M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Courage, courage !
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Demande d'avis d'une commission sur un projet de nomination
M. le président. Par lettre en date du 12 juillet 2010, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître, conformément à la loi organique relative à la nomination des présidents des sociétés audiovisuelles, et à l’article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, l’avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat sur le projet de nomination par M. le Président de la République de M. Rémy Pflimlin aux fonctions de président de la société France Télévisions.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui se réunit à seize heures trente.
Acte est donné de cette communication.
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Action extérieure de l'État
Suite de la discussion et adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
M. le président. Nous reprenons l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis déjà de nombreuses années, le Parlement – le Sénat en particulier – appelle de ses vœux une réforme de la diplomatie culturelle de notre pays.
En effet, comme l’explique Maurice Vaïsse dans l’ouvrage La puissance ou l’influence ? paru en 2009, la France doit composer entre une diplomatie de puissance, difficile à mener face aux poids lourds américains ou chinois, et une diplomatie d’influence comprenant des orientations stratégiques fondées sur la promotion de la culture à l’étranger.
Toutefois, notre diplomatie culturelle traverse une crise, dans un contexte marqué par la mondialisation, par la montée en puissance sur la scène internationale de plusieurs pays émergents et par de fortes contraintes budgétaires.
Malgré le présent projet de loi, on peut s’interroger, monsieur le ministre, sur les moyens consacrés à notre action culturelle et technique à l’étranger.
Nous arrivons au terme de l’examen de ce texte, qui demandait d’ailleurs davantage de temps que ne le permet la procédure accélérée engagée, et nous craignons de voir nos espoirs déçus en ce qui concerne le rayonnement de notre pays.
Afin de renforcer l’influence de la France hors de ses frontières, il est proposé de créer trois grands opérateurs : une agence chargée de l’action culturelle extérieure, l’Institut français, une agence pour la mobilité étudiante internationale, Campus France, et une agence pour l’expertise internationale, France expertise internationale. Ces trois opérateurs prendront la forme d’EPIC et interviendront en cohérence avec la création, au sein du ministère des affaires étrangères et européennes, d’une direction de la mondialisation.
Alors que les autres pays renforcent les moyens consacrés à leur diplomatie d’influence, à l’image du Royaume-Uni avec le British Council, de l’Allemagne avec les instituts Goethe, de l’Espagne avec les instituts Cervantes, mais aussi de la Chine avec les instituts Confucius, et au moment où la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a fait de la diplomatie dite « de l’intelligence », ou smart power, une priorité de sa politique étrangère, la France doit rester fidèle à sa vocation universelle.
Ainsi, comment expliquer que notre pays soit le seul à réduire drastiquement les moyens consacrés à son rayonnement culturel et linguistique ? Cette situation ne peut qu’inquiéter.
Historiquement, notre pays a pourtant été le premier à mettre en place une diplomatie d’influence. Faut-il le rappeler, en 1883, au lendemain de sa défaite face à la Prusse en 1870, il a décidé de mettre en place ce magnifique réseau des alliances françaises qui joue un rôle majeur dans la promotion de notre culture et de notre langue hors de nos frontières.
Aujourd’hui encore, la France dispose du réseau culturel le plus dense et le plus étendu. Mais il suffit de se rendre dans nos ambassades, dans nos centres ou instituts culturels, ou même de voyager à l’étranger pour constater la faiblesse croissante des moyens dont disposent nos diplomates, nos conseillers culturels, nos directeurs d’institut et de centre culturel, ainsi que l’ensemble des personnels de notre diplomatie culturelle, à l’engagement et au dévouement desquels les membres du groupe RDSE rendent l’hommage qu’ils méritent : ils ne peuvent plus ni compenser ni supporter le rétrécissement des crédits et les suppressions de postes.
Comment s’étonner, dans ce contexte, que partout l’usage de notre langue et la présence de la culture française diminuent, y compris dans des zones d’influence traditionnelle de notre pays, comme en Europe centrale et balkanique, au Maghreb et même en Afrique francophone ? De ce fait, la francophonie – je rappelle à cet égard que l’Organisation internationale de la francophonie fête cette année son quarantième anniversaire –, pourrait bien n’être qu’un vague souvenir. J’observe également que cette situation coïncide avec l’abandon de notre politique arabe ou de notre politique africaine.
Le projet de loi affichait de grandes ambitions, mais nos attentes ont été déçues et l’on peut s’inquiéter du sort du rayonnement de la France. Il se contente, par exemple, de transformer le statut de CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial dont l’objectif initial était d’aller vers la diminution, voire la suppression, de tout financement public en incitant les opérateurs à mener des activités lucratives. On est donc loin de la réforme d’ampleur souhaitée !
Heureusement, la commission des affaires étrangères du Sénat a réintroduit les dotations de l’État, que le présent projet de loi avait écartées, et les a inscrites au premier rang des ressources des nouveaux établissements publics. Mais au regard de la dégradation des crédits affectés au ministère des affaires étrangères et européennes, on peut douter de l’effectivité et de la portée de cette correction.
En outre, les sénateurs du groupe RDSE considéraient comme plus adapté le statut d’établissement public à caractère administratif à l’égard d’un établissement public chargé de la culture.
J’en viens maintenant à l’attractivité du système universitaire français. Le nombre des étudiants étrangers accueillis dans l’enseignement supérieur, au sens large, est passé de 160 000 en 1999 à 266 000 en 2008.
Toutefois, la France accueille un nombre trop faible d’étudiants étrangers en provenance des grands pays émergents, comme l’Inde, la Russie ou le Brésil. Dès lors, la plupart des futurs cercles dirigeants de ces pays auront une culture anglo-saxonne. Il en résultera, hélas, la mise à l’écart durable de la France sur la scène culturelle internationale, ainsi que la modification profonde des liens diplomatiques à la défaveur de notre pays.
Nous sommes largement devancés par le Royaume-Uni et l’Allemagne. Il faut dire que les moyens de promotion de Campus France sont dérisoires comparés à ceux du British Council ou de l’Institut Goethe.
En effet, le budget consacré par la France à son rayonnement culturel a connu, ces dernières années, une forte diminution, et tout laisse à penser que le budget du ministère des affaires étrangères ainsi que les effectifs de ce dernier vont continuer encore à subir des coupes claires au cours des prochaines années...
Monsieur le ministre, votre budget est pris en tenaille entre la révision générale des politiques publiques et les contributions internationales, qui connaissent, quant à elles, une hausse exponentielle. Le montant total des contributions internationales versées par la France s’élève à plus de 740 millions d’euros.
Mme Nathalie Goulet. Heureusement !
Mme Françoise Laborde. À titre de comparaison, je rappelle que l’ensemble des moyens consacrés à notre action diplomatique, au sens strict, ne représente que 90 millions d’euros. On peut donc s’interroger.
Ce n’est pas en réduisant la multiplicité de nos opérateurs que l’on remédiera à la disparition progressive de la France sur la scène internationale. Cependant, une chose est sûre : mieux vaut ne pas engager de réformes précipitées si les moyens ne suivent pas dans le projet de budget pour 2011 ! Ce serait ajouter la confusion à la disette ! Il convient de n’entreprendre des réformes que lorsque ces dernières sont susceptibles de tenir leurs promesses et de relever les défis pour lesquels elles ont été élaborées !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. On ne réformerait pas souvent !
Mme Françoise Laborde. Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, ne saurait, à lui seul, tenir lieu de réponse à la crise qui frappe notre diplomatie culturelle.
En revanche, les membres du groupe RDSE se réjouissent que le nom « Institut français » ait été retenu, à l’image de la dénomination « British Council ».
Par ailleurs, la disposition relative au remboursement des frais engagés par l’État pour le sauvetage de Français s’étant délibérément exposés à un danger dans un pays étranger prévue à l’article 13 nous inquiète.
Aux termes de cet article, cette mesure ne s’appliquera pas aux personnes ayant un « motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d’une situation d’urgence ».
À la place de cette exception assez vague et sujette à de mauvaises interprétations, nous aurions souhaité que les journalistes et les humanitaires figurent clairement parmi les personnes non concernées par cette disposition, afin que notre pays affiche fermement son soutien à ces professions et sa solidarité inébranlable envers les journalistes régulièrement retenus en otage dans des zones instables et dangereuses de la planète.
Dans la mesure où le présent projet de loi ne semble pas être de nature à relever les défis colossaux que nécessite la relance de la diplomatie culturelle de la France, je m’abstiendrai, à l’instar d’une grande majorité des sénateurs du groupe RDSE. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. André Trillard. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. André Trillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette fin de session extraordinaire, je me réjouis que le présent projet de loi ait pour objet de renforcer notre rayonnement culturel dans le monde.
Avant tout, je tiens à saluer, au nom du groupe UMP, l’immense travail réalisé aussi bien lors d’auditions que de réunions de concertation par le président de la commission des affaires étrangères, Josselin de Rohan, et celui de la commission de la culture, Jacques Legendre, avant même que ce texte ait été déposé sur le bureau du Sénat.
Dans leur rapport d’information sur les enjeux de notre diplomatie culturelle, nos deux collègues ont très largement abordé la situation, esquissant des pistes de solution, dont on retrouve l’esprit dans ce projet de loi.
À ce travail préparatoire s’ajoute naturellement celui de M. le rapporteur, Joseph Kergueris, et de M. le rapporteur pour avis, Louis Duvernois, dont la tâche a été considérable.
Je ne m’attarderai pas sur la méthode, mais je tiens à faire part de notre satisfaction résultant des enrichissements successifs apportés à ce texte depuis la première lecture au Sénat.
Tout d’abord, le présent projet de loi est pragmatique en ce qu’il répond à l’esprit de réforme exprimé par le Président de la République dans le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France.
Alors que les opérateurs et les établissements aux statuts divers et variés sont multiples, ce texte présente l’avantage de replacer l’ambassadeur au centre de notre diplomatie culturelle afin d’éviter l’émiettement des actions des uns et des autres.
C’est dans ce cadre que nous soutenons la création d’une seule agence chargée de développer la culture française en étroite coopération avec les autres opérateurs, qu’ils soient publics ou privés, notamment avec les alliances françaises.
L’agence devra fédérer et démultiplier les actions afin de mettre en place une logique d’influence et non plus une simple politique de rayonnement culturel.
En animant et en gérant tout le réseau culturel, l’Institut français remplira un double objectif : répondre à un besoin et à une « demande de France ». Il s’agit, à mes yeux, d’un premier pas vers la mise en place d’un soft power à la française. Aucun pays ne peut se targuer d’exercer une diplomatie d’influence s’il ne crée les conditions de nature à susciter l’envie de connaître sa culture, à fédérer autour de ses valeurs qu’il doit faire partager, et à devenir un modèle culturel de société pour les autres pays.
C’est aussi à ce titre que je me félicite de l’actuelle rédaction des articles 5 et 6 du projet de loi, qui mettent en place une véritable organisation de nos outils d’influence, ce dont nous avons vraiment besoin.
En séparant les missions de promotion de l’enseignement supérieur français, notre système universitaire et professionnel de la mission d’expertise internationale, nous contribuons à donner une meilleure lisibilité à notre action culturelle. Celle-ci se déclinera autour de deux nouveaux EPIC : Campus France et France expertise internationale.
Cette solution me paraît plus judicieuse et surtout plus claire que le choix initial portant sur la création de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales. En effet, l’expertise internationale doit faire l’objet d’une politique à part entière. Le rapport de Nicolas Tenzer sur le sujet ne laisse aucune équivoque.
L’expertise doit être considérée comme un levier de notre action extérieure. C’est pour cette raison que la transformation du groupement d’intérêt public France Coopération Internationale en EPIC me paraît une bonne chose, aussi nécessaire que visionnaire.
Enfin, pour ce qui concerne Campus France, il me semble important de souligner l’approche progressive et expérimentale retenue dans ce projet de loi.
En effet, l’association Égide et la section internationale du CNOUS seront à terme, à l’issue des derniers arbitrages ministériels, intégrées dans Campus France, lequel sera placé sous la tutelle conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’enseignement supérieur.
Toutefois, je forme le vœu que cette cotutelle ne nuise pas à l’instauration d’une véritable politique d’attractivité universitaire. La cotutelle doit être un avantage et non un handicap, comme nous avons pu si souvent le vérifier. Nous sommes attachés à cette clarification garante d’efficacité.
Notre action culturelle s’est parfois illustrée par un manque de pilotage stratégique clairement identifiable au plan tant interministériel qu’administratif.
En outre, je ne reviendrai sur l’article 14 du projet de loi, qui prévoit la possibilité pour l’État français d’exercer une action récursoire à l’encontre des opérateurs de transport ou autres voyagistes au cas où il devrait mener une opération de secours dans des zones considérées comme dangereuses au profit de ressortissants français, sauf pour vous faire part d’une précision.
Nous avons tous veillé à ce qu’il soit clairement indiqué dans la loi que les personnes s’étant rendues dans de telles zones pour un motif professionnel légitime ne sont pas concernées par cette disposition. Cette remarque vise toutes les catégories de personnes travaillant dans des pays dangereux, qu’il s’agisse des journalistes, des humanitaires, ou encore des chercheurs.
Dans ces conditions, je m’étonne que certains s’agitent au journal télévisé de vingt heures, profitant d’une certaine démagogie ambiante pour faire croire en un sempiternel « anti-journalisme » manifesté par les responsables politiques.
Plusieurs journalistes ont été pris en otage dans des pays en guerre, et ce depuis bien des années. Jamais l’État français ne les a oubliés ! Au contraire, il a toujours activé au maximum les services diplomatiques et les armées ; il agit en ce moment même en Afghanistan pour obtenir la libération des deux journalistes Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière. Mais est-il possible de rendre compte à la presse toutes les semaines de l’état d’avancement des travaux ?... Je ne le pense pas.
Je tenais à vous apporter aujourd’hui cette précision, mes chers collègues, car ce faux procès est plus que regrettable.
Enfin, sachez d’ores et déjà que les membres du groupe UMP du Sénat voteront cette réforme capitale pour notre action extérieure. Mais avant de conclure, je souhaite attirer votre attention sur un dernier point.
Monsieur le ministre, si nous souhaitons que notre pays rayonne et bénéficie pleinement des moyens lui permettant de jouir d’une diplomatie d’influence, nous devons considérer ce texte comme une première étape. Celui-ci doit s’inscrire comme une base juridique et administrative créant des conditions globales et organisationnelles. C’est un bon début. Mais, à l’avenir, il faudra être encore plus audacieux et, n’ayons pas peur des mots, plus offensifs si nous souhaitons que notre pays demeure un modèle culturel en tant que tel. Nous devrons faire preuve de créativité et d’inventivité pour exister. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État met en œuvre une réforme que nous attendions depuis longtemps. Il a l’ambition de créer les conditions nécessaires au renforcement de notre action culturelle à l’étranger et, par là même, du rayonnement international de notre diplomatie d’influence.
Le défi est majeur face à la concurrence d’institutions solidement implantées, telles que le British Council, l’Institut Goethe ou encore de nouveaux acteurs qui se développent rapidement ; je pense en particulier aux instituts Confucius.
L’ancienneté et la multiplicité des établissements constituant notre réseau font toute la richesse de ce dernier, mais sont aussi son talon d’Achille dans la mesure où ils peuvent remettre en cause sa visibilité.
Aujourd’hui, pour développer encore plus tout le potentiel de notre réseau, il importe de lui offrir une nouvelle impulsion en le dotant d’une véritable politique de coordination. C’est pour cette raison que je me réjouis, monsieur le ministre, de ce texte et des avancées qui ont été réalisées par les deux assemblées.
Mes chers collègues, permettez-moi de revenir sur plusieurs d’entre elles qui me tiennent à cœur.
Le présent projet de loi crée trois établissements publics, Campus France, l’Institut Français et France expertise internationale, chargés respectivement de la valorisation de notre système d’enseignement supérieur, de la coopération culturelle et de la promotion de notre expertise technique. Il en définit très précisément les champs d’action et les missions, ce qui permettra une meilleure clarification des rôles et des objectifs de chacun.
Sur le plan du dispositif institutionnel, je me réjouis de la nouvelle rédaction de l’article 5, qui crée le nouvel EPIC Campus France, auquel est intégrée l’association Égide. Cet établissement est placé sous la tutelle conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’enseignement supérieur et doté de moyens efficaces.
De même, le pilotage de l’Institut français se fera en coopération avec le ministère de la culture. Cette double direction est très importante.
En effet, la politique de rayonnement international ne peut plus reposer sur les mêmes vecteurs que voilà un siècle. Dans un contexte mondialisé, nous ne pouvons plus dissocier les politiques mises en œuvre sur le territoire français des actions conduites à l’échelon international.
Animée par le souci de renforcer notre politique d’influence à l’étranger, j’ai demandé que les conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger soient associés le plus étroitement possible à la gouvernance de ces EPIC.
En première lecture, j’avais défendu, lors de l’examen de l’article 2, un amendement visant à permettre à ces conseillers d’être représentés au conseil d’administration de ces établissements. Je l’ai retiré à la suite de votre engagement solennel, monsieur le ministre, de mentionner dans le décret portant création de chacun des établissements un représentant de l’Assemblée des Français de l’étranger parmi les personnalités qualifiées, ce dont je vous suis extrêmement reconnaissante.
L’article 4 bis, supprimé dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, a été rétabli par la commission mixte paritaire, et je tiens à remercier tout particulièrement le président de la commission des affaires étrangères, Josselin de Rohan, ainsi que le rapporteur saisi au fond et le rapporteur pour avis.
En effet, la présentation d’un rapport annuel d’activité par chacun des établissements publics devant l’Assemblée des Français de l’étranger constitue également un moyen pour nos élus, acteurs au quotidien de notre rayonnement international, d’exercer un très utile droit de regard et de participer aux orientations de notre politique culturelle extérieure.
Je tiens également à souligner l’intérêt de la création de ces établissements publics en termes de partenariat avec des structures variées, publiques et privées, françaises et étrangères. Là encore, le texte adopté constitue un pas supplémentaire dans la bonne direction, car il facilite l’ancrage de notre réseau culturel dans le terroir local, ce qui est essentiel dans notre monde globalisé. Le choix de la dénomination « Institut Français » pour l’un des EPIC, en faveur de laquelle je m’étais très largement exprimée en première lecture, s’intègre dans une telle démarche.
Cela devrait permettre notamment aux acteurs sur le terrain de « sous-titrer » cet institut, avec le nom d’une personnalité francophone jouissant d’une réelle notoriété dans le pays concerné.
De même, rassembler sous l’égide de Campus France les différentes dimensions concourant à l’attractivité de notre système universitaire est tout à fait prometteur. Campus France pourra intervenir en amont, en matière de visas et de bourses, mais aussi en aval, par le suivi des étudiants étrangers étant passés par le système français.
Comme je l’ai souligné à plusieurs reprises, renforcer la lisibilité et l’identification de la marque « France » est essentiel pour contrer le recul apparent de notre influence. Tous les efforts pour consolider ce label sont donc les bienvenus.
Expérimenter le rattachement à l’Institut français de notre réseau culturel à l’étranger s’inscrit aussi opportunément dans cette perspective.
Ce texte pose des jalons très importants pour la refondation de notre politique culturelle à l’étranger. J’en apprécie tout particulièrement le pragmatisme.
Les rapports annuels d’activité devant l’Assemblée des Français de l’étranger et le rapport d’évaluation qui devra être remis au Parlement trois ans après l’entrée en vigueur du texte permettront de retenir le meilleur et d’apporter les indispensables correctifs.
Ce texte soulève également un certain nombre d’enjeux nouveaux qui mériteront d’être approfondis, non seulement en matière de politique culturelle extérieure, mais également d’un point de vue plus général. Je pense ici en particulier au statut des conjoints d’expatriés, pour lequel vous avez beaucoup fait, monsieur le ministre, et je vous en remercie.
C’est en tout cas une grande joie de voir notre pays s’engager résolument en faveur d’une adaptation de son réseau d’influence aux défis d’un monde globalisé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung. (MM. Didier Boulaud et Robert Hue applaudissent.)
M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d’État, voilà quelques jours, dans un quotidien du soir, vous avez qualifié la réforme dont nous discutons d’« ambitieuse », ce qui est vrai, je vous en donne acte. Toutefois, il aurait été plus juste de dire que, si tel est le cas, c’est en grande partie grâce au Parlement. Je me réjouis de voir que celui-ci sert à quelque chose ! Nous sommes en effet parfois amenés à nous poser la question.
M. Didier Boulaud. C’est bien vrai !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Pour autant, vous ne voterez pas la réforme !
M. Richard Yung. C’est un procès d’intention que vous nous faites, monsieur le président de Rohan, car je ne suis pas arrivé à ma conclusion
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Votre collègue l’a dit tout à l’heure !
M. Richard Yung. Monsieur le président, je vous demande de décompter ces interruptions de mon temps de parole.
L’économie générale du texte qui nous a été soumis en première lecture n’était pas optimale et ne correspondait pas à nos attentes. Nous avions du mal, en particulier, à y retrouver les ambitions du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France.
La rédaction du présent projet de loi a été largement améliorée par les deux chambres. Une deuxième lecture aurait d’ailleurs constitué une excellente chose. Pourquoi avons-nous dû, une fois encore, travailler sous la contrainte de la procédure accélérée ? C’est un grand défaut de ce gouvernement que de procéder ainsi.
Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi tout d’abord de rappeler l’engagement que vous aviez pris dans cet hémicycle de faire mentionner dans le décret que, parmi les personnalités qualifiées des conseils d’administration des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France, figurerait un membre élu de l’Assemblée des Français de l’étranger. Vous le verrez, cette disposition s’avérera utile, car les conseillers de l’AFE connaissent bien les situations locales.
Par ailleurs, je me réjouis que la commission mixte paritaire ait rétabli l’obligation, pour les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France, de présenter un rapport annuel de leurs activités devant l’AFE. Cette disposition avait été supprimée, sans doute par méconnaissance, par les députés, qui ne comptent pas encore parmi eux de représentants des Français de l’étranger.
La fusion de l’association Égide et du groupement d’intérêt public CampusFrance en un EPIC autonome, ainsi que la spécialisation de ces deux organismes, va dans le bon sens. Le dispositif prévu dans le projet de loi initial mélangeait en effet deux activités par trop différentes ; c’était le mariage de la carpe et du lapin ! Nous l’avions d’ailleurs dit lors de la première et unique lecture, et vous l’avez entendu. La situation me semble donc désormais beaucoup plus claire.
Autant le statut d’EPIC de l’Institut français soulève de notre part certaines réserves, autant celui-ci paraît adapté pour ce qui concerne les appels d’offres et l’expertise. Il s’agit en effet, face à la concurrence internationale et européenne, de réussir à glaner quelques millions d’euros à Bruxelles.
L’EPIC Campus France a été placé sous la tutelle conjointe du ministère des affaires étrangères et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ce qui est une bonne chose. En permettant l’entrée progressive des activités internationales du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, dans le dispositif, les étudiants étrangers qui auront réussi à obtenir une bourse dans leur pays d’origine pourront désormais disposer d’une « filière intégrée ». On pourra ainsi les aider, alors que, jusqu’à présent, le soutien qu’ils recevaient s’arrêtait à Roissy ! Après avoir débarqué à l’aéroport, les étudiants étrangers devaient se débrouiller pour trouver une chambre, comme nous avons d’ailleurs dû le faire nous-mêmes à notre époque. Il s’agit donc d’un bon dispositif.
Campus France devient donc une sorte de guichet unique, ce qui améliorera grandement les prestations offertes aux étudiants étrangers.
Concernant les activités de l’AFD, l’Agence française de développement, l’ambassadeur joue déjà un rôle important. Il est associé à l’élaboration des programmes-cadres et peut donner son imprimatur diplomatique et politique. En revanche, il n’a pas à s’engager dans les activités proprement bancaires, qui sont régies par le code monétaire et financier.
Selon moi, il eût été préférable de s’inspirer du modèle allemand, en fusionnant l’AFD et France coopération internationale, afin de créer une grande agence publique de coopération de type GTZ, qui aurait été chargée, d’une part, de l’expertise internationale et, d’autre part, des activités de dons et de prêts. L’ensemble des prestations aurait ainsi relevé du même organisme. C’est là que réside d’ailleurs la force du système allemand, lequel, comme vous le savez, constitue pour nous un concurrent redoutable. Au demeurant, nous aurons certainement d’autres occasions de revenir sur ce point.
Enfin, s’agissant de la disposition controversée de l’article 13 permettant à l’État d’obtenir le remboursement des sommes qu’il a avancées pour rapatrier les Français qui se seraient exposés à des risques qu’ils ne pouvaient ignorer, j’estime qu’il y a là un excès d’indignité. Un dispositif analogue existe notamment pour ce qui concerne les secours en mer ou même en montagne.
Si je ne remets pas en cause l’idée elle-même, je m’étonne du caractère peu explicite de cette disposition. Visiblement, cette question suscite une certaine émotion auprès des journalistes, et ce pour des raisons que l’on peut imaginer.