M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accès à la contraception et le droit à l’avortement, obtenus de longue lutte, ont été des avancées fondamentales du XXe siècle, car elles ont permis aux femmes de disposer librement de leur corps, en leur donnant le choix d’enfanter ou non.
Rappelons que les interruptions volontaires de grossesse se faisaient clandestinement avant la loi Veil : des femmes mouraient ou souffraient de séquelles, et celles et ceux qui leur portaient assistance étaient menacés de prison. C’est donc une véritable libération, un vrai progrès que nous avons connu en 1967, avec la loi Neuwirth, et, en 1975, avec la loi Veil.
Depuis l’adoption de ces textes, l’IVG et la contraception ont été marquées par une évolution permanente. De 1982, année où fut décidé le remboursement de l’IVG par la sécurité sociale, à la loi du 9 août 2004, où l’IVG médicamenteuse en ville a été rendue possible, de nombreuses étapes ont jalonné cette histoire.
La loi du 13 décembre 2000 a permis la contraception d’urgence et en a autorisé la délivrance dans les pharmacies aux mineures désirant garder le secret. Enfin, elle a autorisé l’administration de la contraception d’urgence par les infirmières aux élèves mineures et majeures des collèges et lycées.
La loi du 4 juillet 2001 a, quant à elle, modernisé les lois de 1967 et de 1975 en portant les délais légaux de 10 à 12 semaines de grossesse et en inscrivant le droit à l’IVG dans le code de la santé publique. Elle a aussi rendu obligatoire une éducation à la sexualité dans les établissements scolaires. Mais qu’en est-il aujourd’hui ?
Comparé à celui des autres pays européens, le taux de recours à l’IVG reste élevé en France, alors que notre pays a le taux de diffusion de la contraception parmi les plus élevés au monde et qu’il se place, paradoxalement, au premier rang concernant le taux de natalité. La diffusion massive des moyens de contraception n’a donc pas fait diminuer le nombre d’IVG, qui se maintient aux alentours de 200 000 par an.
Toutefois, ne tirons pas de conclusion hâtive : la contraception diminue bien entendu le recours à l’IVG, quoique des progrès restent à accomplir en matière de prévention.
Trop de tabous et de culpabilisations planent encore sur la contraception et l’avortement.
Tout d’abord, il faut améliorer l’information contraceptive en direction des deux sexes, et ce dès le plus jeune âge, dans les établissements scolaires où la loi n’est que partiellement appliquée. Des actions d’accompagnement doivent également être entreprises en direction des populations défavorisées. Cela passe par un effort accru envers les associations qui œuvrent en faveur de la promotion de la contraception et du suivi des dispositions relatives à l’IVG.
À ce sujet, je regrette encore d’avoir eu à intervenir, en janvier 2009, à propos de la restriction des crédits d’État destinés au planning familial ; il aura fallu une forte mobilisation de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes pour que le Gouvernement y renonce.
Ensuite, il faut faciliter l’accès à la contraception. Alors que la loi garantit un accès autonome des jeunes à la contraception sans consentement parental, ce droit est contredit dans les faits lorsqu’ils doivent faire appel à la couverture sociale de leurs parents. Une réflexion doit impérativement être menée sur ce point, madame la ministre.
Concernant la contraception d’urgence, le recours à la pilule du lendemain est encore trop faible pour favoriser une diminution du nombre d’avortements.
Enfin, puisque deux grossesses non prévues sur trois surviennent chez des femmes déclarant utiliser un moyen contraceptif, il faut évidemment rechercher une meilleure adéquation des méthodes et pratiques contraceptives en fonction des attentes et des modes de vie. Il semble donc possible d’éviter une partie des IVG en portant un effort accru et mieux ciblé sur la prévention, et il importe de tout mettre en œuvre en ce sens.
Si le droit à l’IVG ne paraît pas menacé en tant que tel, il faut demeurer vigilant. Certes, on ne voit plus de commandos anti-IVG qui s’enchaînent devant l’entrée des centres IVG, mais les oppositions idéologiques subsistent et sont plus insidieuses.
Ces dernières années, au travers de plusieurs propositions de loi et amendements, on a cherché à faire reconnaître l’embryon comme une « personne », ce qui peut être un premier pas vers une remise en cause du droit à l’avortement. Par exemple, a été déposé, en 2003, un amendement tendant à créer un délit d’interruption involontaire de grossesse puni d’un an de prison et d’une amende de 15 000 euros !
Plus récemment, ce fut aussi le cas pour l’inscription sur le livret de famille d’un enfant mort-né ou encore l’introduction d’une phrase sur les droits de l’enfant à naître, à l’occasion de la révision de la loi de bioéthique...
De plus, comment ne pas évoquer le démantèlement du système de santé opéré par le Gouvernement à coups de réformes ? Car ce sont les femmes les premières victimes. Je parle des effets pervers de la loi HPST, qui a instauré une logique de rentabilité à l’hôpital. Cette politique signifie le démantèlement des structures non rentables et dévalorisées, comme celles qui sont chargées des IVG.
Depuis des semaines, les associations déplorent la fermeture ou les menaces de fermeture qui planent sur des structures pratiquant des IVG à l’hôpital public en Île-de-France et ailleurs. Il s’agit d’une atteinte grave à l’obligation d’organiser, à l’hôpital public, l’offre de soin en matière d’avortement et d’une remise en cause de la qualité des soins que nous ne pouvons accepter. Dans certains secteurs géographiques qui enregistrent de fortes demandes, le délai d’accès à une IVG est long. Fermer des centres ne fera que créer de nouveaux goulots d’étranglement que le lent développement de l’IVG médicamenteuse ne pourra pas résorber.
Madame la ministre, nous souhaitons que vous preniez des engagements pour que les centres IVG ne fassent pas les frais des restrictions budgétaires dues à la crise et que cette activité soit considérée comme une obligation de santé publique.
En définitive, des solutions existent pour une meilleure prévention des grossesses non désirées et une meilleure prise en charge des IVG. Encore faut-il une volonté forte et de réels moyens ! Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour permettre aux femmes d’avoir un vrai choix de vie, le droit à la santé maternelle, voire le droit à la santé tout court ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, plus de quarante ans après l’adoption de la loi Neuwirth et un peu moins de quarante ans après celle de la loi Veil, des inquiétudes se manifestent encore et toujours concernant l’accès des femmes à une contraception efficace et la prise en charge des interruptions volontaires de grossesse.
Plus grave encore, on assiste à une régression dans certains territoires. En effet, les inégalités territoriales persistent en matière d’accès à l’IVG, avec l’existence de « goulots d’étranglement dans des zones de forte demande », notamment les grandes villes. Le rapport de l’IGAS indique que le nombre d’établissements pratiquant l’IVG est passé de 729 en 2000 à 639 en 2006, réduisant de fait le choix quant aux méthodes d’interruption volontaire de grossesse.
Il est vrai que les anciens médecins militants qui ont assisté à des drames tels que la mort tragique de femmes désespérées sont maintenant à la retraite. Leurs collègues plus jeunes n’ont pas évidemment pas connu cette époque.
Mais surtout l’IVG est, malgré l’augmentation du tarif de l’acte que vous avez bien voulu décider, madame la ministre, peu attractive financièrement, comme le note l’IGAS : elle ne constitue donc pas, il s’en faut, une activité hospitalière prioritaire, en particulier dans un contexte de restructuration des établissements et de rationalisation de la dépense.
Or, je le rappelle, l’État a une obligation légale d’organiser l’offre de soins en matière d’avortement à l’hôpital public. Les centres d’IVG constituent non seulement des lieux indispensables de prise en charge de cet acte lourd à supporter, tant physiquement que psychologiquement, mais aussi des lieux de prévention et d’information en matière de contraception.
Michèle André l’a dit, le rapport de l’IGAS relève surtout la situation paradoxale de la France, qui cumule un taux de diffusion de la contraception parmi les plus élevés au monde et un taux d’IVG qui reste à un niveau relativement important. Ainsi, 72 % des IVG sont réalisées sur des femmes qui étaient sous contraception. Pour l’IGAS, cela s’explique en partie par une inadéquation de la couverture contraceptive par rapport aux besoins et aux modes de vie des utilisatrices.
Or ce déficit d’accès est d’abord d’origine financière, le prix du contraceptif étant souvent un obstacle au choix de la méthode la mieux adaptée. En effet, la sécurité sociale rembourse les pilules de deuxième génération, les stérilets et les implants, mais elle ne prend pas en charge d’autres moyens contraceptifs comme le patch ou l’anneau vaginal. Depuis peu, elle ne rembourse que deux pilules de troisième génération. Pourtant, selon l’IGAS, ces micropilules représentent près du tiers des contraceptifs oraux prescrits par les médecins.
L’IGAS souligne que les laboratoires concernés par les pilules de troisième génération se sont abstenus de présenter une demande de remboursement au Gouvernement parce que cela les aurait empêchés de fixer leurs prix à un niveau nettement supérieur. On croit rêver !
Le Mouvement français pour le planning familial a donc lancé en mai dernier une campagne visant à obtenir le remboursement de toutes les méthodes contraceptives. Nous ne pouvons que nous associer à cette demande légitime, qui constitue le seul moyen de garantir à chacun et à chacune la liberté de choix de sa contraception.
Il est également primordial d’assurer un accès gratuit et confidentiel des jeunes au conseil ainsi qu’à la prescription et à la délivrance des produits contraceptifs. À cet égard, et alors qu’on recense chaque année en moyenne 4 500 naissances chez les moins de dix-huit ans, l’école a un rôle essentiel à jouer, notamment en matière d’information auprès des jeunes, filles et garçons, car ce n’est pas seulement une histoire de filles !
Sur ce point, l’IGAS constate que l’éducation nationale ne remplit pas suffisamment sa mission en matière d’éducation sexuelle – trois heures par an, je le rappelle –, qui constitue pourtant une obligation légale depuis 2001.
En matière de prévention des grossesses non désirées, je me félicite de la mise en place du « pass contraception » en Poitou-Charentes – et prochainement en Île-de-France –, qui permet d’avoir accès à une consultation médicale gratuite, à l’achat de contraceptifs, à des analyses médicales et à une visite de contrôle.
Nous devons enfin veiller à garantir la pérennité des structures départementales d’information et de prise en charge, qui constituent un relais indispensable des campagnes de prévention nationale. Les conseils généraux, dont celui de mon département, le Finistère, y consacrent des enveloppes non négligeables, permettant de prendre en charge, par le biais de conventions avec des centres hospitaliers, des analyses et des moyens de contraception pour les mineurs et les jeunes adultes en situation difficile. Mais combien de temps encore vont-ils pouvoir le faire, car la somme à débourser est quand même relativement élevée ?
Retrouver la « parenthèse enchantée » de Françoise Giroud, garantir l’accès à la contraception et à la liberté de disposer de son corps, tout en promouvant l’égalité entre les femmes et les hommes : voilà, madame la ministre, ce que nous vous demandons ; cela passe par une politique ambitieuse et, surtout, assortie de moyens à la hauteur des enjeux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, car il y en a tout de même quelques-uns…
Mme Odette Terrade. Outre le président, ils sont deux !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … – je salue ces deux militants ! (Sourires) –, très tôt dans mon histoire comme dans mon parcours de femme politique, je me suis investie, comme nombre d’entre vous d’ailleurs, en faveur de la cause des femmes. Je me joins donc bien volontiers aux oratrices et à l’orateur qui ont rappelé et salué l’engagement de plusieurs générations de femmes au service de la liberté et de l’autonomie.
Nous avons mené de nombreux combats, qui ont souvent transcendé nos origines politiques, afin de permettre aux femmes de disposer librement de leur corps, de maîtriser leur sexualité et d’avoir accès à l’interruption volontaire de grossesse – l’avortement – lorsqu’elles le souhaitent. Difficiles et âpres, ces combats ont permis de remporter de belles victoires. Michèle André a eu raison de rendre hommage à ces militantes et à ces militants.
La loi de 1975 a marqué une étape essentielle dans la vie et l’histoire de notre pays et, comme beaucoup d’entre vous, je salue la lumineuse figure de Simone Veil.
Je partage l’émotion de Jacques Mézard évoquant la mémoire de son père. On imagine le courage qu’il a fallu à certains – seuls contre tous ! – lors de ces débats. Quand on relit les comptes rendus, on reste stupéfait devant la violence de certains propos. Heureusement, depuis, les mentalités ont évolué !
L’avortement est aujourd’hui intégré dans une offre de soins globale même si, il faut le reconnaître, il est encore, malheureusement, entaché d’une connotation négative. On le présente souvent comme un « mal nécessaire », et je dois dire que je ne m’associe pas à cette vision dédaigneuse et culpabilisante.
La loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception a utilement modernisé la loi Veil en tenant compte des évolutions tant médicales que sociales, sans remettre en cause ses grandes orientations, obtenues de haute lutte.
Toutefois, on le sait bien ici, il ne suffit pas de voter une loi : il faut aussi vérifier qu’elle s’applique sur le terrain et que les principes qu’elle énonce sont respectés partout et pour tous et toutes. C’est la raison pour laquelle l’IGAS a réalisé, à ma demande, une évaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de prise en charge des interruptions volontaires de grossesse.
Ce rapport, remarquable et fort utile, qui m’a été remis en février dernier, constitue une base de travail pour chacun. Il montre d’abord – nous pouvons nous en réjouir – que la France se situe au premier rang mondial en termes de couverture contraceptive. Dans notre pays, 95 % des femmes en ayant besoin utilisent un moyen de contraception, et il s’agit, dans 80 % des cas, d’une contraception médicale.
Le nombre d’IVG pratiquées chaque année reste stable. À cet égard, là encore, je refuse tout discours culpabilisant, celui qui consiste à considérer nécessairement l’avortement comme le symptôme d’un échec. En l’occurrence, notre pays a établi un record : il a l’un des plus forts taux de fécondité en Europe, ce qui donne au passage tort à ceux qui prédisaient que la légalisation de l’avortement allait voir s’effondrer le taux de natalité, et un très fort taux de contraception. En outre, sans doute parce que nous avons une bonne offre d’IVG, les femmes ont accès à ce droit fondamental. Nous avons donc de la chance : très forte fécondité, bonne contraception, bon accès à l’IVG, même si des progrès peuvent encore être réalisés.
Cette apparente stabilité est en fait le signe d’une meilleure maîtrise de la fécondité, ce dont nous pouvons nous féliciter. Elle s’explique par un nombre de grossesses non désirées qui diminue et un recours à l’IVG qui devient de plus en plus fréquent. Autrement dit, lorsqu’on ne désire pas une grossesse, on recourt à l’avortement. Soit dit entre parenthèses, j’utilise volontairement le mot « avortement », car c’est celui qui a fondé notre combat, même si je sais qu’il est de bon ton aujourd’hui de parler d’IVG. Moi, j’ose le mot « avortement ».
En 1975, une grossesse sur deux était non désirée. Aujourd’hui, on est proche de une sur trois.
En 1975, 40 % des grossesses non désirées se terminaient par un avortement. Aujourd’hui, on est plus proche de 60 %.
Pour autant, force est de constater que d’importants progrès peuvent encore être réalisés en matière de contraception et d’accès à l’avortement. Que faisons-nous pour qu’ils le soient ?
Tout d’abord, nous devons lutter contre le taux d’échec important des moyens de contraception. En effet, chaque année, en France, près de la moitié des IVG sont pratiquées chez des femmes qui utilisent une contraception qui devrait pourtant a priori être efficace.
Largement identifiée à la pilule, la contraception offre en réalité un panel beaucoup plus large, susceptible de mieux répondre aux attentes et aux besoins des femmes, qui se sont eux aussi diversifiés. Afin de permettre à chaque femme de choisir un moyen de contraception qui lui soit adapté, il faut renforcer la formation initiale des médecins sur la contraception. Ces derniers doivent être en mesure de proposer à leurs patientes des solutions individuelles adéquates.
Ainsi, tous les moyens de contraception doivent être accessibles à toutes les femmes. Je soutiens toute démarche entreprise en ce sens.
Des discussions sont actuellement en cours pour obtenir le remboursement de nouvelles formes de contraception, telles que le patch et l’anneau, parfois mieux adaptées au mode de vie de certaines femmes. Je précise à l’intention de Maryvonne Blondin et de Patricia Schillinger que cinq pilules de troisième génération sont désormais remboursées. Je suis bien entendu à la disposition de votre délégation pour lui indiquer lesquelles.
À cet égard, Mme Blondin a eu tout à fait raison de souligner que le fait, pour certains laboratoires, de ne pas présenter une demande de remboursement de leurs produits était destiné à leur permettre de fixer librement leurs prix. Soit dit entre nous, l’avantage de ces pilules relève davantage d’une stratégie commerciale que d’un réel apport qualitatif. J’ai d’ailleurs dénoncé cette démarche. Hélas, un certain nombre de gynécologues et de femmes se sont laissé persuader des avantages de ces pilules dites de troisième génération.
Enfin, l’IGAS a proposé la coprescription systématique d’une contraception d’urgence lors de la prescription d’une contraception régulière et, plus globalement, la prescription et la délivrance de la contraception d’urgence « à l’avance ». Cette proposition me paraissant intéressante, j’ai demandé à la Haute Autorité de santé d’émettre des recommandations sur ce sujet, recommandations qu’elle a inscrites à son programme de travail pour 2011.
Nous le savons, et le rapport de l’IGAS l’a d’ailleurs confirmé, les marges d’action ne sauraient se réduire au développement de l’accès à la contraception. Il faut également améliorer l’information et l’éducation sexuelle, ainsi que Michèle André, notamment, l’a souligné.
L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, réalise à cet égard un travail remarquable. Les campagnes de communication qu’il mène depuis 2007 pour sensibiliser les adolescents, garçons et filles, à l’importance de la contraception ont été reconduites en 2010. Cela faisait très longtemps qu’il n’y avait pas eu de campagne en faveur de la contraception. Lorsque j’ai pris mes fonctions dans ce ministère, j’ai souhaité que l’on reprenne le cycle de ces campagnes. Elles sont complétées par un site internet dédié sur le thème : « Bien choisir sa contraception ».
En lien étroit avec Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, et Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, je travaille activement pour améliorer l’information. Des mesures concrètes pour les mineures scolarisées seront présentées à la prochaine rentrée scolaire. Luc Chatel et moi prévoyons de faire une communication spécifique sur ce sujet.
Les maisons des adolescents seront des lieux où les jeunes pourront trouver des informations relatives à la vie sexuelle. Cette mission figure dans le cahier des charges auquel elles sont soumises.
Par ailleurs, nous avons réfléchi à des solutions spécifiques pour l’outre-mer, où les problématiques peuvent être différentes et où il nous faut proposer des solutions adaptées. Dans cette optique, l’INPES réalise cette année une campagne inédite d’information et d’éducation spécifique à destination des départements français d’Amérique.
Nous devons favoriser l’accès à la contraception pour les jeunes. En effet, les IVG sont nombreuses chez les jeunes filles âgées de moins de vingt ans puisqu’on en dénombre plus de 30 000 par an.
À l’échelon national, l’État consacre chaque année 3,5 millions d’euros aux centres d’information et de conseil familial et au financement d’actions de prévention sur le thème de l’éducation sexuelle. Ces crédits seront reconduits en 2010. Je le redis avec force afin que nos interlocuteurs et nos partenaires soient rassurés sur ce sujet en ces périodes de difficulté : il n’y aura pas de baisse des subventions accordées aux associations dans ce domaine.
Je tiens d’ailleurs à saluer une nouvelle fois le travail remarquable qu’accomplissent quotidiennement les centres d’information et de conseil familial, ainsi que les centres de planification et d’éducation familiale. On y rencontre des personnes dont l’implication va très largement au-delà de ce qu’exige le simple travail salarié. Pour les jeunes mineures et pour les femmes en difficulté, ces structures sont un précieux recours, qui leur permet d’accéder à la contraception dans des conditions de gratuité et de confidentialité.
Je sais que ces centres rencontrent des difficultés pour remplir cette mission essentielle qui leur est confiée. Je demande donc à l’IGAS d’analyser leurs problèmes et de me faire des propositions afin d’y remédier.
Par ailleurs, je veux rappeler que la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a introduit des mesures permettant un meilleur accès à la contraception. Les textes d’application vont être publiés.
Les services de médecine préventive des universités peuvent désormais délivrer la contraception. Les sages-femmes peuvent prescrire les contraceptifs oraux dans toutes les situations. Enfin, les pharmaciens et les infirmières, notamment les infirmières scolaires, peuvent renouveler les prescriptions de contraceptifs oraux poux six mois. J’ai veillé à ce que ces contraceptifs soient alors remboursés, conformément d’ailleurs à la suggestion des auteurs d’un amendement tout à fait bienvenu qui m’avait été soumis ici.
Enfin, nous devons améliorer l’accès à l’IVG. Mes services ont analysé le coût réel des actes d’IVG par rapport au forfait fixé. J’ai décidé d’augmenter les forfaits IVG à hauteur du coût réel, soit une augmentation de près de 50 % en moyenne. Pour certains actes, cette augmentation peut être supérieure. C’est un effort considérable, qui vise à garantir sur tous nos territoires un égal et un réel accès à l’IVG, dans les établissements ou chez les professionnels de santé.
Je tiens à dire à Marie-Thérèse Hermange, avec beaucoup de considération et d’amitié, que je respecte tout à fait le parcours de certains parents décidant de poursuivre une grossesse alors que le handicap de leur enfant est avéré ou que sa mort très précoce est certaine. Ce sont des choix personnels pour lesquels, je le répète, j’ai un profond respect.
Mais je tiens également à dire que, globalement, les grossesses non désirées sont avant tout une source de souffrance psychologique pour les femmes. L’avortement est un outil qui permet à celles qui y recourent de répondre en partie à cette souffrance, même s’il ne résout pas, bien sûr, tous les problèmes. C’est en assurant un accueil et un suivi de qualité aux femmes ayant recours à une IVG que nous diminuerons la souffrance psychologique qu’elle provoque.
C’est la raison pour laquelle je souhaite qu’un cahier des charges de la réalisation des IVG médicamenteuses soit élaboré. Un programme d’inspection pluriannuel des établissements de santé pratiquant des IVG a été mis en place dès la fin de l’année 2006. Il devrait se terminer cette année. Nous veillerons bien sûr à ce que ces actions se poursuivent.
Marie-Thérèse Hermange m’a également interrogée sur le diagnostic préimplantatoire et le dépistage de la trisomie 21.
La loi actuelle prévoit la possibilité d’un diagnostic préimplantatoire. La mission parlementaire sur la révision des lois bioéthiques, dans l’une de ses recommandations, et le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé se sont dits favorables à la recherche de la trisomie 21 au cours du diagnostic préimplantatoire. Il s’agit d’éviter d’avoir à proposer une interruption de grossesse à une femme enceinte d’un enfant trisomique alors qu’elle aurait eu recours à un tel procédé pour ne pas avoir un enfant malade.
Mme Bernadette Dupont. Je ne veux pas en entendre plus ! (Mme Bernadette Dupont quitte la salle.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Franchement, je n’imagine pas qu’il puisse en être autrement.
Au regard des quelque deux cent cinquante tentatives de diagnostic préimplantatoires par an, des quarante naissances survenant chaque année après un tel diagnostic et de l’incidence de la trisomie, on peut estimer que cette possibilité surviendra un peu plus d’une fois tous les vingt ans.
Je peux d’ores et déjà vous indiquer que mon avant-projet de loi ne proposera pas de modification de la loi actuelle dans ce domaine. Je ne doute pas, évidemment, que le Parlement me suivra. (MM. Jean-Pierre Godefroy et Jacques Mézard acquiescent.)
Les futures agences régionales de santé auront pour mission d’intégrer la prévention et la prise en charge des grossesses non désirées comme une composante à part entière de l’offre de soins et de prévention.
Cette activité sera inscrite dans les projets régionaux de santé, ainsi que dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens entre les agences régionales de santé et les établissements de santé. Les ARS seront aussi évaluées sur leurs résultats dans ce domaine.
Pour améliorer l’accès à l’IVG, j’ai multiplié les structures autorisées à pratiquer les actes médicamenteux : les centres de planification et d’éducation familiale, d’une part, les centres de santé, d’autre part.
Depuis 1990, le nombre d’IVG instrumentales n’a cessé de diminuer. Nous sommes en effet passés de 170 000 à 110 000 IVG instrumentales en dix-sept ans, soit 60 000 de moins ! À n’en pas douter, compte tenu de la généralisation des IVG médicamenteuses et du succès – que nous espérons tous – des politiques favorisant un meilleur accès à la contraception, ce nombre baissera encore.
L’IVG médicamenteuse se développe jusqu’à représenter aujourd’hui 49 % des IVG. Un cahier des charges sur la pratique de ces IVG médicamenteuses sera constitué afin de garantir la diffusion et la qualité de cette pratique, qui peut être aujourd’hui réalisée en ville comme à l’hôpital.
La France compte 625 centres d’orthogénie. Je m’arrêterai un instant sur le cas particulier de l’Île-de-France, à propos duquel j’ai été plus particulièrement interrogée.
Il existe 118 centres d’orthogénie en Île-de-France, dont 23 dans Paris intra-muros. En moyenne, ils réalisent 332 IVG instrumentales et médicamenteuses par an, soit une IVG par jour. La moitié des centres d’orthogénie pratiquent moins de 100 IVG par an. Certains centres ne pratiquent aucune IVG quand les plus gros en réalisent plus de 2 000 par an. Là est la difficulté !
Il faut savoir que, lorsque nous sommes amenés, pour des raisons de sécurité, à fermer une maternité, la décision est quasiment toujours suivie par celle de la création d’un centre périnatal de proximité, qui intègre un centre d’orthogénie.
En Île-de-France, il n’y a pas de projet de fermeture de centres d’IVG ou de difficulté particulière susceptible de mettre en cause l’accès à l’IVG.
Le projet stratégique de l’AP-HP vise à structurer – Odette Terrade et Gisèle Printz m’ont interrogée à ce sujet – et à améliorer l’offre de soins dans l’est parisien et non à fermer des centres comme j’ai pu l’entendre dire. Une réorganisation importante est en cours. Elle concerne les hôpitaux Tenon, Trousseau et Saint-Antoine.
Le centre d’orthogénie de Trousseau va être renforcé. À partir du mois de juin 2010, un centre de planification et d’éducation familiale sera ouvert sous la forme d’un groupement de coopération sanitaire Trousseau-Les Bluets, avec le concours du département de Paris.
L’AP-HP a décidé de renforcer les moyens en temps médical et soignant attribués afin de permettre au centre d’orthogénie de Trousseau d’accroître son offre de soins et de réaliser 500 IVG supplémentaires par an. Jusqu’alors, ces IVG étaient effectuées à l’hôpital Tenon.
Le centre d’accueil et d’orientation de Tenon mis en place l’année dernière est maintenu. Il est composé d’un référent médical et de deux infirmières. Il répond aux demandes de renseignements concernant la contraception, l’interruption volontaire de grossesse, les infections sexuellement transmissibles et les problèmes de violence. Il prend en charge les problèmes contraceptifs et de planning familial urgents. Il oriente les femmes concernées par une interruption volontaire de grossesse, en accord avec elles, vers les centres – ils sont à quelques centaines de mètres – qui les pratiquent : aide à la prise de rendez-vous, programmation des examens préalables.
Le centre de Tenon est désormais rattaché au centre d’orthogénie de Trousseau afin que l’équipe médicale et soignante soit confortée. Il sera intégré dans une équipe de plus grande dimension. Le chef de service est le professeur Jean-Louis Benifla. Des moyens supplémentaires en temps médical et infirmier vont lui être accordés.
Le site de Saint-Antoine poursuivra son activité d’IVG à moyens constants sur la base de 750 à 800 IVG en année pleine.
Par ailleurs, un projet de renforcement de la structure d’orthogénie de la Pitié-Salpêtrière est à l’étude pour une mise en œuvre en septembre 2011. Ce renforcement permettrait de passer de 250 à 1 300 IVG, dont 900 IVG chirurgicales et 400 IVG médicamenteuses. Un tel projet suppose quelques aménagements ; nous nous y employons.
Aujourd’hui plus que jamais, je veux réaffirmer mon profond engagement à œuvrer toujours plus activement au service de la santé des femmes. C’est un défi de santé publique. C’est aussi un combat militant, que je revendique, en faveur de la liberté et de l’émancipation. Cette action est de celles qui, depuis toujours, me tiennent profondément à cœur.
Dans le nouvel édifice de santé durable et solidaire que nous bâtissons ensemble, je veux que les femmes aient toute la part qui leur revient. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mmes Jacqueline Panis et Marie-Thérèse Bruguière applaudissent également.)