M. François Autain. Il suffit d’ailleurs d’aller visiter un service de nuit pour se rendre compte de la difficulté du travail. Les contraintes sont multiples, et les facteurs qui dégradent les conditions de travail et abîment tant le corps que le psychisme sont nombreux : exposition permanente à des lumières artificielles, recherche incessante du silence afin de ne pas réveiller les patients, manque de sommeil, lutte fréquente contre la somnolence qui pourrait porter atteinte à la qualité des actes, manque d’effectifs – au vu des projets actuellement à l’étude, la situation n’ira pas en s’améliorant – induisant un accroissement de la charge de travail, stress professionnel dû à l’impossibilité ou à la difficulté de résoudre de nuit des problèmes administratifs, obligation de se former pendant les temps de repos, enfin et surtout désocialisation, tant dans le champ de la vie privée que dans celui de la vie professionnelle.
M. François Autain. Tous ces éléments, et bien d’autres encore, comme tout simplement le travail de nuit, qui ne correspond pas aux rythmes de l’organisme,…
M. François Autain. … sont la cause d’une pénibilité qu’il est impossible de nier. C’est pourtant ce que vous faites aujourd’hui, au travers de ce projet de loi.
En échange, me direz-vous, vous proposez une revalorisation de la profession et des hausses de salaire. C’est un peu comme si, pour vous, tout était marchand, échangeable ou quantifiable financièrement. Vous donnez un prix à la santé et à l’espérance de vie des infirmiers : c’est d’un rare cynisme !
M. François Autain. Mais, à vrai dire, cela ne nous étonne guère.
En effet, lors du débat d’initiative sénatoriale intitulé « Pénibilité, emploi des seniors, âge de la retraite : quelle réforme en 2010 ? », les sénatrices et sénateurs qui sont intervenus au nom du groupe UMP proposaient de compenser en espèces la pénibilité. Pour notre part, nous considérions – et c’est la position que nous défendrons encore lors du débat sur le projet de réforme des retraites – que le travail ne devait pas réduire le temps de vie à la retraite, d’où la nécessité que la reconnaissance de la pénibilité ouvre droit à un départ anticipé.
D’une manière plus générale, madame la ministre, on voit bien que votre conception de la pénibilité est très restrictive. Votre volonté de soumettre l’octroi du bénéfice des mesures particulières liées à la pénibilité au contrôle d’une commission médicale l’atteste. La pénibilité n’est pour vous que la constatation d’un état de santé à un moment donné –celui de l’examen médical –, alors que nous considérons, pour notre part, que sa reconnaissance doit être fondée sur la carrière du salarié et ouvrir droit à une compensation en temps de retraite de la réduction de l’espérance de vie.
Cet article 30 démontre que le Gouvernement, dès lors qu’il est en situation d’employeur, ne se comporte pas différemment des organisations patronales. Celles-ci, je le rappelle, ont refusé la signature de l’accord sur la pénibilité, alors même qu’un terrain d’entente avait été trouvé avec les organisations syndicales sur les critères de son évaluation, les deux seuls points d’achoppement résidant dans les modalités d’appréciation de la pénibilité et dans le financement de sa prise en compte.
En effet, si le Gouvernement se dit prêt, comme d’ailleurs le Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, à prendre en charge la pénibilité, c’est à la condition que cela n’entraîne aucune dépense supplémentaire. Il suffit, pour s’en convaincre, de voir comment il entend compenser les faibles hausses de rémunération résultant du passage de la profession d’infirmier à la catégorie A. Selon le rapport présenté par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, cette mesure est autofinancée à hauteur de 90 % par la réduction des pensions, tant dans leur montant que dans leur durée de versement : « Inversement, la suppression de la catégorie active aura pour effet de retarder le départ à la retraite des agents et donc de générer des économies importantes […]. On assistera en effet à une moindre charge de pensions, liée au décalage des départs, pour les régimes de retraite [et à] un supplément de cotisation au titre des infirmiers qui prolongent leur activité. »
Madame la ministre, la proposition que le Gouvernement a présentée aux organisations syndicales et que celles-ci ont très majoritairement refusée n’est pas acceptable ! D’une part, comme je l’ai déjà indiqué, elle constitue une remise en cause de la reconnaissance de la pénibilité du métier d’infirmier. D’autre part, elle vient amoindrir la portée de votre discours sur la nécessaire revalorisation de cette profession.
Disant cela, je pense particulièrement à la reconnaissance du diplôme d’infirmier d’État au niveau de la licence. Il ne s’agit pas là, contrairement à ce que pourrait laisser croire le « troc » imposé par le Gouvernement, d’une mesure de faveur. Depuis 1992, les études conduisant à la profession d’infirmier sont reconnues comme étant équivalentes à un diplôme de niveau bac+3. Le processus de Bologne et l’harmonisation européenne des diplômes imposent la reconnaissance de cette formation au niveau de la licence : il s’agit donc d’un droit, qui n’aurait jamais dû être conditionné par une remise en cause de la retraite à 55 ans.
M. François Autain. Cela est d’autant plus vrai que, depuis 1992, alors même que les responsabilités des infirmiers hospitaliers n’ont cessé de croître et leurs conditions de travail de se détériorer, leurs salaires sont restés assis sur une grille indiciaire correspondant à un niveau bac+2.
M. François Autain. La demande de reconnaissance des professionnels est donc légitime, et, précisément pour cette raison, il ne fallait pas subordonner cette reconnaissance à la perte d’un droit acquis.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pourquoi n’avez-vous rien fait lorsque vous étiez au gouvernement ?
M. François Autain. Souhaitez-vous m’interrompre, madame la ministre ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Non ! Je note simplement que vous n’avez rien fait lorsque vous étiez au pouvoir.
M. François Autain. C’est dommage, car je vous aurais volontiers laissé la parole, avec la permission bien entendu de Mme la présidente !
Quoi qu’il en soit, non seulement vous entérinez la suppression du droit à la retraite à 55 ans pour les professionnels qui feraient le choix de la revalorisation, mais, en plus, vous instaurez un mécanisme rétroactif privant les infirmiers qui étaient déjà reconnus comme appartenant à une catégorie active ou qui avaient obtenu les bonifications prévues par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites d’en bénéficier. Même à l’occasion de la création du corps des professeurs des écoles, vous n’aviez pas osé proposer une telle régression ! Cela augure en tout cas de la cure d’austérité que vous entendez imposer très prochainement aux fonctionnaires…
Enfin, avant de conclure, je voudrais attirer votre attention sur la situation des infirmiers anesthésistes diplômés d’État, qui sont, d’une certaine manière, les grands perdants dans cette affaire.
En effet, les infirmiers anesthésistes diplômés d’État sont toutes et tous des professionnels très investis, qui ont fait le choix de se spécialiser et de passer un cours complémentaire d’une grande difficulté.
Ils assistent au quotidien les anesthésistes dont ils sont les seuls et uniques collaborateurs. De plus, ils sont capables d’assurer la prise en charge des patients lors de tous les types d’anesthésie, programmée ou en urgence. Ils sont les seuls aptes à effectuer des gestes d’anesthésie-réanimation, et à assurer la qualité et le maintien de l’efficience de l’acte anesthésique. Autant dire que leurs compétences, comme leurs responsabilités, sont importantes.
Ils jouent un rôle tellement important que les pouvoirs publics leur avaient reconnu la catégorie A, tout en conservant la catégorie active, c’est-à-dire le droit de bénéficier d’un départ à la retraite anticipé, en raison de la pénibilité et des contraintes de service qui s’imposent à eux.
Or, avec le passage de l’ensemble des infirmiers en catégorie A, ils perdent, sans aucune contrepartie, leur double reconnaissance : celle qui est incarnée par leur intégration en catégorie A venant reconnaître une spécialisation plus longue et très compliquée, d’une part, et celle qui est liée à la pénibilité, avec la reconnaissance de la catégorie active, d’autre part.
Pour autant, à l’inverse de l’ensemble des infirmiers diplômés d’État, les IDE, ils ne bénéficieront pas de revalorisation salariale. C’est pourtant la spécialisation la moins revalorisée au plan salarial. À titre d’exemple, la revalorisation d’un IADE en fin de carrière n’est que de 2 064 euros annuels, quand elle est de 3 801 euros annuels pour les infirmiers diplômés d’État, ou de 3 312 euros annuels pour un infirmier de bloc opératoire.
M. François Autain. Il faut que nous soyons bien clairs : il s’agit non pas pour nous d’opposer les salariés entre eux, mais de rappeler qu’il est inacceptable d’exiger de ces salariés qu’ils se forment plus que d’autres, qu’ils assument des responsabilités plus importantes sans pour autant voir leurs conditions de travail améliorées ni leurs salaires revalorisés.
Je veux ici rappeler avec force un principe fondamental que vous avez visiblement oublié : le salaire doit être la juste contrepartie du travail effectué et des qualifications qui y sont associées.
Le Gouvernement, madame le ministre, aurait pu entendre ce principe si vous aviez pris la peine de recevoir les représentants des IADE. Mais, à l’issue de leur manifestation devant le ministère de la santé et des sports, les infirmiers anesthésistes ont trouvé porte close et ont été contraints, pour se faire entendre, d’occuper les voies de la gare Montparnasse.
Le Gouvernement, sur ce sujet comme sur d’autres, est resté sourd au moment même où ce projet de loi, pourtant destiné à favoriser le dialogue social dans la fonction publique, était débattu. Tout cela est de très mauvais augure pour l’avenir.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous considérons que l’insertion de l’article 30 a perverti le sens premier du texte que nous examinons, et que nous persistons à penser qu’aucune mesure relative aux retraites ne doit être prise avant que ne soit examiné par l’Assemblée nationale le projet de loi les concernant, nous vous invitons à voter en faveur de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jacques Gautier. Qu’avez-vous fait de 1997 à 2002 ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. En ce qui concerne le dialogue social au sein de la fonction publique, le souhait unanime des syndicats est que les accords de Bercy soient mis en œuvre au plus vite. Or l’adoption de cette question préalable aboutirait à un report de leur application. Le débat au Sénat doit permettre, comme cela a été évoqué par beaucoup, d’approfondir et de discuter certains points.
En ce qui concerne l’article 30, sur lequel Mme la ministre de la santé interviendra bien sûr plus longuement, il importe de rappeler un effet de calendrier. Le dispositif LMD entre en application cette année. Au moment même où les élèves infirmiers vont bénéficier de ce dispositif, il est donc très important que soit harmonisé le statut des infirmiers qui demandent justement à pouvoir bénéficier d’un statut correspondant, et notamment de pouvoir opter, pour ceux qui le souhaitent, pour la catégorie A.
Voilà les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur pour avis. D’abord, je voudrais remercier M. Domeizel pour les propos fort aimables qu’il a tenus à mon égard ! Le rapport sur lequel j’ai travaillé n’est pas un rapport d’une page. Nous n’en avons pas la même lecture et ses propos sont injustes à l’égard du travail que j’ai pu accomplir.
Ensuite, si les propos de M. Autain ne sont pas désagréables pour ma personne, ils sont néanmoins injustes puisque le Gouvernement tient ses promesses aujourd'hui. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, tout est mis en œuvre pour permettre une véritable discussion, notamment avec les syndicats. Je les ai moi-même auditionnés, et ils ont travaillé avec le Gouvernement.
J’insiste aussi sur le principe du choix. Peut-être, Monsieur Domeizel, Monsieur Autain, n’ai-je pas été assez claire dans mon intervention à la tribune. J’ai pourtant expliqué que les infirmiers pouvaient choisir entre les catégories A et B. Je ne veux pas d’un tableau aussi sombre, tant de mon rapport que des propos que j’ai pu tenir en discussion générale. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les conditions du reclassement en catégorie A ont été discutées dans le cadre du dialogue social.
Certes, je comprends les organisations syndicales. Certainement, si je m’étais trouvée à leur place, j’aurais adopté la même attitude ! Elles auraient sans doute voulu le treizième mois de pension de retraite supplémentaire, le treizième mois de salaire supplémentaire, le statut de catégorie A, tout en conservant le départ à la retraite avancé. Je peux tout à fait comprendre les organisations syndicales. Mais on peut aussi faire preuve de d’esprit responsabilité et comprendre que tout cela n’est pas possible.
Au début des années cinquante, les conditions de travail des infirmiers n’avaient absolument rien à voir avec celles que nous connaissons maintenant. Il faut constater que les carrières des infirmiers, notamment la pénibilité, ont fortement évolué par rapport au moment où l’on a adopté ce statut particulier.
Cette réforme est cohérente avec les évolutions démographiques que l’on constate, tant en termes d’espérance de vie qu’au regard l’invalidité. Je mentionnerai de nouveau les chiffres de la CNRACL.
Le pourcentage de départ en invalidité pour les infirmiers de la fonction publique hospitalière est en forte diminution depuis quinze ans, passant de 7,8 % en 1993 à 4,1 % en 2008. Ce pourcentage est nettement inférieur à celui que l’on constate en moyenne dans la fonction publique hospitalière.
Sur les trois dernières années, le taux de départ pour invalidité des infirmiers est toujours inférieur au taux moyen observé dans la fonction publique hospitalière, la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale. Ces chiffres sont absolument incontestables et ne sont d’ailleurs pas contestés par les organisations syndicales.
Il en est de même pour l’espérance de vie des infirmiers, telle qu’elle est constatée par la CNRACL. Notamment, il n’y a pas de diminution de l’espérance de vie pour les infirmières par rapport à la moyenne des femmes françaises.
À propos de la question de la pénibilité, je rejoins un certain nombre d’entre vous. La pénibilité, pour un métier ou un corps social, ne se résume pas à l’espérance de vie et à l’invalidité. Ce sont des sujets bien plus complexes. Il est admis couramment que sont pris en compte, pour évaluer la pénibilité d’un métier, d’abord, le transport de charges lourdes, ensuite, le travail posté et, enfin, l’exposition à des agents nuisibles à la santé.
M. Jacques Mahéas. Et qu’en est-il du travail de nuit ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vais y venir.
En ce qui concerne le transport de charges lourdes, seulement 13 % des infirmiers y sont exposés ; un grand nombre d’agents de la fonction publique hospitalière qui ne sont pas des infirmiers transportent des charges lourdes. Une mesure générale paraît donc peu justifiée, et il faut davantage réfléchir aux conditions de travail et ne pas se limiter à l’avancement de l’âge de la retraite.
Le travail de nuit, quant à lui, est choisi : personne n’est obligé de travailler de nuit. (M. Jacques Mahéas paraît en douter.) D'ailleurs, lorsqu’ils sont interrogés, les infirmiers, majoritairement, disent apprécier ce travail de nuit. Toutefois, je reconnais que le travail de nuit peut être un facteur de désadaptation professionnelle. Il ne doit pas durer trop longtemps et l’enjeu est de développer de bonnes pratiques. Nous nous y employons.
Toutes les évolutions que nous allons constater à l’hôpital vont nous permettre de mieux appréhender les conditions de travail. Quand on développe l’hospitalisation à domicile, la chirurgie ambulatoire, l’hôpital de jour – et ces évolutions caractériseront l’hôpital de demain –, on améliore considérablement les conditions de travail.
De plus, je rappelle que le travail de nuit en milieu hospitalier a pour conséquence de diminuer de trois heures la durée de travail hebdomadaire de trente-cinq heures, et suscite un certain nombre de primes, de suppléments de rémunération qui ne sont pas négligeables. Je tiens à votre disposition la fiche des indemnités afférentes au travail de nuit.
L’amélioration des conditions de travail permet de combattre la pénibilité ; c’est un objectif prioritaire et une préoccupation identifiée dans le protocole LMD. Ce protocole prévoit un volet spécifique, le volet n°5, signé par cinq organisations syndicales, et qui est intitulé « Amélioration des conditions de travail des personnels paramédicaux de la fonction publique hospitalière et accompagnement de l’allongement des carrières ». Le travail déjà accompli est donc considérable.
La reconnaissance du diplôme au niveau licence, pour répondre précisément à M. Autain, ne se réduit pas à une simple question de durée. Il s’agit d’une maquette de formation. Reconnaître et transformer le diplôme, le rendre universitaire, c’est aussi la possibilité de prolonger la carrière vers d’autres métiers, et d’appréhender ainsi la question des deuxièmes parties de carrière.
Quelquefois, mesdames, messieurs les sénateurs, je me demande si nous avons eu raison de vouloir que les infirmiers déjà en poste voient leur carrière et leur statut reconnus au niveau A. Peut-être aurions-nous pu limiter le champ d’application de la réforme aux infirmiers qui sont entrés à partir de 2009 et qui vont sortir à partir de 2012 ? Néanmoins, j’ai voulu que les infirmiers déjà en poste et dépourvus de diplôme universitaire puissent bénéficier de la reconnaissance en catégorie A.
J’ai voulu, sans aucune condition, sans aucun délai ni quota quelconque, permettre aux infirmiers qui n’avaient pas de diplôme universitaire d’accéder néanmoins à cette catégorie A. Ce reclassement signifie pour celles et ceux qui le choisiront – et je remercie Mme Desmarescaux de l’avoir rappelé – un départ à la retraite aligné sur le régime de leurs collègues du privé, qui partent à soixante ans au lieu de cinquante-cinq ans, mais aussi des avantages en termes de salaire, de progression de carrière et de niveau de retraite.
Le sondage que j’ai fait effectuer auprès d’un échantillon statistiquement représentatif de plusieurs centaines d’infirmiers donne le résultat suivant : huit sur dix connaissent bien la réforme LMD ; 20 % d’entre eux ne sont pas encore en mesure de se prononcer ; mais, sur ceux qui expriment une opinion, 60 % sont favorables à la réforme.
Il y a 230 000 infirmiers dans la fonction publique hospitalière. Loin de moi l’idée de nier les difficultés de ce métier, dont l’exercice représente une formidable capacité d’accomplissement de soi, seul ou en équipe. La relation soignant-soigné met en jeu l’intégralité de l’être humain.
Une activité n’est pas pénible en tant que telle : ce sont le caractère répétitif, l’absence d’intérêt des tâches et l’ambiance de travail qui rendent l’organisation du travail plus ou moins pénible. Les recherches en psychodynamique du travail établissent un lien direct entre, d’une part, la qualité du management et l’organisation du travail et, d’autre part, la qualité de vie au travail, qui a elle-même une conséquence directe sur la qualité des soins.
Il ne s’agit donc pas d’établir une mesure globale, quantitative, pour répondre à un objectif qualitatif. Rien n’est plus absurde que de vouloir résoudre les effets de la pénibilité en avançant l’âge de la retraite. Cette solution n’est absolument pas adaptée à la question de la pénibilité. J’irai même jusqu’à dire qu’elle n’est pas éthique.
II faut impérativement lutter contre la pénibilité en renforçant les facteurs protecteurs : le travailleur doit être considéré dans son travail et dans son individualité ; il doit bénéficier d’autonomie et de marges de manœuvre ; l’organisation doit être lisible et juste, l’équipe soudée, les conflits éthiques ou de rôle régulés. Ces facteurs sont de mieux en mieux connus par les acteurs hospitaliers, qui travaillent déjà à de nouvelles formes de travail plus « durables », aussi bien en termes de santé qu’en termes de compétences. La réforme LMD nous permettra d’accélérer ces démarches auxquelles nous travaillons activement.
Monsieur Autain, je voudrais vous répondre sur la question des infirmiers anesthésistes. Il est totalement faux que nous ayons refusé de recevoir les organisations syndicales, comme certains l’ont affirmé. Nous l’avons fait à deux reprises, au cours de la semaine qui a précédé la manifestation et durant celle d’avant, et des relevés de conclusions ont d’ailleurs été établis à la suite de ces réunions.
Alors que je participais à une séance de questions au Gouvernement à l'Assemblée nationale, j’ai appris que la manifestation se détournait vers la gare Montparnasse. J’ai tout de suite envoyé des membres de mon cabinet et de mes services là-bas pour rencontrer les organisations syndicales. On peut tout de même difficilement faire plus ! Après la réunion de travail qui doit se tenir au ministère ce jeudi 3 juin, deux autres sont prévues, l’une en juillet et l’autre en septembre, pour bâtir cette maquette de formation.
En recevant les organisations syndicales, je n’ai fait que mon travail. Mais n’allez pas dire, monsieur Autain, que nous avons rompu les discussions ! C’est au contraire grâce au dialogue que j’ai noué avec elles que nous avons pu définir de nouvelles grilles salariales pour les infirmiers anesthésistes, bien plus favorables.
Le protocole du 2 février 2010 prévoit une augmentation annuelle nette de 2 879 euros pour les IADE en début de carrière et de 2 164 euros pour ceux qui sont en fin de carrière, ces derniers ayant bénéficié d’une mesure très favorable il y a quelques années. Cette mesure permet aux IADE de rester les infirmiers les mieux payés de toute la fonction publique hospitalière. Ils ne sont donc pas, comme je l’ai entendu dire, les « victimes » de la réforme.
Les infirmiers anesthésistes m’ont fait part de leurs craintes relatives à la reconnaissance universitaire de leur diplôme et au maintien de l’exclusivité de l’exercice de leurs compétences aux côtés des anesthésistes. Je les ai rassurés : il n’est pas question de revenir d’une manière subreptice sur le principe de l’exclusivité. Nous ne modifierons ni le code de la santé publique dans lequel ce principe est inscrit ni les décrets qui l’ont fixé. La délégation de tâches qui a été rendue possible par la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » s’arrêtera à la porte de l’exclusivité reconnue aux infirmiers anesthésistes dans le code de la santé publique. Mesdames, messieurs les sénateurs, n’organisons ni faux débat ni procès d’intention : ils n’ont pas lieu d’être !
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous travaillons à la « mastérisation » du diplôme. Les droits acquis des infirmiers anesthésistes ne sont aucunement remis en cause et, contrairement à ce qui a été avancé, une concertation est bien en cours avec les organisations syndicales.
Pour toutes ces raisons, je vous demanderai, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas voter la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai omis de vous féliciter pour votre nomination. Permettez-moi de le faire maintenant, car mieux vaut tard que jamais !
La discussion de ce texte aurait pu être, pour vous, un long fleuve tranquille. Sous réserve de quelques ajustements, nous aurions en effet pu voter le texte dans sa mouture initiale. Je m’intéresse aux questions relatives à la fonction publique depuis des dizaines d’années et je voudrais rappeler – M. Hyest le sait mieux que quiconque – qu’il est arrivé au groupe socialiste de voter certains textes qu’il avait contribué à enrichir par un travail très constructif.
Sur la question du paritarisme, vous n’avez fait qu’une petite moitié du chemin ! Nous aurions aimé qu’il soit la règle et que le système que vous nous proposez soit l’exception. Il aurait fallu réfléchir plus avant au Conseil commun, afin qu’un décret en Conseil d’État définisse son rôle et ses attributions. Il aurait fallu également que la durée du mandat des personnels territoriaux soit portée de quatre à six ans. Ces quelques ajustements auraient permis une convergence entre les élections dans les collectivités territoriales et la durée des mandats. Nous aurions alors pu, je le répète, donner notre aval à ce texte, ou tout au moins nous abstenir lors du vote.
Nous avons reçu les organisations syndicales et je remercie M. Vial de m’avoir donné la possibilité de participer à un grand nombre d’auditions. Pas une seule, hormis l’organisation minoritaire, n’a soutenu le dispositif de l’article 30 ! Cela signifie bien quelque chose !
Madame la ministre, vous avez proposé cet article 30, qui ne concerne pas moins de 230 000 infirmiers, ce qui n’est pas rien ! Un calcul rapide effectué sur la base du sondage de Mme le ministre – sur les 80 % d’infirmiers connaissant la réforme, 60 % en sont satisfaits – le montre bien : pour un infirmier sur deux, la réforme pose problème.
Il eût donc été logique que, s’agissant d’un projet de loi relatif à la concertation avec les syndicats, vous vous impliquiez réellement, car c’est bien cela le dialogue social ! La commission des affaires sociales n’a d'ailleurs été saisie pour avis de ce texte qu’in extremis, la commission des lois ayant commencé seule à l’examiner.
M. Jacques Mahéas. Votre ministère avait certainement commencé à travailler sur la question, mais une lettre rectificative ne constitue pas le cœur d’un projet de loi, elle n’est qu’un ajout. Il s’agit d’une question de méthode.
Ensuite, en déclinant toutes les difficultés liées à la catégorie A, on s’aperçoit qu’il faut procéder à des réajustements pour les 8 000 personnes concernées. S’y ajoutent les difficultés liées à la rémunération au mérite. La méthode est mauvaise !
L’opposition – sans vouloir parler au nom de mes collègues du groupe CRC-SPG – vous proposait de scinder ce texte en deux : il fallait commencer par travailler sur la première proposition, qui nous paraissait amendable quoique discutable. Ensuite, nous aurions abordé la question des retraites, en gardant à l’esprit la volonté affichée par le Président de la République de ne pas passer en force. Or, là, vous faites tout le contraire !