Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Anne-Marie Payet, M. Daniel Raoul.
2. Convocation du Parlement en session extraordinaire
3. Communication du Conseil constitutionnel
5. Dialogue social dans la fonction publique. – Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixte paritaire
Discussion générale : MM. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
M. Jacques Mahéas, Mmes Anne-Marie Escoffier, Josiane Mathon-Poinat, M. Christophe-André Frassa.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Amendement no 1 de M. Jean-Pierre Vial. – M. Jean-Pierre Vial, rapporteur de la commission des lois. – Adoption.
Amendement no 2 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'État, le rapporteur. – Adoption.
Adoption de l’ensemble du projet de loi.
M. le secrétaire d'État.
MM. Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le président.
Suspension et reprise de la séance
7. Questions cribles thématiques
la crise financière européenne
M. Bernard Vera, Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.
M. François Zocchetto, Mmes la secrétaire d'État, Nathalie Goulet.
M. Aymeri de Montesquiou, Mme la secrétaire d'État.
M. Philippe Marini, Mme la secrétaire d'État.
Mmes Nicole Bricq, la secrétaire d'État.
M. Jean Bizet, Mme la secrétaire d'État.
M. François Marc, Mme la secrétaire d'État.
M. Michel Sergent, Mme la secrétaire d'État.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
8. Article 65 de la Constitution. – Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
Discussion générale : MM. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.
Mmes Anne-Marie Escoffier, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Pierre Michel, Christophe-André Frassa.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi organique.
9. Répression des violences faites aux femmes. - Violences au sein des couples – Discussion de deux propositions de loi (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice ; François Pillet, rapporteur de la commission des lois ; Mmes Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis ; Françoise Laborde, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ; M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples.
10. Mise au point au sujet d'un vote
Mmes Anne-Marie Payet, la présidente.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
11. Demande d’inscription à l’ordre du jour d'une proposition de résolution
13. Répression des violences faites aux femmes. - Violences au sein des couples. – Suite de la discussion de deux propositions de loi (Texte de la commission)
Discussion générale (suite) : Mmes Odette Terrade, Virginie Klès, M. Jean-Louis Lorrain, Mmes Catherine Morin-Desailly, Anne-Marie Escoffier, Jacqueline Panis.
M. le président.
M. Yannick Bodin, Mmes Catherine Troendle, Nicole Bonnefoy, Joëlle Garriaud-Maylam, M. Jean-Jacques Mirassou, Mme Patricia Schillinger.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Clôture de la discussion générale.
14. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Anne-Marie Payet,
M. Daniel Raoul.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Convocation du Parlement en session extraordinaire
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 22 juin 2010 portant convocation du Parlement en session extraordinaire.
Je donne lecture de ce décret :
« Le Président de la République,
« Sur le rapport du Premier ministre,
« Vu les articles 29, 30, 48 et 50-1 de la Constitution,
« Décrète :
« Article 1er – Le Parlement est convoqué en session extraordinaire le 1er juillet 2010.
« Article 2 – L’ordre du jour de cette session extraordinaire comprendra :
« 1. La déclaration du Gouvernement sur les orientations des finances publiques pour 2011, suivie d’un débat et d’un vote sur cette déclaration en application de l’article 50-1 de la Constitution.
« 2. L’examen et la poursuite de l’examen des projets de lois suivants :
« - projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ;
« - projet de loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public ;
« - projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;
« - projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale ;
« - projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État ;
« - projet de loi relatif à la reconversion des militaires ;
« - projet de loi tendant à l’élimination des armes à sous-munitions ;
« - projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009 ;
« - projet de loi de réforme des collectivités territoriales ;
« - projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Bahreïn en vue d’éviter les doubles impositions ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Malaisie tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d’Arabie saoudite relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile ;
« - projet de loi autorisant la ratification du traité entre le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas et la République portugaise, portant création de la force de gendarmerie européenne EUROGENDFOR ;
« - projet de loi autorisant la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la Bosnie-et-Herzégovine, d’autre part ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Jersey relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale et à l’imposition des pensions ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth des Bahamas relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des îles Turques-et-Caïques relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Bermudes relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des îles Caïmans relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Gibraltar relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Saint-Marin relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Liechtenstein relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Guernesey relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’île de Man relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des îles Vierges britanniques relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale ;
« - projet de loi autorisant l’adhésion à la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à l’assistance et à la coopération en matière de protection et de sécurité civiles dans les situations d’urgence ;
« - projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne concernant l’échange de renseignements sur les titulaires du certificat d’immatriculation de véhicules contenus dans les fichiers nationaux d’immatriculation des véhicules dans le but de sanctionner les infractions aux règles de la circulation ;
« 3. Une séance de questions par semaine.
« Article 3 – Le Premier ministre est responsable de l’application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
« Fait à Paris, le 22 juin 2010
« Par le Président de la République,
« Signé : Nicolas Sarkozy
« Le Premier ministre,
« Signé : François Fillon »
Acte est donné de cette communication.
L’ordre du jour de cette session extraordinaire vous sera communiqué à l’issue de la conférence des présidents, qui se réunira à dix-neuf heures.
3
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 21 juin 2010, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État et la Cour de cassation avaient adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi de deux questions prioritaires de constitutionnalité (2010-26 QPC, 2010-27 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
4
Dépôt d'un rapport
M. le président. M. Dominique Latournerie, président de la Commission nationale des accidents médicaux, a transmis au Sénat, en application de l’article L. 1142-10 du code de la santé publique, le rapport pour 2008-2009 de la Commission nationale des accidents médicaux.
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.
5
Dialogue social dans la fonction publique
Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique (n° 529).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen d’un texte soumis à des évolutions successives depuis son adoption en conseil des ministres le 1er avril 2009.
Aujourd’hui, ce projet de loi comporte trois parties bien distinctes.
La partie traitant de la rénovation du dialogue social, qui fut l’objet du texte initialement déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, constitue la transcription d’accords signés entre les partenaires sociaux, dit « accords de Bercy ».
La partie relative aux infirmiers met en œuvre un engagement du Président de la République, introduit par lettre rectificative le 23 février dernier.
Enfin, ce texte contient quelques dispositions relatives au statut des fonctionnaires, qui vont dans le sens des évolutions souhaitées par le Gouvernement et qui ont été insérées par voie d’amendements en commission ou en séance publique, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
En première lecture, sur proposition de la commission des lois, le Sénat a adopté le premier volet du projet de loi, relatif aux accords de Bercy, en veillant à ne pas porter atteinte à la diversité des fonctions publiques. Ces négociations, conduites avec succès par le Gouvernement, ont abouti de façon significative à un projet modernisant le cadre légal du dialogue social dans ses diverses composantes : critères de représentativité des syndicats ; conditions d’accès aux élections professionnelles ; uniformisation à quatre ans de la durée du mandat des délégués dans les organismes consultatifs des trois fonctions publiques ; élargissement du champ de la négociation ; fixation des conditions de validité des accords signés entre le Gouvernement et les partenaires sociaux.
L’unité ne signifie nullement l’unification : le Sénat a considéré que la rénovation entreprise ne devait pas conduire à niveler les particularismes des trois fonctions publiques, même si leur convergence devait rester une nécessité absolue. C’est pourquoi il a retenu l’avancée proposée par l’Assemblée nationale qui permet à chaque collectivité territoriale de maintenir dans les comités techniques le vote des représentants de l’employeur, en étendant la règle aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Sur l’initiative de la commission des lois, la Haute Assemblée a renforcé l’articulation entre le Conseil commun de la fonction publique et le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le CSFPT. À cet effet, elle a prévu la présence de droit du président du CSFPT au sein de l’instance inter-fonctions publiques et a précisé la compétence matérielle du Conseil commun de la fonction publique, en excluant l’examen des textes spécifiques à chaque fonction publique, notamment les décrets d’application des modifications du statut général.
Ce faisant, je l’affirme de nouveau aujourd’hui, nous n’avons voulu ni affaiblir le Conseil commun de la fonction publique ni nous opposer aux convergences nécessaires entre les trois versants de la fonction publique. Simplement, nous avons été animés par le souci de reconnaître l’identité de chacun et de préserver un fonctionnement harmonieux des trois statuts.
Le Sénat a procédé à des ajustements techniques et a complété le volet relatif au dialogue social : en instituant la faculté de promouvoir un agent titulaire d’un mandat syndical à temps plein sans que celui-ci se heurte à la nullité d’une nomination pour ordre ; en prévoyant la consultation des comités techniques de la fonction publique territoriale sur l’action sociale mise en place par les collectivités ; en prévoyant la prise en compte des résultats des élections aux comités consultatifs nationaux pour la répartition des sièges au Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière entre les organisations syndicales.
Par ailleurs, le Sénat a précisé la période d’applicabilité du régime transitoire et clarifié le calendrier d’effet des nouvelles dispositions. Il a ainsi modifié le dispositif d’entrée en vigueur des nouvelles règles de désignation des membres des instances consultatives dans les trois versants de la fonction publique.
Ces ajustements proposés par le Gouvernement doivent lui permettre d’organiser, en deux temps, l’harmonisation des cycles électoraux. Ainsi, une première étape sera franchie au milieu de l’année 2011 avec l’organisation des élections dans la fonction publique de l’État et la fonction publique hospitalière. Ensuite, la convergence avec la fonction publique territoriale aura lieu à la fin de l’année 2014, au terme des mandats de ses instances.
Le deuxième volet du projet de loi concerne la fixation des conséquences, pour leur retraite, de l’accession en catégorie A des personnels infirmiers et paramédicaux du secteur public. La commission des lois s’en est remise à la commission des affaires sociales, saisie pour avis, et à son rapporteur, Mme Sylvie Desmarescaux, que je remercie d’avoir traité de cette partie sensible du texte.
J’avais cependant tenu à formuler quelques observations et interrogations quant à la mise en œuvre de cette réforme, s’agissant notamment de la nécessité de mettre à la disposition des intéressés la totalité des informations utiles pour l’exercice de ce droit d’option. Devant la commission des affaires sociales et, plus longuement encore, lors de l’examen du texte en séance publique, Mme Roselyne Bachelot s’est employée à apporter les précisions nécessaires et s’est engagée à ce que les informations soient à la disposition des intéressés dès la publication des décrets d’application.
Le Sénat a donc adopté l’article 30 sans modification.
M. Jacques Mahéas. Prudence !
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. Fruit du débat parlementaire, le projet de loi comporte aujourd’hui une troisième et substantielle partie rassemblant, par le jeu de la navette, des dispositions très diverses.
Sur l’initiative du Gouvernement, les députés ont adopté les fondements législatifs de la nouvelle politique salariale : d’une part, l’intégration de la performance individuelle du fonctionnaire et de l’intéressement collectif, d’autre part, la création d’un grade à accès fonctionnel dans la catégorie A.
Le Sénat a complété ce volet quelque peu « fourre-tout ».
Ainsi, il a accru la protection des agents de la fonction publique territoriale par l’extension du suivi médical post-professionnel aux agents soumis à des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques.
Par ailleurs, il a reporté de deux ans la date de présentation au Parlement du bilan global de l’expérimentation de l’entretien professionnel d’évaluation dans la fonction publique territoriale, ce dispositif ayant lui-même dû être reporté faute de publication des textes réglementaires d’application relatifs à cette expérimentation. Il a en outre procédé aux mêmes reports concernant la fonction publique hospitalière.
Il a prévu la déconcentration de l’évaluation des directeurs des soins.
Le Sénat a également harmonisé la durée du temps partiel de droit avec l’allongement de la durée maximale du cumul d’activités pour création ou reprise d’entreprise, portée à deux ans par la loi du 3 août 2009. Logiquement, il a supprimé la consultation de la commission de déontologie sur cette demande, accordée de droit.
Il a régularisé le transfert des personnels du service technique interdépartemental des installations classées de la préfecture de police de Paris, à la suite de la nouvelle organisation territoriale de l’État en Île-de-France.
Enfin, le Sénat a habilité le Gouvernement, sur sa demande, à codifier par voie d’ordonnances les lois fixant le statut des fonctionnaires.
Les dispositions restant en discussion, soumises à la commission mixte paritaire réunie le 8 juin dernier, ne constituaient pas des points de blocage entre les deux assemblées. C’est pourquoi la commission mixte paritaire est parvenue rapidement à un accord en reprenant le texte voté par le Sénat en première lecture, sous réserve de quelques précisions et rectifications rédactionnelles.
En définitive, le texte aujourd’hui soumis au vote de la Haute Assemblée aura permis de procéder à divers ajustements et de prendre en compte les retards réglementaires ainsi que les incidences de différentes réformes. Il offre un cadre favorable à la conduite d’un véritable dialogue social, moderne et vivant au sein de la fonction publique, avec des syndicats à la légitimité confortée.
Avant de conclure, je tiens à attirer de nouveau l’attention du Gouvernement sur la situation des personnels infirmiers et sur la nécessité de permettre très rapidement à ces agents d’exercer leur droit d’option en toute transparence et forts de la meilleure information.
La commission mixte paritaire n'a pas manqué de souligner l’importance de l'ouverture des discussions sur le dispositif en vue de son adaptation à l’ensemble des infirmières des trois fonctions publiques.
Mes chers collègues, je vous propose d’adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par un amendement tendant à corriger une erreur matérielle que j’ai déposé à l’article 11 et par un amendement rédactionnel que le Gouvernement présentera à l’article 34. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec un très grand plaisir que je me retrouve aujourd’hui parmi vous pour cette phase finale de l’examen du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
Vous le savez, ce texte résulte d’un accord historique conclu le 2 juin 2008 avec six organisations syndicales sur huit.
M. Jacques Mahéas. Non, pas tout le texte !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Malgré différents amendements qui nous poussaient dans un autre sens, monsieur Mahéas, une première novation aura consisté à transposer, aussi fidèlement que possible, au niveau législatif un accord intervenant dans le champ de la fonction publique. Nous devons tous partager cet objectif de fidélité aux accords, qui marque une nouvelle pratique du dialogue social dans la fonction publique.
Je souhaite que nous puissions ainsi ouvrir une nouvelle voie dans l’élaboration de règles fondées sur la concertation et le compromis.
Plus que jamais, en effet, le dialogue social est indispensable. Nous vivons un temps de profondes réformes, qu’elles soient budgétaires, administratives ou statutaires. Le Gouvernement a donc le devoir de donner toute sa place au droit de participation des agents publics à l’organisation et au fonctionnement du service public, et ce en affirmant très clairement deux principes : d'une part, que l’élection soit la source de toute représentativité ; d'autre part, que la négociation prenne le pas sur la confrontation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces deux principes se trouvent au cœur du projet de loi sur lequel vous devez vous prononcer aujourd’hui.
L’élection sera désormais le fondement de la représentativité syndicale. C’était déjà le cas dans la fonction publique territoriale comme dans la fonction publique hospitalière. Désormais, ce le sera également dans la fonction publique de l’État, ce qui est très positif.
Par ailleurs, tout syndicat légalement constitué depuis plus de deux ans pourra se présenter aux élections professionnelles. Il s’agit là d’un signe fort d’ouverture.
La culture de la négociation doit se généraliser dans la fonction publique à tous les échelons pertinents de l’administration. Ce principe me semble tout aussi déterminant que le précédent. Il convient à la fois d’élargir le champ de la négociation au-delà des questions salariales et de fixer les conditions dans lesquelles un accord signé sera désormais considéré comme valide.
Si les principes doivent être refondés, il faut également moderniser l’organisation et le fonctionnement du dialogue social.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite attirer plus particulièrement votre attention sur deux points.
En premier lieu, le texte crée un nouveau conseil commun aux trois versants de la fonction publique. Cela m’apparaît comme une innovation essentielle pour garantir l’unité de la fonction publique ; j’emploie ce terme à dessein, car il ne s’agit nullement d’« unification ». Je réaffirme avec force qu’il n’entre nullement dans la volonté du Gouvernement de déposséder les conseils supérieurs actuels de leurs attributions. Sur ce point, nos débats ont été sans ambiguïté et plusieurs amendements ont été adoptés en ce sens.
Chaque versant de la fonction publique possède son histoire, son originalité, sa spécificité. Il faut reconnaître ces différences et savoir les conserver lorsqu’elles se justifient. Toutefois, n’oublions pas que ce qui nous rassemble est bien plus important que ce qui nous distingue : servir l’intérêt général transcende chacune des trois fonctions publiques.
À travers le Conseil commun de la fonction publique, l’unité de la fonction publique n’en sera que mieux affirmée, car les employeurs territoriaux et hospitaliers pourront s’exprimer, dès l’origine, sur les textes concernant les trois versants de la fonction publique, ce qui n’était pas le cas auparavant.
En second lieu, le paritarisme numérique ne sera plus une obligation. Il n’existe plus depuis près de vingt ans dans la fonction publique hospitalière, sans que le dialogue social s’en trouve pour autant affaibli. Il existe dans la fonction publique de l’État, mais de façon si formelle qu’il est difficile de trouver un seul défenseur de cette façon de procéder.
J’en viens à la fonction publique territoriale, qui fut au cœur de nos débats et sur laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous se sont exprimés. Le Gouvernement a entendu les points de vue des élus et des représentants du personnel ; il vous propose d’y maintenir l’essentiel des principes du paritarisme. Ainsi, deux collèges sont prévus à tous les niveaux, l’un accueillant les représentants des employeurs, l’autre ceux des agents. Naturellement, les collectivités territoriales resteront totalement libres de maintenir un paritarisme numérique, si elles le souhaitent.
Par ailleurs, à la suite d’une délibération, c’est-à-dire en toute indépendance, mais aussi en toute transparence, la collectivité sera libre de prévoir, d'une part, le vote des représentants du personnel, d’autre part, l’avis des représentants de la collectivité.
La seule évolution porte bien sur ce point : une obligation est remplacée par une faculté. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner à cette tribune, la philosophie qui sous-tend ce texte consiste à privilégier la souplesse.
Le Gouvernement est particulièrement respectueux de la libre administration des collectivités locales. Je le dis en tant que secrétaire d'État, mais aussi en tant qu’élu local, plus précisément de maire.
Pour entrer pleinement en vigueur, cette rénovation du dialogue social suppose de définir une période transitoire, qui sera utile pour faire évoluer les règles de validité des accords. Vous le savez, jusqu’à présent, aucune règle n’existait en la matière. Nous avons souhaité engager un processus qui, à terme, nous permettra de passer à des accords majoritaires.
Une période transitoire étant toutefois nécessaire, seront valides, dans un premier temps, les accords réunissant au moins 20 % des représentants des agents sans faire l’objet d’une opposition de plus de 50 % de ces mêmes représentants. Cette période transitoire permettra également d’organiser une convergence des dates d’élections aux comités techniques et aux commissions administratives paritaires dans les trois versants de la fonction publique.
Reconnaissons ici que la fonction publique de l’État s’inspire de ce qui existe déjà, de façon très satisfaisante, dans la fonction publique hospitalière comme dans la fonction publique territoriale. Il s’agit néanmoins d’une opération complexe puisqu’il faut unifier les durées des mandats et synchroniser les élections à la fonction publique de l’État, qui se déroulaient au fil de l’eau. Plusieurs dizaines de milliers d’instances sont ainsi concernées.
Par conséquent, une solution pragmatique a été envisagée, qui suppose de procéder en deux temps. Tout d'abord, à la mi-2011 sera organisée la constitution des nouvelles instances de la fonction publique de l’État et de la fonction publique hospitalière, dont le mandat devrait s’achever de façon naturelle à la fin de 2011. Ensuite, il s’agira de laisser la fonction publique territoriale poursuivre ses mandats jusqu’à leur terme naturel, à la fin de 2014, date à laquelle il est prévu d’organiser des élections générales sur les trois versants de la fonction publique.
Vous le voyez, il s’agit là d’un projet de loi d’importance (M. Jacques Mahéas s’exclame.), qui témoigne de la place que le Gouvernement entend accorder au dialogue social dans notre République.
Je souhaite que votre assemblée sache entendre le consensus syndical qui a présidé à la signature des accords de Bercy …
M. Jacques Mahéas. Ce n’est pas vrai !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … et que nous soyons tous capables, quelle que notre sensibilité politique, de reconnaître à la fois la novation et les avancées dont ces accords sont porteurs, car il s’agit bien d’accords, monsieur Mahéas.
Toutefois, je le précise d’emblée pour anticiper les propos que je devine, …
M. Jacques Mahéas. Attendez que je m’exprime ! (Sourires.)
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … le Gouvernement, parce qu’il se trouve dans une position hiérarchique vis-à-vis des agents, se réserve le droit d’introduire dans ce dispositif les amendements qui lui paraîtraient nécessaires pour le bien des personnels et pour le bon fonctionnement de la fonction publique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne saurais achever ce propos sans remercier très chaleureusement M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, M. Jean-Pierre Vial et Mme Sylvie Desmarescaux du travail qu’ils ont accompli et de la qualité des échanges sur ce projet de loi. Il a régné entre nous une grande franchise ainsi qu’un respect tout à fait conformes à l’idée que je me fais du débat parlementaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous achevons cet après-midi la discussion d’un texte menée tambour battant puisqu’elle a commencé voilà seulement trois semaines. J’avais alors souligné combien nos échanges avaient été courtois. Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, dans cet hémicycle, courtois ne signifie pas nécessairement fructueux, il s’en faut ! C’est à croire que nous n’avons pas la même conception du dialogue. Or cette notion constitue le pivot d’un projet de loi censé porter sur « la rénovation du dialogue social ».
Comme le précise le dictionnaire, le dialogue suppose une « volonté commune d’aboutir à une solution acceptable par les deux parties en présence ». Ce terme ne convient donc absolument pas pour un texte qui comporte des mesures massivement rejetées par les organisations syndicales, alors même qu’il subordonne la validité d’un accord à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales ayant réuni au moins 50 % des voix. Quelle incohérence !
Il en est ainsi du troc « catégorie A contre retraite à 55 ans » imposé aux infirmiers, dispositif issu d’un protocole adopté par un seul syndicat, lequel n’a recueilli que 0,78 % des voix ! (Mme Josiane Mathon-Poinat acquiesce.)
Il en est également ainsi des mesures salariales – intéressement collectif ou grade à accès fonctionnel –, qui ont été unanimement repoussées.
Nous retrouvons le même sens biaisé du dialogue, entre le Gouvernement et le Parlement cette fois, quand on constate que ces mesures salariales, pourtant importantes, ont été introduites à l’Assemblée nationale à la sauvette, par le biais d’amendements gouvernementaux.
Au Sénat, monsieur le secrétaire d'État, l’opposition a pu mesurer les limites de votre affabilité (M. le secrétaire d'État sourit.) puisque vous n’avez soutenu aucun des amendements qu’elle avait présentés et que tous ont été rejetés. Les articles les plus litigieux ont même été adoptés conformes, ce qui a déclenché la colère et l’incompréhension, notamment parmi les infirmiers, qui ont été nombreux à nous contacter dans la perspective de la commission mixte paritaire, espérant encore une amélioration de ce texte.
Enfin, le choix du Gouvernement d’engager la procédure accélérée limite de fait le dialogue. Or ce projet de loi aurait mérité un examen approfondi puisque, grâce à de multiples ajouts, il comporte désormais 46 articles, contre 29 initialement !
Cette décision, au lendemain de la lettre rectificative relative aux infirmiers, montre bien que ce texte n’était pour vous qu’un prétexte pour faire passer, à la veille de la réforme des retraites, un dispositif qui escamote la question de la pénibilité. D’où cette inquiétude légitime : ce texte ne serait qu’un ballon d’essai. En effet, il s'agit d’une technique dont vous avez largement usé ces dernières semaines, aux cours desquelles vous avez laissé courir les rumeurs les plus folles sur la réforme des retraites.
Que les choses soient bien claires : nous sommes parfaitement conscients qu’il est essentiel d’engager cette réforme et que les fonctionnaires doivent en prendre leur part. Pour autant, celle-ci ne sera acceptée par les Français qu’à la condition d’être juste !
Or, en reculant l’âge légal, mais aussi l’âge où l’on peut faire valoir une retraite à taux plein, et en augmentant la durée de cotisation, vous choisissez de frapper principalement ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui ont bien souvent exercé les métiers les plus éprouvants. Aux termes du document de synthèse du ministère du travail, vous ne prenez en compte la pénibilité qu’« en maintenant la retraite à 60 ans pour les salariés qui, du fait d’une situation d’usure professionnelle constatée (maladie professionnelle ou accident du travail produisant les mêmes effets), ont une incapacité physique supérieure ou égale à 20 % : 10 000 personnes concernées. »
Est-ce à dire que, en France, seules 10 000 personnes, sur vingt-cinq millions de salariés, exerceraient un métier pénible ?
Pis encore, il faudra être physiquement déjà gravement atteint pour pouvoir bénéficier de ce qui constitue aujourd’hui encore un droit pour tous. Quelle régression intolérable ! Les Français ne s’y trompent pas : différents sondages attestent qu’ils sont une majorité à juger ce projet injuste.
J’en viens au sort réservé aux fonctionnaires. Ceux-ci subiront, comme tous les Français, le relèvement de l’âge d’ouverture des droits à pension et l’augmentation de la durée de cotisation. Ils seront également frappés par le passage de 7,85 % à 10,55 % de leur taux de cotisation. Bien qu’il soit lissé sur dix ans, ce processus se traduira mécaniquement par une baisse de leur pouvoir d’achat, déjà mis à mal depuis quelques années par des augmentations trop faibles du point d’indice, seul élément salarial dont bénéficient tous les agents. Cette hausse du taux de cotisation, sans qu’elle soit accompagnée d’une quelconque compensation, ne fera qu’accentuer cette dégradation salariale !
Cet alignement sur le privé, que vous appelez « convergence entre les régimes », n’est équitable qu’en apparence. J’en profite pour rappeler que, en ces domaines, comparaison n’est pas raison et qu’il faut se garder de toute démagogie consistant à désigner les fonctionnaires comme des privilégiés. En effet, faire circuler des chiffres, parfois spectaculaires, destinés à illustrer de supposées inégalités en faveur du secteur public, c’est oublier quelque peu la différence de niveaux de qualification. Ainsi, on compte 30 % de cadres dans la fonction publique de l’État, contre seulement 16 % dans le privé.
Encore avons-nous échappé au calcul de la pension sur les vingt-cinq meilleures années de carrière, au lieu des six derniers mois de traitement indiciaire !
M. Jacques Mahéas. Cela s’explique tout simplement par le fait qu’il vous faudrait, sinon, prendre en compte les primes et autres indemnités des agents, qui constituent plus de 20 % de leur rémunération. Or cela aurait évidemment un coût !
Contrairement à ce que vous pensez peut-être, monsieur le secrétaire d'État, ces réflexions sur la réforme des retraites n’ont rien d’une digression. Sur ce dossier, vous mettez en œuvre, une fois de plus, une méthode peu respectueuse du dialogue social, un simulacre de négociations.
En pleine période de concertation avec les syndicats, alors que le document d’options rendu public par le Gouvernement restait très flou sur la fonction publique, des fuites, bien entendu fortuites (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), évoquaient tour à tour divers leviers d’action, tendant tous à niveler les régimes vers le bas, en ne tenant pas compte de la spécificité statutaire.
« Ballons d’essai », « poissons pilotes » : quelle que soit la métaphore utilisée, il s’agissait évidemment de tester l’opinion, de faire monter une inquiétude telle que, à l’annonce de vos choix, pourtant très politiques, règne une manière de soulagement, invitant à conclure avec humour que « c’est mieux que si c’était pire ! » (Sourires.)
Toutefois, nous ne sommes dupes ni de la manœuvre ni des annonces faites, mercredi dernier, par M. Woerth, lequel semble n’avoir rien retenu des consultations des partenaires sociaux. Il faut dire que ceux-ci n’ont eu connaissance du contenu de ses déclarations que quelques minutes seulement avant qu’elles ne soient rendues publiques !
C’est pourquoi nous avons de sérieuses raisons de craindre que les mesures annoncées ne soient déjà quasi intangibles et que les étapes suivantes ne soient que purement formelles. Cela vaut tant pour les prochains passages devant les différents conseils chargés d’examiner le projet de loi avant sa présentation en conseil des ministres, le 13 juillet prochain, que pour l’examen, à l’automne, du texte par le Parlement, transformé par vos soins en « chambre d’enregistrement express ».
Qu’est-ce qu’un dialogue dont les paramètres essentiels sont déjà arrêtés, sinon une parodie ?
Vendredi dernier, le Président de la République, censé endosser le rôle d’arbitre, a, selon un communiqué de l’Élysée, « demandé à Éric Woerth de lui proposer, au plus tard avant le début du débat parlementaire en septembre, les évolutions qui pourraient être envisagées sur tout ou partie de ces différentes questions,… » – à savoir la pénibilité, les carrières longues, les poly-pensionnés – « …dans le respect de l’équilibre général de la réforme ». En d’autres termes, il s’agit d’une réponse dilatoire, à la marge et au conditionnel, c'est-à-dire inappropriée et dérisoire !
Quant à M. Woerth, il se montre inflexible, excluant toute renégociation du relèvement de l’âge légal de départ et écartant également toute hypothèse de compensation de l’augmentation du taux de cotisation pour les fonctionnaires. Ainsi, dressant le public contre le privé, alors que la comparaison n’a pourtant pas de sens, il déclarait : « Non, on ne compensera pas, car comment voulez-vous régler une question d’injustice entre salariés du privé et du public et dire en même temps on compense ? Il faut regarder les choses en face et assumer, nous assumons. […] Nous augmentons sur dix ans, cela fait 0,27 % ou 0,28 % par an, ce n’est pas beaucoup. » Les intéressés apprécieront !
Il est vrai que ce Gouvernement ne les ménage guère ! Au nom du dogme aveugle du non-remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite, il poursuit les diminutions drastiques d’effectifs : après que 100 000 postes ont été supprimés entre 2007 et 2010, la disparition de 100 000 autres est annoncée pour la période 2011-2013.
Année après année, l’éducation nationale est durement frappée. Au mois de mai dernier, le ministère a entamé avec les recteurs d’académie un « dialogue » – là aussi ! – pour élaborer un schéma d’emplois 2011-2013 visant à détruire des postes d’enseignants. Parmi les pistes de travail proposées, pour ne parler que de l’enseignement primaire, il est envisagé d’augmenter le nombre d’élèves par classe et de diminuer encore la scolarisation des enfants âgés de deux à trois ans. Et les communes, qui se trouvent alors contraintes d’ouvrir des crèches, se voient ensuite reprocher de trop embaucher !
Il est également prévu de supprimer de nouveaux postes d’enseignants du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, RASED, et de recourir à des non-titulaires pour les remplacements courts.
Je croyais pourtant, comme beaucoup de Français, avoir entendu à la télévision, le 25 janvier dernier, le Président de la République affirmer : « Je suis tout à fait prêt à envisager la titularisation progressive des contractuels. » Selon le Gouvernement, l’État emploierait 850 000 contractuels. Or ceux-ci seraient plutôt 1,2 million, si l’on inclut les médecins hospitaliers, les ouvriers de l’État et les contrats aidés. Nombre d’entre eux occupent des emplois permanents, ce qui justifie leur titularisation, comme le prévoient les statuts des trois fonctions publiques.
Étrangement, nulle lettre rectificative sur ce sujet ! Vous préférez différer... Attendons donc l’automne, non sans craindre que vous ne privilégiiez les passages de CDD en CDI de droit public, au détriment des titularisations pures. Nous serons attentifs, car cela participe des atteintes réitérées que vous portez au statut général des fonctionnaires. L’institution de CDI de droit public est un lourd symbole, en ce qu’elle tend à mettre en avant le contrat par rapport au statut.
La loi sur la mobilité des fonctionnaires facilite le recours aux non-titulaires et, novation scandaleuse, autorise l’emploi d’intérimaires. Un décret sur la réorientation professionnelle est sur le point d’être publié, une fois de plus malgré le rejet massif des syndicats, exprimé par le boycott du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, le 11 février dernier. En pratique, il s’agit de créer une procédure de licenciement économique dans la fonction publique : désormais, il sera possible de licencier un fonctionnaire au motif que son poste est supprimé.
La multiplication des dispositifs de rémunération au mérite constitue également une atteinte au statut. Vous choisissez de sacrifier l’essentiel – la revalorisation du point d’indice – à l’accessoire – la prime.
Le Gouvernement nous promet la rigueur, même s’il use de toutes les subtilités de la langue de bois pour ne pas employer ce terme. La menace d’un gel des salaires des fonctionnaires en 2011, 2012 et 2013 plane. La hausse du point d’indice de 0,5 % au mois de juillet prochain, pourtant déjà actée, pourrait même être remise en cause !
Quant à la réforme des collectivités territoriales, que nous allons bientôt examiner, elle comporte son lot d’incertitudes et fait craindre d’autres lendemains qui déchantent…
Dans ce climat délétère, je crois l’avoir clairement montré, votre pratique du dialogue s’apparente en tout point à un monologue ! Sur les discussions du projet de loi de rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, je ne peux que constater l’absence de « solution acceptable par les deux parties en présence », vers laquelle aurait dû tendre un véritable dialogue.
C’est pourquoi nous ne pouvons voter en faveur d’un texte instrumentalisé jusqu’à l’absurde puisqu’il contient désormais des mesures ayant fait l’objet d’un passage en force, contredisant son propre objet : le dialogue social.
Substitution du monologue au dialogue, manque de véritable concertation avec les syndicats, rejet de l’ensemble des amendements que nous avons présentés : nous sommes manifestement en présence d’un repli sur une politique que je n’irai pas jusqu’à qualifier de réactionnaire, mais qui est indéniablement de droite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les règles du dialogue social issues du statut du 19 octobre 1946 prévoient que les fonctionnaires participent à l’organisation et au fonctionnement des services publics, à l’élaboration des règles statutaires et à l’examen des décisions individuelles relatives à leur carrière, par l’intermédiaire de délégués siégeant au sein d’organismes consultatifs, composés pour la plupart à parité de représentants des personnels et de représentants de l’employeur. Voilà ce que prévoyait la loi.
Ce dialogue social représente en fait la contrepartie du statut des fonctionnaires, qui permet à l’administration de modifier unilatéralement leur situation. Il s’agit surtout d’un moyen privilégié pour instaurer une relation de respect mutuel entre les employeurs publics et les agents, indispensable à l’évolution de la fonction publique. Ce dialogue constitue l’activité légitime des organisations syndicales, leur permettant d’assurer la promotion des intérêts individuels et de les conjuguer avec l’intérêt général sur lequel repose l’organisation des services.
Néanmoins, le dispositif n’a pas su accompagner les évolutions de la pratique actuelle du dialogue social et s’est par conséquent trouvé inadapté. Il était donc impératif de le réviser.
Le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique devait être la transposition législative de l’accord du 2 juin 2008, qui a été qualifié d’« historique ». Signé par votre prédécesseur, monsieur le secrétaire d’État, et par six des huit organisations syndicales de fonctionnaires, il constituait ainsi le terme d’un processus engagé dès 2002 par le Livre blanc sur le dialogue social dans la fonction publique, de Jacques Fournier, qui estimait que le système mis en place en 1946 devait être rénové.
Ce projet de loi, conçu comme le pendant, pour le secteur public, de la réforme de 2008 relative à la représentativité syndicale dans le secteur privé, devait améliorer les règles et les pratiques issues du statut de 1946, lesquelles ont très peu évolué, il faut bien le reconnaître.
Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pouvons que nous féliciter de cette volonté de moderniser le dialogue social dans les fonctions publiques. Le projet de loi comporte d’ailleurs de véritables avancées, notamment la mise en place de nouveaux critères de représentativité des organisations syndicales.
Malheureusement, au-delà des intitulés et des formules, ce texte suscite de véritables inquiétudes.
Je pense tout d’abord au recul même du principe du paritarisme dans la fonction publique territoriale, issu du statut général de la fonction publique de 1946. À l’origine, il constitue la contrepartie de la situation statutaire des fonctionnaires. Certes, les travaux parlementaires ont permis de ne pas entériner sa totale suppression, au sein tant des comités techniques que des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Toutefois, le paritarisme est devenu une faculté, en lieu et place d’une obligation, puisque les représentants des employeurs de la fonction publique territoriale participeront au vote seulement si une délibération l’a prévu.
La présence des représentants des collectivités au sein des instances paritaires permet pourtant aux élus – vous en êtes un vous-même, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que vous l’avez rappelé tout à l’heure – et aux personnels de mieux se connaître, de se fixer des objectifs communs, d’améliorer le fonctionnement de l’institution. La force du paritarisme, c’est qu’il impose le dialogue et la recherche du consensus.
Avec ce texte, la qualité du dialogue social, qui est pourtant la finalité affichée du projet de loi, risque finalement d’être compromise. C’est donc une véritable remise en cause de l’équilibre qui prévalait jusqu’à présent dans nos fonctions publiques.
Le second point sur lequel je souhaite manifester notre opposition concerne le régime des retraites des infirmiers et des personnels paramédicaux, prévu par une disposition introduite in extremis, la veille des débats à l’Assemblée nationale.
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
Mme Anne-Marie Escoffier. On peut légitimement s’étonner qu’un texte consacré au dialogue social aborde ce sujet quelques mois avant la grande réforme des retraites.
M. Jacques Mahéas. Eh oui !
Mme Anne-Marie Escoffier. J’avoue ne pas comprendre cet empressement à traiter de cette question, véritable cavalier législatif qui n’a strictement rien à voir avec le dialogue social. (Mme Christiane Demontès manifeste son approbation.)
Le régime de retraite des infirmiers et des professions paramédicales devrait être examiné dans le cadre global de la réforme des retraites, comme le demandaient leurs organisations syndicales, et non en marge de celui-ci. C’est là une curieuse conception du dialogue social, convenons-en.
Au-delà de ce problème de forme, il s’agit d’une remise en cause évidente de la pénibilité de cette profession. Pourtant, le Président de la République admettait lui-même, dès 2007, que les infirmiers étaient les « oubliés » de nos politiques de santé, en dépit des grands services qu’ils rendent à la société, aux patients et à leurs familles. Plus récemment, au mois de janvier dernier, il reconnaissait la pénibilité du travail des infirmières et assurait que c’était un sujet complexe dont il faudrait reparler avec les syndicats.
Nul ne peut ignorer la réalité des conditions d’exercice de cette profession, appréciée et reconnue de tous, ni le rôle qu’occupent les infirmiers, infirmiers anesthésistes, aides-soignants chargés de prendre soin de nos familles, de chacun d’entre nous.
Leur charge de travail ne cesse d’augmenter du fait notamment d’une pénurie de personnel. Leurs horaires – travail de nuit, horaires alternés, repos décalés ou supprimés – sont éprouvants et perturbants, personne ne pourrait le nier. Leurs conditions de travail se dégradent. À cela s’ajoutent souvent un sentiment de solitude et la peur des agressions.
Vous ne pouviez pas, vous ne deviez pas faire l’économie d’une réflexion sur la pénibilité du travail, indissociable de la réforme sur les retraites.
Je souhaite enfin aborder la question de la mise en place de l’intéressement collectif dans la fonction publique. Celle-ci résulte de l’adoption d’amendements déposés à la dernière minute par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, ce qui a permis de passer de nouveau en force – nous ne pouvons que le regretter – sur un point rejeté par l’ensemble des organisations syndicales.
Pourtant, ces dispositions auraient mérité un véritable débat, car elles vont à l’encontre de l’intérêt général et mettent en péril la qualité du service public. La fonction publique se voit imposer une culture propre au secteur privé, celle de la concurrence et de la rentabilité financière, qui nécessiterait des aménagements pour la rendre compatible avec une bonne organisation des services publics.
Comment quantifier le rendement ? Comment mesurer l’intensité de l’effort et attribuer des primes d’intéressement correspondantes ? Au-delà du principe, le problème de la mise en œuvre pratique de telles dispositions reste entier.
Monsieur le secrétaire d'État, vous l’avez compris, bien qu’il comporte de véritables avancées, ce projet de loi suscite également des craintes bien réelles, tenant notamment à une certaine dénaturation des accords de Bercy. Aussi la majorité des membres du groupe du RDSE ne pourront-ils y souscrire. Ils maintiendront leur position en votant contre le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce texte soumis aujourd’hui à notre examen pour une ultime fois avait initialement pour ambition de transposer au niveau législatif les accords de Bercy conclus le 2 juin 2008 entre le Gouvernement et six des huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique.
Sur certains points, ce texte a tenu ses promesses. Le projet de loi étend bien le champ des négociations dans la fonction publique, consacre le principe des accords majoritaires, met fin à la condition de représentativité des syndicats, crée un Conseil commun de la fonction publique, instaure une reconnaissance des compétences acquises dans l’exercice d’un mandat syndical.
Mais, contrairement à ce qui était souhaité par les syndicats et qui avait été décidé en 2008, ce même texte a outrepassé les accords de Bercy, supprimant, dans un premier temps, toute trace de paritarisme au sein des instances consultatives de la fonction publique. Ces instances, supposées être des lieux d’échanges et de dialogue entre les représentants de l’administration et ceux des organisations syndicales, seront désormais vouées à ne plus connaître que des dialogues de sourds, sans aucun réel affrontement d’idées.
Même si un amendement voté à l’Assemblée nationale a permis aux collectivités territoriales qui le souhaitent de rétablir le paritarisme, il s’agit là d’une exception face à une règle que nous ne validons pas.
En outre, ce projet de loi introduit une logique entrepreneuriale dans la fonction publique, en instaurant des primes de fonction et de résultats, des intéressements collectifs et une forme de parachute doré pour certains cadres des corps de catégorie A. Une fois encore, nous ne comprenons pas l’acharnement manifeste du Gouvernement à vouloir calquer le fonctionnement du secteur public sur celui du secteur privé.
D’une part, nous pensons que la fonction publique et les services publics ont vocation à ne pas fonctionner comme le secteur privé, puisqu’ils reposent sur des conceptions et des principes totalement différents. Émanations de l’État démocratique, la fonction publique et les services publics sont d’une certaine façon missionnés par les citoyens et au service de ces derniers ; en revanche, le secteur privé est animé par une logique concurrentielle et de marché.
D’autre part, rien ne démontre une supériorité en termes d’efficacité du secteur privé par rapport au secteur public. De nombreux exemples, en France comme dans le reste de l’Europe, ont montré que les privatisations ou l’intrusion des règles managériales dans la fonction publique n’avaient apporté qu’une régression des services attendus et une augmentation de leur coût.
Enfin, un cavalier législatif déposé par le Gouvernement, au plus grand mépris du Parlement et de sa fonction démocratique, est venu modifier le régime de retraite des quelque 270 000 personnels infirmiers de l’hôpital public. L’adoption de cet amendement honteux, introduit à la dérobée dans un texte qui n’avait rien à voir avec ce sujet, a permis de régler le sort de ces professions paramédicales à toute vitesse. En outre, comme ce nouvel article a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, il ne faisait pas partie des dispositions restant en discussion lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
Certes, le Gouvernement peut être satisfait : cette martingale a fonctionné ! Désormais, les personnels infirmiers et paramédicaux devront individuellement choisir entre une rémunération légèrement revalorisée, à condition de partir à la retraite à partir de 60 ans, et une revalorisation quasi nulle s’ils maintiennent leur droit de partir à la retraite dès 55 ans. En somme, ces personnels paieront leur propre revalorisation salariale.
Ne serait-ce qu’en raison de l’introduction de cet article inacceptable, au mépris des organisations syndicales, nous voterons contre ce texte. En outre, le reste du projet de loi étant largement impropre à instaurer un véritable dialogue social dans la fonction publique, ce sera évidemment sans remords que nous agirons ainsi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique a rendu un rapport consensuel, qui s’inscrit dans le droit-fil des modifications souhaitées par notre assemblée. Le groupe UMP ne peut que s’en féliciter.
M. Antoine Lefèvre. Oui !
M. Christophe-André Frassa. Jean-Pierre Vial a rappelé que ce texte se voulait la mise en application des accords de Bercy du mois de juin 2008, signés avec six des huit organisations syndicales des trois fonctions publiques, à savoir la CGT, la CFDT, la FSU, l'UNSA, la CGC, l’Union syndicale Solidaires, qui représentent plus de 75 % des voix. Il s’agit donc d’une situation inédite que je tiens à souligner, au nom du groupe UMP.
Nous saluons la volonté des syndicats, comme celle du Gouvernement, de faire équipe pour définir ensemble les nouvelles règles du dialogue social dans la fonction publique. À l’avenir, l’élection demeurera le nouveau pilier de la représentation syndicale. Tout syndicat légalement constitué depuis deux ans à compter de la date de dépôt des statuts pourra se présenter aux élections professionnelles. En outre, les instances du dialogue social seront toutes composées sur le fondement d’élections désormais ouvertes à chaque agent, quel que soit son statut.
Monsieur le secrétaire d'État, vous l’avez rappelé, il s’agit d’un signe fort d’ouverture. La négociation constituera dorénavant le socle fondamental du dialogue social. Elle se développera à tous les échelons et pour tous les sujets, qu’il s’agisse du pouvoir d’achat, du déroulement des carrières, de la formation professionnelle, de l’action sociale, de l’hygiène, de la sécurité et de la santé au travail, autant de sujets qui constituent la préoccupation majeure des fonctionnaires.
Il s’agit de faire de la concertation l’instrument clé de la réforme, en la plaçant en amont de toute décision susceptible d’intéresser directement ou indirectement chaque agent titulaire ou contractuel.
Nous saluons cette volonté d’accroître la démocratie sociale au sein de la fonction publique, qui intéresse plus de 5 millions d’agents publics.
Le principe a été posé qu’un accord ne serait désormais reconnu valable, qu’à condition d’être signé par des syndicats représentant au moins 50 % des voix. Cette consécration ne modifie en rien l’environnement juridique existant. En effet, le fonctionnaire demeurera soumis au statut, tel que le législateur et le pouvoir réglementaire l’ont fixé.
Par ailleurs, la révision des règles de représentativité par l’extension du suffrage proportionnel permettra de reconnaître la place des organisations syndicales qui recueillent des suffrages importants aux élections tout en facilitant l’expression de la diversité des sensibilités syndicales.
La fonction publique de l’État ne doit pas être la seule référence pour le traitement des dossiers ayant des incidences sur les trois fonctions publiques. C’est pourquoi la création d’un Conseil commun de la fonction publique nous semble opportune.
Cette instance permettra de traiter de toute question générale, tels le dialogue social européen, la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Elle s’inscrit dans la convergence voulue pour apporter certaines réponses communes aux trois versants de la fonction publique. Cette unité devra cependant respecter les particularismes de chacun. Le groupe UMP veillera à ce que cette instance œuvre bien en ce sens et non pas dans une perspective d’unification.
Il nous semble fondamental que les employeurs locaux conservent un pouvoir propre d’expression sur les questions spécifiques à la fonction publique territoriale, au nom du principe de libre administration des collectivités territoriales.
Par ailleurs, je tiens à saluer l’initiative du Gouvernement, qui s’est traduite par l’ajout d’un article 30, lequel tend, conformément à la volonté du Président de la République, à revaloriser le statut des professions d’infirmiers et des professions paramédicales. (Mme Josiane Mathon-Poinat s’esclaffe.)
M. Jacques Mahéas. À quel prix !
M. Christophe-André Frassa. Les infirmiers réclamaient depuis longtemps la reconnaissance de leur diplôme au niveau de la licence et une revalorisation salariale pour le personnel qui pourra accéder à la catégorie A. Désormais, « la qualité professionnelle est reconnue et les rémunérations vont avec ».
Enfin, le groupe UMP félicite le Gouvernement de sa volonté audacieuse d’inciter les agents publics à la performance individuelle et collective. Il remercie Jean-Pierre Vial du travail exhaustif qu’il a réalisé dans cette réforme fondamentale, ainsi que le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, qui a permis de réaliser une étude approfondie des situations existantes. (M. Jacques Mahéas s’exclame.)
Le groupe UMP votera donc ce projet de loi qui permet une défense accrue de la fonction des agents publics et une amélioration de la qualité du service public rendu. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
Projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique
TITRE IER
DISPOSITIONS
RELATIVES AU DIALOGUE SOCIAL DANS LA FONCTION PUBLIQUE
CHAPITRE IER
Dispositions communes aux trois fonctions publiques
Article 1er
I. - Le dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est supprimé.
II. - Après l'article 8 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, il est inséré un article 8 bis ainsi rédigé :
« Art. 8 bis. - I. - Les organisations syndicales de fonctionnaires ont qualité pour participer au niveau national à des négociations relatives à l'évolution des rémunérations et du pouvoir d'achat des agents publics avec les représentants du Gouvernement, les représentants des employeurs publics territoriaux et les représentants des employeurs publics hospitaliers.
« II. - Les organisations syndicales de fonctionnaires ont également qualité pour participer, avec les autorités compétentes, à des négociations relatives :
« 1° Aux conditions et à l'organisation du travail, et au télétravail ;
« 2° Au déroulement des carrières et à la promotion professionnelle ;
« 3° À la formation professionnelle et continue ;
« 4° À l'action sociale et à la protection sociale complémentaire ;
« 5° À l'hygiène, à la sécurité et à la santé au travail ;
« 6° À l'insertion professionnelle des personnes handicapées ;
« 7° À l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
« III. - Sont appelées à participer aux négociations mentionnées aux I et II les organisations syndicales disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l'objet et du niveau de la négociation.
« Une négociation dont l'objet est de mettre en œuvre à un niveau inférieur un accord conclu au niveau supérieur ne peut que préciser ce dernier ou en améliorer l'économie générale dans le respect de ses stipulations essentielles.
« IV. - Un accord est valide s'il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires ayant recueilli au moins 50 % du nombre des voix lors des dernières élections professionnelles organisées au niveau auquel l'accord est négocié. »
Article 2
Après l'article 14 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, il est rétabli un article 15 ainsi rédigé :
« Art. 15. - Les compétences acquises dans l'exercice d'un mandat syndical sont prises en compte au titre des acquis de l'expérience professionnelle. »
Article 2 bis
Le troisième alinéa de l'article 12 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, le présent alinéa ne fait pas obstacle à la promotion interne d'agents qui, placés dans la position statutaire prévue à cette fin, consacrent la totalité de leur service à l'exercice d'un mandat syndical. »
Article 3
L'article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 9 bis. - Peuvent se présenter aux élections professionnelles :
« 1° Les organisations syndicales de fonctionnaires qui, dans la fonction publique où est organisée l'élection, sont légalement constituées depuis au moins deux ans à compter de la date de dépôt légal des statuts et satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance ;
« 2° Les organisations syndicales de fonctionnaires affiliées à une union de syndicats de fonctionnaires qui remplit les conditions mentionnées au 1°.
« Pour l'application du 2°, ne sont prises en compte en qualité d'unions de syndicats de fonctionnaires que les unions de syndicats dont les statuts déterminent le titre et prévoient l'existence d'organes dirigeants propres désignés directement ou indirectement par une instance délibérante et de moyens permanents constitués notamment par le versement de cotisations par les membres.
« Toute organisation syndicale ou union de syndicats de fonctionnaires créée par fusion d'organisations syndicales ou d'unions de syndicats qui remplissent la condition d'ancienneté mentionnée au 1° est présumée remplir elle-même cette condition.
« Les organisations affiliées à une même union ne peuvent présenter des listes concurrentes à une même élection.
« Les contestations sur la recevabilité des candidatures déposées sont portées devant le tribunal administratif compétent dans les trois jours qui suivent la date limite du dépôt des candidatures. Le tribunal administratif statue dans les quinze jours qui suivent le dépôt de la requête. L'appel n'est pas suspensif. »
Article 4
Après l'article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, il est inséré un article 9 ter ainsi rédigé :
« Art. 9 ter. - Le Conseil commun de la fonction publique connaît de toute question d'ordre général commune aux trois fonctions publiques dont il est saisi.
« Il est saisi des projets de loi ou d'ordonnance et, lorsqu'une disposition législative ou réglementaire le prévoit, de décret, communs aux trois fonctions publiques, à l'exception des textes spécifiques à chaque fonction publique.
« La consultation du Conseil commun de la fonction publique, lorsqu'elle est obligatoire, remplace celle des conseils supérieurs de la fonction publique de l'État, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière.
« Le Conseil commun de la fonction publique est présidé par le ministre chargé de la fonction publique ou son représentant.
« Il comprend :
« 1° Des représentants des organisations syndicales de fonctionnaires désignés par celles-ci ; les sièges sont répartis entre les organisations syndicales proportionnellement au nombre des voix obtenues par chacune d'elles lors des dernières élections pour la désignation des membres des comités techniques dans les trois fonctions publiques et des organismes consultatifs permettant d'assurer la représentation des personnels en vertu de dispositions législatives spécifiques ;
« 2° Des représentants des administrations et employeurs de l'État et de leurs établissements publics ;
« 3° Des représentants des employeurs publics territoriaux dont le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, désignés par les représentants des communes, des départements et des régions au sein du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, mentionnés à l'article 8 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
« 4° Des représentants des employeurs publics hospitaliers désignés par les organisations les plus représentatives des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.
« Le président du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière assiste aux réunions du Conseil commun de la fonction publique sans voix délibérative.
« L'avis du Conseil commun de la fonction publique est rendu lorsque l'avis de chacune des catégories des représentants mentionnées aux 1°, 3° et 4° a été recueilli.
« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article. »
CHAPITRE II
Dispositions relatives à la fonction publique de l'État
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Article 8
L'article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 15. - I. - Dans toutes les administrations de l'État et dans tous les établissements publics de l'État ne présentant pas un caractère industriel ou commercial, il est institué un ou plusieurs comités techniques.
« En cas d'insuffisance des effectifs, la représentation du personnel d'un établissement public peut être assurée dans un comité technique ministériel ou dans un comité technique unique, commun à plusieurs établissements.
« II. - Les comités techniques connaissent des questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services, des questions relatives aux effectifs, aux emplois et aux compétences, des projets de statuts particuliers ainsi que des questions prévues par un décret en Conseil d'État. Les incidences des principales décisions à caractère budgétaire sur la gestion des emplois font l'objet d'une information des comités techniques.
« Les comités techniques établis dans les services du ministère de la défense, ou du ministère de l'intérieur pour la gendarmerie nationale, employant des personnels civils ne sont pas consultés sur les questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services.
« III. - Les comités techniques comprennent des représentants de l'administration et des représentants du personnel. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes.
« Les représentants du personnel siégeant aux comités techniques sont élus au scrutin de liste avec représentation proportionnelle dans les conditions définies à l'article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
« Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent :
« 1° Les représentants du personnel siégeant aux comités techniques de proximité peuvent, en cas d'insuffisance des effectifs, être désignés après une consultation du personnel ;
« 2° Les représentants du personnel siégeant aux comités techniques autres que les comités techniques ministériels et les comités techniques de proximité peuvent, lorsque des circonstances particulières le justifient, être désignés, selon le cas, par référence au nombre de voix obtenues aux élections de ces comités techniques ministériels ou de proximité ou après une consultation du personnel.
« IV. - Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article. »
Article 8 bis
L'article 16 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 16. - I. - Dans toutes les administrations de l'État et dans tous les établissements publics de l'État ne présentant pas un caractère industriel ou commercial, il est institué un ou plusieurs comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
« II. - Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents dans leur travail, à l'amélioration des conditions de travail et de veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières.
« III. - Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail comprend des représentants de l'administration et des représentants désignés par les organisations syndicales. Seuls les représentants désignés par les organisations syndicales prennent part au vote.
« IV. - Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. »
………………………………………………………………………………………….
CHAPITRE III
Dispositions relatives à la fonction publique territoriale
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Article 11
I. - Après le quatrième alinéa de l'article 9 de la loi n° 84-16 du 26 janvier 1984 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'avis du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale est rendu lorsque ont été recueillis, d'une part, l'avis des représentants des organisations syndicales de fonctionnaires et, d'autre part, l'avis des employeurs publics territoriaux sur les questions dont il a été saisi. »
II. - À l'article 11 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « quatrième ».
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Article 13
L'article 32 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Un établissement public de coopération intercommunale et le centre intercommunal d'action sociale qui lui est rattaché peuvent, par délibérations concordantes, créer un comité technique compétent pour tous les agents desdits établissements lorsque l'effectif global concerné est au moins égal à cinquante agents.
« Un établissement public de coopération intercommunale mentionné au deuxième alinéa, les communes adhérentes et le centre intercommunal d'action sociale rattaché audit établissement public de coopération intercommunale peuvent, par délibérations concordantes, créer un comité technique compétent pour tous les agents desdites collectivités lorsque l'effectif global concerné est au moins égal à cinquante agents. » ;
1° bis Le troisième alinéa est supprimé ;
2° Au quatrième alinéa, les mots : « visés au précédent alinéa » sont supprimés ;
3° Les sixième à dernier alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les comités techniques comprennent des représentants de la collectivité ou de l'établissement et des représentants du personnel. L'avis du comité technique est rendu lorsqu'ont été recueillis, d'une part, l'avis des représentants du personnel et, d'autre part, si une délibération le prévoit, l'avis des représentants de la collectivité ou de l'établissement.
« Les membres représentant le personnel sont élus au scrutin de liste avec représentation proportionnelle dans les conditions définies à l'article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée.
« Les comités techniques sont présidés par l'autorité territoriale ou son représentant, qui ne peut être qu'un élu local.
« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. »
Article 14
Les premier à huitième alinéas de l'article 33 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée sont remplacés par neuf alinéas ainsi rédigés :
« Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives :
« 1° À l'organisation et au fonctionnement des services ;
« 2° Aux évolutions des administrations ayant un impact sur les personnels ;
« 3° Aux grandes orientations relatives aux effectifs, emplois et compétences ;
« 4° Aux grandes orientations en matière de politique indemnitaire et de critères de répartition y afférents ;
« 5° À la formation, à l'insertion et à la promotion de l'égalité professionnelle ;
« 6° Aux sujets d'ordre général intéressant l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail.
« Les comités techniques sont également consultés sur les aides à la protection sociale complémentaire, lorsque la collectivité territoriale ou l'établissement public en a décidé l'attribution à ses agents, ainsi que sur l'action sociale.
« Les incidences des principales décisions à caractère budgétaire sur la gestion des emplois font l'objet d'une information des comités techniques. »
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Article 14 ter
Après l'article 33 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, il est inséré une sous-section 3 ainsi rédigée :
« Sous-section 3
« Comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail
« Art. 33-1. - I. - Un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est créé dans les mêmes conditions que celles prévues pour les comités techniques par les premier à quatrième alinéas de l'article 32. Dans les collectivités territoriales et les établissements publics de moins de cinquante agents, les missions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont exercées par le comité technique dont relèvent ces collectivités et établissements.
« Si l'importance des effectifs et la nature des risques professionnels le justifient, des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail locaux ou spéciaux sont créés par décision de l'organe délibérant des collectivités ou établissements mentionnés à l'article 2. Ils peuvent également être créés si l'une de ces deux conditions est réalisée.
« En application de l'article 67 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est créé dans chaque service départemental d'incendie et de secours par décision de l'organe délibérant, sans condition d'effectifs.
« II. - Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour mission :
« 1° De contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents dans leur travail et à l'amélioration des conditions de travail ;
« 2° De veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières.
« Le comité est réuni par son président à la suite de tout accident mettant en cause l'hygiène ou la sécurité ou ayant pu entraîner des conséquences graves.
« III. - Le comité comprend des représentants de la collectivité territoriale ou de l'établissement public désignés par l'autorité territoriale auprès de laquelle il est placé, et des représentants désignés par les organisations syndicales. L'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est rendu lorsqu'ont été recueillis, d'une part, l'avis des représentants des organisations syndicales et, d'autre part, si une délibération le prévoit, l'avis des représentants de la collectivité ou de l'établissement.
« IV. - Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. »
Article 15
La loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi modifiée :
1° À l'intitulé de la section 4 du chapitre II, les mots : « Comités techniques paritaires » sont remplacés par les mots : « Comités techniques et comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail » ;
2° À l'intitulé de la sous-section 2 de la section 4 du chapitre II, le mot : « paritaires » est supprimé ;
3° Au dernier alinéa de l'article 7-1, aux première et dernière phrases du premier alinéa et aux deuxième et cinquième alinéas de l'article 32, aux neuvième et dixième alinéas de l'article 33, à l'article 35 bis, à la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 49, à l'article 62 et, par trois fois, au premier alinéa du I de l'article 97, les mots : « comité technique paritaire » sont remplacés par les mots : « comité technique » ;
4° À la dernière phrase du I et au 10° du II de l'article 23, au quatrième alinéa de l'article 32 et au troisième alinéa du VI de l'article 120, les mots : « comités techniques paritaires » sont remplacés par les mots : « comités techniques » ;
5° À l'article 11, les mots : « aux cinquième et sixième alinéas » sont remplacés par les mots : « au dernier alinéa ».
Article 15 bis
I. - À la fin de la première phrase de l'article 108-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les mots : « le titre III du livre II du code du travail et par les décrets pris pour son application » sont remplacés par les mots : « les livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application, ainsi que par l'article L. 717-9 du code rural et de la pêche maritime ».
II. - Après l'article 108-3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, il est inséré un article 108-4 ainsi rédigé :
« Art. 108-4. - Les agents ayant été exposés dans le cadre de leurs fonctions à un agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction ou figurant sur l'un des tableaux mentionnés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ont droit à un suivi médical post-professionnel après avoir cessé définitivement leurs fonctions au sein d'une collectivité ou d'un établissement mentionné à l'article 2 de la présente loi. Ce suivi est pris en charge par la dernière collectivité ou le dernier établissement au sein duquel ils ont été exposés.
« Les conditions d'application du présent article et notamment les modalités de suivi médical post-professionnel pour chaque type d'exposition à un agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction sont définies par décret en Conseil d'État. »
III. - Les agents ayant définitivement cessé leurs fonctions avant l'entrée en vigueur des dispositions prévues par l'article 108-4 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée bénéficient du suivi médical post-professionnel.
CHAPITRE IV
Dispositions relatives à la fonction publique hospitalière
Article 16
L'article 11 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est ainsi modifié :
1° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° Des représentants des employeurs publics territoriaux et des représentants des employeurs publics hospitaliers désignés par les organisations les plus représentatives des établissements mentionnés à l'article 2 ; »
2° Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Des représentants des organisations syndicales représentatives des fonctionnaires des établissements mentionnés à l'article 2. Les sièges attribués aux organisations syndicales sont répartis entre elles proportionnellement au nombre de voix qu'elles ont obtenues aux élections organisées pour la désignation des représentants du personnel aux comités techniques d'établissement et aux comités consultatifs nationaux. Les organisations syndicales désignent leurs représentants. » ;
3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« L'avis du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière est rendu lorsqu'ont été recueillis, d'une part, l'avis des représentants mentionnés au 2° et, d'autre part, l'avis des représentants mentionnés au 3° du présent article. »
Article 17
L'article 20 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée est ainsi modifié :
1° A Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Les représentants de l'administration sont désignés par l'autorité administrative compétente de l'État pour les commissions administratives paritaires nationales, par l'autorité investie du pouvoir de nomination de l'établissement qui en assure la gestion pour les commissions administratives paritaires départementales et par l'assemblée délibérante de l'établissement pour les commissions administratives paritaires locales. » ;
1° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« Les membres représentant le personnel sont élus au scrutin de liste avec représentation proportionnelle dans les conditions définies à l'article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. » ;
2° Les cinquième à dixième alinéas sont supprimés.
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Article 19
La première phrase du premier alinéa de l'article 104 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée est ainsi modifiée :
1° Les mots : « des deuxième et cinquième alinéas de l'article 20 et des premier et deuxième alinéas de l'article 23 » sont remplacés par les mots : « des deuxième et sixième alinéas de l'article 20 » ;
2° Les mots : « comités techniques paritaires » sont remplacés par les mots : « comités techniques d'établissement ».
Article 20
I. - L'article L. 6144-4 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 6144-4. - Le comité technique d'établissement est présidé par le directeur. Celui-ci peut être suppléé par un membre du corps des personnels de direction de l'établissement.
« Le comité est composé de représentants des personnels de l'établissement, à l'exception des personnels mentionnés à l'avant-dernier alinéa de l'article 2 et au sixième alinéa de l'article 4 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. Ces représentants sont élus par collèges en fonction des catégories mentionnées à l'article 4 de la même loi, au scrutin de liste avec représentation proportionnelle dans les conditions définies à l'article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Par dérogation, en cas d'insuffisance des effectifs, ces représentants peuvent être désignés après une consultation du personnel dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État. »
II. - Au deuxième alinéa de l'article L. 6143-2-1 du même code, les mots : « représentatives au sein de l'établissement au sens de l'article L. 6144-4 » sont remplacés par les mots : « représentées au sein du comité technique d'établissement ».
III. - (Supprimé)
IV. - Au 1° du II de l'article 40 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001, les mots : « représentatives au sein de l'établissement au sens de l'article L. 6144-4 du code de la santé publique » sont remplacés par les mots : « représentées au sein du comité technique d'établissement ».
Article 21
Les premier à troisième alinéas de l'article L. 315-13 du code de l'action sociale et des familles sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans chaque établissement public social ou médico-social est institué un comité technique d'établissement présidé par le directeur. Celui-ci peut être suppléé par un membre des corps des personnels de direction.
« Le comité est composé de représentants des personnels de l'établissement, à l'exception des personnels mentionnés à l'avant-dernier alinéa de l'article 2 et au sixième alinéa de l'article 4 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. Ces représentants sont élus par collèges en fonction des catégories mentionnées à l'article 4 de la même loi, au scrutin de liste avec représentation proportionnelle dans les conditions définies à l'article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Par dérogation, en cas d'insuffisance des effectifs, ces représentants peuvent être désignés après une consultation du personnel dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État. »
Article 21 bis
I. - L'article L. 1432-11 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1432-11. - I. - Il est institué dans chaque agence régionale de santé un comité d'agence et un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, compétents pour l'ensemble du personnel de l'agence.
« 1. Le comité d'agence exerce les compétences prévues au II de l'article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État et celles prévues au chapitre III du titre II du livre III de la deuxième partie du code du travail, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d'État en application de l'article L. 2321-1 du même code. Il est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine.
« Ce comité comprend le directeur général de l'agence ou son représentant, qui le préside, et des représentants du personnel. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsqu'ils sont consultés.
« Les représentants du personnel siégeant au comité d'agence sont élus au scrutin de liste avec représentation proportionnelle. L'élection a lieu par collèges dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
« Les candidatures sont présentées par les organisations syndicales qui remplissent les conditions suivantes :
« 1° Pour le collège des agents de droit privé régis par les conventions collectives applicables au personnel des organismes de sécurité sociale, celles prévues par l'article L. 2324-4 du code du travail ;
« 2° Pour le collège des fonctionnaires, des agents de droit public et des agents contractuels de droit public, celles prévues par l'article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
« 2. Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est institué dans les conditions prévues par l'article 16 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée. Il exerce les compétences du comité institué par ce même article et celles prévues au chapitre II du titre Ier du livre VI de la quatrième partie du code du travail, sous réserve des adaptations fixées par décret en Conseil d'État. Sa composition et son fonctionnement sont fixés par décret en Conseil d'État en application de l'article L. 4111-2 du même code.
« II. - Le chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code du travail est applicable à l'ensemble des personnels de l'agence régionale de santé. Les délégués syndicaux sont désignés par les organisations syndicales représentatives dans l'agence, qui y constituent une section syndicale, parmi les candidats qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés aux dernières élections du comité d'agence.
« La validité des accords collectifs de travail, prévus au livre II de la deuxième partie du même code, est subordonnée à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés aux dernières élections du comité d'agence et à l'absence d'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections. L'opposition est exprimée dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de l'accord, dans les conditions prévues à l'article L. 2231-8 du même code.
« Pour l'application des deux alinéas précédents et pour l'appréciation de la représentativité prévue à l'article L. 2122-1 du code du travail, les modalités de prise en compte des résultats électoraux sont fixées, par décret en Conseil d'État, de façon à garantir la représentation des agents de chacun des deux collèges de personnel mentionnés aux 1° et 2° du I du présent article.
« Chaque syndicat qui constitue, conformément à l'article L. 2142-1 du code du travail, une section syndicale au sein de l'agence peut, s'il n'est pas représentatif dans l'agence, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l'agence.
« III. - Un comité national de concertation des agences régionales de santé est institué auprès des ministres chargés de la santé, de l'assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées.
« Il est composé de représentants des personnels des agences régionales de santé, de représentants de l'administration des ministères chargés de la santé, de l'assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées, de représentants des régimes d'assurance maladie et de directeurs généraux d'agences régionales de santé ou leurs représentants. Il est présidé par les ministres chargés de la santé, de l'assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées, ou leur représentant.
« Les représentants du personnel au sein du comité national de concertation sont désignés par les organisations syndicales représentées au sein des comités d'agence des agences régionales de santé, selon des modalités, fixées par décret en Conseil d'État, tenant compte des résultats aux élections des représentants du personnel à ces comités.
« Le comité national de concertation connaît des questions communes aux agences régionales de santé et relatives à leur organisation, à leurs activités, ainsi qu'aux conditions de travail, d'hygiène, de sécurité et d'emploi de leurs personnels.
« IV. - Les membres des instances mentionnées aux I et III, les délégués du personnel, les délégués syndicaux et les représentants des sections syndicales bénéficient des garanties prévues par leurs statuts respectifs et, pour ce qui concerne les salariés placés sous le régime des conventions collectives, de la protection prévue par le livre IV de la deuxième partie du code du travail. »
II. - Le présent article s'applique aux comités d'agence déjà constitués ou en cours de constitution à la date de publication de la présente loi. Toutefois, les règles de désignation des représentants du personnel prévues par l'article L. 1432-11 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure au présent article, issue de l'article 118 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, s'appliquent, jusqu'à l'expiration du mandat de leurs membres, aux comités déjà constitués à l'entrée en vigueur du présent article, ainsi qu'à ceux pour lesquels la date limite de dépôt des listes pour les élections des représentants du personnel est dépassée à cette même date.
CHAPITRE V
Dispositions transitoires et finales relatives au dialogue social dans la fonction publique
Article 22
I. - Le IV de l'article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2013.
II. - Avant l'entrée en vigueur du IV du même article 8 bis, la validité d'un accord est subordonnée au respect de l'une ou l'autre des conditions suivantes :
1° Il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au moins 50 % du nombre des voix ;
2° Il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au total au moins 20 % du nombre des voix et ne rencontre pas l'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales parties prenantes à la négociation représentant au total une majorité des voix.
Pour l'application du présent II, sont prises en compte les voix obtenues par les organisations syndicales de fonctionnaires lors des dernières élections professionnelles au niveau où l'accord est négocié.
Article 23
Les sièges attribués aux organisations syndicales représentatives de fonctionnaires pour la composition du Conseil commun de la fonction publique institué par l'article 9 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée sont attribués, jusqu'au terme d'une période transitoire qui s'achève au premier renouvellement de l'instance qui suit le 31 décembre 2013, conformément aux règles suivantes :
1° Les sièges sont répartis entre elles proportionnellement au nombre des voix prises en compte pour la désignation des représentants du personnel au Conseil supérieur de la fonction publique de l'État et au Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière dans les conditions prévues respectivement au 1° des articles 24 et 26 de la présente loi et à celles qu'elles ont obtenues aux élections organisées pour la désignation des représentants des personnels aux comités techniques paritaires de la fonction publique territoriale déjà constitués à la date de publication de la présente loi et aux instances qui en tiennent lieu en application du VI de l'article 120 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ;
2° Chaque organisation syndicale représentée au sein de l'un au moins de ces trois conseils supérieurs dispose d'un siège au moins au sein du Conseil commun de la fonction publique.
Article 24
Jusqu'au terme d'une période transitoire qui s'achève au premier renouvellement de l'instance qui suit le 31 décembre 2013, les sièges attribués aux organisations syndicales représentatives de fonctionnaires pour la composition du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État sont attribués conformément aux règles suivantes :
1° Les sièges sont répartis entre les organisations syndicales proportionnellement au nombre des voix qu'elles ont obtenues aux élections ou consultations du personnel organisées pour la désignation des représentants du personnel aux comités techniques et aux organismes consultatifs permettant d'assurer la représentation des personnels de l'État en vertu de dispositions législatives spéciales ;
2° Toute organisation syndicale justifiant au sein de la fonction publique de l'État d'une influence réelle, caractérisée par son activité, son expérience et son implantation professionnelle et géographique, dispose au moins d'un siège.
La liste des comités techniques et des organismes pris en compte pour l'application du 1° du présent article est fixée par décret en Conseil d'État.
Article 25
Les sièges attribués aux organisations syndicales représentatives de fonctionnaires pour la composition du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale sont attribués, dans le cas d'un renouvellement anticipé du mandat des représentants de ces organisations intervenant avant le 31 décembre 2013, conformément aux règles suivantes :
1° Les sièges sont répartis entre les organisations proportionnellement au nombre des voix qu'elles ont obtenues aux élections organisées pour la désignation des représentants du personnel aux comités techniques et aux instances qui en tiennent lieu en application du VI de l'article 120 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ;
2° Toute organisation syndicale justifiant au sein de la fonction publique territoriale d'une influence réelle, caractérisée par son activité, son expérience et son implantation professionnelle et géographique, dispose au moins d'un siège.
Article 26
Jusqu'au terme d'une période transitoire qui s'achève au premier renouvellement de l'instance qui suit le 31 décembre 2013, les sièges attribués aux organisations syndicales représentatives de fonctionnaires pour la composition du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière sont attribués conformément aux règles suivantes :
1° Les sièges sont répartis entre les organisations proportionnellement au nombre des voix qu'elles ont obtenues aux élections organisées pour la désignation des représentants du personnel aux comités techniques d'établissement, agrégées au niveau national et aux comités consultatifs nationaux ;
2° Toute organisation syndicale justifiant au sein de la fonction publique hospitalière d'une influence réelle, caractérisée par son activité, son expérience et son implantation professionnelle et géographique, dispose au moins d'un siège ;
3° Un des sièges est attribué à l'organisation syndicale la plus représentative des personnels de direction des établissements mentionnés aux 1° et 7° de l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée.
Article 27
I. - Les règles relatives à la composition et au fonctionnement des instances consultatives prévues aux articles 4, 6 et 16 entrent en vigueur à compter du premier renouvellement de ces instances suivant la publication des dispositions réglementaires prises pour leur application, sous réserve des dispositions prévues par les articles 23, 24 et 26.
II. - Les règles relatives à la composition et au fonctionnement du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale prévues aux articles 10 et 11 entrent en vigueur à compter du premier renouvellement du mandat des représentants des organisations syndicales de fonctionnaires de l'instance suivant la publication des dispositions réglementaires prises pour leur application, sous réserve des dispositions prévues par l'article 25.
III. - Les règles relatives à la composition et au fonctionnement des instances consultatives prévues aux articles 12, 13, 14 bis, 14 ter, 17, 18, 20 et 21 entrent en vigueur à compter du premier renouvellement de ces instances suivant la publication des dispositions réglementaires prises pour leur application. Toutefois, les règles fixées en application de l'article 25 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, pour la désignation des représentants du personnel aux comités consultatifs nationaux continuent de s'appliquer, jusqu'à l'expiration du mandat de ses membres, au comité consultatif national constitué en 2010 pour le corps des directeurs des soins.
IV. - Les règles de composition des commissions administratives paritaires prévues par l'article 14 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente loi, continuent de s'appliquer, jusqu'à l'expiration du mandat de leurs membres, aux commissions dont le mandat a été renouvelé en 2010 ainsi qu'à celles pour lesquelles la date limite de dépôt des listes pour le premier tour du scrutin est prévue avant le 31 décembre 2010.
V. - Les règles relatives à la composition et au fonctionnement des comités techniques et des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la fonction publique de l'État prévues aux articles 8 et 8 bis peuvent être rendues applicables selon des modalités définies par décret en Conseil d'État aux comités techniques paritaires et aux comités d'hygiène et de sécurité dont le mandat des membres a été renouvelé en 2010 ainsi qu'à ceux pour lesquels la date limite de dépôt des candidatures pour le premier tour du scrutin est prévue avant le 31 décembre 2010. Toutefois, les règles de désignation des représentants du personnel prévues par l'article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente loi, continuent de s'appliquer à ces instances jusqu'à l'expiration du mandat de leurs membres.
VI. - L'article 3 entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 31 mars 2011.
VII. - L'article 14 s'applique à compter de la publication des dispositions réglementaires prises pour son application aux comités techniques paritaires déjà constitués ou en cours de constitution à cette même date.
Article 28
Afin de permettre la convergence des élections des organismes consultatifs, la durée du mandat des membres du Conseil commun de la fonction publique, du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État, du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, des commissions administratives paritaires et des comités compétents en matière d'hygiène et de sécurité relevant des trois fonctions publiques, des comités techniques paritaires et des comités techniques relevant de la fonction publique de l'État et de la fonction publique territoriale ou des institutions qui en tiennent lieu en application de dispositions législatives spécifiques, des comités consultatifs nationaux et des comités techniques d'établissement relevant de la fonction publique hospitalière peut être réduite ou prorogée, dans la limite de trois ans, par décret en Conseil d'État.
………………………………………………………………………………………….
Article 29 bis
I. - L'article 31-2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom est ainsi modifié :
1° Après la première phrase du troisième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Sont appelées à participer à ces négociations les organisations syndicales disposant d'au moins un siège dans les comités techniques au sein desquels s'exerce la participation des agents de La Poste et qui sont déterminés en fonction de l'objet et du niveau de la négociation. » ;
1° bis La dernière phrase du troisième alinéa est supprimée ;
2° Après le troisième alinéa, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« La validité des accords collectifs conclus à La Poste est subordonnée à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au total au moins 30 % des suffrages exprimés et à l'absence d'opposition d'une ou de plusieurs organisations syndicales parties prenantes à la négociation représentant au total une majorité des suffrages exprimés.
« Pour l'application de l'alinéa précédent, sont prises en compte les voix obtenues par les organisations syndicales lors des dernières élections aux comités techniques, au niveau où l'accord est négocié.
« Si la négociation couvre un champ plus large que celui d'un seul comité technique, les résultats des élections sont agrégés pour permettre l'appréciation respective de l'audience de chaque organisation syndicale.
« Si la négociation couvre un champ plus restreint que celui d'un comité technique, il est fait référence aux résultats des élections de ce comité technique, le cas échéant, dépouillés au niveau considéré, pour apprécier l'audience respective de chaque organisation syndicale.
« L'opposition est exprimée dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de l'accord. Elle est écrite et motivée. Elle est notifiée aux signataires. » ;
3° Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Des instances de concertation et de négociation sont établies au niveau national et au niveau territorial, après avis des organisations syndicales représentatives. Elles suivent l'application des accords signés.
« Une commission nationale de conciliation est chargée de favoriser le règlement amiable des différends. »
II. - Jusqu'au renouvellement des comités techniques de La Poste, les résultats des élections pris en compte au titre du I sont ceux issus des dernières élections professionnelles.
TITRE II
DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES À LA FONCTION PUBLIQUE
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Article 31
L'article 76-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les années : « 2008, 2009 et 2010 » sont remplacées par les années : « 2010, 2011 et 2012 » ;
2° À la seconde phrase du quatrième alinéa, les mots : « avant le 31 juillet 2011 » sont remplacés par les mots : « avant le 31 juillet 2013 ».
Article 31 bis
Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par voie d'ordonnance à l'adoption de la partie législative du code général de la fonction publique.
Les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance, sous réserve des modifications rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, l'harmonisation de l'état du droit et l'adaptation au droit de l'Union européenne ainsi qu'aux accords internationaux ratifiés, ou des modifications apportées en vue :
1° De remédier aux éventuelles erreurs ;
2° D'abroger les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet ;
3° D'adapter les renvois faits respectivement à l'arrêté, au décret ou au décret en Conseil d'État à la nature des mesures d'application nécessaires ;
4° D'étendre, dans le respect des règles de partage des compétences prévues par la loi organique, l'application des dispositions codifiées, selon le cas, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, aux Terres australes et antarctiques françaises et aux îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, et de procéder si nécessaire à l'adaptation des dispositions déjà applicables à ces collectivités.
L'ordonnance doit être prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.
Article 32
La loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée est ainsi modifiée :
1° Au deuxième alinéa de l'article 3 et au troisième alinéa de l'article 9-2, les mots : « aux 1° et 3° » sont remplacés par les mots : « aux 1°, 3° et 5° » et au troisième alinéa de l'article 3 et au quatrième alinéa de l'article 9-2, les mots : « aux 4°, 5° et 6° » sont remplacés par les mots : « aux 4° et 6° » ;
2° L'article 65-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les années : « 2009, 2010 et 2011 » sont remplacées par les années : « 2011, 2012 et 2013 » ;
b) À la seconde phrase du deuxième alinéa, la date : « 31 juillet 2012 » est remplacée par la date : « 31 juillet 2014 » ;
3° L'article 65-2 est ainsi rédigé :
« Art. 65-2. - Par dérogation aux dispositions de l'article 65, l'évaluation des personnels de direction et des directeurs des soins des établissements mentionnés à l'article 2 et la détermination de la part variable de leur rémunération sont assurées :
« - par le directeur général de l'agence régionale de santé pour les directeurs d'établissements mentionnés aux 1°, 2°, 3° et 5° de l'article 2, après avis du président de l'assemblée délibérante ;
« - par le représentant de l'État dans le département pour les directeurs des établissements mentionnés aux 4° et 6° de l'article 2, après avis du président de l'assemblée délibérante ;
« - par le directeur d'établissement pour les directeurs adjoints et les directeurs des soins. »
Article 33
I. - L'article 37 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, l'article 60 bis de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée et l'article 46-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée sont ainsi modifiés :
1° À la deuxième phrase du troisième alinéa, les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » ;
2° Le quatrième alinéa est supprimé.
II (nouveau). - Au début du 2° de l'article L. 6152-4 du code de la santé publique, les mots : « Les troisième et quatrième alinéas » sont remplacés par les mots : « Le troisième alinéa ».
Article 34
I. - À compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, les fonctionnaires de la préfecture de police de Paris mentionnés à l'article 118 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale qui exercent leurs fonctions dans le service technique interdépartemental d'inspection des installations classées sont mis de plein droit, à titre individuel, à disposition de l'État. Ils sont placés, pour l'exercice de leurs fonctions, sous l'autorité du chef du service déconcentré de l'État dans la région d'Île-de-France compétent pour les installations classées.
Cette mise à disposition est assortie du remboursement par l'État au budget spécial de la préfecture de police des rémunérations, charges sociales, frais professionnels et avantages en nature des fonctionnaires intéressés. Les modalités de la mise à disposition sont définies par une convention.
Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa peuvent, dans un délai d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi et dans les conditions fixées aux II et III de l'article 123 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ainsi que par le décret prévu au III du présent article, opter pour le statut de fonctionnaire de l'État. À l'issue de ce délai, les fonctionnaires qui n'ont pas fait usage de leur droit d'option sont réputés avoir opté pour le maintien de leur statut antérieur et restent mis à disposition de plein droit de l'État.
II. - Les fonctionnaires mentionnés à l'article 118 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée qui sont, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, dans l'une des situations prévues au 4° de l'article 57 et aux articles 60 sexies, 64, 70, 72 et 75 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée qui étaient, à la date de la promulgation de la présente loi, affectés au sein du service technique interdépartemental d'inspection des installations classées de la préfecture de police et qui n'ont pas été mis à disposition de l'État, sont, lors de leur réintégration, mis à disposition de plein droit de l'État, sous réserve que cette réintégration intervienne dans un délai d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
Les dispositions des deuxième et dernier alinéas du I du présent article s'appliquent aux fonctionnaires mentionnés à l'alinéa précédent à compter de leur mise à disposition de plein droit. Toutefois, le délai prévu au dernier alinéa du I court, pour les mêmes fonctionnaires, à compter de leur réintégration.
III. - Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article.
M. le président. Sur les articles 1er à 8 bis, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Nous allons maintenant examiner l’amendement déposé sur l’article 11.
article 11
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Vial, avec accord du Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il s’agit de corriger une erreur matérielle en supprimant une disposition redondante avec le 5° de l’article 15 du projet de loi.
M. le président. Le vote sur l’article 11, modifié, est réservé.
Sur les articles 13 à 33, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Nous allons maintenant examiner l’amendement déposé sur l’article 34.
article 34
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Premier alinéa du II
Remplacer les mots :
qui étaient, à la date de la promulgation de la présente loi,
par les mots :
et qui étaient, avant d'être placés dans l'une de ces situations,
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur de la commission des lois. Avis favorable.
M. le président. Le vote sur l’article 34, modifié, est réservé.
Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements précédemment adoptés par le Sénat.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je tiens à remercier la commission des lois et son président, le rapporteur, Jean-Pierre Vial, ainsi que Mme Desmarescaux, qui a été rapporteur pour avis de ce texte.
Je remercie également la majorité du soutien qu’elle a apporté à ce texte, qui sera ainsi bientôt définitivement adopté.
Mais je tiens à remercier aussi l’opposition, avec laquelle nous avons eu un dialogue courtois et constructif, même si subsistent entre nous des points de désaccord. Pour ma part, je suis convaincu que le texte qui ressort des travaux du Parlement va dans la bonne direction.
6
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour un rappel au règlement.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, il suffit de contempler l’hémicycle en cet instant pour constater les dégâts que cause l’audition aujourd'hui même par la commission des finances, à partir de quatorze heures trente, de Mme Christine Lagarde et de M. Alain Marleix.
Il paraîtrait essentiel, au regard des exigences du dialogue parlementaire, de faire en sorte qu’il n’y ait pas concomitance entre l’audition de membres du Gouvernement et une séance aussi importante que celle-ci.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Mahéas, la question de la taxe professionnelle est importante et il était indispensable d’entendre Mme Lagarde à son sujet. Je précise que le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, m’avait averti de la programmation de cette audition, dont l’organisation a été apparemment assez difficile.
Bien sûr, on ne peut que regretter qu’elle se soit déroulée au moment même où nous examinions en séance publique le texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social.
M. le président. Merci de ces précisions, mon cher collègue.
Le problème soulevé par M. Mahéas est souvent évoqué en conférence des présidents. Du reste, en ce moment même, se réunissent également la commission des affaires étrangères, la commission de l’économie, la commission des affaires européennes et la commission de la culture.
M. Jacques Mahéas. Mais elles n’entendent pas de ministres !
M. le président. C’est là toute la difficulté d’un emploi du temps fort chargé et il appartient à nos collègues d’arbitrer entre les travaux en commission et les travaux en séance publique.
Le rappel à la vertu n’exclut pas la vertu partagée !
M. Jacques Mahéas. Il s’agit quand même de la réforme des finances locales !
M. le président. Monsieur Mahéas, n’entamons pas de débat entre nous, si vous le voulez bien ; je fais simplement ici état de la situation.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à dix-sept heures pour débattre sur un thème important : la crise financière européenne. Je vous rappelle que cette séance de questions cribles thématiques sera retransmise par Public Sénat et France 3.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Questions cribles thématiques
la crise financière européenne
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la crise financière européenne.
Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Je veux croire que chacun aura à cœur de respecter son temps de parole, aidé en cela par les afficheurs de chronomètres qui sont à la vue de tous dans l’hémicycle.
Je précise enfin que cette séance de questions cribles thématiques est diffusée en direct sur Public Sénat et sera rediffusée ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir ou jamais, de Frédéric Taddéï.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise financière de l’été 2007 a fait la démonstration que plusieurs décennies de libéralisation des secteurs financiers et de privatisation des établissements de crédit avaient entraîné des problèmes majeurs de fonctionnement et de dérégulation de l’ensemble du secteur.
Durant vingt-cinq années, le nombre des produits dérivés a augmenté tandis que les réseaux bancaires ont multiplié les services payants, réduit l’accès au crédit des personnes les plus vulnérables et des plus petites entreprises, accru le coût global de la ressource bancaire pour l’ensemble des activités sociales et économiques.
Le bilan de cette libéralisation, même si le secteur financier de notre pays semble avoir mieux résisté à la tourmente de 2008, est donc globalement négatif.
Ainsi, vingt-cinq années de libéralisation et de privatisation ont conduit à la stagnation de l’emploi dans le secteur concerné. Elles ont été marquées par le développement du surendettement des ménages les plus modestes, et la nation a été privée de nombre d’outils nécessaires à la relance économique.
S’il fallait apporter une preuve de ce processus, sans doute conviendrait-il de rappeler que le plan de sauvetage des banques de 2008 n’a été assorti d’aucune contrepartie et que les établissements bancaires ont d’abord et avant tout pensé à leur redressement financier plutôt qu’au financement de la relance de l’activité économique, rationnant le crédit aux petites et moyennes entreprises et aux particuliers.
Le plan d’aide à la Grèce n’a été que la répétition de ce plan d’aide aux banques. En réalité, il a consisté à endetter le pays pour sauver les banques, sans aucune contrepartie, là encore.
Aussi, madame la secrétaire d'État, nous vous demandons d’envisager, dans les meilleurs délais, les conditions dans lesquelles la France pourrait se doter de nouveau d’un secteur bancaire et assurantiel public, élargissant ce qui reste aujourd’hui sous maîtrise publique en ce domaine, à savoir la Banque postale, la Caisse des dépôts et consignations, ou encore OSEO. Quand le Gouvernement va-t-il faire en sorte que le secteur bancaire et financier soit placé sous maîtrise publique, avec des fins évidentes d’utilité sociale et économique ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Christine Lagarde, actuellement retenue à l’Élysée. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Pour ma part, je me réjouis de la tenue du présent débat. Il permet, sur des sujets en apparence techniques mais en réalité très politiques, de réaliser ensemble un travail de pédagogie et d’explicitation.
Pour en venir à votre propos, monsieur Vera, vous avez pointé deux éléments finalement assez justes. D'une part, la dérégulation à l’échelle mondiale, dont nous avons pu constater certains effets au moment de la crise, a malheureusement eu des conséquences tout à fait déplorables. D'autre part, notre secteur financier national a bien résisté.
En revanche, vous avez formulé un certain nombre d’allégations qui ne me paraissent pas réellement fondées.
Lorsque le plan « de sauvetage des banques », pour reprendre les termes que vous avez employés, a été mis en place, il s’agissait à l’époque de redonner du souffle au crédit, secteur alors en pénurie, et, partant, à l'économie française, au bénéfice des entreprises et des ménages. La contrepartie de ce plan, à savoir la rémunération de l’État par les banques, a rapporté autour de 1,4 milliard d'euros.
De plus, les mesures élaborées pour accompagner les engagements pris par les banques – je pense notamment à l’instauration du médiateur du crédit – ont permis aux entreprises de ne pas être asphyxiées.
Par ailleurs, pour ce qui concerne la Grèce, ainsi que l'ensemble des dispositifs européens dont nous aurons l’occasion de reparler, je voudrais souligner combien, là encore, la France a pris nombre d’initiatives pour garantir la solidité de nos systèmes financier et bancaire et celle de l’euro, et donc pour assurer la préservation de l’emploi et de l’activité.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour la réplique.
M. Bernard Vera. Madame la secrétaire d'État, force est de le constater : vous n’avez pas répondu à ma question !
Je me permets par conséquent d’insister : selon les estimations de la Cour des comptes rendues publiques à la fin du mois de mai dernier, entre 2008 et 2009, l’État aurait perdu près de 6 milliards d’euros en ne prenant pas part au capital des banques. La commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale estime, quant à elle, à plus de 13 milliards d’euros la perte due au remboursement des avances de l’État au prix atteint par les actions de ces mêmes banques au moment de la crise.
La réalité des chiffres ne fait donc pas apparaître sous un jour très reluisant la manière dont notre pays a géré la crise financière ! Argent perdu, emplois sacrifiés, crédit contracté : tous ces éléments suffisent amplement pour légitimer la maîtrise publique des secteurs bancaire et financier. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, jeudi dernier, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne ont décidé d’organiser un test de résistance – dénommé aussi stress test – pour tous les grands établissements financiers européens ; ils ont prévu d’en publier les résultats avant la fin du mois de juillet prochain. En délivrant des informations fiables, cette opération de transparence contribuera sans doute à rassurer les marchés financiers. Nous saluons donc sa mise en œuvre.
Pour autant, la crise grecque a révélé que les États, eux aussi, ont l’obligation de communiquer des informations sincères et crédibles.
Pour conforter la convalescence fragile de notre économie, il est crucial que la France s’engage à réduire ses déficits et sa dette publique. Mais, plus important encore, il faut que nos engagements soient crédibles,…
M. Philippe Marini. Très bien !
M. François Zocchetto. … qu’ils reposent sur des hypothèses sérieuses,…
M. Philippe Marini. Absolument !
M. François Zocchetto. … et que l’ensemble des informations relatives à nos comptes publics soient sincères.
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. Guy Fischer. Il y a de quoi faire !
M. François Zocchetto. Or, aujourd’hui, nos prévisions de croissance pour 2011, 2012 et 2013 sont trop optimistes.
Mme Nicole Bricq et M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. François Zocchetto. On sait pertinemment que le taux de croissance prévisionnel de 2,5 % est assez fantaisiste.
M. Guy Fischer. Personne n’y croit !
Mme Nicole Bricq. À part le Gouvernement !
M. François Zocchetto. Les hypothèses retenues dans le programme de stabilité ne sont pas crédibles. Pis encore, malheureusement, elles ne sont pas cohérentes avec celles qui figurent dans la programmation annexée au projet de loi de finances pour 2010.
Ma question, madame la secrétaire d’État, est donc double.
Premièrement, quand le Gouvernement entend-il réviser sa prévision de croissance pour 2011 et au-delà ?
M. Guy Fischer. Pas avant la fin de l’année !
Mme Gisèle Printz. L’année prochaine !
M. François Zocchetto. Deuxièmement et surtout, quand et comment le Gouvernement compte-t-il mieux articuler les programmes de stabilité avec les lois de finances ?
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Monsieur Zocchetto, je vous fournirai deux réponses, que j’espère claires, à votre double question, qui, elle, l’est assurément.
Le premier point concerne la prévision de croissance, fixée à 2,5 % pour 2011. À cet égard, nous allons suivre la procédure habituelle, c’est-à-dire attendre les résultats du deuxième trimestre de l’année courante, disponibles au cours du mois d’août,…
M. Guy Fischer. Le 13 !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. … et aviser ensuite. D’ici là, la prévision est maintenue, et il est trop tôt pour la modifier. Cette remarque vaut pour cette année comme pour toutes les autres.
Vous avez employé, monsieur le sénateur, le qualificatif « fantaisiste », ce qui, me semble-t-il, est tout à fait exagéré et ne correspond pas à la réalité. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.) Un certain nombre de prévisions fournies par des experts indépendants montrent que notre prévision de 2,5 % n’est pas du tout irréaliste. Je voudrais citer celles de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques – 2,1 % –, de Goldman Sachs – 2,7 % –, ou encore de Bank of America – 2,1 %.
Mme Nicole Bricq. Goldman Sachs, ce n’est pas la meilleure référence ! Selon cette banque, la Grèce n’avait aucun problème !
M. Guy Fischer. Il ne faut pas lui faire confiance !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Comme Christine Lagarde a eu l’occasion de l’indiquer, le taux susvisé est assez volontariste. Elle a même employé le qualificatif « audacieux ». Il faut tenir compte d’un certain nombre de bons signaux enregistrés récemment. Je pense aux créations nettes d’emploi au premier trimestre, alors que tous les experts tablaient sur des destructions.
L’expérience du passé montre que les rebonds techniques sont d’autant plus puissants que la crise préalable a été profonde ; et Dieu sait que tel fut le cas !
Encore une fois, il est trop tôt pour modifier la prévision, et nous attendrons pour ce faire de connaître le chiffre de la croissance du deuxième trimestre, dont nous tiendrons compte, bien entendu, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances et des débats budgétaires qui débuteront au Parlement à partir du mois de septembre.
Cela m’amène au deuxième point de votre question, monsieur Zocchetto, puisque vous souhaitez connaître les modalités envisagées pour permettre une meilleure articulation entre les programmes de stabilité transmis à l’échelon européen et les lois de finances nationales.
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Ce débat renvoie d’une part, à des enjeux majeurs, ceux d’une meilleure gouvernance européenne, pour laquelle, lors du dernier Conseil européen, les chefs d’État et de gouvernement, sur l’initiative, notamment, de la France et de l’Allemagne, ont souhaité des avancées, et, d’autre part, aux travaux du groupe présidé par M. Herman Van Rompuy, auquel participe d’ailleurs Christine Lagarde.
M. le président. Il vous faut conclure, madame la secrétaire d’État !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Je conclus, monsieur le président, mais il s’agit d’un point véritablement important.
Ainsi, le Conseil européen s’est montré favorable à l’idée selon laquelle les programmes de stabilité et de convergence, pour les années suivantes, pourraient être présentés à la Commission au printemps, en tenant compte des procédures budgétaires nationales. Voilà une mesure qui, me semble-t-il, contribuerait à renforcer la transparence et le rôle du Parlement.
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le cadre de la transparence que nous souhaitons tous, il serait à mon sens extrêmement important et intéressant de pouvoir disposer, au plan européen, d’une visibilité suffisante sur les actifs toxiques et leurs effets pervers à moyen terme, tant il est vrai que nous n’avons pas encore « purgé » la totalité de la question.
M. Guy Fischer. On en est loin !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en attaquant la dette souveraine des pays les plus fragiles de la zone euro, les marchés ont soudain fait prendre conscience aux États de l’Union européenne que l’euro était une monnaie orpheline, faute de gouvernance économique commune.
Jeudi dernier, les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement ont reconnu l’urgence de renforcer la coordination des politiques économiques et défini les premières orientations concernant tant le pacte de stabilité et de croissance que la surveillance budgétaire et macroéconomique. La création d’une taxe bancaire et d’une taxe sur les transactions financières décidée par le Conseil européen sera soumise au G20 à la fin du mois.
Cette décision est positive car, jusqu’à présent, le concept de gouvernance économique semblait tabou. Cependant, les mesures prises par les Vingt-Sept surviennent bien tard, sont imprécises et ne vont pas assez loin.
Quelles seront les sanctions appliquées aux pays qui ne respectent pas le pacte de stabilité et de croissance ? Que préconise la France : la suspension du droit de vote au Conseil des ministres ou celle des aides régionales ? Pourquoi la pérennisation du Fonds européen de stabilisation financière n’a-t-elle pas été abordée ?
Le choix par le sommet franco-allemand de l’Union à vingt-sept, et non de la seule zone euro, rend très problématique toute discussion. Cette orientation allemande n’est que comptable : rien sur l’harmonisation fiscale, rien sur un budget à hauteur des enjeux, rien sur les capacités d’emprunt.
Le défaut de convergence sur tous ces points aboutit à une absence de solidarité entre les pays de l’Union européenne, ne fait que des perdants, fragilise l’euro, condamne l’Europe à rester un nain politique, et donc compromet toutes ses ambitions.
Madame la secrétaire d’État, quelles sont les propositions du Gouvernement pour conduire à une véritable gouvernance économique ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Monsieur de Montesquiou, nous connaissons votre engagement européen, vous connaissez celui du Gouvernement. Je dois le dire, je vous trouve quelque peu pessimiste…
M. Guy Fischer. Il a raison !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. … au regard des avancées tout à fait remarquables, que je qualifierai même d’« historiques », obtenues, notamment sous l’impulsion de la France et de Nicolas Sarkozy, en matière de gouvernance européenne.
Au fil des mois, le Conseil européen a fait preuve de réactivité et de solidarité. Il a instauré le mécanisme européen de stabilité financière, mis en place les dispositifs de soutien à la Grèce, et repris les positions communes à la France et à l’Allemagne en vue du G20, auxquelles vous avez fait référence.
Pour ce qui concerne la gouvernance européenne stricto sensu, le Conseil européen du 17 juin dernier a accueilli favorablement les premières pistes de réforme qui doivent être approfondies et qui répondent à nos attentes.
Il s’agit, d’abord, de renforcer le pacte de stabilité et de croissance. Pour ce faire, il faudra prévoir notamment la mise en place d’un « semestre européen ». Selon ce nouveau concept, à partir de 2011, les programmes de stabilité et de convergence seront transmis au printemps, les procédures nationales étant prises en compte. Il faudra également veiller à la mise en place par les pays membres de règles budgétaires nationales et de cadres budgétaires à moyen terme conformes au pacte de stabilité et de croissance.
Cette première orientation vise également à rendre les sanctions plus efficaces ; des sanctions politiques pourraient être envisagées.
Il s’agit, ensuite, de parvenir à des avancées en matière de transparence des comptes et des statistiques. Tirant la leçon que la crise grecque lui a malheureusement enseignée, le Conseil européen a estimé souhaitable, en outre, de mettre en place un contrôle plus efficace.
Il s’agit, enfin, d’élaborer un tableau de bord qui permettrait de détecter et de traiter à la fois les écarts de compétitivité et les équilibres courants.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, nous devons avancer sur cette voie de l’amélioration des convergences de compétitivité, notamment au regard des pays tiers, des pays émergents.
Cela suppose d’être ambitieux, sans pour autant cesser d’être pragmatiques.
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. C’est ainsi que même si le Conseil des Vingt-Sept est l’instance de décision privilégiée, en cas de nécessité, il est également possible aux seize chefs d’État de la zone euro de se réunir pour arrêter une action.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour la réplique.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la secrétaire d’État, je serais, selon vous, pessimiste. Pour ma part, je vous trouve extrêmement optimiste !
Une Europe à vingt-sept doit décider à l’unanimité, ce qui est fort improbable. À titre de comparaison, je pense à l’équipe de France de football, dans laquelle chacun joue pour soi ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. Nous sommes en train de perdre !
M. Guy Fischer. On voit où cela conduit !
M. le président. Le Sénat n’en étant pas aux prolongations, je donne la parole à M. Philippe Marini ! (Sourires.)
M. Philippe Marini. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons évoqué, voilà quelques instants, les incertitudes qui pèsent sur le taux de croissance de notre pays puis la gouvernance de la zone euro.
Ma question, qui s’adresse particulièrement à vous, madame la secrétaire d’État chargée du commerce extérieur, porte sur une donnée tout à fait essentielle pour déterminer quelle sera la conjoncture lors des mois et des années à venir. Elle concerne, en effet, la parité monétaire, plus particulièrement le taux de change de l’euro par rapport au dollar.
Pour nombre de macro-économistes, le lien entre une baisse durable de cette parité et un regain de croissance est établi par l’analyse économétrique, par les modèles, lesquels nous donnent des résultats très variables.
Madame la secrétaire d'État, pensez-vous que les conséquences du repli de l’euro seront plus importantes sur les exportations que sur les importations ? De quels éléments disposez-vous sur ce sujet ?
Plus précisément, la sortie des mécanismes de couverture souscrits par les entreprises pour se protéger des aléas de la parité va-t-elle leur permettre de dégager des bénéfices supplémentaires ?
Quelle appréciation portez-vous sur les effets du maintien du taux de change à la parité actuelle sur notre croissance ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, j’évoquerai, en guise d’introduction, trois points.
Premièrement, l’évolution de l’euro doit être appréciée sur une longue période. En cet après-midi, le taux de change de l’euro par rapport au dollar se situe autour de 1,23 ; il est donc supérieur non seulement au niveau le plus bas atteint le 7 juin dernier, mais également à son niveau initial – 1,17 – en vigueur au moment de la création de la monnaie unique.
Deuxièmement, la comparaison doit être étendue au-delà du dollar à l’ensemble des devises. Le repli de l’euro a été également sensible vis-à-vis du yen, par exemple.
Troisièmement, l’impact sur les marchés extérieurs du taux de change effectif de la France est atténué par le fait que la plupart de nos concurrents, notamment l’Allemagne et l’Italie, appartiennent eux aussi à la zone euro.
J’en viens au cœur de votre question, monsieur Marini. Il est clair que la baisse de l’euro au cours des sept derniers mois est positive pour nos exportateurs qui produisent dans la zone euro et qui vendent leur production en dollars. Je pense, par exemple, aux secteurs de l’aéronautique, notamment à EADS, ou de la pharmacie. D’aucuns estiment par ailleurs que si la parité était proche de 1,20, la situation serait beaucoup plus équilibrée.
Le gain de compétitivité dont bénéficient les exportateurs français du fait de la baisse de l’euro dope donc l’activité, mais nous avons du mal à en faire une évaluation chiffrée. Pour 2010, il est de l’ordre de quelques dixièmes de points. Sans doute ira-t-il encore au-delà puisque certaines grandes entreprises sortiront des mécanismes de couverture, que vous avez évoqués.
Par ailleurs, le repli de l’euro est en bonne partie dû à des tensions sur les marchés financiers qui pèsent, en outre, sur l’activité, tandis que le coût des importations se renchérit.
Quoi qu’il en soit, sur le plan commercial, la baisse de la monnaie européenne est une bonne nouvelle, même si nous ne sommes pas capables d’en évaluer l’impact exact. Permettez-moi de rappeler que le commerce extérieur a contribué positivement à la croissance française dès le premier trimestre de cette année.
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour la réplique.
M. Philippe Marini. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces éléments de réponse. Je suggère que l’évolution de l’euro fasse l’objet d’un suivi extrêmement précis, mois après mois, et que les commissions approfondissent cette question. Certes, il existe des références historiques, mais il faut aussi prendre en compte la manière dont sont construits les modèles macroéconomiques et qui peut permettre d’expliquer les résultats variables que j’évoquais précédemment.
Enfin, s’agissant des biens d’équipement, selon M. Gallois, pour Airbus, la bonne parité se situerait à 1,20. Nous y sommes. Je souhaite que ce chiffre soit annonciateur de succès en termes d’exportations pour une industrie aussi stratégique.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Du point de vue du calendrier, le Conseil européen vient de se dérouler et le sommet du G20 doit se tenir à Toronto. Mais nous voyons bien que l’Union européenne est un bateau ivre : elle n’a ni vision, ni projets, ni stratégie, ni leadership !
Elle n’a pas de projet, car elle ne veut pas franchir le pas du fédéralisme. Mais elle ne développe pas pour autant des politiques économiques coopératives.
Elle n’a pas davantage de stratégie : celle de Lisbonne est morte, faute d’avoir été appliquée. La nouvelle est un catalogue de bonnes intentions, sans l’ombre d’un financement communautaire.
Quant au leadership, les déclarations de Mme Merkel et de M. Sarkozy ne sauraient cacher la réalité : ceux qui devraient faire des propositions à l’Union européenne sont profondément divisés !
Pour sa part, la Banque centrale européenne, qui s’est affranchie de ses dogmes pendant la crise financière, ne sait plus où elle va. Tout juste croyons-nous savoir que le commissaire chargé du marché intérieur et des services, Michel Barnier, fera au mois de septembre des propositions sur la régulation financière. Et le groupe de travail présidé par M. Van Rompuy ne s’occupe que des sanctions devant être appliquées aux États qui ne respecteraient pas le pacte de stabilité !
L’Union européenne va donc arriver très affaiblie au sommet de Toronto, au cours duquel devait être évoquée la création d’une part, d’une taxe bancaire – cette taxe systémique est destinée à prévenir le risque, afin que les États et les populations ne soient les prêteurs de dernier ressort, les assureurs des fautes commises par les banques et les établissements financiers – et, d’autre part, d’une taxe sur les transactions financières. Sur l’un et l’autre sujet, l’Europe devait se montrer à peu près unie.
Il ne sera probablement question d’aucune de ces taxes, à en juger par la lettre que M. Obama a envoyée aux chefs d’État du G20, le président américain se préoccupant, à juste titre, de la croissance. Les Européens devraient l’imiter !
Que fera le gouvernement français, si rien n’est décidé lors du prochain G20, pour faire avancer cette cause à l’échelon tant national qu’européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Madame Bricq, en ces matières, le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide ? J’ai tendance à considérer que nous sommes en train de franchir un certain nombre d’étapes, certes, à petits pas, mais ces derniers sont ambitieux et résultent de l’action de la France, de l’Allemagne et d’un certain nombre de partenaires, notamment la Grande-Bretagne, bien qu’elle ne soit pas dans la zone euro.
J’ai rappelé tout à l’heure les progrès réalisés dans le domaine de la gouvernance de la zone euro. Qui aurait pu en rêver voilà encore un an ou quelques mois ?
Vous avez soulevé, madame le sénateur, une absence de stratégie. Pour ce qui concerne la compétitivité européenne, nous travaillons activement, vous le savez, dans le cadre de la stratégie 2020 et avec pragmatisme. Néanmoins, rien ne sera sans doute à la hauteur des ambitions des Européens les plus convaincus.
Quant aux ambitions communes aux principaux États européens membres du G20, je vous confirme que la France et l’Allemagne se sont mises d’accord pour plaider en faveur de l’instauration d’un prélèvement sur les institutions bancaires et d’une taxe sur les transactions financières, donc, sur les flux.
Nous constatons avec satisfaction que les Britanniques se rallient eux aussi à une résolution commune pour mettre en œuvre un programme ambitieux de réforme du secteur financier.
Si, par malheur, le sujet ne devait pas être traité tout de suite sur le plan international, nous n’excluons pas une décision européenne.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour la réplique.
Mme Nicole Bricq. Ne reste du concept de gouvernement ou de gouvernance économique – la terminologie elle-même ne fait pas l’unanimité – qu’une discipline budgétaire se réduisant à deux chiffres et une date : les critères de stabilité de 3 % et de 60 % et l’échéance de 2013 à laquelle tout le monde devra être dans les clous. On ne perçoit pas le frémissement de l’amorce d’une gouvernance ou d’un gouvernement économique, sujet sur lequel l’Allemagne et la France ne sont pas d’accord.
Quant à l’instauration de taxes sur les banques et sur les transactions financières, nos deux pays divergent sur leur assiette, sur leur vocation et sur leur produit. Il y a beaucoup à faire !
Par ailleurs, le gouvernement conservateur britannique a inscrit la création d’une taxe bancaire dans son projet de budget. Que fait la France ? Vous ne répondez pas à cette question, madame le secrétaire d’État ! Nous reviendrons sur ce sujet, notamment lors de l’examen du projet de loi de régulation bancaire et financière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un très large accord semble se dessiner quant à la nécessité de réformer la gouvernance économique européenne, tirant en cela les leçons de la crise financière.
L’un des points le plus souvent évoqués est le renforcement des sanctions à l’égard des pays ne respectant pas les règles de discipline inscrites dans le pacte de stabilité et de croissance, en particulier la suspension des droits de vote pour les États qui seraient en infraction. Cette éventualité a été envisagée par la Chancelière allemande elle-même.
Cependant, sur quelle base juridique précise une telle mesure pourrait-elle s’appuyer ? En effet, les traités ne prévoient la suspension des droits de vote qu’en cas de violation grave des principes démocratiques ou des droits de l’homme. Dans toute autre hypothèse, une telle sanction ne peut donc pas être appliquée à l’heure actuelle.
Madame la secrétaire d’État, une nouvelle révision des traités sur ce point précis, excluant tout débat sur les missions assignées à la Banque centrale européenne, est-elle envisagée ? L’indispensable unanimité à toute révision peut-elle être espérée ?
Je comprends parfaitement que, face à une crise inédite, l’on évoque les hypothèses les plus diverses, mais je me demande si nous sommes réellement prêts à remettre, une fois de plus, les traités en chantier…
Mme Nicole Bricq. Bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Monsieur Bizet, dans le cadre des avancées, dont je parlais tout à l’heure, faites par le Conseil européen, dues notamment aux relations étroites qu’ils entretiennent, le Président de la République et Mme Merkel se sont en effet prononcés en faveur de sanctions, parmi lesquelles la suspension des droits de vote des États membres qui ne respecteraient pas le pacte de stabilité et de croissance.
Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, en l’état actuel du droit, il semble bien qu’une telle suspension exigerait une révision du traité sur l’Union européenne, dont l’article 7 n’autorise une telle procédure qu’en cas de violation grave des valeurs de l’Union européenne, et chacun se souvient des débats auxquels ce point a donné lieu voilà quelques années…
Le message délivré par le Président de la République lors de son déplacement du 15 juin à Berlin est clair : il faut agir avec pragmatisme.
C’est ainsi qu’il est possible d’envisager dans un premier temps un accord politique des États pour ne pas voter à certaines réunions, en particulier lors de celles qui pourraient concerner la surveillance budgétaire des pays ne respectant pas le pacte.
Dépourvu, certes, de conséquences juridiques, un tel engagement permettrait d’appliquer ce type de sanction politique à droit constant et de manière pragmatique.
Dans l’hypothèse où une révision des traités s’imposerait, la France et l’Allemagne pourraient alors éventuellement la proposer.
Au-delà de ce point particulier, je voudrais à nouveau insister sur le caractère global des réflexions, extrêmement importantes, actuellement menées par le groupe de travail présidé par M. Van Rompuy, dont les conclusions, je le rappelle, seront rendues au mois d’octobre : diverses propositions, y compris, je le suppose, concernant les sanctions, seront sur la table.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour la réplique.
M. Jean Bizet. Madame la secrétaire d'État, je prends note de ces précisions – je vous en remercie –, qui font apparaître qu’il s’agit maintenant de passer par la recherche d’accords entre différents pays membres.
Entre respect des textes et pragmatisme, il faudra bien que l’on revoie un jour les traités sous l’angle de la rigueur, mais je partage tout à fait l’approche du Président de la République, qui conduit à passer plutôt, dans un premier temps, par un accord.
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur l’inquiétude que l’on peut légitimement nourrir quant à la lenteur des réactions des autorités publiques en matière de régulations financière et bancaire.
Depuis l’été 2008, de nombreux sommets ont eu lieu : trois G 20 – Washington, Londres et Pittsburg – et cinq Conseils européens spécialement consacrés au sujet de la régulation financière. Il en résulte une prise de conscience, dont on se réjouit, et la prise d’engagements, mais il faut bien constater que la concrétisation de ces engagements a été extrêmement limitée.
Certes, quand bien même on peut se demander ce que vaut la classification des pays en liste blanche, grise ou noire, une liste des paradis fiscaux a été dressée. En revanche, le bilan est très maigre en ce qui concerne les normes comptables, l’information sur le risque et les rémunérations des acteurs bancaires.
Par ailleurs, qu’en est-il de la position de la France au sujet de la supervision financière, chère à M. Barnier ?
Quant à la régulation bancaire, que Mme Bricq vient d’évoquer, aujourd'hui, on attend que M. Obama donne le « la », mais l’on ne peut qu’être inquiet puisque la presse titrait hier : « Le G20 va officiellement enterrer l’idée d’une taxe bancaire ».
Le quiproquo est donc complet : d’un côté, l’on nous dit que l’on plaide pour une taxe et que les États-Unis veulent mettre en place un dispositif ; de l’autre, on nous annonce par avance que l’idée va sans doute être enterrée par le G20.
En définitive, et je suis certain que vous en êtes consciente, madame la secrétaire d'État, il y a un décalage manifeste entre les déclarations visant à une moralisation du capitalisme et les engagements a minima, voire les réactions apeurées du gouvernement français face à la volonté exprimée par l’Allemagne, par exemple, d’interdire les ventes à découvert à nu de certains produits spéculatifs.
Dans ces conditions, pourriez-vous nous indiquer comment la France va s’organiser pour mettre le pied sur l’accélérateur de la régulation ?
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on sait bien que si rien n’est plus rapidement entrepris, on court le risque d’assister très bientôt à d’autres phénomènes très inquiétants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, il n’est évidemment pas facile d’instaurer une régulation financière mondiale alors qu’il y a eu tant de dérives depuis des décennies et qu’une telle régulation passe par des modalités techniques très complexes.
Les difficultés et, oui, les résistances existent, mais elles ne doivent pas nous empêcher d’être particulièrement volontaristes et imaginatifs dans les propositions que nous mettons sur la table, avec conviction, lors des discussions avec nos partenaires.
Je rappelle que, en matière de régulation, la France prend l’initiative à trois échelons.
Je commence par le niveau de l’Union européenne, au cœur des dispositifs, comme en témoignent les initiatives prises et les accords passés en matière de supervision, de hedge funds, de paradis fiscaux, ou encore de produits dérivés.
Bien entendu, la régulation intervient aussi à l’échelle internationale.
Vous avez dit, monsieur Marc, que les résultats du G20 étaient déjà connus. Pour ma part, je ne préjugerai pas les résultats, surtout négatifs : nous avons eu de bonnes surprises.
Personne ne croyait, lorsque le Président Sarkozy a pris, le premier, l’initiative de réunir le G20, non plus simplement au niveau des ministres des finances, mais à celui des chefs d’État et de gouvernement, qu’il serait possible d’adopter des décisions et des mesures en matière de régulation.
Nous avons aujourd'hui bon espoir de convaincre un nombre de partenaires de plus en plus élevé et, comme je le faisais remarquer tout à l’heure, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne sont unies sur ce point.
Enfin, pour ce qui concerne l’étage national, c'est-à-dire celui de la loi française, vous ont été proposées au fil des mois et encore tout récemment, mesdames, messieurs les sénateurs, des dispositions qui mettent la France au meilleur rang et même à l’avant-garde sur tous les sujets relatifs à la régulation.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour la réplique.
M. François Marc. Pour ma part, j’ai lu, comme chacun de nous, les dépêches annonçant que les ministres des finances du G20, qui se sont encore récemment réunis en Corée du Sud, avaient décidé de « renoncer à une taxe commune » et que les chefs d’État et de gouvernement se contenteraient « sans doute d’entériner le principe du financement par le secteur financier lui-même de ses futures faillites »…
Il s’agit donc bien d’une forme de résignation anticipée,…
M. Guy Fischer. De renoncement !
M. François Marc. … que nous ne pouvons que déplorer face aux réalités que je dénonçais tout à l’heure.
S’agissant ensuite de la position du gouvernement français, vous n’apportez pas, madame la secrétaire d'État, tous les éléments rassurants que nous pouvions espérer.
Ainsi, nous restons sur l’impression que la France était « à la remorque » lorsque l’Allemagne a annoncé qu’elle allait interdire les ventes à découvert à nu, plusieurs de nos ministres ayant alors déclaré qu’une telle mesure était prématurée, inefficace et donc pas nécessairement utile…
Il semble bien que la France tarde, en somme, à agir, ce qui est inquiétant pour l’avenir. Nous souhaitons donc ardemment qu’une action plus vigoureuse soit entreprise, sujet dont nous aurons, à n’en pas douter, d’autres occasions de débattre.
M. le président. La parole est à M. Michel Sergent.
M. Michel Sergent. Voilà seulement quelques semaines, les chefs d’État européens se sont entendus pour mettre en place un mécanisme de stabilité financière garanti par les États membres à hauteur de 444 milliards d’euros.
Depuis, pas une journée ne s’écoule sans annonce d’une nouvelle série de mesures d’austérité.
Non seulement le Conseil européen qui s’est tenu à la fin de la semaine dernière a entériné une politique d’austérité généralisée, en guise de stratégie de sortie de crise, mais il a demandé au G20 de Toronto de valider les politiques de rigueur globale engagées.
Les États membres s’entendent aujourd'hui sur les sanctions renforcées, au lieu de s’attaquer d’abord aux problèmes de fond.
L’austérité est élevée au rang d’objectif politique commun. La réduction des dépenses, dont la liste s’allonge sans cesse, pénalise ainsi les citoyens en remettant en cause les normes sociales.
La stratégie 2020, qui devait être une stratégie de relance et d’investissement pour l’Europe, ne fait finalement qu’énoncer des réformes structurelles subordonnées à l’assainissement budgétaire.
La nécessité de la réduction des déficits ne doit pas détourner les États membres du besoin d’une politique de croissance qui réoriente les politiques publiques vers l’emploi et les investissements.
Pour cette raison, le pacte de stabilité doit être révisé, étant rappelé qu’il est non pas une fin en soi, mais un moyen d’atteindre des objectifs communs : croissance et stabilité, éléments que je cite volontairement dans cet ordre, car il ne pourra y avoir de retour à la stabilité si la croissance est brisée et si les écarts de compétitivité ne sont pas comblés.
Nous estimons que les conditions ne sont pas aujourd'hui réunies pour une sortie de crise.
Les politiques de soutien doivent être maintenues tant qu’il n’y a pas de reprise de la croissance. Nous n’avons eu de cesse de le rappeler depuis le début de cette crise.
C’est aussi ce qu’a affirmé Barack Obama dans une lettre adressée aux chefs d’État et de gouvernement du G20 : « nous devons être souples pour ajuster le rythme de la consolidation et apprendre des erreurs commises par le passé, quand les mesures de relance avaient été retirées trop vite. »
Aussi, madame la secrétaire d'État, quelle réponse portera le gouvernement français, en particulier Mme Lagarde, au président américain à l’occasion du G20 de Toronto ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.- M. Guy Fischer applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Je tiens tout d’abord à préciser que la France a interdit les ventes à découvert à nu dès le mois de septembre 2008 et donc, s’il y avait un décalage par rapport à l’Allemagne, il était dans l’autre sens…
Cela étant dit, il est vrai, monsieur le sénateur, que chacun cherche le chemin, un peu étroit, il faut bien l’avouer, entre d’une part, la nécessité de consolider les finances publiques et, d’autre part, celle de ne pas saper les éléments les plus porteurs de la croissance.
La consolidation des finances publiques est apparue comme une nécessité dans divers pays, qui, hélas, comme la Grèce, mais aussi le Portugal et l’Espagne, ont connu des tensions persistantes sur les marchés de leur dette publique.
Dans notre cas, il s’agit de respecter les engagements que nous avons pris, en particulier celui de ne pas alourdir la charge de la dette et le coût du remboursement de celle-ci pour nos finances publiques, d’autant que cela aurait aussi pour effet de brider l’activité.
Vous le savez, les mesures d’économie que nous adoptons ont pour objet de préserver l’investissement – je pense en particulier aux dépenses d’avenir financées par l’emprunt -, mais en aucun cas de renoncer à tout ce qui peut améliorer notre compétitivité, et donc d’assurer le meilleur chemin de croissance à notre pays.
M. le président. La parole est à M. Michel Sergent, pour la réplique.
M. Michel Sergent. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de cette réponse, mais je dois constater que nous ne sommes aujourd'hui qu’en position de réaction à la crise et non en situation de construction d’un système viable permettant à l’Union européenne de redevenir la zone de prospérité qu’elle a été.
Le Conseil européen aurait dû proposer des plans concrets pour une coordination économique qui repose enfin sur une solidarité européenne retrouvée. Ce n’est pas le choix qui a été fait, et encore moins celui de notre gouvernement ou du secrétaire général de l’Élysée, qui a annoncé dans le Financial Times la prise de nouvelles mesures d’austérité dès l’automne prochain.
M. Guy Fischer. Et même avant !
M. Michel Sergent. Pourtant, l’urgence est aujourd'hui de ne pas tuer dans l’œuf la faible croissance qui s’annonce.
Il faut donc établir un dosage entre politique de relance et consolidation budgétaire progressive qui permette de retrouver une croissance durable, accepter une restructuration des dettes de tous les États membres, en commençant par la Grèce, augmenter les ressources propres de l’Union européenne pour financer cette relance et les différents objectifs fixés.
Bref, une autre stratégie commune est possible, combinant stratégie d’investissement et soutien à long terme des finances publiques.
C’est le signal minimal qui peut être lancé aux citoyens européens, qui ne peuvent pas comprendre que c’est à eux de payer les conséquences de ces crises.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Michel Sergent. C’est bien de solidarité dont ils ont besoin !
Paul Krugman, prix Nobel de l’économie 2008, ne dit pas autre chose ces jours-ci lorsqu’il affirme qu’il est à la mode non plus de créer des emplois, mais d’infliger de la souffrance… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques, auxquelles je vous remercie, madame la secrétaire d'État, d’avoir participé.
Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de Mme Monique Papon.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
Article 65 de la Constitution
Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution (n° 537).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les deux lectures réalisées dans chaque assemblée du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution ont permis à la fois d’enrichir sensiblement le texte et de rapprocher le point de vue des deux assemblées.
Avant la réunion de la commission mixte paritaire, trois points restaient en débat : la question des incompatibilités applicables à l’avocat membre ès qualité du Conseil supérieur de la magistrature, le CSM ; les dispositifs de sanction permettant d’assurer le respect des règles de déontologie ; l’autonomie budgétaire du Conseil supérieur de la magistrature.
Sur le premier point, l’Assemblée nationale interprétait la volonté du constituant comme une exigence de laisser l’avocat exercer la plénitude de sa profession. Je cite Philippe Houillon, rapporteur pour l’Assemblée nationale de la commission mixte paritaire : « Il serait [...] paradoxal de prévoir que [l’avocat] devient membre du CSM parce qu’il est avocat et que, parce qu’il devient membre du CSM, il ne peut plus être véritablement avocat ».
Le Sénat s’attachait davantage, lui, aux exigences d’impartialité. Le simple fait que l’avocat défende une partie devant le magistrat, alors qu’il devra se prononcer sur l’avenir professionnel de ce magistrat pendant son mandat, ne suffirait-il pas, tout au moins pour la partie adverse, à jeter un doute sur l’impartialité du jugement qui sera rendu ?
Une solution de compromis a été trouvée dans un dispositif de déport renforcé ; l’exigence s’étendra aux avis ou décisions relatifs à un magistrat devant lequel l’avocat a plaidé après sa nomination au CSM, ainsi qu’aux nominations de magistrats au sein des juridictions dans le ressort desquelles se situe le barreau auprès duquel il est inscrit. Ainsi seront assurées non seulement la justice et l’impartialité, mais aussi – et nous y tenions beaucoup ! – les apparences de justice et d’impartialité.
Pour ce qui concerne le respect des règles de déontologie, le Sénat avait prévu la possibilité pour la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature de prononcer la suspension temporaire ou la démission d’office d’un membre du Conseil qui aurait manqué à ses obligations. L’Assemblée nationale a substitué l’avertissement à la suspension temporaire, estimant que celle-ci aurait risqué de stigmatiser la personne en ayant fait l’objet et de rendre problématique sa participation aux travaux ultérieurs du Conseil supérieur de la magistrature. La commission mixte paritaire s’est ralliée au texte adopté par l’Assemblée nationale.
En outre, l’Assemblée nationale avait supprimé les dispositions tendant à donner la possibilité à chaque formation du Conseil supérieur de la magistrature de décider à la majorité de ses membres si l’un de ceux-ci devait se déporter, afin d’éviter que sa présence ou sa participation n’entache d’un doute l’impartialité de la décision rendue.
La commission mixte paritaire, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Michel, a simplement prévu que la formation à laquelle l’affaire est soumise s’assure du respect des exigences d’impartialité, sans faire référence à un mécanisme de déport, laissant au Conseil supérieur de la magistrature la possibilité d’organiser un dispositif spécifique dans son règlement intérieur.
Enfin, la commission mixte paritaire a rétabli, dans la rédaction du Sénat, les dispositions relatives à l’autonomie budgétaire du Conseil supérieur de la magistrature.
Comme l’a rappelé le président de notre commission des lois, la Haute Assemblée a retenu le principe selon lequel les autorités instituées par la Constitution doivent bénéficier de garanties d’autonomie supposant qu’elles fassent l’objet de programmes spécifiques dans l’architecture budgétaire.
Je pense, mes chers collègues, que la commission mixte paritaire est parvenue à élaborer un texte équilibré. En tant que rapporteur pour le Sénat de cette commission, je vous demande de bien vouloir adopter ses conclusions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la justice. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, tout d’abord, de saluer le travail remarquable effectué sur ce texte par les commissions. Ce travail approfondi des sénateurs, puis des députés, a permis d’enrichir et d’améliorer la rédaction du projet de loi initialement proposée par le Gouvernement.
Un compromis a ainsi pu être trouvé sur le principal point de désaccord apparu entre les deux assemblées : l’avocat pourra continuer à plaider, mais il ne pourra se prononcer, au sein du Conseil supérieur de la magistrature, sur le dossier d’un magistrat devant lequel il aurait plaidé depuis sa nomination.
En précisant les conditions de ce déport, le texte me semble ainsi gagner en sagesse et en équilibre. Les conditions me paraissent maintenant parfaitement réunies, non seulement pour garantir une véritable impartialité en matière disciplinaire, mais également pour assurer l’impartialité objective et subjective des décisions rendues par les magistrats devant lesquels l’avocat plaidera.
Après le traumatisme engendré par le procès d’Outreau, le renforcement de la confiance en la justice et l’adaptation de l’institution judiciaire aux exigences d’une démocratie moderne devaient être mis à l’ordre du jour. Ce sont les enjeux majeurs de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature.
Au cœur de ce texte d’importance, je retiens deux objectifs qui me paraissent essentiels : offrir de nouvelles garanties d’indépendance à l’autorité judiciaire – l’évolution des attributions et de la composition du Conseil supérieur de la magistrature y contribuera ! –, et rapprocher la justice du citoyen à travers la saisine directe.
Le présent texte précise les attributions et la composition du Conseil supérieur de la magistrature en se fondant sur trois principes : l’indépendance, l’ouverture, la transparence.
L’indépendance, tout d’abord : le Président de la République cesse de présider le CSM. Le garde des sceaux perd, par là même, sa qualité de vice-président. La procédure de nomination du secrétaire général et les modalités de réunion du Conseil doivent donc être adaptées en conséquence.
En vertu du deuxième principe, l’ouverture, six personnalités qualifiées seront nommées par le Président de la République, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le nouvel article 65 de la Constitution prévoit, en outre, la désignation d’un avocat en tant que membre du Conseil supérieur de la magistrature.
Enfin, selon le troisième principe, la transparence, les attributions du Conseil supérieur de la magistrature, dans le domaine des nominations, sont élargies. Il rendra désormais un avis sur toutes les nominations des magistrats du parquet, y compris sur les emplois pourvus en conseil des ministres, à savoir le procureur général près la Cour de cassation et les procureurs généraux près les cours d’appel.
L’autre volet du projet de loi organique, la saisine directe du Conseil supérieur de la magistrature par le justiciable, constitue une innovation dans le droit français. Nos concitoyens ne manqueront pas de se saisir de cette faculté, dont la mise en œuvre vise à garantir l’effectivité du mécanisme, tout en préservant la stabilité de l’autorité judiciaire : il y a là un équilibre essentiel.
Je n’entrerai pas davantage dans le détail de ce texte, dont l’esprit et la philosophie correspondent à la volonté de rapprocher le justiciable de la justice, en même temps que de conforter l’image d’indépendance de notre justice.
Le Conseil supérieur de la magistrature doit refléter les ambitions de la justice d’aujourd’hui, une justice moderne, reconnue, transparente. Nous avons besoin, plus que jamais, d’une justice qui soit fière de ses valeurs, fière des principes sur lesquels elle repose, d’une justice irréprochable, consciente de la nécessaire exemplarité de chacun des magistrats, d’une justice proche des justiciables, en phase avec la société, au cœur de notre démocratie.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les objectifs de ce texte, à la rédaction duquel vous avez largement contribué, et qui s’inscrit dans la logique de la réforme constitutionnelle : nous franchissons une étape décisive, à la fois pour l’inscription de la démocratie dans le quotidien et pour le renforcement de la confiance des Français en leur justice. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme l’ont rappelé les orateurs précédents, le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution est un texte majeur. Il traduit deux avancées indéniables de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature, par le biais de la suppression de la présence du chef de l’État, et l’ouverture à tout justiciable d’un droit de saisine direct du Conseil lorsqu’il s’estime victime d’un comportement arbitraire.
Avant d’en venir au fond des conclusions de la commission mixte paritaire, je tiens à exprimer mon regret que ce texte n’ait pas réglé l’une des problématiques fondamentales de notre justice qui préoccupe à juste titre nos concitoyens : celle du statut du parquet, toujours mis à mal par le lien hiérarchique qui demeure entre la Chancellerie et les parquets généraux. La subsistance de ce lien entre pouvoir politique et justice continue de susciter de légitimes interrogations quant à l’indépendance de notre justice. Si l’arrêt Medvedyev et autres contre France de la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas définitivement tranché ce point, il soulève toutefois suffisamment de questions pour que nous décidions de mettre fin, un jour, à cette proximité douteuse qui entache la réputation de la justice française.
Je ne reviendrai pas non plus sur l’absence de parité au sein du Conseil supérieur de la magistrature ; nous avions démontré, au cours des discussions précédentes, qu’elle contrevenait à deux recommandations du Conseil de l’Europe.
S’agissant des conclusions de la commission mixte paritaire, trois questions étaient restées en suspens à l’issue des deux lectures pratiquées dans chacune des assemblées : l’interdiction de plaider pour l’avocat siégeant au CSM, les dispositifs de sanction des manquements aux règles déontologiques des membres du Conseil supérieur de la magistrature, et l’autonomie budgétaire de ce dernier.
La première de ces questions est fondamentale car elle soulève la problématique de l’indépendance de l’institution. La situation de l’avocat ne peut être comparée à celle des magistrats membres du Conseil, dans la mesure où ceux-ci sont soumis à des obligations statutaires qui garantissent leur indépendance ; l’avocat, à l’inverse, est par nature intéressé à l’issue d’une instance.
Au demeurant, la présence même d’un avocat, qui conserverait la possibilité de plaider devant des magistrats dont il pourrait connaître de la situation en matière disciplinaire, constitue à elle seule une atteinte directe à l’impartialité de la justice. Trop de présomptions, même abusives, pourraient en découler et altérer, aux yeux du justiciable, l’autorité de la justice.
Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que la Cour européenne des droits de l’homme apprécie toujours le caractère équitable d’un procès en examinant l’impartialité de la juridiction sur un plan non seulement subjectif, mais aussi objectif, en tenant compte de l’apparence d’impartialité, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur.
À ce titre, et compte tenu du fait qu’un membre de la formation compétente à l’égard des magistrats du siège sera amené à examiner, au cours de quatre années, la situation de l’ensemble des magistrats, ou quasiment, la rédaction des articles 4 et 6 bis adoptée par la commission mixte paritaire reste en deçà de ce que le Sénat avait voté.
Les membres de mon groupe étaient allés plus loin en défendant le principe d’une interdiction pure et simple de plaider, afin de lever ab initio toute suspicion pouvant peser sur l’avocat. Il me paraît regrettable que cette solution n’ait pas été suivie.
De surcroît, la possibilité de sanctionner seulement a posteriori le membre du CSM auquel est reprochée une violation de ses obligations ne fait pas disparaître les doutes pouvant entacher l’impartialité des délibérations du Conseil.
En revanche, l’échelle des sanctions adoptée par la commission mixte paritaire me paraît plus équilibrée que celle qu’avait prévue le Sénat : la substitution de l’avertissement à une suspension temporaire permet en effet d’éviter de stigmatiser le membre du Conseil supérieur de la magistrature en cause.
Enfin, j’en viens à l’autonomie budgétaire du CSM qui participe également de sa pleine indépendance vis-à-vis de la Chancellerie, en particulier de la Direction des services judiciaires. L’expérience de ces dernières années a montré que les enveloppes de crédits allouées annuellement au Conseil supérieur de la magistrature ne suffisaient pas à couvrir ses frais de fonctionnement, et qu’il devait paradoxalement solliciter des dotations exceptionnelles de la Direction des services judiciaires. Or sachant que les propositions de nomination soumises au Conseil lui sont transmises par cette direction, on se doute que l’indépendance matérielle de ce dernier n’est que pure spéculation de l’esprit.
Par l’entremise de M. le rapporteur – je l’en remercie – le Sénat a obtenu, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, le maintien du texte qu’il avait adopté : la loi de finances fixera directement le montant des crédits dont le CSM disposera, ce qui contribuera indéniablement à lui assurer une plus grande distance vis-à-vis de la Chancellerie. On ne peut que s’en féliciter !
Ces observations sur les conclusions de la commission mixte paritaire n’enlèvent rien à l’appréciation que les membres du RDSE portent sur l’ensemble du projet de loi organique.
Ainsi, le fait que le Conseil supérieur de la magistrature ne fasse que donner son avis sur les nominations des membres du parquet pose la question de l’utilité même de cet avis. L’engagement de poursuites disciplinaires par un justiciable s’estimant lésé par le comportement d’un magistrat sera également un exercice difficile, puisqu’il sera subordonné à la constatation d’une violation par une décision de justice devenue définitive. Par ailleurs, le délai de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par tout justiciable – un an après la fin de la procédure –nous paraît trop bref. Enfin, monsieur le secrétaire d’État, nous continuons de nous interroger sur l’éligibilité à l’aide juridictionnelle des plaignants introduisant une procédure devant le CSM.
Pour toutes ces raisons, ainsi que pour celles qu’a évoquées mon collègue Jacques Mézard lors de nos précédentes réunions, les membres du RDSE confirmeront leur vote des deux lectures précédentes : la grande majorité d’entre eux s’abstiendra, tandis qu’une minorité approuvera ce projet de loi organique. (M. le rapporteur applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux répéter en cet instant que les membres de mon groupe étaient favorables à une réforme du Conseil supérieur de la magistrature – ils le restent d’ailleurs –, réforme voulue par les magistrats eux-mêmes. Cependant, comme je l’ai indiqué lors des première et deuxième lectures du projet de loi organique, nous n’avons pas pu donner notre aval à l’adoption du nouvel article 65 de la Constitution, qui ne renforce qu’en apparence l’indépendance du CSM à l’égard de l’exécutif.
Certes, le projet de loi organique qui nous est soumis a le mérite d’organiser la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables. Cette procédure constitue une indéniable avancée ; ses modalités ont été renforcées et améliorées par l'Assemblée nationale, qui a permis au justiciable auteur d’une plainte d’être entendu par la commission d’admission des requêtes.
Néanmoins, le renforcement des droits des justiciables est loin de suffire pour que le texte qui nous est soumis puisse tenir les promesses affichées…
La réforme ne renforce en rien la crédibilité du Conseil supérieur de la magistrature en assurant l’autonomie de ses décisions. Loin de garantir l’indépendance souhaitée, elle maintient la mainmise de l’exécutif sur cette institution.
S’il ne préside plus le CSM, le Président de la République disposera du pouvoir de nommer deux de ses membres qualifiés et en désignera le secrétaire général. Nous aurions souhaité que les magistrats et les membres qualifiés soient à égalité au sein du Conseil, mais telle n’est pas la solution retenue.
Deux points contestables de la réforme ont été adoptés.
Premièrement, la transmission pour examen de la plainte à la formation compétente du CSM en cas de partage des voix au sein de la commission d’admission des requêtes a été retenue. Un tel partage aurait pourtant dû conduire à un classement sans suite de la plainte, car le doute devrait bénéficier au magistrat mis en cause.
Deuxièmement, le garde des sceaux a la faculté de saisir le Conseil supérieur de la magistrature des faits dénoncés malgré le rejet par la commission d’admission des requêtes d’une plainte qui lui aurait été adressée par un justiciable ou par le garde des sceaux lui-même.
Or d’une part, ces mesures nuisent à la cohérence d’un texte qui dispose, par ailleurs, que les décisions de rejet de la commission d’admission des requêtes sont insusceptibles de recours ; d’autre part, la réforme consacre par ce biais une immixtion de l’exécutif dans la procédure disciplinaire, afin, vraisemblablement, de permettre au Gouvernement d’user de la menace de sanction à ses propres fins et de répondre aux pressions d’une partie de l’opinion, toujours plus favorable à la répression.
Par ailleurs, les modalités de la désignation des membres du CSM et les incompatibilités applicables à certains d’entre eux ne permettent ni de renforcer leur légitimité, ni de garantir la transparence et l’impartialité des décisions de cette autorité.
Ainsi, les conditions de désignation de l’avocat devant siéger au Conseil ne nous satisfont pas ; nous appelions de nos vœux sa désignation par ses pairs, car son élection par l’Assemblée générale du Conseil national des barreaux aurait, nous semble-t-il, accru sa légitimité. Les objections qui ont été formulées à ce sujet ne m’ont pas convaincue.
Nous contestions également la possibilité laissée à l’avocat membre du CSM d’exercer pendant la durée de son mandat sa profession. Notre position n’a pas été retenue, pas plus que la proposition du Sénat, cependant meilleure que la mesure finale adoptée par la commission mixte paritaire.
Pour ce qui concerne le secrétaire général du CSM nommé par le Président de la République sur proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près ladite cour après simple avis du CSM, nous réclamions un avis conforme de la formation plénière. Un tel avis aurait renforcé la légitimité de cette personnalité, destinée à exercer des fonctions très importantes au sein du CSM, contrairement à ce qui a pu être dit. Là encore, notre point de vue n’a pas été retenu.
Enfin, les prérogatives de la formation plénière du CSM nous paraissaient insuffisantes ; elles n’ont pas été accrues, ni par l’Assemblée nationale, ni, bien sûr, par la commission mixte paritaire.
Dans le texte qui nous avait été soumis, cette formation avait pour seule fonction de répondre aux demandes d’avis formulées par le Président de la République, ainsi qu’à toute question du garde des sceaux concernant la déontologie des magistrats ou le fonctionnement de la justice. Elle ne pouvait donc être à l’initiative d’avis portant sur des atteintes à l’indépendance de la justice. Or la possibilité de rendre de tels avis non seulement aurait renforcé sa crédibilité aux yeux de l’opinion, mais également aurait évité une instrumentalisation par l’exécutif.
En vertu des dispositions adoptées, il devrait désormais revenir à la formation plénière du CSM de se prononcer sur le manquement de l’un de ses membres et de prescrire l’avertissement ou la démission d’office de ce dernier. Ce nouveau rôle attribué à la formation plénière – que nous appelions de nos vœux, je le répète – devrait renforcer la crédibilité des décisions du Conseil supérieur de la magistrature en garantissant l’intégrité de ses membres. Cependant, cette mince amélioration – tout comme l’autonomie budgétaire, fort heureusement rétablie – ne suffira pas à modifier le regard négatif que nous portons sur la réforme qui nous est soumise.
Le Gouvernement, en contradiction avec son intention affichée de renforcer l’indépendance de l’institution, entend préserver son pouvoir d’intervention sur les décisions du Conseil supérieur de la magistrature.
Confirmant la position que nous avions adoptée lors des première et deuxième lectures du projet de loi organique, nous voterons donc contre ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je formulerai seulement quelques brèves observations.
Tout d’abord, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord grâce au Sénat et aux parlementaires socialistes, qui ont soutenu notre excellent rapporteur afin d’apporter des modifications substantielles au texte, une fois encore. Tel fut en effet également le cas lors de l’examen de la loi pénitentiaire, ou encore de la loi relative à la récidive.
En revanche, pour ce qui concerne la présence de l’avocat, nous nous sommes heurtés au corporatisme effréné de certains collègues députés.
Le Conseil supérieur de la magistrature a obtenu l’autonomie budgétaire. Restera, dans l’avenir, à lui donner l’autonomie fonctionnelle – c’est-à-dire, à couper le cordon ombilical qui le lie à la Chancellerie, notamment à la Direction des services judiciaires – et à mettre à sa disposition l’Inspection générale des services. Ainsi, le CSM pourra effectuer son travail à l’instar de ce qui se passe dans tous les autres pays européens.
Malgré tout, pour les raisons que j’évoquais au cours des deux lectures au Sénat du projet de loi organique et sur lesquelles je ne reviendrai pas, les membres du groupe socialiste ne voteront pas le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, insuffisant sur de nombreux points
Notre excellente collègue Anne-Marie Escoffier nous a indiqué qu’elle s’abstiendrait lors du vote de ce texte, alors qu’elle pourrait voter contre, mais, comme souvent, les membres du RDSE ne veulent pas aller jusqu’au bout de leurs engagements… Quoi qu’il en soit, elle a regretté que ce texte ne permette pas d’aligner le statut des magistrats du parquet sur celui des magistrats du siège. Cette réforme, il fallait la conduire !
Il est utile et opportun que le Gouvernement, quel qu’il soit, remette en chantier la réforme du code de procédure pénale, ce qui n’a pas été fait depuis des décennies, bien que le code pénal ait été revu. Or l’avant-projet du futur code de procédure pénale, qui prévoit la suppression du juge d’instruction et reste à mi-chemin entre une procédure inquisitoire et une procédure accusatoire, ne peut pas être examiné avec sérénité tant que le statut du parquet n’a pas été réglé ; c’est un préalable absolument indispensable. D’ailleurs, comment le Gouvernement, subissant vraisemblablement la pression des événements, pourra-t-il élaborer une réforme de la garde à vue avec un parquet hiérarchisé et non indépendant ? Sa tâche me paraît très compliquée !
D’autres pays européens – vous le savez, monsieur le rapporteur, puisque nous menons ensemble des investigations sur cette question –, comme l’Allemagne ou l’Italie, ont supprimé le juge d’instruction depuis quelques années. Dans ces deux pays, bien que les formes retenues soient totalement différentes, le parquet est indépendant ; une place beaucoup plus importante est accordée à la procédure accusatoire ainsi qu’à l’audience elle-même.
Je ne jetterai pas la pierre au seul gouvernement actuel, puisque, depuis trente ans, ni les gouvernements de gauche ni ceux de droite n’ont pu, n’ont voulu, n’ont eu le courage de mener à bien une réforme du Conseil supérieur de la magistrature digne de ce nom : le politique est toujours frileux. Il semble avoir peur de donner, non pas plus d’indépendance, car ce mot n’a pas de sens en ce qui concerne l’autorité judiciaire, mais plus d’autonomie, plus de marge de manœuvre aux magistrats et à la justice. Encore une fois, l’occasion est ratée. Nous voterons donc résolument contre le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 organise la modernisation de nos institutions en vue de promouvoir la démocratie dans notre pays.
Le projet de loi organique sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer aujourd’hui s’inscrit dans cette logique.
Permettant l’application de l’article 65 de la Constitution relatif au CSM, le Conseil supérieur de la magistrature, ce texte est porteur de diverses avancées en faveur de l’indépendance de la justice, ainsi que de l’impartialité du Conseil.
Il met en place également la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par le justiciable, garantissant de ce fait l’effectivité du droit fondamental de l’accès à la justice.
Le groupe UMP et moi-même nous en réjouissons.
Ces évolutions apportées à l’institution et le rapprochement ainsi permis entre le monde judiciaire et nos concitoyens vont dans le bon sens.
Si la majorité des dispositions enrichies par nos deux assemblées ont fait l’objet d’un accord, trois points de divergence ont conduit à saisir une commission mixte paritaire.
S’agissant premièrement de l’interdiction de plaider pour l’avocat siégeant au Conseil, nous sommes favorables à la rédaction alternative établie par la CMP sur proposition de notre rapporteur.
En effet, tout en prenant acte de l’exigence constitutionnelle de la désignation d’une personne en sa qualité d’avocat au sein des formations du CSM, nous souhaitions que ce dernier ne puisse pas, par ses fonctions au Conseil, induire un doute sur l’impartialité d’un jugement sur lequel il été appelé à plaider.
C’est pourquoi nous nous félicitons que, sur l’initiative de notre collègue Jean-René Lecerf, il soit prévu que l’avocat ne peut pas délibérer sur des avis ou décisions relatifs à un magistrat devant lequel il a plaidé depuis sa nomination au Conseil supérieur, ainsi que pour les nominations des magistrats au sein des juridictions dans le ressort desquelles se situe son barreau d’inscription.
Le deuxième point d’achoppement concernait le déport de l’un des membres du CSM, dispositif auquel nous sommes favorables pour sanctionner tout manquement aux obligations d’indépendance, d’impartialité, d’intégrité et de dignité.
Si, au mécanisme de déport, il a été préféré le prononcé par la formation plénière du Conseil supérieur d’un avertissement ou d’une démission d’office eu égard à la gravité du manquement, notre assemblée a su préciser de manière opportune que la formation à laquelle est soumise l’affaire s’assure du respect des exigences précitées.
Ainsi, comme le souligne notre rapporteur, sans que soit fait expressément référence au dispositif de déport, cette disposition donne la possibilité à la formation, confrontée au non respect des règles d’impartialité, de prendre des mesures.
Elle permet aussi au CSM d’organiser un « dispositif spécifique dans son règlement intérieur ».
En troisième lieu, le Sénat a souhaité tout au long des débats renforcer l’indépendance de l’institution en consacrant son autonomie budgétaire.
Au regard des faits, on constate que l’autonomie budgétaire du CSM est, dans la situation actuelle, loin d’être garantie.
En effet, le simple fait de solliciter la direction des services judiciaires pour des dotations exceptionnelles afin de couvrir ses dépenses de fonctionnement ne peut que faire peser un soupçon sur l’indépendance du Conseil.
Nous nous félicitons qu’ait été retenue la rédaction adoptée sur nos travées de l’article 7 bis, donnant au Conseil supérieur une place adaptée dans l’architecture budgétaire.
Ainsi, si le principe d’autonomie budgétaire est inscrit dans la loi organique, les crédits du CSM seront définis dans un programme distinct lors de l’élaboration par le Parlement de la loi de finances.
Alors qu’actuellement la dotation budgétaire du CSM est inférieure à ses besoins, cette nouvelle disposition permet au Parlement d’arbitrer le budget et ainsi de veiller à la conformité de la dotation au regard des besoins du Conseil.
Pour conclure, je tiens à souligner l’excellent travail de notre rapporteur, qui a permis des améliorations substantielles.
Ainsi, en affirmant l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature, nous confortons l’image de la justice au sein de notre État de droit.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera le projet de loi organique issu de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc des commissions.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine avant l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
CHAPITRE IER
Dispositions modifiant la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature
.....................................................................................................................
Article 4
Les deux derniers alinéas de l'article 6 de la même loi organique sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Aucun membre ne peut, pendant la durée de ses fonctions, exercer la profession d'officier public ou ministériel ni aucun mandat électif ni, à l'exception du membre désigné en cette qualité en application du deuxième alinéa de l'article 65 de la Constitution, la profession d'avocat.
« La démission d'office du membre du Conseil supérieur qui ne s'est pas démis, dans le mois qui suit son entrée en fonctions, de la fonction incompatible avec sa qualité de membre est constatée par le président de la formation plénière, après avis de cette formation. Il en est de même pour le membre du Conseil supérieur qui exerce en cours de mandat une fonction incompatible avec sa qualité de membre.
« Les règles posées à l'avant-dernier alinéa sont applicables aux membres du Conseil supérieur définitivement empêchés d'exercer leurs fonctions. »
.....................................................................................................................
Article 6 bis
Après l'article 10 de la même loi organique, sont insérés deux articles 10-1 et 10-2 ainsi rédigés :
« Art. 10-1. - Les membres du Conseil supérieur exercent leur mission dans le respect des exigences d'indépendance, d'impartialité, d'intégrité et de dignité. Ils veillent au respect de ces mêmes exigences par les personnes dont ils s'attachent les services dans l'exercice de leurs fonctions.
« Saisie par le président d'une des formations du Conseil supérieur de la magistrature, la formation plénière apprécie, à la majorité des membres la composant, si l'un des membres du Conseil supérieur a manqué aux obligations mentionnées au premier alinéa. Dans l'affirmative, elle prononce, selon la gravité du manquement, un avertissement ou la démission d'office.
« Art. 10-2. - Aucun membre du Conseil supérieur ne peut délibérer, ni procéder à des actes préparatoires lorsque sa présence ou sa participation pourrait entacher d'un doute l'impartialité de la décision rendue.
« S'agissant du membre du Conseil supérieur désigné en qualité d'avocat en application du deuxième alinéa de l'article 65 de la Constitution, cette exigence s'étend aux avis ou décisions relatifs à un magistrat devant lequel il a plaidé depuis sa nomination au Conseil supérieur, ainsi qu'aux nominations de magistrats au sein des juridictions dans le ressort desquelles se situe le barreau auprès duquel il est inscrit.
« La formation à laquelle l'affaire est soumise s'assure du respect de ces exigences. »
.....................................................................................................................
Article 7 bis
L'article 12 de la même loi organique est ainsi rédigé :
« Art. 12. - L'autonomie budgétaire du Conseil supérieur est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances. »
.....................................................................................................................
CHAPITRE II
Dispositions modifiant l'ordonnance n° 58-1270du 22 décembre 1958portant loi organique relative au statut de la magistrature
.....................................................................................................................
CHAPITRE III
Dispositions finales
.....................................................................................................................
Mme la présidente. Sur les articles 4 à 7 bis, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique.
Quelqu’un demande-t-il la parole pour explication de vote ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12 du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 229 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 140 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
9
Répression des violences faites aux femmes. - Violences au sein des couples
Discussion de deux propositions de loi
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes (proposition de loi n° 340, texte de la commission n° 565, rapports nos 564, 562 et 553), et de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (proposition de loi n° 118, rapport n° 564).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de saluer tout d’abord le remarquable travail de toutes celles et tous ceux qui ont contribué à ce texte, en particulier le rapporteur, François Pillet, infatigable soutien de cette juste cause.
Mais je veux aussi remercier Mme Françoise Laborde, pour son rapport fait au nom de la délégation aux droits des femmes, et Mme Muguette Dini, pour son travail précieux réalisé au nom de la commission des affaires sociales.
Adapter notre législation à une délinquance trop longtemps renvoyée à la sphère privée, quand elle n’était pas tout simplement niée, relève d’une responsabilité partagée entre des hommes et des femmes qui – est-il besoin de le dire ? – transcende les clivages politiques traditionnels.
L’année 2010 est d’ailleurs justement placée sous le signe de la lutte contre les violences faites aux femmes. La présidence espagnole qui s’achève en a également fait, notamment au niveau Justice et affaires intérieures, une de ses priorités.
Ces violences commises au sein du couple ne sont pas une fatalité ; elles doivent être mieux connues poux être mieux combattues.
Ainsi, pour ne citer que les chiffres qui relèvent du ministère de la justice, les parquets français ont, en 2008, enregistré 59 427 affaires nouvelles en matière de violences conjugales, contre 42 574 en 2005, ce qui constitue une forte progression.
Sur la même période, le nombre des condamnations prononcées de ce chef par les juridictions correctionnelles est passé de 10 684 à 16 773, ce qui représente une augmentation importante, peut-être due en partie à un accroissement du nombre de plaintes déposées.
À côté de ces procédures, combien de personnes ont trouvé la fin de leur calvaire physique et psychique, par le suicide, en se donnant la mort ? Combien ont été blessées ou ont dissimulé les violences qu’elles ont subies ?
Combien d’entre elles en portent la cicatrice psychique indélébile, qui génère tant de douleurs et fragilise la reconstruction de leur vie personnelle à l’avenir ?
Si l’on peut se réjouir des progrès sensibles constatés, il reste qu’aujourd’hui personne ne peut prétendre connaître avec exactitude l’ampleur de ce fléau. Force est de constater que la loi du silence reste encore trop souvent la triste norme chez les victimes, par peur des représailles, par honte, par sentiment de culpabilité – très souvent, les professionnels en contact avec des personnes qui sont victimes de violences relèvent ce sentiment de culpabilité de la victime –, ou encore par ignorance de leurs droits, ce qui est encore une situation trop fréquente.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous en êtes convaincus, il n’est plus possible de considérer que des violences commises au sein de la sphère privée ne regardent pas l’ensemble de la société.
Le temps où l’on fermait les yeux sur cette réalité est révolu.
Déjà, en réprimant plus sévèrement les violences dès lors qu’elles étaient commises par un conjoint ou un concubin, le nouveau code pénal a, en 1994, montré l’attachement des pouvoirs publics à combattre plus fermement ces violences.
Notre dispositif législatif s’est ensuite étoffé au fil des années : la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, la loi du 12 novembre 2005 sur le traitement de la récidive, la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs – je pense notamment à l’action de M. Roland Courteau –, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, enfin, la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.
L’ensemble de ces textes ont assurément créé une dynamique salutaire pour faire reculer l’inadmissible.
Nous sommes ainsi parvenus à atteindre un résultat équilibré s’agissant de la protection de la victime non seulement par une éviction de l’auteur des violences du domicile familial, mais également par une répression pénale accrue dans la sanction et dans le traitement thérapeutique imposé à l’auteur de violences.
Néanmoins, ce combat mérite que nous dotions les pouvoirs publics de nouveaux instruments juridiques. Tel est l’objet du présent texte.
Tout d’abord, les moyens juridiques sont renforcés.
En situation d’urgence, les victimes de violence conjugale doivent pouvoir compter sur une réponse rapide, efficace et cohérente de la justice.
Il apparaît donc important que la victime puisse user de toutes les voies procédurales lui permettant de saisir efficacement le juge aux affaires familiales. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous proposera un amendement visant à n’exclure aucun mode de saisine.
Par ailleurs, la création d’une ordonnance de protection temporaire, prise par le juge des affaires familiales, répondra à un triple objectif.
Premier objectif : articuler les réponses civiles et pénales.
Les mesures civiles prises à titre temporaire couvriront, en effet, un large champ : éviction du domicile, aide matérielle, notamment en matière de logement, modalités d’exercice de l’autorité parentale, pension alimentaire, possibilité pour la victime de dissimuler son adresse, interdiction d’entrer en contact avec la victime et interdiction de port d’arme pour l’auteur, bien sûr.
Ces mesures sont mises en œuvre sans préjudice des poursuites engagées dans le cadre pénal. Elles donneront lieu à une communication étroite entre le juge civil et le juge pénal.
Il faut que la victime sache que la voie pénale permettra de lui apporter une protection immédiate et de sanctionner l’auteur. C’est pourquoi le juge pénal devra être privilégié pour les mesures restrictives de liberté telles que l’interdiction d’entrer en contact et, bien évidemment, de port d’arme.
Deuxième objectif : prendre en compte les évolutions des modèles familiaux.
Actuellement, le juge aux affaires familiales peut, en référé, prononcer une mesure d’éviction contre le conjoint violent. Or l’éviction n’était pas prévue pour les concubins et les partenaires de PACS.
La proposition de loi comble un vide juridique en étendant le champ de la mesure d’éviction civile à toutes les situations de vie en commun, assurant ainsi une égale protection quelle que soit la situation familiale.
Troisième objectif : étendre la protection aux enfants.
Aujourd’hui, le respect des interdictions de sortie du territoire prononcées par le juge aux affaires familiales ou le juge des enfants s’avère difficilement contrôlable.
Désormais, ces interdictions de sortie du territoire seront inscrites par le procureur de la République au fichier des personnes recherchées afin d’en assurer une pleine efficacité et de prévenir les déplacements illicites.
Ensuite, les moyens sont également renforcés par la technologie. C’est un point auquel Nadine Morano était particulièrement attachée et je veux au passage saluer – également au nom de Mme le garde des sceaux – le bon travail interministériel entre nos deux départements. Les idées qu’elle avait émises en son temps s’inscrivent aujourd'hui dans le texte. Je pense notamment aux téléphones portables d’alerte, qui ont été mis en place en Seine-Saint-Denis grâce à un partenariat très fructueux entre la justice et les collectivités locales.
Pour mieux protéger les victimes de violences conjugales, le ministère de la justice et des libertés entend généraliser l’expérimentation en dotant les victimes qui le souhaitent de ce dispositif de téléprotection, permettant d’alerter les services de police. Je vous indique qu’un décret a été pris en ce sens.
La mise en œuvre de bracelets électroniques complètera le dispositif ; vous les aviez également évoqués, madame la secrétaire d’État.
Le bracelet électronique, inspiré par l’exemple espagnol, vise à garantir le respect d’une décision judiciaire d’éloignement prise par le juge.
Ce dispositif permet de signaler à distance que l’ex-conjoint violent de la victime se trouve à proximité de celle-ci.
Plusieurs hypothèses – que je ne développerai pas – sont prévues à cet égard : avant le jugement, après le jugement, en cas de menaces commises au sein du couple, bref un dispositif assez complet.
Nous veillerons, bien sûr, à l’efficacité du travail engagé dans le cadre interministériel, dont j’ai salué voilà un instant la pertinence et l’efficacité.
Par ailleurs, il y a, bien sûr, les sanctions.
Certaines sanctions déjà prévues seront alourdies. Il en est ainsi s’agissant de violences conjugales commises de manière habituelle.
De nouvelles incriminations seront aussi créées. En effet, on le sait, toutes les violences ne sont pas de nature physique.
Je vous rappelle que la notion de violence psychologique a été reconnue par la jurisprudence. Elle sera désormais inscrite dans le code pénal.
Les violences conjugales interviennent souvent dans le cadre de mariages forcés. Les sanctions seront aggravées au regard de cette situation particulière. Il en sera de même pour celles qui accompagnent, précédent ou suivent les mariages forcés.
La sanction doit aller de pair avec un soutien renforcé des victimes.
L’accès au juge doit être garanti pour les victimes de violences conjugales.
Sur le sol français, toute victime de violences conjugales a le droit de voir l’auteur sanctionné par les tribunaux. C’est une question de justice, non de ressources ou de régularité du titre de séjour.
C’est pourquoi l’aide juridictionnelle doit être étendue à toutes les victimes. L’aide juridictionnelle doit pouvoir être accordée à toutes les personnes qui bénéficient d’une ordonnance de protection, sans condition de résidence.
Le soutien des victimes suppose aussi la formation des professionnels chargés de les accompagner. Lorsqu’on parle avec ces professionnels, qu’ils soient magistrats, avocats, psychologues ou policiers, on se rend compte très rapidement qu’une bonne connaissance de la psychologie des victimes est indispensable à une bonne prise en compte de leurs souffrances et à une bonne réactivité.
Ainsi, des formations spécialisées sont déjà dispensées par l’École nationale de la magistrature, l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse et l’École nationale d’administration pénitentiaire, en matière de prévention et de prise en charge des violences faites aux femmes.
Cette formation devra profiter à l’ensemble des acteurs concernés : les policiers, les gendarmes, les professionnels de la santé et les fonctionnaires de l’éducation nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, devant l’ampleur des enjeux soulevés par les violences conjugales, en particulier les violences faites aux femmes, le temps de la résignation ou de la seule compassion est révolu.
Les Français attendent de la fermeté, des réponses claires et concrètes, une action vigilante, déterminée et sans faiblesse contre les auteurs de ces violences.
En adaptant les modalités d’intervention de la justice, ce texte permettra d’amplifier les efforts déjà engagés. Il montrera à toutes les femmes victimes de violences sur notre sol que l’État est plus que jamais déterminé à les protéger.
Ainsi, ensemble, nous contribuerons à garantir la sécurité des personnes et à rendre pleinement effective leur liberté. La représentation nationale est totalement dans sa mission lorsqu’elle s’attache, au-delà des clivages partisans, à apporter des réponses pour lutter contre une violence qui s’exerce contre les plus fragiles.
C’est notre devoir. C’est notre responsabilité au service des Français. Nous pouvons ensemble, me semble-t-il, être fiers aujourd'hui de porter ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. François Zocchetto applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame le président, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, nous avons aujourd’hui à examiner un texte qui consacre l’aboutissement d’une initiative parlementaire très forte et la poursuite d’un processus législatif très large.
Les propositions de loi sont le fruit d’une préoccupation et d’un travail dont nous pouvons tous souligner, avec une fierté et une satisfaction légitimes, qu’il a été totalement consensuel.
Le constat de l’état des lieux conduit, dès l’origine, à des conclusions convergentes : les violences conjugales sont un phénomène d’ampleur mal connue qui engendre un contentieux atypique.
Un phénomène d’ampleur mal connue parce que les études, les recherches, les auditions démontrent qu’il existe peu de données statistiques fiables.
Un phénomène d’ampleur mal connue parce que, par hypothèse, dans la mesure où ces violences ont lieu dans l’intimité familiale, elles sont nimbées d’un voile de non-dit, de secret, voire de pardon plus ou moins librement consenti.
Cette situation génère ou amplifie un contentieux atypique parce que ces violences touchent tous les milieux et que l’isolement, la religion, l’âge, le chômage et l’alcool semblent les amplifier.
Un contentieux atypique aussi, parce que son règlement interviendra au terme d’un débat judiciaire qui aura peu souvent permis de mettre au jour toutes les réelles intentions, les arrière-pensées, les manipulations de l’une ou l’autre des parties, voire des deux.
Un contentieux atypique, enfin, parce qu’il s’éteint souvent par le renoncement de la victime au-delà duquel la justice évite de s’engager craignant, hélas ! assez souvent à juste titre, d’être instrumentalisée.
Tous ces obstacles à des réflexions et des choix éclairés ne sauraient pour autant faire douter que l’on doive encore mieux légiférer puisqu’il persiste là un espace sombre de souffrances, de violences et, finalement, d’atteintes aux libertés fondamentales.
Nul ne peut être insensible ou étranger à cette situation inacceptable.
C’est pourquoi certains d’entre nous, de tous bords, de toutes sensibilités, ont pris des initiatives auxquelles nous avons collectivement adhéré.
Au Sénat, je citerai bien évidemment nos collègues Roland Courteau et Nicole Borvo-Cohen Seat, à l’Assemblée nationale, les députés Danielle Bousquet et Guy Geoffroy.
Je pourrais évoquer bien d’autres noms : le fait que je ne le fasse pas ne signifie pas que leurs initiatives soient moins louables.
D’ailleurs, il est significatif de noter les points suivants : depuis le nouveau code pénal de 1994, les peines encourues par les auteurs de violences conjugales sont aggravées ; depuis le 26 mai 2004, notre droit permet également d’évincer le conjoint violent du domicile conjugal ; depuis le 4 avril 2006, sur l’initiative de nos collègues Roland Courteau et Nicole Borvo-Cohen Seat, une loi a, en particulier, reconnu la notion de viol et d’agression sexuelle au sein du couple, ainsi que l’existence du vol entre époux pour certains biens ; depuis le 4 avril 2006, cette loi élargit la circonstance aggravante de violences conjugales aux pacsés, anciens conjoints, anciens concubins et anciens pacsés ; depuis le 5 mars 2007, une loi a mis en place un suivi socio-judiciaire éventuel pour les personnes reconnues coupables de violences conjugales ; depuis le 25 mars 2009, une loi a prévu que les victimes de violences conjugales figureraient parmi les publics prioritaires pour accéder à un logement social.
On peut même ajouter que s’agissant des femmes étrangères menacées de mariage forcé dans leur pays, une loi du 10 décembre 2003 a ouvert la faculté de les faire bénéficier de la protection subsidiaire accordée aux personnes qui établissent être exposées dans leur pays à des menaces de traitements inhumains ou dégradants, ce qui inclut, bien évidemment, les femmes victimes ou menacées de mariage forcé.
Le cheminement législatif est ainsi constant et déterminé.
Il a, par ailleurs, été accompagné d’initiatives volontaristes des pouvoirs publics.
Il faut rappeler la mise en place d’une politique interministérielle de prévention et de répression des violences conjugales qui associe l’ensemble des acteurs concernés. La lutte contre ces violences a ainsi constitué l’un des axes essentiels du plan global de lutte contre les violences faites aux femmes lancé en 2005. Il faut également rappeler le lancement d’un second plan triennal, qui lui a succédé en 2008. Il faut enfin rappeler la déclaration selon laquelle la lutte contre les violences faites aux femmes, incluant les violences conjugales, est, en 2010, une « grande cause nationale ».
Localement, les parquets ont mis en place des politiques pénales spécifiques.
Sur ce point, les auditions du procureur de la République de Versailles et du procureur de la République de Strasbourg ont été particulièrement intéressantes. Elles ont apporté la démonstration que des progrès notables étaient enregistrés dans ce domaine lorsqu’une convention est passée entre les services de la préfecture, les services de police, les services judiciaires, certains professionnels de santé, les offices d’HLM et, bien évidemment, le secteur associatif.
Les mesures déclinées au quotidien ont aussi permis d’incontestables progrès en matière de sensibilisation du public et des professions concernées.
Enfin, il faut souligner, pour le saluer, le travail des associations qui interviennent aux différents stades du traitement du problème…
M. Roland Courteau. Effectivement !
M. François Pillet, rapporteur. … et dont l’action est, à l’évidence, absolument fondamentale.
Mme Odette Terrade et M. Roland Courteau. Exact !
M. François Pillet, rapporteur. Même si, comme l’ont confirmé la quasi-totalité des personnes qui ont été entendues, des progrès réels ont été réalisés depuis plusieurs années en matière de traitement des affaires de violences conjugales, des efforts importants demeurent à accomplir afin de mieux identifier les victimes et de mieux les protéger.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. François Pillet, rapporteur. La commission des lois a examiné simultanément la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, de notre collègue M. Roland Courteau, et la proposition de loi, élaborée par les députés, adoptée par l’Assemblée nationale le 25 février 2010. Cette dernière est le fruit des travaux d’une mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, créée par la conférence des présidents de l’Assemblée nationale le 2 décembre 2008, présidée par Mme Danielle Bousquet et ayant pour rapporteur M. Guy Geoffroy. Je tiens ici à souligner la qualité des travaux de nos collègues députés.
Ces deux propositions de loi ont un triple objet commun : mieux protéger, mieux prévenir, mieux réprimer.
La commission des lois, partageant sans réserve les objectifs visés, soumet à vos débats, mes chers collègues, un texte qui recèle des modifications qui ne sont destinées qu’à conforter sur le plan juridique les propositions initiales…
Dès que l’on aborde le problème des violences, on traite habituellement de la prévention et de la sanction.
Le texte qui nous occupe prévoit en tout premier lieu la création d’un instrument juridique profondément novateur : l’ordonnance de protection.
L’objectif de cette ordonnance de protection est de stabiliser temporairement, pour une durée de quatre mois au maximum, ou pendant toute la procédure de divorce ou de séparation de corps, la situation juridique et matérielle de la victime en garantissant sa protection et en organisant provisoirement sa séparation d’avec l’auteur des violences.
Le juge aux affaires familiales, qui se voit confier cette compétence, pourra interdire à l’auteur des violences de rencontrer la victime ; interdire à l’auteur des violences de détenir des armes ; statuer sur la résidence séparée du couple ; attribuer le logement et évincer du domicile l’auteur des violences ; fixer les modalités d’exercice de l’autorité parentale ; fixer la contribution aux charges du ménage ; préciser les conditions de paiement du loyer ou des emprunts.
Le juge aux affaires familiales pourra en outre décider d’autoriser la victime à ne pas révéler son domicile ; protéger une personne majeure menacée de mariage forcé en interdisant, à sa demande, la sortie du territoire ; organiser le droit de visite et d’hébergement et, surtout, organiser la remise de l’enfant à l’autre parent, qui constitue souvent une occasion de réitérer ou d’aggraver certaines violences contre l’autre parent, voire contre l’enfant lui-même.
Après avoir noté que ces initiatives répondaient en particulier à l’article 2 de la proposition de loi de notre collègue Roland Courteau, la commission a souhaité renforcer l’efficience de ces mesures de protection en prévoyant la saisine la plus aisée et la plus rapide qui soit du juge tout en sauvegardant au mieux, compte tenu des objectifs visés, l’examen contradictoire des circonstances et éléments du conflit et des violences qui l’accompagnent.
La commission des lois a par ailleurs veillé à ce que, sans qu’elles prennent le risque de devenir une partie au procès, les associations puissent apporter tout leur concours au soutien de la victime et des enfants.
L’ordonnance de protection, création juridique innovante, devrait constituer un important progrès de notre droit de la famille.
Ce texte renforce également les mesures de prévention contre les violences.
Ainsi, il est prévu qu’un rapport devra être remis par le Gouvernement au Parlement sur les initiatives prises afin de créer un observatoire national des violences faites au sein du couple.
Sur un autre plan, il est précisé que certaines actions de formation consacrées à ce phénomène et à l’égalité entre les hommes et les femmes doivent être confortées par des sensibilisations du grand public à travers les médias et l’école.
Le texte s’attache, dans un autre volet, à organiser et homogénéiser des sanctions spécifiques pour répondre à ce type de violences.
C’est ainsi – et c’est là un point très important – que la violation des obligations imposées au conjoint violent dans le cadre d’une ordonnance de protection sera pénalement sanctionnée.
Le recours au placement sous surveillance électronique mobile de l’auteur des violences avant sa condamnation et après l’exécution de sa peine sera facilité.
Des dispositions de téléprotection complémentaires pourront être proposées à la victime.
L’appréhension de l’auteur des violences par les forces de police et de gendarmerie pourra être effectuée pour une personne mise en examen dès lors qu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a manqué aux obligations qui lui incombent, sans attendre que cette inobservation soit avérée.
Les personnes reconnues coupables de menace à l’encontre de leur compagne ou de leur compagnon pourront être condamnées à une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire.
S’agissant du recours à la médiation pénale dans le cadre de violences conjugales, il vous est suggéré que, en dehors de l’hypothèse où une victime de violences conjugales a saisi le juge aux affaires familiales d’une demande d’ordonnance de protection, elle puisse être proposée, mais que la victime demeure libre de la refuser.
Bien que des faits constitutifs de harcèlement psychologique puissent, en l’état de notre droit pénal, d’ores et déjà être réprimés, il est apparu à la commission que la loi pouvait opportunément rehausser la voix du législateur en inscrivant dans ses tables un délit spécifique.
La rédaction retenue pour celui-ci a fait l’objet de modifications par rapport à la proposition de loi adoptée par les députés, dans un souci de sécurité juridique, mais également dans l’intérêt des victimes. En effet, un certain nombre de personnes entendues – en particulier celles et ceux qui auront à appliquer ces dispositions – ont souligné le risque que ce nouveau délit puisse être détourné par les auteurs de violences conjugales pour justifier les violences infligées à leur compagne ou leur compagnon par un prétendu harcèlement dont ils feraient l’objet au quotidien.
En ce qui concerne le harcèlement sexuel, la commission, qui ne partage pas les inquiétudes des députés quant à la compatibilité de notre droit pénal avec le droit communautaire, n’a pas souhaité qu’un nouveau texte vienne nuire à la définition acquise et admise pour satisfaisante de ce délit.
Je signalerai enfin que la commission des lois a procédé à certaines harmonisations de peines et, surtout, a adopté un amendement permettant l’application de cette proposition de loi dans les collectivités d’outre-mer, où le phénomène des violences dans le couple présente certainement une acuité particulière.
Au terme de son examen des deux textes, la commission a ainsi constaté que les articles 1er et 2 de la proposition de loi de notre collègue Roland Courteau ainsi qu’une partie de son article 3 étaient satisfaits par la proposition de loi des députés.
Elle a en revanche laissé aux débats en séance publique le soin d’intégrer ou non dans le texte l’institution d’une journée nationale de sensibilisation aux violences au sein du couple.
Enfin, elle a regretté que les dispositions de l’article 4 de la proposition de loi de M. Courteau, qui portent sur l’organisation de formations spécifiques à l’intention des personnels amenés à prendre en charge des victimes de violences conjugales, ne puissent être intégrées du fait de leur irrecevabilité financière.
Pour terminer, nous vous proposons d’élargir l’intitulé de la loi afin qu’il recouvre plus exactement l’ensemble des dispositions qu’elle contient et constitue en lui-même la démonstration de sa portée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Roland Courteau applaudit également. )
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Madame la présidente, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, si la commission des affaires sociales a souhaité présenter un avis sur cette proposition de loi, c’est parce qu’elle considère que, au-delà de son aspect juridique, ce texte a un fort retentissement humain et social.
Je ne reviendrai pas sur l’analyse très complète qu’en a livrée l’excellent rapporteur de la commission des lois, François Pillet, et je connais le contenu de l’avis de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, puisque j’ai entendu le rapport de notre collègue Françoise Laborde lors de la réunion de la délégation. Ils auront à eux deux exprimé tout ce que j’aurais pu dire.
Mais je voudrais tout particulièrement insister sur deux points qui me paraissent essentiels. Le premier est la nécessité impérative d’une formation à l’accueil des victimes dans le respect absolu de leurs droits. Le second tient à l’importance capitale de l’article 17 sur les violences psychologiques.
Je sais la réserve qu’inspire à certains de nos collègues la difficulté de la preuve. Je crois qu’ils ont tort : une bonne approche au cours du dépôt de plainte peut permettre de mesurer rapidement la sincérité de la plaignante.
Pour illustrer mon propos, je prendrai quelques minutes pour vous raconter une histoire que je connais bien, puisqu’elle concerne ma filleule.
En décembre 2007, Justine, vingt-six ans, couturière dans un atelier de robes de mariées, rencontre Alexandre, trente et un ans. Il travaille en intérim et vit chez sa mère.
En janvier 2008, il vient s’installer chez Justine, lui fait raconter son histoire, se montre très vite jaloux et agressif lorsqu’elle parle de ses amis. Elle est amoureuse et prend cette attitude pour une marque d’amour.
Il lui explique que lui-même n’a jamais eu de chance : il a eu une enfance et une adolescence difficiles – ce qui est vrai. Il est très malheureux, mais, grâce à son amour, il va changer.
En attendant, au cours de colères fréquentes, il casse des objets, abîme des meubles ; mais elle va l’apaiser, c’est sûr, puisqu’elle l’aime.
Alexandre propose à Justine d’emménager dans un appartement plus grand où ils pourront recevoir, un week-end sur trois, les trois enfants qu’il a eus d’une précédente union et qui sont placés en famille d’accueil.
Et puis, comme il a des problèmes avec la banque et qu’il ne doit jamais être à découvert, c’est mieux que Justine prenne à sa charge tous les abonnements, et aussi les crédits contractés pour acquérir quelques appareils électroménagers.
Il n’a pas encore eu le temps de donner sa nouvelle adresse à la banque et ses relevés arrivent chez sa mère. Il oublie régulièrement de les récupérer.
D’ailleurs, il aide financièrement sa mère et ne peut contribuer aux charges du ménage autant qu’il le souhaiterait.
Bref, Justine n’a aucune idée de ses revenus, ni de ce qu’il fait de son argent, mais il n’en a jamais à lui donner.
En revanche, il est bien normal qu’il accède au compte de Justine sur Internet, grâce au code personnel qu’elle lui a volontiers confié, et, s’il est inquiet pour son découvert, il fait un virement.
Il décide enfin qu’il est plus pratique de n’avoir qu’un seul médecin traitant – le sien, bien sûr.
Au mois de mars 2008, à l’occasion de l’anniversaire de Justine, il prend des photos d’elle dans une situation qu’il juge compromettante. Il menace régulièrement, par la suite, de les montrer à sa mère, à ses sœurs et, bien sûr, à moi-même.
Il est d’une intelligence supérieure alors que Justine est vraiment une gourde : elle ne sait rien faire, en fait elle est nulle, d’ailleurs ses amis sont nuls aussi, et sa famille l’intimide, et il vaut mieux ne pas aller au baptême du petit neveu.
Malgré tout, ce serait bien d’avoir un enfant qui ferait de lui un vrai père, pas comme avec les trois autres, qu’il a eus trop jeune.
Le 1er juin, ils emménagent dans un nouvel appartement, et Justine découvre qu’elle est enceinte. Les coups commencent à pleuvoir, qui viennent compléter les humiliations, les menaces, les critiques insidieuses et les propos racistes, parce que Justine est d’origine africaine.
Pendant la grossesse, il la frappe, l’empêche de dormir, lui dit qu’il souhaite la mort du bébé, lui donne des coups de pied dans le ventre. Il lui demande de boire de l’alcool pour provoquer une fausse-couche.
À la suite d’une douleur au ventre causée par un objet lancé à toute volée, elle va voir son obstétricien, lui raconte son histoire. Cela n’intéresse pas celui-ci, et il lui dit que tout va bien.
Pourquoi ce médecin n’a-t-il pas réagi ? N’est-ce qu’une question de formation ?
Leur bébé naît le 22 juin 2008. Justine est persuadée que tout va s’arranger avec la venue de cet enfant. Il n’en est rien. Quelques jours après la naissance, la violence reprend.
Un samedi vers 23 heures, le visage et le bras marqués par les coups, les vêtements déchirés, elle se rend au commissariat. Elle n’a pas de certificat médical et on la renvoie sans l’entendre. Est-ce bien normal ?
À son retour, son compagnon triomphant lui dit que, si elle porte plainte, il portera aussi plainte pour diffamation, qu’on ne la croira pas parce qu’il ne lui a rien cassé et qu’en plus on lui retirera son bébé parce qu’on verra bien qu’elle est folle et manipulatrice.
Après de nouvelles violences, elle se rend, un soir, chez sa propre mère, qui lui explique que c’est sa faute, qu’elle a mauvais caractère, qu’elle doit être plus gentille, et qui la renvoie chez elle.
On découvrira plus tard qu’Alexandre appelle sa belle-mère de temps en temps pour se plaindre. Elle le croit : il est tellement gentil, timide et réservé ! Et ses sœurs, qui ne sont pourtant pas des tendres, le croient aussi : il est tellement gentil, timide et réservé !
La boucle est bouclée. Justine ne sait plus à qui parler.
Trois semaines plus tard, le 13 avril 2009, je reçois un SMS de détresse et découvre l’ampleur des dégâts. Je lui conseille d’appeler une association d’aide aux victimes que j’ai déjà contactée. Elle me dit qu’elle n’appellera pas : elle a trop honte, et puis, les associations, c’est pour les cas graves !
Elle ne veut pas le quitter. Ils ont un enfant ensemble, et c’est à elle de maintenir l’équilibre de la famille.
Deux semaines plus tard, nouvelles violences, nouveaux SMS. Je prends rendez-vous et l’accompagne chez un médecin, une jeune femme très à l’écoute qui lui donne quatre jours d’ITT.
Nous nous rendons, dans la foulée, au commissariat pour le dépôt d’une plainte. Justine est accueillie par une inspectrice revêche, agressive, dissuasive. Le dépôt de plainte s’apparente plus à un interrogatoire qu’à une écoute positive.
Je suis présente sans qu’on m’ait demandé mon identité. Je suis effarée par cet accueil. À coup sûr, si je n’avais pas été là, Justine aurait été totalement dissuadée d’aller jusqu’au bout.
Elle est sortie en larmes, de stress, de culpabilité, d’humiliation.
Quelle formation cette inspectrice avait-elle reçue pour se comporter de cette manière ?
Alexandre n’a pas de portable et n’a pu être convoqué au commissariat. Un inspecteur de police appelle Justine pour lui dire d’informer Alexandre qu’il doit le contacter.
Est-ce vraiment le processus normal ? Et si oui, il y a de quoi s’inquiéter !
Justine, très angoissée, transmet le message à Alexandre, rentré pour déjeuner.
D’abord, celui-ci lui intime l’ordre de retirer sa plainte, la rend responsable de tous ses maux, la bouscule, lui tire les cheveux, prend des œufs dans le réfrigérateur et les lance sur les murs et la machine à coudre, où un travail est en cours. Il la menace du pire pour le soir et lui dit que, s’il va en prison, il la tuera ou lui fera enlever le petit.
Justine rappelle l’inspecteur de police pour lui dire qu’elle est en danger et qu’il doit venir apporter la convocation. Il lui répond qu’il n’a pas le temps et qu’il postera la convocation, qui arrivera quand elle arrivera… Cette fois, mon intervention va remettre les choses à leur juste place.
Comment un policier peut-il traiter avec une telle désinvolture une situation aussi grave ?
Alexandre est mis en garde à vue quelques heures, reconnaît les faits et ressort du commissariat avec une convocation en maison de justice, convocation à laquelle il ne se rendra pas, ayant opportunément fait le nécessaire pour être hospitalisé ce jour-là. Depuis lors, il n’a jamais été reconvoqué.
Je pourrais continuer à vous raconter le déroulement de cette histoire, mais je m’arrêterai là. Sachez seulement que, après avoir quitté le domicile commun, Justine a été harcelée téléphoniquement, par SMS, par mail et même physiquement. Elle s’est plusieurs fois adressée à la police, qui a de nouveau convoqué Alexandre, ce qui a eu pour effet de calmer les agissements de ce dernier, mais jusqu’à quand ?
Cette histoire appelle, de ma part, trois réflexions, sur lesquelles je veux attirer votre attention.
Premièrement, il est nécessaire que toutes les personnes accueillant des femmes victimes de violences dans leur couple ou ayant affaire à elles aient reçu une véritable formation spécifique. (Mmes Gisèle Printz et Joëlle Garriaud-Maylam applaudissent.)
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Michèle André. Absolument !
Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis. À cet égard, j’aimerais avoir, madame la secrétaire d'État, des assurances quant à la mise en œuvre de l’article 10 bis B.
Deuxièmement, il est nécessaire de s’assurer que la loi est respectée par les forces de police et de gendarmerie, car ce n’est pas une victime déjà traumatisée et mal accueillie qui ira se plaindre.
Troisièmement, enfin, – ce point est essentiel pour que cette loi prenne toute sa dimension ! –, il est nécessaire de veiller à la reconnaissance effective des violences psychologiques.
Dans l’histoire que je vous ai racontée, on a affaire au manipulateur type,…
M. Roland Courteau. C’est exactement cela !
Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis. … tel qu’il a été décrit par le docteur Geneviève Reichert-Pagnard dans son ouvrage intitulé Crimes impunis ou Néonta : histoire d’un amour manipulé.
Les Canadiens, très attentifs à ce phénomène, estiment que 27 % à 30 % des conjoints sont manipulateurs, auteurs de violences psychologiques ; de fait, ce sont donc sans doute 27 % à 30 % de femmes vivant en couple qui sont victimes de telles violences, ces pourcentages incluant par ailleurs, en grande partie, les victimes de violences physiques.
La brigade de protection de la famille de la gendarmerie du Rhône a élaboré, avec l’aide d’une association d’aide aux victimes, deux documents.
Le premier est un procès-verbal de renseignement judiciaire et de constatations, le second est une enquête de flagrance, procès-verbal d’audition de personne victime. Ces deux documents remarquables, annexés à mon rapport pour avis, permettent de cerner la personnalité de l’auteur de violences psychologiques : ils pourraient être utilement généralisés à toute audition en vue du dépôt de plainte ou sur main courante.
Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, la commission des affaires sociales a émis, à l’unanimité, un avis favorable sur ce texte. Comme moi, elle souhaite qu’il soit rapidement mis en œuvre, que des moyens soient réellement attribués pour dispenser une bonne formation et que la notion de violences psychologiques ne soit pas entachée de soupçons.
Je rappelle que, au-delà de la femme victime de ces violences, lesquelles risquent de la tuer à petit feu, ce sont aussi des enfants qui souffrent et seront traumatisés à vie par l’humiliation vécue par leur mère.
Par ailleurs, il faudra également rapidement envisager la situation des hommes victimes de violence en couple, en particulier de violences psychologiques. Peut-être sont-ils moins nombreux, mais, pour ceux-là et pour leurs enfants, le traumatisme est le même.
En effet, dès qu’il y a violence au sein du couple, l’enfant est victime.
M. Roland Courteau. Oui !
Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis. Quand le couple est séparé, le moment de la remise de l’enfant à l’autre parent est fondamental.
M. Roland Courteau. Oh oui !
Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis. En la matière, les améliorations apportées au dispositif de remise de l’enfant dans un espace sécurisé me semblent satisfaisantes. Elles impliquent que des espaces-rencontre soient mis en place dans tous les départements en nombre suffisant.
Les services du ministère de la justice, des caisses d’allocations familiales et les collectivités territoriales doivent s’engager à faire en sorte que les moyens nécessaires soient alloués pour permettre un bon fonctionnement de ces espaces.
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis. Avant de conclure, je voudrais rappeler toute l’importance de campagnes de sensibilisation menées régulièrement.
Madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, il est urgent de protéger les femmes et les enfants qui vivent ces grandes détresses. Nous comptons sur vous pour que cette loi s’applique vite et bien. (Applaudissements sur l’ensemble des travées.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur de la délégation aux droits des femmes.
Mme Françoise Laborde, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Michèle André et mes collègues de la délégation aux droits des femmes de m’avoir fait confiance pour élaborer ce rapport d’information, dont je vais vous livrer les principaux éléments.
La loi n’est jamais autant dans son rôle que lorsqu’elle protège le faible contre le fort.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Françoise Laborde, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. Le préalable essentiel, pour protéger les victimes des violences conjugales, a d’abord été de reconnaître une réalité longtemps occultée. Ce fut le premier pas le plus difficile à franchir, et que nous avons franchi en adoptant la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs. Il est frappant de constater à quel point cette loi, d’origine sénatoriale, a provoqué un « déclic » à la fois social, judiciaire et législatif. (M. Roland Courteau opine.)
Incontestablement, les deux propositions de loi soumises aujourd'hui à l’examen du Sénat s’inscrivent dans la dynamique de protection créée par la loi de 2006.
Présenté en « rafale », le texte de la commission des lois qui les synthétise prévoit en faveur des victimes de violences au sein des couples plusieurs mesures : une nouvelle procédure accélérée, l’aide juridictionnelle, des soins médico-psychologiques à l’agresseur, son placement sous surveillance électronique, des espaces de rencontre sécurisés, un titre de séjour aux victimes sans papiers, un accès prioritaire au logement social ou universitaire, la formation de tous les personnels susceptibles de leur venir en aide, un contrôle renforcé du contenu des médias, une nouvelle définition du harcèlement de couple, une mobilisation des moyens publics contre les mariages forcés et la confection de plusieurs rapports de contrôle.
Cette énumération suffit à elle seule à justifier la conformité de ces textes au principe de rééquilibrage de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Globalement, notre délégation souligne que, au travers de cette grande variété de mesures, nous lançons aussi et surtout un signal fort – et jusqu’à présent unanime – de pacification des relations familiales : légiférer dans ce domaine comporte en soi une valeur symbolique et humaine qui va bien au-delà de la simple addition des composantes du texte.
À toutes celles et tous ceux qui auraient souhaité que ce texte soit encore complété sur un certain nombre de points, je rappellerai d’abord qu’un projet de réforme n’est jamais totalement exhaustif. Il repose sur des choix et sur un « ciblage » particulier. C’est une condition de son efficacité.
J’ajoute que, à l’occasion de l’examen de cette réforme, nous adressons un très puissant témoignage de soutien aux associations d’aide aux victimes.
Toutefois, notre mission consiste également à veiller au réalisme et à la simplicité des normes que nous adoptons. Notre délégation a fait preuve d’une certaine fermeté à cet égard, en pensant non seulement au justiciable, mais également aux professionnels du droit et aux magistrats : le besoin de lisibilité de la loi n’a jamais été aussi impérieux.
Nous avons constaté que le dispositif adopté par l’Assemblée nationale comporte trente-cinq articles et modifie neuf codes en vigueur. Voilà qui témoigne de la volonté très positive de traiter les violences conjugales selon une approche transversale !
Par souci de réalisme, la délégation aux droits des femmes a relevé les risques et les effets pervers qu’induit nécessairement une telle complexité et a, en conséquence, recommandé de mobiliser les règles nouvelles pour venir en aide à celles et ceux qui en ont le plus besoin, et non pas aux procéduriers.
J’en veux pour preuve l’article 8 du texte de la commission, que j’approuve tout particulièrement et qui vise à modifier la définition du délit de dénonciation calomnieuse.
À de nombreuses reprises, notre délégation a été alertée sur les difficultés que rencontrent des victimes de violences menacées par cette « infraction boomerang ». Avec la nouvelle rédaction, on ne pourra plus considérer qu’il y a calomnie lorsque le juge prononce la relaxe de l’agresseur supposé au bénéfice du doute. Il s’agit donc d’éviter les plaintes systématiques et de libérer la parole des victimes.
Notre délégation a ensuite souhaité que cette réforme, qui résulte de l’initiative parlementaire et a été votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, ne soit pas, du point de vue politique, affaiblie dans sa portée.
Du point de vue technique, les dispositions prévues n’ont cependant pas toutes été soumises aux « filtres » juridiques qui entourent l’élaboration des projets de loi. Leur insertion harmonieuse dans l’ordre juridique français méritait donc d’être affinée par la commission des lois, dont je salue la qualité des travaux.
En même temps, pour mieux situer la réforme dans son contexte général, notre délégation a tenu à rappeler la complémentarité de celle-ci par rapport aux outils efficaces qui existent d’ores et déjà dans le droit en vigueur.
L’article 1er prévoit notamment la création d’une ordonnance de protection des victimes. Il s’agit de la mesure la plus innovante, qui s’inspire de l’outil phare de la politique de l’Espagne. À cet égard, je signale que, dans ce pays, l’ordonnance est délivrée par le magistrat de permanence après que la victime a rempli un simple imprimé. Je reconnais que la transposition pure et simple d’un tel mécanisme paraissait mal adaptée au droit français et au principe du contradictoire qui demeure l’un de ses piliers fondamentaux.
Je précise que l’ordonnance de protection prévue à l’article 1er ne prétend pas régler définitivement tous les problèmes. Il s’agit d’accorder à la victime le temps nécessaire pour décider de la suite à donner à cette première étape sur le plan civil ou pénal.
Pour bien cadrer ce nouvel outil, et sans minimiser aucunement sa portée, notre délégation a donc recommandé de rappeler aux victimes qu’il s’agit d’un outil temporaire et complémentaire : le droit pénal en vigueur permet d’aboutir à des solutions plus énergiques, à condition de porter plainte.
Pour ce qui concerne les violences psychologiques prévues à l’article 17 du texte, la délégation aux droits des femmes a tout d’abord constaté que la transposition du délit de harcèlement moral au travail dans les relations de couple n’est pas une révolution juridique puisque, depuis 1892, la jurisprudence admet que les violences peuvent ne pas se limiter à des atteintes physiques et prend en compte celles qui sont « de nature à provoquer une sérieuse émotion ». Je signale d’ailleurs au passage que le fait de harceler autrui au téléphone constitue d’ores et déjà le délit d’appels téléphoniques malveillants réitérés prévu par l’article 222-16 du code pénal.
Il s’agit cependant d’une innovation majeure dans notre code pénal, qui soulève deux principales inquiétudes sur son applicabilité.
En premier lieu, le représentant de l’Association nationale des juges de l’application des peines, l’ANJAP, a fait observer que le harcèlement moral étant d’ores et déjà difficile à prouver dans le cadre professionnel, il risque de le devenir encore bien plus dans les relations de couple, qui se développent le plus souvent à l’abri des regards extérieurs et en l’absence de témoins objectifs. Ainsi, les classements sans suite des plaintes risquent de se multiplier.
En second lieu, certaines associations de femmes craignent que des maris violents ne recourent de manière abusive à ce dispositif, en se présentant eux-mêmes comme victimes de harcèlement conjugal. En même temps, elles ont rappelé l’utilisation fréquente du mutisme comme moyen d’intimidation, et on peut effectivement s’interroger sur la difficulté de prendre en compte le silence d’un conjoint au niveau juridique.
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Françoise Laborde, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. Notre délégation recommande néanmoins le maintien de cette nouvelle incrimination, sur le fondement de trois arguments.
Tout d’abord, il s’agit d’adresser un message particulièrement clair à la fois aux auteurs et aux victimes de harcèlement sur le caractère punissable de ces comportements.
Ensuite, il a été observé, notamment au Canada, que l’aggravation de la sanction des violences physiques se traduisait par une augmentation de la pression psychologique au sein des couples. Le législateur doit donc fixer un nouveau palier de protection adapté à l’évolution des comportements.
Enfin, la mise en œuvre de tous les moyens permettant de pacifier les relations de couple se justifie, en fin de compte, par le devoir de protection des enfants témoins, dont le sort est trop souvent passé sous silence.
Nous préconisons de parier que cette mesure pénale présentera plus d’effets bénéfiques que d’inconvénients et de surmonter les objections liées à la difficulté de prouver les violences psychologiques en améliorant la capacité de détection de celles-ci par les médecins et les magistrats.
Par symétrie, il nous a semblé logique, dès lors que nous transposons la notion de harcèlement moral du monde de l’entreprise aux relations de couple, de rappeler, en matière de prévention, l’existence d’un certain nombre de stages au cours desquels les salariés apprennent à réagir efficacement aux agressions : ils ont fait la preuve de leur efficacité dans les relations de travail.
Notre délégation propose de s’en inspirer, afin de créer ou perfectionner les outils permettant à chacun de maîtriser ses émotions et de réguler son comportement au sein du couple. Nous apporterions ainsi un éclairage utile et concret à l’article 11 A, lequel précise que l’enseignement de l’éducation civique ainsi que la formation initiale et continue délivrée aux enseignants doivent intégrer des éléments portant sur l’égalité entre les femmes et les hommes et des actions de sensibilisation aux violences faites aux femmes.
Je conclurai par une série de remarques tournées vers l’avenir.
À court terme, les conditions d’application concrètes des mesures que nous examinons seront déterminantes. La délégation aux droits des femmes a insisté sur la nécessité de favoriser les groupes de parole de victimes ou d’auteurs de violence : ils aident les femmes à surmonter le traumatisme qu’elles subissent et ont également démontré leur efficacité en diminuant le taux de récidive des agresseurs qui y participent dans le cadre de leur suivi socio-judiciaire. En pensant aux victimes successives des agresseurs, la délégation a également tenu à rappeler l’importance du traitement médical des conjoints violents.
À moyen terme, et c’est la plus profonde conviction de la délégation, la mobilisation des volets répressif et curatif sera réduite, grâce à un effort de prévention et d’éducation énergique, global et efficace. Au-delà des affirmations de principe, il faut mettre en œuvre concrètement l’exigence de prévention en ciblant les actions les plus performantes.
La délégation recommande d’abord de diffuser de façon plus large, y compris dans le cercle familial, les supports de formation, les conseils ou les stages relatifs à la gestion des situations de violence. Elle préconise aussi de décloisonner la formation initiale et continue des professionnels qui sont en contact avec les victimes, en favorisant la mixité des publics en formation, ce qui facilitera la mutualisation des actions des différents intervenants.
M. Roland Courteau. C’est une bonne idée !
Mme Françoise Laborde, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. Elle attache une importance particulière à l’information et à la sensibilisation des enseignants dans le cadre de leur formation professionnelle initiale et continue.
Chacun le reconnaît, les violences familiales sont un facteur d’anéantissement des performances scolaires des enfants : les enseignants ne peuvent donc pas se désintéresser de la question. Il convient également, en s’inspirant des méthodes suivies chez nos voisins scandinaves, d’apprendre aux élèves, dès leur plus jeune âge et tout au long de leur scolarité, les exigences de la vie en groupe ou en famille et le respect des autres.
Enfin, la délégation, tout en soulignant que les femmes sont, dans la pratique, les principales victimes des violences conjugales, a rappelé que les dispositions protectrices de la loi s’appliquent conformément au principe d’égalité. Humainement, un certain nombre d’hommes sont également victimes de violences et ils ont bien des difficultés à en faire état.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Françoise Laborde, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. Aussi, nous préconisons de modifier l’intitulé du texte, afin de le rendre plus neutre, en s’inspirant de celui de la proposition de loi présentée par notre collègue Roland Courteau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, permettez-moi de vous lire un entrefilet relevé dans un journal : « Alors qu’un individu rend visite à son ex-épouse et ses trois enfants, âgés de trois à douze ans, il porte à celle-ci plusieurs dizaines de coups de couteau et l’égorge, sous les yeux des enfants. L’auteur n’avait pas accepté la séparation. »
Comme le précisait Amnesty International, cette mère est l’une des 156 femmes tuées par leur compagnon en 2008. Il s’agit d’un « chiffre alarmant, derrière lequel se cachent cris étouffés, souffrances secrètes et existences détruites ». Mais connait-on l’exacte ampleur de ce fléau, alors que la loi du silence existe encore, par peur de représailles, par honte ou parce que les victimes ignorent encore leurs droits ?
Les violences au sein des couples sont les violations des droits humains les plus répandues en France et dans le monde. Elles constituent surtout une grave atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine.
Cela a été dit et écrit, dans la grande majorité des cas, « la violence installée de façon répétitive est un moyen d’affirmer l’emprise de l’agresseur à l’égard de sa compagne qu’il instrumentalise mais aussi comme moyen pathologique de s’inscrire dans une relation de couple ».
De grâce, ne confondons pas, mes chers collègues, le conflit et la violence ! Le conflit est un mode relationnel interactif fondé sur un désaccord ponctuel et auquel il faut trouver une solution, alors que le propre de la violence est de refuser de placer l’autre sur un pied d’égalité et de nier sa qualité de sujet.
Je reste convaincu que la violence au sein des couples est souvent la conséquence de certains conditionnements socioculturels, les causes étant à rechercher dans un modèle de société qui situe les femmes dans une position d’infériorité. (Mme Gisèle Printz applaudit.) En d’autres termes, les violences prennent souvent leur source dans les inégalités persistantes entre les hommes et les femmes.
Il était donc important et urgent que le Parlement démontre que le domicile familial n’était plus une zone de non-droit. (Mme Gisèle Printz applaudit de nouveau.) C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avions déposé notre première proposition de loi sur ce sujet, laquelle, avec celle du groupe CRC-SPG, fut à l’origine de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein des couples ou commises contre les mineurs.
Force était en effet de constater que, à cette époque, notre législation en la matière ne comportait que des textes épars, preuve du peu d’importance accordé à un tel problème, certainement par ignorance. Peut-être considérait-on aussi que le meilleur moyen de s’accommoder d’un mal qui dérange est de l’ignorer.
Mme Michèle André. Absolument !
Mme Gisèle Printz. En effet !
M. Roland Courteau. Songez qu’il fallut attendre 1989 et les premières initiatives prises par Michèle André, alors secrétaire d’État chargée des droits des femmes et de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, pour que l’on se préoccupe enfin de ce mal. Peu d’évolutions intervinrent ensuite, et ce jusqu’à l’adoption de la loi du 4 avril 2006.
Pour la première fois, un texte spécifique était soumis à l’examen du Parlement. C’était d’ailleurs tout à l’honneur du Sénat, précurseur en ce domaine, ce dont je me réjouis, même si le groupe socialiste n’avait pas été totalement suivi pour ce qui concerne l’élaboration d’une loi-cadre, comme a su s’en doter l’Espagne.
Cela dit, tant mieux si, comme le mentionnait Françoise Laborde, cette loi de 2006 a provoqué un déclic, à la fois social, judiciaire et législatif, et enclenché une dynamique générale se traduisant par la montée du taux de révélation et de judiciarisation de ces violences. Tant mieux si les tabous ont commencé à tomber ; tant mieux si, par ce premier texte, le droit et la justice ont pu pénétrer, enfin, dans la sphère privée. Et tant mieux, en outre, si la parole s’est libérée. C’est bien la preuve qu’une action volontariste permet de mieux lutter contre ce fléau, même s’il est vrai que des chansons aussi scandaleuses que celle d’Orelsan ne nous aident guère à progresser.
En fait, c’est bien parce que la lutte contre les violences au sein du couple ne peut souffrir aucun répit que nous avons déposé deux autres propositions de loi, l’une en juin 2007, et l’autre en décembre 2009. C’est cette dernière que nous examinons concomitamment avec le texte adopté par l’Assemblée nationale, afin de parvenir à un texte unique.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’ampleur du phénomène auquel nous sommes confrontés exige que nous mettions en œuvre une prévention massive. Il est vrai que la situation nous faisait d’abord obligation de mettre en place un arsenal juridique, afin de lutter contre ces violences. Ce fut principalement le rôle de la loi de 2006, laquelle prévoyait une aggravation des sanctions, l’éloignement du domicile de l’auteur des violences, la lutte contre les violences faites aux mineurs, la lutte contre les mariages forcés, l’incrimination du viol au sein du couple, ou encore la prise en charge sanitaire, sociale et psychologique, y compris dans le cadre du PACS ou des anciens conjoints, anciens concubins et anciens partenaires pacsés.
Si ces dispositions ont apporté une première réponse, elles doivent être relayées par d’autres dynamiques, afin de changer profondément certains schémas ancrés dans les mentalités. Punir sévèrement est nécessaire. Mais si nous voulons changer les mentalités, et donc réduire ces violences jusqu’à – pourquoi pas ? – les éradiquer, il faut agir très en amont, c’est-à-dire à l’école, au collège et au lycée : informer, éduquer, prévenir. Comme le disait Romain Rolland, « tout commence sur les bancs de l’école ».
L’une de ces dynamiques consiste en un vrai travail d’éducation sur le respect mutuel entre les garçons et les filles, l’égalité entre les sexes, le respect des différences et la lutte contre le sexisme. Qu’est-ce que le sexisme, si ce n’est « cette tendance à vouloir inscrire la différence entre les garçons et les filles dans un rapport hiérarchique de domination, où le masculin l’emporte sur le féminin » ? (Mme Gisèle Printz applaudit.)
Puisqu’il s’agit d’une construction purement humaine, convenons qu’elle puisse être déconstruite par les humains, en commençant un travail d’éducation sur l’égalité entre les sexes dans les établissements scolaires.
Voilà pourquoi nous avions proposé, déjà, en 2006, dans le cadre de notre première proposition de loi, d’introduire dans les programmes scolaires des mesures qui s’inscrivaient dans ce sens.
Nous insistons, cette fois encore, pour que de telles dispositions soient gravées dans le marbre de la loi. À cet égard, je remercie la commission d’avoir émis un avis favorable sur l’amendement que nous avons déposé sur ce point.
Nous proposons par ailleurs d’instituer une journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes, dont la date pourrait être fixée au 25 novembre, en coordination avec la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
Plus on évoquera ce sujet, plus on en parlera, plus on informera et plus on sensibilisera, plus efficacement on fera reculer ce fléau. Mais la prévention passe également par le repérage des personnes victimes de violences, et ce le plus précocement possible. Il est donc particulièrement important – je vous rejoins sur ce point, madame Dini – que tous les professionnels qui se trouvent en première ligne – professionnels de santé, policiers, gendarmes, travailleurs sociaux –, sans oublier les magistrats, les avocats et les enseignants bénéficient d’une formation systématique initiale et continue.
Nous touchons là, mes chers collègues, à l’essentiel, car les violences au sein du couple sont complexes. Il est donc impératif que les intervenants connaissent particulièrement bien ce phénomène, pour mieux détecter les violences et mieux accompagner les victimes, car, sans une véritable formation, il est difficile d’évaluer une ITT, de rédiger dans certains cas un certificat médical. Il n’est pas non plus évident de détecter un manipulateur.
Pour le moment, ces formations sont limitées en nombre et souvent effectuées sur la base du volontariat, ce qui s’avère insuffisant. Je regrette par conséquent que l’article 40 de la Constitution ait été invoqué pour repousser la disposition que nous avions prévue en la matière.
Par ailleurs, il paraîtrait que certains commissariats ou gendarmeries aient une fâcheuse tendance à abuser des mains courantes, au lieu d’enregistrer les plaintes. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Sylvie Desmarescaux approuve également.) Est-ce par ignorance du phénomène, donc par manque de formation ? Ou bien par souci de faire en sorte que, dans les statistiques, les chiffres n’augmentent pas trop, ce que je n’ose croire ? Quoi qu’il en soit, ne nous étonnons pas, dans ce cas, que la victime ne revienne plus jamais au commissariat !
Toujours en ce qui concerne la prévention, nous avons été alertés sur les situations de danger dans lesquelles se trouvent des femmes et leurs enfants. On a en effet pu noter que les victimes de violences hésitaient très souvent à porter plainte, et ce pour plusieurs raisons : d’abord, la crainte de représailles, ensuite, les problèmes d’urgence liés au logement, à la garde des enfants ou à la régularité du séjour pour les personnes étrangères.
Il nous a semblé nécessaire de mettre en place, modestement, certes, une procédure permettant de protéger, avant tout dépôt de plainte, la victime et ses enfants, en saisissant le juge aux affaires familiales, comme le prévoit l’article 220-1 du code civil pour les couples mariés. Nous avons donc souhaité, par souci de cohérence, élargir cette compétence du juge aux affaires familiales aux partenaires liés par un PACS et aux concubins. Je me réjouis, monsieur le rapporteur, que notre préoccupation soit satisfaite par le texte proposé par la commission.
J’en viens à notre proposition de créer un délit pour violences psychologiques. Il s’agit pour nous d’un dossier ancien. Certes, je n’ignore pas que le repérage de ce type de violences peut, dans certains cas, s’avérer difficile. En effet, les violences psychologiques ne laissent pas de traces aisément identifiables et médicalement objectivables. Faut-il pour autant persister à ne rien faire, sous prétexte que le sujet serait difficile ? Je rappelle qu’il s’agit d’un phénomène de société alarmant, particulièrement destructeur et qui consiste en une mise à sac de la confiance en soi et de l’estime de soi.
Bref, un vrai travail de harcèlement, un vrai travail de démolition morale, qui, souvent, précède, prépare l’arrivée des violences physiques, lesquelles sont autant de blessures parfaitement préméditées, organisées et planifiées. Certes, ces blessures sont peut-être parfois invisibles, mais elles sont « indélébiles » et détruisent un être à petit feu.
La menace itérative est une autre technique d’usure : « Si pars, tu le regretteras ! » ; « Si tu me quittes, je te tue ! » ; « Si tu t’en vas, tu ne verras plus tes enfants, et je me tue après... ». C’est du vécu, mes chers collègues !
Selon certains psychologues, la séparation, dans ces cas-là, ne peut avoir lieu que si l’auteur des menaces est soumis à la justice. Il ne renoncera à ces violences que s’il connaît les risques qu’il court sur le plan judiciaire.
Or, aujourd’hui, comme le soulignait justement l’avocate maître Yaël Mellul, « lorsque la violence psychologique s’exerce à l’intérieur du couple, la justice, elle, reste à la porte ».
Que reste-t-il à faire pour la victime, s’interrogeait récemment le docteur Feldman ? Rester ? Se soumettre, et donc aller, à brève échéance, vers la destruction ? Ou bien partir, sans savoir ce que deviendront les enfants ? Combien de victimes de ces violences psychologiques ont-elles mis fin à leur calvaire en se donnant la mort ?
Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que certaines des dispositions visées dans ces deux propositions de loi soulevaient des difficultés juridiques ; c’est pourquoi vous y avez apporté plusieurs modifications. Sachez que nous approuvons celles-ci.
Concernant l’article 5 de notre proposition de loi, relatif à l’aide juridictionnelle, nous proposions que cette aide soit accordée à la victime sans condition de ressources et pour tous les cas de violences au sein des couples. Chacun imagine bien que, dans ces situations, il ne faudra pas compter sur l’agresseur pour payer les frais de justice...
Malheureusement, en raison, encore une fois, de l’irrecevabilité financière en application de l’article 40, nous n’aurons pas satisfaction sur ce point précis.
Madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au moment où nous nous apprêtons à compléter la loi du 4 avril 2006, mais aussi la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007, peut-être faudrait-il s’assurer qu’elles sont correctement appliquées, plus particulièrement en matière d’éviction du domicile ou d’injonction de soins pour les auteurs de violences.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il faudra améliorer le délai de réponse de la justice en matière d’éviction du domicile familial de l’auteur de violences.
Concernant l’injonction de soins, à l’article 12 sont reprises les dispositions de notre proposition de loi visant à incriminer les violences habituelles commises au sein des couples. Vous nous en voyez satisfaits, monsieur le rapporteur, même si nous eussions aimé que la deuxième disposition qui suivait dans notre texte fût, elle aussi, retenue.
Je rappelle que nous proposions que, dans ces cas-là, les auteurs de violences soient condamnés à un suivi socio-judiciaire.
Je rappelle aussi que l’injonction de soins a été généralisée dans le cadre du suivi socio-judiciaire par la loi d’août 2007. Je constate, pour le regretter, qu’une telle mesure a été d’abord écartée par les députés pour les violences habituelles commises au sein du couple. Pourquoi ? Parce que nous manquons de médecins coordonnateurs, ai-je cru comprendre. Mais toute la question est de savoir pourquoi nous manquons de médecins coordonnateurs. La réponse est surprenante : c’est tout simplement parce qu’ils sont insuffisamment ou mal payés !
Or, faute de médecins coordonnateurs, les mesures d’injonction de soins ne peuvent être correctement suivies dans plus de la moitié des tribunaux. Le plus étonnant, c’est que la seule réponse qui ait été apportée à ce problème d’indemnisation des médecins a consisté à limiter l’automaticité du contrôle socio-judicaire et, donc, de l’injonction de soins qui en découle.
En d’autres termes, comme le dirait mon ami Jean-Jacques Mirassou, si vous avez de la fièvre, vous cassez le thermomètre et le tour est joué ! (Mme Gisèle Printz applaudit.)
Je formulerai une autre remarque : si plusieurs dizaines de milliers d’hommes exercent des violences sur leur compagne, seulement quelques centaines d’entre eux font l’objet de soins et sont accueillis dans des structures spécialisées. Or cette prise en charge est importante pour lutter contre la récidive, dont le taux est, semble-t-il, en hausse.
Des expériences intéressantes, conduites par exemple à Douai, ont démontré que les soins dispensés faisaient baisser considérablement le taux de récidive.
Je veux aussi vous dire, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, que cette prévention de la récidive par l’injonction de soins implique l’existence de lieux d’accueil, de structures de soins, d’intervenants qualifiés, et donc de financements.
Aujourd’hui, m’a-t-on dit, le nombre de ces structures est, en France, d’ordre résiduel. Nous avions, par voie d’amendement, proposé de généraliser à tous les tribunaux de grande instance les antennes de psychiatrie et de psychologie légales mises en place par certains parquets. Malheureusement, là encore en raison de l’irrecevabilité financière, nous n’obtiendrons pas satisfaction.
Bien sûr que tout cela a un coût, mais gardons à l’esprit qu’une journée de soins pour l’auteur de violences est certainement d’un coût moins élevé qu’une journée de prison, avec d’immenses souffrances en moins pour les victimes. N’oublions pas non plus que le coût de ces violences, dans notre pays, est évalué à quelque 2,5 milliards d’euros.
À quoi sert-il que des mesures législatives soient adoptées si, faute de moyens financiers, elles ne peuvent être mises en œuvre ?
Je veux espérer que tel ne sera pas le cas pour l’organisation, par le juge aux affaires familiales, du droit de visite et de la remise de l’enfant dans un espace de rencontre, en présence, j’y insiste, de la personne morale habilitée.
Nous sommes favorables à ces mesures, d’autant que nous les avions suggérées dans notre proposition de loi n° 322, qui n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour.
Cela dit, où seront ces lieux de rencontre ? J’imagine que le Gouvernement espère pouvoir compter sur les associations. Si tel est le cas, il faudra aussi penser à leur donner les moyens afférents !
En fait, je constate que, très souvent, le Gouvernement considère les associations comme ses propres opérateurs, pour des missions qui sont des missions d’État. Alors, s’il vous plaît, ne les désespérons pas en raison de financements trop chichement attribués, quand ils ne sont pas réduits d’une année sur l’autre.
J’en viens à la question du renouvellement du titre de séjour en cas de violences conjugales avérées et à celle de la délivrance d’une carte de séjour aux personnes en situation irrégulière et victimes de violences au sein du couple.
Bien que ce soient là d’excellentes dispositions, nous ne suivrons pas totalement la commission concernant la médiation pénale. Nous préférons en revenir au texte de l’Assemblée nationale, qui prévoit que la victime est présumée ne pas consentir à la médiation pénale non seulement lorsqu’elle a saisi le juge aux affaires familiales d’une ordonnance de protection, mais également dans les cas de violences visés aux articles 222-9 à 222-13 et 222-22 à 222-28 du code pénal.
Nous considérons effectivement que les risques inhérents à une mauvaise utilisation de la médiation pénale sont trop importants. N’oublions pas que nous avons affaire à des violences, et non à de simples disputes ou conflits.
Or, en rendant interactive la responsabilité de l’acte, la médiation pénale rendrait de fait la victime en partie responsable.
Tout de même, frapper quelqu’un dans la rue entraîne des poursuites pénales ; frapper son épouse ou sa compagne ne donnerait lieu qu’à une simple médiation pénale !
Mme Odette Terrade. Très juste !
M. Roland Courteau. Nous aurons en outre l’occasion de nous exprimer sur les autres propositions, en particulier le placement sous surveillance électronique ou les mesures favorisant l’accès au logement. Tout cela va dans le bon sens.
Par ailleurs, je suis tout à fait d’accord également pour que soit précisée la rédaction de l’article 132-80 du code pénal, à la suite de l’arrêt en date du 16 décembre 2009 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui aura principalement pour conséquence que le juge n’aura plus les moyens d’agir dès lors que les violences commises par l’ex-conjoint, l’ex-concubin ou l’ex-partenaire du PACS ont occasionné une interruption temporaire de travail inférieure ou égale à huit jours. J’apprécie donc que cet article ait été utilement complété.
Je formulerai une remarque à propos de l’intitulé du texte : nous proposerons, par voie d’amendement, que cet intitulé mentionne non seulement les violences faites aux femmes, mais aussi les violences au sein du couple. Cela nous paraît mieux refléter la réalité des choses et le contenu de ce texte.
Pour conclure, j’aurais aimé que l’on avançât sur la proposition que nous avions faite dans un précédent texte et qui visait à mettre en place un dispositif facilitant l’insertion professionnelle des victimes dès lors que les violences au sein des couples auraient entraîné une longue interruption temporaire de travail. Peut-être verrons-nous cette question en deuxième lecture.
Cela dit, et malgré certains manques, nous nous réjouissons, monsieur le rapporteur, que les deux propositions de loi aient été examinées concomitamment, afin de fédérer les idées et les mesures dans le but de mieux protéger, de mieux prévenir et de mieux réprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mmes Anne-Marie Escoffier et Catherine Morin-Desailly ainsi que M. Alain Dufaut applaudissent également.)
10
Mise au point au sujet d'un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, je souhaite faire une mise au point au sujet du scrutin n° 229 de ce mardi 22 juin 2010 portant sur l’ensemble du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution, dans la rédaction du texte proposé par la commission mixte paritaire.
En effet, Nathalie Goulet souhaitait voter contre, Denis Badré, Marcel Deneux, Jacqueline Gourault, Jean-Jacques Jégou et Jean-Marie Vanlerenberghe souhaitaient s’abstenir, et Jean-Léonce Dupont souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq,
est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
11
Demande d’inscription à l’ordre du jour d'une proposition de résolution
M. le président. J’informe le Sénat, en application de l’article 50 ter de notre règlement, que M. Gérard Longuet, président du groupe UMP, a demandé, le vendredi 18 juin 2010, l’inscription de la proposition de résolution n° 568 relative à la mise en œuvre de la contribution économique territoriale, qu’il a déposée avec les membres du groupe UMP.
J’informe par ailleurs le Sénat que M. Gérard Longuet a rectifié cet après-midi sa proposition de résolution pour compléter la liste des signataires et ajouter un alinéa.
Cette double rectification a été portée à la connaissance de M. le Premier ministre avant la réunion de la conférence des présidents.
12
Conférence des présidents
M. le président. La conférence des présidents qui s’est réunie aujourd’hui même a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SEMAINE SÉNATORIALE (suite)
Mercredi 23 juin 2010
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour réservé au groupe RDSE de 14 heures 30 à 18 heures 30 :
1°) Proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières, présentée par M. Yvon Collin et les membres du groupe RDSE (n° 285, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les délais limite pour le dépôt des amendements et pour les inscriptions de parole sont expirés.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 23 juin 2010, le matin) ;
2°) Proposition de loi rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues du groupe RDSE (n° 422 rectifié, 2008-2009) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les délais limite pour le dépôt des amendements et pour les inscriptions de parole sont expirés.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 23 juin 2010, le matin).
Ordre du jour fixé par le Sénat :
3°) Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes (texte de la commission, n° 565, 2009-2010) et proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, présentée par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste (n° 118, 2009-2010).
Jeudi 24 juin 2010
À 9 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Proposition de loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d’intérêts des élus locaux, présentée par M. Bernard Saugey (texte de la commission, n° 520, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 23 juin 2010) ;
Le délai limite pour le dépôt des amendements de séance est expiré ;
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 23 juin 2010, le matin) ;
2°) Proposition de loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, présentée par M. Paul Blanc et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 531, 2009 2010) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 23 juin 2010) ;
Le délai limite pour le dépôt des amendements de séance est expiré ;
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 23 juin 2010, à dix heures) ;
À 15 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
3°) Proposition de loi sur le recours collectif, présentée par Mme Nicole Bricq et plusieurs de ses collègues (n° 277, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 23 juin 2010) ;
Le délai limite pour le dépôt des amendements de séance est expiré ;
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 23 juin 2010, le matin) ;
4°) Question orale avec débat n° 62 de M. Serge Lagauche à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, sur l’égalité des chances dans l’enseignement primaire et secondaire ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 23 juin 2010.
Conformément à l’article 82, alinéa 1, du règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie du temps de parole pour répondre au Gouvernement) ;
À 19 heures et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
5°) Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes et proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, présentée par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste.
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
J’informe le Sénat que le jeudi 24 juin, nous aurons atteint le plafond constitutionnel de cent vingt jours tel qu’il est fixé par le deuxième alinéa de l’article 28 de la Constitution.
En application du troisième alinéa de cet article, M. le Premier ministre, après consultation de M. le président du Sénat, a décidé la tenue de trois jours supplémentaires de séance – au-dessus du plafond de cent vingt jours – les lundi 28, mardi 29 et mercredi 30 juin 2010.
Lundi 28 juin 2010 (jour supplémentaire de séance)
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant engagement national pour l’environnement (n° 567, 2009 2010) ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 25 juin 2010) ;
Ordre du jour fixé par le Sénat :
2°) Proposition de résolution relative à la mise en œuvre de la contribution économique territoriale, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par MM. Gérard Longuet, Nicolas About, Jean Arthuis, Philippe Marini, Charles Guené, Alain Chatillon, François-Noël Buffet et les membres du groupe UMP, apparentés et rattachés et les membres du groupe Union centriste (n° 568 rectifié, 2009 2010) ;
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes à l’auteur de la proposition de résolution ;
- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;
- a fixé les explications de vote à cinq minutes par groupe (trois minutes pour les non-inscrits).
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 25 juin 2010) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales (texte de la commission, n° 560, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de quinze minutes à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ;
- a fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 25 juin 2010) ;
- a fixé au jeudi 24 juin 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance les lundi 28 juin à quatorze heures, mardi 29 juin, le matin avant les réunions des groupes et à quatorze heures, et le mercredi 30 juin, le matin).
Mardi 29 juin 2010 (jour supplémentaire de séance)
À 9 heures 30 :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 781 de M. Claude Biwer à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Suppression de certaines liaisons TGV par la SNCF) ;
- n° 876 de M. Didier Guillaume à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;
(Conséquences pour les territoires ruraux de la réorientation des aides financières de l’État pour le logement social) ;
- n° 903 de Mme Colette Mélot à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Effectifs de police nationale sur la circonscription de Melun) ;
- n° 904 de M. Jean-Pierre Chauveau à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Prolongation de l’autorisation de tir aux corbeaux) ;
- n° 906 de M. Jacques Mézard à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Sort réservé à la maison d’arrêt d’Aurillac) ;
- n° 910 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Conséquences du rapport d’expertise judiciaire relatif à la sharka) ;
- n° 912 de Mme Bernadette Bourzai à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Dysfonctionnements dans le suivi des dossiers du programme européen LEADER) ;
- n° 913 de M. Jean-Claude Carle transmise à Mme la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique ;
(Lutte contre la fracture numérique) ;
- n° 916 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Compensation des dépenses de gestion du RMI et du RSA pour les départements) ;
- n° 917 de M. Georges Patient à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Crise de la filière rizicole en Guyane) ;
- n° 918 de Mme Christiane Kammermann à M. le ministre des affaires étrangères et européennes ;
(Écoles conventionnées au Gabon) ;
- n° 921 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;
(Inégalité de traitement des victimes de l’amiante) ;
- n° 922 de M. Jean Besson à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Amélioration des procédures d’alerte en cas d’inondation) ;
- n° 923 de Mme Patricia Schillinger à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;
(Situation des caisses d’allocations familiales) ;
- n° 924 de M. Michel Billout à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Sauvegarde et développement du service public de santé à Melun) ;
- n° 929 de M. Jean-Claude Frécon à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Réglementation sur les conditions de transport des enfants) ;
- n° 932 de M. Jean Boyer transmise à M. le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales ;
(Gel des dotations de l’État aux collectivités locales) ;
- n° 938 de M. Louis Pinton à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Échelon géographique pertinent pour l’implantation et la fiscalité des éoliennes terrestres) ;
À 15 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Suite de la deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Mercredi 30 juin 2010 (jour supplémentaire de séance)
À 15 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite de la deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales ;
2°) Clôture de la session ordinaire 2009-2010.
SESSION EXTRAORDINAIRE 2009-2010
Jeudi 1er juillet 2010
À 9 heures 30 :
1°) Ouverture de la session extraordinaire 2009-2010 ;
2°) Suite de la deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales ;
À 15 heures et le soir :
3°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;
4°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Vendredi 2 juillet 2010
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Lundi 5 juillet 2010
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Mardi 6 juillet 2010
À 9 heures 30 :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 860 de Mme Maryvonne Blondin à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Avenir de la justice commerciale de Quimper) ;
- n° 909 de Mme Anne-Marie Escoffier à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
(Bénéfice du crédit d’impôt recherche pour les entreprises de taille intermédiaire) ;
- n° 926 de Mme Claire-Lise Campion à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Projet de relèvement des altitudes d’arrivée des avions en provenance du sud-est à destination de l’aéroport d’Orly) ;
- n° 928 de M. Christian Cambon à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Avenir des subventions versées par les départements aux associations) ;
- n° 930 de Mme Marie-France Beaufils à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
(Rétablissement des crédits des zones d’éducation prioritaire) ;
- n° 931 de Mme Annie Jarraud-Vergnolle à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Outil pour un développement partagé du Pays basque) ;
- n° 934 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Défense des sylviculteurs) ;
- n° 935 de M. Hervé Maurey à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Création d’une gare à Bernay sur la ligne à grande vitesse Paris-Normandie) ;
- n° 936 de M. Claude Domeizel à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Agression sur la voie publique par un malade mental) ;
- n° 937 de M. Yannick Botrel à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Situation des logements d’anciens agriculteurs en zone agricole du PLU) ;
- n° 940 de M. Martial Bourquin à M. le ministre chargé de l’industrie ;
(Avenir du pacte automobile) ;
- n° 941 de M. Gérard Bailly à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Organisation de la gendarmerie en milieu rural) ;
- n° 942 de Mme Jacqueline Gourault à M. le ministre chargé de l’industrie ;
(Délocalisation de l’entreprise Produits Céramiques de Touraine) ;
- n° 943 de M. Yves Pozzo di Borgo à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Projet de la Bassée et risque de crue à Paris) ;
- n° 944 de M. Jean-Paul Amoudry à M. le ministre de l’éducation nationale, porte parole du Gouvernement ;
(Scolarisation des enfants handicapés en Haute-Savoie) ;
- n° 945 de M. Bernard Cazeau ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Avenir de la culture de la pomme) ;
- n° 956 de Mme Nathalie Goulet le ministre des affaires étrangères et européennes ;
(Position de la France au regard de la représentation en France de la prétendue « République du Haut-Karabagh ») ;
- n° 957 de M. Jean-Claude Danglot la ministre de la santé et des sports ;
(Remise en cause de la gratuité des soins des affiliés à la sécurité sociale minière) ;
À 14 heures 30, le soir et la nuit :
2°) Suite de la deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Mercredi 7 juillet 2010
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Jeudi 8 juillet 2010
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009 (A.N., n° 2554) ;
(La commission des finances se réunira pour le rapport le mardi 29 juin 2010, après midi.
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 7 juillet 2010) ;
- au mardi 6 juillet 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements de séance le jeudi 8 juillet 2010, le matin) ;
2°) Déclaration du Gouvernement sur les orientations des finances publiques pour 2011, suivie d’un débat et d’un vote sur cette déclaration, en application de l’article 50-1 de la Constitution ;
(La Conférence des Présidents a fixé :
- à dix minutes le temps réservé respectivement au rapporteur général de la commission des finances et au rapporteur général de la commission des affaires sociales ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;
- à dix minutes le temps réservé respectivement au président de la commission des finances et au président de la commission des affaires sociales ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 7 juillet 2010).
Le vote sur cette déclaration donnera lieu à un scrutin public ordinaire).
Lundi 12 juillet 2010
À 15 heures et le soir :
1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 9 juillet 2010) ;
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’adhésion à la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute (n° 272, 2009-2010) ;
3°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à l’assistance et à la coopération en matière de protection et de sécurité civiles dans les situations d’urgence (n° 438, 2008-2009) ;
4°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne concernant l’échange de renseignements sur les titulaires du certificat d’immatriculation de véhicules contenus dans les fichiers nationaux d’immatriculation des véhicules dans le but de sanctionner les infractions aux règles de la circulation (n° 488, 2007-2008) ;
5°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth des Bahamas relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 541, 2009-2010) ;
6°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Turques et Caïques relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 542, 2009-2010) ;
7°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Bermudes relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 543, 2009-2010) ;
8°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Caïmans relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 544, 2009-2010) ;
9°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Gibraltar relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 545, 2009-2010) ;
10°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Saint-Marin relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 546, 2009 2010) ;
11°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 548, 2009 2010) ;
12°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Guernesey relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 549, 2009-2010) ;
13°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Île de Man relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 550, 2009-2010) ;
14°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Vierges britanniques relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 551, 2009 2010) ;
15°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Liechtenstein relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 547, 2009-2010) ;
16°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Jersey relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale et à l’imposition des pensions (n° 540, 2009-2010) ;
(Pour les quinze projets de loi ci-dessus, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée ;
Selon cette procédure simplifiée, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le vendredi 9 juillet 2010, à dix-sept heures qu’un projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle) ;
17°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 9 juillet 2010) ;
18°) Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services (A.N., n° 2637) ;
(La commission de l’économie se réunira pour le rapport le mercredi 30 juin 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 28 juin 2010, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 9 juillet 2010) ;
- au jeudi 8 juillet 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements de séance le lundi 12 juillet 2010, à treize heures trente).
Éventuellement, mardi 13 juillet 2010
À 14 heures 30 :
- Éventuellement, sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 12 juillet 2010).
La prochaine conférence des présidents se réunira le mercredi 7 juillet 2010, à dix-neuf heures.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour, autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...
Ces propositions sont adoptées.
Par ailleurs, la conférence des présidents a réglé le calendrier des questions d’actualité au Gouvernement, des questions orales et des questions cribles thématiques pour les mois d’octobre à décembre 2010.
Ce calendrier est annexé aux conclusions de la conférence des présidents et sera mis en ligne sur le site du Sénat.
ANNEXE
Questions d’actualité au Gouvernement ;
Questions orales et questions cribles thématiques.
D’octobre à décembre 2010
I - Questions d’actualité au Gouvernement
- Jeudi 7 octobre 2010
- Jeudi 21 octobre 2010
- Jeudi 4 novembre 2010
- Jeudi 25 novembre 2010
- Jeudi 16 décembre 2010
II - Questions orales
- Mardi 5 octobre 2010
- Mardi 19 octobre 2010
- Mardi 2 novembre 2010
- Mardi 16 novembre 2010
- Mardi 30 novembre 2010
- Mardi 21 décembre 2010
III - Questions cribles thématiques
- Mardi 12 octobre 2010
- Mardi 26 octobre 2010
- Mardi 16 novembre 2010
- Mardi 14 décembre 2010
13
Répression des violences faites aux femmes. - Violences au sein des couples
Suite de la discussion de deux propositions de loi
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes et de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.
Dans la discussion générale, il nous reste à entendre les douze orateurs inscrits, pour un temps de parole global d’une heure et quarante-six minutes.
En tout état de cause, je lèverai la séance avant minuit. Soyez assurés que je ne tiendrai pas rigueur aux intervenants qui respecteront le temps de parole qui leur est imparti. (Sourires.)
Mme Odette Terrade. Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites !
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues : « enfin » ! Ce mot est de circonstance au regard du temps qui s’est écoulé et des 16 000 pétitions qui ont été signées avant que ce texte ne soit débattu à l’Assemblée nationale et arrive – enfin ! – jusqu’à nous !
En 2006, la proposition de loi déposée par la présidente de notre groupe, Nicole Borvo Cohen-Seat, avait largement contribué, avec la proposition de loi de notre collègue Roland Courteau, à ce qui est devenu la première pierre de la reconnaissance des violences faites aux femmes.
En 2007, nous avons relayé la demande des associations féministes et déposé la proposition de loi-cadre relative à la lutte contre les violences à l’encontre des femmes.
Fruit d’un long travail de concertation et de réflexion avec les magistrats, les associations ou les collectifs de femmes, fruit aussi de l’expérience du seul observatoire des violences envers les femmes existant en France, celui du conseil général de la Seine-Saint-Denis, la proposition de loi que nous examinons ce soir est non pas une conclusion, mais plutôt une maturation, et elle marque une nouvelle étape importante pour les droits des femmes, une étape pour laquelle nous nous devons tous de répondre présentes et présents, tant les attentes des victimes sont fortes.
Le crime conjugal reste encore défini, par notre société, comme un crime passionnel et les violences contre les femmes ne sont devenues des circonstances aggravantes que depuis les textes de 2006.
Le constat est alarmant : une femme sur dix est victime de violences dans son couple, soit 1 800 000 femmes par an, ce qui est considérable ! Parmi elles, un tiers est victime de violences graves ou très graves.
Selon une enquête de l’INSEE publiée en 2007, 200 000 femmes sont victimes de viols chaque année.
Une femme meurt assassinée par son compagnon ou ex-compagnon tous les deux jours.
Au-delà de l’effroyable énoncé de ces chiffres, nous avons encore une marge de progrès certaine en matière d’élaboration de données statistiques fiables.
D’ailleurs, M. François Pillet indique dans son rapport que « les chiffres constatés par les services de police et de gendarmerie paraissent bien en deçà des violences subies. Selon l’observatoire national de la délinquance, l’OND, le nombre de plaintes déposées par les victimes de violences conjugales représenteraient moins de 9 % des violences conjugales réellement subies. »
Alors que je puis affirmer, en me fondant sur les statistiques de cet observatoire, que 400 000 voitures sont volées par an, je suis incapable de vous dire combien de femmes sont mutilées ou rendues infirmes à vie, combien sont défenestrées, ou « suicidées » du fait des violences au sein de leur couple.
Au fur et à mesure que les statistiques s’affinent, les chiffres augmentent et on découvre davantage les ravages que les violences faites aux femmes provoquent dans toute la société. Nous ne disposerons de chiffres justes et précis que si un travail spécifique est engagé !
Les violences faites aux femmes ont été déclarées « Grande cause nationale 2010 ». Il est donc urgent de cerner au plus près la situation pour y remédier.
Selon une enquête menée dans le cadre du programme européen Daphne, aujourd’hui, dans notre pays, plus d’une femme par jour serait tuée par son conjoint ou ex-conjoint. Lorsqu’un phénomène touche un si grand nombre de personnes, il s’agit d’un véritable phénomène de société et nous sommes alors tous concernés !
Les comportements violents des hommes envers les femmes sont des actes individuels inscrits dans des rapports sociaux de domination masculine encore trop fortement tolérés par notre société. Il n’est pas rare que l’on parle de « différends » au sein des couples pour ne pas avoir à prononcer le mot « violence ».
Mes chers collègues, de fortes résistances au changement, fondées sur les discriminations entre les femmes et les hommes, persistent dans notre société. C’est pourquoi je soutiens l’intitulé de cette proposition de loi qui indique clairement qu’il existe dans notre société des « violences spécifiques faites aux femmes ». Permettez-moi d’avoir une pensée pour toutes celles qui souffrent de ces violences, pour toutes celles qui résistent et cherchent de l’aide, une pensée pour les enfants, premiers témoins de ces violences, ainsi que pour les professionnels et les associations qui les soutiennent
L’expérience des avocats ou des associations qui accompagnent les victimes indiquent que la période où la femme se sépare de son partenaire est la phase la plus dangereuse.
De plus, l’épisode meurtrier n’est pas un acte isolé, qui surviendrait de manière soudaine. Il est bien souvent précédé par de nombreux actes de violences qui ne font pas toujours l’objet de signalements judicaires, mais qui sont autant de signaux qui devraient pourtant être pris en compte.
Le décès de la femme est très souvent l’aboutissement d’un processus de violences masculines que l’on a pas su, ou pas voulu, écouter.
Souvent, les femmes victimes nous alertent sur les dangers qu’elles courent, à l’image de cette jeune femme du Val-de-Marne, Tanja, assassinée par son ex-compagnon à l’occasion de son droit de visite de père, alors qu’il faisait l’objet d’un sursis avec mise à l’épreuve lui interdisant d’approcher du domicile de la jeune femme.
Cet exemple rappelle à chacun d’entre nous la nécessité d’instituer de meilleures mesures de protection pour les femmes et leurs enfants, comme une meilleure articulation entre la justice civile et la justice pénale.
C’est justement pour éviter ces trop nombreux drames que je me félicite de l’inscription à l’ordre du jour de notre assemblée de la présente proposition de loi. Nous avons ainsi la possibilité « de marquer clairement la condamnation solennelle des violences faites aux femmes en tant qu’atteintes à la dignité de la personne humaine ».
Mes chers collègues, à l’instar des membres de la mission spéciale de l’Assemblée nationale, nous devons à notre tour apporter des réponses concrètes et utiles à ce problème majeur de notre société que représentent les violences faites aux femmes.
Améliorer la protection des victimes, c’est déjà construire une société plus juste et respectueuse de tous !
J’en reviens au texte de la proposition de loi.
L’article 1er a pour objet d’améliorer la protection des victimes de violences de toutes natures et de faciliter l’accès de ces dernières au droit.
La mise en place de l’ordonnance de protection est une révolution, car elle nous fait passer de la fatalité des injures, des coups, des viols à la responsabilité de chacune des personnes ou institutions auxquelles la femme victime demande de l’aide. Cela va du dépôt de plainte à la procédure en justice, de la demande de soutien à celle d’aide sociale.
Pendant toute la durée de l’ordonnance de protection, c'est-à-dire quatre mois, durée qui peut être prolongée si la femme a engagé une demande de divorce ou de séparation de corps, les femmes auront la possibilité d’engager des procédures contre leur compagnon ou ex-compagnon, alors que jusqu’à présent moins de 10 % d’entre elles seulement osaient porter plainte, par peur de représailles.
Le dispositif prévu ne s’étend pour le moment qu’aux seules victimes de violences conjugales et familiales. Or ce sont bien toutes les femmes victimes de violences ou en situation de danger que la société doit protéger, quels que soient les motifs ou circonstances de ce danger.
L’article 2 de la proposition de loi renforce la protection des femmes en créant un nouveau délit en cas de violation de certaines obligations imposées à l’homme violent par le juge aux affaires familiales. À nouveau, la société envoie un signe fort aux auteurs des violences.
Un autre volet très attendu est celui qui concerne les enfants vivant dans un foyer au sein duquel le père ou le beau-père est violent avec leur mère. Ces enfants sont de réelles victimes des violences dans le couple et subissent de véritables traumatismes. C’est souvent à l’occasion du droit de visite et d’hébergement du père que de nouvelles violences s’exercent sur la mère.
De plus, des études indiquent que les hommes qui ont commis des violences contre leurs compagnes sont dans 40 % des cas des pères maltraitants.
Les articles 3 et 4 redessinent le statut de l’autorité parentale, notamment les critères des droits de visite et d’hébergement pour l’auteur des violences.
Ces articles soulignent la nécessité de recourir, en cas de violences conjugales, à des espaces de rencontre, lesquels sont encore trop peu nombreux sur notre territoire. Ces articles visent aussi à prévoir, comme cela existe déjà en Suède, une mesure d’accompagnement de l’enfant par une tierce personne ou une association.
Les violences nous concernent toutes et tous et nous devons les combattre au nom de la solidarité, pilier fondamental de notre société. L’exercice de la solidarité nationale est renforcé dans les articles 5, 6 et 7 qui prévoient des mesures juridiques pour les femmes étrangères victimes de violences, qui ont plus que d’autres encore besoin que soit réaffirmé leur droit à être protégées.
La question du logement des femmes victimes de violences entre dans la loi : c’est bien ! Mais nous le savons, si nous voulons que cette mesure soit réellement appliquée et évaluée, il va nous falloir être très vigilants, surtout dans le contexte actuel de pénurie de logements.
La modification du délit de dénonciation calomnieuse marque une avancée significative. De manière générale, cette loi, en assurant une meilleure protection des victimes, devrait permettre de faire reculer les obstacles au dépôt de plainte que sont la garde des enfants, la question du logement, la régularisation du séjour pour les femmes étrangères, la menace de plainte pour dénonciation calomnieuse.
Le deuxième volet peu abordé dans ce texte est celui de la prévention des violences. Nous avons besoin d’une prévention globale, afin de faire disparaître les comportements sexistes qui conduisent à ces violences. Sensibilisation de toute la population et formation de tous les professionnels en contact avec les victimes sont les pièces maîtresses du changement de mentalité qu’il nous faut engager.
Mes chers collègues, permettez-moi de regretter que cette proposition de loi réduise à peau de chagrin la formation des professionnels. Au contraire, une formation audacieuse permettrait d’alerter les professionnels sur le phénomène d’« aller-retour » qui se produit chez les femmes avant de sortir de la violence, sur les effets traumatiques des violences psychologiques et, enfin, sur la place des enfants confrontés à la violence conjugale.
Je regrette le retrait de la création d’un observatoire national des violences envers les femmes, à nouveau au profit d’un simple rapport. Outil ambitieux et performant, un observatoire national serait un pion stratégique et indispensable dans la lutte contre les violences, à l’image de l’expérience du département de Seine-Saint-Denis, seul département doté d’une telle structure – je salue d’ailleurs la qualité et le sérieux de son travail.
L’article 11 A prend en compte la prévention par l’éducation pour modifier les comportements sociaux, afin que les petites filles et les petits garçons soient sensibilisés dès le plus jeune âge aux valeurs de respect mutuel et d’égalité entre les deux sexes.
Le dernier axe de la proposition de loi est celui de la répression des violences. Intervenir sur la répression fait partie intégrante de la prévention, car elle indique clairement le refus de ces violences par la société et envoie un signe fort à l’ensemble de nos concitoyens.
L’article 17 relatif au délit sanctionnant les violences psychologiques permet de rappeler par la loi que les violences psychologiques sont interdites et réprimées. Il facilitera, en outre, la prise de conscience des dégâts causés par ces propos humiliants, l’isolement et les agissements dégradants.
Mes chers collègues, vous le comprenez, l’esprit de cette loi est, dans l’ensemble, plutôt positif. Toutefois, nous ne pouvons oublier de nous interroger sue les moyens financiers qui devront être dégagés pour faire appliquer la loi.
Au moment où le Gouvernement supprime tant d’emplois dans les services publics de la police et de l’éducation nationale, où les moyens manquent si cruellement à la justice, où les associations voient leurs subventions réduites, permettez-moi de vous dire l’inquiétude de mon groupe.
Devant l’ampleur des violences faites aux femmes, les traumatismes qu’elles occasionnent chez les victimes et les enfants, le coût social pour la société, il faut dégager de manière volontariste d’importants moyens humains et financiers afin de prévenir, sanctionner et éradiquer ces violences.
L’étude européenne réalisée par le collectif d’experts Psytel dans le cadre du programme Daphne, déjà citée, évoque un coût de 2,5 milliards d’euros si l’on inclut les coûts humains, les soins de santé, les aides sociales, les pertes de productions, les frais de police et de justice.
Imaginez un instant que cette même somme soit inscrite au budget 2011 pour réellement faire appliquer cette loi. C’est donc une question politique, sur laquelle il nous faut faire preuve d’ambition et de détermination !
Je sais que nous pouvons compter sur la vigilance des associations, des hommes et femmes élus dans nos collectivités territoriales, sur celle des citoyens et, je l’espère, mes chers collègues, sur notre détermination collective pour que cessent enfin les violences faites aux femmes.
Comme je l’ai déjà dit, les collègues de mon groupe et moi-même avions soutenu la nécessité d’une loi-cadre. L’Assemblée nationale a, au cours de ses travaux, retenu l’idée d’un dispositif-cadre contenu dans cette proposition de loi.
Notre groupe a déposé quelques amendements afin de revenir au texte de l’Assemblée nationale, ou de réintroduire des dispositions existantes par ailleurs dans le code civil et le code pénal mais que nous croyons important de regrouper ici. En effet, cela permettrait de rassembler dans un même texte tout ce qui concerne les violences faites aux femmes, dans le but de faciliter l’accès au droit des femmes victimes.
Nous voterons en faveur de cette proposition de loi afin d’envoyer un signe fort de refus à ceux qui perpétuent cette violence, et de soutien à l’ensemble des femmes victimes. Un signe fort pour dire notre attachement à une société fondée sur l’égalité et le respect entre les femmes et les hommes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mmes Christiane Kammermann et Marie-Thérèse Bruguière applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer et à remercier l’obstination de nos collègues Courteau, Bousquet et Geoffroy, ainsi que d’autres qui les ont précédés, notamment Mme Borvo Cohen-Seat, grâce auxquels nous examinons aujourd’hui ce texte.
Ce texte s’attaque à un fléau, qui, il y a peu, a été d’ailleurs qualifié de grande cause nationale par nos gouvernants. Beaucoup de choses ont déjà été dites. C’est un fléau qui s’attaque à tous les milieux, à tous les âges, à toutes les conditions, mais aussi à tous les sexes, aux hommes comme aux femmes. Certes, les hommes ne sont pas touchés dans les mêmes proportions, mais il ne faut pas oublier que certains d’entre eux sont également victimes.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Virginie Klès. Ce fléau se manifeste par des violences physiques et psychologiques. On l’a dit aussi, 10 % des femmes sont concernées, mais il ne faut pas oublier les enfants.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
Mme Virginie Klès. Tous les enfants qui vivent dans ces couples où ont lieu des violences conjugales et familiales, à huis clos, sont des victimes.
Bien entendu, devant un tel constat, une unanimité s’est formée au sein de la commission des lois pour faire avancer la lutte contre ce fléau, pour lever les tabous, pour en parler et pour en faire parler, pour informer et pour former.
Tous les moyens sont bons et seront toujours bons pour informer les victimes, pour qu’à un moment dans leur vie, au moment où elles en ont besoin, au moment où elles sont capables de l’entendre et de le voir, elles puissent saisir au vol un numéro de téléphone, trouver l’oreille d’un ami ou d’un voisin qui a été informé et alerté, et qui saura les écouter et les diriger, pour qu’elles puissent trouver une association à proximité, une main tendue, et qu’elles puissent la saisir.
Malgré tout, malgré cette unanimité, il reste des lacunes dans le texte qui nous est proposé ; il reste des incompréhensions, il reste quelques dissensions ou quelques désaccords. Et malgré tout, nous sommes tous obligés de le reconnaître, ce fléau demeure mal connu, mal évalué.
Pourquoi ? Je crois qu’en premier lieu il faut se demander ce que recouvre le terme « violences ». Il est extrêmement important de nommer ces violences, et de les qualifier.
Les violences sont plurielles, et celles auxquelles nous pensons en premier sont les coups. Mais les violences sont aussi des mots, des mots qui sont lâchés à petits coups, à petites touches, mais toujours avec cruauté, des mots qui, petit à petit, humilient, blessent, abaissent, torturent et détruisent, des mots qui amènent celles et ceux qui les reçoivent à supporter l’insupportable, et à tolérer l’intolérable. Ces mots, dans les phénomènes que l’on qualifie de violences conjugales, sont toujours le prélude aux coups et aux violences physiques.
Pourtant, même au sein de ces violences conjugales, je voudrais que l’on distingue deux types de violences, et ce n’est pas pour faire de la sémantique. Je viens de parler des mots qui tuent, je pense qu’il est très important de parler également des mots qui désignent, des mots qui qualifient, et aussi des mots qui guérissent. Il est primordial, quand on s’attaque à un tel sujet, d’utiliser les bons mots, de qualifier correctement les fléaux contre lesquels on lutte.
Au sein d’un couple, il peut y avoir un conflit. Celui-ci peut aboutir à de la violence physique. Il peut aussi aboutir à de la violence avec les mots. On peut en effet, dans un moment où l’on perd la maîtrise de soi, utiliser des mots blessants, des mots humiliants, des insultes. On peut échanger des coups, même si ce n’est pas une bonne chose. Néanmoins, les deux protagonistes ont des chances égales. Il n’y a pas de réitération systématique des faits, entre celui qui frappe et celui qui reçoit. (M. Roland Courteau opine.) Il n’y a pas volonté de détruire, ni de posséder à long terme. Il y a un conflit, un moment de violence. C’est le conflit qui peut dégénérer en violence.
À coté de ces cas de figure, il existe des phénomènes d’emprise. Aussi, volontairement, je ferai une distinction entre conflit et emprise. L’emprise est une violence par elle-même et en elle-même. Elle est caractérisée par l’asymétrie de l’agression (M. Roland Courteau opine de nouveau.) : c’est toujours le même qui est auteur, et toujours le même qui est victime.
L’emprise commence par les mots, par la violence psychologique, et se termine par la violence physique et psychologique, c’est-à-dire les coups + les mots. L’emprise est caractérisée par la réitération, par l’aggravation des agressions, par l’impossibilité de sortir de la relation pour les deux protagonistes – l’auteur et la victime –, bref, par la torture.
C’est pourquoi, quand on veut lutter contre les conflits ou contre l’emprise, la prévention, la protection et la répression ne doivent pas utiliser les mêmes moyens, parce que ceux-ci ne sont pas également efficaces selon que l’on se situe dans l’un ou l’autre cas.
Or, le texte qui nous est proposé aujourd’hui fait parfois l’amalgame, en tout cas ne distingue pas suffisamment entre le conflit et l’emprise. Cela limite son apport et son efficacité.
Ce texte contient pourtant des choses positives. Je pense à l’ordonnance de protection. Il s’agit, bien sûr, d’une avancée primordiale. Le fait de pouvoir prendre des mesures pour protéger la victime et la mettre à l’abri est quelque chose de primordial.
Or, en l’occurrence, c’est dommage, on mélange le civil et le pénal. Cela rend les choses plus difficilement compréhensibles pour les victimes comme pour les associations. La nécessité de la preuve n’est pas la même au civil et au pénal, ce qui créé des incompréhensions.
La preuve n’est pas une méfiance à l’égard de la victime. Elle est, au contraire, une protection. Il ne faut pas oublier que dans les phénomènes d’emprise on a souvent affaire à des manipulateurs pervers, qui inversent la culpabilité,…
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Virginie Klès. … et contre lesquels il y a lieu de se protéger par des preuves. Il ne faut pas laisser les manipulateurs pervers se faire passer pour des victimes. Il importe de bien identifier les victimes et les auteurs.
La reconnaissance de la qualification des violences psychologiques est également très importante. Certes, elle se heurte à quelques réticences, parce qu’il est difficile de prouver de telles violences et parce qu’il y a des relaxes, mais il est indispensable non seulement d’améliorer la confiance des victimes dans la justice, mais aussi de conforter les auteurs dans la répression qu’ils devront subir s’ils sont condamnés.
Oui, il faut consacrer cette qualification de violences psychologiques ! Certes, ce n’est pas toujours aisé aujourd’hui. Néanmoins, il est possible de le faire, et il devrait être possible de le faire partout demain.
Des techniques existent : on sait que le comportement d’emprise est stéréotypé et qu’il est prévisible. On sait d’avance comment va agir l’auteur des violences, à partir du moment où on a affaire à un manipulateur pervers, dès lors que l’on est dans un phénomène d’emprise.
Il existe des techniques pour les repérer. Il faut donc donner des moyens au monde médical, aux psychiatres, aux psychothérapeutes afin de permettre une présence accrue à toutes les étapes de cette chaîne de réception des plaintes, de façon à identifier clairement et à qualifier les violences psychologiques.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Virginie Klès. La reconnaissance de l’enfant victime, et notre devoir de protection vis-à-vis de lui, est également une excellente chose. Faut-il préserver à tout prix le lien avec un parent ? Oui, bien sûr, si l’on est en conflit ! Non, bien évidemment, si c’est un phénomène d’emprise !
Un parent qui exerce une emprise sur l’autre parent ne pourra jamais être un parent aimant et structurant. Cela ne signifie pas qu’il faut couper complètement l’enfant de ce parent-là. Cela signifie qu’il faut des lieux neutres et des intermédiaires pour que cet enfant puisse conserver un lien avec ce parent qui ne sera jamais aimant ni structurant.
Faut-il recourir à la médiation pénale ? Oui, bien sûr, s’il s’agit de régler un conflit ! Non, bien évidemment, lorsqu’on est dans un phénomène d’emprise ! Dans cette dernière hypothèse, la médiation pénale ne fonctionne pas ! On est alors dans un comportement réitératif, dont on ne sort pas. Ce n’est pas une médiation pénale qui changera les choses !
M. Roland Courteau. Exact !
Mme Virginie Klès. À la limite, si l’on n’est pas sûr de soi, on peut envisager de faire une tentative de médiation pénale. Mais pas deux, pas trois ! J’ai reçu encore dans ma permanence, il y a quelques jours, une femme qui en était à sa troisième médiation pénale ! Elle est divorcée depuis trois ans d’un homme qui continue de la poursuivre : ce n’est pas normal ! Comment ne s’aperçoit-on pas que la médiation pénale ne fonctionne pas dans ces cas-là. En bref, oui à la médiation pénale dans les cas de conflit, et non dans les phénomènes d’emprise !
Faut-il renforcer l’information de la victime ? Oui, bien sûr ! Faut-il renforcer le lien entre les victimes et les associations bilatérales ? Oui, bien évidemment ! Il ne faut pas se contenter de donner à la victime une liste d’associations : pourquoi ne pas donner également à l’association, avec son accord, le nom et les coordonnées de la victime ? Deux mains sont tendues, mais elles ne se rejoignent pas toujours, parce que la victime n’a pas forcément la force de saisir la main qui est tendue, et parce que cette dernière ne sait pas où est la victime. Mettons les deux parties en relation, dans les deux sens, et aidons les mains à se rejoindre !
L’emprise est un mécanisme particulièrement pervers. C’est une histoire d’amour qui tourne au cauchemar. C’est une possession malsaine de l’un par l’autre. Le chemin pour s’en sortir est long ; à partir du moment où l’on a commencé à faire un pas, il y aura des marches arrière, des hésitations, des atermoiements. Il faut les accepter et les comprendre.
Donc, oui à la formation des policiers, des gendarmes, des juges, de tous les intervenants, et oui à l’éducation au respect de l’autre dès la maternelle.
Il me paraît extrêmement important de bien redire que si, dans les violences qui sont faites aux femmes parce qu’elles sont spécifiquement des femmes, 100 % des victimes sont des femmes, dans les violences conjugales, 90 % des victimes sont des femmes : même s’ils ne sont que 10 %, c’est vraiment notre honneur à nous, les femmes, que de ne pas oublier ces hommes et ces enfants qui sont aussi victimes.
En conclusion, ce texte présente des avancées dans beaucoup de domaines, en ce qui concerne les violences spécifiquement faites aux femmes, en ce qui concerne les violences conjugales, mais, tant que l’on n’aura pas fait le tri clairement entre le conflit et l’emprise, il restera des progrès à accomplir.
Je voudrais dire aujourd’hui à toutes les victimes : nous vous avons entendues, nous continuerons de vous écouter, nous continuerons de travailler.
Pour toutes les raisons que j’ai précédemment évoquées, je voterai pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, « l’omniprésence de la victime n’est-elle pas la réponse actuelle au délaissement dont elle a fait l’objet ? » C’est la question que me posait encore récemment un magistrat.
Mon intervention pourra paraître paradoxale, ayant moi-même, de longue date, mené un combat contre les violences faites aux femmes ou, mieux, les violences intrafamiliales, grâce au travail social conduit par le conseil général du Haut-Rhin et les associations. Le souci de protection, de prévention et de répression, affirmé par les travaux de la mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, ce souci, nous l’avons tous fortement. Le rapport d’information du 7 juillet 2009 a servi de socle à la proposition de loi qui nous concerne.
Confronté récemment dans mon territoire à l’assassinat d’une jeune femme, je peux d’autant moins être indifférent ou complaisant.
J’affirmerai mon soutien total à de nombreuses prescriptions, mais je formulerai aussi de grandes réserves sur ce texte, qui accroît la victimisation.
On peut s’interroger sur la pertinence de la réponse pénale, sur les moyens nécessaires à la coordination des acteurs.
Il n’est pas certain que nous soyons suivis par les magistrats, cette proposition de loi reposant sur une réalité factuelle simple, et réduite aussi, avec, d’un côté, le conjoint violent ou supposé l’être, de l’autre, le plaignant, la victime.
Je n’ai d’autre souci, en osant ces propos, que l’efficacité judiciaire. Un texte aggravant la répression peut inciter le magistrat à la prudence, liée à sa responsabilité.
Dans une vision sociale, nous ne pouvons que nous révolter devant les violences inacceptables ; nos responsabilités locales nous imposent une politique de prévention, d’accompagnement et de protection. Mais la procédure proposée ne conduit-elle pas à la destruction du lien restant ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et allez…
M. Jean-Louis Lorrain. Hormis pour les cas flagrants, reconnus de tous, les plus choquants s’ils sont délaissés, les situations doivent être abordées avec précaution et souci de l’équilibre des droits.
Le point faible de l’ordonnance de protection, c’est la présomption de culpabilité. Le juge aux affaires familiales doit se prononcer au vu d’attestations partielles. Il est imposé de ne pas étudier une partie sans l’autre. Par ailleurs, le juge aux affaires familiales n’a pas actuellement de pouvoir d’enquête. Nous sommes donc dans une confusion entre le civil et le pénal.
La commission spéciale y est sensible. On lit dans son rapport que « la lutte contre les violences faites aux femmes doit constituer un des fondements de notre pacte républicain et, à ce titre, être inscrite dans la Constitution ».
L’ordonnance doit permettre à la victime de se faire reconnaître comme telle ou de demander au juge de réunir des preuves ou des témoignages de ce qui s’est passé. Le juge prend des mesures de contrainte.
Nous sommes dans la contradiction de deux juridictions.
Sur le plan civil, l’ordonnance de protection de quatre mois va permettre à certains de se prévaloir de cette situation. Le juge du fond pourra hésiter à remettre en cause les décisions, qui ont pu être prises sur de mauvaises bases.
On ne peut négliger la possibilité d’un demandeur mal intentionné : conflit de véracité, de dénonciation.
Les réponses médico-sociales aux violences ne peuvent qu’être partielles. Nous sommes confrontés à la relation d’un sujet à l’autre dans une vision collective.
Nous pourrions proposer de mieux utiliser la loi sur la protection des majeurs, par exemple. Les dispositifs MASP, ces mesures d’accompagnement social personnalisé, relevant des conseils généraux et réservés aux majeurs fragilisés économiquement, pourraient être une voie d’accès à la prise en compte du problème.
Avec audace, nous pourrions par exemple soutenir la levée du secret professionnel, dans l’esprit du signalement des enfants en danger, pour les couples vivant des situations d’extrême danger et vis-à-vis desquels nous nous sentons démunis ; je pense au déni et au refus de plainte. Mais, pour prospérer en ce sens, combien de résistances, combien d’obstacles nous faudra-t-il lever, sans parler du dogmatisme ?
L’accompagnement pourrait faire l’objet d’une approche médico-sociale plus spécifique.
En fonction des cas, l’approche des violences peut en effet être adaptée. Je citerai le cas du pervers narcissique. Il s’agit d’un cauchemar pour la victime, et l’objet de tous les dangers pour le travailleur social, pour le médecin et pour le magistrat. Manipulateur, le pervers narcissique peut mettre ses interlocuteurs en difficulté et même placer la société en situation d’aggraver les souffrances de la victime.
Les violences croisées entre les époux complexifient le diagnostic de situation et la prise de décision.
L’approche de l’alcoolique ou du toxicomane violent relève d’un contexte social économique différent, avec des possibilités de soins, donc d’un éventuel retour à l’équilibre.
La formation des acteurs, cela a été dit, doit être renforcée, qu’il s’agisse tant des experts et des médecins que des magistrats et des travailleurs sociaux.
J’évoquerai maintenant la maîtrise des concepts.
Les violences psychiques par exemple, sans contact physique, bien que décrites, posent d’importants problèmes d’interprétation. Le harcèlement moral ne peut être appréhendé uniquement par un questionnaire adapté ; il doit être défini par des comportements. Ceux-ci étant difficilement modélisables, ils nécessitent de la précision dans leur définition, car ils aboutissent à des incriminations. Sans ces précautions, nos propositions ne deviennent que des pétitions de principe.
Nous ne pouvons offrir ni la démesure ni la simplicité, et les incantations relèvent en fait de l’impuissance.
Mais il n’y a pour nous aucune fatalité. On a pu constater de réels progrès en matière d’accueil par la police et la gendarmerie. Alors, offrons des réponses, parlons des réalités, dépassons les affects.
Les initiatives regroupant des travailleurs sociaux et financées par les conseils généraux, les villes, l’État, les associations supports, sur des sites urbains, en zone police, et ruraux, en zone gendarmerie, sont des expériences à encourager.
La prise en compte d’état de crise en urgence permet le lien avec les services sociaux et hospitaliers, l’amorce d’un accompagnement, d’une position de prévention face aux récidives.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, toute contribution ne peut qu’être modeste devant l’ampleur du phénomène et dans le combat contre la souffrance infligée.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Louis Lorrain. Submergées par les bonnes intentions, les réponses peuvent être législatives, mais cela ne suffit pas.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 25 novembre dernier, le Premier ministre décidait de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes une « grande cause nationale » pour l’année 2010. Cela témoigne de la volonté gouvernementale de combattre un fléau inacceptable qui touche toutes les catégories sociales, tous les âges, et ce sur l’ensemble du territoire.
La violence contre les femmes regroupe des situations multiples : violences psychologiques, mariages forcés, coups et blessures, mutilations sexuelles. Le phénomène est aussi diversifié que complexe, et donc particulièrement difficile à combattre.
Le texte qui nous est présenté aujourd’hui est issu de deux propositions de loi.
L’une a été adoptée par l’Assemblée nationale le 25 février dernier et visait à renforcer la protection des victimes, la prévention et la répression des violences faites aux femmes ; elle est le fruit des travaux d’une mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, créée en 2008, dont je salue ici le travail fort intéressant.
L’autre, relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, a été présentée par notre collègue Roland Courteau, dont je tiens à souligner la grande implication au sein de notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
M. Roland Courteau. Merci, ma chère collègue !
Mme Catherine Morin-Desailly. Je tiens également à remercier pour leur investissement Michèle André, présidente de notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Muguette Dini, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, Françoise Laborde, rapporteur pour la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et, enfin, François Pillet, rapporteur de la commission des lois.
Après un bilan d’étape de notre législation dressé il y a deux ans, à l’occasion d’une question orale avec débat adressée à Valérie Létard, alors secrétaire d’État à la solidarité et à la parité, je me réjouis de voir ce sujet revenir devant le Parlement.
Nous l’avions déjà dit à l’époque, des progrès ont été accomplis, mais les chiffres restent toujours accablants ! Je ne rappellerai pas tous ceux que vous avez énumérés, mes chers collègues, mais ils parlent d’eux-mêmes…C’est que les faits sont têtus !
Longtemps restées dans l’ombre, les violences envers les femmes, notamment les violences conjugales, sont mieux connues, depuis quelques années, grâce à plusieurs enquêtes.
L’enquête nationale sur les violences envers les femmes, réalisée en 2000 sur la demande du secrétariat aux droits des femmes, a permis, et pour la première fois, de prendre véritablement la mesure de ces violences et, en particulier, des violences exercées au sein du couple.
Sept ans plus tard, l’enquête réalisée par l’Observatoire national de la délinquance a recensé, en 2007, 47 573 faits constatés de violences volontaires sur femmes majeures par conjoint ou ex-conjoint. En trois ans, ce nombre a connu une augmentation de 31 %, qui s’explique par l’amélioration de la collecte de l’information et l’enregistrement des actes de violences conjugales, qui n’étaient auparavant pas considérées comme des délits.
Ces enquêtes ont suscité une prise de conscience qui a facilité l’adoption de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein des couples ou commises contre les mineurs ; ce fut une étape législative majeure qu’il nous appartient aujourd’hui de renforcer.
Rappelons aussi que le Gouvernement a lancé deux plans successifs d’accompagnement pour venir en aide aux femmes victimes de violences conjugales : un plan courant de 2005 à 2007 intitulé « Dix mesures pour l’autonomie des femmes », puis un plan triennal, entre 2008 et 2010, pour combattre les violences faites aux femmes, lancé en novembre 2007 par notre ancienne collègue du groupe de l’Union centriste, Valérie Létard, alors secrétaire d’État chargée de la solidarité.
Deux ans après le lancement de ce plan, nous pouvons constater que le bilan est positif, puisqu’un certain nombre d’avancées ont été rendues possibles en matière de prise en charge des victimes : 36 « référents violences » ont été mis en place dans 32 départements ; la plateforme d’écoute téléphonique du 3919 répond à plus de 80 000 appels par an ; enfin, 12 000 places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale sont consacrées à l’accueil d’urgence des femmes victimes de violences.
Enfin, une campagne de communication avec des messages télévisés a été réalisée pour sensibiliser le grand public.
On le voit, beaucoup de moyens ont été mis en place, mais, aujourd’hui, il nous faut renforcer la législation.
La présente proposition de loi vise à mieux protéger les victimes de violences conjugales, mieux prévenir les violences, mieux punir les auteurs.
Elle prévoit ainsi, en son article 1er, la création d’un instrument juridique novateur, l’ordonnance de protection, qui devrait permettre d’assurer une protection rapide et efficace des femmes victimes de violences, de stabiliser temporairement la situation juridique et matérielle de la victime en garantissant sa protection et en organisant provisoirement sa séparation avec l’auteur des violences.
Quand on sait que 90 % des victimes n’osent pas porter plainte parce qu’elles craignent les conséquences possibles de cette démarche – en matière de logement, de garde des enfants ou de régularité du séjour pour les femmes étrangères –, nous ne pouvons que saluer cette initiative et regretter quelque peu la restriction apportée par la commission des lois, qui a supprimé la possibilité reconnue aux associations de saisir le juge avec l’accord de la partie intéressée.
La proposition de loi prévoit aussi la création d’un dispositif de surveillance électronique mobile applicable à titre expérimental, pendant une durée de trois ans. Si le principe me semble intéressant, la pratique pourrait être complexe. Il serait dès lors pertinent d’obtenir un rapport parlementaire ou gouvernemental, d’ici à trois ans, afin d’étudier l’opportunité de maintenir, voire de renforcer ce système.
Nous soutenons, en tout cas, la sécurisation de la situation administrative des personnes de nationalité étrangère victimes de violences conjugales sur le territoire français, et les conventions qui devraient être passées avec les bailleurs et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS, afin de réserver un nombre suffisant de logements aux personnes victimes de violences conjugales.
Ce sont deux facteurs de réinsertion sociale et économique primordiaux qui aideront les femmes à se reconstruire et à sortir de l’impasse.
J’insisterai enfin sur l’article 17, qui crée un délit spécifique de harcèlement psychologique au sein du couple.
Cette transposition du harcèlement moral au travail adapté à une relation de couple, est particulièrement innovante. Malgré les inquiétudes de certains acteurs sur les difficultés à prouver le harcèlement et le risque d’utilisation abusive, il n’en reste pas moins que ce dispositif permet de reconnaître et de sanctionner la violence, dès l’apparition des premiers signes et, peut-être, d’éviter une escalade, douloureuse et dangereuse, aussi.
Comme le soulignait Mme Valérie Létard, « nous voulons nous attaquer au dernier des tabous : la violence verbale et psychologique dans le couple, qui est la plus ordinaire, mais à l’origine de toutes les autres ». Ne l’oublions pas, ces violences psychologiques et verbales représentent la majorité des violences conjugales, 80 % des appels au 3919 le montrent.
Mes chers collègues, souvenez-vous du court métrage réalisé par Jacques Audiard à ce sujet. Là, pas de sang, pas de larmes, pas d’assiettes qui volent, mais une violence psychologique insidieuse. Pour le réalisateur, « il n’y a pas de fatalité, en bouclage de film, l’espoir est là, notre femme n’est pas abattue, elle réagit… et c’est au spectateur d’imaginer la suite ».
Madame la secrétaire d’État, vous aviez d’ailleurs, au moment de la diffusion de ce court métrage, indiqué être « convaincue de la nécessité de compléter le dispositif législatif existant ». C’est chose faite aujourd’hui.
Indéniablement, même s’il reste perfectible, ce texte représente, pour notre groupe, une véritable avancée législative. Ma collègue Anne-Marie Payet proposera quelques améliorations en défendant des amendements.
Pour ma part, je formulerai quelques regrets.
Le texte reste en retrait par rapport au dispositif souhaité pour renforcer la prévention. Il est en effet primordial que l’ensemble des personnes appelées à prendre en charge des victimes de violences conjugales disposent d’une formation adaptée et complète.
En outre, les jeunes doivent être particulièrement sensibilisés au respect de l’égalité.
À l’instar de ce qui est fait en Espagne, la prévention et l’éducation doivent commencer dès le plus jeune âge afin d’enrayer les préjugés sexistes.
Mais cela, mes chers collègues, nécessite des moyens et, sur ce point, nous regrettons que la formation obligatoire des intervenants auprès des femmes victimes de violences ait disparu, en application de l’article 40…
Comme nombre de mes collègues, je trouve également regrettable que la recommandation de notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, visant à modifier l’intitulé de ce texte afin que les violences subies par les hommes soient également reconnues, n’ait pas été prise en compte.
Bien que moins nombreuses, ces violences-là existent cependant et sont tout aussi traumatisantes pour les hommes qui en sont victimes ; ils ont de grandes difficultés à en parler et à trouver de l’aide, le sujet restant encore très tabou.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly. À ce stade, j’aimerais évoquer un autre sujet : l’image des femmes véhiculée par les médias et, en particulier, sur Internet.
Mme Gisèle Printz. Oui !
Mme Catherine Morin-Desailly. C’est sur le Web que l’on trouve aujourd’hui les films de très grande violence, les images les plus dégradantes, faute de régulation, à la différence de ce qui prévaut à la télévision.
Ces images, qui sont autant d’incitations à la violence, touchent également les enfants. Nous avons déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, une véritable réflexion doit être engagée sur la régulation de la Toile.
Le texte présente une première avancée, puisque les associations de défense des droits des femmes peuvent désormais saisir le Conseil supérieur de l’audiovisuel, mais cela reste insuffisant.
Le 29 avril dernier, lors d’un colloque qui s’est tenu à Madrid, auquel j’ai participé en tant que représentante de notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, j’ai insisté sur la nécessité de nous montrer attentifs à l’image de la femme que véhiculent les médias et Internet.
J’ai rappelé qu’en France la télévision « classique » était régulée par une autorité indépendante, le CSA, mais que le contrôle des contenus de l’Internet, qui ne connaît pas les frontières, était plus que problématique, et devait donc être envisagé au moins à l’échelle européenne. La représentante du Parlement européen, approuvant cette position, m’a indiqué, pour exemple, que pas moins de 100 000 sites pédopornographiques avaient été recensés, principalement basés en dehors des frontières de l’Union européenne, mais accessibles sur son territoire.
Au cours de cette réunion, organisée dans le cadre de la présidence espagnole de l’Union européenne, j’ai pu échanger avec mes homologues sur les priorités en matière d’égalité et, plus particulièrement, sur la violence de genre, problème sur lequel – Mme Françoise Laborde l’a rappelé tout à l’heure – l’Espagne s’est dotée d’une législation très avancée.
Nous avons abordé différents sujets qu’il serait particulièrement intéressant de développer à l’échelle européenne, tels que la mise en œuvre d’une ordonnance de protection européenne, la création d’un numéro de téléphone unique et gratuit pour toute l’Europe et la création d’un Observatoire européen des violences de genre.
La lutte contre les violences dont les femmes sont victimes, en tant que femmes, passe, on le sait, par l’établissement de la réalité du phénomène.
Il y a un véritable intérêt à disposer, à l’échelle européenne, d’indicateurs officiels, qui permettent d’établir un suivi et des comparaisons homogènes entre les pays membres.
Je me réjouis que l’idée d’un tel observatoire ait été adoptée à l’unanimité, même si cette décision revient à rattacher cette nouvelle responsabilité à un organisme existant, mis en place en 2007, l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, chargé d’aider les États membres à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les politiques communautaires et nationales.
J’en reviens au texte qui nous occupe aujourd’hui. Je regrette que l’article 14 ne prévoie finalement qu’un rapport sur la création d’un observatoire national des violences faites aux femmes et non la mise en place effective d’un tel observatoire.
Comme le rappelle dans le rapport d’information notre collègue Françoise Laborde – il faut féliciter notre collègue pour l’excellence de son travail et sa grande implication –, « l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes fonctionne avec des moyens extrêmement réduits […] tout en produisant des données nombreuses, pertinentes et actualisées ».
Pour conclure, si la loi n’est qu’un outil d’accompagnement et d’encadrement, elle est, au demeurant, un outil nécessaire.
La lutte contre les violences faites aux femmes a été déclarée grande cause nationale de l’année 2010, mais notre implication et notre mobilisation devront se prolonger dans les années à venir. Il est de notre responsabilité collective de construire une société plus juste, où les plus fragiles seront mieux protégés.
On ne peut notamment pas oublier tous les enfants témoins de ces situations dramatiques.
On ne peut pas accepter qu’en 2008 184 personnes soient mortes sous les coups de leur conjoint.
On ne peut pas plus oublier toutes les femmes victimes de maltraitance, de discrimination, de violences, et ce à travers le monde.
Je profite d’ailleurs de cette discussion pour attirer votre attention, mes chers collègues, sur la situation alarmante que vivent les femmes algériennes de la ville d’Hassi Messaoud. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Depuis plus d’un mois, les exactions, qui avaient commencé en 2001, ont repris. Tous les jours, ces femmes sont victimes de crimes et d’atrocités.
La lutte contre les violences faites aux femmes doit être une priorité du Gouvernement français, dans sa politique nationale comme dans son action internationale.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous voterons ce texte. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai suivi avec une particulière attention les interventions qui ont ouvert ce débat et j’ai relevé leur extraordinaire intensité, la détermination de leurs auteurs et même leur passion à défendre des situations de détresse intolérable.
Que penser alors du décalage entre la réalité et le principe d’égalité entre les hommes et les femmes, droit fondamental reconnu depuis 1789, réaffirmé par le préambule de la Constitution de 1946 et par l’article 1er de la Constitution de 1958, révisée en juillet 2008 ?
Au-delà des préoccupations traditionnelles de parité et d’égalité, auxquelles j’attache le plus grand prix, force est de constater qu’un domaine, qui rompt avec ces préoccupations, reste particulièrement sensible, celui de ces trop nombreuses femmes humiliées, violentées, voire assassinées.
On estime à 10 % le pourcentage des femmes françaises victimes de violences physiques, sexuelles ou psychologiques, au sein de leur couple.
On ne peut ignorer le cas de ces jeunes filles qui, encore aujourd’hui, et sur notre territoire, subissent des mutilations sexuelles ou qui sont contraintes à des mariages forcés.
Le nombre de ces femmes violentées, tous âges et toutes situations matrimoniales confondues, serait à près de 1,3 million. C’est un constat effrayant.
Commises au sein de la sphère privée, les violences faites aux femmes n’en concernent pas moins la société tout entière. Longtemps ignorées, elles font honte à notre société, qualifiée un peu hâtivement de « civilisée », et bafouent notre pacte républicain.
Heureusement, le tabou tombe peu à peu et les efforts sont considérables pour lutter contre ce fléau. L’examen par le Sénat de ce texte, adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, y participe bien évidemment.
Nous avons déjà eu l’occasion, il y a quelques semaines, de nous exprimer sur le sujet des violences au sein des couples. Portée par notre collègue Roland Courteau, dont nous connaissons tous l’engagement constant au service de la défense des droits des femmes – j’ai dit tout à l’heure la passion qui avait été la vôtre, monsieur Courteau, pour présenter ce texte –, la proposition de loi que nous avions alors examinée est reprise, pour l’essentiel, dans la proposition de loi de nos collègues députés.
Je tiens, d’ailleurs, à saluer l’excellence des travaux de la mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes ainsi que les travaux de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi à l’Assemblée nationale.
Cependant, je ne peux m’empêcher de regretter que le Sénat n’ait pas, lui aussi, fait le choix de constituer une telle commission spéciale, qui aurait permis de joindre l’ensemble des travaux des commissions des affaires sociales et des lois ainsi que ceux de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Néanmoins, tous ces travaux, même conduits distinctement, font honneur à la représentation nationale. Et je tiens ici à saluer tout particulièrement l’excellent rapport de ma collègue et amie Françoise Laborde, au nom de notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Je la sais très investie, aux côtés de ses collègues femmes et hommes, en faveur de la cause des femmes.
Aider toutes ces femmes qui souffrent, les protéger, elles et leurs enfants – témoins et victimes –, tel est notre devoir d’élus de la République.
Ne l’oublions pas, cependant, ce texte ne doit pas être une nouvelle source de discrimination entre les sexes. Il concerne toutes les violences au sein des couples, y compris celles, souvent méconnues mais tout aussi honteuses, dont les hommes sont les victimes.
Je me réjouis, à cet égard, du nouveau titre adopté pour cette proposition de loi en commission. J’espère même que nous y ajouterons une référence, essentielle, aux enfants. C’est du moins l’objet d’un amendement que nous vous proposerons.
Il est grand temps d’utiliser tous les moyens possibles pour enfin mettre un terme à cette inacceptable spirale de la violence.
Il serait utopique de penser qu’avec un seul texte nous réglerons tous les problèmes complexes qui composent le sujet de la lutte contre les violences conjugales. Mais loin de nous l’idée de penser pour autant qu’il s’agirait simplement d’un texte de plus.
Nous avons entre les mains un véritable outil de prévention.
Mieux prévenir ces violences et mieux lutter contre elles : c’est dans un même élan en faveur des victimes que tous les clivages partisans se sont effacés.
Ce texte a été élaboré et examiné dans une rare harmonie à l’Assemblée nationale, et nous retrouvons aujourd’hui ce consensus sur l’ensemble des travées de la Haute Assemblée.
Nous connaissons les chiffres, et ils sont dramatiques : une femme meurt sous les coups de son conjoint tous les deux jours et demi. Ce que l’on oublie souvent de préciser, c’est que moins de 9 % des femmes victimes porteraient plainte mais aussi qu’un homme meurt tous les quatorze jours sous les coups de sa compagne ou ex-compagne et qu’ils seraient moins nombreux encore que les femmes à oser parler des violences dont ils sont victimes.
Honte, pudeur, peur : autant de comportements expliquant qu’il soit difficile de disposer de chiffres très précis.
La création de l’ordonnance de protection des victimes, permettant de protéger en urgence les conjoints, partenaires de PACS, concubins ou « ex » en danger, constitue la mesure phare de ce texte.
Cette ordonnance, qui interviendra avant même le dépôt de la plainte, permettra d’organiser la protection et le relogement de la femme ayant décidé de quitter son mari ou conjoint violent. En octroyant à la femme cette possibilité d’être rapidement et efficacement protégée, en amont de la plainte, nous l’aiderons sans doute à libérer sa parole, ce qui est essentiel pour la suite de la procédure et l’heureux dénouement de ces situations dangereuses.
Le juge aux affaires familiales pourra, entre autres, se prononcer sur l’exercice de l’autorité parentale. Ce point aussi est tout à fait fondamental, car c’est bien souvent par peur d’être séparées de leurs enfants, de les voir retirés de leur foyer pour être placés, que les femmes n’osent pas quitter un conjoint violent.
Nous espérons que l’ordonnance de protection jouera un rôle de prévention et qu’elle permettra d’éviter des drames comme ceux que notre pays a récemment connus. En effet, pas plus tard que vendredi dernier, nous apprenions qu’une femme de trente-cinq ans était hospitalisée, pour avoir été brûlée vive par son mari, qui l’avait, au préalable, aspergée d’essence. (Exclamations indignées.)
Mme Anne-Marie Escoffier. L’essentiel est bien que les magistrats puissent aider les femmes victimes de violences conjugales à trouver des solutions provisoires sur le plan matériel, notamment en matière de logement, afin qu’elles disposent du temps nécessaire pour décider de la suite à donner à cette première étape, sur le plan civil ou sur le plan pénal.
En matière de prévention, d’importants progrès restent à accomplir, car la prévention passe aussi par une action plus large de lutte contre les discriminations à l’encontre des femmes. À ce titre, je me réjouis que le texte comporte une disposition renforçant les moyens de lutte contre l’incitation à la violence à l’égard des femmes dans les supports audiovisuels.
En effet, les médias ont trop souvent une mauvaise influence sur la jeunesse, en incitant celle-ci, directement ou indirectement, à adopter des préjugés sexistes. À cet égard, il est fondamental de donner de la visibilité et de la substance aux actions de formation dans les écoles, pour les élèves ou les enseignants, portant sur l’égalité entre les femmes et les hommes. L’ajout de l’article 11 A par l’Assemblée nationale me semble aller dans la bonne direction.
Les actions de sensibilisation aux violences au sein des couples, dès l’école primaire, participeront à la lutte contre les comportements indignes envers les femmes.
Malheureusement, la formation systématique des professionnels touchant de près ou de loin au problème des femmes victimes de violences, qui était proposée dans le texte initial, a été écartée pour des raisons financières. Elle est pourtant indispensable, et les associations l’appellent de leurs vœux depuis longtemps. La mission d’évaluation qui se trouve à l’origine de cette proposition de loi l’avait retenue et placée parmi ses priorités.
C’est finalement un rapport du Gouvernement sur la mise en place d’une telle formation spécifique qui devra être présenté avant juin 2011... Il est pourtant déjà unanimement reconnu qu’une formation approfondie et continue de ces professionnels est indispensable, de même que la mise en réseau des différents acteurs intervenant dans la prévention, la protection et la répression des violences conjugales.
Madame la secrétaire d'État, vous avez annoncé que des efforts particuliers seraient faits « pour améliorer le repérage et la prise en charge des victimes, notamment en offrant systématiquement une formation spécifique à tous les professionnels ».
Il s'agit là d’un premier pas, certes, qui nous met sur la bonne voie, mais ces intentions demandent à être concrétisées, à travers des mesures que vous ne manquerez pas, j’en suis sûre, de décliner.
Pour être efficace aux côtés de ces autres acteurs que sont les travailleurs sociaux, les éducateurs, les médecins et les associations, la justice, elle aussi, doit s’adapter.
Nous nous réjouissons que cette proposition de loi réponde, notamment, à la nécessité d’adapter le recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales. Depuis longtemps, le recours à cette procédure dans de telles situations était controversé. Désormais, la loi consacre, pour les victimes, la présomption de refus du recours à la médiation pénale.
En effet, cette procédure reposant sur l’égalité entre les deux parties, elle n’est pas adaptée aux couples caractérisés par des relations de domination, de peur et d’intimidation. La médiation peut se révéler utile dans certains cas de conflits conjugaux, mais jamais dans les affaires les plus graves de violence au sein du couple.
Enfin, le dernier point de cette proposition de loi que je souhaite aborder porte sur le délit sanctionnant les violences psychologiques. Créée à l’article 17, cette incrimination peut aussi être considérée comme une mesure préventive à l’encontre du conjoint en passe de devenir un agresseur physique.
Mes chers collègues, ces violences sont insidieuses, infligées en toute impunité. Elles sont souvent le début d’une spirale infernale. En outre, l’actualité nous montre régulièrement que des condamnations en amont pourraient sauver des vies. Nous ne pouvons donc que nous féliciter qu’une telle disposition ait été prise.
Avec l’adoption de cette proposition de loi, enrichie par les deux assemblées, nous adresserons enfin aux victimes de violences conjugales le message que ces femmes et ces hommes attendaient depuis longtemps.
Loin de s’en tenir aux couples, ce texte prévoit aussi des mesures destinées à lutter contre les violences dites « coutumières », comme le mariage forcé ou les mutilations sexuelles, je le rappelle.
Je ne puis donc, avec mes collègues du groupe RDSE, que me féliciter de cette proposition de loi, qui devrait entrer en vigueur au plus vite, en métropole comme dans les départements d’outre-mer. En effet, l’année 2010 est celle de la lutte contre les violences faites aux femmes, lutte à laquelle sera peut-être consacrée, le 25 novembre prochain, si j’en crois Roland Courteau, une première journée annuelle. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Panis.
Mme Jacqueline Panis. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis le début de ce débat, nous avons entendu bon nombre de propos et de témoignages qui nous ont tous profondément touchés et alertés. Nous connaissions le problème, certes, mais nous devons désormais, à l'occasion de ce débat, avancer et faire en sorte que la situation s’améliore enfin.
Selon l’Observatoire national de la délinquance, mis en place en 2003, une femme tous les deux jours et demi et un homme tous les quatorze jours meurent sous l’effet de la violence conjugale. Faits divers relatés par les uns, drames de société dénoncés par les autres…
Cette violence est plus insidieuse, diffuse et compliquée qu’il n’y paraît, en raison des publics qu’elle affecte, du partage des responsabilités qu’elle induit et des dégâts collatéraux qu’elle engendre.
C’est ainsi que les femmes victimes de violences conjugales physiques ou psychiques demeurent, pour la grande majorité d’entre elles, murées dans le silence, parfois jusqu’à l’irréparable.
En effet, malgré les services d’aide mis en place par l’État, par la collectivité ou par les associations, malgré les campagnes d’information dénonçant ces comportements délictueux, malgré l’indépendance financière conquise par les femmes grâce à leur accession aux activités professionnelles, moins d’un quart des cas de sévices sont déclarés, par crainte des représailles, par banalisation des faits, par honte ou par culpabilisation.
Toutefois, si l’essentiel des faits recensés sont perpétrés à l’intérieur du couple, nous ne pouvons faire l’impasse sur les situations, certes marginales, de violences familiales commises en dehors du couple, le père ou le grand frère imposant parfois ses règles à sa fille ou à sa petite sœur, sans ménagement. De même, les violences professionnelles, à connotation fréquemment sexuelle, ou le harcèlement d’anciens conjoints, qui sont souvent accompagnés d’insultes, sont tout aussi intolérables.
Nous ne pouvons pas non plus ne dénoncer que les seules violences physiques : les paroles ou comportements humiliants, les vexations ou l’isolement social sont autant de violences psychologiques destructrices, autant de moyens de contrôle et d’asservissement qui peuvent aller jusqu’à l’altération mentale de la victime. Plus difficile à cerner, la cruauté mentale doit être combattue et dénoncée avec autant de détermination.
Si l’alcool, la crise économique, le stress, peuvent fort opportunément expliquer, sinon justifier, ces faits, il faut surtout y voir une discrimination sexuelle issue du passé et de la tradition.
Mes chers collègues, ne nous voilons pas la face : nombreux sont encore ceux qui estiment que la force physique dont les a dotés la nature leur donne le droit d’imposer leur diktat au sexe faible, la force et la terreur étant les meilleurs moyens de prouver leur domination sur l’autre et de hiérarchiser leurs relations.
Toutefois, je veux aussi sonner l’alarme sur la situation des hommes victimes de leur conjointe.
M. Roland Courteau. Eh oui ! Cela arrive.
Mme Jacqueline Panis. En 2006, l’Observatoire national de la délinquance recensait trente-sept décès d’hommes tombés sous les coups de leur conjointe, même si, dans la majorité des cas, ils s’étaient eux-mêmes rendus coupables de violences sur celle-ci.
M. Roland Courteau. Cela arrive aussi !
Mme Jacqueline Panis. La vie conjugale n’est pas un rapport de force entre un dominant et un dominé !
Nous ne pouvons pas non plus dissocier de ces situations les tiers, victimes incidentes, au premier rang desquels se trouvent, bien évidemment, les enfants, témoins, parfois victimes, et, dans tous les cas, influencés, pour ne pas dire traumatisés, par le contexte et les pratiques familiales. N’oublions pas, en effet, que l’on reproduit ce que l’on a connu !
Or, force est de le constater, pour certains – ou certaines – quelques brutalités sont légitimes et ne tombent pas sous le coup de la loi, d’où la pérennisation de ces pratiques et leur occultation. Il faut rompre avec ces clichés !
Outre les cellules d’aide que j’ai évoquées précédemment, il faut, dès le plus jeune âge, instaurer une relation d’équité entre les enfants et faire comprendre aux victimes que, dans leur intérêt et dans celui de leur entourage, aucune expression de la violence n’est acceptable.
En parallèle à des mesures répressives, il y a, incontestablement, une mission pédagogique à mener, à l’endroit tant des auteurs de violence que de leurs victimes.
En effet, se taire, c’est se mettre en danger et exposer au péril son entourage. En formulant ces propos, je pense aux mères de famille, bien évidemment, mais aussi aux hommes, pour qui un tel aveu peut être ressenti comme une preuve de faiblesse inavouable.
Ainsi, je voudrais, avec ma collègue Michèle André, remercier M. le président du Sénat : lors des réunions de la délégation aux droits des femmes, nous avions évoqué ce texte, que nous attendions. Nous sommes donc très satisfaits qu’il ait été inscrit à l’ordre du jour de la Haute Assemblée et que nous soyons, ce soir, en train de travailler ensemble et de chercher des solutions pour éradiquer un fléau dénoncé par tous et toutes ici. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
Organisation de la discussion
M. le président. Mes chers collègues, je devais en principe lever la séance peu avant minuit.
Toutefois, il me semble qu’il serait dommage de renvoyer à demain la réponse de Mme la secrétaire d'État. Je propose donc, si elle en est d’accord, que nous écoutions Mme Morano à la suite des interventions des orateurs inscrits dans la discussion générale, quitte à dépasser un peu l’heure initialement prévue. (Mme la secrétaire d'État acquiesce). Cette organisation de nos travaux serait plus cohérente et correspondrait mieux à la qualité de ce débat.
Il n'y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé
Discussion générale (suite)
M. Yannick Bodin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà cinq ans maintenant, notre assemblée modifiait l’article 212 du code civil pour y faire figurer, à propos du mariage, une notion fondamentale, celle du « respect entre époux ».
En effet, depuis la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, le premier article du chapitre du code civil intitulé « Des droits et devoirs respectifs des époux » dispose que : « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. »
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Yannick Bodin. Ce qui nous paraît aujourd’hui une évidence est le fruit d’un amendement de notre collègue Robert Badinter et d’un travail de longue haleine de notre excellent et persévérant collègue Roland Courteau, auteur de la proposition de loi qui a conduit à la loi du 4 avril 2006.
Ce texte a permis de grandes avancées pour les femmes victimes de violences, ainsi qu’une prise de conscience de l’opinion publique et des professionnels en contact avec ces femmes, même si des insuffisances restent à dénoncer, Mme Dini en a cité quelques exemples.
Cette loi a également fortement contribué à la reconnaissance par l’opinion publique du calvaire vécu par les victimes de violences conjugales.
La loi de 2006 était une première étape. Elle constitue la pierre angulaire de la lutte contre les violences faites aux femmes dans notre pays. Il nous faut aujourd’hui passer à l’étape suivante, à la lumière de la pratique de ces cinq dernières années.
Notre travail doit porter tout à la fois sur les sanctions à l’égard des auteurs de violences, notamment de violences psychologiques, la prévention mais aussi la protection et l’aide aux victimes, chacun de ces trois domaines exigeant des améliorations.
Pour ma part, j’aimerais particulièrement insister sur la prévention et, surtout, sur la notion de respect entre hommes et femmes. Je l’évoquais il y a un instant, elle doit, selon moi, être inculquée dès le plus jeune âge.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Yannick Bodin. En effet, mon inquiétude grandit face au comportement de certains adolescents qui, parce qu’ils sont des garçons, sont méprisants, irrespectueux et parfois violents vis-à-vis des filles. Des actes criminels ont été commis. Et ce phénomène ne semble pas régresser. Un machisme affirmé s’exprime chez les jeunes, et pas uniquement dans certains quartiers. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
C’est pourtant dès le plus jeune âge qu’il faut inculquer les valeurs de respect de soi et des autres, en particulier de l’autre sexe, pour former des citoyens dignes de ce nom. Il est donc essentiel de consacrer du temps dans la classe, et à tous les âges, au respect mutuel entre filles et garçons et à la lutte contre les préjugés sexistes. Cela fait partie de l’enseignement des devoirs civiques, parmi lesquels figure le respect des autres. Le rôle de l’école est ici déterminant.
À cet égard, le texte aujourd’hui soumis à notre examen met en place des dispositifs fondamentaux. La proposition de loi faisait spécialement référence aux associations de défense des droits des femmes et promouvant l’égalité entre les hommes et les femmes. C’est une bonne chose, non seulement parce que cela signifie enfin la reconnaissance officielle du travail qu’elles réalisent au plus près des familles, mais également parce que nous pourrons utiliser leurs compétences et leurs connaissances spécifiques pour travailler efficacement. Espérons que cela freinera le Gouvernement, qui coupe malheureusement toujours plus dans les crédits octroyés à ces associations.
Ce texte prévoyait une possibilité pour les établissements scolaires de faire justement appel à ces associations. Celle-ci existe pourtant déjà aujourd’hui dans les établissements scolaires les plus dynamiques. Il aurait fallu inciter plus fortement tous les établissements à utiliser cette ressource précieuse, en rendant systématiques les interventions de ces associations…
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Yannick Bodin. … devant les élèves, dans les établissements scolaires et les centres d’apprentis.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Yannick Bodin. Cette impulsion doit venir du sommet de l’État, c’est évident. Il faut à la fois la globaliser et formaliser les diverses initiatives, tout en laissant libre cours aux actions locales. Il est temps que la prévention des violences conjugales prenne une autre dimension.
Toujours dans le cadre de l’école, la proposition de mon collègue Roland Courteau concernant la mise en place d’une séance d’information sur le respect mutuel et l’égalité entre les sexes, et cela dès le plus jeune âge, est primordiale. Cette mesure doit être mise en place et faire l’objet d’un véritable programme élaboré par le ministère de l’éducation nationale. Cela devrait avoir lieu dès l’école maternelle et l’école primaire. Cette sensibilisation et cette formation doivent également être effectuées au cours de la formation professionnelle initiale des enseignants et à l’occasion de leur formation continue.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous pouvons aujourd’hui faire en sorte que la violence soit marginalisée par la société, qu’elle soit mieux réprimée, que les victimes soient mieux reconnues et prises en charge, et que nos enfants aient conscience que l’égalité entre les hommes et les femmes est la clé d’une société plus juste et plus sereine. (Applaudissements.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à rappeler l’attachement de notre majorité à la défense des femmes contre toute forme de harcèlement ou de violence. La proposition de loi soumise à notre examen vise, en ce sens, à protéger les femmes victimes de violences au sein de leur couple et, plus largement, toutes les personnes victimes, directement ou indirectement, de violences.
Notre rapporteur, François Pillet, fait état d’une situation bien souvent mal connue et les chiffres sont difficiles à appréhender. Toutefois, certaines statistiques sont révélatrices de la croissance du phénomène. Par exemple, une recrudescence de 30 % des cas de violences volontaires sur les femmes majeures par un conjoint ou ex-conjoint a été observée sur les années 2004-2007. Le nombre total atteint 47 500 cas.
Et je souhaite insister sur le fait que ce chiffre n’est que la partie visible de l’iceberg. Selon l’Observatoire national de la délinquance, « le nombre de plaintes déposées par les victimes de violences conjugales représenterait moins de 9 % des violences conjugales réellement subies ».
Nous ne pouvons tolérer, mes chers collègues, madame le secrétaire d’État, que ceux de nos concitoyens qui font l’objet d’atteintes physiques ou morales ne soient pas protégés ni accompagnés dans les meilleures conditions possibles.
C’est pourquoi je me réjouis, au nom du groupe UMP, qu’au fur et à mesure des années notre droit soit de plus en plus protecteur de ces personnes.
Notre majorité a sans relâche montré sa volonté de renforcer les droits des victimes de violences, que ce soit à travers la réforme du code pénal de 1994, qui a prévu l’aggravation des peines encourues lorsque les violences sont commises par un conjoint ou un ex-conjoint, à travers la loi du 26 mai 2004, qui donne la possibilité au juge d’évincer le conjoint violent du domicile conjugal en amont d’une procédure de divorce, ou encore la loi du 4 avril 2006, qui a reconnu le viol entre époux.
Dans le même esprit, la proposition de loi présentée aujourd’hui marque une nouvelle avancée. En effet, il s’agit de mieux prévenir et de mieux déceler ces cas de violences, d’améliorer l’accompagnement des victimes et enfin de lutter contre la récidive.
Je tiens à saluer l’excellent travail de notre rapporteur, notre commission ayant, sur son initiative, élargi le champ d’application des dispositions qui, à l’origine, visaient expressément les femmes victimes de violences. Le texte concerne désormais l’ensemble des violences commises au sein du couple, que la victime soit un homme ou une femme. Il s’agit ici de prendre en compte une situation ignorée mais bien réelle : celle des hommes violentés. Selon l’Observatoire national de la délinquance, « 130 000 hommes majeurs auraient subi des violences infligées par une conjointe ou une ex-conjointe entre 2005 et 2006 ».
L’apport majeur de la proposition de loi est l’instauration d’une ordonnance de protection. Afin d’agir dans l’urgence, cette ordonnance donne aux personnes subissant des violences de la part de leur actuel ou ancien conjoint, concubin ou partenaire, le statut de victime permettant de sécuriser provisoirement leur situation. Si la commission a étendu la protection aux hommes, elle a cependant supprimé la référence à la famille dans le cadre de l’ordonnance de protection. Ce dispositif répondant à une situation précise, il serait inadapté d’y insérer les violences au sein de la fratrie ou entre ascendants et descendants.
Sur proposition de notre collègue François Pillet, il a été précisé, au regard des faibles moyens d’investigation dont dispose le juge aux affaires familiales, que l’ordonnance ne peut attester les violences commises. A contrario, cette ordonnance ne visera désormais que les « raisons sérieuses de la commission de violences et le danger auquel la victime est exposée ». Nous approuvons cet ajustement, laissant au juge pénal la compétence pour établir la réalité des violences.
Délivrée par le JAF, cette ordonnance organise toutes les mesures provisoires pour protéger la victime. Il est dès lors notamment possible au magistrat d’interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes, de statuer sur la résidence séparée des époux ou encore de prononcer l’admission à l’aide juridictionnelle de la victime. En outre, la personne victime de violences peut éventuellement, sur proposition du juge, choisir l’association habilitée pour l’accompagner tout au long de la procédure.
Je souhaite m’attarder sur certaines des mesures ayant fait l’objet d’améliorations par notre commission.
Premièrement, concernant l’autorité parentale, notre rapporteur a rétabli, à juste titre, la rédaction actuelle du code civil selon laquelle l’exercice du droit de visite et d’hébergement « ne peut être refusé à l’autre parent que pour des motifs graves ». Nous sommes favorables à cette rédaction. Elle place au cœur de la décision l’intérêt de l’enfant qui, je le souligne, est souvent un tiers subissant indirectement les violences. Il serait injuste, aux fins de protéger, de le priver de ses parents si les faits ne le justifient pas.
Deuxièmement, pour respecter le principe de proportionnalité, la commission a souhaité conditionner le placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté : d’une part, il faut une condamnation effective d’au moins cinq ans d’emprisonnement ; d’autre part, la dangerosité du conjoint doit avoir été constatée par une expertise médicale.
Nous nous en félicitions. La Haute Assemblée s’affirme ainsi, une nouvelle fois, comme garant des libertés individuelles.
Tout en maintenant la cohérence de cette disposition avec notre droit commun, la commission a facilité le placement sous surveillance électronique mobile. En effet, dans la version du texte votée par les députés, ce placement était conditionné au respect par la personne condamnée de la seule interdiction - signifiée par le juge - de paraître au domicile du couple.
Notre rapporteur a, de manière opportune, permis que cette possibilité soit donnée à chaque fois que le juge l’estime nécessaire. Par ailleurs, la juridiction de jugement pourra placer sous suivi socio-judiciaire la personne reconnue coupable d’avoir proféré des menaces contre son conjoint, partenaire ou concubin.
Troisièmement, sur le champ de la rétention de la personne mise en examen par les services de police et de gendarmerie, il s’agit, comme l’a indiqué notre rapporteur, de limiter la mesure au seul cas de violation des obligations « susceptibles de présenter un réel danger pour les victimes ». Néanmoins il est apparu opportun d’élargir les possibilités de recours à cette rétention, lorsque des éléments laissent penser que les obligations n’ont pas été respectées.
Nous ne pouvons que souscrire à cette évolution, dans la mesure où l’inobservation n’a plus à être avérée et que la simple présomption permet d’assurer une meilleure protection de la victime.
Le rapporteur a également proposé un amendement afin que les droits du prévenu soient respectés, notamment en interdisant aux services de police ou de gendarmerie d’effectuer des investigations corporelles internes.
Quatrièmement, sur l’interdiction de sortie du territoire de l’enfant, qui est la dernière mesure provisoire sur laquelle je tiens à m’exprimer, je me félicite que, au nom de son rapporteur, la commission ait très justement étendu l’interdiction avec inscription au fichier des personnes recherchées aux situations de mariage forcé. Vous avez madame le secrétaire d’État, souhaité la suppression de l’inscription de l’interdiction sur les passeports. Nous vous soutenons dans ce choix au regard de l’inadéquation de la mesure avec la norme mondiale fixée par l’Organisation de l’aviation civile internationale, norme à laquelle la France a souscrit.
En outre, je souhaiterais développer un autre point essentiel de cette proposition de loi : le caractère moral des atteintes portées à la victime. Il me paraît indispensable de revenir, d’une part, sur la référence aux violences psychologiques et, d’autre part, sur la nouvelle définition du harcèlement moral.
Tout d’abord, s’agissant des violences psychologiques, nous adhérons à l’avis de notre rapporteur qui, par cohérence avec la jurisprudence de la Cour de cassation, a supprimé la précision tenant au caractère psychologique des contraintes. En effet, la rédaction originelle aurait entraîné une insécurité juridique, alors que la Cour de cassation considère déjà sans ambiguïté la violence comme pouvant être aussi bien physique que psychologique.
Ensuite, concernant la définition du harcèlement moral, nous sommes favorables à la nouvelle rédaction établie par notre commission. Ainsi, l’utilisation du terme « harceler » traduit directement l’intention malveillante de l’auteur des faits, clarifiant par conséquent l’élément moral. Quant à l’élément matériel, il nous a paru préférable de lier la notion de dégradation des conditions de vie à l’altération de la santé physique ou mentale de la victime.
Par ailleurs, dans un souci de proportionnalité, il était nécessaire de moduler les peines encourues en fonction du degré d’incapacité totale de travail de la victime.
Enfin, concernant l’entrée en vigueur et l’application de la loi, j’évoquerai deux amendements de cohérence adoptés par notre commission : d’une part, celui de notre rapporteur, qui prend en compte l’outre-mer, oublié par l’Assemblée nationale dans l’application de la loi ; d’autre part, l’amendement du Gouvernement relatif au report de l’entrée en vigueur de la loi, laissant ainsi aux magistrats le temps d’organiser leurs services pour une mise en œuvre efficiente de la procédure.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera la proposition de loi issue des travaux de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous abordons ici une nouvelle étape dans la lutte contre les violences au sein des couples.
Tout d’abord, je tiens à saluer le travail des membres de la mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, dont une partie de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est la traduction.
Je veux aussi à remercier l’ensemble de mes collègues qui se sont mobilisés sur ce texte et, plus particulièrement, Roland Courteau, qui mène ce combat depuis plusieurs années et dont les efforts ont trouvé une concrétisation partielle avec l’adoption de la première loi sur les violences conjugales, en 2006.
Comme chacun l’a rappelé, les violences exercées au sein des couples sont un fléau social majeur. Les données officielles dont nous disposons à ce sujet sont alarmantes.
En effet, une femme sur dix serait victime de violences conjugales en France. Or, selon une évaluation de l’Observatoire national de la délinquance, le nombre de plaintes déposées par les victimes représenterait moins de 9 % des violences conjugales réellement subies.
L’ampleur du phénomène est donc dramatique !
Même si nous pouvons constater, depuis quelques années, une certaine prise de conscience dans ce domaine, le tabou reste néanmoins la norme.
Les victimes, bien souvent des femmes, éprouvent de grandes difficultés à porter plainte ou ne serait-ce qu’à parler des violences qu’elles subissent. Ces difficultés sont dues, bien souvent, à un renversement de la culpabilité et à une honte, infondée, à l’idée de se manifester.
Il fallait donc légiférer afin que les victimes disposent de tous les outils possibles pour être encouragées à sortir de leur prison, tant mentale que physique.
Je me félicite, par exemple, que la notion de « violences psychologiques » soit enfin reconnue, car ces dernières représentent les trois quarts des violences recensées en France. Leurs manifestations peuvent être très diverses, allant des insultes, des humiliations régulières et répétées au harcèlement moral et au rapport de domination extrême, autant de violences dont les répercussions peuvent être dramatiques et irrémédiables pour celles et ceux qui les subissent, les entraînant, notamment, dans l’isolement social, voire la dépression.
Ces situations sont très difficiles, nous le savons tous, et c’est pour cette raison que, nous, législateurs, devons apporter notre aide aux victimes : il est de notre rôle d’essayer de rompre la spirale du silence qui entoure les violences conjugales et de créer des outils juridiques pour tenter d’enrayer ce fléau.
Ce texte s’inscrit en partie sur cette voie, et je m’en félicite.
Je tiens maintenant à revenir sur l’une des avancées essentielles de cette proposition de loi, à savoir la prise en compte de l’enfant comme personne à part entière.
Il est indispensable de prendre conscience que les enfants sont, eux aussi, victimes des violences, qu’elles soient directes ou indirectes, manifestes ou impalpables.
L’impact de ces violences peut être considérable sur l’enfant, tant dans sa construction personnelle que dans son comportement social.
Si certains enfants sont à même de développer des capacités de résistance incroyables, d’autres subissent les effets de ces violences. Elles affectent bien souvent leur conduite et peuvent se traduire soit par des problèmes extériorisés, comme des comportements agressifs et l’usage de la violence, soit par des problèmes intériorisés, comme le repli sur soi, la dépression ou la propension à se poser en victime.
Comme l’a souligné l’Observatoire national de l'enfance en danger, l’ONED, « À l’âge adulte, ces enfants exposés ont un moins bon fonctionnement social et psychologique et présentent un risque de reproduire les comportements violents, que ce soit dans la position d’auteur ou de victime ».
Afin de limiter ces risques, il faut apporter à ces enfants une protection au sein de la cellule familiale tout en les sensibilisant et en les accompagnant dans leur vie de tous les jours.
C’est pour cela qu’il est indispensable que ces enfants puissent bénéficier, dès le plus jeune âge, de campagnes de prévention et de sensibilisation en milieu scolaire. Dès les bancs de l’école, il faut leur inculquer les valeurs de respect et d’égalité entre les sexes. C’est seulement ainsi que nous pourrons « prendre le mal à la racine », tout en poussant certains enfants à prendre conscience de la nécessité de parler des violences dont ils sont témoins ou victimes.
L’école a un rôle clé à jouer dans ce domaine afin d’éviter que certains préjugés et comportements ne s’ancrent dès le plus jeune âge.
D’une manière générale, et même s’il reste du chemin à parcourir, le présent texte contient de nombreuses avancées qu’il faut saluer, notamment la réaffirmation de la primauté de l’intérêt de l’enfant en cas de violences conjugales.
Il n’est plus à démontrer aujourd’hui que les violences au sein du couple ont de multiples conséquences sur les victimes et leurs proches. Il est donc indispensable que des textes législatifs, telle la présente proposition de loi, traduisent concrètement ce constat en posant un cadre juridique strict et efficace afin de protéger les victimes de ces violences, tout en essayant d’enrayer ce mal profond. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons ce soir marque une nouvelle étape dans l’implication croissante du législateur en matière de lutte contre la violence conjugale.
La loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs avait déjà commencé à lever un certain nombre de tabous sur des actes trop souvent encore marqués par la loi du silence.
Le présent débat doit permettre d’aller plus loin, notamment en tenant compte des multiples facteurs, souvent peu visibles, qui empêchent les victimes de parler et de se libérer du joug de leur agresseur.
Les questions de logement, d’autorité parentale ou de titre de séjour sont loin de constituer des enjeux annexes ! Le législateur se doit de les aborder dans toute leur complexité, sinon, les dispositifs de plainte demeureront inutilisés.
Je me réjouis donc de l’approche transversale qui a été retenue, dans l’intérêt tant des victimes de la violence conjugale que de leurs enfants.
Je veux saluer aussi la manière dont les travaux préparatoires ont su prendre acte des évolutions de notre société en matière de diversification des formes de conjugalité. Il est essentiel de clarifier la situation juridique des victimes de violences dans le cadre d’un pacte civil de solidarité, le PACS, ou d’un concubinage.
De même, l’attention portée aux femmes étrangères victimes de violences honore notre pays. J’ai d’ailleurs déposé un amendement visant à permettre à ces femmes de bénéficier d’un visa de retour en cas de vol de leurs papiers d’identité et titre de séjour par leur conjoint lors d’un voyage dans leur pays d’origine. Je ne m’attarderai pas davantage sur cette question à présent, car je la développerai lors de la discussion des amendements.
Il faudra également veiller à ce que les dispositions prévues par la proposition de loi soient pleinement applicables aux Françaises résidant à l’étranger, y compris lorsqu’elles sont binationales.
Laisser aux juridictions étrangères le soin de gérer seules les problèmes de violences auxquelles ces femmes peuvent être confrontées pourrait parfois relever de la non-assistance à personne en danger. Je pense, en particulier, aux pays dans lesquels la législation en matière de lutte contre les violences conjugales n’est qu’embryonnaire, ou à ceux dont les pouvoirs publics sont peu enclins à s’immiscer dans la vie privée des populations étrangères
À cet égard, les mesures d’information des victimes quant à leurs droits mériteraient d’être mieux diffusées, par le biais de notre réseau diplomatique et consulaire, de nos établissements scolaires à l’étranger, de nos centres culturels et des associations spécialisées.
La formation en matière de prévention et de prise en charge des violences faites aux femmes dispensée aux professionnels susceptibles d’intervenir auprès des victimes, qui avait été écartée du texte voté par l’Assemblée nationale, mais dont la commission des lois souligne qu’elle devrait être mise en œuvre par voie réglementaire, me semble cruciale pour les Français de l’étranger.
Il me semble également important que la saisine du juge aux affaires familiales soit plus accessible à un Français résidant hors de France, de même que le recours à l’ordonnance de protection et aux aides qui en découlent, notamment en matière d’accès prioritaire à un logement social en France.
L’article 10 de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale et non modifié par la commission tend à réserver, dans chaque département, des logements sociaux pour les victimes de violences conjugales : il est indispensable que cette aide soit également accessible à une Française de l’étranger souhaitant revenir en France pour fuir les violences domestiques dont elle fait l’objet.
Le second point qui me préoccupe dans le débat de ce soir concerne le droit des enfants à conserver des relations avec leurs deux parents, sauf motif grave.
Les décisions relatives à l’autorité parentale constituent l’un des enjeux les plus douloureux des séparations. Elles sont encore plus délicates lorsqu’interviennent des actes de violence à l’égard d’un conjoint. Les articles 3 et 4 de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale s’efforcent d’en tenir compte.
Toutefois, il y a un risque : accuser un conjoint de violences pourrait être utilisé comme un moyen, au demeurant peu loyal, de faire pencher la balance en sa défaveur.
Il importe donc d’œuvrer pour qu’une telle décision s’appuie sur des éléments tangibles et non pas sur une simple et vague suspicion de violence.
Le problème est particulièrement aigu dans les cas de séparation de couples mixtes, qui aboutissent trop souvent à une séparation totale et définitive des enfants d’avec l’un de leurs parents.
Si la création d’un délit de violence psychologique vise à mieux appréhender la violence conjugale, la violence caractérisant la séparation durable entre les enfants et l’un de leurs parents n’est pas encore véritablement prise en compte par le législateur. Au contraire de la plupart des cas de violence dont nous débattons ce soir, celle-ci n’affecte pas forcément plus fréquemment des femmes que des hommes.
Dans certains pays n’ayant pas ratifié la convention de La Haye – je pense notamment au Japon –, la justice locale entérine souvent de telles décisions, en particulier à l’encontre du père français. L’enfant est alors coupé durablement non seulement de l’un de ses parents, mais aussi de la langue et de la culture françaises.
Il est de la responsabilité de nos pouvoirs publics de mieux épauler le parent français, pour éviter que l’intérêt supérieur de l’enfant ne soit lésé par le conflit entre parents de nationalités différentes.
Dans de nombreux pays, l’absence de signature d’adhésion à la convention de La Haye ou à des conventions bilatérales empêche de lutter efficacement contre les déplacements internationaux illicites d’enfants.
L’article 1er ter de la présente proposition de loi, amendé par la commission des lois, qui permet au juge des enfants et au juge des affaires familiales d’interdire la sortie d’un enfant du territoire en cas de risque d’enlèvement, constitue un progrès, mais ne résout pas les cas très complexes et de plus en plus nombreux engendrés par les séparations de couples mixtes, notamment lorsqu’elles interviennent alors que la famille vit hors de France.
Je souhaite réitérer ici mon appel à une plus grande implication des magistrats de liaison et à la formation de commissions bilatérales de médiation, afin de permettre un règlement plus rapide des centaines de dossiers toujours en attente, qui constituent autant de violations intolérables des droits de l’enfant, mais aussi des violences insoutenables pour le parent privé de contact avec eux.
Il serait également important de renforcer la formation en droit international de la famille à l’École nationale de la magistrature et de nommer dans toutes les cours d’appel un magistrat compétent en la matière, s’agissant en particulier de déplacements internationaux d’enfants. Il s’agit là de deux demandes que j’avais déjà formulées en 2007.
Je conclurai en rappelant les enjeux considérables de la lutte contre la violence conjugale pour notre société.
Comment des jeunes grandissant au contact quotidien de la violence ou injustement privés de contact avec l’un de leurs parents pourraient-ils bâtir une société de justice et de paix ?
Le foyer familial est la première source d’apprentissage du respect de l’autre et du principe d’égalité des sexes ; l’école est la seconde. Il me semble essentiel de renforcer la sensibilisation sur ces sujets à l’école, comme y appelle l’article 11 A de la proposition de loi.
Cette mission est d’autant plus cruciale pour nos établissements scolaires à l’étranger. Ces derniers étant plébiscités, par les Français comme par les étrangers, pour l’excellence des enseignements qui y sont dispensés, il importe de les encourager à mieux diffuser les valeurs qui constituent le socle de notre République. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le constat a été fait par bien d’autres intervenants, les violences au sein des couples ont trop longtemps été taboues et occultées, le fait qu’elles aient lieu dans la sphère privée légitimant sans doute qu’on les passe sous silence.
Or, au regard de leur ampleur, de leur gravité et de leurs conséquences ravageuses sur les femmes et les enfants, de telles violences représentent un véritable fléau que nul n’a plus le droit d’ignorer et contre lequel nous devons lutter de la manière la plus ferme qui soit, au nom à la fois de nos valeurs, de notre pacte républicain et d’une société qui se voudrait accomplie.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Jacques Mirassou. Là est véritablement notre devoir de législateur !
Le nombre important et la gravité des faits de violences dont les femmes sont victimes actuellement en France sont alarmants : tous les deux jours et demi, dans notre pays, une femme meurt sous les coups de son conjoint !
Cette donnée, intolérable, témoigne de l’urgence de la situation et justifie pleinement le débat qui nous occupe aujourd’hui dans le cadre d’une démarche lancée, il faut le rappeler, grâce à une proposition de loi déposée, déjà, par notre excellent collègue Roland Courteau, et qui a abouti à la « loi-cadre » du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.
À l’époque, c’est essentiellement le volet répressif qui avait été renforcé. Cette initiative louable et volontariste avait alors permis de faire sortir de l’ombre l’indicible, jusque-là confiné dans la sphère privée, même s’il est vrai que la route est encore longue pour faire évoluer les mentalités, certains parmi vous l’ont souligné.
C’est d’ailleurs dès leur plus jeune âge qu’il faut sensibiliser les enfants, à l’école, au collège puis au lycée, sur l’égalité entre les hommes et les femmes, sur la lutte contre les préjugés sexistes…
M. Roland Courteau. Oui !
M. Jean-Jacques Mirassou. … et, plus généralement, sur le respect dû à autrui.
La loi du 4 avril 2006 a entraîné l’augmentation du nombre des plaintes. Cependant, il est aujourd’hui de notre devoir de renforcer la législation sur les violences envers les femmes et au sein des couples et d’envoyer un signal fort non seulement aux victimes mais aussi et surtout aux auteurs des violences.
La violence conjugale ne se résume pas seulement aux coups. Elle constitue un tout. Cette violence globale découle d’une logique de domination qui vise à une forme de destruction de la femme. Les souffrances des victimes ne sont pas de simples conséquences des violences exercées, elles constituent bien, malheureusement, le but recherché par celui qui les exerce.
Il faut donc affirmer clairement, ici plus qu’ailleurs, que la violence est non pas un simple problème mais véritablement un délit, et peut devenir un crime. (Mme Dominique Voynet et M. Roland Courteau applaudissent.)
La proposition de loi déposée par M. Roland Courteau prévoit une information et une sensibilisation dans les écoles, mais aussi, plus largement, la formation de tous les acteurs, sociaux, médicaux et judiciaires, afin d’améliorer l’accueil, la protection et le suivi des victimes.
Les auteurs de la proposition votée par l’Assemblée nationale visent, quant à eux, un triple objectif : protéger, prévenir et punir.
Parmi les mesures innovantes, il faut citer l’ordonnance de protection que peut délivrer en urgence, dans de nombreux cas de figure, le juge aux affaires familiales afin de protéger les victimes.
Une autre innovation mérite d’être citée : la création du délit de violence psychologique au sein des couples, sur le modèle du harcèlement moral au travail, dont la répression est modulée en fonction de la durée d’incapacité totale de travail subie.
À cet égard, il est évident que les médecins devraient avoir un rôle déterminant à jouer dans la détection de ce type de violences, qui sont tout aussi destructrices que les violences physiques et qui peuvent engendrer un anéantissement psychologique susceptible, dans le pire des cas, de conduire au suicide.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Jean-Jacques Mirassou. Parce que nous avons affaire à des personnes en situation de profonde détresse, la législation doit être renforcée pour faciliter la détection des violences, l’accompagnement et la prise en charge des victimes. À ce sujet, il convient de souligner que les acteurs de terrain du monde associatif devraient avoir les moyens d’intervenir le plus rapidement possible en termes d’accompagnement.
Par ailleurs, les violences au sein du couple affectent évidemment les enfants et ont des conséquences très graves sur leur vision du couple et de la famille, sur la construction de leur identité et sur l’image qu’ils se font de la femme et de sa place, dans la famille comme dans la société.
Il est donc important que soient protégés à la fois les femmes et les enfants, de manière que ces derniers développent une vision de la femme, de la famille et, plus généralement, de la société qui soit respectueuse de l’autre et des principes républicains, ainsi que nous l’appelons de nos vœux.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Jacques Mirassou. Sans vouloir pour autant la surévaluer, nous pensons que cette proposition de loi constitue un outil qui saura provoquer une prise de conscience collective elle-même porteuse d’un véritable engagement citoyen. Nous pourrons ainsi franchir une nouvelle étape dans la lutte contre les violences au sein des couples, et nous espérons que le texte dont nous discutons aujourd’hui permettra une telle avancée le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons donc aujourd’hui une proposition de loi relative aux violences faites aux femmes.
De telles violences posent un grave problème de santé publique et ne sont pas autre chose qu’une violation des droits de la personne humaine. Elles constituent un enjeu pour le développement de notre société, car la violence à l’encontre des femmes est présente aussi bien au sein des couples que sur le lieu de travail.
Les faits montrent qu’il y a urgence. Aujourd’hui, une femme meurt tous les deux jours et demi dans notre pays. Nous devons remédier à cette situation au plus vite et lutter plus efficacement contre les violences faites aux femmes.
Le droit international oblige les États à sanctionner les auteurs de ces violences, mais aussi à agir pour prévenir celles-ci et garantir une réparation adéquate aux personnes qui les ont subies.
Mon intervention portera essentiellement sur la prévention, en la matière essentielle.
Le système de prévention doit commencer au collège et au lycée afin de sensibiliser à la violence et d’enseigner le respect de l’autre. La lutte contre les violences doit être pensée en termes d’égalité entre les hommes et les femmes.
Il est essentiel d’engager un plan d’information, de sensibilisation et de formation sur l’égalité entre les hommes et les femmes dans les établissements scolaires. Un enseignement obligatoire hebdomadaire centré sur les principes d’égalité doit être créé. Il faut promouvoir une éducation à la non-violence et au respect des êtres humains.
C’est bien au nom de cette égalité qu’il faut parler de violences au sein du couple, et pas seulement envers les femmes, car nous devons également prendre en compte la situation des hommes, qui sont, eux aussi, victimes de violences. Mes chers collègues, c’est une réalité dont il faut prendre conscience ! D’où l’importance de compléter le titre de cette proposition de loi en visant les violences au sein des couples et les incidences de ces dernières sur les enfants.
Il ne faut pas oublier en effet que, dans près de 70 % des cas, les actes de violence se déroulent devant les enfants qui, dans 10 % des cas, subissent directement cette violence, avec les séquelles physiques et psychologiques qu’elle entraîne.
Pour mieux lutter contre les violences au sein des couples, il faut mettre en place une information régulière de l’opinion publique sur cette problématique. La mise en œuvre d’une campagne de prévention des comportements sexistes dans les milieux scolaires, en lien avec l’Éducation nationale, serait également utile et pourrait s’appuyer sur l’organisation d’une journée nationale d’information et de prévention.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Patricia Schillinger. La création d’un observatoire national des violences faites aux femmes permettrait aussi de mieux connaître les différents aspects de ce fléau, d’en mesurer l’ampleur par une collecte systématique des données et de surveiller la coordination des actions mises en œuvre.
Par ailleurs, la prévention doit s’adresser non seulement aux victimes, pour que celles-ci osent briser le mur du silence, mais aussi à leur entourage, qui doit pouvoir venir en aide à la victime. Quant aux agresseurs, ils doivent également prendre conscience du fait que la violence est un crime.
La lutte contre cette violence doit devenir une priorité, et ce à tous les niveaux. S’il existe des mesures et dispositions relatives à la lutte contre la violence au sein du couple, celles-ci sont disparates, morcelées et appliquées de façon hétérogène sur le territoire national. Il faut une politique ambitieuse en la matière, avec de véritables actions coordonnées et concertées entre tous les acteurs concernés.
Policiers, gendarmes, magistrats, travailleurs sociaux, personnel médical, élus, tous doivent se concerter et intervenir de manière prioritaire dans ce domaine. La formation de l’ensemble de ces acteurs doit également être renforcée.
N’oublions pas non plus les médecins, qui ont un rôle très important. Des études montrent à cet égard que les femmes victimes de violences ont principalement recours au médecin en premier lieu.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Patricia Schillinger. Les médecins peuvent à la fois constater les violences, aider les victimes à parler et les orienter vers des structures d’accueil.
Nous devons également prendre des mesures d’accompagnement pour les femmes victimes de violences afin de les aider à se reconstruire et à se réinsérer dans la vie.
Il faut donc une réponse globale, coordonnée et accompagnée de moyens humains et financiers suffisants. Renforcer la coordination au niveau national permettra une action efficace et le recueil d’informations.
Aujourd’hui, il est de notre responsabilité de lutter contre toutes les formes de discrimination et de violence en développant la promotion de l’égalité des femmes et des hommes. Il faut changer les mentalités. Cette lutte se résume à un seul mot : « prévention », une prévention qui doit notamment passer par l’éducation au respect de l’autre et à la non-violence.
L’éducation doit être au cœur d’un projet de société, car c’est par elle que l’on forme jeunes et moins jeunes au dialogue et à la non-violence. Elle transmet des valeurs de tolérance et d’ouverture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ce soir, à travers vous, c’est en fait la nation tout entière qui est mobilisée.
Parce que, dans notre pays, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups, parce que 75 000 femmes sont violées chaque année, selon le rapport annuel 2009 de l’Observatoire national de la délinquance, parce que les mariages forcés sont inacceptables et concernent près de 8 000 adolescentes, parce que la violence physique comme la violence psychologique sont intolérables, parce que l’évolution de la cellule familiale nécessite des réponses appropriées – le mariage n’est pas le seul mode de vie commune, il y a aussi le concubinage –, nous devons adapter notre législation.
Il y a les chiffres que je viens de rappeler, et ils sont inacceptables, mais, derrière eux, aussi, les prénoms de toutes ces femmes qui ont perdu la vie et qu’aucune donnée chiffrée ne saurait nous faire oublier.
Ainsi que l’a indiqué Jean-Marie Bockel tout à l’heure, le Gouvernement a travaillé de manière interministérielle sous l’autorité du Premier ministre, qui a déclaré, pour 2010, la lutte contre les violences faites aux femmes « grande cause nationale ».
Je tiens à saluer l’excellent travail qu’ont réalisé ensemble l’Assemblée nationale et le Sénat, ainsi que leur délégation respective aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, et tout particulièrement les rapports de Mme Laborde, au nom de la délégation du Sénat, et de Mme Dini, au nom de la commission des affaires sociales, sans oublier l’action de M. Courteau, qui est déjà intervenu sur le sujet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a souhaité que ce texte reste une initiative parlementaire afin de lui conférer toute la force de la représentation nationale, au-delà des clivages politiques, car c’est ensemble que nous devons lutter contre ce qu’il y a d’inacceptable dans cette société.
Vous avez entendu élargir la portée de ce texte et, au-delà des violences spécifiquement faites aux femmes, inclure celles qui sont commises au sein du couple. Comme vous l’avez rappelé à juste titre, des hommes aussi sont victimes de violences et perdent la vie à cause d’elles.
Dès lors, nous devons agir de plusieurs manières.
Tout d’abord, comme vous avez été nombreux à le rappeler, nous devons mener des actions vigoureuses d’information, de prévention, de formation, de suivi, mais aussi d’accueil des victimes.
Le « 3919 », le numéro d’écoute anonyme, reçoit annuellement 80 000 appels, dont 84 % concernent ces violences psychologiques qui, pour la première fois, mesdames, messieurs les sénateurs, seront reconnues en tant que telles et consacrées dans notre législation.
En outre, vous avez été nombreux – ce fut le cas, entre autres, de M. Bodin – à souligner la nécessité d’agir très tôt, dès l’école, par l’éducation. Le Gouvernement déposera un amendement en ce sens, car il est important, il est vrai, d’apprendre au plus vite à nos enfants à respecter les filles et les femmes.
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Mais nous devons aussi toucher l’ensemble d’une classe d’âge. À cette fin, nous profiterons de la Journée d’appel de préparation à la défense, la JAPD, pour diffuser chaque année 800 000 exemplaires d’un document d’information. Ce livret pourrait même être disponible dès le mois de juillet.
Au-delà de cet indispensable devoir d’information, le texte prévoit le recours à la technologie pour lutter contre les violences, au travers de l’introduction du placement sous surveillance électronique mobile, plus connu sous le nom de « bracelet électronique », qui va permettre de mieux contrôler les conjoints ou compagnons violents. Pour voir fonctionner cet outil, je me suis rendue en Espagne, pays dans lequel on a d’ores et déjà pu noter des résultats probants. Dès que l’agresseur potentiel, porteur du bracelet, s’approche à moins de quatre cents mètres de la victime, dotée d’un boîtier de réception, le dispositif se met à sonner et la femme est alertée.
Il est vrai que la formation, dont l’importance a été soulignée par Mme Dini et de nombreux autres orateurs, ne figure pas en tant que telle dans la proposition de loi. Un rapport est cependant prévu à l’article 10 bis B sur la mise en place d’une formation spécifique en la matière. Je vous indique qu’un rapport commandé sur ce sujet me sera remis le 30 juin prochain : nous serons alors en mesure de faire le point sur les actions engagées et sur les améliorations nécessaires à prévoir.
Concernant les travailleurs sociaux, un effort particulier a déjà été fait, même si, nous le savons, il faut aller plus loin. C’est pourquoi je vais solliciter le Conseil supérieur du travail social.
Madame Morin-Desailly, vous m’avez interpellée sur les moyens, notamment ceux de la justice, en regrettant que le Gouvernement supprime des emplois. (Mme Catherine Morin-Desailly ne se reconnaît pas dans ces propos.) Il convient tout de même d’apprécier à leur juste valeur les crédits inscrits à ce titre au budget de la justice : en hausse de plus de 3,42 %, ils représentent la création de 1 030 emplois supplémentaires afin de renforcer l’accès au droit et l’aide aux victimes, pour laquelle la justice consacre 11 millions d’euros ; en outre, l’aide juridictionnelle bénéficie en 2010 d’un soutien de 299 millions d’euros.
Je précise enfin que j’ai signé un avenant de 150 000 euros en complément du budget de un million d’euros prévu pour faire fonctionner le numéro d’urgence 3919. Il s’agit en effet de renforcer les moyens en personnel pour faire face aux pics d’affluence téléphonique constatés au moment de la diffusion des campagnes d’information télévisées.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour féliciter le collectif des associations qui travaillent à nos côtés, car c’est aussi grâce à leur détermination que cette grande cause nationale a pu voir le jour.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Il faut inciter chacun à adopter des comportements plus responsables, car, souvent, les violences faites aux femmes s’exercent dans une certaine indifférence. Lorsque, derrière la cloison, on entend une femme crier, puis que le silence se fait, c’est peut-être qu’elle a perdu la vie. L’indifférence rend cette mort d’autant plus inacceptable.
Parmi les spots télévisés programmés, je citerai le film de M. Audiard, centré sur les violences psychologiques, et celui, mettant en scène des enfants, qui a été diffusé sur les chaînes publiques le 25 novembre dernier et qui le sera plusieurs fois encore dans l’année.
Mmes Klès et Panis, notamment, ont évoqué l’impact sur les enfants des violences faites aux femmes et des violences au sein du couple, et nous savons tous très bien qu’ils en sont les victimes collatérales. Le spot en question, diffusé sur l’initiative du Gouvernement, montre justement des enfants en train de reproduire ces scènes de violence, ô combien néfastes pour la construction de leur identité.
Je dirai également un mot de la politique du Gouvernement en faveur des espaces de rencontre et de médiation familiale. Non, madame Morin-Desailly, nous ne baissons pas cette année les subventions versées aux 251 associations œuvrant en ce domaine. (Mme Catherine Morin-Desailly ne se reconnaît pas plus dans ces propos.) Pour vous donner un ordre de grandeur, la Chancellerie finançait ces actions à hauteur de 240 914 euros en 2002, contre 953 200 euros en 2009, soit un effort quatre fois plus important !
Madame Garriaud-Maylam, puisque vous m’avez interrogée sur la situation des Français de l’étranger, je vous précise que, aux termes du texte issu des travaux de la commission des lois du Sénat, les « autorités consulaires françaises prennent les mesures adaptées pour assurer, avec leur consentement, le retour sur le territoire français des personnes de nationalité française ou qui résident habituellement sur le territoire français lorsque ces personnes ont été victimes à l’étranger de violences ».
Nous sommes, tout comme vous, très attachés à renforcer l’information de nos postes sur ce sujet. C’est le Quai d’Orsay qui sera chargé de diffuser l’information.
Par ailleurs, nous profitons de chaque rencontre bilatérale pour inciter les États qui ne l’auraient pas encore fait à ratifier la convention internationale de La Haye relative aux déplacements illicites d’enfants, laquelle a prouvé son efficacité. Des négociations sont actuellement menées avec la Fédération de Russie. Le bureau de l’entraide civile et commerciale internationale du ministère de la justice, en sa qualité d’autorité centrale, constitue un interlocuteur précieux pour favoriser la coopération judiciaire internationale et l’inscription au fichier des personnes recherchées.
Les mesures d’interdiction de sortie du territoire prévues par la proposition de loi participent des efforts déjà déployés par les pouvoirs publics pour lutter contre les déplacements illicites d’enfants.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais vous apporter en réponse à vos différentes interventions. L'examen des articles va nous permettre de peaufiner les dispositions proposées. Au fond, nous partageons le même objectif : faire en sorte qu’elles puissent le plus rapidement possible être mises en œuvre, pour renforcer notre arsenal législatif en développant tant les moyens technologiques que la formation et l’information.
Aujourd'hui, sensibiliser la population aux violences contre les femmes et aux violences commises au sein du couple est primordial. C’est tous ensemble, par la mobilisation de la nation tout entière, que nous devons lutter contre ce phénomène inacceptable ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste, du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
14
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 23 juin 2010, à quatorze heures trente et le soir :
1. Proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières (n° 285, 2009-2010).
Rapport de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 535, 2009-2010).
2. Proposition de loi rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen (n° 422, 2008-2009).
Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n° 533, 2009-2010).
3. Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes (n° 340, 2009-2010) et de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (n° 118, 2009-2010).
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 564, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 565, 2009-2010).
Avis de Mme Muguette Dini, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 553, 2009-2010).
Rapport d’information de Mme Françoise Laborde, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 553, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 23 juin 2010, à zéro heure dix.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART