M. le président. L'amendement n° 341 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 19
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« Aucune captation de données informatiques consultées ou recueillies par un sénateur ou un député ne peut avoir lieu sans que le président de l'assemblée à laquelle il appartient en soit informé par le juge d'instruction.
« Aucune captation de données informatiques consultées ou recueillies par un avocat ne peut avoir lieu sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d'instruction.
« Aucune captation de données informatiques consultées ou recueillies par un magistrat ne peut avoir lieu sans que le premier président ou le procureur général de la juridiction où il réside en soit informé.
« Les formalités prévues par le présent article sont prescrites à peine de nullité. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. À l'instar des écoutes téléphoniques, le procédé de captation des données informatiques doit être strictement encadré dès lors qu'il s'adresse à des personnes occupant des fonctions sensibles, parlementaires, avocats, magistrats.
En effet, des risques de violation du principe de séparation des pouvoirs et de l'indépendance des avocats existeraient si ces mesures ne faisaient pas l'objet d'un contrôle.
Ces alinéas dont nous proposons l’insertion dans le projet de loi sont, me semble-t-il, conformes aux traditions de la République : dans la ligne des dispositions applicables aux données autres qu’informatiques, ils garantissent une protection qui me paraît fondamentale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cet amendement prévoit des dispositions spécifiques concernant les parlementaires, les avocats ou les magistrats.
Toutefois, comme tel est d’ailleurs le cas s’agissant de la sonorisation et de la fixation d’images, en vertu de l’article 706-102-5 du code de procédure pénale, la captation serait interdite dans le véhicule, le bureau ou le domicile d’un parlementaire, d’un avocat, d’un magistrat, dans les locaux d’une entreprise de presse ainsi que dans le cabinet d’un médecin, d’un notaire, d’un avoué ou d’un huissier.
Ces garanties paraissent largement suffisantes et la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui ne lui paraît pas nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Mézard, je vous renvoie au rapport d’information de M. Romani, qui, malgré mes vifs encouragements, ne souhaite pas intervenir pour ne pas allonger le débat ; ce rapport, qui a été adopté à l’unanimité, vous montrerait que les attaques sont multiples et quotidiennes.
Quant à votre amendement, il est inutile parce que déjà satisfait. J’y suis donc défavorable
M. le président. L'amendement n° 402, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 21 et 22
Rédiger ainsi ces alinéas :
1° Au premier alinéa, après les mots : « d'appareils », sont insérés les mots : « ou de dispositifs techniques » et après la référence : « l'article 226-1 », sont insérés les mots : « ou ayant pour objet la captation de données informatiques prévue par l'article 706-102-1 du code de procédure pénale » ;
2° Au deuxième alinéa, après les mots : « d'un appareil », sont insérés les mots : « ou d'un dispositif technique » et sont ajoutés les mots : « ou ayant pour objet la captation de données informatiques prévue par l'article 706-102-1 du code de procédure pénale, lorsque cette publicité constitue une incitation à en faire un usage frauduleux. »
La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Cet amendement a deux objectifs.
D’abord, sur le plan juridique, il vise à corriger la rédaction du texte voté à l’Assemblée nationale, car, en l’état actuel, il est susceptible d’entraîner une difficulté d’articulation entre deux dispositions du code pénal sur la fabrication et sur la contrefaçon.
Ensuite, sur le fond, il a pour objet de soumettre à autorisation les dispositifs de captation à distance de données informatiques destinés à capter en temps réel les échanges informatiques entre membres d’une organisation criminelle ou terroriste.
Cette procédure d'autorisation existe déjà pour le contrôle des appareils pouvant porter atteinte à la vie privée et au secret des correspondances privées.
Alors que le champ d’application de l’article 226-3 du code pénal est actuellement restreint aux logiciels ou matériels permettant d’intercepter des correspondances et l’enregistrement de conversation à distance, le Gouvernement souhaite l’étendre aux atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données, c'est-à-dire aux fichiers informatiques.
Il s’agit donc bien d’une garantie pour le citoyen, puisque ces dispositifs techniques d’enquête seront utilisés de manière très encadrée et que tout abus sera susceptible de tomber sous le coup de la loi pénale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La modification proposée par le Gouvernement vise à réserver le principe de l’autorisation aux seuls dispositifs utilisés en vue de permettre la captation de données informatiques selon les modalités techniques visées par le nouvel article 706-102 du code de procédure pénale, captation en principe réservée aux seuls services de police.
Comme l’indique l’objet de l’amendement, le contrôle qui serait applicable aux services de police renforcerait encore le cadre juridique dans lequel ces mécanismes de captation de données peuvent être utilisés.
Il s’agit donc d’une précision extrêmement utile et la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 23, modifié.
(L'article 23 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 23
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par Mme Klès, est ainsi libellé :
Après l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 111-4 du code pénal, il est inséré un nouvel article 111-4-1 ainsi rédigé :
« Art. 111-4-1. - La loi pénale a pour but de prévenir et de sanctionner les actions nuisibles à la société. Elle respecte le principe de nécessité et de proportionnalité des peines. Elle ne peut créer de nouvelle infraction lorsque les faits considérés entrent déjà dans le champ d'une infraction existante. »
La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Avec cet amendement, nous tentons de freiner ou même de mettre fin à une tendance qui, à mon sens, est inefficace, voire néfaste en matière de répression de la délinquance.
Conformément à cette tendance, comme d’autres textes avant lui, le texte que nous examinons finit par ressembler à un inventaire de délits, que pour ma part je qualifie de délits « faits divers », et que l’on inscrit dans la loi parfois sans nécessité.
Je rappelle que le rôle de la loi pénale est de prévenir et de sanctionner toutes les actions nuisibles à la société.
La loi pénale doit rester un cadre général : il ne faut pas tenter d’établir une liste exhaustive des délits, car, l’imagination des délinquants étant sans limite, nous n’y parviendrons jamais et nous continuerons longtemps à courir après eux !
Lorsque je disais que cette tendance pouvait être néfaste, je pensais, par exemple, à la création d’un délit d’aveuglement des pilotes d’avion avec un laser infrarouge alors que le cadre légal pour poursuivre de tels faits existe déjà dans le code pénal : il s’agit de la mise en danger de la vie d’autrui.
Que fera-t-on demain si les délinquants se mettent à utiliser un miroir ou du papier « alu » pour aveugler les pilotes ? Faudra-t-il à nouveau légiférer pour créer un délit d’aveuglement des pilotes avec un miroir ou du papier « alu » ?
Le délit de mise en danger d’autrui existe. Il faut s’en tenir là, car, plus on cherche à être exhaustif, plus on devient restrictif en matière de répression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à rappeler, dans la partie du code pénal consacrée aux principes généraux, les principes énoncés aux articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de l’homme. Il tend également à préciser que la loi pénale ne peut créer de nouvelle infraction lorsque les faits considérés entrent déjà dans le champ d’une infraction existante.
Les intentions de notre collègue sont louables, mais cet amendement est dépourvu de portée normative, puisqu’une loi peut décider de déroger à une autre loi. Je lui propose donc de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Il est bien évidemment inutile de créer de nouvelles infractions punissant des faits d’ores et déjà réprimés, et le principe de la nécessité des peines et des délits est consacré par la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel.
Il est cependant nécessaire, parfois, et c’est l’objectif de ce texte, d’améliorer les incriminations qui existent déjà, car la criminalité évolue ; il convient alors d’adapter la justice pénale au développement et à l’évolution des pratiques des délinquants.
Il ne me semble donc pas utile d’inscrire dans la loi qu’une infraction ne peut être créée si elle existe déjà, et je me rallie à la position de la commission.
M. le président. Madame Klès, l’amendement n° 64 est-il maintenu ?
Mme Virginie Klès. Oui, monsieur le président. J’estime que la loi a souvent un fort effet dissuasif. Je souhaite, en l’occurrence, que d’éventuels contrevenants soient dissuadés de contourner l’objectif de la loi.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, nous constatons qu’un sous-amendement n° 423 vient d’être déposé à l’amendement n° 390 du Gouvernement relatif aux peines planchers.
Nous sommes embarrassés, car la commission des lois, lors de sa réunion de mercredi dernier, a donné un avis défavorable sur cet amendement du Gouvernement. Et voilà que MM. Longuet et Jacques Gautier le sous-amendent.
Il me semble que la sagesse commande de réunir à nouveau la commission, afin qu’elle se prononce sur ce sous-amendement et sur les deux autres, tout aussi nouveaux, qui vont suivre.
M. Jean Desessard. Ce serait le bon sens !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Effectivement, les débats qui ont eu lieu en commission des lois ont convaincu un certain nombre de nos collègues, y compris moi-même d’ailleurs. Ces débats les ont incités à tirer les conséquences des décisions prises et à trouver une formule satisfaisante.
Je veux bien que l’on réunisse la commission des lois, mais je ne vois pas ici beaucoup de ses membres.
Mme Virginie Klès. Il y en a suffisamment !
M. Alain Anziani. Vous n’allez tout de même pas décider de réunir la commission en fonction de la présence ou de l’absence de certains de ses membres !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut tout de même qu’un certain effectif soit réuni !
Cela dit, je ne vois pas d’objection, monsieur le président, à ce que la commission se réunisse.
M. le président. Dans ces conditions, mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour permettre à la commission des lois de se réunir ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Monique Papon.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 390, tendant à insérer un article additionnel après l’article 23.
L'amendement n° 390, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article 132-19-1 du code pénal, il est inséré un article 132-19-2 ainsi rédigé :
« Art. 132-19-2. - Pour les délits de violences volontaires commis avec une ou plusieurs circonstances aggravantes ou pour les délits commis avec la circonstance aggravante de violences, la peine d'emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Six mois, si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement ;
« 2° Un an, si le délit est puni de cinq ans d'emprisonnement ;
« 3° Dix-huit mois, si le délit est puni de sept ans d'emprisonnement ;
« 4° Deux ans, si le délit est puni de dix ans d'emprisonnement.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l'emprisonnement en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. »
II. - Au premier alinéa de l'article 20-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, la référence : « et 132-19-1 » est remplacée par les références : « 132-19-1 et 132-19-2 ».
La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Lors de mon intervention au cours de la discussion générale, j’ai évoqué la question des peines planchers, dont le principe avait été retenu au moment de l’adoption de la loi du 10 août 2007. Aujourd’hui, le dispositif fonctionne.
Cependant, la délinquance évoluant et les atteintes aux personnes étant devenues un sujet de préoccupation constant, nous pensons que cette mesure, initialement limitée aux seuls cas de récidive, devrait être élargie à certains primo-délinquants qui commettent les délits les plus graves, notamment en matière d’actes de violences. C’est pourquoi il est proposé d’étendre l’application des peines planchers à certaines violences aggravées. D’ailleurs, certains événements récents nous y encouragent.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 423, présenté par MM. Longuet et J. Gautier, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 8 de l'amendement n° 390
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. 132-19-2. - Pour les délits de violences volontaires aggravées pour lesquels la peine encourue est égale à dix ans d'emprisonnement et ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à quinze jours, la peine d'emprisonnement ne peut être inférieure à deux ans.
« Ce même seuil s'applique également pour les délits commis avec la circonstance aggravante de violences dès lors que la peine encourue est égale à dix ans et que les violences ont entraîné une incapacité de travail supérieure à quinze jours.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l'emprisonnement en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. »
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Ce sous-amendement vise à modifier l’amendement n° 390 du Gouvernement tendant à étendre les peines planchers. Vous avez rappelé avec raison, monsieur le ministre, que ce dispositif, institué par la loi du 10 août 2007, a démontré son efficacité. Les juridictions y recourent. Ce système a été validé par le Conseil constitutionnel, car il respecte le principe de l’individualisation des peines dès lors que des dérogations peuvent être prévues.
Jacques Gautier et moi-même, après avoir entendu nos collègues de la commission des lois, à laquelle nous n’avons pas l’honneur d’appartenir, avons estimé que nous pourrions répondre à leurs préoccupations tout en défendant le point de vue majoritaire des membres du groupe UMP. Ces derniers souhaitent donner aux magistrats tous les éléments et les atouts nécessaires pour mener une politique de lutte contre la délinquance et faire en sorte que les peines planchers puissent être appliquées non seulement aux récidivistes, comme le prévoit la loi précitée, mais également aux personnes qui ont commis des actes graves et qui, tout en étant des primo-délinquants pour le délit visé, méritent cependant de connaître l’autorité de la justice, notamment de se voir opposer le principe de la peine minimale.
Pour bien concentrer le dispositif en cause sur son objet véritable, à savoir sanctionner les violences les plus graves, nous vous proposons, par le biais du sous-amendement n° 423, que deux conditions cumulatives, qui n’étaient pas prévues jusqu’à présent, soient réunies pour pouvoir prononcer des peines planchers à l’égard des primo-délinquants.
Premièrement, la peine encourue par l’auteur des violences ou du délit commis avec la circonstance aggravante de violences doit être égale à dix années d’emprisonnement. Il s’agit en effet d’un délit majeur.
Deuxièmement, l’interruption totale de travail qui résulte desdites violences doit être supérieure à quinze jours.
Permettez-moi en cet instant, monsieur le ministre, d’exprimer une conviction que partagent très largement les membres du groupe UMP. L’amendement relatif aux peines planchers pose la question de l’harmonisation, au plan national, des décisions de justice rendues à l’égard d’auteurs d’actes de violences.
Nous, législateur, respectons l’autonomie du juge, en particulier du juge du siège, qui, compétent dans une affaire, peut individualiser la peine et prend sa décision, en référence au code, certes, mais en toute liberté, en toute responsabilité. Pour autant, au plan national, une unité, une harmonisation, une homogénéisation des décisions de justice doivent être recherchées pour que nos compatriotes n’aient pas le sentiment que, selon le lieu du jugement – au nord ou au sud de la Loire, à l’Est ou à l’Ouest, dans une grande agglomération ou dans un petit tribunal –, le délinquant fait l’objet d’un traitement totalement différent.
Si l’action publique fonctionnait et si les instructions données au parquet – ce dernier peut toujours faire un appel a minima –, étaient suffisantes, il ne serait peut-être pas nécessaire de faire référence aux peines planchers. Mais nombre de personnes considèrent que le parquet doit être coupé de l’action publique, alors qu’il a justement pour fonction de défendre la société au nom d’un projet dont le responsable légitime est le garde des sceaux, représentant l’exécutif.
Faute de l’homogénéisation, de l’unité nécessaire à l’application du droit, nous nous sommes résignés à accepter le principe de la peine plancher, qui a l’immense mérite de donner des indications et de montrer à nos compatriotes qu’il n’y a pas autant de justices que de tribunaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 390 vise à étendre aux primo-délinquants auteurs de violences aggravées ou de délits commis avec violences le dispositif de la loi du 10 août 2007 relatif aux peines planchers, à l’heure actuelle applicable uniquement en cas de récidive.
Les objectifs poursuivis par le Gouvernement me paraissent légitimes. Face à la multiplication des incidents contre les forces de l’ordre, il me semble en effet nécessaire d’apporter une réponse ferme à de telles violences inacceptables.
Pour autant, la commission a estimé que le dispositif proposé pourrait poser un problème de constitutionnalité, car il aboutirait, par exemple, à condamner obligatoirement à six mois de prison l’auteur de violences aggravées n’ayant entraîné aucune incapacité totale de travail, y compris lorsque ce dernier n’a jamais commis d’infraction auparavant. Une telle mesure a semblé, dans certaines hypothèses, contraire à l’objectif de réinsertion.
Pour ces raisons, le sous-amendement présenté par nos collègues Gérard Longuet et Jacques Gautier tend à limiter ce dispositif aux violences particulièrement graves ayant entraîné chez la victime une incapacité totale de travail supérieure à quinze jours. À titre personnel, j’y suis totalement favorable. Ce texte correspond tout à fait aux souhaits du Président de la République. Toutefois, lors de sa réunion tout à l’heure, la commission des lois a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 423 ?
M. Jean-Pierre Sueur. C’est étonnant ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Depuis longtemps, je considère qu’il est souvent difficile de faire partie de la minorité dans une assemblée. Aujourd’hui, et encore plus après avoir entendu votre intervention pleine d’embarras, monsieur le rapporteur, je m’aperçois qu’il est certainement aussi très difficile d’appartenir à la majorité…
Il est inexact, mon cher collègue, que seuls certains membres de la commission des lois aient manifesté leur désaccord à l’égard de l’amendement n° 390, qui a reçu un avis unanimement défavorable mercredi dernier. Ce soir, le sous-amendement n° 423 a connu le même sort, certes à la majorité seulement, cette fois-ci.
Il n’est donc pas facile d’être membre de la majorité dans une assemblée et pour de multiples raisons. Certains ont la noble ambition d’entrer au Gouvernement, d’autres celle – louable – d’être réélus… En tout cas, mes chers collègues de la majorité, vous vous sentez sans doute unis, comme les doigts de la main, par un pacte majoritaire qui ne souffre évidemment pas la moindre rébellion ou plutôt, ce mot étant trop fort, la moindre indiscipline. Vous venez de nous donner encore une fois un exemple de cet état de fait au cours de cette semaine.
Ainsi, mercredi, lors de la réunion de la commission des lois qui s’est tenue à neuf heures trente, l’amendement n° 390 a été repoussé à l’unanimité de ses membres et non par quelques délinquants de gauche obéissant à leur sensibilité. La commission avait alors estimé qu’elle ne pouvait pas accepter d’étendre les peines planchers comme le propose le Président de la République. Puis, lors de la dernière réunion de la commission tout à l’heure, à dix-neuf heures trente, le même avis défavorable a été émis. Que va-t-il se passer maintenant, à vingt et une heures quarante-cinq ? J’ai des craintes !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Pas nous !
M. Alain Anziani. Je n’irai pas jusqu’à dire que j’ai des certitudes, car j’ai encore confiance dans la force intellectuelle et morale des uns et des autres.
Je suppose cependant que certaines insinuations ont dû être émises, qu’un rappel à l’ordre à la meute, si je puis dire, a été effectué au sein de la majorité, et que ses membres ont repoussé l’idée de désavouer le Président de la République en refusant les trois mesures qu’il avait annoncées dans un propos très enflammé le 30 juillet dernier à Grenoble.
D’une certaine façon, je comprends tout cela, et je constate, d’ailleurs, sans vouloir vous blesser, mes chers collègues, l’évaporation de ceux qui avaient manifesté avec beaucoup de courage mercredi : ce soir, ils sont moins nombreux en séance. Pour les autres, je crains non pas une évaporation mais une sorte de soumission. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mais, bien sûr, il vous faut garder la tête haute, et pour cela vous bricolez.
J’ai bien entendu les explications de M. Gérard Longuet. D’ailleurs, je vous en félicite, mon cher collègue, vous avez fait beaucoup d’efforts, mais cela se voyait un peu trop. Avec une énergie besogneuse, vous avez essayé de nous expliquer que le sous-amendement changeait la face de l’amendement et que, finalement, il fallait le voter dans l’intérêt de la justice, des victimes et, sans doute, du groupe UMP et de son électorat…
Vous ne pouvez pas faire passer l’art du rafistolage pour un art du juste milieu !
Ce sous-amendement ne change pas grand-chose. La ficelle est trop grosse. Elle est même si grosse qu’elle ressemble à une matraque qui s’abat sur le Sénat ! Et ce n’est pas la première fois. Cette matraque s’abat sur le Sénat chaque fois qu’il veut lever la tête, penser et dire autrement.
L’exemple des peines planchers est flagrant. Il s’agissait, dans le débat de mercredi, de savoir si l’on étendait encore une fois les peines planchers, cette fois-ci aux non-récidivistes, aux primo-délinquants. Le débat ne portait pas sur autre chose !
Nombre de voix républicaines de haute conscience se sont élevées pour dire que ce n’était pas la peine, qu’il ne s’agissait que d’effets de manche. Ce sont certains d’entre vous qui se sont exprimés ainsi, et parfois hors de cet hémicycle.
Et ce soir, que nous a-t-on mitonné ? On garde le même principe en ajoutant quelques conditions. Voilà la porte de sortie : Vous pouvez ainsi partir la tête haute ! En réalité – et Jean-Pierre Sueur le dira mieux que moi – on voit bien l’issue de tout cela : les députés achèveront la besogne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.