M. le président. Quel est donc l’avis de la commission des finances ?
M. Éric Doligé, rapporteur pour avis. Je comprends très bien la position que l’opposition a défendue, mais que l’on a aussi entendue sur d’autres travées. Si elle est cohérente, elle n’en est pas moins contraire aux amendements votés en commission des finances.
La commission des finances a mis au point un système qui permet au dispositif proposé par M. le secrétaire d’État et accepté par la commission de l’économie d’être viable d’un point de vue budgétaire.
Deux systèmes sont envisageables, et il n’est pas inintéressant de les comparer. Imaginons la situation d’un département dans lequel cohabitent cinq chambres et où la ressource à collecter s’élève à 100. Aujourd’hui, premier système, les 100 sont collectés par les cinq chambres, qui en reversent grosso modo 3 à la chambre régionale pour que celle-ci puisse fonctionner – mais nous avons tous souligné qu’avec une part aussi faible les chambres régionales ne peuvent pas déployer une grande activité. Dans le second système, celui qui nous est proposé dans le projet de loi, c’est la chambre régionale qui assure la collecte des 100 et les répartit entre les cinq chambres dans les conditions que vous connaissez. Le flux est donc inversé, mais ce sont les deux seuls sens possibles.
Vous proposez une répartition différente, sans doute en ayant en tête ce que les collectivités pourraient faire par ailleurs. La seule difficulté, la grande difficulté, et Gérard Cornu l’a signalée à plusieurs reprises, c’est que la France est un État un peu particulier, un État unique, et que les chambres peuvent être totalement différentes d’un département à l’autre. Quand on connaît l’organisation financière des diverses chambres, on se demande comment il serait possible de fixer ici des taux et des clefs de répartition !
Certes, il existe une chambre de compensation. Mais celle-ci va se trouver face à des écarts considérables si les chambres ne se mettent pas d’accord entre elles, comme il paraîtrait raisonnable qu’elles le fassent. Y parviendront-elles ? Il ne nous reste qu’à l’espérer – en évitant, si nous ne voulons pas être trop démoralisés, de lire les comptes rendus des assemblées générales… Cela dit, d’après moi, elles parviendront à s’accorder : leurs membres sont des personnes raisonnables.
M. Marc ne cesse de clamer : « On nous dit que, on nous dit que… ». Je ne le conteste pas, mon cher collègue, certains vous disent que… Mais d’autres disent le contraire. Ainsi, on m’a dit exactement la même chose qu’à vous, mais on m’a également dit le contraire.
M. Claude Bérit-Débat. Mais ce ne sont pas les mêmes !
Mme Nicole Bricq. Oh là, là, cela devient vraiment compliqué ! On dirait du Devos ! (Sourires.)
M. Éric Doligé, rapporteur pour avis. Oui, c’est compliqué. Mais, vous le savez, les choses sont toujours un peu compliquées à la commission des finances…
J’en viens donc, après ces digressions, à l’examen des amendements.
J’ai eu le plaisir d’entendre M. Marc se déclarer certain de la progression du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il est également convaincu que tout va rentrer dans l’ordre. Or, je ne l’ai pas entendu dire, à l’occasion de l’examen d’autres textes, que la progression du produit de la CVAE serait aussi facile pour les collectivités… (Protestations de M. François Marc.) En tout cas, c’est ce que j’ai cru comprendre.
Mme Nicole Bricq. De votre côté, vous prévoyez une diminution !
M. Éric Doligé, rapporteur pour avis. Je souligne simplement que ces propos étaient intéressants…
Bref, la commission des finances ne peut pas donner un avis favorable sur l’amendement n° 31 rectifié, qui n’est pas compatible avec la position qu’elle a définie.
Sur l’amendement n° 63 rectifié quater, qui est identique au précédent, pour les mêmes raisons j’émettrai un avis défavorable. M. Saugey comprendra ma position, j’en suis persuadé.
Concernant l’amendement n° 141 rectifié, j’émets un avis favorable, à l’instar de Gérard Cornu. Le Gouvernement apportera peut-être quelques explications complémentaires mais, à mes yeux, le dispositif proposé est tout à fait logique. Il permet d’éviter une différenciation d’imposition causée par une disposition du texte. Il convient en effet de prévoir une similitude des taux d’imposition.
Je suis très favorable au sous-amendement n° 165 rectifié, présenté par M. Dominati, surtout après sa rectification. Il est maintenant parfait : il contient deux éléments qui nous satisfont particulièrement. D’abord, il réduit les possibilités d’augmenter les taux, ce qui est tout à fait conforme à la philosophie du texte. Ensuite, il prévoit un contrôle sur les activités des CCIR.
Enfin, les mêmes raisons qui m’amènent à être favorable à l’amendement de M. Dominati me conduisent automatiquement à être défavorable à l’amendement n° 32 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Nous sommes à un moment très important du débat. Il s’agit en effet de savoir si la réforme des chambres de commerce et d’industrie va bien avoir lieu. La philosophie du texte est de renforcer le fait régional, notamment par l’affectation des ressources fiscales au niveau régional.
Je l’ai rappelé à diverses reprises, les ressources fiscales représentent moins de 30 % de l’ensemble des ressources du réseau des chambres de commerce et d’industrie, 27 % précisément a-t-on dit. Cela signifie, a contrario, que 70 % des ressources des chambres françaises de commerce et d’industrie resteront au niveau territorial. Mais est-ce à dire que les 27 % - ou 30% - vont demeurer au niveau régional ? Non ! En effet, ont été votées des dispositions prévoyant des répartitions budgétaires qui permettront de réaffecter une partie du produit fiscal aux chambres territoriales. D’après nos estimations, les deux tiers de ces ressources fiscales environ seront affectés au niveau territorial. En d’autres termes, près de 90% des ressources globales reviendront au niveau territorial.
Tels sont les éléments qui permettent de répondre aux caricatures ou approximations évoquant l’asphyxie des chambres territoriales et l’existence d’un imperium fiscal ou budgétaire des chambres régionales.
C’est cette répartition qui est l’objet de nos discussions. À l’avenir, les chambres régionales disposeront d’environ 10 % des ressources totales, contre environ 3 % à 5 % aujourd’hui. Cette réforme se traduira donc par un doublement des moyens à disposition des chambres régionales. Ce n’est pas négligeable ! Afin que chacun puisse percevoir la portée de la réforme, il convenait d’apporter cette clarification.
Cette réforme est importante parce que les précédentes tentatives d’instaurer le fait régional n’ont pas réussi. Les uns ou les autres ont rappelé, à diverses reprises, que les chambres régionales étaient actuellement des coquilles vides. C’est justement pour cette raison que le réseau a fait des propositions. On peut toujours dire qu’elles ne sont plus majoritaires, mais moi je m’en rapporte aux faits et, comme M. le rapporteur pour avis l’a indiqué, à deux reprises au moins, à l’issue des délibérations des assemblées générales, ces propositions ont été acceptées à la majorité. Certes, une majorité n’est pas une unanimité. Mais beaucoup d’élus souhaiteraient disposer d’une telle majorité, puisqu’elle dépasse 60 %. Voilà la réalité !
J’en viens maintenant aux amendements.
Vous l’aurez bien compris, je suis défavorable à l’amendement n° 31 rectifié, dans la mesure où il prévoit d’affecter les ressources fiscales au niveau territorial, afin de faire bénéficier les CCIT de 85% du total. Dans ces conditions, cela ne servirait plus à rien que nous délibérions.
Mme Nicole Bricq. Et bien si !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Rappelons-le, cette réforme a pour but d’installer le fait régional.
Pour les mêmes raisons, j’émets un avis défavorable sur l’amendement identique n° 63 rectifié quater, malgré mon souhait d’’être agréable à Bernard Saugey, qui s’est beaucoup investi sur ce texte, mais qui en l'occurrence défend une position partagée par tous ceux qui désirent maintenir le statu quo ! (M. Bernard Saugey manifeste son désaccord.)
Avec cet amendement, les chambres de commerce et d’industrie territoriales continueraient de percevoir des ressources fiscales. Elles continueraient, finalement, de vivre leur vie. Nous ne le souhaitons pas ! En effet, tant le réseau que le Gouvernement ont pris en compte les échecs des tentatives passées. Tous, sur ces travées, ont manifesté leur souhait de réformer l’organisation des chambres de commerce et d’industrie. À un moment, il faut passer aux actes ! Et cela implique d’installer le fait régional.
Je vais tenter, une dernière fois, de convaincre Bernard Saugey de l’intérêt d’affecter les ressources fiscales à l’échelon régional.
Tout d’abord, c’est un élément indispensable à la cohérence des actions des chambres territoriales dans chaque région. En effet, en affectant les ressources fiscales à l’échelon régional, on incite les chambres territoriales à ne pas s’isoler ou se désolidariser. En affectant ces ressources à l’échelon régional, on incite les représentants des chambres à échanger afin de voter le budget et d’en décider la répartition entre les chambres territoriales. Ce dialogue en engendrera d’autres, permettant de s’assurer de la cohérence des actions locales au sein d’une même région. Qui pourrait y être opposé ?
Au-delà de la cohérence, il s’agit également d’assurer une solidarité entre chambres territoriales. Ainsi, l’article 4 prévoit qu’une chambre régionale abondera le budget d’une chambre territoriale qui lui est rattachée pour subvenir à des dépenses exceptionnelles ou faire face à des circonstances particulières. Il s’agit bien là d’un mécanisme de solidarité.
Mais si l’affectation des ressources fiscales n’est pas régionale, ce principe de solidarité ne sera qu’une coquille vide. En effet, les chambres régionales ne disposeront d’aucune ressource pour subvenir à des dépenses exceptionnelles et soutenir les chambres territoriales.
J’espère vous avoir convaincu, monsieur Saugey.
M. Bernard Saugey. Non !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le choix des chambres, suivi par le Gouvernement, l’Assemblée nationale, votre commission de l’économie et votre commission des finances, d’affecter les ressources fiscales au niveau régional ne privera pas l’échelon territorial de ses ressources. Il permettra en revanche de garantir le bon fonctionnement de l’ensemble des actions menées dans les régions. Je vous demande donc, monsieur Saugey, de retirer votre amendement. Sinon, bien évidemment, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Sur l’amendement n° 141 rectifié, présenté par MM. Fouché et Houel, j’émets un avis favorable, de même que sur le sous-amendement n° 165 rectifié, présenté par M. Dominati. Monsieur Fouché, votre amendement prévoit la mise en place d’un régime de convergence progressif vers les taux régionaux. Ce mécanisme ingénieux consiste à instituer deux taux : l’un local, l’autre départemental. Il présente un double avantage : d’une part, il rend plus progressif les transferts entre entreprises ; d’autre part, il préserve les ressources des chambres.
En revanche, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 146, qui aurait pour conséquence une baisse très sensible des moyens des chambres.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 32 rectifié.
M. le président. Monsieur Saugey, retirez-vous l’amendement n° 63 rectifié quater ?
M. Bernard Saugey. Monsieur le président, je ne peux pas laisser M. le secrétaire d'État dire que nous ne voulons rien modifier ! Ce n’est pas vrai ; nous souhaitons changer les choses et nous voulons renforcer le fait régional. Tout à l’heure, j’ai parlé de « renforcement des chambres régionales » ; cela signifie tout de même quelque chose ! Nous proposions d’ailleurs que les chambres régionales perçoivent directement 15% du produit total !
M. Bernard Saugey. Certes. Mais elles ne reçoivent aujourd’hui que 3 % du total ! C’est vous qui le dites, monsieur le secrétaire d’État. Nous proposons donc cinq fois plus !
Pour moi, ce texte engendrera la guerre entre les chambres de commerce !
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
M. Bernard Saugey. Or, quand on déclenche la guerre, ce n’est jamais bon ! Vous parlez de solidarité, mais comment les chambres régionales et territoriales pourront-elles être solidaires alors qu’elles s’affrontent aujourd’hui ? Je me le demande ! En tout cas, ce qui me navre le plus, c’est que nous avons tous, les uns ou les autres, des amis dans ces instances régionales ou départementales. Et ces amis vont s’étriper ! Pour cette raison, monsieur le président, je maintiens mon amendement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Pour la clarté des débats, je souhaite simplement donner quelques précisions. Il faut savoir de quoi on parle quand on cite des chiffres.
Les CCI ont deux types de ressources. La ressource fiscale représente 30% de l’ensemble des ressources.
M. Bernard Saugey. En moyenne !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Actuellement, les chambres régionales de commerce et d’industrie disposent d’environ 4 % de l’ensemble des ressources. Lorsque vous dites qu’elles disposeraient de 15 %, vous ne parlez pas de l’ensemble des ressources, mais du total de la ressource fiscale. Or, 15% de 30%, cela fait toujours 4%.
M. François Marc. Ce n’est pas vrai !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. En somme, vous ne leur donnez pas plus de moyens, voilà la réalité !
M. François Marc. Mais non !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Il fallait clarifier les différentes options ! C’est ce que je viens de faire. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Tout d’abord, je suis obligé de revenir sur les chiffres. Notre collègue a parfaitement raison, l’amendement que nous proposons permettra de faire passer le montant de l’affectation aux CCIR à 15 % de la ressource fiscale, contre un montant situé entre 3 % et 5 % actuellement, vraisemblablement plus près de 3 %, soit à 180 millions d’euros, ce qui représente un apport cinq fois supérieur à leurs budgets actuels. Ces chiffres sont incontestables et il ne faut pas faire dire n’importe quoi aux chiffres.
M. Claude Bérit-Débat. Il suffit de les regarder, ils ne mentent pas !
M. Claude Bérit-Débat. Si vous refaites le calcul, vous aboutirez à ce résultat !
M. Claude Bérit-Débat. Avec l’article 7 ter et notre amendement, on est au cœur de ce projet de réforme. Il faut savoir ce que l’on veut !
Bernard Saugey a parlé de guerre. Notre collègue, qui n’est pas un « boute-feu », n’a pas employé ce mot à la légère : c’est la réalité du terrain. Mais peut-être n’y allez-vous pas ou vous rapporte-t-on des propos très différents ?
En tout état de cause, lorsque nous avons reçu, tout comme vous sans doute, l’ensemble des parties, nous avons pu constater qu’elles ne s’entendaient pas sur ce point. M. le rapporteur pour avis de la commission des finances a beau avoir déclaré tout à l’heure qu’un débat avait eu lieu et qu’il avait été tranché par un vote, il apparaît, au contraire, que ce débat n’est pas clos et qu’il se poursuit. Les choses ne s’arrêteront pas là. Il faut en tenir compte.
J’ai bien entendu ce que vous avez dit à François Marc, qui aurait à propos de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises un point de vue beaucoup plus optimiste que celui qu’il avait exprimé lors du débat sur les collectivités territoriales. En fait, ce que nous proposons, c’est d’instaurer une symétrie entre le dispositif applicable aux ressources fiscales des collectivités locales et celui qui concerne les organismes consulaires, en l’occurrence les chambres de commerce et d’industrie.
Revenons à la ressource fiscale : à quoi sert-elle au niveau des chambres de commerce et d’industrie ? Elle leur permet en grande partie, bien qu’elle soit insuffisante à cet égard, d’assurer des missions de service public. Il faut rappeler cet élément, car il est extrêmement important.
Par conséquent, cessons de nous jeter des chiffres à la tête ! Les choses sont claires. Notre proposition est équilibrée et permet de respecter l’autonomie des chambres de commerce et d’industrie territoriales, d’asseoir le fait régional par le biais des chambres de commerce et d’industrie de région.
Notre collègue Bernard Saugey nous a lu tout à l'heure des extraits de la correspondance qu’il a eue avec le président de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie. Nous avons également reçu ce dernier, qui s’est clairement déclaré tout à fait favorable à la proposition que nous vous soumettons par cet amendement, visant à une répartition de la ressource entre les chambres de commerce et d’industrie territoriales et les chambres de commerce et d’industrie de région.
J’ai le sentiment que notre proposition est celle de la proximité et de la cohérence. Il serait dommage que nous ne nous soyons pas entendus, car nous relayons cette vague de fond qui monte de tout le territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur pour avis, vous nous avez donné lecture d’extraits de débats s’étant déroulés au sein des chambres de commerce et d’industrie. Mais, nous sommes au Parlement ; aussi, je me permettrai de citer le compte rendu de la réunion de la commission des finances consacrée à l’examen du rapport pour avis sur le présent texte.
Monsieur Doligé, vous avez dit vous-même : « Les CCI […] se sont longuement “chamaillées” avant de proposer un texte majoritaire. Or, cette majorité se délite, et le combat se poursuit. » C’est bien ce que nous évoquons en ce moment, et pas seulement, semble-t-il, de ce côté de l’hémicycle.
Peu après, le président Arthuis s’exclamait : « Renvoyons-les » - les chambres de commerce et d’industrie – à leur copie ! ». Plus loin il ajoute : « Peut-être devrions-nous déposer une question préalable… ». Ce n’est pas rien !
Monsieur Doligé, vous affirmiez également : « L’idéal serait de pouvoir scinder le texte… », et M. Marini poursuivait en ces termes : « Nous voterions la partie chambres de métiers et de l’artisanat et rejetterions la partie CCI ». On ne saurait être plus clair !
Il faut être conscient de l’importance de ces amendements identiques. Si vous les repoussez, mes chers collègues, l’amendement n° 32 rectifié, que j’ai cosigné au nom du groupe socialiste, est susceptible de devenir sans objet. Aussi, je veux que vous vous prononciez de manière lucide, en connaissance de cause.
J’ai parlé tout à l’heure d’étatisation. C’est à cela que l’on va aboutir. Il n’y aura pas plus de pouvoir fiscal que, passez-moi l’expression, de « beurre en broche ». M. Marini, notre éminent rapporteur général, lors de cette même réunion de la commission des finances n’a-t-il pas qualifié cette recette fiscale de « dotation indexée sur une base fiscale territoriale. »
Mes chers collègues, vous connaissez tous parfaitement la différence entre une dotation et une recette fiscale. Cela signifie que le réseau consulaire sera dans la main d’un État impécunieux qui serrera la vis aux chambres, qu’elles soient régionales ou territoriales.
La RGPP brochant sur le tout, qu’arrivera-t-il dès lors que la recette, trop faible, ne suffira pas à payer les charges des chambres territoriales ? Qui paiera in fine ? Notre collègue Edmond Hervé a répondu à cette interrogation : on compensera « les économies sur la ressource publique par l’augmentation du prix des prestations de services ».
Autrement dit, ce sont les entreprises qui supporteront ces augmentations, alors que l’idée fondamentale, qui est explicitement rappelée dans votre rapport, monsieur Doligé, était de faire en sorte que les charges des entreprises résultant de leur participation au réseau consulaire soient moins élevées qu’elles ne le sont aujourd’hui.
Vous allez donc aboutir exactement au contraire de l’objectif que vous prétendez viser. On est dans l’incohérence la plus totale !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d'État, en réponse à nos interventions lors de la discussion générale, vous avez tenté de nous rassurer en déclarant que les chambres de commerce et d’industrie territoriales conserveraient tout de même 70 % de leurs ressources, c’est-à-dire leurs ressources autres que fiscales.
Or, loin d’avoir apaisé nos inquiétudes, ces déclarations n’ont fait que confirmer nos craintes. Elles prouvent une certaine méconnaissance du fonctionnement actuel du réseau.
Premièrement, si les ressources fiscales représentent bien, à l’échelon national, environ 30 % du budget des CCI, pour certaines chambres, le produit de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises, anciennement taxe additionnelle à la taxe professionnelle, atteint jusqu’à 80 % de leur budget.
J’en veux pour preuve que le Sénat, lorsqu’il a adopté l’article 3 du projet de loi de finances pour 2010, sur l’initiative du rapporteur général, M. Marini, a proposé de pondérer la baisse des recettes imposées par la RGPP aux chambres consulaires en 2010, en fonction précisément de l’importance de la part fiscale dans leurs ressources.
Deuxièmement, vos déclarations, monsieur le secrétaire d'État, laissent supposer que les CCIT pourraient utiliser leurs ressources propres, autres que fiscales, pour financer les missions de service public qui leur sont dévolues. Mais qu’en est-il justement de ces autres ressources ?
Prenons les ressources issues des activités industrielles et commerciales, par exemple celles liées aux aéroports ou aux ports : vous n’êtes pas sans savoir que les budgets de ces activités sont séparés, de façon parfaitement étanche, du budget de la CCI.
Par conséquent, les éventuels bénéfices, si je puis dire, tirés de ces activités, sont réinvestis dans ces activités et ne peuvent être utilisés pour le financement des missions de service public.
Prenons maintenant les ressources issues des activités marchandes, du type écoles de commerce ou centres de formation : certes, les bénéfices tirés de ces services rendus par les chambres pourraient être utilisés pour financer les missions de service public. Mais, une nouvelle fois, regardons les faits, monsieur le secrétaire d'État : la très grande majorité des écoles de commerce étant déficitaires, elles sont, par conséquent, très largement subventionnées par les chambres de commerce et d’industrie à l’aide de la ressource fiscale.
Je note au passage que l’amendement adopté en commission, sur l’initiative de M. le rapporteur pour avis, privera demain les chambres de commerce de la possibilité d’aider les écoles de commerce, puisque l’article 7 ter précise que la ressource fiscale ne pourra plus être utilisée dorénavant pour financer les activités marchandes.
Ces précisions étant apportées, nous ne pouvons croire à vos déclarations. Nous maintenons que votre projet de loi met en péril les missions de service public réalisées aujourd’hui par les chambres de commerce et d’industrie.
Dans le même temps, alors que les chambres seront dénuées de ressources fiscales, l’État continue d’abandonner ses responsabilités et transfère toujours plus de missions de service public aux chambres de commerce et d’industrie.
Ainsi, au 1er janvier 2011, ce sont plus de quatre-vingt-dix formalités que les chambres devront effectuer à la place des préfectures délestées de ces charges-là.
Pour toutes ces raisons, il est indispensable, mes chers collègues, de rendre leur autonomie fiscale aux CCI territoriales et d’adopter l’amendement que nous proposons.
M. François Marc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Au début de ce débat, auquel j’ai assisté avec beaucoup d’intérêt, j’avais l’intention de défendre le Gouvernement et, pourquoi ne pas le dire, de défendre plus précisément M. le secrétaire d'État, qui m’apparaît comme un homme pleinement engagé dans sa fonction, doté d’un grand sens pratique, ayant le goût des réalisations utiles, tel le statut de l’auto-entrepreneur. Or, plus nous avançons dans le débat, plus je suis porté à défendre le projet de loi lui-même, au-delà du Gouvernement ou du secrétaire d’État.
Les chambres de commerce et d’industrie font partie assurément de l’histoire de notre pays. Bien sûr, elles sont depuis près de deux siècles des établissements publics, mais elles appartiennent surtout à la culture économique même de notre pays. Notre collègue Charles Revet pourrait nous expliquer pourquoi, par tradition, il existe six chambres de commerce et d’industrie en Seine-Maritime : parce que, dans ce département, les ports se faisaient concurrence, voire se jalousaient et, dans une sorte d’émulation, rivalisaient d’ingéniosité pour se développer.
Mais ce temps est totalement révolu. Aujourd’hui, l’espace économique s’est mondialisé. Il s’est ouvert en Europe, unifié en France.
C’est la raison pour laquelle l’idée, aussi sympathique soit-elle, d’une chambre de commerce et d’industrie repliée sur son bassin, traitant la laine à Lavelanet, la fonderie à Abbeville ou dans le Vimeu, est simplement irréaliste.
Aujourd’hui, les entreprises ont besoin de services, les jeunes, de formation, les territoires, de promotion, et cet effort doit être assumé par des chambres de commerce disposant de moyens et de capacités.
Le vieil élu que je suis se souvient des rivalités qui existaient naguère entre régions et départements. Mais, aujourd'hui, il ne s’agit plus de cela ! Il s’agit d’un même ensemble, la chambre de commerce et d’industrie de région, qui a une présence de proximité au travers des chambres de commerce et d’industrie territoriales. Mais ce sont des personnes élues en même temps sur les mêmes listes qui y siègent et qui partagent les mêmes projets.
Prenons l’exemple de la formation. Vous avez, avec raison, chers collègues, évoqué la formation supérieure. Je parlerai, pour ma part, de l’apprentissage industriel, qui est relancé par les CCI, en particulier dans ma région, par le biais de centres de formation d’apprentis de l’industrie, les CFAI, lesquels ont une dimension régionale.
Il est donc indispensable, pour la formation des jeunes, qu’il s’agisse de la formation supérieure, avec les écoles de commerce, ou de la formation qualifiée, avec les CFAI, d’avoir une vision suffisamment large, qui ne se limite pas à un territoire industriel, aussi touchante que soit la tradition du décolletage dans la vallée de l’Arve.
De la même façon, pour la promotion d’un territoire, c’est bien à une institution plus large qu’une chambre de commerce et d’industrie territoriale qu’il faut confier la prise en main de l’accompagnement des spécialistes du bois, de la sous-traitance automobile ou de la plasturgie sur des marchés extérieurs ! Les élus que vous êtes savent bien qu’une telle action suppose une coopération entre les différents échelons.
Il en va de même pour l’aide et l’assistance au développement économique : avec tout le respect que j’ai pour la chambre de commerce et d’industrie de Bar-le-Duc, ce type d’action nécessite des compétences et des spécialités que je ne trouverai pas sur place, parce que cette structure ne traite pas suffisamment de dossiers.
L’article 7 ter est donc indispensable en ce qu’il tend à soutenir une telle architecture de coopération.
J’ajouterai que, si vous préservez la singularité des CCIT en leur attribuant une ressource fiscale, vous entretiendrez la pauvreté des uns et la richesse des autres, alors que nous avons besoin de péréquation.