ont été présentées par le président du groupe centriste, Nicolas About, ne vient contredire les convictions profondes du groupe UMP.
M. David Assouline. C’est normal, c’est la même droite !
M. Gérard Longuet. Elles correspondent très largement à l’esprit de dialogue et d’ouverture que M. le rapporteur Dominique Leclerc a voulu insuffler cet après-midi même, en vous tendant la main, monsieur le ministre.
M. David Assouline. Tout est préparé à l’avance !
M. Gérard Longuet. L’intérêt de la discussion générale n’est pas de faire un cours théorique – même si nous ne partageons pas les mêmes convictions, tant s’en faut, nous connaissons tous le sujet –, mais de savoir jusqu’où nous pouvons aller, ensemble, dans ce débat.
Pour le groupe UMP, c’est très simple : il s’agit de reprendre un chantier ouvert voilà très longtemps, qui vise à assurer le maximum de solidarité à nos compatriotes au regard de l’âge qui vient.
Monsieur Fischer, vous avez cité le CNR et le général de Gaulle. Néanmoins, je pourrais vous rappeler que les retraites ouvrières et paysannes ont été votées en 1910, sur l’initiative d’un gouvernement de gauche modérée animé par Aristide Briand, et que la généralisation des assurances sociales a été présentée au Parlement en 1928 par l’un de mes prédécesseurs, le sénateur de la Meuse Raymond Poincaré.
Il s’agit donc d’une vieille affaire française, et si nous évoquions les retraites du secteur public – je parle sous le contrôle de M. le secrétaire d’État –, nous irions chercher plus loin encore, le régime général datant, me semble-t-il, de Louis XIV pour les officiers de la marine et de la fin du règne de Louis XVI pour les fonctionnaires – c’était en 1790, peu avant qu’on ne coupe la tête au roi. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Il cherche à nous enfumer !
M. Gérard Longuet. De 1945 à décembre 1981, aucune année ne s’est écoulée sans que le Parlement ou l’exécutif ait eu à travailler sur l’adaptation du régime des retraites aux réalités françaises. Tous les gouvernements successifs de la IVe et de la Ve République ont assumé cette responsabilité, qui consistait à actualiser, en tenant compte des réalités, le régime des retraites.
Il existe toutefois une rupture dans cette longue histoire, mes chers collègues. Un seul gouvernement a refusé le débat collectif : c’était en décembre 1981, lorsque le Premier ministre Pierre Mauroy, dont je ne conteste par ailleurs nullement la sincérité des convictions, a procédé par ordonnance à la généralisation de l’âge de départ à la retraite à 60 ans. (Les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, après avoir manifesté leur désapprobation, se tournent vers M. Pierre Mauroy et l’applaudissent.)
M. David Assouline. Merci Pierre !
M. Gérard Longuet. Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer deux citations qui devraient vous éclairer, mes chers collègues, sur la lucidité des uns et des autres, dès 1981.
Je me permettrai tout d’abord de rappeler les propos d’un grand parlementaire qui nous a quittés cette année, Philippe Séguin.