M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Comme tous nos collègues, j’ai écouté attentivement Mme Demontès. J’observe que la présentation des motions tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ou à opposer la question préalable se résume trop souvent à une répétition de la discussion générale. C’est ainsi que le motif invoqué pour inviter nos collègues à voter cette première motion se retrouve dans les éléments déjà développés par M. Cazeau lors de la discussion générale.
M. Guy Fischer. De toute façon, vous êtes un adepte de la méthode Coué !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, il me semble que, dans le cadre de la réforme du règlement du Sénat, il pourrait être envisagé de réduire le temps consacré à la présentation de ces motions à sept ou huit minutes.
M. Guy Fischer. C’est la politique du bâillon !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mme Demontès a affirmé qu’elle ne se livrait pas à un exercice formel, mais j’ai l’impression que c’est pourtant le cas. En effet, ma chère collègue, vous trouverez la réponse à vos argumentations dans les délibérations de la commission des affaires sociales. Les amendements qu’elle a adoptés tendent justement à éviter que nous ne connaissions la situation que vous dénoncez, concernant les ressources de la CADES, lors de la discussion des prochaines lois de financement de la sécurité sociale : ces amendements garantissent en effet à la CADES des ressources qui lui permettront de ne pas reporter sur les générations futures la dette que nous transférons aujourd’hui.
Je suis cependant d’accord avec vous sur un point, madame Demontès : ces quatre années de report sont quatre années de trop. Vous savez également que, par un deuxième amendement adopté à une très grande majorité, pour ne pas dire à l’unanimité – je ne me rappelle plus si vous avez participé au vote ou non –, nous avons prévu que, dans l’hypothèse d’un retour à meilleure fortune, nous ramènerions la durée de vie de la CADES à son terme initial, soit 2021.
Ces deux amendements ayant étant adoptés, ils apportent des réponses aux questions que vous vous posez. C’est une des raisons pour lesquelles, au nom de la commission des affaires sociales, je demande au Sénat de ne pas adopter la motion d’irrecevabilité que vous avez présentée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Henri de Raincourt, ministre. L’avis du Gouvernement sera similaire à celui qu’a exprimé à l’instant M. le rapporteur général.
La présentation de cette motion d’irrecevabilité par Mme Demontès n’apporte pas, à proprement parler, d’éléments nouveaux par rapport à la discussion générale.
J’insisterai sur un seul point : renoncer à l’allongement de quatre années de la durée de vie de la CADES – en dehors de l’éventualité d’un « retour à meilleure fortune » évoqué par M. le rapporteur général – entraînerait un besoin de financement de 8 milliards d’euros, soit autant d’impôts supplémentaires…
M. Guy Fischer. Vous faites payer les pauvres !
Mme Christiane Demontès. On en reparlera !
M. Henri de Raincourt, ministre. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est évidemment défavorable à l’adoption de cette motion d’irrecevabilité.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, dont l’adoption entraînerait le rejet du projet de loi organique.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 271 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 186 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d’une motion n°3.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale (n° 691, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, défendre aujourd’hui devant vous une motion tendant à opposer la question préalable sur un projet de loi présenté comme devant lutter contre la dette sociale peut apparaître comme étant, pour le moins, curieux, au pire irresponsable.
Nous faire un tel procès d’intention serait méconnaître l’attachement que nous avons mis – j’aurais envie de dire par un travail acharné –, à apporter d’année en année, de PLFSS en PLFSS les bonnes réponses, afin de résorber la dette existante, de garantir à notre système de protection sociale des moyens de financement suffisants et même de lui permettre d’être excédentaire, comme entre 1999 et 2001.
Aussi, en vous proposant d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable, nous ne considérons pas qu’il n’y ait pas lieu de réduire la dette sociale, mais nous affirmons clairement que ce projet de loi organique, en se contentant de rallonger la durée de vie de la CADES et en ponctionnant à hauteur de 2,1 milliards d’euros par an le Fonds de réserve pour les retraites ne suffira pas ! Quand bien même nous ajouterions les mesures que le Gouvernement nous proposera d’adopter dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances, nous serions toujours loin, très loin, de l’équilibre financier. Mais j’y reviendrai.
En effet, et c’est là que le bât blesse, ce projet de loi organique est la continuation de la politique que vous menez depuis 2002, laquelle n’a eu pour conséquence que l’aggravation des déficits publics et sociaux : plus de 1 400 milliards d’euros ! C’est la fuite en avant !
Les déficits cumulés du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse qui, en 2009, s’élevaient déjà à plus de 23 milliards d’euros devraient atteindre, à la fin de 2010, 30 milliards d’euros, selon les estimations les plus optimistes. Si l’on se projette à l’horizon de 2011, les déficits prévisibles devraient atteindre au moins 80 milliards d’euros, soit à peine moins que le montant de la dette qu’il reste aujourd’hui à amortir.
C’est dire l’importance de cette dette sociale, qui, bien qu’elle ne représente que 10 % de la dette publique, ne cesse de croître, et ce de manière exponentielle. En effet, chaque transfert à la CADES ou chaque relèvement de plafond de trésorerie de l’ACOSS est toujours plus important que le précédent.
Je voudrais d’ailleurs dire quelques mots à ce sujet. Comme vous le savez, mes chers collègues, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a autorisé l’ACOSS à recourir, auprès des marchés financiers, à des ressources financières de court terme, dans des proportions jusqu’alors jamais atteintes : il s’agissait tout de même de 65 milliards d’euros !
Nous avions alors vivement critiqué cette solution, considérant qu’elle revenait à faire fonctionner la machine à tirer les bons de trésorerie, la Caisse des dépôts et consignations ayant très clairement fait savoir qu’elle ne pouvait prêter que 31 milliards d’euros à l’ACOSS. Ce sont donc les marchés financiers qui sont venus au secours de notre système de protection sociale. À quel prix !
C’est un comble quand on sait que celles et ceux qui ont imaginé ce système – je pense à Ambroise Croizat, en particulier – ont précisément tout fait pour écarter le dispositif des griffes des spéculateurs et des financiers !
Cette décision, contre laquelle nous nous étions élevés et qui contrevenait à la loi organique du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, destinant le relèvement de plafond au seul règlement d’une dette ponctuelle, et non pas à celui d’une dette accumulée par le passé, est en réalité le marqueur de votre politique.
Certains voient en celle-ci une politique de l’autruche et de la tête dans le sable : les difficultés disparaitront d’elles-mêmes… D’autres, à l’instar de François Charpentier, rédacteur en chef de l’Agence Emploi Formation, ou AEF, évoquent une stratégie de « la poussière sous le tapis ».
Peu importe l’intitulé, monsieur le ministre ! Votre politique est comprise par tous comme étant un mélange de négation, de « laisser filer » et de cavalerie budgétaire.
Elle n’est pourtant pas sans conséquences financières pour les comptes sociaux car, si les déficits sociaux inquiètent à raison nos concitoyens, elle fait pour l’instant le bonheur de ceux qui la financent et qui ont vu le passif de la CADES multiplié par cinq, ou presque, depuis sa création en 1996.
Ainsi, il semblerait que pour l’exercice 2008 la moitié des 6 milliards d’euros de ressources procurés à la CADES par la CRDS, soit 3 milliards d’euros, a été destinée, non pas au remboursement de la dette sociale, mais à celui des intérêts. Autrement dit, la moitié des recettes de la CRDS payée par les contribuables – car ce sont eux qui s’en acquittent – est consacrée aux intérêts, c’est-à-dire à la rémunération des banquiers et des financiers.
Cette situation pourrait être cocasse, si elle n’était pas, en fait, à la fois dramatique et scandaleuse.
Avouez qu’il est proprement inacceptable que la moitié des efforts des salariés de notre pays serve à la rémunération des spéculateurs qui ont plongé le monde et la France dans une crise économique, financière et sociale sans précédent.
Cette crise est tellement importante que, de l’aveu même du ministre, elle représenterait 34 milliards d’euros, soit le même montant que la dette structurelle, une dette qu’il faut désormais, elle aussi, rembourser et dont les intérêts feront mécaniquement grimper l’addition. Et ce sont nos concitoyens qui sont appelés à régler cette addition !
Ce que nous ne cessons de dénoncer depuis plus d’un an se vérifie donc : une poignée de spéculateurs crée la crise, l’immense majorité de nos concitoyens la paye. Voilà la réalité !
Et cela se vérifie aujourd'hui avec le projet de loi que vous nous proposez d’adopter et qui se limite à faire payer les frais de cette crise par les foyers.
Selon vous, la dette sociale se composerait de trois parties : une dette structurelle de 34 milliards d’euros, une dette de l’assurance vieillesse avoisinant 62 milliards d’euros et une dette de 34 milliards d’euros qui serait la seule conséquence de la crise, soit un total de 130 milliards d’euros.
S’agissant de cette dernière, vous prévoyez ce que l’on appelle un refinancement, c’est-à-dire un transfert de dette accompagné d’un étalement sur quatre ans. Cette cavalerie budgétaire, que j’ai dénoncée, ne constitue en rien une réponse efficace !
La preuve en est que nous n’avons cessé de constater l’ampleur des déficits sociaux et de prolonger la durée de vie de la CADES, au point que le montant que nous allons lui transférer est presque égal à celui de la dette qu’il reste à payer. Dans ce contexte, on en vient presque à se féliciter de ce que les taux d’intérêt soient actuellement bas, ce qui nous a permis d’éviter le seuil symbolique des 100 milliards d’euros.
S’agissant de la dette résultant de la prise en charge de la CNAV et du FSV, vous proposez ce que vous appelez pudiquement « la mobilisation des actifs et des recettes du Fonds de réserve pour les retraites ». Pour ma part, je parlerai plutôt d’un pillage organisé, sachant que ces sommes étaient destinées à faire face au pic de dépenses prévu à l’horizon de 2020, au moment où les effets de l’inversion démographique se feront le plus sentir.
Pour justifier l’opération, vous n’hésitez pas à affirmer que ces effets se feraient sentir dès aujourd’hui. Mais alors, pourquoi engagez-vous une telle réforme sur les retraites ? Soit nous subissons d’ores et déjà les effets du pic démographique et il faut mobiliser les actifs du FRR pour financer directement notre régime de retraite, soit nous les subirons en 2020 et ces sommes manqueront alors cruellement.
Nous avons donc l’impression que l’article 1er du projet de loi constitue en réalité un montage financier et de respect des règles constitutionnelles devant vous permettre d’allonger la durée de vie de la CADES tout en respectant la règle selon laquelle tout nouveau transfert de dette à cette caisse doit être assorti de recettes lui permettant de ne pas accroître sa durée d’amortissement.
Pour reprendre une expression populaire, vous déshabillez Pierre pour habiller Paul, sans régler sur le fond la question du financement et de la dette.
Enfin, s’agissant de ce qu’il est convenu d’appeler la dette structurelle, soit 34 milliards d’euros, votre seule solution réside dans la création de trois taxes supplémentaires qui sont absentes de ce texte et devraient prendre corps en loi de financement de la sécurité sociale et en loi de finances.
C’est sans doute la conception que se fait le Gouvernement des niches sociales et fiscales. Nous aurions, pour notre part, préféré une politique plus courageuse, mettant enfin un terme aux 75 milliards d’euros d’exonérations fiscales et aux 45 milliards d’euros d’exonérations sociales – un total de 120 milliards d’euros – qui profitent dans l’immense majorité des cas aux plus riches. Je pense évidemment, en tout premier lieu, à la « niche des niches » : le bouclier fiscal !
D’après ce que nous a dit M. le ministre, mais que nous avions découvert la veille, par voie de presse, il serait question d’une taxation forfaitaire des sommes placées dans la réserve de capitalisation des sociétés d’assurance, d’une taxation supplémentaire sur la part euro des contrats d’assurance-vie multi-supports et d’une taxe nouvelle sur les contrats d’assurance responsables. Celle-ci devrait rapporter en moyenne 18 euros par contrat et les mutuelles, qui ont déjà été taxées, il y a deux ans, pour financer la couverture maladie universelle et la couverture maladie universelle complémentaire, ont annoncé, pour une large partie d’entre elles, qu’elles la répercuteront partiellement ou totalement sur leurs assurés.
Au total, ces trois dispositions devraient rapporter 3,2 milliards d’euros, soit moins que le montant du déficit du FSV actuellement estimé à 4,3 milliards d’euros.
Avouez, monsieur le ministre, que ces sommes sont loin d’être suffisantes pour résorber le déficit existant et à venir !
La question qui nous préoccupe et qui nous conduit à défendre aujourd’hui cette motion est donc la suivante : comment résoudre rapidement, efficacement, durablement et équitablement la dette sociale, qui persistera malgré – ai-je envie de dire – l’adoption de ce projet de loi ?
Je précise, à cet égard, que les 3,2 milliards d’euros de recettes dont je viens de parler sont, de l’aveu même de notre rapporteur, appelés à se tarir au fil des années. Pourtant, pour reprendre les propres termes de M. Alain Vasselle, termes auxquels nous souscrivons pleinement, « un élément essentiel du bon fonctionnement de la CADES réside dans la solidité des recettes qui lui sont affectées ». Le rapporteur doute lui-même que cela soit possible, c’est dire…
Voilà pourquoi, mes chers collègues, les sénateurs du groupe CRC-SPG considèrent que ce projet de loi n’est pas à la hauteur de la situation.
Lors de l’examen par le Sénat du PLFSS pour 2010, le prédécesseur de M. François Baroin avait refusé de transférer la dette à la CADES, préférant une augmentation du plafond de trésorerie de l’ACOSS. Et pour cause ! Il aurait alors fallu accompagner ce transfert d’une nouvelle source de financement. Il s’y est refusé afin de ne pas égratigner le dogme prônant l’absence de toute augmentation des impôts et des prélèvements sociaux, dogme qui, aujourd’hui, est insidieusement remis en cause.
En effet, le Gouvernement met en œuvre le transfert, rendu possible par la réforme des retraites qu’il entend imposer à nos concitoyens. Ainsi, il est en mesure de piller le FRR tout en contournant, une nouvelle fois, la question qui nous paraît essentielle, celle du financement de notre système de protection sociale à long terme.
Cette question demeure sans réponse, ce qui fait peser des risques importants sur l’avenir de notre système, et, on le devine déjà, ce seront comme toujours les salariés, les fonctionnaires, les jeunes et les retraités qui mettront la main à la poche.
Mes chers collègues, l’adoption de cette motion serait un signal fort envoyé au Gouvernement. Vous exigeriez de lui qu’il prenne enfin la pleine mesure de la situation, qu’il renonce à sa politique d’appauvrissement des comptes sociaux, qu’il abandonne définitivement une politique sociale et fiscale dont la caractéristique est de toujours faire contribuer les mêmes – étudiants, salariés, retraités – tout en épargnant toujours les mêmes – les détenteurs de capitaux, les actionnaires, les spéculateurs et les plus riches d’entre nos concitoyens.
Vous exigeriez, avec nous, que cesse ce que de plus en plus de personnes ressentent comme étant une politique de classe.
Vous enverriez un message clair au Gouvernement : notre protection sociale est solidaire ; elle mérite, pour son financement, une mobilisation pleinement solidaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ayant assisté à la réunion de la commission des affaires sociales, M. Guy Fischer ne s’étonnera pas que j’émette, en ma qualité de rapporteur du projet de loi et au nom de la commission, un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable qu’il vient de défendre devant nous, pendant un quart d’heure.
Monsieur Fischer, la question que vous soulevez au cours de votre argumentation ne peut pas trouver de réponse dans ce projet de loi organique et ne pourra être traitée que dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou du projet de loi de finances.
En effet, vous justifiez votre motion en dénonçant l’absence de solutions pour assurer un financement équilibré de toutes les branches de notre sécurité sociale. Or ces solutions passent par une meilleure maîtrise des dépenses et, sans doute, des recettes, les secondes devant pouvoir répondre à la dynamique que connaissent les premières actuellement.
Votre démonstration est donc un peu hors sujet et il est difficile de suivre votre proposition. C’est pourquoi j’invite nos collègues à repousser cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Henri de Raincourt, ministre. Bien qu’ayant la plus grande considération pour M. Guy Fischer, je suis au regret de devoir émettre le même avis défavorable que la commission des affaires sociales.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 3, tendant à opposer la question préalable et dont l'adoption aurait pour effet d’entraîner le rejet du projet de loi organique.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 272 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l’adoption | 140 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
L’article 4 bis de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « recettes », sont insérés les mots : « ou des actifs » ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« La loi de financement de la sécurité sociale assure chaque année le respect de la règle fixée au premier alinéa.
« Par dérogation au premier alinéa, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 peut prévoir des transferts de dette conduisant à un accroissement de la durée d’amortissement de la dette sociale dans la limite de quatre années. L’annexe à ce projet de loi, mentionnée au 8° du III de l’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale, justifie le respect de cette condition. » ;
3° Au second alinéa, les mots : « de l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « du présent article » ;
4° (nouveau) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si au cours de deux exercices consécutifs, les conditions économiques permettent d’enregistrer un accroissement des recettes de la caisse d’amortissement de la dette sociale supérieur à 10 % des prévisions initiales, la loi de financement de la sécurité sociale pour l’exercice suivant contribue à ramener la fin de la durée de cet organisme à l’horizon prévu avant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. »
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, je profite de ce que M. Vasselle n’a pas encore mis en œuvre son projet de nous faire taire ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. L’article 1er du projet de loi organique que nous proposons de supprimer a pour objectif d’allonger, à titre exceptionnel, de quatre ans la durée de vie de la CADES et, corollaire obligatoire depuis l’adoption de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, de procéder à un transfert de ressources supplémentaires.
Ces dernières prennent la forme d’un transfert des actifs du Fonds de réserve des retraites, le FRR, qui étaient évalués à la fin de l’année 2009 à 33 milliards d’euros, et de sa recette annuelle, estimée à 1,5 milliard d’euros.
Cette décision nous donne l’impression que le Gouvernement cherche moins à réduire la dette sociale qu’à la combler, même artificiellement. Seule la logique comptable peut expliquer un tel pillage du FRR.
Nous nous demandions même, à l’occasion du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, les raisons pour lesquelles vous n’aviez pas immédiatement transféré la dette sociale à la CADES. Le rapporteur général avait d’ailleurs été battu très régulièrement sur cette question au cours des précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale. Nous étions alors convaincus que vous vouliez contourner l’obligation d’apporter des ressources nouvelles. Mais, en réalité, vous jouiez la montre et attendiez de pouvoir prendre prétexte de la réforme des retraites pour sacrifier le FRR.
Il n’y a donc aucune justification à cette mesure, comme l’atteste votre refus de flécher les ressources issues de cette disposition vers le remboursement de la dette de la branche vieillesse ou du Fonds de solidarité vieillesse. L’argent du FRR, dont la vocation initiale était de « lisser » les besoins de financement après 2020, servira donc pêle-mêle à rembourser la dette structurelle, celle de la branche vieillesse et celle qui résulte de la crise. Vous en conviendrez, les pistes sont totalement brouillées. Et pour quels résultats, dans la mesure où, malgré ce pillage, qui aura immanquablement des conséquences dans les années à venir, les comptes sociaux ne sont pas prêts de renouer avec l’équilibre !
En réalité, vous devez avoir le courage de dire qu’il ne s’agit que d’une mesure de ravalement masquant une situation très grave et qu’elle vous permet de reculer encore un peu plus une mesure pourtant indispensable, l’accroissement des ressources dédiées à notre système de protection sociale. Nous en sommes d’autant plus convaincus depuis que nous avons lu, dans Les Échos du 6 juin dernier, cette déclaration d’un membre du Gouvernement : « En l’absence de cette mobilisation du FRR, il aurait été nécessaire d’augmenter les impôts pour pouvoir financer les déficits accumulés par l’assurance vieillesse, ce qui aurait nui à l’emploi et au pouvoir d’achat », mais surtout au fétichisme édicté par le Président de la République !
Cette déclaration a au moins le mérite d’éclaircir le contexte. Mais vous devriez aller encore plus loin et dire clairement, car c’est bien de cela qu’il s’agit, que votre refus de mettre un peu plus à contribution les détenteurs de capitaux aura mécaniquement pour effet d’accroître les prélèvements que payeront les salariés.
Je prendrai deux exemples.
Vous supprimez une niche sur les contrats solidaires pour financer la dette sociale : c’est 18 euros de plus à la charge de chaque assuré.
Vous supprimez le taux dérogatoire de TVA sur les opérateurs internet : c’est 24 euros annuels de plus à la charge des ménages.
À visage masqué, vous ratissez large ! Euro après euro, insidieusement, vous réduisez le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Pour cette raison, nous voterons contre cet article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Demontès, Le Texier, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 4 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Bernard Cazeau. « Je ne soutiens nullement qu’il est glorieux d’allonger la durée de la vie de la CADES, mais nous n’avons pas le choix ». C’est ainsi que François Baroin a justifié, à la fin du mois de juin, devant les membres de la commission des finances de l’Assemblée nationale, la décision du Gouvernement de prolonger de quatre ans, jusqu’en 2025, la durée de vie de la CADES.
Aujourd’hui, vous nous mettez au pied du mur avec cet arrangement justifié par un déficit sans précédent. Le déficit ne s’explique pas uniquement par la crise économique. Certes, elle n’a pas épargné notre pays, mais, si la sécurité sociale avait affronté cette crise sans le handicap sévère d’un déficit structurel de 10 milliards d’euros, elle aurait pu y faire face dans des conditions différentes. Même en gommant les effets de la crise, le déficit structurel de la sécurité sociale est compris tous les ans entre 10 milliards d’euros et 15 milliards d’euros, handicap dont vous parlez d’ailleurs relativement peu.
Vos choix sont davantage responsables de ce trou que la crise que nous traversons. Faut-il vous rappeler que, depuis 2002, vous avez perdu 100 milliards d’euros de recettes, dont les deux tiers à travers des baisses d’impôt dirigées notamment vers les plus favorisés ?
Il faut bien le dire, ce projet de loi est en réalité bâclé. Il tient plutôt de l’échappatoire politique dans la perspective de 2012. Vous préférez prolonger la CADES plutôt que d’augmenter la CRDS – comme d’ailleurs certains centristes, je pense à M. Jégou, vous l’ont proposé –, uniquement pour vous conformer à une promesse électorale, comme l’a indiqué tout à l’heure ma collègue Christiane Demontès. Vous mobilisez des ressources qui ne sont pas pérennes et que nos concitoyens devront débourser, ne serait-ce – M. Fischer l’a bien montré –que par le biais de cotisations d’assurance individuelles.
Votre horizon n’est-il pas essentiellement l’échéance présidentielle ? En effet, vous renvoyez à demi-mot à 2013 l’augmentation éventuelle de la CRDS, même si le ministre qui avait « lâché », et même écrit, cette information nous dit aujourd’hui le contraire.
Monsieur Vasselle, la clause figurant à l’article 1er selon laquelle la dette sociale pourrait être remboursée plus rapidement en cas de recette accrue de la CADES nous paraît tout à fait illusoire. C’est finalement une manière de vous dédouaner que de défendre certains principes en commission, puis de faire semblant de les avoir oubliés dans l’hémicycle.
Depuis plusieurs années, nous l’avons démontré tout à l’heure au cours de la discussion générale, le Gouvernement s’est systématiquement trompé sur ses prévisions. Je crois qu’il n’est pas nécessaire d’y revenir. On ne transforme pas le plomb en or, et j’ai l’impression qu’aujourd’hui le Gouvernement est « plombé ».
Toutefois, monsieur le ministre, rien n’est inéluctable. D’autres solutions que l’allongement de la durée de vie de la CADES étaient envisageables. Mais il aurait fallu bâtir une fiscalité plus juste pour pouvoir espérer atteindre l’objectif de résorption de la dette sociale.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous l’aurez compris en entendant mon propos, nous ne voterons pas cet article, dont nous demandons la suppression.