M. Jean-Pierre Sueur. Mes propos s’inscrivent dans la parfaite continuité de ce qu’a excellemment dit Alain Anziani.
Ce qui est en jeu ici c’est, une fois encore, l’idée que nous nous faisons du Parlement. Les faits sont évidents, ils viennent d’être rappelés : il y a eu unanimité, pas une voix ne s’est élevée, au sein de la commission, contre le refus d’étendre les peines planchers.
Pourquoi serait-il intolérable que, sur un tel sujet, le Sénat de la République ait une idée différente de celle de l’exécutif ? Pourquoi faut-il déférer aux effets d’annonce estivaux de l’exécutif ? À quoi sert le Parlement ? Ces questions sont clairement posées.
Si l’on se réfère – et le compte rendu fera foi – aux arguments qui ont été produits au sein de la commission des lois pour refuser cet amendement de manière unanime et, si l’on prend connaissance du sous-amendement, on ne voit pas en quoi ces mêmes arguments ne s’appliqueraient pas.
Dans l’amendement, il est question de peines d’une durée de deux ans, dix-huit mois, un an, six mois ; dans le sous-amendement, il n’est question que d’une durée de deux ans.
Mais voilà, si l'amendement avait été repoussé, le sujet n’aurait plus pu être abordé à l’Assemblée nationale. Or il fallait que l’Assemblée nationale puisse rétablir la globalité du texte, vous le savez parfaitement.
Pourquoi vous prêtez-vous à ce jeu ? J’aimerais que vous vous exprimiez à ce sujet.
Nos institutions sont en cause. En effet, parmi nous, à la fois des membres du groupe UMP, du parti socialiste, du parti communiste, des centristes, des Verts, bref, des membres de toutes les formations politiques ont en commission des lois refusé d’étendre les peines planchers.
Nous faisons tous confiance aux juges de ce pays et nous savons qu’il faut prendre en compte la personnalité de ceux qui se présentent devant les tribunaux ainsi que les circonstances. Les juges ont la capacité de juger. Il n’est pas nécessaire que la loi leur tienne la main tous les jours, qu’il s’agisse de multirécidivistes, de récidivistes ou de non-récidivistes.
Nous voyons donc apparaître ici, dans la lumière crue, le poids de l’exécutif et la faiblesse d’un certain nombre de nos collègues qui défèrent. C’est désolant.
Je ne comprends pas, moi non plus, comment M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur peuvent nous expliquer pratiquement le contraire de ce que la commission a voté. Bien sûr, M. le rapporteur a son point de vue personnel, je n’en disconviens pas.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais, monsieur le rapporteur, j’eusse aimé que vous preniez, comme M. le président de la commission, la peine de défendre avec zèle et fougue ce qu’a été la position de la commission.
Tel aurait été un fonctionnement normal des institutions. Vous le savez, ce n’est pas parce que nous aurions continué à faire confiance aux juges de la République française sur ces sujets qu’il y aurait eu des problèmes ! On a le droit d’avoir un point de vue différent de celui de l’exécutif sur le pouvoir des juges.
Il est clair que nous ne pouvons pas continuer ainsi. Si l’on continue de bafouer les décisions unanimes du Sénat, l’on s’engage sur un mauvais chemin et pour nos institutions et pour notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. L’objet de l’amendement n° 390 et du sous-amendement n° 423 est de renforcer le dispositif des peines planchers en l’étendant aux violences aggravées, abandonnant ainsi le seul critère de la récidive jusqu’ici retenu par notre droit.
Ma première remarque concerne l’extension démesurée des peines planchers aux violences aggravées. Je rappelle que la droite a rallongé la liste des circonstances aggravantes, et que cet allongement, croisé avec le dispositif des peines planchers, aura des conséquences très graves pour notre droit.
Une bagarre dans un lycée pourra dorénavant entraîner l’application du dispositif des peines planchers : six mois fermes pour une bagarre dans un lycée.
Nous sommes bien au-delà des exigences constitutionnelles de proportionnalité et de nécessité des peines, que le Conseil constitutionnel a clairement rappelées dans sa décision du 9 août 2007 relative aux peines planchers.
L’état de récidive figurait en effet comme l’élément central qui a permis au Conseil de valider le dispositif des peines planchers. La récidive légale constitue selon lui un élément de gravité nécessaire et suffisant.
Or votre amendement, monsieur le ministre, supprime cet élément pour rendre les peines planchers applicables aux délits de violences aggravées.
Le sous-amendement de MM. Longuet et Gautier n’y change rien : s’il réserve ces peines planchers aux délits de violences aggravées les plus élevés dans l’échelle des peines, il reste tout de même déconnecté de l’état de récidive.
Cette extension méconnaît gravement le principe de nécessité des peines et ne manquera pas d’être censurée par le Conseil constitutionnel.
M. Jean-Pierre Sueur. En plus !
M. Jean Desessard. Ma seconde remarque concerne l’inutilité des peines planchers. Le postulat selon lequel les peines planchers ont un caractère dissuasif a été démenti en pratique non seulement par les chiffres mais également par les études qui ont été publiées par les chercheurs.
En revanche, les peines planchers, que vous renforcez aujourd’hui en muselant les juges, ont un effet dramatique sur le travail des magistrats : d’un côté, la loi fixe l’obligation de motivation de leurs décisions, ce qui est synonyme d’un rallongement des procédures, et, d’un autre côté, ils sont traités de laxistes parce qu’ils ne vont pas assez vite et ne condamnent pas assez.
La loi, comme cet amendement, met en place un piège à responsabilité. Les magistrats n’ayant plus le temps de motiver toutes leurs décisions, les seuils minimums de peines planchers s’appliqueront de manière automatique et, s’ils prennent le temps de motiver leurs décisions, le traitement des affaires en sera ralenti.
Dans les deux cas, les magistrats resteront la cible privilégiée de vos attaques incessantes.
Par ailleurs, le dispositif que vous nous proposez avec cet amendement porte atteinte au principe d’individualisation des peines. Le juge n’est plus libre d’adapter la peine à la personnalité de l’auteur de l’infraction, alors qu’il s’agit d’un des principes fondamentaux du droit pénal français.
Dorénavant, pour pouvoir appliquer des peines inférieures aux seuils fixés par votre amendement, les juges devront spécialement motiver leur décision, ce qui limite leur liberté d’intervention, donc d’individualisation de la peine.
Petit à petit, vous grignotez ce qu’il reste d’indépendance et d’impartialité, en dégradant les conditions de travail des magistrats et en les désignant comme les possibles responsables de la délinquance.
Nous refusons toute extension des peines planchers, tout comme la stigmatisation déplorable de la magistrature que vous semblez organiser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons assisté à un tour de passe-passe qui n’est pas totalement inédit. Nous n’avons pas la mémoire courte, cela s’est déjà produit.
Ce tour prend en l'occurrence une tournure déplorable et détestable. La commission des lois a rejeté à l’unanimité, lors de sa première réunion, cet amendement. Nous avons ensuite constaté que d’aucuns voulaient mettre de l’ordre dans la majorité. Ce n’était pas si facile, il a fallu passer par le biais d’un sous-amendement parlementaire portant sur l’amendement du Gouvernement. Tout cela ne trompe personne.
La commission des lois s’est réunie lors de la suspension de séance. La question était d’importance et l’on aurait pu penser que les soutiens fervents de l’amendement ou du sous-amendement auraient au moins été présents pour expliquer comment ils avaient changé d’avis.
Il n’en a rien été. Apparemment, les membres de la commission des lois qui soutiennent le Gouvernement sont absents quand il s’agit de défendre les propositions du Président de la République.
On ne sait pas exactement comment la conviction de nos collègues a pu être emportée par le petit tour de passe-passe qui consiste à ramener la question sur le tapis avec le sous-amendement de M. Longuet. C’est dommage, cela nous aurait aidés à comprendre.
M. le rapporteur a tenté de nous l’expliquer. En réalité, il n’a pas expliqué grand-chose si ce n’est que, avant, il n’était pas d’accord avec l’amendement du Gouvernement, et que maintenant il l’était !
Tout cela donne un piètre spectacle du Sénat, des parlementaires et des rapports entre l’exécutif et le législatif ! Mais, malheureusement, c’est ainsi depuis un certain nombre d’années ; il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
Comme vous ne donnez aucune explication, je vais être claire : ce que vous recherchez, ce sont les peines automatiques.
Celles-ci existent ailleurs, et avec un certain succès : aux États-Unis, elles ont permis d’envoyer trois millions de personnes en prison ! Ramené à la population de la France, cela équivaudrait à 600 000 personnes... Il s'agit d’une véritable méthode de gouvernement, dont les résultats ne sont pas extraordinaires car, que je sache, il y a toujours énormément de délinquance et de violence aux États-Unis. Les peines automatiques, qui permettent d’envoyer beaucoup plus de monde en prison, ne sont donc pas vraiment concluantes. Elles n’ont pas un effet décisif sur la délinquance, c’est le moins que l’on puisse dire…
D'ailleurs, vos propos sont remplis de contradictions, monsieur le ministre : vous affirmez que la délinquance baisse à tous points de vue mais qu’il est nécessaire de renforcer les peines parce qu’elle est de plus en plus importante. Voilà grosso modo à quoi revient votre discours.... Il est vrai que vous n’êtes plus à une contradiction près.
Nous refusons donc les peines automatiques, même appelées peines planchers. Vous avez d'ailleurs dévoilé vos intentions, monsieur Longuet, car vous avez affirmé qu’il fallait harmoniser les sanctions prononcées.
M. Gérard Longuet. Et oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Or une peine proportionnée et individualisée n’implique pas forcément une telle harmonisation à travers le pays.
M. Gérard Longuet. C’est le rôle du parquet !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il peut y avoir une moyenne des peines prononcées, certes, mais pas une véritable harmonisation.
Naturellement, s’il existe des peines automatiques, on parviendra peut-être à une meilleure harmonisation des sanctions, mais on aura violé un principe qui est bien ancré dans notre droit, ce qui nous différencie d’autres pays, à savoir l’individualisation des peines. Et, bien entendu, on aura mis à mal une autre règle fondamentale, à savoir l’indépendance de la justice.
Amendements, sous-amendements, re-amendements, re-sous-amendements : nous voterons contre tous ces textes, et je déplore que nous n’ayons pas un débat franc sur ce sujet ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Nous sommes en désaccord avec le Gouvernement sur la forme et sur le fond.
M. Jacques Mézard. Les deux à la fois, monsieur le ministre !
Nous sommes en désaccord sur la forme parce que vous avez utilisé une procédure qui est conforme à la Constitution et à nos règles, certes, mais qui n’honore pas vraiment le Parlement. Ce soir, après ce que nous avons vécu lors des deux réunions de la commission, nous n’avons guère de raisons d’être fiers de notre travail législatif…
Cette LOPPSI a été conçue il y a plus d’un an. Elle a été votée à l’Assemblée nationale, puis elle est venue ici. On y travaille depuis plusieurs mois. Or, au tout dernier moment, des éléments fondamentaux ont été apportés par le Gouvernement à travers des amendements – ce qui est tout à fait possible –, à la suite des déclarations qui ont eu lieu cet été et que l’on connaît.
Ces dispositions n’ont pas reçu l’assentiment de la commission des lois, c’est le moins qu’on puisse dire. Puis, nous avons vu arriver tout à l’heure trois sous-amendements, au demeurant tout à fait intéressants bien sûr, signés notamment par MM. Gérard Longuet et Jacques Gautier. Ces textes sont passés devant la commission des lois, qui les a rejetés.
Au-delà de ce vote, que l’on peut comprendre parce que l’heure était tardive et que certains de nos collègues n’ont pu assister à cette réunion, que s’est-il passé ? Trois sous-amendements très importants ont été présentés au dernier moment devant la commission des lois pour y être soumis à une discussion dont on peut presque dire qu’elle ne fut que de façade ! Ce n’est pas du travail législatif sérieux !
Je ne crois pas que ce soit bon pour l’image du Parlement. Il s'agit d’une méthode qui, je l’espère, ne sera pas rééditée.
Sur le fond, les auteurs de l’amendement et du sous-amendement qui nous sont présentés posent tout de même des questions importantes. En effet, on va permettre l’application de peines planchers à des primo-délinquants. Il s'agit là d’une décision grave, importante, nouvelle et qui revient sur certains de nos principes.
Quel est l’objectif visé ? Tout d’abord, les trois amendements et sous-amendements dont nous discutons révèlent, je le répète, une méfiance manifeste vis-à-vis des magistrats, même si on laisse à ces derniers la possibilité de prononcer une peine inférieure par une décision motivée. Ces textes sont tout à fait significatifs. Ils prouvent que notre système pose problème, me semble-t-il. Mais, si tel est le cas, il faut le dire clairement et ne pas se contenter d’adopter des mesures qui, au fond, ne changeront pas grand-chose.
En effet, si elles sont très importantes en ce qui concerne les principes, parce qu’elles permettront ensuite d’aller au-delà, ces dispositions n’auront guère de conséquences pratiques, parce que vous précisez dans le texte du sous-amendement : « Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ».
M. Gérard Longuet. Vous voyez !
M. Jacques Mézard. Tout à fait, monsieur Longuet ! Je reconnais qu’avec cette disposition vous laissez malgré tout aux magistrats la possibilité d’apprécier la peine prononcée.
Néanmoins, je comprends parfaitement votre méthode, ou plutôt votre stratégie, car vous êtes à l’évidence des prestidigitateurs du droit.
Qu’est ce que tout cela veut dire ? En réalité, le Gouvernement entend signifier à l’opinion que, en instaurant les peines planchers, il a fait le maximum pour lutter contre la délinquance et agir avec fermeté. Et si ces mesures ne sont pas appliquées, c’est la faute des magistrats !
Tel est le message médiatique que vous voulez faire passer. Comme le soulignait avant-hier à juste titre Jean-Pierre Chevènement, votre méthode est d’agiter le chiffon rouge, pour essayer de montrer que tous ceux qui n’appartiennent pas à la majorité ne veulent pas lutter contre la délinquance, ne sont pas suffisamment fermes, etc. Or ce n’est pas parce que nous ne voterons pas ces amendements et sous-amendements que nous sommes opposés à la fermeté.
M. Jacques Mézard. Non, monsieur le ministre. Au demeurant, ce n’est pas votre souhait.
M. Jean Desessard. M. le ministre ne veut pas résoudre le problème ! Il a intérêt à ce qu’il y ait toujours de la délinquance !
M. Jacques Mézard. Si nous votions ces textes, vous seriez très malheureux, parce que vous cherchez en fait à diviser le pays ! Ce ne sont pas de bonnes méthodes, car ces dispositions ne changeront strictement rien à la délinquance. Il s'agit ici non pas d’améliorer la justice, mais, purement et simplement, de délivrer un message médiatique ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Vous le savez, summum jus, summa injuria disait Cicéron, c'est-à-dire « justice extrême est extrême injustice ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. Il m’a fallu siéger deux ans au Sénat pour entendre les propos qui ont été tenus ce soir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais non !
M. Louis Nègre. On invoque l’Antiquité, les mânes de Cicéron…
Mme Dominique Voynet. On devrait le faire plus souvent !
M. Louis Nègre. J’ai entendu ce soir à la gauche de l’hémicycle une série de discours tous plus beaux les uns que les autres !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tant mieux s’ils sont beaux !
M. Louis Nègre. Ah, les grands principes ! Toutefois, à aucun moment, les grands esprits qui les brandissent n’ont parlé des victimes ! (Vives exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Celles-ci sont absentes. Elles n’existent pas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlez-nous des résultats !
M. Louis Nègre. Chers collègues, rendez-vous un soir dans un commissariat et rencontrez des victimes !
Pour l’instant, lisez ce qui est écrit noir sur blanc dans le texte de ce sous-amendement, madame Borvo Cohen-Seat : sont visés « des délits de violences volontaires – volontaires, j’insiste sur ce point – aggravées pour lesquels la peine encourue est égale à dix d’emprisonnement ». En France, pour écoper d’une peine d’une telle durée, il faut en faire beaucoup ! En plus, nous précisons encore, nous posons des conditions et ajoutons : « ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à quinze jours ».
Madame Borvo Cohen-Seat, avez-vous déjà vu ce que c’est que quinze jours d’incapacité de travail ? Moi, oui ! Je sais ce que c’est ! Je trouve pour ma part que les mesures que nous prenons contre un délinquant qui commet de telles violences volontaires – personne ne l’a forcé à démolir quelqu’un ! –, sont tout à fait justifiées.
Aujourd'hui, parce que vous êtes primo-délinquant, vous êtes automatiquement excusé ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Et ne dites pas le contraire, chers collègues !
M. Louis Nègre. Nous sommes dans une société d’assistanat et d’irresponsabilité. Le message que nous faisons passer, quels que soient vos cris, chers collègues de l’opposition, c’est : « Vous pouvez commettre des infractions, casser et démolir » ! Et c’est très grave, car il s'agit d’attaques non pas contre les biens, mais contre les personnes. Vous les supportez, vous les laissez passer en affirmant que, finalement, l’auteur des violences ne doit pas être condamné car il avait de multiples raisons d’agir de cette façon. Et la victime, personne n’en parle jamais !
De grâce, pensez un peu aux Français ! Pensez aux victimes, et vous verrez que votre point de vue commencera à se rééquilibrer.
Pour conclure, j’ajouterai que ce sous-amendement me paraît tout à fait normal, d’autant que, par une décision spécialement motivée, le juge pourra toujours passer outre la peine plancher en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion qu’il présente.
Ainsi, le message que nous voulons faire passer est que nous en avons assez de voir des délinquants qui démolissent des gens tout simplement parce qu’ils ont décidé de le faire.
M. Jean Desessard. Mais ils risquent déjà la prison !
M. Louis Nègre. Nous, la représentation nationale, nous souhaitons nous opposer fermement à ces gens-là. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le ministre, la commission des lois avait estimé qu’une extension indéfinie des peines planchers ne respectait pas les principes définis par le Conseil constitutionnel. Je rappelle tout de même que, aux termes de la loi du 10 août 2007, ces mesures devaient remplir un certain nombre de conditions et rester exceptionnelles.
Aussi, dès lors que l’amendement du Gouvernement visait des peines de trois ans, cinq ans ou sept ans, la commission avait unanimement jugé qu’une telle disposition était excessive.
D’une manière générale, certains adressent des signaux positifs à certaines catégories de fonctionnaires, ce qui est tout à fait normal, tandis que d’autres les stigmatisent.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est le Gouvernement qui stigmatise les fonctionnaires !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous voulez que je précise ma pensée, madame Borvo Cohen-Seat ! Certains ne parlent que des bavures policières. D’autres affirment que la justice est laxiste…
Or, dans une société, rien n’est plus important que la justice. Pour ma part, je prétends que la grande majorité des magistrats de notre pays accomplissent leur travail avec conscience et dans le souci de l’intérêt public. Bien entendu, monsieur le ministre, on voit dans les journaux que quelques juges prennent des décisions, d'ailleurs contraires à leur code de déontologie, parce qu’ils agissent en fonction d’une idéologie et non selon les principes qui devraient être ceux de tout magistrat.
Toutefois, ce n’est pas parce que quelques personnes se comportent ainsi qu’il faut mettre en cause l’immense majorité de la magistrature et désespérer les juges. Il n'y a rien de plus dangereux !
M. Alain Anziani. Bravo !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est pourquoi, s’agissant des peines planchers, monsieur le ministre, nous sommes plutôt enclins à considérer aujourd'hui, comme nous l’étions déjà en 2007, qu’il vaut mieux que le parquet fasse appel si des juges déraillent vraiment.
Cela étant, les peines planchers sont une indication. Monsieur Mézard, vous avez dit que la juridiction pouvait prononcer une peine inférieure. C’était déjà le cas avec la loi de 2007, sinon la disposition serait totalement anticonstitutionnelle. Le juge peut décider de ne pas appliquer ces peines pour telle ou telle raison ou d’en prononcer une autre.
M. Gérard Longuet. Oui, en motivant sa décision !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme cela, on pourra lui taper dessus un peu plus !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour ma part, je ne cherche pas à faire plaisir aux uns et aux autres ; je suis assez libre : quand je dis non, c’est non. Je vous donnerai donc mon sentiment en toute honnêteté, car j’estime que certains principes doivent être préservés. C’est d’ailleurs le rôle du Sénat.
J’estime donc que ces peines planchers doivent être réservées aux infractions les plus graves et ne doivent pas être excessives. Il ne faudrait pas qu’elles soient encore étendues, car cela poserait alors un véritable problème de constitutionnalité. Il ne faut jamais tenter de passer en force quand on est à peu près sûr de subir la censure du Conseil constitutionnel.
M. Gérard Longuet. Exact !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est alors un double échec politique, selon moi. Il faut donc être attentif à ce point.
Tel qu’il est rédigé, le sous-amendement permet que, lorsque des faits très graves sont commis – nous en reparlerons lors de la discussion du sous-amendement que j’ai déposé –, deux ans de prison peuvent être requis. Toutefois, j’espère qu’aucun magistrat, sauf pour des raisons particulières – cela peut arriver –, ...
M. Jacques Mézard. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ... n’appliquera jamais cette disposition et que, vis-à-vis d’un délinquant qui aura commis un acte ayant entraîné quinze jours d’interruption temporaire de travail pour lequel il est susceptible d’encourir une peine de dix ans de prison, la justice saura se montrer sévère. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 423.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 268 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 179 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 390.
M. Jean Desessard. Je rappellerai tout d’abord que le vote par scrutin public, tel qu’il est pratiqué au Sénat, est anticonstitutionnel. Je le précise pour ceux qui aiment bien respecter les lois, et je me demande s’il faudra instaurer une peine plancher pour que cette disposition soit enfin appliquée ! (Sourires.)
La Constitution précise que chaque parlementaire peut porter une voix en plus de la sienne et une seule.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Non !
M. Jean Desessard. Mais si ! Je vais chercher un exemplaire de la Constitution et je vous le lirai !
Le vote est personnel et chaque personne ne peut porter qu’un seul mandat en plus du sien.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ce n’est pas dans la Constitution !
M. Jean Desessard. Vous soutenez que ce n’est pas dans la Constitution ? Moi, j’affirme le contraire ! Nous aurons la réponse sous peu…
J’en viens à mon propos.
M. Nègre a déclaré que lui, il connaissait les victimes, alors que ce n’était pas notre cas. Voilà qui est formidable ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.)
M. Louis Nègre. Oui !
M. Jean Desessard. Ce n’est pas cela qui nous différencie, monsieur ! Vous n’allez pas jouer à celui qui connaît le plus de victimes, car nous sommes tous concernés par les incivilités.
M. Louis Nègre. Quinze jours d’ITT, c’est plus qu’une incivilité ?
M. Jean Desessard. Ce qui nous distingue, c’est la réponse qu’il convient d’apporter !
Vous considérez que la délinquance existe parce qu’il n’y a pas assez de peines ou que celles-ci ne sont pas assez lourdes. Pour notre part, nous estimons que c’est à cause d’un mal-être social, d’une désespérance sociale, des quartiers défavorisés, de la précarité ; cela n’a rien à voir avec la nature de la peine.
M. Alain Fouché. Il y a les deux !
M. Jean Desessard. Ce sont tous ces facteurs qui créent un sentiment de non-intégration dans la société française.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Il y a aussi un problème familial et éducatif !
M. Jean Desessard. Vous avez certainement lu dans les journaux des articles sur les tueurs d’enfants en Chine : ceux-ci pénètrent dans une école et tuent un certain nombre d’enfants. Il s’agit non pas d’un cas isolé, mais d’un véritable phénomène qui est expliqué par le fait que ces individus souffrent d’un mal-être social.
M. Louis Nègre. Oui, en Chine !
M. Jean Desessard. Pensez-vous qu’ils se sont penchés sur le code pénal avant de passer à l’acte ? On le sait, en Chine, ce qui les attend, c’est la peine de mort. Ce n’est donc évidemment pas cela qui les empêche de commettre des actes odieux, abominables.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La délinquance n’a pas augmenté avec l’abolition de la peine de mort !
M. Jean Desessard. Cela n’a donc aucun lien avec la lourdeur de la peine. C’est un autre type de société qu’il faut proposer, c’est une intégration qu’il faut réussir.
D’aucuns pourraient en déduire que nous avons simplement des divergences – certains seraient plus répressifs, d’autres le seraient moins – et que nous voulons proposer des solutions différentes.
Mon intervention va beaucoup plus loin, car c’est plus grave que cela !
En effet, dans la mesure où le Gouvernement, par les différentes lois sociales qu’il instaurera, empêchera la résolution des problèmes sociaux, le mal-être social, loin de disparaître, s’amplifiera, ce qui provoquera une augmentation de la délinquance et des incivilités. Nous constaterons alors que les peines planchers que vous avez prévues aujourd'hui n’auront servi à rien.
Face à cette situation, le Président de la République ou d’autres déclareront que cette réponse est insuffisante et qu’il en faut plus, toujours plus. Vous continuerez d’aller dans ce sens, mais à quoi cela aboutira-t-il ? Cela ne permettra pas la résolution des problèmes. Cela conduira au contraire à un système qui restreindra les libertés, qui n’envisagera plus les situations avec humanisme et qui apportera non pas une réponse sociale aux problèmes sociaux, mais une réponse policière et répressive, sans liberté.
M. Louis Nègre. Contre les délinquants !
M. Jean Desessard. Par conséquent, parce que vous refusez de résoudre les problèmes sociaux, vous nous construisez une société policière.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 390, modifié.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)