M. Charles Revet, rapporteur. Ah, c’est important !
M. Jean Boyer. … qui n’est pas ma spécialité, car – Adrien Gouteyron le dirait – en Haute-Loire, les rivières sont tellement petites qu’il n’y a même plus de saumons (Sourires.),…
M. Charles Revet, rapporteur. C’est vrai !
M. Jean Boyer. … je serai fidèle à l’argumentation de Jean-Claude Merceron, qui a longtemps défendu ce dossier.
Ce projet de loi permet de mieux appréhender et partager le diagnostic sur le plan de la ressource halieutique, pour rendre plus acceptables les décisions de restriction de la pêche.
Mais de nombreux sujets, comme les outils financiers et fiscaux favorisant le renouvellement des flottes de pêche, devraient faire l’objet d’une attention accrue du Gouvernement, car le développement de l’agriculture et de la pêche dépend de ses innovations et de ses investissements.
Finalement, comme nous l’avions déjà souligné en première lecture, ce projet de loi manque un peu d’ambition, mais, nous le savons, votre tâche n’est pas aisée, monsieur le ministre. En tout état de cause, il apporte des avancées que nous souhaitons encourager.
Aussi, tous les membres du groupe Union centriste voteront ce texte, parce qu’au lieu d’être responsable et désespéré, il faut se montrer responsable et actif !
Pour l’heure, le sort de l’agriculture française, de sa compétitivité, de sa régulation est entre les mains de la Commission européenne.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de m’interroger sur l’efficacité de notre politique européenne en faveur de l’agriculture française. Notre agriculture, dans le cadre des Vingt-sept, n’a-t-elle pas mangé son pain blanc depuis quelques années ?
Mais, je viens de le dire, nous n’avons pas le droit d’être responsables et désespérés. Alors, travaillons !
La France possède plusieurs agricultures, y compris celle de montagne. Dans cet hémicycle, Jean-Paul Amoudry, Jacques Blanc, Adrien Gouteyron et, dans les tribunes, Jean Digonnet, trésorier de l’Association nationale des élus de montagne, l’ANEM, tous sont présents pour témoigner du fait que l’agriculture de montagne demande non pas des privilèges, mais une parité.
Je terminerai, monsieur le ministre, en vous parlant ouvertement et sans démagogie. Dans l’armée, où j’étais sous-lieutenant, on avait noté sur mon dossier la remarque suivante : « franchise parfois trop cinglante ». Aujourd’hui, ma franchise s’est peut-être adoucie avec l’âge, mais mes propos restent vrais.
Je vous dirai donc que les agriculteurs apprécient beaucoup votre langage de vérité, votre regard objectif et, dans certains domaines, votre regard social, sur une profession qui, bien qu’ébranlée, n’a pas perdu l’essentiel : son idéal, son envie d’entreprendre, l’amour de son activité. Pour cela, elle doit garder quelque chose de très fort : l’espérance.
Merci, monsieur le ministre, de nous aider à la garder ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’évoquer quelques-uns des points clés des conclusions de cette commission mixte paritaire, je tiens à rappeler une nouvelle fois que nous regrettons l’engagement de la procédure accélérée sur ce texte.
M. Jean-Marc Todeschini. Eh oui !
Mme Odette Herviaux. Il aurait bien mérité une deuxième lecture si l’on en juge par les évolutions obtenues lors des premières lectures dans chaque chambre. En effet, autant le dire d’emblée, ces conclusions ne nous satisfont pas. J’irai jusqu’à dire que, malgré notre vote négatif, nous préférerions presque le texte tel qu’il était sorti des débats du Sénat,…
MM. Charles Revet et Gérard César, rapporteurs. Merci !
Mme Odette Herviaux. … et de nos longues discussions, messieurs les rapporteurs ! Mais j’y reviendrai plus tard.
Une nouvelle fois, nous avons dû travailler dans l’urgence, alors que l’on parlait de ce texte quasiment depuis la rentrée parlementaire.
Une nouvelle fois, nous sommes conduits à voter, en l’occurrence le jour même de clôture de la session parlementaire, les conclusions d’une commission mixte paritaire sur un texte qui aurait dû être stratégique,
S’agissant de mesures attendues par des milliers de producteurs qui sont dans la détresse, se sentent souvent abandonnés et ne voient pas encore les réponses à leurs problèmes actuels, vous conviendrez, monsieur le ministre, que l’on aurait pu avoir mieux !
M. Jean-Marc Todeschini. Très bien !
Mme Odette Herviaux. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler lors de l’examen du projet de loi dit Grenelle II, l’efficacité et la légitimité du travail parlementaire exigent un minimum de temps et de dialogue, ce que prévoient normalement les deux lectures dans chacune des assemblées, même si l’on doit constater à l’heure actuelle une fâcheuse tendance à éviter les deuxièmes débats par le recours de plus en plus fréquent à la pratique du vote conforme. Après tout, une deuxième lecture sur le présent texte n’aurait peut-être pas changé grand-chose…
Monsieur le ministre, ces remarques ne m’empêchent pas de reconnaître que, malgré cet état de fait, nous avons pu apprécier, outre le travail considérable accompli par la commission de l'économie et ses rapporteurs, votre volonté d’écoute, votre souci de répondre à toutes nos interrogations et votre courtoisie.
M. Gérard César, rapporteur. C’est vrai !
Mme Odette Herviaux. Nous avons donc joué notre rôle d’opposition constructive en déposant de nombreux amendements et en argumentant sur notre vision de l’agriculture de demain pour la France et pour l’Europe, et ce dans l’intérêt de tous et, surtout, des plus fragiles de nos concitoyens.
Globalement, nous n’avons cessé de plaider pour un encadrement par les pouvoirs publics des dispositifs proposés dans le projet de loi, mais la conclusion est malheureusement sans appel : l’État assumera de moins en moins ses missions de régulation et d’accompagnement du secteur agricole.
Nous n’avons cessé de marteler la nécessité d’avoir des services de l’État en capacité d’accompagner les producteurs sur tous les territoires. Mais la Révision générale des politiques publiques, d’abord, le plan de rigueur, ensuite, s’appliqueront dans ce secteur comme dans d’autres et les coupes tomberont peut-être sans beaucoup de discernement, comme le montre, par exemple, l’objectif de rationalisation des services déconcentrés garantissant la sécurité de la chaîne alimentaire, alors même qu’il s’agit de l’un des objectifs principaux de la première partie du projet de loi.
C’est donc désormais aux professionnels d’assumer des missions d’intérêt général.
Le sacro-saint principe de laisser faire le marché revient sous couvert d’une pseudo-régulation fondée sur une contractualisation que je qualifierai de minimaliste. Plus adaptée à un modèle concentré et entrepreneurial, cette dernière ne transformera qu’à la marge les rapports de domination entre distributeurs et producteurs, risquant de conduire à la disparition de la diversité des pratiques et des productions et affaiblissant de façon irréversible non seulement sa fonction territoriale, mais aussi ses fonctions sociales et environnementales.
Cela est d’autant plus vrai que le Gouvernement a refusé la remise en cause de la loi de modernisation de l’économie et son principe de libre négociabilité des prix, comme nous le demandions.
Ainsi, les avancées souhaitées ou obtenues par le Sénat ont toutes été sévèrement encadrées afin de réduire leur portée : l’interdiction de la pratique de reprise des invendus adoptée par le Sénat a été limitée, l’observatoire des prix et des marges n’a pas été doté d’un dispositif d’alerte, et la suppression des remises, rabais et ristournes prévue pour les fruits et légumes n’a pas pu être étendue à tous les produits agricoles périssables.
La majorité s’est, par ailleurs, obstinée à refuser d’inscrire dans la loi la nécessité d’accords sur des critères de prix couvrant au moins les coûts de production agricole. Sans cette précision, les producteurs se verront imposer par leurs acheteurs des prix trop bas pour assurer la pérennité de leur exploitation.
Cela est d’autant plus regrettable que la réduction programmée des moyens publics consacrés à l’agriculture et à la pêche ne fera qu’accentuer l’échec prévisible de cette politique d’incitation.
En effet, à quoi sert-il d’afficher une volonté de réguler les relations commerciales s’il n’y a plus de moyens humains pour contrôler celles-ci ? Pourquoi promettre des outils de gestion quand il n’existe aucun moyen de les mettre en œuvre et de les évaluer dans de bonnes conditions sur le terrain ?
Dans ce cadre, les interprofessions voient leur rôle considérablement renforcé, ce qui constitue selon nous une mesure adaptée ; nous réclamons une telle disposition depuis un certain temps. Les interprofessions se voient aussi confier – mais par défaut – d’importantes missions d’intérêt général comme l’adaptation de l’offre à la demande ou le renforcement de la sécurité alimentaire.
Cependant, alors même que ces missions devraient être assumées par l’État, le Gouvernement et la majorité ont à nouveau refusé systématiquement les amendements que nous avions présentés et qui visaient pourtant uniquement à sécuriser le fonctionnement de ces interprofessions et à améliorer leur légitimité.
La généralisation du recul de la puissance publique s’observe également dans le domaine de la gestion des risques, notamment forestiers, dont la privatisation paraît très avancée. Ainsi, il est créé un compte épargne d’assurance pour la forêt, mais celui-ci exonérerait à moyen terme l’État de toute prise en charge des mesures de nettoyage et de reconstitution des peuplements forestiers sinistrés par des tempêtes, ce que nous ne pouvons que regretter.
La majorité a rendu obligatoire la délégation aux chambres départementales d’agriculture de la mission d’information collective et individuelle sur les questions d’installation en agriculture, ce qui se faisait déjà, mais sur la base du volontariat. Pour notre part, nous resterons extrêmement vigilants sur la pérennisation et le devenir des ADASEA, les associations départementales pour l’amélioration des structures des exploitations agricoles, qui assument une mission de service public d’accompagnement des candidats à l’installation et à la transmission des exploitations.
Enfin, monsieur le ministre, en contradiction flagrante avec les promesses du Grenelle et les engagements affichés de la France en matière environnementale, vous avez dû tenter de trouver une porte de sortie à ce que souhaitaient certains à l’Assemblée nationale : un assouplissement des règles applicables aux regroupements ou modernisations d’exploitations d’élevage porcin, qui devraient normalement rester soumises à la procédure d’autorisation des installations classées.
Autant je comprends que l’on puisse souhaiter réduire les délais de procédure ou d’instruction et simplifier certaines tracasseries administratives, autant je ne saisis que difficilement les véritables motivations de ceux qui ont voulu rejouer la « guerre du porc ».
Je n’ose bien sûr pas imaginer qu’il puisse ne s’agir que de pures visées électoralistes. Au-delà des conséquences environnementales évidentes, je m’interroge donc sur les conséquences économiques d’une telle décision…
Contrairement à notre collègue Jean Boyer, qui est intervenu sur le sujet il y a quelques instants, je suis pour ma part inquiète : ne faut-il pas voir dans le flou artistique de termes tels que « effets notables » sur l’environnement ou augmentation « sensible » de la production, la préparation ou le premier pas vers une véritable délocalisation de la production porcine en question vers des zones françaises en déprise ? Je pense par exemple aux territoires où les producteurs laitiers très disséminés et loin des bassins de production ne seront plus collectés. Là, on pourrait peut-être en effet plus facilement installer des porcheries industrielles ; je ne vous ferai pas l’injure de mentionner ce qui s’est passé en Espagne, mais n’oublions pas les exemples que nous avons dans ce domaine… Une telle délocalisation se ferait bien entendu au détriment d’une région comme celle dont je suis l’élue, la Bretagne, qui, avec ses sous-bassins versants hydrographiques prioritaires, ses bassins versants en contentieux et ceux des algues vertes, ne pourra absolument pas se permettre d’appliquer une réglementation nationale plus laxiste.
À terme, adopter une telle disposition revient donc à condamner les exploitations porcines bretonnes, qui, je le rappelle, sont essentiellement de taille moyenne. Certains se réjouiront peut-être de ces disparitions. Ce n’est pas mon cas, car je reste persuadée que, quelles que soient les productions, on peut allier respect de l’environnement et exigence économique.
D’autres solutions sont possibles et les seuils n’expliquent pas à eux seuls les distorsions de concurrence : seule une harmonisation sociale européenne et une application exigeante des règles sanitaires et environnementales sur les produits agricoles et alimentaires importés permettront la véritable concurrence non faussée si chère à l’Europe.
M. Jean-Marc Todeschini. Bravo !
Mme Odette Herviaux. Monsieur le ministre, l’absence de valorisation des enjeux territoriaux se vérifie aussi dans le secteur de la pêche, où, malgré toutes les promesses du Gouvernement, un processus de recentralisation est à l’œuvre.
Lors de la commission mixte paritaire, la majorité a de nouveau refusé d’accorder aux régions, y compris ultramarines, la place qu’elles méritent dans la définition de la stratégie maritime qui les concerne dans le cadre de la politique d’aménagement, de protection et de mise en valeur du littoral et de la mer, et ce alors même que certaines régions mènent des politiques de gestion intégrées de la mer et du littoral depuis plusieurs années déjà et sont même souvent en avance sur l’État.
À cet égard, je rappellerai par ailleurs que de nombreux pays européens s’accordent à défendre une plus grande décentralisation de la politique commune de la pêche, afin de prendre en compte certaines spécificités régionales. Il apparaît clairement que seule une approche territorialisée demeure susceptible de permettre une alliance solide entre l’exigence environnementale, la performance sociale et le dynamisme économique. L’uniformisation et le système extrêmement rigide et non financé promus au travers de ce texte constituent donc, à notre avis, une régression.
Monsieur le ministre, nous vous avons fait part de notre volonté de préserver une pêche durable et une agriculture forte, performante, éco-productive, rémunératrice, plus juste, plus équitable, pourvoyeuse d’emplois, qui garantisse des systèmes de production variés et qui aménage le territoire.
Certes, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué à plusieurs reprises avoir les mêmes objectifs que nous. Nous constatons malheureusement que, malgré les quelques progrès acquis grâce aux débats menés en commission et en séance au Sénat, le texte soumis à notre examen après la réunion de la commission mixte paritaire ne reflète pas cette position. Par conséquent, nous voterons contre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous apprêtons aujourd’hui à voter l’un des textes les plus attendus de l’année.
L’agriculture française vit en effet une crise sans précédent. Chute des revenus, baisse des vocations, cessation d’activités : les chiffres sont d’une brutalité dramatique ! Je ne les rappellerai pas à ce stade du débat ; chacun les a en tête.
L’heure est donc grave.
Elle est grave sur le plan politique, car il y va de l’indépendance et de la souveraineté de la France.
Elle est grave sur le plan économique, car l’agriculture constitue le soubassement du secteur agroalimentaire et dynamise le commerce extérieur de notre pays ; elle fait vivre plusieurs milliers de communes, dont la vie économique est totalement dépendante de cette activité ; si elle est affaiblie, c’est l’équilibre même de nos territoires qui est menacé.
Elle est grave, enfin et surtout, sur le plan social, car, face aux intempéries, aux calamités sanitaires, aux prix toujours plus bas, les agriculteurs n’ont pour seule révolte possible que de rester en vie...
Le texte élaboré par la commission mixte paritaire répond-il à la gravité de la crise agricole et au désespoir des agriculteurs ? Apporte-t-il à ces derniers la garantie qu’ils pourront vivre de leurs productions ?
Malgré la qualité de nos échanges, malgré votre compétence, monsieur le ministre, et votre ambition constante de défendre l’agriculture et la pêche, malgré le travail remarquable de nos rapporteurs,…
M. Charles Revet, rapporteur. Merci !
M. Yvon Collin. … je crains que ce texte ne tienne pas toutes ses promesses.
Je le reconnais, nombre de modifications substantielles et positives ont été apportées par le Sénat au texte initial, rendant souvent ce dernier plus pertinent.
Ainsi, nous avons renforcé la politique de l’alimentation à travers des dispositions relatives aux circuits courts, aux marchés publics et à l’indication de provenance des produits.
Nous avons également amélioré le texte pour ce qui concerne les relations entre acheteurs et producteurs, au bénéfice de ces derniers. À défaut d’interdire purement et simplement les remises, rabais et ristournes, au moins aurons-nous obtenu leur suppression pour les fruits et légumes !
Certains de nos amendements, notamment ceux qui avaient pour objet les accords de modération de marges et la taxe additionnelle à la TaSCom ou taxe sur les surfaces commerciales, ont été satisfaits. Monsieur le ministre, nous aurions souhaité aller plus loin, avec l’application de coefficients multiplicateurs. Toutefois, il s’agit déjà d’un progrès...
L’importance d’une politique de stockage de l’eau a été également reconnue, avec l’adoption à l’unanimité de l’amendement que nous avions présenté sur ce point.
M. Charles Revet, rapporteur. Oui ! C’est très bien !
M. Yvon Collin. Il est cependant regrettable qu’une loi de modernisation agricole ne contienne pas un volet sur l’eau. Cette question est un facteur de compétitivité majeur, en particulier dans le sud-ouest de la France, dont je suis originaire, comme vous l’aurez deviné de par mon accent ! (Sourires.) Est-il utile de rappeler l’importance de l’eau, donc de l’irrigation, pour le maintien d’une production agricole, régulière et de qualité ?
M. Yvon Collin. La gestion par les volumes, mise en place par la loi de 2006 et le décret du 24 septembre 2007, est en complet décalage avec la réalité des milieux !
Enfin, même si le groupe RDSE a toujours plaidé en faveur de la mise en place d’une assurance récolte obligatoire, interrégionale et interfilière, nous reconnaissons que le dispositif retenu par le Sénat est globalement satisfaisant.
M. Charles Revet, rapporteur. Ah !
M. Yvon Collin. Nous serons néanmoins très vigilants en ce qui concerne la mise en place effective d’une réassurance publique. L’offre de réassurance privée doit certainement être encouragée. Toutefois, vous le savez bien, elle est par nature volatile et reste limitée face à des événements de grande ampleur. L’assurance récolte ne se développera pas de manière importante sans réassurance de l’État, comme c’est le cas dans bien des pays, notamment en Italie, en Espagne et aux États-Unis.
M. Gérard César, rapporteur. Mais ce point est déjà réglé !
M. Yvon Collin. Cela dit, toutes ces améliorations n’ont, hélas, pas rendu le texte assez convaincant.
Que changera la contractualisation ? Certes, cet outil a le mérite de la transparence et peut apporter de la visibilité aux producteurs sur leurs débouchés. Néanmoins, monsieur le ministre, soyez objectif : un contrat n’a jamais garanti la juste rémunération du travail et des efforts accomplis. Or, c’est bien de cela qu’il s’agit.
Les agriculteurs vous attendaient sur deux enjeux majeurs : la compétitivité par rapport à nos voisins et concurrents de l’Union européenne et le nouveau partage de la valeur ajoutée. Un effort en faveur d’un allègement des charges aurait pu mettre nos agriculteurs en situation de concurrence équitable.
Par ailleurs, le texte crée l’Observatoire de la formation des prix et des marges pour, enfin, établir la vérité d’un partage scandaleusement favorable aux transformateurs et aux distributeurs. Malheureusement, on lui a refusé les moyens de sanctionner ; tous les amendements en ce sens ont été rejetés ou déclarés irrecevables, ce qui est dommage.
Enfin, le volet foncier ne nous semble pas en mesure de faire cesser la déprise agricole, qui constitue pourtant un enjeu crucial. Pas moins de 200 hectares de terres agricoles disparaissent chaque jour en France. Quand ce gâchis s’arrêtera-t-il ? Je vous le demande ! Comment pourrons-nous, demain, nourrir nos concitoyens, garantir la vitalité de nos territoires et préserver la biodiversité si nous n’avons plus de foncier pour permettre aux agriculteurs de s’installer et de pratiquer leur métier ?
Nous payons une absence de stratégie globale d’aménagement de l’espace. Il y a bien des SCOT ou schémas de cohérence territoriale et des plans départementaux d’aménagement rural mais, il faut bien l’admettre, chaque commune agit comme elle l’entend de son côté. Monsieur le ministre, anticipons ensemble ! Nous pouvons répondre à l’ensemble des demandes, tout en consommant moins de foncier, à condition de positionner intelligemment les besoins sur le terrain, mais aussi de ne pas encourager la construction dans des secteurs où elle n’est pas utile, comme l’ont fait malheureusement les dispositifs fiscaux instaurés par les lois dites « Scellier » et « Robien ».
On peut aussi comprendre que les agriculteurs eux-mêmes souhaitent vendre leurs terres à bon prix ou les voir converties en zones à bâtir. Compte tenu de leurs revenus et leurs retraites de misère, c’est sans doute plus souvent par nécessité que par gaieté de cœur qu’ils se séparent de leur patrimoine !
Monsieur le ministre, face à cette situation, quelle solution envisagez-vous ? Vous proposez tout d’abord une taxe sur la cession des terrains rendus constructibles, puis la création d’un observatoire de la consommation des espaces agricoles et de commissions départementales. Nous ne sommes pas convaincus que ces mesures répondent au problème grave de la surconsommation et de l’inflation du foncier agricole.
Monsieur le ministre, nous nous félicitons que cette taxe soit affectée à des actions en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs ; néanmoins, elle n’est pas assez dissuasive. Vous nous avez vanté l’exemple de l’Allemagne, qui a obtenu des résultats tangibles, mais pourquoi ne pas avoir été aussi loin que ce pays ?
Quant aux nouvelles structures, nous ne voyons pas très bien leur utilité. Quelle est la valeur d’un avis non conforme ? Quelles actions concrètes pourront-elles mettre en œuvre pour atteindre l’objectif national, que vous avez vous-même fixé, d’une réduction de moitié d’ici à 2020 du rythme d’artificialisation des terres agricoles ?
Le risque existe que nous en restions, une fois de plus, au stade de la bonne volonté affichée.
Nous comptions sur nos collègues députés pour améliorer le texte. Ils ont certes conforté les apports positifs du Sénat, mais au-delà d’un volet – fort utile au demeurant – sur la simplification administrative, force est de constater que le texte n’a connu à l’Assemblée nationale aucune évolution sensible sur le fond.
Dès lors, comment porter une autre appréciation que celle qui a été la nôtre à l’issue de l’examen en première lecture au Sénat ? Nous sommes globalement un peu déçus.
Il est évidemment souhaitable d’encourager la transparence des transactions, de renforcer les interprofessions pour une organisation plus solide des filières, d’inscrire l’agriculture dans un développement durable. Mais tout cela permettra-t-il à nos producteurs et à nos pêcheurs de lutter à armes égales avec leurs concurrents européens et de dégager un revenu décent ? La question mérite d’être posée.
Le groupe RDSE, dans sa grande majorité, votera contre ce projet de loi. Il est toutefois unanime pour reconnaître et saluer le travail sérieux de MM. les rapporteurs et l’écoute bienveillante de M. le ministre.
Nous savons tous que l’exercice a ses limites ; bien des aspects relèvent de la négociation aux échelons communautaire et international. Or il y a lieu d’être inquiet lorsqu’on voit comment l’Europe, sous la pression de l’OMC, s’est peu à peu retirée de toute gestion des marchés. Le modèle agricole français, soucieux de performances économiques, mais aussi sociales et environnementales, a bien du mal à s’imposer dans ce contexte.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour faire entendre à nos partenaires l’Appel de Paris. L’agriculture est un secteur à part, qui ne saurait être sacrifié sur l’autel du libéralisme débridé !
Enfin, en marge de ce débat, je souhaite vous interroger sur une inquiétude concernant le budget de l’enseignement agricole. Il semblerait que le Gouvernement ait l’intention de le transférer de la mission « Enseignement scolaire » vers la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». Qu’en est-il vraiment ?
Monsieur le ministre, vous avez affirmé que cette loi était non pas une fin, mais bien le début d’une ère nouvelle pour le monde rural. Le groupe RDSE, dans son ensemble, est très sensible à ce propos et vous accompagnera dans toutes les initiatives qui tendront à replacer l’agriculture au cœur des préoccupations majeures de notre pays et de ses responsables. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours de ma carrière parlementaire, j’ai eu l’occasion de participer à l’élaboration d’un très grand nombre de lois sur l’agriculture. Chaque fois, on a l’impression d’avoir trouvé la « martingale » susceptible de régler tous les problèmes…
Or, aujourd’hui, en matière d’agriculture, de plus en plus de décisions relèvent de l’Union européenne. Certes, nous pouvons toujours essayer d’améliorer la situation en mettant en place telle ou telle mesure, mais l’avenir de l’agriculture française – c'est-à-dire sa survie ou sa disparition – se jouera avant tout au niveau de l’Europe. Il est donc très important que le Gouvernement français fasse preuve de la plus grande fermeté dans le cadre des nouvelles négociations qui s’annoncent.
En ce qui concerne le présent projet de loi, je le reconnais, il comporte un certain nombre de dispositions qui partent d’un bon sentiment : la contractualisation, le rééquilibrage des rapports de force entre producteurs et industriels, de même que la stabilité des prix sont autant d’objectifs louables. Cela étant, je suis très sceptique quant à leurs effets concrets.
Le système actuel se caractérise par la toute-puissance de la loi du marché, qui s’impose à tous. Dans ce contexte, les négociations avec les uns ou les autres risquent simplement de donner l’impression que l’on agit. Au fond, compte tenu de la concurrence au sein même de l’Union européenne, je ne suis pas du tout persuadé que ce texte, qui, je le répète, vise de louables objectifs, apportera des améliorations et permettra des avancées significatives.
Il apporte sans doute un petit plus, mais je reste très inquiet pour l’avenir de l’agriculture française, eu égard aux contraintes liées à l’Union européenne et aux intentions exprimées par certains de nos partenaires.